• Aucun résultat trouvé

Le vécu de mauvais traitements et l'implication dans les comportements sexuels à risque à l'adolescence

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Le vécu de mauvais traitements et l'implication dans les comportements sexuels à risque à l'adolescence"

Copied!
106
0
0

Texte intégral

(1)

Le vécu de mauvais traitements et l’implication dans les

comportements sexuels à risque à l’adolescence

Thèse

Marie-Ève Thibodeau

Doctorat en psychologie – Recherche et intervention

Docteur en psychologie (Ph. D.)

Québec, Canada

(2)

Le vécu de mauvais traitements et l’implication dans les

comportements sexuels à risque à l’adolescence

Thèse

Marie-Ève Thibodeau

Sous la direction de :

(3)

Résumé

Dans les dernières années, plusieurs études ont montré l’influence des mauvais traitements vécus en enfance dans l’implication dans les comportements sexuels à risque. Or, plusieurs lacunes ont été identifiées dans ces recherches, dont l’intérêt pour un nombre restreint de mauvais traitements dans les devis de recherche, ainsi que le manque d’attention envers les mécanismes impliqués dans ces associations. Le but principal de cette thèse est donc d’approfondir les liens existant entre différentes formes de mauvais traitements et l’implication dans les comportements sexuels à risque chez les adolescents. Afin de répondre à ces objectifs, le sous-échantillon des adolescents sexuellement actifs de 17 ans et moins de l’Enquête Parcours Amoureux des Jeunes a été utilisé (N = 1 940; 61% filles; Mâge : 15 ans).

Dans la première étude, les effets indépendants, uniques, cumulatifs et interactifs de quatre formes de mauvais traitements (c.-à-d., agression sexuelle, agression physique, négligence et exposition à la violence interparentale) dans l’implication dans les comportements sexuels à risque ont été examinés. Six comportements sexuels à risque ont été étudiés : le nombre de partenaires sexuels, les contacts sexuels avec des inconnus, l’échange de services sexuels contre rétribution, l’âge à la première relation sexuelle, l’usage inconstant du condom et le diagnostic d’infection transmissible sexuellement. Lorsque les formes de mauvais traitements étaient considérées de manière séparée dans les analyses (effets indépendants), toutes les formes de mauvais traitements étudiées ont été associées à un plus grand nombre de partenaires sexuels, des contacts sexuels avec des inconnus, de l’échange de services sexuels contre rétribution et un plus jeune âge à la première relation sexuelle. Lorsque les formes de mauvais traitements étaient considérées simultanément dans les analyses (effets uniques), les mauvais traitements ont montré des associations spécifiques avec certains comportements sexuels à risque. Un plus grand nombre de formes de mauvais traitements vécus a été associé à davantage d’implication dans tous les comportements sexuels à risque (effet cumulatifs). L’analyse des effets interactifs a montré que l’effet de la négligence sur le nombre de partenaires sexuels était non significatif en présence d’un vécu d’agression sexuelle. Finalement, les associations entre les mauvais traitements et les comportements sexuels à risque étaient similaires, de façon générale, pour les garçons et les filles.

Dans la deuxième étude, le rôle médiateur de l’attachement anxieux et de l’attachement évitant dans l’association entre les mauvais traitements et les comportements sexuels à risque a été exploré. Les résultats ont appuyé le rôle médiateur de l’attachement anxieux dans l’association entre la négligence et un plus grand nombre de partenaires sexuels, ainsi que l’attachement évitant comme médiateur entre la négligence et un

(4)

première relation sexuelle (garçons seulement). Enfin, l’agression sexuelle a montré une association directe avec les trois comportements sexuels à risque, l’attachement n’étant pas un médiateur.

En somme, cette thèse approfondit les connaissances actuelles sur l’influence des mauvais traitements dans l’implication dans les comportements sexuels à risque. Plus particulièrement, elle montre la spécificité des liens entre les mauvais traitements et les comportements sexuels à risque, et donc l’importance de tenir compte de l’ensemble des mauvais traitements vécus dans l’étude des comportements sexuels à risque. Elle souligne l’influence particulière de l’agression sexuelle dans l’implication dans tous les comportements sexuels à risque étudiés. Finalement, elle propose l’attachement comme levier d’intervention efficace afin de prévenir les comportements sexuels à risque durant l’adolescence. Les implications pour la recherche et la prévention sont abordées.

(5)

Abstract

In the last decades, numerous studies have shown that child maltreatment increase involvement in sexual risk behaviors. However, some gaps have been identified in these studies, such as their focus on a single form of maltreatment and the lack of attention for mechanisms by which exposure to child maltreatment fosters sexual risk behaviors. The purpose of this thesis is thus to deepen our understanding of the association between forms of child maltreatment and involvement in sexual risk behaviors among adolescents. In order to achieve this goal, the subsample of sexually active adolescents 17 years and under from the Quebec Youths’ Romantic Relationships survey was used (N = 1 940; 61% girls; Mage: 15 years).

In the first study, independent, unique, cumulative, and interactive effects of four forms of child maltreatment (i.e., sexual abuse, physical abuse, neglect, and witnessing interparental violence) on sexual risk behaviors have been investigated. Six sexual risk behaviors have been examined: number of sexual partners, casual sexual behavior, sex exchange, age at first consensual intercourse, inconsistent condom use, and sexually transmitted infection diagnosis. Regressions not controlling for other forms of child maltreatment (independent effects), showed that all maltreatment forms were associated with having a higher number of sexual partners, casual sexual behavior, sex exchange, and a younger age at first intercourse. Regressions controlling for the four forms of maltreatment (unique effects) showed that sexual abuse, physical abuse, neglect, and witnessing interparental violence remained statistically associated depending on the sexual risk behavior. A greater number of forms of maltreatment was associated with more sexual risk behaviors (cumulative effects). Moreover, when sexual abuse was experienced, neglect was no longer associated with a higher number of sexual partners (interactive effects). Finally, associations between maltreatment and sexual risk behaviors were similar between genders.

In the second study, the mediating roles of anxious attachment and avoidant attachment in the association between child maltreatment and sexual risk behaviors were explored. Results supported anxious attachment as a mediator between neglect and a higher number of sexual partners, and avoidant attachment as a mediator between neglect and a higher number of sexual partners, involvement in casual sexual behavior and a younger age at first intercourse (boys only). Results showed a direct effect of sexual abuse on all three sexual risk behaviors; attachment not having a mediating role.

(6)

In summary, this thesis adds to existing knowledge of the influence of child maltreatment on sexual risk behaviors during adolescence. More specifically, it highlights the specificity of the association between some forms of child maltreatment and their associated sexual risk behaviors, and thus the importance of controlling for all forms of child maltreatment that may have been experienced when studying sexual risk behaviors. It also underlines the particular influence of sexual abuse on all sexual risk behaviors investigated. Finally, it supports attachment as a valuable target for intervention to prevent sexual risk behaviors during adolescence. Research and practice implications are addressed.

(7)

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... ix

Liste des figures ... x

Liste des abréviations ... xi

Remerciements ... xiii

Avant-propos ... xvi

Chapitre 1 : Introduction générale ... 1

Les mauvais traitements infligés aux enfants ... 4

Agression sexuelle ... 6

Agression physique ... 6

Négligence ... 7

Exposition à la violence interparentale ... 7

Répercussions des mauvais traitements sur l’implication dans les comportements sexuels à risque à l’adolescence ... 7

Lacunes méthodologiques des études actuelles ... 9

Le rôle de la sécurité d’attachement ... 10

La théorie de l’attachement ... 10

Répercussions des mauvais traitements sur la sécurité d’attachement ... 11

Répercussions de l’attachement insécure sur les comportements sexuels à risque... 11

But et objectifs de thèse ... 13

Chapitre 2 : Le vécu de mauvais traitements et l’implication dans les comportements sexuels à risque à l’adolescence : ... 15 Résumé ... 17 Abstract ... 18 Introduction ... 19 Method ... 22 Results ... 25 Discussion ... 27

Chapitre III : Le vécu de mauvais traitements et l’implication dans les comportements sexuels à risque à l’adolescence : ... 38

Résumé ... 40

(8)

Introduction ... 42

Method ... 46

Results ... 50

Discussion ... 52

Chapitre IV : Conclusion générale ... 65

Principaux constats ... 66

La spécificité des associations entre les mauvais traitements et les comportements sexuels à risque ... 66

