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Si les recherches spécifiques conduites sur les trois groupes sont rares ou inexistantes, il existe néanmoins des ouvrages généraux dans lesquels des pages leur sont consacrées. Les plus significatifs sont les travaux de Christian Seignobos (1982), de Jean Boutrais (1973) et d’Antoinette Hallaire (1991; 1965). Les travaux d’Antoinette Hallaire constituent à ma connaissance la première étude systématique des ethnies habitant les monts Mandara septentrionaux. Elle a produit une vaste étude sur la répartition démographique et les pratiques agricoles, mais en y incluant des données intéressantes sur l’architecture dont l’un des traits les plus évidents, écrit-elle, est la répugnance pour les terrains plats et la préférence aux terrains situés en altitude (Hallaire, 1991). Ce constat, qui sera corroboré par d’autres chercheurs (Vincent, 1991; Seignobos, 1982), a permis d’élaborer l’hypothèse selon laquelle il existerait un rapport entre le souci d’occuper topographiquement un site en

altitude et la volonté d’affirmer son prestige et son statut social, une idée plus amplement développée dans le chapitre V.

Un autre ouvrage ayant inspiré cette présente étude est le travail de Jean Boutrais (1973) sur la descente des Montagnards en plaine et les conséquences qu’elle a entrainées sur les structures sociales, les relations entre clans et ethnies. Boutrais a effectué des recherches échelonnées entre 1968 et 1969 centrées autour du massif de Mokyo. Il a donc eu le temps d’observer l’impact et les effets de la descente en plaine sur les structures sociales et les réactions des Montagnards face à l’opération de descente orchestrée par le sous-préfet de Mora en 1963.

Signalons pour finir un dernier ouvrage, et non le moindre, produit par Christian Seignobos (1982) sur les architectures traditionnelles dans les montagnes du Nord- Cameroun. Cet ouvrage présente l’architecture comme un élément d’identification ethnique, car remarque Seignobos, chaque groupe possède un stéréotype architectural propre et décelable dès la simple visite des concessions (1982). Se basant, sur les plans, les matériaux et les techniques de construction, Seignobos a par la suite procédé au regroupement des architectures en trois modèles à savoir le modèle mafa, le modèle mofu et le modèle podokwo. Sur ces trois modèles s’accrochent, fait-il valoir, des aires architecturales pouvant aboutir à une sorte de dialectisation de l’habitat (1982 :42). Seignobos fait en outre valoir que la différence entre ces trois modèles est surtout visible à travers les murs d’enceinte, lesquels donnent aux habitations montagnardes l’allure de véritables bastions (Seignobos, 1982 : 28). Ce constat l’amène finalement à situer l’élaboration de ces modèles ethniques dans un contexte historique marqué par des rais esclavagistes et plus tard par la domination coloniale.

2. Un contexte historique marqué par des raids esclavagistes et la domination coloniale

L’évolution historique des groupes humains habitant les monts Mandara est à inscrire dans la dynamique globale du bassin tchadien, un espace géographique qui a vu l’émergence des royaumes tels que le Kanem-Borno, le Bagirmi et le Wandala. Leur expansion territoriale s’accompagne d’une série de violences qui semble être à l’origine des

vagues successives de migrants cherchant à se réfugier dans des principaux sites défensifs, à l’instar des monts Mandara. Considérés comme des « réservoirs d’esclaves » (Urvoy, 1949), les Montagnards furent constamment harcelés, ce d’autant plus qu’ils étaient réfractaires à l’Islam, religion des principales hégémonies (Garaktchémé, 2012; Urvoy, 1949). Face aux razzias perpétrées par les esclavagistes, ils mirent en place des mécanismes de défense ce qui se révéla dans leur système de construction des maisons (Seignobos, 1982). Plus que cela, les Montagnards ont, consciemment ou inconsciemment, refoulé leur passé servile, et l’ont remplacé par des traditions historiques d’origine véhiculant plutôt des récits de nature mythique. En tant que moyen d’embellissement de la mémoire, les mythes et les chants ont créé une sorte de trou noir dans la mémoire (Jewsiewicki, 2011 : 4), absorbant ainsi les souvenirs de la servilité2. C’est à ce contexte d’hégémonie des royaumes de la plaine et de

refoulement des souvenirs du passé servile par les « gens de montagne » que se greffa la colonisation européenne au début du XXe siècle.

