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Discours sur la maison et dynamiques identitaires chez les Podokwo, Muktele et Mura (monts Mandara du Cameroun) Une approche à l'ethnicité et au statut social

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Academic year: 2021

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Discours sur la maison et dynamiques identitaires chez les

Podokwo, Muktele et Mura (monts Mandara du Cameroun)

Une approche à l’ethnicité et au statut social

Thèse

Melchisedek Chetima

Doctorat en histoire

Philosophiæ Doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© Melchisedek Chetima, 2015

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Résumé

Cette thèse examine les pratiques architecturales et les dynamiques identitaires chez les Podokwo, Muktele et Mura des monts Mandara (Cameroun). Elle s’organise autour de l’hypothèse-cadre selon laquelle la logique pratique et fonctionnelle de la construction, de l’extension et de la transformation d’une maison évolue en tandem avec des considérations d’ordre symbolique, notamment la production des sentiments ethniques (Hodder, 1982) et la quête du prestige social à l’intérieur de la communauté (Duncan, 1982 ; Roux, 1976). En partant de l’approche développée par des auteurs comme Ian Hodder (2012, 2006, 1999, 1982), Daniel Miller (2010, 2007, 2005, 2001, 1987), et Christophey Tilley (2010, 2006, 2004, 2002, 1999), je montre comment la maison, à travers ses multiples usages, devient porteuse de plusieurs appartenances identitaires à un niveau sociétal et individuel (Bromberger, 1980). Pour cela, j’ai porté mon attention, non seulement sur ce que les individus font avec la maison, mais aussi sur la manière dont celle-ci construit à son tour l’identité des individus (Miller, 2001 : 119). J’ai par ailleurs centrée mon analyse autour de quelques évènements clés survenus dans l’histoire des Podokwo, des Muktele et des Mura, en particulier la descente en plaine (1963), l’exode rural et le fonctionnariat (1980) et la transition démocratique (1990). Ces évènements influent sur les pratiques architecturales et sur les discours identitaires qui en sont les corolaires.

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Abstract

This thesis examines the architectural identity dynamics and practices among the Podokwo, Muktele and Mura of the mounts Mandara (Cameroon). It is organized around the assumption that practical and functional logic that guide the construction, the extension and the transformation of house evolves in tandem with symbolic considerations, such as the production of ethnic distinctions (Hodder, 1982) and the quest of social prestige within the community (Duncan, 1982; Roux, 1976). Based on the approach developed by authors like Ian Hodder (2012, 2006, 1999, 1982), Daniel Miller (2010, 2007, 2005, 2001, 1987) and Christophey Tilley (2010, 2006, 2004, 2002, 1999), I argue that the house, through its multi-purpose uses, can become an active agent for the production of identity belonging, both at a societal and individual level (Bromberger, 1980). For this reason, I have focused my attention not only on what people do with the house, but also on how the house that people built, built also people (Miller 2001: 119). I have also focused my analysis on several key moments of the history of Podokwo, Muktele and Mura such as the plain downhill (1963), the rural exodus and civil service (1980) and the democratic transition (1990) that affect the architectural practices and the identity discourses which are its corollaries.

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Table des matières

RÉSUMÉ III ABSTRACT V TABLE DES MATIÈRES VII SIGLES ET ABRÉVIATIONS XVII GLOSSAIRE XIX REMERCIEMENTS XXV INTRODUCTION GÉNÉRALE 1 1. Quelques mots sur la genèse et le contexte de la recherche 2 2. Un contexte historique marqué par des raids esclavagistes et la domination coloniale 7 3. Problématique et hypothèses de travail 13 4. Structure générale de la thèse 17 CHAPITRE I : CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES ET POSITIONNEMENT ÉPISTÉMOLOGIQUE DE L’ÉTUDE 21 I. LES PREMIÈRES ÉTUDES SUR LA MAISON 21 1. Approche naturaliste : du déterminisme environnemental au déterminisme technologique 22 2. Traditions ethnographiques et théories fonctionnalistes de la maison 25 3. Amos Rapoport et la théorie « culturelle multicausale » de la maison 29

II. APPROCHES SYMBOLIQUES OU L’ARCHITECTURE EN TANT QU’IMAGE AUTO‐REPRÉSENTATIONNELLE

ET PROJECTIVE 34

1. « Tu es ce que tu construis » : espace architectural en tant qu’instrument de pouvoir 35 2. Approche de la métaphore : l’architecture en tant que « portraiture symbolique » 41 3. Approches structuralistes ou la maison comme objectivation des relations sociales 45

III. THÉORIES DE LA PRODUCTION SOCIALE DE L’OBJET 50 1. De l’objet produit à l’objet producteur : archéologie postprocessuelle et étude de la culture

matérielle 50

2. Histoire sociale et facteurs historiques de changements architecturaux 58

IV. POSITIONNEMENT THÉORIQUE DE L’ÉTUDE : ENTRE THÉORIE DE LA PRATIQUE ET APPROCHE DE

L’ACTION SOCIALE DE L’OBJET 65

CHAPITRE II APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE : UNE CO‐CONSTRUCTION ENTRE

TERRAIN, CORPUS THÉORIQUE ET TECHNIQUES D’ENQUÊTE 69

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1. Approche phénoménologique interprétative : entre herméneutique et interactionnisme

symbolique 70

2. D’un terrain à l’autre: une ethnographie « multi‐située » dans une démarche endotique 74

II. DE LA MÉTHODE D’ÉCHANTILLONNAGE AU CRITÈRE DE SÉLECTION DES PARTICIPANTS 79

III. INVENTAIRE DES INSTRUMENTS DE COLLECTE DES DONNÉES 89 1. Entretiens semi‐directifs dans une démarche dialogique et réflexive 89 2. Les trajectoires de vie : une méthode biographique à double focale 93 3. Les données de l’observation participante et leur analyse 99

4. La photographie comme catalyseur d’entretien 101

IV. « LA MARIÉE EST SOUVENT TROP BELLE » : DU CHOIX DU MODÈLE D’ANALYSE DES DONNÉES 105 Conclusion ‐ La maison : un espace de production et de communication des identités sociales,

individuelles et des relations de genre 108

CHAPITRE III HISTOIRE PLURIELLE, MÉMOIRE PLURIELLE, OUBLI PLURIEL: LES

MONTAGNARDS À L’ÉPREUVE DE LEUR PASSÉ SERVILE 113

I. DE L’HISTOIRE À LA MÉMOIRE HISTORIQUE DE L’ESCLAVAGE: UN DIALOGUE IMPOSSIBLE? 115 A. HISTOIRE « OFFICIELLE » ET ÉCONOMIE DE LA VIOLENCE DANS LE BASSIN TCHADIEN (XVE‐XXE SIÈCLE)

116 1. Hégémonie des royaumes du bassin tchadien et raids esclavagistes 117 2. Hamman Yadji de Madagali et l’économie de la violence (1902‐1927) : regards sur son journal personnel 122 B. REFOULEMENT ET TRANSMISSION SYMBOLIQUE DE LA MÉMOIRE SERVILE DANS LES TRADITIONS ORALES 130 1. Traditions historiques et fabrication des mythes d’origine : une stratégie de « mise à mort » de l’histoire servile ? 132 2. Chants et construction d’une mémoire alternative 138

II. IMAGINAIRES COLONIAUX, MIMÉTISME LOCAL ET INSCRIPTION DE L’IDÉOLOGIE VICTIMAIRE DANS

L’ESPACE PUBLIC 146 1. De la justification des violences coloniales par la création d’un imaginaire de peuples authentiques et rebelles (1916‐1960) 147 2. « Sortir du regard colonial » : architecture et transmission de l’image de peuples résistants et travailleurs 157 3. Retour de la tradition et récupération du mythe colonial de l’authenticité (1960‐1990) 164 4. Démocratisation et inscription de l’idéologie victimaire dans l’espace public de 1990 à 2011 167 CONCLUSION 171 CHAPITRE IV LA MAISON COMME CADRE DE PRODUCTION ET DE COMMUNICATION DES IDENTITÉS ETHNIQUES 175 I. IDENTITÉ MONTAGNARDE OU COMMENT LA MAISON ABOLIT LES FRONTIÈRES ETHNIQUES 177 1. « Se dire montagnards » par des pratiques architecturales qui se ressemblent 178 2. « Se dire Montagnards » par des pratiques religieuses associées à l’habitat 183