Effets indépendants et cumulatifs des formes de mauvais traitements sur l’implication dans les comportements sexuels à risque à l’adolescence ... 66

Effets uniques de chacune des formes de mauvais traitements sur l’implication dans les comportements sexuels à risque : contrôle pour les autres formes de mauvais traitements ... 68

La sécurité d’attachement comme facteur expliquant l’association entre les mauvais traitements et les comportements sexuels à risque ... 71

L’agression sexuelle : un dénominateur commun aux comportements sexuels à risque ... 73

Les différences de genre ... 75

Forces et limites de la thèse ... 77

Implications pour la recherche ... 79

Implications cliniques ... 80

(9)

Liste

des tableaux

Chapitre 2

Tableau 1 : Means, standard deviations and correlations for child maltreatment and adolescent sexual risk

behaviors ... 37

Tableau 2 : Independent effects of child maltreatment on adolescent sexual risk behaviors ... 38

Tableau 3 : Unique and interactive effects of child maltreatment on adolescent sexual risk behaviors ... 39

Tableau 4 : Cumulative effect of child maltreatment on adolescent sexual risk behaviors ... 40

Chapitre 3 Tableau 5 : Descriptive information for study variables by gender ... 68

(10)

Liste des figures

Chapitre 3

Figure 1 : Hypothesized model depicting anxious attachment and avoidant attachment as mediators of the relationship between child maltreatment and sexual risk behaviors ... 67 Figure 2 : Structural equation modeling of anxious attachment and avoidant attachment as mediators of the

(11)

Liste des abréviations

CM ... child maltreatment SRB ... sexual risk behavior STI ... sexually transmitted infection

(12)

What is the scope of my authority with regard to the national airspace? -It is unlimited.

(13)

Remerciements

Alors que je finalise ma thèse, un bilan s’impose. Je réalise aujourd’hui que mon parcours doctoral constitue en lui-même un accomplissement important dans ma vie. Avec le recul, je constate que ce parcours fut semé, à la fois, d’embûches et de grandes réalisations. Au plan professionnel, cette expérience m’a permis d’en apprendre beaucoup sur la psychologie et la recherche. Elle m’a permis de réaliser mes aspirations professionnelles et de devenir psychologue. Au plan personnel, j’ai découvert en moi une personne déterminée, persévérante et résiliente devant les obstacles. Cela dit, cette thèse n’aurait jamais été menée à terme sans l’appui et le support de nombreuses personnes.

D’abord, je tiens à remercier les Fonds de recherche Société et Culture (FRQSC), le Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS), la Fondation Marc Bourgie et l'Équipe violence sexuelle et santé (ÉVISSA) pour leur appui financier. Vos fonds m’ont permis de me consacrer entièrement à mon projet doctoral et de diffuser mes résultats dans plusieurs activités, congrès et journaux scientifiques.

Ensuite, je tiens à remercier tout spécialement ma directrice, Francine Lavoie. Vous avez fait preuve d’une grande disponibilité et d’un support constant. Vous avez lu et relu mes textes sans compter avec un grand souci du détail, me faisant sentir plus solide à chaque fois pour affronter les étapes suivantes. De plus, vous m’avez transmis d’importantes valeurs scientifiques, celles de la rigueur et de l’intégrité. Votre passion pour la recherche et l’avancement des connaissances est intrinsèque et contagieuse! Vous m’avez, non seulement donné l’envie de m’investir, mais vous m’avez donné les opportunités pour le faire (participation à des congrès et rédaction d’articles). Vous m’avez encouragée à prendre des risques, à faire preuve d'audace et à me dépasser au plan professionnel. Je n’oublierai jamais ce jour où vous avez pris soin de m’apporter une brochure provenant de votre revue d’aviation Air & Space. Cette histoire qui parlait d’un homme qui avait toutes les aptitudes nécessaires pour remplir des fonctions encore plus importantes que ce qu’il avait prévu pour lui-même... Ce fut un privilège de poursuivre mes études auprès d’une directrice qui croyait réellement en moi et en mon potentiel. C’est en grande partie grâce à vous, et à ce parcours académique, que j'amorce ma carrière avec une impression d’infinies possibilités, dans la mesure où l’énergie et les efforts sont déployés. Merci aux membres de mon comité de thèse, Claudette Fortin et Sylvie Drapeau, et à mes coauteurs, Martine Hébert et Martin Blais, d’avoir été présents du début à la fin et pour vos commentaires toujours pertinents et constructifs. Merci à l’Équipe IRSC sur les traumas interpersonnels pour l’accès à la banque de données qui m’a permis de rédiger une thèse dont les résultats s’appuient sur un échantillon représentatif québécois. Un

(14)

merci spécial à Hélène Paradis qui m’a appuyée dans les analyses statistiques, non seulement pour ma thèse, mais également pour tous mes autres projets de recherche au baccalauréat et au doctorat. Cela fait bientôt 7 ans que l’on roule des analyses ensemble, et plusieurs fois plutôt qu’une. Je te remercie pour ta patience, ta compréhension et ton support dans les moments plus difficiles. Si tu n’avais pas été là, je serais probablement encore au laboratoire à rouler des analyses et essayer de les comprendre… Merci à Bei Feng qui nous a rendu service plus d’une fois.

Merci à tous mes ami(e)s du doctorat avec qui j’ai passé de beaux moments et à mes collègues de laboratoire, Catherine et Sophie. Nos longues discussions à propos de tout et rien ont mis du soleil dans mes journées et un baume dans les moments de stress. Un merci spécial à ma grande amie Sophie. C’est surprenant comment la vie nous a rassemblées, mais je comprends aujourd’hui pourquoi elle l’a fait. Au départ, j’ai rapidement été inspirée par ta force de caractère et ton audace. Mais toutes ses années à te côtoyer m’ont fait découvrir une personne sensible, loyale et dévouée. Ta grande humanité et ta sincérité m’inspirent à devenir chaque jour plus authentique. Mon parcours doctoral m’a apporté beaucoup, mais ce qu’il m’aura donné de plus précieux est une véritable amie.

Merci à mes deux superviseurs d’internat, Nadia et Martin du CLSC à St-Romuald. Ma formation se boucle dans le plaisir et la gratitude. Merci à vous deux pour ces longues discussions à propos de notre merveilleuse profession et pour votre soutien dans les moments importants. Un merci spécial à Martin qui a touché mon cœur et mon esprit à jamais.

Merci à mes parents. Je vous remercie d’avoir cru en moi et d’avoir tout fait afin que je puisse réaliser mes rêves. J’ai passé beaucoup de temps à voyager vers vous (maison, cabane à sucre, chalet), mais ces moments étaient essentiels à mon équilibre et m’ont permis de me ressourcer. Merci à mon frère. Tu as été et sera toujours pour moi un exemple de courage et de détermination. Je suis convaincue que tu as été un modèle pour moi tout au long de ces années. Nos soirées passées ensemble m’ont fait rire et revenir à l’essentiel. Merci à mes deux belles-sœurs, Meggy et Karen, et à leurs enfants. Tout cet amour m’a servi de carburant pour continuer et m’a permis de me reposer pour les bonnes raisons. Merci à ma gang, celle avec qui je partage ma vie depuis le secondaire. À tous ces moments de complicité à se jouer des tours, jouer au loup-garou, échanger sur nos passions jusqu’à 3h du matin et décorer un sapin de Noël en septembre au fin fond du Saguenay... Je ne peux imaginer ma vie sans vous.

Mon dernier remerciement, et non le moindre, s’adresse à l’homme de ma vie, Marc. J’ai eu de la difficulté à trouver les mots qui soient à la hauteur de la présence, du support et de la patience dont tu as fait preuve toutes ces années. J’ai si hâte de commencer un nouveau chapitre de notre vie ensemble. La personne ambitieuse que tu es m’inspire à donner toujours le meilleur de moi-même dans tout ce que j’entreprends.

(15)

Avec complicité, tu m’as encouragée à prendre du temps pour moi dans les moments où j’en avais besoin (et tu le savais parfois mieux que moi). Ton énergie et ton sens de l’humour ont ajouté de la vie à ces années. La confiance que tu as en moi est d’une valeur inestimable. Merci pour tout ce que tu es. Je t’aime.

C’est avec une grande fierté que je rédige ces dernières lignes. J’espère que vous aurez du plaisir à lire ma thèse autant que j’en ai eu durant toutes ces années. Bonne lecture!

