• Aucun résultat trouvé

L'audit de contenu en architecture d'information : examen de la méthode à travers les écrits d'experts

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "L'audit de contenu en architecture d'information : examen de la méthode à travers les écrits d'experts"

Copied!
272
0
0

Texte intégral

(1)

L’audit de contenu en architecture d’information :

examen de la méthode à travers les écrits d’experts

Thèse

Isabelle Sperano

Doctorat sur mesure en architecture d’information

Philosophiæ Doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

(2)

L’audit de contenu en architecture d’information :

examen de la méthode à travers les écrits d’experts

Thèse

Isabelle Sperano

Sous la direction de :

(3)

iii

Résumé

Depuis une vingtaine d’années, le Web s’est imposé comme média privilégié par une variété d’organisations (instances gouvernementales, entreprises, organismes, etc.) pour transmettre une quantité substantielle d’informations à leurs destinataires. La mise en place adéquate de ces imposantes structures informationnelles dépend, entre autres, de spécialistes de l’information et de la communication de divers champs d’expertise, dont l’architecture d’information (AI). Dans la mesure où l’accès à une information particulière constitue l’objectif principal d’une majorité d’activités de recherche sur le Web, ces spécialistes portent normalement une grande attention au contenu présenté. Pour ce faire, différentes méthodes visant à mieux appréhender le contenu ont vu le jour depuis quelques années. L’audit de contenu est l’une d’elles. Considérée par plusieurs spécialistes comme incontournable, cette méthode experte vise à identifier, à dénombrer, à décrire et à évaluer le contenu d’un site Web ou d’un écosystème informationnel plus vaste en le confrontant à une liste de critères d’analyse (ex. : genre, style, pertinence). La communauté d’AI se heurte actuellement à un déficit de recherche à propos de l’audit de contenu. En effet, rares, voire inexistants, sont les travaux de recherche qui en rendent compte de manière exhaustive. Fort d’une validation plutôt informelle effectuée en grande partie par des praticiens, l’audit de contenu se voit en revanche abondamment décrit et commenté dans une foule d’écrits professionnels. C’est ce qui nous a menée à examiner un corpus d’écrits d’experts abordant l’audit de contenu (ouvrages, publications Web, articles). Cette recherche procède à un examen approfondi de l’audit de contenu comme méthode d’évaluation de l’architecture d’information d’un écosystème informationnel numérique. Plus précisément, cette recherche dresse un portait des publications abordant l’audit de contenu et de leurs auteurs, définit l’audit de contenu, cerne ses principales caractéristiques, fait l’examen des activités et des protocoles d’audit de contenu et, enfin, analyse les critères d’audit de contenu. Les résultats mettent en lumière une importante disparité entre les propos des auteurs des publications du corpus. Que ce soit concernant la dénomination de la méthode, sa définition, ses caractéristiques, ses activités ou ses critères, le discours présenté dans chaque publication du corpus exprime de manière fragmentaire les savoirs disciplinaires à propos de l’audit de contenu. Nous observons aussi que les savoirs relatifs à la méthode ne cernent que partiellement la réalité informationnelle des organisations. En filigrane des écrits relatifs à l’audit de contenu, on constate que le discours actuel à propos de cette méthode est le reflet d’une approche plutôt traditionnelle de l’architecture d’information.

(4)

Abstract

For twenty years, the Web has emerged as the favoured s of communication by a variety of organisations (governments, businesses, organisations, etc.) to deliver a substantial amount of information to their recipients. The proper implementation of these imposing informational structures depends, inter alia, on information and communication specialists in various fields of expertise, including information architecture (IA). Insofar as access to particular information is the main purpose of a majority of research activities on the Web, these specialists should pay special attention to content. To do so, different methods intended to provide a better understanding of content have emerged in recent years. Content audit is one of them. Considered by many specialists as indispensable, this expert method aims to identify, count, describe and evaluate the content of a website by confronting it to a list of analysis criteria (e.g.: genre, style, relevance). The IA community is currently facing a deficit of research about content audit. Indeed, research about this method is rare, if non-existent. Content audit is, however, extensively described and commented in a host of professional writing. This is what led us to examine a corpus of experts’ writing addressing content audit (book, Web documents, articles). Our research aims to carry out a thorough review of content audit as an information architecture evaluation method. Specifically, this research describes publication addressing content audit and their authors, defines content audit and identifies its main features, examines and content audit activities and protocols, and finally analyses content audit criteria. Our results highlight a significant disparity between the authors’ discourse. Whatsoever concerning the description of the method, its definition, its characteristics, its activities, or these criteria, the speech presented in each publication expresses fragmentally the disciplinary knowledge about content audit. We also observe that the current content audit-related knowledge covers only partially the organisations’ informational reality. Finally, we note that the current discourse about the method displays a reflection of a rather traditional information architecture approach.

(5)

v

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Liste des tableaux ... ix

Liste des figures ... xi

Liste des abréviations ... xii

Remerciements ... xiii

Introduction ... 1

Objectifs de recherche ...6

Structure de la thèse ...7

Chapitre 1 – L’architecture d’information comme cadre d’étude de l’audit de contenu ...9

1.1 Évolution de l’AI et courants principaux ... 9

1.1.1 L’AI selon Wurman : la visualisation de l’information ... 9

1.1.2 L’AI « classique » pour l’organisation des sites Web ... 10

1.1.3 L’AI contemporaine : un intérêt pour la globalité de l’écosystème informationnel ... 13

1.2 La pratique professionnelle de l’AI ... 15

1.2.1 Compétences et responsabilités du professionnel de l’architecture d’information ... 15

1.2.2 Périmètre d’intervention de l’AI et disciplines connexes ... 17

1.2.3 Démarche d’AI ... 20

1.2.4 Le professionnel de l’AI dans les organisations ... 22

Chapitre 2 – Théories et fondements de l’architecture d’information ... 25

2.1 Approches, cadres et théories pour l’étude de l’AI ... 25

2.1.1 L’information : un concept complexe à cerner ... 26

2.1.2 Un champ ancré dans le paradigme Human-Information Interaction ... 28

2.1.3 La systémique comme approche fondamentale ... 30

2.1.4 Mise de l’avant des comportements informationnels ... 32

2.2 L’information dans un écosystème informationnel numérique ... 37

2.2.1 Contenu numérique ... 37

2.2.2 Structure et organisation de l’information ... 40

2.2.3 Interaction, navigation et accès à l’information ... 46

2.2.4 Flux informationnel et éditorialisation ... 48

Chapitre 3 – Description et évaluation de l’architecture d’information ... 51

3.1 Description et représentation de l’AI ... 51

3.1.1 Le langage comme socle fondamental d’une discipline ... 51

3.1.2 La représentation de l’AI ... 52

3.1.3 Les modes de description et de représentation du contenu en AI ... 53

(6)