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II. DE L’IDENTITÉ MONTAGNARDE AUX DIFFÉRENTES REPRÉSENTATIONS ARCHITECTURALES DE L’APPARTENANCE ETHNIQUE 191 A. LE PLAN INTÉRIEUR DES MAISONS : UN ÉLÉMENT DÉCODEUR DU STÉRÉOTYPE ETHNIQUE 192 1. Stéréotype architectural podokwo 193 2. Stéréotype architectural muktele 196 3. Stéréotype architectural mura 198 4. Variations de formes architecturales et représentations identitaires 201 B. DES ÉLÉMENTS ARCHITECTURAUX EMBLÉMATIQUES POUR UNE IDENTIFICATION ETHNIQUE 206 1. Le shəma et son rôle dans l’identification ethnique 206 2. Le mawnik muktele ou l’union symbolique des clans opposés 212 3. Comment guérir le mal qui vient de l’intérieur de la maison et du groupe? Objets domestiques à dimension magique 217 4. Construire comme l’autre… mais rester soi : domestication des formes architecturales des voisins et significations identitaires 224

C. (RE)PENSER L’ETHNIE DANS LES MONTS MANDARA 229

III. « NOS MAISONS SONT DESCENDUES EN PLAINE, NOUS NE VIVONS PLUS COMME AVANT » : DESCENTE EN PLAINE ET DYNAMIQUES ARCHITECTURALE ET IDENTITAIRE 236 1. De la permanence des maisons « ethniques » en montagne 238 2. Les villages de la plaine: entre permanences et mutations du stéréotype ethnique 244 3. De la disparition du stéréotype ethnique dans les bourgs musulmans à la mise en parenthèse de l’identité ethnique 255 4. Retour à l’identité montagnarde, cette fois politique : de l’instrumentalisation de la symbolique de la maison dans le contexte de la transition démocratique 260

CONCLUSION: ON NE NAIT PAS ETHNIQUE, ON LE DEVIENT! 269

CHAPITRE V « LA MAISON EST UN MIROIR DANS LEQUEL LES GENS TE REGARDENT » : ARCHITECTURE COMME MÉDIUM D’EXPRESSION IDENTITAIRE 275 I. « TU ES CE QUE TU CONSTRUIS » : MAISON ET RANG SOCIAL AVANT 1960 278 A. « DIS‐MOI OÙ TU AS CONSTRUIT ET JE TE DIRAI QUELLE EST TA POSITION SOCIALE » : DIALECTIQUE ENTRE HAUT ET BAS ET SITUATION SOCIALE 279 1. Sur la notion d'espace 279 2. Site et sens, altitudes et ascension sociale 282 3. De la sémiologie de l’espace à l’espace comme agent de socialisation 289 B. MAISON EN TANT QUE MODELE DU CORPS HUMAIN ET PROBLEMATIQUE DE L’ANTHROPOMORPHISME 292 1. « Les maisons sont aussi des humains » : maisons et images de la fécondité chez les Mura 294 2. « Le ventre de la maison est source de vie » : évolution de la maison en lien avec le changement social de l’occupant 303

II. « PARTIR POUR CONSTRUIRE » : ÉPIDÉMIOLOGIE DES COMPORTEMENTS BÂTISSEURS DES ANNÉES

1980 À NOS JOURS 314

A. « JE VAIS À YAOUNDÉ… CHERCHER LÀ‐BAS UNE VIE MEILLEURE » : DE L’EXODE RURAL COMME

ITINÉRAIRE D’ACCUMULATION 316

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2. « Se faire un nom au village » : belle maison et matérialisation de la réussite sociale post‐

migratoire 323

3. « Une belle maison vous fait rêver, voici l’envers du décor » : jeux et enjeux de la

compétition architecturale 331

B. «DE L’AUTRE CÔTÉ DU MIROIR » : NOUVELLES ÉLITES, NOUVEAU COMPORTEMENT BÂTISSEUR ET

RAPPORTS INVERSÉS AVEC LE VILLAGE 339

1. Les Blancs de montagne et l’ethos de consommation ostentatoire : deux profils 340 2. Maison, salon, télé : de l’ordre privé au verdict public 344 3. Élites, un danger ou élites en danger? Les paradoxes de la nouvelle relation élites/village

352

CONCLUSION : MAISONS TRADITIONNELLES, MAISONS MODERNES : REGARDS CROISÉS 359

CONCLUSION GÉNÉRALE AGENCY DE LA MAISON OU COMMENT LES GENS CONSTRUISENT (OU DÉSIRENT CONSTRUIRE) DES MAISONS QUI LES DÉVORENT 363 1. La maison et l’ethnicité comme des palimpsestes 365 2. Maison‐homme, maison hantée, maison anthropophage 370 SOURCES 383 I. SOURCES ORALES‐ LISTE DES PARTICIPANTS À LA RECHERCHE 383 II. SOURCES ÉCRITES 385 1. Archives coloniales 385 2. Journaux 387 3. Sources photographiques et filmiques 388 4. Liens internet 390 III. OUVRAGES ET ARTICLES GÉNÉRAUX 391 1. Ouvrages de méthodologie 391 2. Théories de la maison et de la culture matérielle 395 3. Monts Mandara et bassin tchadien : généralités 413 5. Théories de l’espace, esclavage et mémoire servile 426 6. Colonisation, études postcoloniales et tourisme 435 7. Migration, rapports élites/village et sorcellerie 438 ANNEXE 1 445 FORMULAIRE DE CONSENTEMENT VERBAL 445 ANNEXES 2 448 PROTOCOLE D’ENTRETIEN POUR LES PARTICIPANTS VIVANT DANS LES VILLAGES DE MONTAGNE 448 ANNEXE 3 452 PROTOCOLE D’ENTRETIEN POUR LES PARTICIPANTS 452 VIVANT DANS LES VILLAGES DE LA PLAINE ET À MORA 452 ANNEXE 4 456

PROTOCOLE D’ENTRETIEN POUR LES ORIGINAIRES DES MONTS MANDARA DEVENUS FONCTIONNAIRES ET

VIVANT EN VILLE 456

ANNEXE 5 459

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EN TERRITOIRE ANIMISTES ENTRE 1912 ET 1920 459

ANNEXE 6 480

QUELQUES EXTRAITS DES GUIDES TOURISTIQUES SUR UDJILA 480

ANNEXE 7 483

PLAN D’UNE MAISON PODOKWO DESSINÉ PAR CHRISTIAN SEIGNOBOS (1982) 483

ANNEXE 8 484

PLAN D’UNE MAISON MUKTELE DESSINÉ PAR BERNARD JUILLERAT (1971) 484

ANNEXE 9 485

MÉMORANDUM : LES KIRDIS DÉNONCENT IBRAHIM TALBA ET ABBA BOUKAR 485

ANNEXE 10 487

VENTRE DE LA MAISON DU CHEF DE BALDAMA (DESSINÉ PAR CHRISTIAN SEIGNOBOS, 1982) 487

ANNEXE 11 488

LIGNE GÉNÉALOGIQUE DES CHEFS D’UDJILA 488

ANNEXE 12 489

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Listes des illustrations

Tableau 1 : Fiche individuelle accompagnant la transcription d’une tranche de vie ... 107

Carte 1 : Répartition des groupes ethniques dans les monts Mandara septentrionaux (Fond de la carte, Müller-Kosack, 2003 : 194) ... 6

Carte 2 : Localisation du Kanem, Borno et Wandala (Source : MacEachern, 2001 : 82) ... 120

Carte 3 : Califat de Sokoto et les régions environnantes (Source : MacEachern, 1993 : 255) ... 128

Graphique 1 : Répartition des participants par ethnies et lieu de résidence (massif ou plaine) ... 82

Graphique 2 : Répartition des informateurs par âge ... 84

Graphique 3 : Répartition des participants par genre et lieu d’habitation ... 85

Graphique 4 : Répartition des participants selon le critère religieux ... 87

Graphique 5 : Bilan des raids menés par Hamman Yadji entre 1912 et 1920 ... 126

Figure 1 : Perspective fonctionnaliste de la maison selon Lewis Morgan (2003) ... 26

Figure 2 : Schéma explicatif du primat des changements sociaux sur les facteurs climatiques et technologiques dans les variations de la maison selon Marcel Mauss ... 28

Figure 3 : Processus de démantèlement du concept de culture selon Amos Rapoport ... 32

Figure 4 : Structure anthropomorphique d’un village dogon (source: Griaule, 1965 [1948]: 95) .... 43

Figure 5 : Relation récursive et réciproque entre individus et maisons ... 55

Figure 6 : Maison de Slagama en altitude ceinte par un grand mur d’enceinte. En dessous est la maison de son voisin, petite concession de trois cases et d’un grenier ... 96

Figure 7: Quartier dzaŋƏ mededeŋe (Udjila) apparaissant sur une carte postale non datée (source : archives personnelles du Chef d’Udjila). ... 151

