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Chapitre 6 – Discussion

3. Limites de l’étude

3.1 Biais de sélection et d’attrition

Les biais de sélection, dans une étude de cohorte prospective, résultent de la façon dont les sujets constituant l’échantillon ont été sélectionnés au départ parmi la population qui devrait être étudiée. Il y a donc présence de biais de sélection lorsque l’échantillon observé n’est pas représentatif de la population qui devrait être étudiée. De ce fait, si l’exposition aux facteurs de risque étudiés différencie les individus constituant l’échantillon des individus n’ayant pas pris part à l’étude, soit ceux de la population dans laquelle a été constitué ledit échantillon, il y a un biais de sélection. Selon le même principe, le biais d’attrition doit également être pris en considération lors du suivi. Le biais d’attrition désigne une différence systémique entre les groupes de comparaison, quant aux raisons pour lesquelles les sujets sortent de l’étude ou sont perdus de vue en cours de suivi alors que d’autres demeurent dans l’étude. Afin de considérer ces deux types de biais, il est nécessaire de se questionner sur les raisons pour lesquelles les individus qui constituent l’échantillon ont pris part à l’étude ainsi que les

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raisons pour lesquelles certains ont été perdus de vue alors que d’autres sont demeurés dans l’étude. Si des raisons communes sont identifiables, il y a biais de sélection ou d’attrition. Dans le cas de la présente étude, un biais de sélection ou d’attrition serait présent si l’exposition au SSE ou aux CPS au travail différait entre les individus ayant pris part et ceux n’y ayant pas pris part ou entre ceux perdus de vue ou ayant sorti de l’étude en cours de suivi et ceux ayant demeuré dans l’étude.

A. Participation différentielle

La participation différentielle désigne les situations ou des sujets prennent part à une étude sur la base de raisons ou d’intérêts spécifiques communs. Ainsi, les raisons de prendre part à une étude peuvent différer et un tel biais peut donner lieu à une sous-estimation ou une surestimation des effets réels. Dans la présente étude, ce biais pourrait être présent si, par exemple, un groupe de sujets ayant pris part à cette étude concernant les CPS au travail l’avait fait dans le but commun d’apprécier ou de se plaindre des conditions psychosociales dans lesquelles ils exerçaient leur travail.

B. Bonne santé des travailleurs

Le biais de la bonne santé du travailleur est un biais que l’on retrouve spécifiquement dans les études réalisées en milieux de travail et qui conduit généralement à une sous-estimation de l’effet observé. Il désigne une situation dans laquelle les travailleurs en meilleure santé prennent part en plus grande proportion aux études réalisées dans leur milieu de travail. Cette plus grande participation des travailleurs en bonne santé est due au fait que, dans un premier temps, leur état de santé leur permet d’y prendre part. Ensuite, les travailleurs absents du lieu de travail, pour cause de problèmes de santé ou de maladie, lors du recrutement, ne peuvent tout simplement pas prendre part à l’étude. Dans la présente étude, il est possible que les travailleurs en moins bonne santé n’aient pas pris part à l’étude lors du recrutement. Les gens en moins bonne santé ont potentiellement été plus exposés aux CPS au travail que ceux en meilleure santé. Si ces travailleurs en moins bonne santé n’ont pas pris part à l’étude ou ont été perdus de vue lors des suivis, il est fort probable que l’effet des CPS au travail soit sous-estimé puisque les participants restants étaient potentiellement en meilleure santé et donc moins exposés aux CPS au travail. Ce biais de bonne santé du travailleur peut expliquer, en partie, pourquoi nous n’observons aucun effet des CPS au travail.

3.2 Biais d’information

Le biais d’information peut être lié à la mesure de l’information ou au classement de l’information mesurée. Les biais d’information sont des erreurs systémiques qui se produisent lors de la mesure de variables d’intérêt. Ces biais peuvent se produire lorsque les outils utilisés pour collecter les données sont inadéquats, ou inexacts. Ils arrivent parfois lorsque les chercheurs font des erreurs en collectant les données, ou encore lorsque les participants se trompent en fournissant les données demandées. Les biais d’information, qu’ils soient

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différentiels ou non-différentiels, peuvent compromettre la validité externe des résultats. Ces biais sont d’autant plus probables dans les études qui utilisent des mesures autorapportées, puisqu’il est difficile de vérifier l’exactitude des données collectées. Un biais d’information est aussi possible en raison de la période de temps importante écoulée entre la mesure de l’exposition au statut socio-économique et la RA (24 ans plus tard). L’hypothèse sous-jacente est que l’effet d’une exposition initiale à un faible statut socio-économique peut avoir un effet sur la santé cardiovasculaire à un âge plus avancé. Toutefois, un changement de l’exposition durant l’étude est possible, bien que plus probable pour certains indicateurs (revenu) par rapport à d’autres (éducation). Ceci peut avoir conduit à un biais d’information, non-différentiel au regard de l’issue examinée, pouvant avoir mené à une sous-estimation de l’effet réel.

A. Recours à des mesures autorapportées

Les mesures autorapportées font appel à la perception subjective des participants face à leur environnement de travail. Cette subjectivité peut entraîner des erreurs de mesures (biais d’information) si les participants n’ont pas bien compris les questions relatives à ces mesures ou s’ils se sont fait mauvais juges de leur propre situation et ont mal évalué et rapporté leur exposition. Dans le cas de la présente étude, la présence d’une telle situation risquerait d’inclure un biais non différentiel, puisque la probabilité de mauvaise classification est la même pour tous les sujets de tous les groupes. Ce biais non différentiel peut avoir sous-estimé l’influence des CPS au travail dans l’association entre le SSE et la RA.