3.2 Évaluation de l’AI ... 57

3.2.1 Caractéristiques de l’évaluation de l’AI ... 57

3.2.2 Des méthodes pour évaluer ... 58

3.2.3 Règles, heuristiques et listes de contrôle en AI ... 60

3.2.4 Défis de l’évaluation en AI ... 63

Chapitre 4 – L’audit ... 65

4.1 Définitions et caractéristiques d’un audit ... 65

4.2 L’audit selon ISO ... 66

4.2.1 Vocabulaire de l’audit ... 66

4.2.2 Protocole d’audit ... 67

4.2.3 Expertise de l’auditeur ... 69

4.3 Audit ergonomique ... 71

4.3.1 Principes, règles et heuristiques ... 71

4.3.2 Réalisation d’un audit ergonomique ... 72

4.4 Audit informationnel ... 74

4.4.1 Des objectifs centrés sur l’amélioration de l’information au sein d’une organisation ... 74

4.4.2 Avantages d’un audit informationnel ... 75

4.4.3 Territoire d’investigation de l’audit informationnel... 75

4.4.4 Activités d’audit ... 76

Chapitre 5 – Méthodologie ... 78

5.1 Contexte de la recherche en AI ... 78

5.1.1 Un champ en besoin de recherche ... 78

5.1.2 La pratique professionnelle comme voie de recherche ... 79

5.2 Stratégie de vérification des objectifs : analyse d’un corpus de publications ... 80

5.3 Élaboration du corpus ... 83

5.3.1 Sélection des publications ... 83

5.3.2 Composition du corpus ... 92

5.3.3 Gestion des contenus du corpus ... 92

5.4 Variables, codage et analyse ... 94

5.4.1 Définition des variables ... 95

5.4.2 Codage et analyse du corpus ... 95

Chapitre 6 – Portrait des publications et des auteurs... 98

6.1 Publications ... 98

6.1.1 Années de publication ... 98

6.1.2 Provenance des publications ... 100

6.1.3 Ampleur de traitement de l’audit de contenu ... 101

6.1.4 Particularités des documents Web ... 104

6.1.5 Références à propos de l’audit de contenu ... 105

6.2 Auteurs ... 107

6.2.1 Portrait général des auteurs... 108

6.2.2 Statuts professionnels des auteurs ... 109

6.2.3 Champs d’expertise des auteurs ... 110

6.3 Auteurs et publications clés ... 113

6.4 Constats et conclusions ... 114

Chapitre 7 – Caractéristiques principales de l’audit de contenu... 116

(7)

vii

7.1.1 Définition de l’audit de contenu ... 116

7.1.2 Désignation de la méthode ... 118

7.1.3 Typologie des audits de contenu ... 122

7.2 Caractéristiques de la méthode et contexte d’utilisation ... 129

7.2.1 Événements déclencheurs d’un audit de contenu ... 129

7.2.2 Positionnement de l’audit de contenu dans les activités d’AI ... 131

7.2.3 Objectifs d’un audit de contenu ... 134

7.2.4 Territoire d’investigation de l’audit de contenu ... 137

7.2.5 Audit de contenu et autres méthodes d’AI ... 142

7.2.6 Défis et difficultés de l’audit ... 145

7.3 Compétences, expertises et caractéristiques des auditeurs ... 149

7.3.1 Champs d’expertise de l’auditeur ... 149

7.3.2 Auditeur dans l’organisation ou consultant ... 153

7.3.3 Degré d’expertise nécessaire ... 155

7.3.4 Nombre d’auditeurs ... 156

7.4 Constats et conclusions ... 157

Chapitre 8 – Protocoles et activités d’audit ... 159

8.1 Activités d’audit de contenu ... 159

8.1.1 Recension des activités d’audit ... 159

8.1.2 Explicitation des activités d’audit de contenu ... 162

8.2 Protocoles d’audit de contenu ... 178

8.2.1 Traitement des activités et des protocoles d’audit à travers le corpus ... 178

8.2.2 Comparaison et analyse des protocoles d’audit ... 179

8.3 Constats et conclusions ... 187

Chapitre 9 – Critères d’audit ... 189

9.1 Recension des critères ... 189

9.1.1 Mode de présentation des critères à travers le corpus ... 189

9.1.2 Nombre de critères par publication ... 191

9.1.3 Nombre de critères distincts... 192

9.1.4 Critères les plus fréquents ... 193

9.2 Catégorisation des critères ... 194

9.2.1 Utilisateur ... 197 9.2.2 Contenu : microstructure ... 198 9.2.3 Contenu : macrostructure ... 201 9.2.4 Contenu : interstructure ... 203 9.2.5 Contenu : suprastructure ... 204 9.2.6 Contenu : exostructure ... 205

9.2.7 Organisation (entreprise, organisme, etc.) ... 205

9.2.8 Auditeur ... 208

9.2.9 Technologie ... 208

9.2.10 Divers ... 209

9.3 Désignation et description des critères ... 209

9.3.1 Désignation des critères ... 209

9.3.2 Description des critères ... 212

9.4 Constats et conclusions ... 218

Conclusion ... 222

(8)

Annexe 1 – Légende des diagrammes de flux ... 237

Annexe 2 – Publications ... 238

Annexe 3 – Auteurs ... 248

Annexe 4 – Références ... 252

(9)

ix

Liste des tableaux

Tableau 1 – Composantes de la systémique ... 30

Tableau 2 – Paramètres influençant les comportements informationnels ... 33

Tableau 3 – Liste de canaux informationnels ... 44

Tableau 4 – Modes de description et de représentation de l’AI ... 54

Tableau 5 – Méthodes d’évaluation de l’AI ... 59

Tableau 6 – Principes d’architecture d’information de Brown ... 60

Tableau 7 – Heuristiques d’architecture d’information pour des systèmes à canaux multiples de Resmini et Rosati (2011b) ... 61

Tableau 8 – Liste de contrôle de Downey et Banerjee (2010) ... 62

Tableau 9 – Terminologie d’audit ISO 19011 (2011) ... 66

Tableau 10 – Gestion d’un programme d’audit (ISO 19011 2011) ... 67

Tableau 11 – Activités d’audit (ISO 19011 2011) ... 68

Tableau 12 – Qualités personnelles d’un auditeur (ISO 19011 2011) ... 70

Tableau 13 – Listes de règles, de principes et d’heuristiques pour un audit ergonomique... 71

Tableau 14 – Sites Web dont plus d’une publication figure dans le corpus ... 104

Tableau 15 – Nombre de références (abordant l’audit de contenu) citées par publication ... 105

Tableau 16 – Publications citant plus de 10 références à propos de l’audit de contenu ... 106

Tableau 17 – Publications citées dans plus de cinq publications ... 107

Tableau 18 – Auteurs de plus d’une publication du corpus ... 108

Tableau 19 – Auteurs principaux et publications clés ... 114

Tableau 20 – Échantillon des définitions de l’audit de contenu ... 116

Tableau 21 – Typologie des audits de contenu ... 122

Tableau 22 – Objectifs potentiels de la conduite d’un audit de contenu ... 135

Tableau 23 – Réseaux sociaux identifiés dans le corpus ... 142

Tableau 24 – L’audit de contenu et les autres méthodes d’AI ... 143

Tableau 25 – Difficultés de l’audit ... 146

Tableau 26 – Champs d’expertise responsables de l’audit de contenu ... 150

Tableau 27 – Expert de l’organisation (interne) ou consultant (externe) ... 154

Tableau 28 – Auditeur seul ou équipe d’audit ... 156

Tableau 29 – Liste des activités d’audit ... 160

Tableau 30 – Outils proposés pour soutenir la réalisation de l’audit de contenu ... 163

Tableau 31 – Taille de l’échantillon de contenus à sélectionner selon le nombre de pages ... 168

(10)

Tableau 33 – Publications du corpus présentant des étapes de réalisation de l’audit de contenu ... 179

Tableau 34 – Protocole synthèse et comparaison des protocoles d’audit de contenu. ... 180

Tableau 35 – Nombre de publications dans lesquelles chaque critère est identifié ... 192

Tableau 36 – Critères soulevés dans plus de 20 publications du corpus ... 194

Tableau 37 – Catégorisation thématique et nombre de critères ... 195

Tableau 38 – Critères les plus fréquents : utilisateur... 197

Tableau 39 – Critères les plus fréquents : microstructure ... 198

Tableau 40 – Critères les plus fréquents : macrostructure ... 201

Tableau 41 – Critères relatifs à la gestion du contenu ... 201

Tableau 42 – Critères les plus fréquents : interstructure ... 203

Tableau 43 – Critères : exostructure ... 205

Tableau 44 – Critères les plus fréquents : organisation/entreprise ... 205

Tableau 45 – Critères relatifs à la gestion du contenu ... 206

Tableau 46 – Critères : auditeur ... 208

Tableau 47 – Critères : technologie ... 208

Tableau 48 – Critères : divers ... 209

(11)

xi

Liste des figures

Figure 1 – Exemple d’une section de grille d’audit de contenu ... 4

Figure 2 – Cadre de Morville et Rosenfeld (2006) (adaptation) ... 12

Figure 3 – Modèle en T de l’expérience utilisateur (User Experience Design ou UXD) (Boersma 2004) ... 18