Figure 8 : Carte postale montrant une femme d’Udjila en train d’aller chercher les vivres dans le grenier (Source : www.delcampe.net) ... 151

Figure 9 : Cartes postales montrant en arrière-plan les maisons montagnardes; symboles de l’authenticité (Source : www.delcampe.net) ... 152

Figure 10 : Scène entre populations animistes (dessin de Christian Seignobos à l’imitation d’Yvan Pranishnikoff, dans Beauvilain, 1989 :337) ... 156

Figure 11 : Occupation des sommets montagneux synonyme de la résistance dans le discours mémoriel sur l’esclavage et la colonisation ... 160

Figure 12 : Vue de la muraille de protection des vestiges architecturaux trouvés sur le site DGB en territoire mafa ... 161

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Figure 13 : Pierres rituelles adossées au premier vestibule d’une maison mura, attestant de

l’importance de la maison dans le déroulement des rites ... 184

Figure 14 : Pots d’ancêtres placés dans la case sacrificielle dans une maison podokwo ... 185

Figure 15 : Grenier du chef de famille, objet de nombreux rites et sacrifices ... 186

Figure 16 : Stéréotype d’une habitation podokwo tel que schématisé par les participants au sol et reproduit par moi ... 194

Figure 17 : Le plan typique dune habitation Mura typique ici ... 200

Figure 18 : Toits des cases d’une maison muktele de Baldama ... 202

Figure 19 : Toits des cases d’une maison mura de Dume ... 203

Figure 20 : Grenier podokwo aux formes élancés ... 203

Figure 21 : Grenier mura avec des formes plus en obus ... 204

Figure 22 : Cuisine podokwo avec l’entrée tournée vers le mur d’enceinte ... 204

Figure 23 : Cuisine muktele avec l’entrée tournée sur la cour intérieure ... 205

Figure 24 : Une maison podokwo ceinte par le shəma lui donnant son caractère ethnique ... 209

Figure 25 : Petit muret muktele (mawnik) qui sera défait à sa base pour permettre à la mlok de sortir de temps en temps de sa période de claustration ... 215

Figure 26 : Descendance de Tchokfe Kazlaŋa permettant de situer dans le temps le conflit Mura/Podokwo ... 227

Figure 27 : Mawnik reliant la claustration de la mlok à le madvedev, symbolisant le passage de l’individualisme clanique à la solidarité ethnique ... 232

Figure 28 : Maison podokwo donnant une idée sur la domestication des maisons en tôles à l’intérieur du modèle ethnique ... 239

Figure 29 : Maison muktele donnant une idée sur la domestication de la maison en tôle à l’intérieur du modèle ethnique ... 240

Figure 30 : Maison podokwo illustrant la reproduction du modèle ethnique chez les aînés descendus sur les piémonts ... 247

Figure 31 : Maison muktele illustrant la reproduction du modèle ethnique chez les aînés descendus sur les piémonts ... 247

Figure 32 : Maison mura illustrant la reproduction du modèle ethnique chez les aînés descendus sur les piémonts ... 248

Figure 33 : Village de Godigong (Podokwo) illustrant l’ouverture des jeunes montagnards aux maisons en tôles et rectangulaires ... 252

Figure 34 : Maquette de la tenue de l’Association culturelle podokwo à l’occasion de leur premier festival culturel (décembre 2010) ... 263

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Figure 36 : Photographie de la maison utilisée comme image publicitaire lors de l’atelier de formation organisé par Takouma ... 268 Figure 37 : Quelques facettes de l’ethnicité dans les monts Mandara ... 271 Figure 38 : Quartier de Mogode à Udjila, situé sur une de nombreuses crêtes montagneuses que compte le village ... 284 Figure 39 : Maison de Tekuslem à Baldama, située sur un escarpement montagneux ... 284 Figure 40 : Maison de Kwetcherike à Dume, située sur un escarpement montagneux ... 285 Figure 41 : Maison du chef d’Udjila, située sur un replat sommital le plus élevé du quartier de Mogode ... 287 Figure 42 : Polygamie en tant que facteur important dans l’élargissement de la maison et l’ascension sociale du propriétaire ... 310 Figure 43 : Océan de toits de la maison du chef de Baldama : un indicateur de son statut matrimonial et social ... 311 Figure 44 : Toits et mur des cases constituant le ventre de la maison du chef de Baldama, vue de gauche ... 312 Figure 45 : Vue des quartiers Bastos résidentiels sur la colline et de Bastos-Nylon dans ... 319 Figure 46 : « Grand salon », une maison en carabotte logeant plus d’une trentaine des migrants podokwo habitant au quartier Bastos-Nylon ... 320 Figure 47 : Appartements destinés à des locations individuelles ou de groupes. C’est dans ce secteur que vivent la plupart des migrants montagnards qui louent des chambres individuelles pour accueillir leurs épouses. ... 321 Figure 48 : Maison en tôle et de forme rectangulaire en chantier à Mora-Massif, symbole de la réussite post-migratoire ... 328 Figure 49 : Maison en tôle construite en dur à Tala-Mokolo. Point n’est besoin de crépir une telle maison; le parpaing étant synonyme d’ascension sociale. ... 332 Figure 50 : Maison en tôle construite en dur à Biwana, un village podokwo de la plaine. ... 333 Figure 51 : Salon et salle à manger de la maison d’une fonctionnaire originaire des monts Mandara vivant à Maroua ... 346 Figure 52 : Salon d’un haut fonctionnaire originaire des monts Mandara vivant à Yaoundé ... 348 Figure 53 : Télévision au salon d’une élite montagnarde de Yaoundé : un élément important dans la mise en scène du soi. ... 349 Figure 54 : Télévision au salon d’une élite montagnarde de Maroua : un élément important dans la mise en scène du soi. ... 349 Figure 55 : Fissures sur les parois d’une case de l’ancienne maison de Duniya, preuves de sa possession par les esprits malveillants (photographie prise en 2007 par moi). ... 374

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Sigles et abréviations

ACP : Association culturelle podokwo

Aculmaf : Association pour la promotion de la culture mafa AEF : Afrique Équatoriale Française

ANP : Archives Nationales de Paris ANY : Archives Nationales de Yaoundé AOF : Afrique Occidentale Française

API : Approche phénoménologique interprétative

CAR-LSS : Centre d’appui à la recherche-Laboratoire des sciences sociales

CODESRIA : Conseil de recherche pour le développement des sciences sociales en Afrique

CRDI : Centre de recherche pour le développement international DCK : Dynamique culturelle kirdi

DGB : Dig gid bay (voir glossaire) ELECAM : Élections Cameroun

ENAM : École nationale d’administration et de la magistrature

GIERSA : Groupe interuniversitaire d’études et de recherches sur les sociétés africaines

IRD : Institut de recherches pour le développement

ISH : Institut des Sciences Humaines

Laimaru : Association des minorités ethniques du Cameroun MDR : Mouvement pour la défense de la République MUS : Mission-Unie du Soudan

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NORCAMTOUR : Agence de promotion touristique du Nord-Cameroun

OJRDPC : Organisation des jeunes du Rassemblement démocratique du peuple camerounais

ORSTOM : Organe de recherche scientifique et technique d’Outre-Mer RDPC : Rassemblement démocratique du peuple camerounais SDN : Société des Nations

SOM : Section Outre-Mer (déplacée à Aix-en-Provence) UCL : University College of London

UEEC : Union des églises évangéliques au Cameroun UNDP : Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès

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Glossaire

Compte tenu de la multiplicité des langues en présence (Podokwo, Muktele, Mura, Fulfulde, etc.), j’ai au maximum limité l'emploi des termes locaux pour faciliter la lecture de la thèse. Toutefois, j’ai fait usage de quelques mots et expressions locaux, notamment lorsqu’il fallait décrire les plans des maisons et les formes architecturales considérées comme des emblèmes ethniques au sein de chaque groupe. J’ai aussi utilisé quelques mots issus du vocabulaire colonial et du fulfulde, qui fait office de la langue d'usage au Nord-Cameroun. Ce tableau fournit la liste complète de ces termes et expressions accompagnés de leur signification en Français.