(16)

Avant-propos

Dans le cadre de cette thèse, j’ai utilisé les données de la vaste enquête longitudinale québécoise Parcours Amoureux des Jeunes. Le premier volet de l’enquête, dont les chercheurs responsables sont Martine Hébert, Ph. D., Martin Blais, Ph. D., et Francine Lavoie, Ph. D, a été utilisé. Cette enquête a été dirigée par la chercheuse Martine Hébert et subventionnée par les Instituts de recherche en Santé du Canada (IRSC). En tant que première auteure de mes deux articles, j’ai élaboré les questions à l’étude, réalisé les analyses statistiques et rédigé complètement les deux articles. Francine Lavoie, en tant que directrice de thèse, ainsi que Claudette Fortin, Ph. D., et Sylvie Drapeau, Pd. D., membres de mon comité d’encadrement, ont supervisé la rédaction de mes articles et de ma thèse et ont apporté des corrections. Martine Hébert, Ph. D., et Martin Blais, Ph. D., ont également relu et apporté des corrections à mes deux articles. Stéphane Sabourin, Ph. D., a relu mon deuxième article en tant que chercheur spécialiste de la théorie de l’attachement. Les analyses statistiques ont été réalisées en grande partie avec l’aide de Hélène Paradis, M. Sc., et Bei Feng, M. Sc., statisticiennes.

Mon premier article de thèse, s’intitulant Childhood Maltreatment and Adolescent Sexual Risk Behaviors:

Unique, Cumulative and Interactive Effects, a été publié en septembre 2017 dans Child Abuse & Neglect. En

cours de publication, quelques modifications mineures ont été effectuées à la présente version, dont le retrait de la variable d’échange de services sexuels. Mon deuxième article de thèse, s’intitulant Pathways Linking

Childhood Maltreatment and Adolescent Sexual Risk Behaviors: The Role of Attachment Security, a été publié

en mai 2017 dans Journal of Sex Research.

(17)

Chapitre 1 : Introduction générale

Les comportements sexuels constituent un aspect normatif du développement des adolescents (Boislard, van de Bongardt, & Blais, 2016; Tolman & McClelland, 2011). Des pratiques sexuelles saines et sécuritaires contribuent au maintien du bien-être et de l’équilibre physique et mental (Glen-Spyron, 2009). Toutefois, certaines pratiques sexuelles constituent un risque pour la santé et le bien-être. Ces pratiques sexuelles sont généralement désignées sous le nom de comportements sexuels à risque. D’un point de vue de santé publique, les conséquences les plus directes des comportements sexuels à risque sont les risques de contracter une infection transmissible sexuellement et une grossesse non désirée (Glen-Spyron, 2009; Kotchick, Shaffer, Forehand, & Miller, 2001). Au Canada, le taux de chlamydia rapporté en 2010 fut de 277 cas par 100 000 habitants et les grossesses non désirées ont touché 2820 adolescentes sur 100 000 habitants (28,2 par 1 000 habitants) (Gouvernement du Canada, 2014; McKay, 2012). Les comportements sexuels à risque constituent donc une préoccupation majeure de santé publique.

Par ailleurs, une étude longitudinale récente a montré une augmentation des comportements sexuels à risque durant l’adolescence, suivie d’une diminution au début de l’âge adulte (Fergus, Zimmerman, & Caldwell, 2007). Bien que cette étude fut réalisée auprès d’une population socialement désavantagée et qu’elle nécessite réplication, ces résultats s’avèrent inquiétants. Ainsi, les adolescents, après les jeunes adultes, constituent le groupe d’âge le plus infecté par les infections transmissibles sexuellement aux États-Unis (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, 2015) et au Canada (Gouvernement du Canada, 2014). La plupart des mauvaises habitudes de santé s’acquièrent dès l’adolescence et augmentent la morbidité et la mortalité à l’âge adulte (Organisation mondiale de la santé, 2005), d’où l’importance d’intervenir à cette période critique du développement.

D’un point de vue multisystémique, les comportements sexuels à risque sont reliés à tout un ensemble de facteurs de vulnérabilité et de conséquences aux plans psychologique et comportemental. Les comportements sexuels à risque peuvent être conceptualisés de plusieurs manières, entre autres, par la nature du partenaire sexuel (p.ex., partenaires sexuels multiples ou inconnus) (Glen-Spyron, 2009). Un plus grand nombre de partenaires sexuels s’est avéré associé à un plus jeune âge à la première relation sexuelle, des symptômes dépressifs, un usage d’alcool et de drogue et des diagnostics d’infections transmissibles sexuellement (Boislard et al., 2016; Gabster et al., 2016; Santelli, Brener, Lowry, Bhatt, & Zabin, 1998; Vasilenko & Lanza, 2014). Par ailleurs, les contacts sexuels avec un inconnu représentent également un risque pour les adolescents. Contrairement aux contacts sexuels avec des amis ou des ex-petits amis, les contacts sexuels avec un inconnu sont des relations sexuelles non-exclusives et où l’état de santé sexuelle du partenaire est inconnu (Rodrigue et al., 2015). De plus, une proportion non-négligeable de ces relations surviennent spontanément et de manière non-intentionnelle en raison de l’usage d’alcool et de drogues (Garcia, Reiber, Massey, & Merriwether, 2012). L’implication dans des contacts sexuels avec des inconnus a

(18)

d’ailleurs été associée à une plus grande probabilité d’infection transmissible sexuellement, mais aussi de détresse psychologique, de regret, d’idéations suicidaires, de comportements délinquants et de subir de la violence durant l’année suivante (Boislard et al., 2016; Fielder, Walsh, Carey, & Carey, 2014; Grello, Welsh, Harper, & Dickson, 2003; Sandberg-Thoma & Kamp Dush, 2014). À l’adolescence, les contacts sexuels avec des inconnus méritent une attention particulière étant donné leur prévalence chez les adolescents sexuellement actifs (29,3%) (Manning, Giordano, & Longmore, 2006). Plus rarement, des adolescents ont également des contacts sexuels avec un partenaire offrant une rétribution pour le contact (échange de services sexuels contre rétribution). Aux États-Unis, une étude représentative de la population adolescente de 12 à 18 ans a montré un taux de prévalence à vie d’échanges de services sexuels contre rétribution de 3,5% (Edwards, Iritani, & Hallfors, 2006). Aucune étude représentative n’a permis d’établir la prévalence au Canada. Toutefois, deux études empiriques ont montré des taux de 4% chez les adolescents de 15 à 18 ans en milieux urbains (Lavoie, Thibodeau, Gagné, & Hébert, 2010) et de 2,7% chez les adolescents de 12 à 18 ans en milieu rural ayant consommé de l’alcool ou une drogue par le passé (Homma, Nicholson, & Saewyc, 2012). Quant à l’échange de services sexuels contre rétribution, il semble s’inscrire dans une trajectoire à haut risque durant l’adolescence : absence de domicile fixe, victimisation par le passé de toute sorte (agression physique, agression sexuelle et négligence), instabilité amoureuse, consommation de drogue et alcool, autres comportements délinquants, un plus grand nombre de partenaires sexuels, un plus jeune âge à la première relation sexuelle et un grand nombre d’infections transmissibles sexuellement, incluant le virus de l'immunodéficience humaine (Boyer et al., 2017; Edwards et al., 2006; Homma et al., 2012; Kaestle, 2012; Lavoie et al., 2010; Ulloa, Salazar, & Monjaras, 2016). Bien que ce comportement durant l’adolescence puisse également constituer une forme de maltraitance, il sera exploré ici sous l’angle d’un comportement sexuel à risque (Senn, Carey, & Vanable, 2008).