Figure 4 – Modes de recherche d’information de Bates (2002) (adaptation) ... 35

Figure 5 – Représentation de la microstructure Web (Sperano 2015) ... 41

Figure 6 – Représentation de la macrostructure Web (Sperano 2015) ... 42

Figure 7 – Représentation de l’interstructure (Sperano 2015) ... 43

Figure 8 – Représentation de la suprastructure ... 45

Figure 9 – Démarche de repérage des ouvrages ... 84

Figure 10 – Sélection des publications pertinentes ... 87

Figure 11 – Démarche de recherche des publications à partir d’éléments cités dans le corpus ... 90

Figure 12 – Nombre de publications en fonction des années de publication ... 99

Figure 13 – Nombre de publications en fonction de leur provenance (pays) ... 100

Figure 14 – Nombre de mots par publication ... 101

Figure 15 – Nombre de mots par publication (agrandissement de la figure précédente) ... 102

Figure 16 – Publications de plus de 2000 mots (environ 4 pages) ... 103

Figure 17 – Statuts professionnels des auteurs figurant dans le corpus ... 110

Figure 18 – Portrait des champs d’expertise des auteurs ... 111

Figure 19 – Champs d’expertise les plus populaires en fonction des auteurs ... 112

Figure 20 – Désignation de la méthode en fonction des années ... 119

Figure 21 – Traitement des dispositifs d’accès dans les publications en fonction des années ... 138

Figure 22 – Web et autres canaux informationnels dans les publications en fonction des années ... 139

Figure 23 – Canaux informationnels les plus populaires et publications ... 140

Figure 24 – Exemple de grille d’audit de LEI13O ... 190

Figure 25 – Nombre de critères distincts par publication ... 191

Figure 26 – Visualisation de la catégorisation thématique et du nombre de critères ... 196

Figure 27 – Grille d’audit de NICW ... 214

(12)

Liste des abréviations

AI

Architecture d’information

IA Information architecture

IHI

Interaction humain-information

HII Human-Information Interaction

IHM Interaction humain-machine

HCI Human-Computer Interaction

ROT Redondant, Obsolète, Trivial

ROT Redondant, Obsolete, Trivial

SGC Système de gestion de contenu

CMS Content management system

UX

Expérience utilisateur

(13)

xiii

Remerciements

Mes remerciements s’adressent tout d’abord à Éric Kavanagh, mon directeur de recherche pour son accompagnement pendant toutes ces années. Son haut niveau d’expertise, son esprit vif et ses analyses fines m’ont beaucoup appris. Je le remercie aussi infiniment pour sa grande disponibilité et pour le support qu’il a su m’apporter tout au long de cette démarche de recherche. Merci de m’avoir guidée, encouragée et conseillée avec autant de passion.

Je tiens aussi à remercier ma collègue Jacynthe Roberge pour ses conseils et ses encouragements.

Sur le plan personnel, je ne pourrai jamais assez remercier mon conjoint Michaël Casajus, pour sa compréhension et son écoute. Je le remercie aussi grandement pour la relecture de cette thèse.

L’aide financière constitue aussi une forme de soutien non négligeable. Ainsi, je tiens à remercier le SCCCUL (Syndicat des chargées et des chargés de cours de l’Université Laval) pour les fonds de perfectionnement qui m’ont donné la liberté financière nécessaire me permettant de me consacrer à mes travaux de recherche.

Un grand merci à tous ceux qui m’ont soutenue et encouragée de près ou de loin, particulièrement Mélanie Lavigne, mes parents, ma sœur et mes amis.

(14)

Introduction

L’information construit la pensée, définit la réalité. À la fois savoir, processus et objet, on la recherche, la sélectionne, la décode, la structure, la transmet. Elle renseigne et trompe ; fait parfois rire et parfois pleurer. Qu’importe sa forme, elle joue un rôle indispensable dans la globalité des sphères de la vie humaine (Marchionini 2010). L’humain, qu’il ait pour but de s’engager dans une démarche de prise de décision complexe, d’en apprendre davantage sur une réalité nouvelle ou tout simplement de se divertir, se lance constamment – consciemment ou non – à la recherche d’information pour répondre à une variété de besoins couvrant un large spectre, s’étendant du désir passager à l’impératif de survie (Case 2012). La démarche de résolution de ses besoins informationnels l’entraîne à consulter des informations issues de sources variées (livres, journaux, amis, professeurs, etc.). Parmi ces sources figurent les documents numériques, qui se sont imposés, depuis quelques années, comme mode d’accès dominant à une vaste quantité d’informations.

***

Depuis l’avènement du Web, l’information est désormais plus directement et librement accessible que jamais (Blandford et Attfield 2010; Gleick 2012). En effet, depuis une vingtaine d’années, un nombre grandissant d’organisations de types variés (entreprises, organismes, gouvernements, etc.) préconise le Web pour la transmission d’informations et de services à leurs destinataires (clients, citoyens, usagers, etc.). Pensons notamment aux divers paliers de gouvernements qui privilégient le Web pour diffuser un nombre grandissant d’informations en ligne (ex. : accès à un dossier personnel grâce au service d’authentification clicSÉQUR) (Gautrin 2004) ou aux bibliothèques qui donnent accès, via leurs sites Web, à une quantité imposante de documents numériques (ex. : Bibliothèque et archives nationales du Québec [BAnQ] offre à ce jour plus de 70 000 livres numériques (BAnQ 2015)). Depuis déjà plusieurs années, on assiste, de surcroît, au rôle grandissant d’autres canaux d’accès à l’information numérique (Facebook, Twitter, applications mobiles, etc.), lesquels se greffent aux sites Web des organisations. Par le fait de cette convergence numérique, une transformation du statut de l’information numérique s’opère, la positionnant désormais au cœur de la résolution d’une quantité significative de quêtes informationnelles (Broudoux, Chartron, et Chaudiron 2013).

(15)

2

L’architecture d’information et la mise en place d’un écosystème informationnel

Cette réalité inédite requiert inévitablement la mise en place de véritables écosystèmes informationnels. L’instauration adéquate de ces structures numériques complexes d’envergure est tributaire de l’expertise d’une foule d’acteurs détenant une variété de savoirs et de compétences. Non seulement des experts technologiques, marketing et administratifs, mais aussi des spécialistes de l’information et de la communication (rédaction professionnelle, design graphique, d’information et d’interface, etc.), qui contribuent à rendre l’information d’un site Web – ou d’un écosystème informationnel numérique plus étendu – plus facilement accessible, compréhensible, utilisable et manipulable.

On octroie habituellement la responsabilité de structurer, de catégoriser, de déployer et de gérer l’information à travers un environnement numérique à un champ d’expertise particulier : l’architecture d’information (AI). L’AI est une expertise et un champ d’études relativement récent (une vingtaine d’années) issus des sciences de l’information, précisément née de ce besoin d’organiser l’information dans des sites Web de grande ampleur (Morville et Rosenfeld 2006; Resmini et Rosati 2011b; Spencer 2010). Ses activités sont prescrites non seulement par les objectifs de l’organisation, mais aussi – et surtout – par les caractéristiques, les comportements et les besoins informationnels des destinataires (Wodtke et Govella 2009). Par la mise en place de multiples stratégies d’organisation, ainsi que de divers mécanismes de navigation, le responsable de l’AI guide l’utilisateur tout au long de son parcours à travers un écosystème numérique jusqu’à la résolution de sa quête informationnelle.