Langue podokwo

Mot local Signification en Français

Farançaka Les Français

Guitsikə zhəbe Vestibule

Huđə kaya Cour intérieure de la maison

Jamaka Les Allemands

Kaya Maison

Kayə parəkwa Maison Podokwo

Kede Grenier kudigue Cuisine

Massaba Tare qui empêche l’accumulation, malchance

Nafa

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Sakama Pots ancestraux

Shəma Mur d’enceinte podokwo

Slala nasa Quartier de la femme

Vira Case à coucher

Virə baba Case à coucher du père Virə nəsa Case à coucher de la femme Zləma Étables et Enclos à bétail

Langue muktele

Mot local Signification en Français Magol mis Première épouse

Mat kaf a uda Rite de gratitude envers les fondateurs de la maison qui s’effectue au pied du grenier de l’homme

Asaô Petits murets de pierres reliant les cases

Burma Pots ancestraux

Daboza Divisions intérieures du grenier Dzogdzog Vestibule

Gay Maison, mais signifiant aussi bouche ou parole Gazarak : Lieu de repos du chef de famille, première pièce à

traverser pour entrer dans une maison muktele, Hohl Étables et enclos à bétails

kawdal Cour intérieure de la maison, considérée comme la partie féminine de la maison

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kudig gaylag Case à coucher de la première épouse

Kudig Case à coucher

Madagl gaylag Cuisine de la première épouse

Madvedev Fête muktele, considérée comme un nouvel an agraire et social

Mawnik Petite brèche créée dans le mur au servir d’entrée et de sortie à la nouvelle mariée pendant la période de claustration

Mazazay Fête lignagère, consistant en un sacrifice annuel à la Terre

Mlok Nouvelle mariée, mot désignant également

l’étranger

Kudig gaygo Case à coucher de la deuxième épouse Madagl gaygo Cuisine de la deuxième épouse

Vda Grenier

Yao phao Eau de farine

Zawda Fiancé

Zil gay Père de la maison

Matakor phao Rite consistant à remettre trois boulettes de farine aux jeunes marié

Langue mura

Mot local Signification en Français Adaw Maison

Bakashidgwe Fête annuelle mura au cours desquelles seuls les hommes sont présents

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Bertchama Vestibule, première pièce à traverser Gerda Lay Pots ancestraux

Hiŋa Cuisine Kemtsawak Enclos à bétails

Kutak Case

Kutak hermana Case de la femme Kutak humaf Case de l’homme Merketchek Sorcier

Mutak zhamba Pots servant à enterrer le placenta à l’intérieur de l’espace domestique

nashikem Tête de la maison Pepa adaw Père de la maison Sadake Festival annuel des Mura Takour Grenier Takour hermana Grenier de la femme Takour humaf Grenier de l’homme Tsedjihay Ancêtres Zhamba Placenta Autres

Concession Termes utilisés par les pouvoirs coloniaux pour désigner les maisons

Djihad Guerre sainte

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Lamidat Territoire dépendant d'un lamido Lamido Titre donné à un chef peul

Maray Fête du taureau, chez les Mafa et les Mofu May Nom attribué à un souverain dans le Borno

Di-Gid-Biy (DGB) « Les yeux du roi au-dessus » : nom local d’un ancien complexe architectural situé sur le territoire mafa dont la construction est attribuée à des génies Quartiers

(architecturaux)

Traduction littérale du terme local désignant la partie de la maison occupée par les femmes

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Remerciements

Cette thèse a vu le jour grâce au soutien financier du Centre de recherche pour le développement international (CRDI), du département d’histoire de l’université Laval (Fonds de soutien au doctorat), de la faculté des lettres de l’université Laval (Bourse de séjour de recherche à l’extérieur). En Afrique j’ai bénéficié du soutien financier du Conseil pour le développement des sciences sociales en Afrique (CODESRIA). Je tiens à les remercier pour leur soutien et à remercier aussi le Groupe interuniversitaire d’études et de recherches sur les sociétés africaines (GIERSA) de l’université Laval qui m’a octroyé un local.

Je remercie infiniment ma directrice de recherche, Muriel Gomez-Perez, pour ses orientations, sa lecture minutieuse du manuscrit et son appui financier à travers les contrats de recherches. Dès mon arrivée à l’Université Laval à l’été 2010, elle a su mettre la barre haute et à continuer à la pousser toujours plus haute à mesure que je m’en approchais. Elle était persuadée que je pouvais faire mieux et ne manquais pas à me proposer de nouvelles perspectives lorsque j’en avais besoin. Muriel Gomez-Perez m'a enfin guidée dans le monde de la recherche, en me montrant l'importance à me faire publier et à participer à des colloques et autres activités scientifiques de haut niveau.

Je voudrais à sa suite remercier trois personnes qui ont joué un rôle de premier plan dans ma formation. D’abord le Professeur Saibou Issa, Directeur de l’École normale supérieure de Maroua, pour avoir participé aux différentes étapes de ma formation et pour avoir été le premier à m’avoir montré les incroyables possibilités dans le métier d’historien. Toujours ouvert et attentif à mes sollicitations, Saibou Issa a eu un impact réel dans ma vie académique, professionnelle et personnelle. J’ai par ailleurs pu bénéficier des conseils de Christian Seignobos, Directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD-France) et de Bienvenu Denis Nizesété de l’Université de Ngaoundéré, qui ont été à la genèse de ce projet lorsque j’étais encore étudiant de maîtrise. Depuis lors, ils n’ont pas cessé de m’encourager, de m’écouter et de discuter avec moi chaque fois que je les ai sollicités. Un merci spécial au professeur Gilbert Taguem Fah, pour le modèle d’enseignant qu’il a été pour moi, pour son humilité et sa disponibilité, mais surtout pour m’avoir fait

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profiter depuis la maîtrise de son Centre d’appui à la recherche-Laboratoire des sciences sociales (CAR-LSS).

Je remercie vivement les professeurs Laurier Turgeon et Alain Laberge qui ont animé le séminaire de Doctorat à l’automne 2010 et à l’hiver 2011. Laurier Turgeon a joué un rôle important dans mon projet doctoral, d’abord en me proposant de m’inscrire dans l’approche post-processuelle de la culture matérielle, ensuite en me recommandant à des programmes de bourse. Un merci spécial au professeur Bogumil Jewsiewicki Koss pour m’avoir aidé à porter un regard nouveau sur mon objet de recherche lors de ma première discussion avec lui. Il m’est également impossible d’ignorer le professeur Paul Lovejoy de l’université York pour ses commentaires généreux sur le manuscrit duquel est issu le chapitre III de cette thèse, et pour m’avoir mis au courant des travaux de Bawuro Barkindo sur le sultanat du Wandala.

Je voudrais dire merci à Daniel Miller et à Victor Buchli, professeurs à University College of London (UCL), dont les travaux ont stimulé ma réflexion. Tous deux m’ont encouragé dans mon approche de la maison et m’ont offert la possibilité de partager les résultats de mes recherches à travers la revue Home Culture et le blog material world. José Van Santen de l’Université d’Amsterdam et Wouter Van Beek du Centre d’études africaines de Leiden ont toujours répondu à mes demandes, surtout lorsqu’il fallait discuter des questions liées à la mémoire servile, à la conception de l’espace, mais surtout à l’invention de l’ethnie dans les monts Mandara. Ils m’ont aidé à compléter mes références sur les monts Mandara et ont mis à ma disposition leurs propres ouvrages, y compris les plus récents. Suzanne Preston Blier, de l’université Harvard, Jean-Pierre Warnier et Charles Becker du Centre d’études africaines de Paris, Scott MacEachern de Bowdoin College, Ibrahima Thioub de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Denise Piché, professeure à l’École d’architecture de l’université Laval, Ana Lucia Araujo de l’université Howard, Jean Boutrais de l’Institut de recherche pour le développement (IRD-France) m’ont encouragé d’une manière ou d’une autre et m’ont fait bénéficié de leurs savoirs multiformes.

Ma gratitude va à Élodie et Prisca pour la réalisation des graphiques et des cartes utilisées dans ce travail, à Aladji pour sa lecture du manuscrit, à Georges pour les bons moments passés ensemble, et à Bertin avec qui je partage le même bureau. Je voudrais

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conclure par un merci spécial à tous les membres de ma famille, d’abord mes parents Josué Ndoula et Tefeme Marie, ensuite mes frères et sœurs Emmanuel, Shalom, El-Shaddai, Alliance Fidèle, Jacob, Margueritte et Sabine. Je voudrais conclure par une action de grâce au Seigneur qui m’a donné la force et le courage de pouvoir arriver au bout de cette aventure.

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Introduction générale

Tu vois le petit mur là ? Il contient seulement quelques cases, tu peux compter les toits. Là, c’est un pauvre type qui habite seul. Toutes ses femmes l’ont abandonné, et pourquoi ? Parce qu’il n’arrive pas à les entretenir [Rires]. Et où sont ses enfants ? Même sa maison montre qu’il est un homme irresponsable. Comment pareil homme peut-il se faire respecter dans le village ? Chez nous, la maison est comme un miroir dans lequel les gens te regardent.