Parmi les autres comportements sexuels à risque, on retrouve également les risques pour la santé sexuelle, dont un plus jeune âge à la première relation sexuelle et un usage inconstant du condom (Boislard et al., 2016; Kotchick et al., 2001). À l’âge de 18 ans, la majorité des adolescents des États-Unis et du Canada ont eu leur premier contact sexuel impliquant la pénétration (c.-à-d., oral, vaginal ou anal) (Boislard et al., 2016). Une enquête de l’Institut de la statistique du Québec montre que 10% des adolescents du secondaire auraient eu leur premier contact sexuel avant l’âge de 14 ans, et 50% avant l’âge de 17 ans (Institut de la statistique du Québec, 2013). Cependant, une faible supervision parentale, la présence de pairs délinquants, l’usage de l’alcool et de drogue et des problèmes de comportements augmentent les risques d’avoir des contacts sexuels à un plus jeune âge (Cavazos-Rehg et al., 2010; Dupere, Lacourse, Willms, Leventhal, & Tremblay, 2008; Lohman & Billings, 2008; Whitbeck, Yoder, Hoyt, & Conger, 1999). En retour, les adolescents ayant des contacts sexuels à un plus jeune âge seraient plus vulnérables, étant davantage impulsifs et sensibles à la pression des pairs. Ils auraient alors tendance à utiliser le condom moins fréquemment, à avoir des contacts sexuels sous l’influence de l’alcool, à accumuler les partenaires sexuels durant l’adolescence, à contracter des infections transmissibles sexuellement et à subir de la violence dans leur sexualité ou

(19)

dans leurs relations amoureuses (Boislard et al., 2016; Kaplan, Jones, Olson, & Yunzal-Butler, 2013). Par ailleurs, l’usage du condom étant en lui-même une barrière efficace pour assurer la santé sexuelle, il est souvent ciblé dans les programmes de prévention. Toutefois, malgré les efforts investis dans la promotion de l’usage du condom, son usage durant l’adolescence reste inconstant comme en témoignent les taux élevés de grossesses non désirées et d’infections transmissibles sexuellement rapportés précédemment. En effet, près du tiers (31,8%) des adolescents sexuellement actifs fréquentant les établissements scolaires du Québec rapportent ne pas avoir utilisé le condom lors de leur dernier rapport sexuel vaginal ou anal, selon l’Institut de la statistique du Québec (2013). Finalement, les infections transmissibles sexuellement constituent également un risque pour la santé sexuelle et reproductive, puisqu’elles augmentent les risques de nombreuses maladies, telles que la maladie inflammatoire pelvienne, l’infertilité, des grossesses ectopiques, le virus du papillome humain et certains types de cancers (Gouvernement du Québec, 2010).

Dans les dernières années, de plus en plus de chercheurs ont tenté de cerner les facteurs qui prédisposent les adolescents à s’impliquer dans les comportements sexuels à risque. Parmi les facteurs de risque reconnus, notons l’influence du vécu de mauvais traitements à l’enfance. La recherche indique en effet que plusieurs formes de mauvais traitements, telles l’agression sexuelle, l’agression physique, la négligence et l’exposition à la violence interparentale, sont associées aux comportements sexuels à risque. Il a été démontré que ces formes de mauvais traitements seraient, entre autres, associées à un plus grand nombre de partenaires sexuels, à des contacts sexuels avec des inconnus ou avec un partenaire sexuel infecté par une infection transmissible sexuellement, à des contacts sexuels sous l’influence d’une substance (alcool ou drogue), à de l’échange de services sexuels contre rétribution, à un plus bas âge à la première relation sexuelle, à un port inconstant du condom et à un plus grand risque de diagnostic d’infections transmissibles sexuellement (Fergusson, McLeod, & Horwood, 2013; Negriff, Schneiderman, & Trickett, 2015; Norman et al., 2012; Senn & Carey, 2010; Senn et al., 2008; Wilson & Widom, 2008).

Bien que l’association entre les mauvais traitements et les comportements sexuels à risque semble bien établie, deux principales lacunes méthodologiques ont été relevées par une revue récente de la littérature (Scott-Storey, 2011). D’une part, les études s’intéressant aux conséquences des mauvais traitements se sont souvent attardées à une forme ou deux de mauvais traitements (p.ex., agression sexuelle et agression physique) (Afifi, Brownridge, Cox, & Sareen, 2006; Littleton, Radecki Breitkopf, & Berenson, 2007). Or, plusieurs auteurs ont montré que les formes de violence surviennent rarement isolément les unes des autres (Finkelhor, Ormrod, & Turner, 2007; Tourigny, Hébert, Joly, Cyr, & Baril, 2008). Par conséquent, une étude s’intéressant à un nombre restreint de mauvais traitements est susceptible de mener à une surestimation des conséquences d’une seule forme de violence. Ce postulat a été vérifié par Turner, Finkelhor et Ormrod (2010) dans une étude sur la polyvictimisation. Afin de pallier à cette limite, Scott-Storey (2011) a proposé d’intégrer dans une même étude plusieurs formes de mauvais traitements afin de bien cerner l’influence particulière de chaque forme de mauvais traitements (effet unique). Dans un même ordre d’idées, il

(20)

est également proposé de considérer l’effet cumulatif des différentes formes de mauvais traitements, ainsi que les combinaisons possibles de mauvais traitements susceptibles de causer davantage de conséquences (effet interactif).

D’autre part, les mécanismes entourant l’association entre les mauvais traitements et les comportements sexuels à risque demeurent inconnus (Scott-Storey, 2011). Pourtant, la compréhension des mécanismes par lesquels les facteurs prédisposants amènent les adolescents à s’engager dans les comportements sexuels à risque (variables médiatrices) est cruciale pour procéder à l’identification des personnes les plus à risque, et pour développer des programmes efficaces d’intervention et de prévention. L’attachement est un des mécanismes prometteurs ayant été identifié dans les ouvrages théoriques pour expliquer l’association entre les mauvais traitements et les comportements sexuels à risque (Briere, 2002b; Cicchetti & Toth, 2005). Par contre, peu d’études scientifiques se sont intéressées directement à son rôle médiateur.

Ainsi, cette thèse, sous forme d’articles scientifiques, vise dans un premier temps à démystifier l’influence de différentes formes de mauvais traitements sur les comportements sexuels à risque à l’adolescence. Les effets indépendants, uniques, cumulatifs et interactifs de différentes formes de mauvais traitements sur les comportements sexuels à risque seront explorés. Dans un deuxième temps, cette thèse vérifiera le rôle médiateur de l’attachement dans l’explication du lien entre les mauvais traitements et les comportements sexuels à risque. Les garçons et les filles vivent des enjeux développementaux distincts durant la période de l’adolescence et peuvent être grandement influencés par le double standard (p.ex., il est valorisé socialement pour les filles d’avoir peu d’expériences sexuelles alors qu’il est valorisé pour les garçons d’en avoir plusieurs) (Organisation mondiale de la santé, 2005). Par conséquent, les deux objectifs de cette thèse comprendront l’exploration des différences de genre. La section qui suit vise à introduire de manière plus détaillée le sujet de la thèse, soit la définition et la prévalence des mauvais traitements, leur influence sur les comportements sexuels à risque, le rôle de l’attachement et les objectifs de la thèse.

Les mauvais traitements infligés aux enfants

Les mauvais traitements infligés aux enfants sont un phénomène répandu affectant la vie de millions d’enfants à travers le monde (Stoltenborgh, Bakermans-Kranenburg, Alink, & van Ijzendoorn, 2015). Chaque année, des milliers d’enfants sont pris en charge par les services de protection de l’enfance. Aux États-Unis, 6,4 millions de cas ont été signalés en 2013 aux services de protection de l’enfance (Département de la Santé et des Services sociaux des États-Unis, 2015). De ceux-ci, 2,1 millions de signalements ont fait l’objet d’une enquête plus approfondie et 679 000 enfants étaient effectivement victimes de mauvais traitements au sens de la loi. Il s’agit d’un taux de 9,1 enfants par 1 000 aux États-Unis.

(21)

Au Canada, l’étude la plus récente sur les taux de signalement présente des données de 2008 (Trocmé et al., 2010). Bien que le nombre total de signalements ne soit pas rapporté, 235 842 signalements ont fait l’objet d’une enquête plus approfondie. Parmi ceux-ci, 97 458 des enfants étaient effectivement victimes de mauvais traitements ou à risque de futurs mauvais traitements. Ce qui correspond à un taux pour 1000 enfants de 14 au Canada. Plus près de nous, au Québec, l’Étude québécoise sur l’incidence des signalements évalués en protection de la jeunesse (Hélie, Collin-Vézina, Turcotte, Trocmé, & Girouard, 2017) a rapporté 31 529 cas évalués par les services de protection de l’enfance en 2014. Parmi ces cas évalués, 60% représentaient des situations avec au moins un incident fondé de mauvais traitement et 13% avec risque fondé de mauvais traitement. Finalement, parmi l’ensemble des cas évalués, 14% des enfants ont dû être retirés de leur milieu familial afin d’assurer leur protection.