Ce furent d’abord les Allemands qui prirent possession de la région, en vertu des accords signés avec les chefs duala en juillet 1884 qui leur ouvrirent la voie à la conquête du Cameroun. Mais la conquête militaire ne se termina véritablement qu’en 1902 par la victoire militaire allemande sur les troupes de Rabah à Kousseri, une ville située à environ 250km des monts Mandara. Fascinés par l’organisation des lamidats et des sultanats islamiques, c’est tout naturellement que les Allemands associèrent les Wandala à l’administration des Montagnards. L’administration coloniale allemande ne dura toutefois qu’une décennie, car leur défaite lors la Première Guerre mondiale entraina la perte de leurs possessions coloniales africaines, dont le Cameroun. Un condominium franco-britannique, mis sur place le 14 septembre 1914, aboutit au partage du Cameroun entre les forces alliées qu’étaient les Français et les Britanniques, précisément le 04 mars 1916.

Dans le cadre de ce grand partage, trois quarts du territoire, incluant le nord du Cameroun, revint aux Français. Faute de ressources humaines nécessaires, ces derniers suivirent les pas de leurs prédécesseurs allemands en s’appuyant sur les structures

2 Voir le chapitre III pour les détails sur le contexte historique de l’émergence des royaumes péri-tchadiens

(Kanem, Borno et Wandala) (XIXe-XIXe siècle) et de l’hégémonie peule (XIXe- début XXe siècle). Les raids esclavagistes qui accompagnèrent le développement de ces hégémonies ont influé sur les discours mémoriels et identitaires des Montagnards.

politiques wandala pour administrer les monts Mandara septentrionaux, ce qui accentua les actes d’insoumission des Montagnards à l’autorité coloniale. L'opinion la plus répandue tout au long de la période coloniale française était alors que les Montagnards étaient naturellement arriérés, rebelles et hostiles à tout contrôle (voir par exemple Kerbellec, 1943; Maronneau, 1934; Chabral, 1931; Remiré, 1929; Vallin, 1927; Coste, 1923; Petit, 1920; Audoin, 1919). Les réactions des Français à l’insoumission ont été souvent dévastatrices, même si ces derniers procédèrent finalement à quelques réaménagements à partir des années 1940 en créant des cantons en territoire montagnard.

La décennie 1940 inaugure ainsi un nouveau thème dans la politique coloniale française, qui est celui de « restauration des anciens pouvoirs païens » (Boutrais, 1973 : 64) ou de kirdisation du pouvoir (Garaktchémé, 2014). Ce nouveau thème est en fait le prolongement et l’aboutissement de la politique dite de pacification commencée dans les années 1930 (Beauvillain, 1991). Il se manifeste concrètement par la création des cantons à la tête desquels sont nommés des Montagnards placés directement sous le commandement du chef de subdivision, les soustrayant ainsi à l’autorité du sultan de Mora. Les trois cantons podokwo (Podokwo-sud, Podokwo-nord et Podokwo-centre), et le canton Mora- Massif seront dès lors créés en 1942 (voir Boutrais, 1973 : 64). Par contre chez les Muktele, il faudra attendre 1949 pour voir l'administration coloniale parvenir à la création de deux cantons distincts: le canton Muktele-Baldama et le canton Muktele-Zuelva (voir Juillerat, 1971 : 21). La mise en place des cantons a contribué à la sédimentation et au renforcement de la conscience ethnique encore embryonnaire, laquelle se traduit par un attachement plus marqué aux symboles ethniques en particulier à l’architecture « ethnique » (Seignobos, 1982). Des auteurs comme Scott MacEachern (2002, 2001, 1998, 1992), David Nicholas, Judith Sterner et Kodzo Gavua (1988), Jean Boutrais (1973) ou encore Bernard Juillerat (1971) ont d’ailleurs surestimé le rôle de la colonisation en liant l’apparition des sentiments ethniques à la création des cantons. Nos enquêtes chez les Podokwo, Muktele et Mura amènent à relativiser cette thèse. En effet, si la création des cantons semble avoir été réappropriée par des groupes ethniques tels que les Mafa et les Bulahai (David, Sterner et Gavua, 1988) ou les Uldeme (MacEachern, 1998), les groupes étudiés dans le cadre de ce travail peinent encore à s'identifier aux cantons. Ici, les trois strates d'identification en vigueur restent le clan (par l'évocation de l'origine et de l'ancêtre communs), l'ethnie (par

l'évocation d'une langue et d'une architecture communes), et l'identité montagnarde (en situation de contacts avec les Wandala)3.