(Entretien avec Slagama, homme, 65 ans, le 23 mai 2007, à Udjila).

Ces commentaires de Slagama, un participant à ma recherche en 2007, posent en substance la question de la maison comme une entité sociale active, capable de donner des informations sur le statut social de son occupant. Ils invitent à reconnaître les efforts que les gens font pour créer des identités différentielles, et cela à partir entre autres des pratiques liées à la maison. Ici, Slagama dénigre la maison de son voisin, une petite structure localisée en contrebas de la sienne, pour définir sa place en tant que personne marginale au sein de la société, et surtout pour remettre en cause sa capacité à bien s’occuper des membres de sa famille dont il en est le chef. Autrement dit, la métaphore de la maison en tant que « miroir dans lequel les gens te regardent » n’évoque pas uniquement son rôle comme reflet passif des relations sociales. Elle fait aussi allusion à son pouvoir d’action et à sa capacité de communiquer, de représenter, d’influencer et d’enseigner les individus qui l’habitent (Tilley, 2006: 1; Miller, 2005: 5; Buchli, 2002: 209). En tant que telle, la maison est parfois vécue comme un symbole fort de la réussite ou de l’échec d’une personne dans la vie.

Cette thèse ambitionne de mettre à jour l’entrelacement entre maison et identité, notamment dans ses ramifications ethniques et individuelles. Ce qui demeure fondamental tout au long de l’analyse est la chose suivante : les deux axes actanciels définis (ethnicité et statut social) et la maison sont mutuellement constitutifs l’un et l’autre dans la mesure où

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ils s’influencent réciproquement (Appadurai, 1996:13-14; Hodder, 1982: 85). Avant d’expliciter plus amplement cette relation dialectique qui est au cœur même de ma problématique, profitons du fait qu'on en soit encore à l'étape introductive pour dire quelques mots sur la genèse du projet ainsi que sur le contexte historique de la recherche. 1. Quelques mots sur la genèse et le contexte de la recherche

L'idée derrière cette thèse remonte à une série de discussions que j’ai eues avec Christian Seignobos, Directeur de recherche honoraire à l’Institut de recherche pour développement (IRD – France) qui a consacré près de 40 années de recherche au Nord-Cameroun. Ce dernier me proposa à l’issue de la soutenance de mon mémoire de DEA de travailler sous sa supervision sur les architectures vernaculaires en lien avec la mémoire servile. Jeune doctorant, soutenir ma thèse dans des délais raisonnables était alors ma priorité. Or, cette problématique s’avérait pour le moins difficile à élaborer tant les populations fournissent des interprétations variées du rapport entre maison et mémoire. Toutefois, je me suis engagé dans une telle recherche pour une triple raison. D’abord, je trouvais l’idée de bénéficier d’un contrat de recherche avec l'IRD intéressant dans la mesure où cela me permettait de me consacrer pleinement à la recherche et d'enrichir ma réflexion en travaillant dans un environnement adéquate. Ensuite, je voyais en la richesse documentaire (bases des données, revues électroniques, documents audiovisuels, catalogue des collections et catalogue de la médiathèque) de l’IRD un atout important pour approfondir ma pensée sur la problématique de la maison. Je comptais aussi pouvoir bénéficier de l’expertise des chercheurs ayant consacré de longues années de recherche aux monts Mandara à travers leurs critiques, leurs remarques et leurs suggestions. Réaliser une thèse sous l'égide de l'IRD me permettait enfin de pouvoir faire connaitre mes recherches et d’élargir mes compétences scientifiques. Immédiatement après l'obtention de mon DEA, je disposais ainsi de 06 mois pour effectuer une recherche préliminaire sur le terrain à partir d’un protocole d'entretiens centré sur le lien entre la maison et la mémoire servile. Les résultats de mes enquêtes ne m’ont pas cependant permis d’aller dans cette direction.

Vu la complexité de la question mémorielle et ne disposant pas de documentation pour circonscrire le sujet, je décide de réorienter le travail essentiellement sur la maison, en

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épousant une démarche parallèle à celle de Seignobos. Géographe de formation, celui-ci était davantage intéressé par les questions des techniques de construction, de l’occupation de l’espace, des matériaux de construction et de l’impact du milieu sur les constructions vernaculaires. Autrement dit, les travaux de Christian Seignobos s’inscrivaient davantage dans une logique technologique, un chemin tracé par André Leroi-Gourhan au début des années 1950. Selon cet auteur, l’habitat répond à une triple nécessité : 1. créer un milieu techniquement efficace, autrement dit fonctionnel ; 2. assurer un cadre au système social, c’est-à-dire découper l’espace et le personnaliser ; 3. mettre de l’ordre, à partir d’un point, dans l’univers environnant (Leroi-Gourhan, 1973 [1954]). Or, ces conditions ne permettaient pas de répondre très adéquatement à mon objet de recherche et cela m’a poussé à explorer d’autres voies. C’est dans cette perspective que l’idée pionnière d’Amos Rapoport de faire ressortir la configuration et la transformation de l’architecture du déterminisme physique et technologique a stimulé ma réflexion. Amos Rapoport démontre comment la taille, l'emplacement, la forme et l'apparence des habitations traditionnelles sont principalement régis par des facteurs socioculturels (1969: 46-60).

Par ailleurs, étant donné ma formation essentiellement d'historien, il convenait de donner une dimension historique à ma recherche et de déjouer ainsi le fétichisme ethnologique qui caractérise les ouvrages produits sur l’architecture africaine de manière générale, d’où l’élaboration d’une problématique axée sur l’identification des liens entre ce que Christian Seignobos appelle habitat traditionnel (1977) et les nouvelles maisons apparues dans les années 1980 à travers les deux principales questions suivantes : quels rôles sociaux et techniques joue la maison dans la formation, l'expression et la transformation des structures sociales, et en quoi celles-ci affectent-elles réciproquement les transformations des pratiques architecturales des individus ? Cette double question me paraissait essentielle pour comprendre la dynamique et les forces socio-culturelles qui conditionnent et expliquent les mouvements architecturaux, et qui varie d’un contexte historique donné à un autre.

L’orientation du sujet étant ainsi précisée, se pose la question de la définition des groupes ethniques à étudier. Dans les monts Mandara vivent une mosaïque de groupes humains. Les auteurs comme Antoinette Hallaire (1991), Christian Seignobos (1982) et

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Jean Boutrais (1973) en dénombrent une vingtaine juste dans la partie septentrionale. Cette région a fait l’objet d’une abondante littérature, même si, comme le précise Scott McEachern (1990), les données relatives au contexte historique de migration et de peuplement restent toujours mystérieuses et très disproportionnées selon les ethnies. Globalement, les travaux ont porté sur trois principales ethnies que sont les Mafa (Müller-Kossack, 1999, 1997; Van Santen, 1995; 1993; 1985; Gavua, 1990; Boisseau, 1974; Genest, 1974), les Mofu (Vincent, 1991, 1975, 1972, 1971; Boutrais, 1978) et les Kapsiki (Van Beek, 1997, 1995, 1989, 1987, 1986, 1981). Quant aux autres groupes ethniques tels que les Podokwo, les Mineo, les Gemzek, les Zulgo, les Mada ou encore les Mura, ils n’ont reçu que très peu d’attention ethnographique. Mon choix de travailler sur les Podokwo, les Muktele et les Mura est en partie lié à cette absence de véritables études qui leur sont consacrées. Mentionnons cependant quelques travaux pionniers, notamment les travaux ethnographiques de Diane Lyons sur les Mura et ceux de Bernard Juillerat consacré aux Muktele.

Les travaux de Diane Lyons ont essentiellement porté sur le rapport entre la conception de l’espace et les perceptions culturelles des rôles et des relations de genre (1989; 1992). Cette auteure s’est aussi intéressée à la manipulation des maisons rectangulaires à Dela par quatre différents groupes ethniques que sont les Mura, les Urza, les Wandala et les Suwa (1994). Bien que l'utilisation des maisons rectangulaires soit associée aux influences islamiques et européennes, Diane Lyons montre que leur incorporation dans l'architecture ethnique relève d’une stratégie utilisée par les Mura pour négocier leurs propres intérêts politiques, dans un contexte marqué par la volonté de modernisation des structures de l’État. Il s’est écoulé vingt ans entre les observations ethnographiques de Diane Lyons et le début de mes recherches sur les Mura, mais les conclusions auxquelles elle est parvenue sur l’espace domestique mura et sur l’utilisation des formes rectangulaires reflètent en partie les informations recueillies et analysées dans la présente recherche.