Le rôle du professionnel de l’AI consiste notamment à évaluer la qualité de structures informationnelles, à concevoir des menus, à rédiger des libellés et à regrouper des contenus en catégories. Or, la portée de ses interventions sur les utilisateurs des environnements informationnels qu’il conçoit excède ces tâches professionnelles concrètes. L’influence des actions et des décisions du responsable de l’AI s’étend en effet sur un large spectre qui diffère selon les mandats. Par moments, il se préoccupe de la simplification et de la résolution de tâches courantes telles que l’achat d’un livre, d’un vêtement ou d’un meuble en ligne. À d’autres moments, il joue un rôle critique dans des situations fort délicates de la plus haute importance. Pensons notamment au cas d’un médecin effectuant une recherche dans des bases de données scientifiques quant à l’approche à mettre de l’avant en vue du traitement d’une affection grave préalablement à la visite de son patient. Ou encore à une famille de migrants tentant d’obtenir le statut de réfugiés au Canada en suivant une procédure en ligne. La qualité du travail du professionnel de l’AI exercera une influence potentiellement cruciale quant à l’issue de ces délicates situations, ce qui lui confère une lourde responsabilité à assumer sérieusement (Dillon 2002). Défenseur des besoins informationnels de l’utilisateur, il agit comme soutien à l’accès, à la

(16)

compréhension et à l’utilisation de l’information. Ses décisions auront des impacts communicationnels, certes, mais aussi économiques, politiques et éthiques.

L’évaluation de l’AI : un enjeu de taille

Antérieurement à l’avènement du Web, seuls de rares experts (spécialistes en sciences de l’information, chercheurs universitaires, journalistes, etc.) avaient accès à d’aussi grandes quantités de données (Dinet et Tricot 2008). De nos jours, presque quiconque possédant une connexion Internet a le potentiel de le faire. Cette nouvelle réalité « décloisonn[e], modifie les pratiques informationnelles en banalisant l’accès aux dispositifs de médiation » (Chaudiron et Ihadjadene 2010 : 14). Toutefois, avec l’ampleur de l’information offerte se dessinent d’imposantes structures dont la consultation devient rapidement fort laborieuse (Morville et Rosenfeld 2006). L’utilisateur, souvent non spécialiste des contenus recherchés, navigue dans des systèmes informationnels de taille de plus en plus imposante, à travers des structures fréquemment mal constituées et incohérentes. Sentiment de confusion, désorientation, impression de surcharge cognitive : ces problèmes fréquents, associés à des faiblesses relatives à l’architecture d’information, nuisent aux utilisateurs, lesquels peinent à repérer l’information qu’ils cherchent, puis à la comprendre et à l’utiliser (Galitz 2007; Kalbach 2007; Marcoux et Rizkallah 2013; Nielsen 2009). Sur le Web, les problèmes d’AI constitueraient d’ailleurs la plus grande cause d’échec de la résolution de quêtes informationnelles (Nielsen 2009).

À ce jour, les professionnels de l’AI peinent à cerner clairement les causes de ces désagréables expériences, à identifier précisément les lacunes responsables de ces trop fréquentes situations problématiques. C’est que l’on compte actuellement peu de moyens de décrire l’AI, d’en relever les principales caractéristiques, d’en mesurer les effets et, conséquemment, d’en évaluer la qualité (Garrett 2009; Hinton 2014). Des méthodes visant à évaluer l’AI ont certes été mises de l’avant avec l’avènement de ce champ d’expertise (tri de cartes, Speeded sentence verification, navigation stress test, etc.). Si elles comportent des intérêts certains, ces quelques modalités diagnostiques ne cernent toutefois qu’une fraction des composantes et des aspects du périmètre d’intervention de l’AI. Avec la complexification des écosystèmes informationnels et l’accent désormais porté davantage sur l’information – le contenu – que sur le canal de diffusion émergent des méthodes visant à mieux appréhender, décrire et évaluer l’AI en tenant compte de ces réalités nouvelles (matrice de contenu, audit de contenu, calendrier éditorial, etc.) (Abel et Bailie 2014). Si elles comportent toutes des avantages certains, l’audit de contenu constitue l’une des principales méthodes actuellement privilégiées par les professionnels de l’AI (Halvorson et Rach 2012; Kissane 2011; Land 2014; Spencer 2013).

(17)

4

L’audit de contenu pour évaluer l’architecture d’information

L’audit de contenu est une méthode d’évaluation du contenu d’un site Web ou d’un écosystème informationnel plus vaste (réseaux sociaux, applications, infolettre, etc.). Elle rend possible l’identification, le dénombrement, la description et surtout l’évaluation de chaque élément de contenu et de ses caractéristiques respectives (C. Jones 2010; Land 2014; B. Martin et Hanington 2012). Concrètement, cette méthode consiste à confronter chaque contenu – chaque « page » dans le cas d’un site Web – à une liste de critères d’évaluation sélectionnés par l’auditeur. Tout au long de son examen diagnostique, l’auditeur note ses observations et consigne ses constatations dans une grille (Figure 1).

Figure 1 – Exemple d’une section de grille d’audit de contenu

Conduit adéquatement et avec rigueur, l’audit de contenu constituerait un outil indispensable à la révision ou à la conception d’un écosystème informationnel (Bloomstein 2012; Pernice 2015). Cette méthode d’analyse rétrospective du contenu et de la structure informationnelle non seulement permettrait de cerner l’étendue et l’ampleur d’un écosystème informationnel, mais contribuerait aussi à engager des discussions et à susciter des débats entre les différents acteurs d’un projet numérique. Cet examen approfondi rendrait possible l’identification de lacunes à corriger (ex. : redondance du contenu, faible qualité rédactionnelle, manque d’actualisation, faiblesses structurelles) et révélerait corrélativement l’ampleur des problèmes à résoudre (Halvorson et Rach 2012; Land 2014). En outre, l’audit de contenu rendrait possible l’anticipation de certains problèmes (contenus jugés trop sensibles, lesquels ne devraient pas apparaître sur le Web, faiblesses dans la chaîne éditoriale, etc.) (Halvorson et Rach 2012). De par sa capacité à mettre en lumière différents paramètres du contenu sinon imperceptibles au concepteur, et ce, dès le début d’un projet d’AI, l’audit de contenu influencerait grandement, selon plusieurs auteurs (Halvorson et Rach 2012; Kissane 2011; Spencer 2010), la réussite des étapes subséquentes d’une démarche d’AI (organisation de l’information, conception de la navigation, etc.).

(18)

L’audit de contenu confronté à de multiples défis

Or, la communauté d’AI se heurte actuellement à un déficit de recherche à propos de l’audit de contenu. En effet, rares, voire inexistants, sont les travaux de recherche qui en rendent compte1. Fort d’une validation plutôt informelle effectuée en grande partie par des praticiens, l’audit de contenu se voit en revanche abondamment décrit et commenté dans une foule d’écrits professionnels. Ces publications peuvent constituer un riche terreau informationnel pour entamer une réflexion plus formalisée à propos de cette méthode. C’est ce qui mène à nous pencher, dans le cadre de cette thèse, sur les nombreux écrits d’experts abordant l’audit de contenu afin d’identifier et de structurer les savoirs concernant cette méthode.

(19)

6

Objectifs de recherche

Le développement du Web, caractérisé par un fort dynamisme et des changements rapides, introduit des défis inédits dans la structuration de l’information au sein des organisations (Burford 2011). En dépit de l’existence de l’AI depuis une vingtaine d’années et l’expansion de sa communauté de pratique, il existe à ce jour peu de recherches dans ce champ disciplinaire (A. Martin, Dmitriev, et Akeroyd 2010). L’utilisation adéquate de méthodes propres à une discipline avec un certain degré de formalisation contribue à l’établissement d’une expertise (B. Martin et Hanington 2012). Partant de cette prémisse, nous nous penchons plus particulièrement sur l’une d’elles : l’audit de contenu. Privilégié pour décrire et évaluer de l’information sur le Web et dans des écosystèmes informationnels numériques, l’audit de contenu constituerait un atout indéniable pour le professionnel de l’AI. Or, l’état lacunaire de la recherche autorise difficilement à porter un jugement informé sur cette méthode.