B. Désirabilité sociale

Il est possible qu’un biais d’information différentiel ait entraîné une sous-estimation de l’effet des CPS au travail puisque les participants exposés à ces contraintes ont pu subir la pression de désirabilité sociale ou avoir peur des représailles. Le biais de désirabilité sociale a également pu rendre les mesures associées aux habitudes de vie moins fidèles. En effet, il est possible que les normes sociales associées aux habitudes de vie influencent les réponses données dans les questionnaires autoadministrés concernant les facteurs potentiels de confusion liés aux habitudes de vie. Toutefois, le fait que les questionnaires soient autoadministrés à l’aide d’instruments validés, réduit considérablement les risques associés à ce biais.

C. Mesure unique et distale du SSE

L'ampleur des inégalités sociales de RA pourrait être sensible à la nature proximale/distale de la mesure du SSE des travailleurs. Le SSE mesuré dans un horizon temporel plus rapproché de la mesure de RA aurait pu être plus fortement associé à la RA, en permettant de saisir avec plus d'exactitude la situation socio-économique actuelle de l'individu. Toutefois, l’utilisation d’une mesure proximale comportait aussi certaines limites. Par exemple, la temporalité entre l’exposition au SSE et la RA aurait été impossible. De la même façon, la temporalité entre le SSE, l’exposition aux CPS au travail et la RA n’aurait pas pu être étudiée.

50 D. Mesure unique de l’exposition aux CPS

Il est possible que l’exposition aux CPS varie dans le temps. Par exemple, des travailleurs initialement exposés à ces contraintes ont pu ne plus y être exposés pendant les années suivantes alors qu’à l’inverse, des travailleurs initialement non exposés à ces contraintes ont pu y être exposés pendant les années suivantes. Ainsi, l’utilisation d’une mesure unique de cette exposition ne tient pas compte de ces potentielles variations. Au moment de faire les analyses, le groupe de travailleurs exposés pouvait inclure des travailleurs non exposés pendant les années suivantes et inversement, le groupe de travailleurs non exposés pouvait contenir des travailleurs qui étaient exposés les années suivantes. Puisque nous avons seulement pris en considération l’exposition initiale plutôt que l’exposition cumulée, il est possible une fois de plus que l’effet de l’exposition aux CPS au travail soit sous-estimé.

E. Mesure unique de la RA

Puisque la RA n’a été mesurée qu’une seule fois, lors de la collecte de données finale, il n’a pas été possible d’analyser sa variation dans le temps. Cette façon de procéder peut ne pas avoir capturé de façon optimale l’effet du SSE et de l’exposition aux CPS au travail sur cette issue de santé. Plusieurs mesures de RA auraient permis de suivre son évolution. Ainsi, il aurait été possible d’évaluer si l’exposition au SSE et l’exposition aux CPS au travail avaient un effet sur l’évolution de la RA, plutôt que seulement comparer la RA selon le SSE ainsi qu’entre les groupes de travailleurs non exposés aux CPS au travail et ceux exposés. Des études futures pourraient utiliser un suivi prospectif de la RA pour bien examiner les facteurs pouvant être associés à la progression de ce marqueur de risque cardiovasculaire.

F. Utilisation d’un seul modèle théorique pour définir les CPS au travail

Le modèle de déséquilibre effort reconnaissance et le modèle de la justice organisationnelle sont deux des modèles théoriques mesurant différemment les CPS au travail [78, 100]. L’utilisation de ces modèles aurait pu

permettre de mesurer la contribution de différentes CPS au travail dont l’effet sur la santé cardiovasculaire est également documenté [100, 101, 102].

G. Catégorisation dichotomique de l’exposition aux CPS au travail

Nous avons d’abord classé les expositions selon la méthode des quatre quadrants, tel que recommandé. Ces quadrants classent les travailleurs comme occupant un poste dans lequel ils sont tendus, détendus, actifs ou passifs. Nous avons ensuite utilisé une exposition dichotomique, comparant la catégorie de travailleurs exposés qui regroupe les travailleurs classés dans le cadrant des tendus, à la catégorie de travailleurs non exposés combinant les travailleurs classés dans les cadrans détendus, passifs et actifs. Cette catégorisation dichotomique de l’exposition aux CPS au travail peut conduire à un biais de classement erroné ayant pu entraîner une sous-estimation de l’influence de l’exposition aux CPS au travail.

51 3.3 Biais de confusion

Les biais de confusion référent aux erreurs qui surviennent généralement lors de l’analyse statistique ou de l’analyse des résultats. Ces erreurs entraînent généralement de l’interférence due à d’autres variables insuffisamment contrôlées dans l’étude et donnent lieu à une mauvaise interprétation des liens entre les différentes variables d’intérêt qui sont étudiées. Dans la présente étude, les principaux facteurs de risque de problèmes de santé cardiovasculaire ont été considérés. D’autres facteurs de risque auraient toutefois pu être considérés, incluant l’activité physique [108]. Les études antérieures ont démontré que les individus ayant un

faible niveau d’activité physique ont une RA plus élevée. Par ailleurs, le risque d’un surajustement pour certaines variables potentiellement intermédiaire est limité. En effet, notre stratégie d’ajustement séquentielle suggère que l’âge est le principal facteur de confusion, puisque l’intégration de cette variable dans le modèle entraine une variation substantielle des mesures d’effet. Toutefois, l’intégration de variables potentiellement intermédiaires (comme les habitudes de vie) n’entraine que peu de variation dans l’amplitude des effets estimés.

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