En dehors des écrits ethnographiques de Diane Lyons, d’autres études sur les Mura, notamment celles de Jan Mouchet et de Hermann Forkl peuvent être signalées. Jean Mouchet, un ancien administrateur colonial français a publié une série d’articles sur les

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groupes vivant dans les monts Mandara septentrionaux, incluant les Mura et les Podokwo (Mouchet, 1947: 111-124). Un autre article sur les Mura vient de Hermann Forkl (1988), même si son objet central portait plutôt sur les Wandala, et non sur les groupes montagnards. Ceux-ci ont été interviewés dans le cadre de leurs rapports avec le royaume du Wandala et Hermann Forkl indique d’ailleurs qu’il a eu recours à un interprète d’origine wandala, qui était, d’après Diane Lyons, membre de la famille royale. Or, comme cela sera précisé dans le chapitre quatre, les Wandala et les groupes montagnards entretenaient des relations plus ou moins concurrentielles. Cela pourrait partiellement expliquer pourquoi les données présentées par Hermann Forkl sur les groupes montagnards sont décalées par rapport à celles d’autres chercheurs cités plus haut, Jean Mouchet et Diane Lyons en l’occurrence.

Les Muktele quant à eux ont fait l’objet d’un travail de synthèse ethnographique produit par Bernard Juillerat (1971, 1970, 1968) qui a passé seize mois de travail sur le terrain répartis en deux séjours (janvier à septembre 1966 et octobre 1967 à juin 1968). Cet auteur s’est particulièrement intéressé aux structures sociales muktele, notamment à l'origine des lignages à travers les récits mythiques et la tradition orale, à la constitution de l’ethnie et à l’organisation sociopolitique des différents clans et lignages. Une place importante est faite aux relations interlignages à travers les relations matrimoniales, notamment aux chants de courtisation et à l'interprétation symbolique du mariage. Ses travaux ont permis de concevoir un protocole d’entretiens sur le rôle de la maison dans les relations interethniques à travers la connexion entre le mawnik, petite brèche ouverte dans le mur et la fête du madvedev1.

Contrairement aux deux précédents groupes, les Podokwo n’ont pas reçu l’attention de chercheurs. Dans l’état actuel de nos connaissances, la seule référence disponible est un œuvre écrite par un ancien administrateur colonial français, en l’occurrence Bertrand Lembezat (1949), sur le clan podokwo de Mukulehe, dans laquelle il livre son appréciation des us et coutumes locaux.

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Carte 1 : Répartition des groupes ethniques dans les monts Mandara septentrionaux (Fond de la carte, Müller-Kosack, 2003 : 194)

Si les recherches spécifiques conduites sur les trois groupes sont rares ou inexistantes, il existe néanmoins des ouvrages généraux dans lesquels des pages leur sont consacrées. Les plus significatifs sont les travaux de Christian Seignobos (1982), de Jean Boutrais (1973) et d’Antoinette Hallaire (1991; 1965). Les travaux d’Antoinette Hallaire constituent à ma connaissance la première étude systématique des ethnies habitant les monts Mandara septentrionaux. Elle a produit une vaste étude sur la répartition démographique et les pratiques agricoles, mais en y incluant des données intéressantes sur l’architecture dont l’un des traits les plus évidents, écrit-elle, est la répugnance pour les terrains plats et la préférence aux terrains situés en altitude (Hallaire, 1991). Ce constat, qui sera corroboré par d’autres chercheurs (Vincent, 1991; Seignobos, 1982), a permis d’élaborer l’hypothèse selon laquelle il existerait un rapport entre le souci d’occuper topographiquement un site en

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altitude et la volonté d’affirmer son prestige et son statut social, une idée plus amplement développée dans le chapitre V.

Un autre ouvrage ayant inspiré cette présente étude est le travail de Jean Boutrais (1973) sur la descente des Montagnards en plaine et les conséquences qu’elle a entrainées sur les structures sociales, les relations entre clans et ethnies. Boutrais a effectué des recherches échelonnées entre 1968 et 1969 centrées autour du massif de Mokyo. Il a donc eu le temps d’observer l’impact et les effets de la descente en plaine sur les structures sociales et les réactions des Montagnards face à l’opération de descente orchestrée par le sous-préfet de Mora en 1963.

Signalons pour finir un dernier ouvrage, et non le moindre, produit par Christian Seignobos (1982) sur les architectures traditionnelles dans les montagnes du Nord-Cameroun. Cet ouvrage présente l’architecture comme un élément d’identification ethnique, car remarque Seignobos, chaque groupe possède un stéréotype architectural propre et décelable dès la simple visite des concessions (1982). Se basant, sur les plans, les matériaux et les techniques de construction, Seignobos a par la suite procédé au regroupement des architectures en trois modèles à savoir le modèle mafa, le modèle mofu et le modèle podokwo. Sur ces trois modèles s’accrochent, fait-il valoir, des aires architecturales pouvant aboutir à une sorte de dialectisation de l’habitat (1982 :42). Seignobos fait en outre valoir que la différence entre ces trois modèles est surtout visible à travers les murs d’enceinte, lesquels donnent aux habitations montagnardes l’allure de véritables bastions (Seignobos, 1982 : 28). Ce constat l’amène finalement à situer l’élaboration de ces modèles ethniques dans un contexte historique marqué par des rais esclavagistes et plus tard par la domination coloniale.

2. Un contexte historique marqué par des raids esclavagistes et la domination coloniale

L’évolution historique des groupes humains habitant les monts Mandara est à inscrire dans la dynamique globale du bassin tchadien, un espace géographique qui a vu l’émergence des royaumes tels que le Kanem-Borno, le Bagirmi et le Wandala. Leur expansion territoriale s’accompagne d’une série de violences qui semble être à l’origine des

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vagues successives de migrants cherchant à se réfugier dans des principaux sites défensifs, à l’instar des monts Mandara. Considérés comme des « réservoirs d’esclaves » (Urvoy, 1949), les Montagnards furent constamment harcelés, ce d’autant plus qu’ils étaient réfractaires à l’Islam, religion des principales hégémonies (Garaktchémé, 2012; Urvoy, 1949). Face aux razzias perpétrées par les esclavagistes, ils mirent en place des mécanismes de défense ce qui se révéla dans leur système de construction des maisons (Seignobos, 1982). Plus que cela, les Montagnards ont, consciemment ou inconsciemment, refoulé leur passé servile, et l’ont remplacé par des traditions historiques d’origine véhiculant plutôt des récits de nature mythique. En tant que moyen d’embellissement de la mémoire, les mythes et les chants ont créé une sorte de trou noir dans la mémoire (Jewsiewicki, 2011 : 4), absorbant ainsi les souvenirs de la servilité2. C’est à ce contexte d’hégémonie des royaumes de la plaine et de

refoulement des souvenirs du passé servile par les « gens de montagne » que se greffa la colonisation européenne au début du XXe siècle.

Ce furent d’abord les Allemands qui prirent possession de la région, en vertu des accords signés avec les chefs duala en juillet 1884 qui leur ouvrirent la voie à la conquête du Cameroun. Mais la conquête militaire ne se termina véritablement qu’en 1902 par la victoire militaire allemande sur les troupes de Rabah à Kousseri, une ville située à environ 250km des monts Mandara. Fascinés par l’organisation des lamidats et des sultanats islamiques, c’est tout naturellement que les Allemands associèrent les Wandala à l’administration des Montagnards. L’administration coloniale allemande ne dura toutefois qu’une décennie, car leur défaite lors la Première Guerre mondiale entraina la perte de leurs possessions coloniales africaines, dont le Cameroun. Un condominium franco-britannique, mis sur place le 14 septembre 1914, aboutit au partage du Cameroun entre les forces alliées qu’étaient les Français et les Britanniques, précisément le 04 mars 1916.

Dans le cadre de ce grand partage, trois quarts du territoire, incluant le nord du Cameroun, revint aux Français. Faute de ressources humaines nécessaires, ces derniers suivirent les pas de leurs prédécesseurs allemands en s’appuyant sur les structures

2 Voir le chapitre III pour les détails sur le contexte historique de l’émergence des royaumes péri-tchadiens

(Kanem, Borno et Wandala) (XIXe-XIXe siècle) et de l’hégémonie peule (XIXe- début XXe siècle). Les raids esclavagistes qui accompagnèrent le développement de ces hégémonies ont influé sur les discours mémoriels et identitaires des Montagnards.

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politiques wandala pour administrer les monts Mandara septentrionaux, ce qui accentua les actes d’insoumission des Montagnards à l’autorité coloniale. L'opinion la plus répandue tout au long de la période coloniale française était alors que les Montagnards étaient naturellement arriérés, rebelles et hostiles à tout contrôle (voir par exemple Kerbellec, 1943; Maronneau, 1934; Chabral, 1931; Remiré, 1929; Vallin, 1927; Coste, 1923; Petit, 1920; Audoin, 1919). Les réactions des Français à l’insoumission ont été souvent dévastatrices, même si ces derniers procédèrent finalement à quelques réaménagements à partir des années 1940 en créant des cantons en territoire montagnard.