Malheureusement, ces statistiques sont un piètre reflet de la réalité et ne représentent que la pointe de l’iceberg. En effet, ces estimations correspondent au nombre de cas rapportés aux autorités, et n’incluent donc pas les incidents de conduites maltraitantes non signalés aux services de protection de l’enfance, les cas n’ayant pas fait l’objet d’étude approfondie par les services de protection de l’enfance et les incidents qui ne rencontrent pas les critères de la Loi sur la protection de la jeunesse. Afin de déterminer des estimés plus près de la prévalence réelle des mauvais traitements dans la population, nous disposons d’enquêtes populationnelles auprès de la population générale. Bien que la prévalence des mauvais traitements soit comparable à travers les continents, l’Amérique du Nord se classe au premier rang à travers le monde avec l’Australie quant à la prévalence de l’agression sexuelle chez les filles (Stoltenborgh et al., 2015). Aux États-Unis, une étude nationale montre qu’une proportion de 79,6% des enfants subiraient au cours de leur vie au moins une forme de violence parmi un ensemble exhaustif de violence (c.-à-d., crime conventionnel, mauvais traitements, violence par les pairs, violence indirecte, agression sexuelle) (Finkelhor, Ormrod, & Turner, 2009). Au Québec, Tourigny et al. (2008) se sont intéressés spécifiquement aux mauvais traitements. À partir d’un échantillon représentatif de la population québécoise, une enquête téléphonique a montré que 36,7% des enfants ont subi au cours de leur vie au moins une forme de violence sexuelle, physique, psychologique ou d’exposition à la violence interparentale. Toutefois, la forme de mauvais traitements la plus rapportée comme fondée aux services de protection de l’enfance au Québec (Hélie et al., 2017), soit la négligence, a été omise dans cette étude. L’enquête téléphonique auprès du parent et de l’enfant dans l’étude de Finkelhor et al. (2009) et le devis rétrospectif dans l’étude Tourigny et al., (2008) sont des limites méthodologiques importantes, puisqu’elles sont susceptibles de susciter la désirabilité sociale chez le répondant ou un biais de rappel, respectivement. On peut donc croire que la prévalence réelle des mauvais traitements dans la population serait plus élevée.

(22)

Selon l’Agence de la santé publique du Canada (2012), les mauvais traitements renvoient à :

toute forme de sévices ou risque de sévices subis par un enfant ou un adolescent alors qu'il est sous la responsabilité d'une personne en qui il a confiance ou dont il dépend, notamment un parent, un frère ou une sœur, un autre membre de la famille, un enseignant, un soignant ou un tuteur. Les sévices peuvent découler d'actions directes commises par la personne (actes de commission), ou du défaut de cette dernière d'offrir à l'enfant toutes les conditions dont il a besoin pour grandir et se développer sainement (acte d'omission). (pp. 1)

Les mauvais traitements regroupent plusieurs formes de violence, dont l’agression sexuelle, l’agression physique et les mauvais traitements psychologiques. Parmi les mauvais traitements psychologiques, on retrouve plus spécifiquement la négligence (acte d’omission), l’abus émotionnel (acte de commission) et l’exposition à la violence interparentale (Gagné, Lavoie, & Fortin, 2003). Cette thèse se penchera sur toutes ces formes de mauvais traitements, excepté l’abus émotionnel, puisqu’aucune donnée n’était disponible pour en permettre l’étude dans l’enquête utilisée. La prochaine section est consacrée à la définition et à la prévalence de chacune des formes de mauvais traitements étudiées.

Agression sexuelle

L’organisation mondiale de la santé (2006) définit l’agression sexuelle comme la participation d’un enfant à des activités sexuelles qu’il ne comprend pas entièrement, auxquelles il ne peut donner son consentement éclairé, pour lesquelles il n’est pas préparé d’un point de vue développemental, ou qui contreviennent aux standards de la société dans laquelle ces enfants vivent. Un article révisant les résultats d’une série de méta-analyses établit le taux de prévalence de l’agression sexuelle à travers le monde à 8% pour les garçons et 18% pour les filles (Stoltenborgh et al., 2015). Au Québec, une vaste enquête téléphonique auprès de parents d’enfant de 2 à 11 ans a montré un taux de prévalence d’agression sexuelle de 4% pour les filles et les garçons (Cyr, Clément, & Chamberland, 2014). Ces taux sont toutefois susceptibles de minimiser la prévalence réelle, puisque le répondant est un tiers et susceptible à la désirabilité sociale. Une étude représentative de la population adulte québécoise indiquerait des taux rétrospectifs de près de 22% pour les femmes et 10% chez les hommes (Tourigny et al., 2008).

Agression physique

L’agression physique, quant à elle, renvoie à l’utilisation de la force physique envers un enfant, qui cause, ou qui est susceptible de causer un préjudice à la santé, la survie, le développement ou la dignité de l’enfant (Organisation mondiale de la santé, 2006). Le taux de prévalence mondial de l’agression physique serait de 23% (Stoltenborgh et al., 2015). Au Québec, l’étude de Cyr et collaborateurs (2014) montre des taux de prévalence chez les enfants de 2 à 11 ans de 1% chez les filles et de 2% chez les gars, tels que rapportés par les parents. Les taux de prévalence rétrospectifs de l’agression physique rapportés par les adultes au Québec, sont comparables aux taux rapportés

(23)

dans le monde, soit 19% des individus (femmes : 17%; hommes : 23%) auraient subi des sévices physiques de la part d’un adulte au cours de leur enfance (Tourigny et al., 2008).

Négligence

La négligence est un acte d’omission de la part du parent (ou de celui prodiguant les soins) d’assurer le développement et le bien-être de l’enfant (Organisation mondiale de la santé, 2006). Il existe donc plusieurs sous-types de négligence, dépendamment de la sphère atteinte : physique (p.ex., nutrition, soins de santé), émotionnelle et éducationnelle (Briere, 2002a; Organisation mondiale de la santé, 2006). Plus généralement, on peut donc définir la négligence en termes d’omission des soins, de l’amour, de l’attention et de l’affection qui sont nécessaires au développement de l’enfant. À travers le monde, la négligence physique et la négligence émotionnelle toucheraient respectivement 16% et 18% des enfants (Stoltenborgh et al., 2015). Au Québec, la négligence est une des formes de mauvais traitements les plus rapportées aux services de protection de la jeunesse (Association des centres jeunesse du Québec, 2015). Dans la population générale québécoise, 21% des parents rapportent au moins une conduite négligente envers leur adolescent (10-15 ans) au cours de la dernière année (Clément, Bérube, & Chamberland, 2016). Ainsi, la prévalence de négligence au cours de la vie est susceptible d’être beaucoup plus élevée que 21%.

Exposition à la violence interparentale

L’exposition à la violence interparentale est une forme de violence indirecte où l’enfant est témoin d'actes de violence entre ses deux parents ou entre la personne qui s'occupe de lui et son ou sa conjointe (Agence de la santé publique du Canada, 2012). La violence à laquelle l’enfant est exposée peut être de nature physique ou psychologique. Puisque l’exposition à la violence interparentale est susceptible de menacer le bien-être psychologique des enfants ou des adolescents qui en sont témoins, cette forme de violence indirecte est maintenant considérée comme une forme de mauvais traitements à part entière (Agence de la santé publique du Canada, 2012). Au Québec, l’étude de Cyr et collaborateurs (2014) montre des taux de 2% d’exposition à la violence interparentale pour les garçons et les filles. Alors que l’étude de Tourigny et al. (2008) menée auprès d’adultes indique que 18% des enfants (filles : 17%; garçons : 19%) auraient été exposés à au moins un épisode de violence interparentale au cours de leur enfance.