Ouvrir la voie de la recherche à propos de l’audit de contenu demande l’établissement d’une base de connaissances, d’un état des savoirs actuels relatifs à cette méthode. Concrètement, un besoin d’inventorier, de formaliser les savoirs actuels, d’établir le socle de connaissances fondamentales relatif à l’audit de contenu constitue le point d’entrée vers l’étude de cette méthode. Cette recherche vise à procéder à un examen approfondi de l’audit de contenu comme méthode d’évaluation de l’architecture d’information d’un écosystème informationnel numérique, c’est-à-dire à :

1. Dresser un portait des publications abordant l’audit de contenu et de leurs auteurs. 2. Définir l’audit de contenu et cerner ses principales caractéristiques.

3. Inventorier, analyser et présenter les activités ainsi que les protocoles d’audit de contenu. 4. Recenser, catégoriser et analyser les critères d’audit selon une perspective d’architecture

d’information.

Les objectifs proposés visent à favoriser une meilleure compréhension de la méthode, de même qu’à contribuer à l’évolution de la pratique et de l’étude de l’audit de contenu, en présentant un bilan, un examen des connaissances à propos de cette méthode. La présente étude vise aussi à identifier les principales faiblesses relatives au discours actuel et à proposer des pistes en vue de la formalisation, de l’évolution, du développement de la méthode dans un contexte d’AI.

(20)

Structure de la thèse

Chapitre 1 – L’architecture d’information comme cadre d’étude de l’audit de contenu. Il sera

d’abord question des principaux courants du champ de l’architecture d’information. Seront ensuite abordées les principales caractéristiques de la pratique professionnelle de l’AI.

Chapitre 2 – Théories et fondements de l’architecture d’information. Les approches, cadres et

théories centrales à l’AI, nécessaires à la compréhension fine de l’audit de contenu, seront d’abord mises de l’avant dans ce chapitre. Puis, le concept d’information dans un contexte d’architecture d’information sera explicité.

Chapitre 3 – Description et évaluation de l’architecture d’information. Les notions de

représentation, de description et d’évaluation des contenus en AI seront présentées. Parallèlement, nous exposerons les principales méthodes visant à décrire et à évaluer l’AI.

Chapitre 4 – L’audit. Dans ce chapitre, nous examinerons les composantes communes à tout type

d’audit, puis aborderons plus particulièrement l’audit ergonomique et l’audit informationnel, deux audits partageant de multiples caractéristiques avec l’audit de contenu.

Chapitre 5 – Méthodologie. Ce chapitre est consacré à la méthodologie mise en place en vue de

l’atteinte des objectifs de recherche. Les grandes étapes de la démarche de recherche effectuée y seront présentées.

Chapitre 6 – Portrait des publications et des auteurs. Dans cette première partie des résultats, nous

proposerons d’abord un portrait des publications du corpus. La provenance et la langue des publications du corpus, ainsi que l’ampleur du traitement de l’audit de contenu dans les publications seront décrites. Nous traiterons ensuite des auteurs des publications du corpus, notamment de leur expertise et de leur statut professionnel.

Chapitre 7 – Caractéristiques principales de l’audit de contenu. Dans ce chapitre, nous

présenterons différentes définitions de l’audit de contenu et décrirons les principales caractéristiques de la méthode. Nous nous pencherons par la suite sur les expertises ainsi que sur les compétences de l’auditeur.

(21)

8

Chapitre 8 – Protocoles et activités d’audit. Dans un premier temps, ce chapitre présentera les

différentes activités d’audit relevées à travers le corpus. Cette recension fournira le socle nécessaire à l’étude comparative des différents protocoles d’audit proposés à travers le corpus dans lesquels les activités d’audit sont enchâssées.

Chapitre 9 – Critères d’audit. Dans le dernier chapitre, nous nous pencherons sur les critères d’audit

de contenu. Nous entamerons ce chapitre par la recension des critères d’audit relevés à travers le corpus. Par la suite, nous présenterons une analyse des critères en fonction des composantes et des cadres d’AI. Pour terminer, nous nous pencherons sur la désignation et la description des critères.

(22)

Chapitre 1 – L’architecture d’information comme cadre d’étude de l’audit de contenu

Étudier l’audit de contenu à travers le prisme de l’architecture d’information demande d’introduire d’abord les approches dominantes dans la pratique et dans l’étude de l’AI, puis d’aborder les principales caractéristiques de la pratique professionnelle de ce champ d’expertise.

1.1 Évolution de l’AI et courants principaux

L’architecture d’information est un champ d’études et de pratique relativement jeune encore en quête d’une définition claire. À ce jour, maints auteurs ont proposé leur définition de l’AI et, quoiqu’on en ait abondamment discuté et débattu, aucune d’entre elles ne fait actuellement l’unanimité dans la communauté d’AI (Jacob et Loehrlein 2009; Resmini et Rosati 2011b; Rosenfeld, Morville, et Arango 2015)2. On peut tout de même dégager trois principaux courants – ou plutôt trois phases – qui définissent le développement de ce champ3, que nous explicitons dans cette section : l’approche de Wurman, l’approche d’AI dite « classique » et l’approche plus contemporaine ayant cours à l’heure actuelle.

1.1.1 L’AI selon Wurman : la visualisation de l’information

Le terme architecture d’information est introduit pour la première fois dans les années 1970 par Richard Saul Wurman, architecte et designer (Morrogh 2003). Wurman (1997) définit l’architecte d’information ainsi :

a. the individual who organizes the patterns inherent in data, making the complex clear;

b. a person who creates the structure or map of information which allows others to find their personal paths to knowledge;

c. the emerging 21st century professional occupation addressing the needs of the age focused upon clarity, human understanding, and the science of the organization of information.

(Wurman 1997 : deuxième de couverture)

Dans sa définition, Wurman dépeint l’architecture d’information notamment comme un champ d’expertise inédit au sein duquel les professionnels se consacrent à l’organisation et à la structuration de l’information dans l’objectif d’en faciliter l’accès, l’usage et la compréhension. Reflet de l’époque, cette

2 La communauté d’AI consacre d’ailleurs un temps et une énergie considérables à cette tâche (Resmini, Byström, et Madsen

2009). Le phénomène est si marqué et perdure depuis tellement longtemps – au moins depuis son avènement vers la fin des années 1990 –, que la communauté d’AI a baptisé ce phénomène « DTDT » (Defining the damn thing).

3 L’expression architecture d’information est aussi en usage dans le domaine de l’informatique où le champ consiste surtout à

concevoir l’arrière-plan du système (back-end) tel que la gestion et l’organisation des bases de données (Fenn et Hobbs 2014; Sarvanan 2012). Le professionnel de l’AI agit plutôt alors à titre d’expert-système ou d’informaticien. L’approche d’architecture d’information présentée dans cette thèse, s’intéresse, quant à elle, avant tout à la partie frontale d’un système (front-end) ou, en d’autres termes, à la partie visible par l’utilisateur.

(23)

10

approche de l’AI se penche plutôt sur l’organisation et la structuration de contenus statiques (ex. : cartes géographiques, graphiques d’information) que sur la mise en place de systèmes d’information dynamiques tel le Web (Fenn et Hobbs 2014; Morville 2003). Cette conception relève maintenant plutôt des champs de la visualisation de l’information et du design d’information que de l’AI. L’approche de Wurman constitue néanmoins un cadre de base et une source d’inspiration majeure pour l’établissement des courants d’AI qui lui succèdent (Resmini et Rosati 2011a) et se voit toujours largement citée et commentée dans la communauté de l’AI.