La décennie 1940 inaugure ainsi un nouveau thème dans la politique coloniale française, qui est celui de « restauration des anciens pouvoirs païens » (Boutrais, 1973 : 64) ou de kirdisation du pouvoir (Garaktchémé, 2014). Ce nouveau thème est en fait le prolongement et l’aboutissement de la politique dite de pacification commencée dans les années 1930 (Beauvillain, 1991). Il se manifeste concrètement par la création des cantons à la tête desquels sont nommés des Montagnards placés directement sous le commandement du chef de subdivision, les soustrayant ainsi à l’autorité du sultan de Mora. Les trois cantons podokwo (Podokwo-sud, Podokwo-nord et Podokwo-centre), et le canton Mora-Massif seront dès lors créés en 1942 (voir Boutrais, 1973 : 64). Par contre chez les Muktele, il faudra attendre 1949 pour voir l'administration coloniale parvenir à la création de deux cantons distincts: le canton Muktele-Baldama et le canton Muktele-Zuelva (voir Juillerat, 1971 : 21). La mise en place des cantons a contribué à la sédimentation et au renforcement de la conscience ethnique encore embryonnaire, laquelle se traduit par un attachement plus marqué aux symboles ethniques en particulier à l’architecture « ethnique » (Seignobos, 1982). Des auteurs comme Scott MacEachern (2002, 2001, 1998, 1992), David Nicholas, Judith Sterner et Kodzo Gavua (1988), Jean Boutrais (1973) ou encore Bernard Juillerat (1971) ont d’ailleurs surestimé le rôle de la colonisation en liant l’apparition des sentiments ethniques à la création des cantons. Nos enquêtes chez les Podokwo, Muktele et Mura amènent à relativiser cette thèse. En effet, si la création des cantons semble avoir été réappropriée par des groupes ethniques tels que les Mafa et les Bulahai (David, Sterner et Gavua, 1988) ou les Uldeme (MacEachern, 1998), les groupes étudiés dans le cadre de ce travail peinent encore à s'identifier aux cantons. Ici, les trois strates d'identification en vigueur restent le clan (par l'évocation de l'origine et de l'ancêtre communs), l'ethnie (par

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l'évocation d'une langue et d'une architecture communes), et l'identité montagnarde (en situation de contacts avec les Wandala)3.

L’impact de la colonisation sur les représentations identitaires semble plutôt être lié à la création des imaginaires et des figures-types de l’Autre montagnard. La création de ces imaginaires était nécessaire pour légitimer la mission civilisatrice qui était au fondement même de la colonisation, mais dont l’application sur le terrain fut marquée par les violences à l’égard des colonisés (Bancel, Blanchard et Vergès, 2003). L’architecture montagnarde s'imposa comme le principal lieu d’élaboration de ces représentations stéréotypées et fut décrite comme authentique et originale (Ferrandi, 1928). Les Montagnards se servirent de la même architecture pour inverser les imaginaires coloniaux et véhiculer deux discours valorisants d’eux-mêmes, à savoir d’une part le mythe du résistancialisme et d’autre part l’amour pour le travail dont la construction du mur de pierres en est la matérialisation4.

L'indépendance du Cameroun obtenue en 1960 mettait théoriquement fin à l’exploitation de la main d’œuvre montagnarde dans la mise en place des infrastructures coloniales, mais ouvrait en même temps la voie à une succession rapide d’évènements qui influèrent sur les dynamiques identitaires et les pratiques architecturales.

D’abord, il y a le décret sous-préfectoral déjà mentionné qui rend obligatoire la descente dans les plaines environnant les massifs. Selon les estimations de Boutrais, environ 45 000 personnes s’établirent en plaine seulement au cours de l’année 1963 (Boutrais, 1973: 53). Globalement la migration en plaine s'effectua selon deux modalités différentes : la première fut l'installation des populations sur les piémonts et sur la portion de la plaine située en contrebas du massif; la deuxième fut l’installation dans les villes wandala, laquelle provoqua un peuplement plus hétéroclite. En outre la descente des Montagnards en plaine donna lieu à l’observation des trois schémas suivants : l'attachement plus marqué à la montagne chez ceux qui sont restés en montagne; l'hybridation architecturale et identitaire chez ceux vivant dans les villages de la plaine; l'assimilation quasi-complète aux Wandala par l'adoption des symboles architecturaux islamiques chez

3 Se référer au chapitre IV quant au rôle de la politique coloniale dans la sédimentation de la conscience

ethnique montagnarde.

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ceux vivant dans les bourgs musulmans. Mais dans tous les cas, on remarque qu’à partir des années 1970 et 1980, l’architecture montagnarde intègre de plus en plus deux nouveaux éléments à savoir, la tôle et la forme rectangulaire. Dans les massifs, notamment chez les personnes du troisième âge, la tôle et la forme rectangulaire ont été domestiquées et incorporées à l'intérieur des structures symboliques existantes. En revanche, chez les jeunes, surtout ceux habitant en plaine, elles ont introduit des ruptures considérables dans les formes et les pratiques architecturales5.

La tôle et le plan rectangulaire des maisons apparaissent comme une stratégie du

paraitre moderne à partir des années 1980 (Boutinot, 1994) qui marque l’intensification de

l’exode rural et l’entrée des Montagnards dans la fonction publique. L’aspiration à une vie

meilleure poussa de nombreux jeunes à envisager l’utilisation des villes comme espace

complémentaire à l’économie montagnarde (Boutinot, 1994; Iyebi-Mandjeck, 1993). Une des particularités de l’exode rural est la nostalgie du retour au village pour y consommer sa réussite migratoire en y construisant une maison « moderne » c’est-à-dire neuve. L’exode rural constitue d’ailleurs un repère historique important, dans la mesure où les jeunes montagnards s’y réfèrent pour scinder leur histoire entre un avant et un après : l’avant est associé à un mode de vie précaire défini par des maisons traditionnelles, et l’après évoque l’émergence d’un style de vie nouveau et moderne dont la principale caractéristique est l’apparition des belles maisons au village. Toutefois, c'est davantage l’entrée des Montagnards dans la fonction publique qui est porteuse des changements car elle redessine et brouille les rapports entre eux et leurs communautés d’appartenance. Ces fonctionnaires que les locaux considèrent comme leurs fils en ville et comme leurs évolués, c’est-à-dire leurs élites, sont des gens qui, ayant été les premiers de la région à avoir fait des études universitaires, ont eu droit à des carrières plus ou moins remarquables dans la fonction publique. Du fait de leur revenu dépassant de loin les modiques sommes engrangées mensuellement par les migrants urbains, ces élites vivent dans ce que les gens du village considèrent comme du luxe. Ceci suscite leur mécontentement dans la mesure où ce prétendu luxe, en étant consommé ailleurs et non au village, est assimilé à du gaspillage.

5 Voir le chapitre IV sur le rôle de la descente en plaine sur les pratiques architecturales selon qu’on est en

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Par ailleurs, cet écart entre la fortune des fonctionnaires et le revenu des autres montagnards offre le prétexte pour des accusations réciproques de sorcellerie : d’une part, les gens du village justifient la fortune de leurs élites par la vente des parents (Geschiere, 2013, 2012, 1998), ce d’autant plus qu’elle est accumulée ailleurs, loin du regard de la communauté, d’autre part, ces dernières soupçonnent aussi les gens du village d’utiliser les forces occultes pour les éliminer par pure jalousie, d’où la forte tendance des fonctionnaires à construire leurs maisons ailleurs qu’au village pour se soustraire, à la fois, aux accusations et aux attaques de sorcellerie6. Malgré ces rapports minés d’ambigüités entre

élites et villages, on observe par moment des rapprochements, notamment dans le cadre des associations ethno-régionales mises sur pied par les élites dans le contexte de la transition démocratique. Dans cette avenue, la maison traditionnelle s’est chargé de nouvelles significations : elle ne sert pas seulement à souligner l’identité ethnique, mais davantage l’identité montagnarde. Les discours identitaires de l’après 1990 insistent davantage sur les traits communs que sur les particularités ethniques de l’architecture. Toujours dans le cadre de cette transition démocratique, la mémoire de l’esclavage, mise sous silence sous la période coloniale et postcoloniale, est capitalisée à la faveur de la construction de cette identité montagnarde ; l’objectif étant de se considérer comme une entité régionale pour se positionner face au pouvoir en place en « clients politiques » (Chétima, 2010)7.