Répercussions des mauvais traitements sur l’implication dans les comportements

sexuels à risque à l’adolescence

Les données d’enquête actuelles montrent l’ampleur et la diversité de la violence infligée aux enfants. Non seulement les mauvais traitements touchent un nombre important d’enfants à travers le monde, mais ils sont susceptibles d’engendrer des conséquences à court et à long terme sur ces enfants. Les conséquences sont

(24)

multiples et peuvent affecter différentes sphères de la vie de la victime, dont la sphère psychologique, physique, relationnelle et sexuelle (Trickett, Negriff, Ji, & Peckins, 2011). En effet, des revues de la littérature montrent une association entre les mauvais traitements et, entre autres, des symptômes intériorisés et extériorisés, une faible estime de soi, une faible régulation émotionnelle, de la douleur chronique et des troubles psychosomatiques, des difficultés relationnelles avec les pairs et dans les relations amoureuses, des comportements antisociaux, ainsi que des problèmes de consommation d’alcool et de drogue (Cicchetti & Toth, 2005; Fry, McCoy, & Swales, 2012; Trickett et al., 2011). En plus de ces difficultés rencontrées par les victimes, on retrouve une plus grande propension à s’engager dans des comportements sexuels à risque. Cette thèse s’intéresse aux conséquences des mauvais traitements sur l’implication dans les comportements sexuels à risque durant l’adolescence. La section suivante discute de l’état des connaissances sur les mauvais traitements comme facteurs prédisposants aux comportements sexuels à risque.

Initialement, les chercheurs s’intéressant aux conséquences des mauvais traitements sur l’implication dans les comportements sexuels à risque se sont penchés sur le rôle de l’agression sexuelle. Depuis les années 1990, les chercheurs ont observé que le vécu d’agression sexuelle est associé à l’implication dans plusieurs types de comportements sexuels à risque à l’adolescence et à l’âge adulte, dont, entre autres, un plus grand nombre de partenaires sexuels, des contacts sexuels avec des inconnus ou des partenaires infectés par une infection transmissible sexuellement, de l’échange de services sexuels contre rétribution, des contacts sexuels à un plus jeune âge, des contacts sexuels sous l’influence de substance (alcool ou drogue) ou avec un partenaire sous l’influence de substance, un usage inconstant du condom et plus d’infections transmissibles sexuellement (Homma, Wang, Saewyc, & Kishor, 2012; Kaestle, 2012; Olley, 2008; Senn et al., 2008).

Récemment, les auteurs ont commencé à s’intéresser aux autres formes de mauvais traitements en lien avec l’implication dans les comportements sexuels à risque. Bien que les études sont actuellement peu nombreuses, elles permettent de constater que les enfants ayant subi de la violence physique ou de la négligence durant leur enfance sont plus enclins à avoir des contacts sexuels plus tôt, un plus grand nombre de partenaires sexuels, des contacts sexuels avec une personne dont le passé sexuel est inconnu, des échanges de services sexuels contre rétribution et des infections transmissibles sexuellement (Negriff et al., 2015; Norman et al., 2012; Trickett et al., 2011; Ulloa et al., 2016; Wilson & Widom, 2008; Wilson, Woods, Emerson, & Donenberg, 2012). Des études se sont également intéressées à la violence indirecte et ont observé que les enfants ayant été exposés à de la violence interparentale étaient plus susceptibles de s’engager dans des comportements sexuels à risque à l’adolescence (Elliott, Avery, Fishman, & Hoshiko, 2002) et à l’âge adulte (Bair-Merritt, Blackstone, & Feudtner, 2006).

(25)

Lacunes méthodologiques des études actuelles

Actuellement, les études permettant d’établir le lien entre les mauvais traitements et les comportements sexuels à risque sont limitées par deux lacunes méthodologiques importantes, soit l’omission de considérer la variété des mauvais traitements potentiellement vécus dans le milieu familial et le peu d’intérêt accordé aux mécanismes potentiels pouvant expliquer cette relation.

Tout d’abord, la plupart des études actuelles se sont intéressées à une ou deux formes de violence dans leur devis de recherche en omettant de mesurer les autres formes de mauvais traitements vécus (Afifi et al., 2006; Littleton et al., 2007). Toutefois, afin de bien comprendre le lien entre les mauvais traitements et les différents comportements sexuels à risque, il importe de tenir compte de l’ensemble des mauvais traitements. En effet, de nombreuses études ont démontré qu’une forme de violence, parmi un ensemble exhaustif de violence étudié (p.ex., agression sexuelle, agression physique, violence par les pairs) survient rarement de façon isolée (Finkelhor et al., 2007). Ainsi, omettre de mesurer de façon globale les mauvais traitements potentiellement vécus n’informe pas sur l’effet total de l’exposition aux mauvais traitements sur l’implication dans les comportements sexuels à risque. De plus, Turner et al. (2010) ont montré que l’omission de considérer les autres formes de violence potentiellement vécues dans les devis de recherche mène à une surestimation des conséquences reliées à la forme de violence étudiée. Ce même biais est susceptible de survenir dans les études s’intéressant de manière spécifique aux mauvais traitements, et ne mesurant pas de façon suffisamment exhaustive les mauvais traitements. Le premier article de thèse cherchera à répondre à cette première lacune méthodologique. Il s’intéressera à l’effet unique de chaque forme de mauvais traitements (c.-à-d., agression sexuelle, agression physique, négligence, exposition à la violence interparentale) en contrôlant pour les autres formes de mauvais traitements vécus. Il s’intéressera également à l’effet cumulatif et interactif. Il couvrira un large éventail de comportements sexuels à risque en deux grandes dimensions : la nature et le nombre de partenaires sexuels (c.-à-d., le nombre de partenaires sexuels, les contacts sexuels avec un inconnu

et

l’échange de services sexuels contre rétribution) et les risques pour la santé sexuelle (c.-à-d., l’âge à la première relation sexuelle, l’usage inconstant du condom et les infections transmissibles sexuellement).

Finalement, bien qu’une relation existe entre le vécu de mauvais traitements et l’implication subséquente dans les comportements sexuels à risque, ce ne sont pas tous les adolescents qui ont subi des mauvais traitements qui s’engagent dans de tels comportements. Il s’avère donc pertinent de mieux comprendre quels sont les mécanismes derrière cette association afin d’identifier les individus les plus à risque. Une plus grande connaissance des mécanismes est essentielle au développement de programmes de prévention efficaces. L’une des premières répercussions des mauvais traitements est l’atteinte au fonctionnement du système d’attachement de l’enfant (Briere, 2002b). Le deuxième article de thèse s’intéressera donc à l’attachement comme mécanisme sous-tendant la relation entre les mauvais traitements et les comportements sexuels à risque. La section suivante abordera la théorie de

(26)

l’attachement, l’influence des mauvais traitements sur son développement et de son influence sur les comportements sexuels à risque.

Le rôle de la sécurité d’attachement

La théorie de l’attachement

La théorie de l’attachement découle de la tendance innée à créer des liens émotionnels avec les autres (Bowlby, 1982). Les premières expériences avec les figures d’attachement sont alors internalisées et développées en des représentations mentales de soi et des autres, communément appelées représentations mentales internes. Ainsi, dès le plus jeune âge, la qualité des relations que l’enfant entretient avec ses figures d’attachement est déterminante dans la construction des représentations mentales qu’il a de lui-même et des autres. Lorsque la figure d’attachement est attentive aux besoins de l’enfant et y répond convenablement, l’enfant développe une représentation mentale positive de sa figure d’attachement et se sent confortable de développer des liens intimes avec elle (Mikulincer & Shaver, 2007). Il est alors confiant que sa figure d’attachement sera en mesure de répondre à ses besoins lorsqu’ils se présenteront. Il développe également une représentation mentale de lui-même positive, confiant qu’il peut avoir une influence sur son environnement et que ses besoins seront remplis. Il est alors confortable de fonctionner de manière autonome, sachant qu’il pourra toujours se tourner vers sa figure d’attachement en cas de besoin (Iwaniec, 2006). Ces représentations mentales positives résultent en un attachement sécure.

À l’opposé, lorsque la figure d’attachement n’est pas disponible ou sensible aux besoins de l’enfant, ou encore lorsqu’elle ne répond pas adéquatement à ses besoins, les représentations mentales de l’enfant par rapport à lui-même et aux autres ont tendance à être négatives. L’enfant est alors moins confortable de fonctionner de manière autonome, n’étant pas confiant quant à sa capacité à influencer son environnement social et à voir ses besoins remplis (Iwaniec, 2006). Il développe alors un attachement insécure (Mikulincer & Shaver, 2007).