1.1.2 L’AI « classique » pour l’organisation des sites Web

Parallèlement à l’avènement du Web, un deuxième courant issu des sciences de l’information (Library

and Information Science, en anglais) émerge vers la fin des années 1990. Instauré par Peter Morville et

Louis Rosenfeld et essentiellement présenté dans l’ouvrage intitulé Information Architecture for the World

Wide Web – ayant fait figure d’autorité quasi suprême en AI pendant plusieurs années –, c’est ce courant

qui met réellement de l’avant le concept d’architecture d’information tel que nous le connaissons aujourd’hui4. L’approche des sciences de l’information, aussi appelée approche classique, préconise les connaissances et les techniques traditionnellement en usage en sciences de l’information et plus précisément en bibliothéconomie pour l’organisation d’un site Web. Dans un entretien avec Carliner (2008), Rosenfeld expliquait la nécessité de créer ce champ professionnel :

I was convinced that the detritus of the information explosion would require structure, organization, and labelling to provide any real value to users. I knew that the principles of librarianship, if ported to non-library settings, could at least partially meet this challenge. (Carliner 2008 : 102)

Dans leur ouvrage (Information Architecture for the World Wide Web, introduit plus haut), Morville et Rosenfeld (2006) décrivent l’architecture d’information comme suit :

1. The structural design of shared information environments.

2. The combination of organization, labeling, search, and navigation systems within Web sites and intranets.

3. The art and science of shaping information products and experiences to support usability and findability.

4. An emerging discipline and community of practice focused on bringing principles of design and architecture to the digital landscape.

(Morville et Rosenfeld 2006 : 27)

Selon les adeptes de ce courant, le responsable de l’architecture d’information se charge de l’amélioration et de la conception de sites Web, relativement à quatre composantes principales : l’organisation (regroupement et catégorisation du contenu), la navigation (passage d’une page à une

4 Si le terme est inventé et introduit par un architecte (Wurman), on l’associe davantage aux sciences de l’information et à

(24)

autre), la recherche (moteur de recherche interne au site) et le catalogage (dénomination des sections, des catégories et des liens) (Davis 2012a; Morville et Rosenfeld 2006). Si leur définition n’exclut pas les autres types d’environnements informationnels, elle met toutefois explicitement l’accent sur l’organisation, la labellisation, la recherche et la navigation dans des sites Web et des intranets.

Si leur définition semble largement adoptée par la communauté d’AI et mise de l’avant dans nombre d’écrits (Davis 2012a; Fling 2009; King 2008; Klimczak 2013) – dont le site Web de l’Information Architecture Institute (Information Architecture Institute 2013) –, plusieurs auteurs proposent aussi leur propre définition. Erlin et Yunus (2008) ont d’ailleurs analysé 11 définitions (incluant celle de Morville et Rosenfeld) parues entre les années 1989 et 20085. Ces chercheurs ont identifié les ressemblances et les différences entre chacune d’elles. À défaut d’un réel consensus, un ensemble de convergences paraît toutefois se dessiner. Selon leurs résultats, la majorité des définitions incluent les trois composantes suivantes :

1. organisation de l’information

2. conception de la structure informationnelle 3. gestion de l’information.

La rédaction des libellés, la facilité à repérer de l’information (repérabilité ou findability, en anglais) ainsi que l’utilisabilité figurent aussi au cœur de plusieurs définitions (Erlin et Yunus 2008). La prise en compte du flux informationnel (mouvements des contenus à travers le système) est aussi mise de l’avant dans quelques définitions. De même, le positionnement de l’utilisateur au centre de la démarche d’AI (Broudoux et al. 2013) constitue une caractéristique partagée par la majorité.

Une place centrale accordée à l’utilisateur

L’AI accorde un rôle de premier plan aux utilisateurs d’un site Web dans chacune des activités du champ d’expertise. L’adoption d’une telle posture inscrit l’AI dans une approche dite centrée sur

l’utilisateur, approche prépondérante dans plusieurs professions liées au Web et aux communications

numériques. Cette approche, laquelle prend de l’ampleur en interaction humain-machine (IHM) dans les années 1990, place l’utilisateur au centre des préoccupations du concepteur. La norme ISO 13407 (1999) définit le design centré sur l’utilisateur comme suit :

Human-centred design is an approach to interactive system development that focuses specifically on making systems usable. It is a multi-disciplinary activity which incorporates human factors and

5 Les définitions suivantes ont été analysées : Dickson et Wetherbe (1989), Carter 1999, Garrett (2002), Evernden (2003),

Subramanian (2004), Barker (2005), National Center for Electronics Recycling (NCER) (2005), Wikipedia (2008), Morrogh (2008), Information Architecture Institute (2008), Morville et Rosenfeld (2009).

(25)

12

ergonomics knowledge and techniques. […] Applying ergonomics to the design of systems involves taking account of human capabilities, skills, limitations and needs. (ISO 13407 1999 : iv)

D’un environnement à l’autre, les usagers diffèrent, autant par leurs caractéristiques sociodémographiques (âge, sexe, etc.) que par leurs comportements (connaissances technologiques, aptitudes à la recherche, etc.). Leurs objectifs, tout comme leurs quêtes informationnelles, varient selon le site visité ou plus globalement selon la démarche entreprise. Il revient au système informatique de s’adapter aux capacités de ses utilisateurs, de rendre le site Web utilisable, et non l’inverse, comme c’était le cas jusque-là avec les approches en vigueur en IHM (Noyes et Baber 1999). En se basant sur des savoirs et des techniques en usage principalement en ergonomie, en psychologie et en IHM, le concepteur tient compte des besoins, des capacités et des limites des utilisateurs lors de la conception d’un système informationnel. Ainsi, les diverses interventions du concepteur devraient mener au développement d’un système agréable et facile à utiliser qui guide l’utilisateur, accroît ses performances et minimise son risque d’erreurs (Noyes et Baber 1999). Norman et Draper (1986) mettent l’accent sur l’importance de tenir compte des besoins des utilisateurs, lesquels devraient tenir une place centrale lors de la conception des interfaces ainsi que des autres composantes du système.

Le cadre de Morville et Rosenfeld (2006)

En accord avec l’approche centrée sur l’utilisateur, Morville et Rosenfeld proposent l’adoption d’un cadre de recherche et de conception qui s’articule autour de trois composantes : l’utilisateur, le contexte et le contenu (Figure 2).

Figure 2 – Cadre de Morville et Rosenfeld (2006) (adaptation)

On remarque que l’une des trois composantes est l’utilisateur actuel ou potentiel du site (user), en concordance avec l’approche centrée sur l’utilisateur. Le contenu (content) figure comme autre composante. Selon les auteurs, le format du contenu (HTML, MP3, PDF, etc.), son volume, ses métadonnées, sa fréquence de mise à jour, ainsi que les différents responsables de celui-ci (rédacteur,

contexte

utilisateur contenu

(26)

traducteur, responsable de la validation et de la diffusion, etc.) doivent entre autres être pris en compte. Le contexte (context) dans lequel évolue le site Web constitue la dernière composante. Quel objectif l’organisation veut-elle atteindre avec ce site Web ? Comment décrit-elle sa philosophie ? De quelle façon les produits et les services offerts sont-ils présentés ? Ceci constitue quelques-unes des questions proposées par les auteurs visant à circonscrire plus finement le contexte du site Web.

Si les méthodes et les pratiques des sciences de l’information dont ce cadre fait partie ont marqué l’avènement de l’architecture d’information et si elles s’avèrent toujours profitables (Dillon et Turnbull 2006), celles-ci ont été initialement développées pour des environnements relativement homogènes, stables et statiques (ex. : système de classification de bibliothèques). De ce fait, elles ne s’adaptent que partiellement aux systèmes informationnels actuels, dont le contenu se révèle souvent hétérogène, instable et dynamique.