Au regard de ce contexte historique, il ressort que le XXe siècle fut une période riche en évènements: fin de l’esclavage (début du XXe siècle), violences coloniales et création des imaginaires (1916-1960), création des cantons dans les massifs (1940-1950), descente forcée des Montagnards en plaine (à partir de 1963); exode rural et entrée massive des Montagnards dans la fonction publique (à partir de 1980), et transition démocratique (à partir de 1990). Ces évènements ont influencé diversement et de manière discontinue les discours identitaires des Montagnards, ce qui m’a contraint à circonscrire aussi l’analyse temporelle de manière discontinue et interrompu. Par ailleurs, le cadre chronologique

6 L’ambigüité du discours sur la sorcellerie apparait surtout avec l’entrée des originaires des monts Mandara

dans la fonction publique. Ces derniers, du fait qu’ils habitent dans des maisons confortables en ville, sont considérés comme les Blancs du village, et feront en même temps l’objet de rumeurs de sorcellerie. Voir le chapitre V pour plus de détails.

7 Pour les discussions sur le rôle de la transition démocratique et sur l’utilisation des symboles architecturaux

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restera davantage limité en aval aux années 1940 dans la mesure où les évolutions, ou plus simplement les disparités, dans les discours identitaires autour des maisons sont rarement, ou plutôt sporadiquement, soulignés dans les discours des populations aussi bien que dans les archives coloniaux. Cette période d’avant 1940 est surtout caractérisée par un discours mémoriel qui tend à refouler le passé et à le présentifier (Hartog, 2003), nivelant ainsi l’ontologie différentielle de la trame historique.

3. Problématique et hypothèses de travail

Depuis la parution de l’ouvrage fondateur d’Amos Rapoport en 1969 sous le titre

House form and culture, il est aujourd’hui admis que la forme de la culture matérielle, bien

que contrainte par des exigences environnementales et fonctionnelles, sert surtout d’un moyen de communication d'informations. En attribuant des rôles secondaires aux déterminants physiques et en insistant sur la primauté des forces culturelles (Rapoport, 1969 : 47), les travaux de Rapoport vont favoriser la marginalisation de la matérialité et de la physicalité dans les études ultérieures sur la maison (voir par exemple Lawrence, 2000; Johnson, 1993; Geertz, 1973). Cette lacune sera en partie comblée avec l’avènement du structuralisme de Claude-Lévy-Strauss (1991, 1987, 1984, 1979), qui à travers son concept de « société à maison », fera un pas important vers la conciliation du physique et du social, du naturel et du culturel, du matériel et de l’immatériel. Cependant, les approches structuralistes sont venues avec leurs propres faiblesses, car comme les critiques de Hillier et Hanson (1984: 5) le soulignent, elles ignorent le rôle des individus et leur capacité à apporter des changements sociaux dans un contexte donné. En d'autres termes, les structuralistes dépeignent les individus comme étant « subordonnés à des mécanismes d'organisation de l'inconscient» (Humphrey, 1988: 16) plutôt que comme «des acteurs sociaux compétents » (Hodder, 1982 : 8). En outre Ian Hodder estime que les structuralistes ne font aucun effort pour comprendre les règles de changement structurel qui interviennent dans le temps et dans l’espace.

Ce type de critique a largement contribué à la réévaluation du rôle de la maison au-delà de la simple réflexion passive des cultures pour la considérer comme un lieu actif, structurant mais aussi structuré, par des systèmes de production et de reproduction de la

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culture (Dant, 2005, 1999; Olsen 2003; Appadurai, 1987; Miller, 1987; Csikszentmihalyi et Rochberg-Halton, 1981). Des études seront réalisées à partir des différents contextes temporels et spatiaux pour montrer que les objets ne sont pas passifs, mais qu’ils sont activement utilisés par les individus dans la création, le maintien et l’affirmation de leurs identités sociales et individuelles (Olsen, 2003: 91). Dans ce contexte, la maison apparait nécessairement comme un domaine clé pour étudier l'interaction entre les gens et les choses, car les gens n’habitent pas leurs maisons comme un réceptacle vide, mais comme un lieu significatif qui exprime ce qu’ils sont (Kyung, 2012; Hodder and Hutson, 2003; Johnson, 1993).

Ma problématique s’inscrit dans ce contexte global de réévaluation de la matérialité et de l’action sociale de l’objet. Je considère la maison dans son sens inclusif pour désigner non seulement la structure physique et matérielle qu’elle est, mais également toute la dimension immatérielle, tous les savoir-faire et toute la dimension expressive qui y sont associés. La matérialité de même que le sens de la maison ne sont jamais figés; ils sont variables d’un groupe à un autre (Moore, 1986), et d’une période à une autre (Bailey, 1990: 26), ce qui me permettra d’insister sur la dynamicité de la maison dans la construction des identités sociales (Hodder, 1982) et individuelles (Duncan, 1982).

Ma recherche doctorale se détache ainsi de toute une littérature ethnologique qui associe l’architecture traditionnelle aux concepts de stabilité et d’authenticité. Je propose au contraire une approche dynamique en prenant en compte les différentes temporalités (descente en plaine, exode rural, fonctionnariat et transition démocratique) lesquelles permettront d’analyser et de comprendre les dynamiques architecturales selon qu’on quitte un espace montagneux pour un espace plat, et selon les évolutions de familles au fil du temps, des rapports de genre et des rapports intergénérationnels. Cette étude s’inscrit également dans un nouveau paradigme qui articule le local et le global (Clifford, 1997) et ambitionne de saisir les représentations sociales et symboliques de la maison en fonction des contextes spatiaux et sociaux, de regarder et de lire la maison dans cette pluralité de contextes, et enfin, de saisir par là même la trajectoire de vie suivie par les individus et par leurs maisons. L’aspect spatial et temporel permettra en outre d’établir des comparaisons interethniques, mais aussi des comparaisons entre les maisons en montagne et celles en

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plaine pour dégager les permanences et les ruptures en prenant en compte l’expérience de la mobilité des gens.

Par ailleurs, mon approche s’inspire des travaux de l’anthropologue britannique Daniel Miller qui préconise un recentrement du regard sur la matérialité de la maison, car « nos mondes sociaux sont constitués par elle » (1998 : 3). Daniel Miller appelle les chercheurs à accorder une attention particulière aux contextes et aux agents qui, selon lui, transforment l’entité physique de la maison (house) en une entité sociale pleine de signification (home). Contrairement aux analyses structuralistes, Daniel Miller pense que les individus manipulent les formes de la maison comme une stratégie visant à créer, à reproduire ou même à contester les valeurs et les idéaux culturels qui leur sont associées (2005; 1987). Considérer la réalité de la sphère domestique - liée mais pas limitée aux frontières physiques de la maison - comme un lieu de production des structures de pouvoir, rend dès lors pertinent la prise en compte du concept home dans la définition de la maison. Dans la lignée de Daniel Miller, je reconnais que la maison est inextricablement liée et mutuellement constitutive des structures sociales, politiques et économiques. Inversement, les processus sociaux influent considérablement sur la sphère domestique. En prenant appui sur un tel postulat, cette thèse illustre comment la maison, à travers ses multiples usages, devient à la fois porteuse et agent de communication de plusieurs appartenances identitaires à un niveau sociétal et individuel (Bromberger, 1980). L’analyse sera centrée autour de quelques périodes clés que sont la descente en plaine (1963), l’exode rural (1980) et la transition démocratique (1990). Le moment le plus décisif sera cependant les années 1980 qui marquent l’émergence des nouvelles maisons, fruits de l’accumulation d’argent lors des séjours migratoires.

Un deuxième aspect de la recherche de Daniel Miller, important pour mon approche, est l’idée que la culture matérielle est un lieu de transmission et de codification de notre propre image pour les autres. Miller formule des concepts tels que

appropriation et accommodation pour décrire et expliquer les processus par lesquels la

maison est personnalisée, et la façon dont elle devient un processus de création identitaire (voir Miller, 2002). De cette façon, l’attention doit être portée, non seulement sur ce que les individus font avec les objets, mais aussi sur la « manière dont les objets que les individus

Figure

Figure 1 : Perspective fonctionnaliste de la maison selon Lewis Morgan (2003)
Figure 2 : Schéma explicatif du primat des changements sociaux sur les facteurs climatiques  et technologiques dans les variations de la maison selon Marcel Mauss
Figure 3 : Processus de démantèlement du concept de culture selon Amos Rapoport   (1990 ; 1976)
Figure 4 : Structure anthropomorphique d’un village dogon (source: Griaule, 1965 [1948]: 95)
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