Contrairement à l’attachement sécure, l’attachement insécure se caractérise par un haut niveau d’anxiété, d’évitement ou des deux (Mikulincer & Shaver, 2007). Un haut niveau d’anxiété se caractérise par une vision négative de soi-même, un grand besoin d’approbation et une peur intense d’être rejeté ou abandonné. Au plan comportemental, l’individu ayant un attachement anxieux recherche constamment la proximité, l’intimité et a un grand besoin de réassurance. À l’opposé, un haut niveau d’évitement se caractérise par une vision négative des autres, un inconfort avec la proximité affective et la dépendance. Au plan comportemental, l’individu ayant un attachement évitant valorise l’indépendance et a un faible désir d’engagement et d’intimité. Par ailleurs, un enfant peut présenter à la fois un haut niveau d’anxiété et d’évitement.

(27)

Répercussions des mauvais traitements sur la sécurité d’attachement

Il va sans dire que les mauvais traitements sont susceptibles d’affecter les représentations que l’enfant a de lui-même et des autres. L’enfant apprend dès son plus jeune âge que sa figure d’attachement n’assure pas sa protection lorsqu’elle lui inflige des mauvais traitements, ou encore ne parvient pas à empêcher les mauvais traitements de survenir (Beaudoin & Hébert, 2012). Ainsi, les enfants ayant subi des mauvais traitements sont plus susceptibles de développer des représentations négatives d’eux-mêmes, soit qu’ils ne méritent pas l’amour de leurs parents et qu’ils sont inadéquats (Briere, 1992). Ils sont également plus susceptibles d’avoir des représentations des autres plus négatives, de les considérer comme rejetant et comme étant non disponibles. D’ailleurs, l’attachement insécure, soit un haut niveau d’anxiété, d’évitement ou des deux, a depuis des dizaines d’années été associé à un vécu de mauvais traitements (Baer & Martinez, 2006; Cicchetti & Toth, 2005; Cyr, Euser, Bakermans-Kranenburg, & Van Ijzendoorn, 2010). Plus spécifiquement, les enfants victimes des mauvais traitements seraient plus enclins à présenter un style d’attachement désorganisé, caractérisé par un haut niveau d’anxiété et d’évitement (Mikulincer & Shaver, 2007). L’enfant présenterait alors un ensemble de comportements désorganisés de rapprochement et d’évitement. Récemment, Paetzold, Rholes et Kohn (2015) ont contribué à une meilleure compréhension de l’attachement désorganisé en créant une échelle de mesure spécifique à ce style d’attachement. Ils ont alors fait la démonstration que le concept d’attachement désorganisé présente également une dimension de peur et de crainte à être en relation, et serait donc beaucoup plus complexe qu’une combinaison d’anxiété et d’évitement.

Finalement, dépendamment de la nature des mauvais traitements vécus, l’enfant est susceptible de développer un patron d’attachement plus anxieux ou plus évitant. Par exemple, un enfant ayant subi de la négligence pourrait développer un haut niveau d’anxiété lorsque sa figure d’attachement n’a pas su répondre de manière constante ou convenable à ses besoins dans le passé. En revanche, un enfant ayant subi de la négligence pourrait également développer un haut niveau d’évitement si la figure d’attachement était plutôt rejetante ou inconfortable avec les contacts physiques (Mikulincer, Shaver, & Pereg, 2003).

Répercussions de l’attachement insécure sur les comportements sexuels à risque

Les représentations mentales internes positives ou négatives développées durant l’enfance ont tendance à se généraliser et à être plutôt stables à travers le temps (Waters, Merrick, Treboux, Crowell, & Albersheim, 2000). Ces représentations sont alors susceptibles de se maintenir à l’adolescence et à l’âge adulte, et ainsi affecter différentes sphères de la vie de l’individu, dont les sphères relationnelles et sexuelles (Cooper et al., 2006; Fraley & Shaver, 2000; Jones & Furman, 2011; Waters et al., 2000). Bien que l’attachement et la sexualité soient régulés par des systèmes qui sont distincts, ils s’influencent de part et d’autre (Fraley & Shaver, 2000).

(28)

D’une part, il est attendu que le grand besoin d’approbation et la peur d’être rejeté des individus ayant un

attachement anxieux rendent difficile la négociation de la sexualité (Jones & Furman, 2011). On peut alors s’attendre

à ce qu’ils soient plus vulnérables à la pression d’avoir des relations sexuelles et qu’ils aient davantage de difficulté à négocier l’usage du condom. Cette hypothèse a été partiellement appuyée dans une revue exhaustive de la littérature sur l’influence de la sécurité d’attachement sur les comportements sexuels (Cooper et al., 2006). Les recherches empiriques auraient montré des résultats mitigés en raison d’importantes différences de genre quant à l’expression de l’anxiété au plan sexuel. L’attachement anxieux n’a pas montré d’association avec le nombre de partenaires sexuels dans l’étude de Lemelin, Lussier, Sabourin, Brassard, et Naud (2014), malgré leur exploration des différences de genre. Toutefois, Gentzler and Kerns (2004) ont trouvé que l’attachement anxieux serait associé à moins de partenaires sexuels, mais pour les garçons seulement. L’attachement anxieux augmenterait les probabilités d’avoir une première relation sexuelle à un plus jeune âge chez les filles (Bogaert & Sadava, 2002; Gentzler & Kerns, 2004). L’attachement anxieux ne prédisposerait pas aux contacts sexuels avec des inconnus, ni chez les gars, ni chez les filles (Garneau, Olmstead, Pasley, & Fincham, 2013; Gentzler & Kerns, 2004). Les adolescents des deux sexes qui ont un attachement anxieux auraient également plus de difficulté à utiliser le condom de manière constante (Cooper et al., 2006).

D’autre part, il est attendu que le désir d’indépendance et l’inconfort avec l’intimité amènent les individus ayant un

attachement évitant à adopter deux trajectoires différentes : retarder les contacts sexuels ou encore avoir des

contacts sexuels dans des contextes peu intimes (c.-à-d., à l’extérieur d’une relation romantique). Les résultats de recherches empiriques illustrent bien ces deux trajectoires. Certaines études ont montré une association entre l’attachement évitant et des contacts sexuels plus tardifs (Bogaert & Sadava, 2002; Gentzler & Kerns, 2004; Tracy, Shaver, Albino, & Cooper, 2003), alors que d’autres ont montré un lien avec des contacts sexuels à un plus jeune âge (Lemelin et al., 2014). L’attachement évitant a également été associé à un plus grand nombre de partenaires sexuels (Szielasko, Symons, & Price, 2013) et des contacts sexuels avec des inconnus (Garneau et al., 2013; Gentzler & Kerns, 2004; Paul & Hayes, 2002). En contrepartie, ils auraient davantage tendance à utiliser le condom (Feeney, Peterson, Gallois, & Terry, 2000).

En somme, les mauvais traitements infligés aux enfants jouent un rôle important dans le développement d’un attachement insécure, soit anxieux ou évitant. À court ou long terme, un tel niveau d’anxiété ou d’évitement prédispose les individus à s’engager dans des comportements sexuels à risque. Bien que l’attachement a depuis longtemps été proposé comme un mécanisme menant aux comportements sexuels à risque chez les victimes de mauvais traitements (Briere, 2002b; Cicchetti & Toth, 2005), la littérature à ce sujet est presque inexistante. En effet, seul Oshri, Sutton, Clay-Warner, et Miller (2015) ont vérifié le rôle médiateur de l’attachement dans la relation entre les mauvais traitements et l’usage du condom. Toutefois, cette étude portait sur un échantillon de jeunes adultes et les résultats ne peuvent être généralisables à la population adolescente. Une plus grande connaissance des

(29)

mécanismes, tel l’attachement, est essentielle afin d’améliorer les interventions et les programmes de prévention offerts aux adolescents. La section suivante présente le but et les objectifs de la thèse.

But et objectifs de thèse

Cette thèse, qui est constituée de deux articles scientifiques, a comme but d’approfondir les liens existant entre les différentes formes de mauvais traitements et l’implication dans les comportements sexuels à risque chez les adolescents. Les données de l’Enquête Parcours Amoureux des Jeunes (PAJ), dont la chercheure principale est Martine Hébert, Ph. D., ont été utilisées. Il s’agit d’une étude longitudinale réalisée auprès d’un échantillon représentatif de plus de 8 000 jeunes de 14 à 18 ans fréquentant les niveaux du secondaire III, IV et V.