1.1.3 L’AI contemporaine : un intérêt pour la globalité de l’écosystème informationnel

Afin de conserver sa pertinence, une discipline doit tenir compte des changements dans l’environnement dans lequel elle évolue et se transforme (Degler 2014). Envahis par une abondance informationnelle ininterrompue qui dépasse fréquemment les frontières des organisations, voire des nations, les systèmes informationnels actuels requièrent des ajustements et, fréquemment, des transformations majeures en vue de s’adapter à leur croissante complexité (Burford 2011). S’il s’avère que la naissance du champ de l’AI est intimement liée à l’avènement du Web et que l’approche classique constitue un moyen simple de conférer une certaine singularité à l’architecture d’information, plusieurs auteurs s’entendent : une approche où l’architecture d’information se voit réduite à l’organisation de sites Web se révèle maintenant trop réductrice (Brugnoli 2009; Lacerda 2014; Resmini et Rosati 2011b; Rosenfeld et al. 2015). C’est ce qu’explique Chartron, Chaudiron et Ihadjadene (2013) :

[S]i les origines [de l’AI] focalisent sur des dispositifs techniques émergents à l’époque (intranets, sites web), le défi est aujourd’hui renouvelé car nous assistons à une profonde évolution du statut des dispositifs d’information, de plus en plus intégrés dans nos activités privées et professionnelles. L’information est sans cesse sollicitée avec une exigence de fluidité et de transparence associée aux interfaces, aux autres dispositifs sociotechniques que nous utilisons quotidiennement.

(Chartron et al. 2013 : 10)

Depuis quelques années, l’approche plus classique semble passer, du moins dans les écrits d’AI, au second plan et laisse place à un courant plus contemporain. Celui-ci se distingue principalement de l’approche classique par un élargissement du territoire d’intervention de l’AI, passant du site Web d’une

(27)

14

organisation à l’ensemble de son écosystème informationnel6 numérique. C’est cette conception que met de l’avant Garrett (2009) lors de la plénière de clôture du 10e IA Summit :

Saying user experience design7 is about digital media is rather like saying that sculpture is about the properties of clay. That’s not to say that an individual sculptor can’t dedicate themselves to really mastering clay. They can, and they do […] But that does not define the boundary of user experience design. Where it really gets interesting is when you start looking at experiences that involve multiple media, multiple channels. Because there’s a whole lot more to orchestrating a multi-channel experience than simply making sure that the carpet matches the drapes. (Garrett 2009)

Par-delà la métaphore plastique, Garrett expose une vision plus globale de la conception numérique où l’expérience vécue par l’utilisateur et son interaction avec l’information, tous médias confondus, occupent une place centrale dans les préoccupations du concepteur. En effet, selon les tenants de cette approche, le responsable de l’AI prend la charge, non pas d’un site Web seul, mais d’un espace informationnel complet, dans toute sa complexité. Il s’agit d’une approche plus systémique, où les divers canaux informationnels doivent être conçus de façon cohérente et cohésive (Davis 2012b). Certains suggèrent d’intégrer de surcroît les canaux informationnels physiques au champ d’intervention du responsable de l’AI, qu’ils soient interactifs (ex. : lunettes interactives, bracelet d’activité, pèse-personne connecté) ou non (ex. : dépliant, magazine, affiches) (Lacerda 2014; Resmini 2013; Rosenfeld et al. 2015).

Plusieurs tenants de cette approche (Fisher, Norris, et Buie 2012; Garrett 2009; 2014; Resmini et Rosati 2011b) proposent que le canal informationnel – principalement le Web –, traditionnellement au centre de l’attention de l’approche classique d’AI, devrait être relégué à un rôle de second plan pour mettre l’accent sur la construction du sens, sur l’expérience de l’utilisateur, à travers l’écosystème informationnel de l’organisation. Ainsi que l’explique Brugnoli (2009) :

One of the main consequences of this vision is the centrality of data in shaping the user experience, as though to diminish the importance of the electronic devices and technical structure used to create, transfer and use this same content. (Brugnoli 2009 : 7)

Cette vision surplombante accorde un rôle d’orchestrateur au professionnel de l’AI, lequel se positionne alors à la tête d’une équipe multidisciplinaire, et s’applique à organiser et à faciliter l’accès à l’information dans un espace informationnel numérique (Morville 2000).

6 Nardi et O’Day (1999 : 49) définissent une information ecology comme « a system of people, practices, values, and technologies

in a particular local environment. In information ecologies, the spotlight is not on technology, but on human activities that are served by technology. »

7 Bien que l’intervention de Garrett porte principalement sur l’expérience utilisateur (UX) et non sur l’AI, nous verrons plus

loin que ces deux champs, dont les limites territoriales varient selon les auteurs, font souvent référence à une expertise professionnelle analogue.

(28)

À l’heure actuelle, la communauté d’AI adopte dans une forte majorité cette vision plus englobante et plus inclusive du champ. Morville et Rosenfeld (2015) ont d’ailleurs mis à jour leur définition plus classique de l’AI dans la nouvelle édition de leur ouvrage (Information Architecture for the World Wide Web) qui incorpore maintenant cette nouvelle approche.

1.2 La pratique professionnelle de l’AI

L’architecture d’information est un champ relativement récent qui, malgré un fort héritage des sciences de l’information et de l’interaction humain-machine, possède son contexte et ses caractéristiques propres (Burford 2011). Nous l’avons vu, l’AI est surtout une discipline appliquée, professionnelle (Broudoux et al. 2013). Il convient donc de présenter les principales caractéristiques de la pratique de l’AI afin de mieux appréhender l’audit de contenu dans ce contexte. Dans un premier temps, nous présentons les compétences relatives à l’expertise de l’AI. Il est ensuite question du périmètre d’intervention et de la démarche d’AI, puis de l’intégration de la discipline dans la logique d’une organisation.

1.2.1 Compétences et responsabilités du professionnel de l’architecture d’information

Si certaines disciplines énoncent précisément les compétences nécessaires pour en devenir des experts – ou du moins des professionnels qualifiés – d’autres les définissent avec plus grande peine (Ericsson 2006). C’est le cas de l’AI, où les données à l’égard des compétences du professionnel de l’AI paraissent très minces. Tout de même, quelques auteurs émettent des propositions intéressantes.

Selon Broudoux et al. (2013), le responsable de l’architecture d’information devrait détenir des compétences de trois ordres : des compétences liées à la réalisation technique de projets numériques, à l’organisation de l’information et à l’expérience utilisateur. Ces chercheurs précisent que « [s]ans se substituer aux spécialistes de ces questions, l’architecte de l’information apparaît maîtriser les codes et les exigences de chacune des compétences et en mesure d’imaginer des solutions intégrées de gestion de l’information. » (Broudoux et al. 2013 : 14). Le programme de maîtrise en architecture d’information de l’ENS de Lyon identifie ces trois mêmes axes comme socle fondamental de l’expertise d’architecture d’information (Salaün 2016).

Pour leur part, Morville et Rosenfeld (2006) identifient les disciplines desquelles le professionnel de l’AI devrait détenir des compétences :

• design graphique • design d’information

• sciences de l’information et bibliothéconomie

(29)

16 • journalisme • utilisabilité • marketing • informatique • rédaction professionnelle • architecture • gestion de produits

On constate que, dans les cas présentés, les auteurs n’exposent pas de compétence propre au professionnel de l’AI, mais définissent plutôt les compétences communes avec d’autres disciplines.

Dans une étude sur la pratique de l’AI, Burford (2014b) observe un certain contraste disciplinaire entre les compétences des responsables de l’AI dans les grandes organisations et celles rencontrées chez les professionnels œuvrant dans des PME (petites et moyennes entreprises)8. Dans les grandes organisations, leurs compétences seraient surtout issues des sciences de l’information et de la bibliothéconomie. Dans les PME, l’expertise d’AI réunirait plutôt des professionnels de la communication. Burford observe en effet que les professionnels de l’AI dans les PME disposent surtout de compétences relatives aux relations publiques, à la radio, au journalisme, au marketing numérique, au design graphique et aux communications numériques (Burford 2014b).

Si le développement de compétences d’AI s’acquérait presque exclusivement sur le marché du travail il y a quelques années, on voit lentement apparaître des professionnels de l’AI formés dans des programmes universitaires. En 2014, l’Institut pour l’architecture d’information (Information Architecture Institute 2014b) dénombre 83 programmes, distribués dans 13 pays9, offrant au moins un cours portant sur l’architecture d’information. Burford (2014b) observe toutefois que la plupart des professionnels de l’AI n’ont pas suivi de formation particulière dans ce champ. De ce fait, ils connaissent peu la théorie, les méthodes et les écrits scientifiques sur le sujet. La plupart font toutefois montre d’intérêt pour l’approfondissement de leurs savoirs disciplinaires. Les participants de son étude ont en effet exprimé un fort sens de la responsabilité à l’égard de l’acquisition de compétences disciplinaires et une initiative marquée à étendre leurs savoirs en architecture d’information. Son étude révèle que les professionnels de l’AI adoptent plusieurs stratégies pour l’acquisition de compétences d’AI comme l’adhésion à des listes de diffusion de professionnels d’AI, la participation à des ateliers et à des conférences et, surtout, la lecture de publications en AI.

8 Dans son étude, Burford détermine qu’une PME est composée de moins de 200 employés et qu’une grande organisation en

compte plus de 300. Les entreprises de taille intermédiaire ne figurent pas dans son étude. « Leaving a gap of 100 employees between the research recruitment criteria for large organisations and SMEs was a strategy to avoid the various definitions of organizational size and to ensure that organizational sizes were well distinguished, rather than representing a continuum » (Burford 2014b : 52).

(30)

1.2.2 Périmètre d’intervention de l’AI et disciplines connexes

Le développement intensif du Web vers la fin des années 1990 et l’explosion des dispositifs informationnels qui s’en est suivi a engendré la création de nombreuses nouvelles professions, dont l’architecture d’information fait partie. Designer d’interaction, architecte d’information, designer d’expérience (UX designer), expert en utilisabilité et – plus récemment – stratège de contenu (content

strategist) et designer de services : tous ces nouveaux titres professionnels partagent de nombreuses

frontières (Morville 2000; Reiss 2010). Pour illustrer cette porosité territoriale, Morville et Rosenfeld (2006) proposent l’exemple concret de la conception d’une barre de navigation. Le design des libellés et des hyperliens fait habituellement partie du rôle de l’architecte d’information. Toutefois, qu’en est-il de la couleur de la barre de navigation ? De sa taille ? De son positionnement dans la page ? De la corrélation entre les libellés utilisés sur le site Web et ceux présents dans l’infolettre ? S’agit-il de tâches destinées au professionnel de l’AI, au designer graphique, au designer d’interaction ou au stratège de contenu ? Cette proximité disciplinaire occasionne et alimente une forte tension entre ces champs d’expertise, ce qui entraîne nombre de discussions musclées.

Une rivalité incessante oppose notamment les designers d’interaction et les architectes d’information, certains allant jusqu’à nier l’existence du champ concurrent (Garrett 2009). Une polémique semblable s’est aussi déclenchée avec l’avènement de la stratégie de contenu10 il y a quelques années, certains voyant la stratégie de contenu comme un sous-champ de l’AI tandis que d’autres la considérant plutôt comme une expertise distincte (Reiss 2010). De même, le design de service et l’architecture d’information partagent aussi plusieurs composantes disciplinaires. En effet, à l’instar de l’approche contemporaine de l’AI, le design de service s’intéresse au parcours transmédiatique de l’utilisateur à travers un écosystème.

[L]’offre de services d’un groupe d’exploitation de salles de cinéma comprend une grande diversité de points de contact, tels que les salles elles-mêmes, le site web, les applications mobiles, les affiches publicitaires dans la rue, etc. Faire le design du service offert par ce groupe consiste à penser la totalité cohérente de l’expérience offerte à l’utilisateur […]. (Vial 2015 : 72)

D’autres considèrent par ailleurs que l’AI devrait maintenant être renommée expérience utilisateur (UX). Reiss désapprouve complètement cette tendance. « To suggest that “user experience” should become the new name for “information architecture” is absurd. If anything, the term “user experience” is currently even more obscure to the business community than information architecture » (2010 : 3). Il ajoute que l’adoption de cette nouvelle expression desservirait grandement la communauté d’AI qui

10 La stratégie de contenu peut être décrite comme un champ de pratique qui « guides your plans for the creation, delivery,

(31)

18

s’efforce depuis plusieurs années d’éduquer les décideurs et de les convaincre de l’importance d’intégrer leur expertise au sein de la démarche de conception d’un environnement informationnel. Cette substitution terminologique nuirait à cette entreprise de sensibilisation.

Lors de la plénière de fermeture du sommet pour l’architecture d’information de 2009, Garrett (2009) allègue que tous les champs nommés plus haut (et d’autres) devraient se voir enchâsser dans le champ de l’expérience utilisateur. Selon cette perspective, l’architecture d’information constitue l’une des facettes de l’expérience utilisateur. De façon voisine, Boersma (2004) propose le modèle en T (ou le

T-Model en anglais) (Figure 3) qui expose une vision harmonisée des expertises du Web en proposant

l’expérience utilisateur comme champ unificateur (Hobbs, Fenn, et Resmini 2010).

Figure 3 – Modèle en T de l’expérience utilisateur (User Experience Design ou UXD) (Boersma 2004)

L’axe vertical du modèle en T est formé des champs suivants11 : • design d’information • design graphique • design d’interaction • architecture d’information • utilisabilité • rédaction • marketing et communication • informatique.

Boersma suggère que tous les champs figurant dans les bandes verticales partagent une frontière commune avec l’expérience utilisateur, représentée par la barre horizontale du T.

11 Plusieurs auteurs ont tenté de représenter les territoires d’application de l’AI et des champs connexes dont Usability body of

Figure

Figure 1 – Exemple d’une section de grille d’audit de contenu
Tableau 1 – Composantes de la systémique  Composantes  Descriptions Aspects structurels
Tableau 2 – Paramètres influençant les comportements informationnels
Figure 8 – Représentation de la suprastructure 28
+7

Références

Documents relatifs

Applying SREBP approach at the activity level, in terms of business asset (information asset) identification and relating it to security requirement elicitation (for

Le guide permet la réalisation d’une évaluation en répondant à environ 125 questions, il se présente sous forme d’un fichier Excel© automatisé réunis- sant un

En traction, torsion ou flexion il est possible de résoudre un système qui est hyperstatique et d’en déterminer sa déformation, ou la contrainte. Pour cela la même méthode pour

Le soumissionnaire remet, comme pièce constitutive de son offre, un document par lequel il marque son engagement à mettre en œuvre

Dans le cadre de la mission de présentation des comptes annuels qui a été réalisée pour le compte de :.. FFB

Pour vérifier la validité de cette théorie du critique littéraire, engageons une étude de ce mythe dit de la ‘Connaissance’ dans l’œuvre romanesque de Amélie Nothomb

• Nous disposons d’un savoir-faire reconnu dans les domaines de l’Audit et de l’expertise financière, et exerçons nos métiers dans le cadre d’une démarche Qualité sans

Désignation de l'association : AMICALE CULTURELLE ET SPORTIVE DE L'AGENCE DE L'EAU RMC Annexe au bilan avant répartition de l'exercice clos le 31/12/2018, dont le total est de 295