Un premier article aura comme objectif de traiter des effets uniques, cumulatifs et interactifs de différentes formes de mauvais traitements sur les comportements sexuels à risque des adolescents. Plus spécifiquement, cet article s’intéressera à l’agression sexuelle, l’agression physique, la négligence et l’exposition à la violence interparentale. Il couvrira un large éventail de comportements sexuels à risque en deux grandes dimensions : la nature et le nombre de partenaires sexuels (c.-à-d., le nombre de partenaires sexuels, les relations sexuelles avec une connaissance ou un inconnu et l’échange de services sexuels contre rétribution) et les risques pour la santé sexuelle (c.-à-d., l’âge à la première relation sexuelle, l’usage inconstant du condom et les infections transmissibles sexuellement). Cet article, qui couvrira un grand éventail de mauvais traitements, permettra d’isoler l’influence réelle de chaque forme de violence, ce qui a été souvent négligé dans les devis de recherche par le passé. De plus, la considération d’un grand nombre de mauvais traitements permettra d’évaluer l’effet cumulatif, ainsi que l’influence de chaque forme de mauvais traitements sur les autres (c.-à-d., effet interactif) dans la prédiction des comportements sexuels à risque. Un deuxième article aura comme objectif de vérifier le rôle de l’attachement comme processus sous-tendant le lien entre les mauvais traitements et les comportements sexuels à risque. La théorie de l’attachement sera donc appliquée à l’étude du lien entre les mauvais traitements et les comportements sexuels à risque, permettant ainsi une meilleure compréhension d’un mécanisme par lequel les mauvais traitements en viennent à influencer les comportements sexuels des adolescents. Cet article s’intéressa aux mêmes formes de mauvais traitements que dans le premier article, soit l’agression sexuelle, l’agression physique, la négligence et l’exposition à la violence interparentale. Le rôle médiateur de l’attachement anxieux et de l’attachement évitant sera exploré. Afin de réaliser l’analyse de médiation, une séquence temporelle devait être établie entre les variables à l’aide d’un devis prospectif. Ainsi, seuls les comportements sexuels à risque mesurés au deuxième temps de mesure de l’enquête ont été préservés, soit le nombre de partenaires sexuels, les contacts sexuels avec un inconnu et l’âge à la première relation sexuelle. Cet article sera un des premiers à investiguer le rôle de l’attachement dans la relation entre les mauvais traitements infligés aux enfants et les comportements sexuels à risque. Il permettra donc une meilleure connaissance

(30)

des prédicteurs et médiateurs, ce qui permettra en retour de construire des programmes de prévention plus robustes et efficaces.

Les deux prochains chapitres présentent le premier et le deuxième article de la thèse. Finalement, le dernier chapitre constitue la conclusion générale et reprend les principaux résultats et leurs implications.

(31)

Chapitre 2 : Le vécu de mauvais traitements et l’implication

dans les comportements sexuels à risque à l’adolescence :

Effets uniques, cumulatifs et interactifs

(32)

Childhood Maltreatment and Adolescent Sexual Risk Behaviors: Unique, Cumulative and Interactive Effects

Marie-Eve Thibodeau and Francine Lavoie École de psychologie, Université Laval, Québec, Canada;

Martine Hébert and Martin Blais

Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, Québec, Canada

Publié dans

Child Abuse & Neglect

Thibodeau, M.- E., Lavoie, F., Hébert, M., & Blais, M. (2017). Childhood Maltreatment and Adolescent Sexual Risk Behaviors: Unique, Cumulative and Interactive Effects. Child Abuse & Neglect. Advance online publication. doi: j.chiabu.2017.09.002

(33)

Résumé

Les mauvais traitements vécus en enfance sont associés aux comportements sexuels à risque. Par le passé, les chercheurs se sont généralement penchés sur une seule forme de mauvais traitements, ne leur permettant pas d’observer les interrelations entre les formes de mauvais traitements et leur influence sur les comportements sexuels à risque. Le but de cette étude est d’examiner les effets uniques, cumulatifs et interactifs de quatre formes de mauvais traitements (agression sexuelle, agression physique, négligence et exposition à la violence interparentale) sur les comportements sexuels à risque. L’échantillon comprend 1 940 adolescents sexuellement actifs (Mâge = 15,6; 60,8% filles) fréquentant les établissements scolaires du

Québec. Les résultats des régressions ont montré que toutes les formes de mauvais traitements étudiées sont associées à un plus grand nombre de partenaires sexuels, des contacts sexuels avec des inconnus, de l’échange de services sexuels et un plus jeune âge à la première relation sexuelle consensuelle. L’agression physique et l’exposition à la violence interparentale sont associées à un usage inconstant du condom, et l’agression physique est associée à un diagnostic d’infection transmissible sexuellement. En contrôlant pour toutes les formes de mauvais traitements vécus (effets uniques), les analyses ont montré que l’agression sexuelle, l’agression physique, la négligence et l’exposition à la violence interparentale sont associées spécifiquement à certains comportements sexuels à risque. Un plus grand nombre de formes de mauvais traitements vécus est associé à davantage de comportements sexuels à risque (effet cumulatif). Lorsque l’agression sexuelle n’est pas vécue, il y a un effet de la négligence sur le nombre de partenaires sexuels (effet interactif). En général, les associations entre les mauvais traitements et les comportements sexuels à risque étaient semblables pour les garçons et les filles. La relation entre des formes spécifiques de mauvais traitements et les comportements sexuels à risque peut être mal évaluée lorsque les autres formes de mauvais traitements ne sont pas contrôlées.

Mots-clés : agression sexuelle, mauvais traitements, cumul de mauvais traitements, comportements sexuels à

(34)

Abstract

Child maltreatment has been associated with sexual risk behaviors. Previous investigators have typically studied only one form of maltreatment, preventing them from exploring interrelations between forms of maltreatment and their impact on sexual risk behaviors. Thus, this study aims to examine the unique, cumulative, and interactive effects of four maltreatment forms (sexual abuse, physical abuse, neglect, and witnessing interparental violence) on sexual risk behaviors. The sample comprised 1,940 sexually active adolescents (Mage = 15.6; 60.8% girls) attending Quebec (Canada) high schools. Regression results showed

that all maltreatment forms were associated with having a higher number of sexual partners, casual sexual behavior, sex exchange, and a younger age at first consensual intercourse. Physical abuse and witnessing interparental violence were associated with inconsistent condom use, and physical abuse was associated with sexually transmitted infections. After controlling for other forms of maltreatment (unique effects), analyses showed that sexual abuse, physical abuse, neglect or witnessing interparental violence remained statistically associated depending on the sexual risk behavior. A greater number of forms of maltreatment was associated with more sexual risk behaviors (cumulative effect). When sexual abuse was not experienced, neglect was associated with a higher number of sexual partners (interactive effects). In general, associations between maltreatment and sexual risk behaviors were similar for both genders. The magnitude of the relationship between a specific form of child maltreatment and sexual risk behaviors may be inaccurately estimated when not controlling for other forms of maltreatment.

Figure

Figure 1. Hypothesized model depicting attachment (i.e., anxious and avoidant) as mediator of the relationship  between  child  maltreatment  (Time  1  =  baseline)  and  sexual  risk  behaviors  (Time  2  =  6  months  follow-up)
Figure 2. Standardized coefficients for model of number of sexual partners and age at first intercourse (A) and  model  of  casual  sexual  behavior  (B)

Références

Documents relatifs

For further ana- lysing the effect of alloying on pearlite growth kinetics, thermal records obtained from standard TA-cups and keel blocks cast using a set of six alloys with

To better understand the behavior of the swirler with a 25° vane angle and to be able to more easily set the appropriate conditions to reach the desired heat flux and

L’intérêt de ce travail est de faire le point sur les particularités des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde qui peuvent avoir une incidence dans la prise en charge par

However, this former SR does not include the success (or failure) in stable cell prediction inherited in the model, thus, precludes the detection of over-prediction of slope fail-

Another sample was imaged using laminography. This technique, as explained earlier, presents the advantage of limiting the sample preparation, as it can remain in it original

Figure 4: FWE-corrected thresholded t-score images (p < 0.05) on the difference in (longitu- dinal) atrophy effect (AD vs. N) obtained with the parametric N-OLS and SS-OLS

Storage modulus of the cured 70/30 PC/DGEBA(n = 0.04)–MCDEA blend after cure at 150 °C/20 h (j) indicating the presence of crystalline PC, and the same specimen measured during a

Pour ce qui est du deuxième groupe, le choix dc la pathologie retenue s’est fait en fonction des études récentes (Rutter, 1998 ;Chicoine, Germain & Lernieux 2()()3) qui