L’impact de la colonisation sur les représentations identitaires semble plutôt être lié à la création des imaginaires et des figures-types de l’Autre montagnard. La création de ces imaginaires était nécessaire pour légitimer la mission civilisatrice qui était au fondement même de la colonisation, mais dont l’application sur le terrain fut marquée par les violences à l’égard des colonisés (Bancel, Blanchard et Vergès, 2003). L’architecture montagnarde s'imposa comme le principal lieu d’élaboration de ces représentations stéréotypées et fut décrite comme authentique et originale (Ferrandi, 1928). Les Montagnards se servirent de la même architecture pour inverser les imaginaires coloniaux et véhiculer deux discours valorisants d’eux-mêmes, à savoir d’une part le mythe du résistancialisme et d’autre part l’amour pour le travail dont la construction du mur de pierres en est la matérialisation4.

L'indépendance du Cameroun obtenue en 1960 mettait théoriquement fin à l’exploitation de la main d’œuvre montagnarde dans la mise en place des infrastructures coloniales, mais ouvrait en même temps la voie à une succession rapide d’évènements qui influèrent sur les dynamiques identitaires et les pratiques architecturales.

D’abord, il y a le décret sous-préfectoral déjà mentionné qui rend obligatoire la descente dans les plaines environnant les massifs. Selon les estimations de Boutrais, environ 45 000 personnes s’établirent en plaine seulement au cours de l’année 1963 (Boutrais, 1973: 53). Globalement la migration en plaine s'effectua selon deux modalités différentes : la première fut l'installation des populations sur les piémonts et sur la portion de la plaine située en contrebas du massif; la deuxième fut l’installation dans les villes wandala, laquelle provoqua un peuplement plus hétéroclite. En outre la descente des Montagnards en plaine donna lieu à l’observation des trois schémas suivants : l'attachement plus marqué à la montagne chez ceux qui sont restés en montagne; l'hybridation architecturale et identitaire chez ceux vivant dans les villages de la plaine; l'assimilation quasi-complète aux Wandala par l'adoption des symboles architecturaux islamiques chez

3 Se référer au chapitre IV quant au rôle de la politique coloniale dans la sédimentation de la conscience

ethnique montagnarde.

ceux vivant dans les bourgs musulmans. Mais dans tous les cas, on remarque qu’à partir des années 1970 et 1980, l’architecture montagnarde intègre de plus en plus deux nouveaux éléments à savoir, la tôle et la forme rectangulaire. Dans les massifs, notamment chez les personnes du troisième âge, la tôle et la forme rectangulaire ont été domestiquées et incorporées à l'intérieur des structures symboliques existantes. En revanche, chez les jeunes, surtout ceux habitant en plaine, elles ont introduit des ruptures considérables dans les formes et les pratiques architecturales5.

La tôle et le plan rectangulaire des maisons apparaissent comme une stratégie du

paraitre moderne à partir des années 1980 (Boutinot, 1994) qui marque l’intensification de

l’exode rural et l’entrée des Montagnards dans la fonction publique. L’aspiration à une vie

meilleure poussa de nombreux jeunes à envisager l’utilisation des villes comme espace

complémentaire à l’économie montagnarde (Boutinot, 1994; Iyebi-Mandjeck, 1993). Une des particularités de l’exode rural est la nostalgie du retour au village pour y consommer sa réussite migratoire en y construisant une maison « moderne » c’est-à-dire neuve. L’exode rural constitue d’ailleurs un repère historique important, dans la mesure où les jeunes montagnards s’y réfèrent pour scinder leur histoire entre un avant et un après : l’avant est associé à un mode de vie précaire défini par des maisons traditionnelles, et l’après évoque l’émergence d’un style de vie nouveau et moderne dont la principale caractéristique est l’apparition des belles maisons au village. Toutefois, c'est davantage l’entrée des Montagnards dans la fonction publique qui est porteuse des changements car elle redessine et brouille les rapports entre eux et leurs communautés d’appartenance. Ces fonctionnaires que les locaux considèrent comme leurs fils en ville et comme leurs évolués, c’est-à-dire leurs élites, sont des gens qui, ayant été les premiers de la région à avoir fait des études universitaires, ont eu droit à des carrières plus ou moins remarquables dans la fonction publique. Du fait de leur revenu dépassant de loin les modiques sommes engrangées mensuellement par les migrants urbains, ces élites vivent dans ce que les gens du village considèrent comme du luxe. Ceci suscite leur mécontentement dans la mesure où ce prétendu luxe, en étant consommé ailleurs et non au village, est assimilé à du gaspillage.

5 Voir le chapitre IV sur le rôle de la descente en plaine sur les pratiques architecturales selon qu’on est en

Par ailleurs, cet écart entre la fortune des fonctionnaires et le revenu des autres montagnards offre le prétexte pour des accusations réciproques de sorcellerie : d’une part, les gens du village justifient la fortune de leurs élites par la vente des parents (Geschiere, 2013, 2012, 1998), ce d’autant plus qu’elle est accumulée ailleurs, loin du regard de la communauté, d’autre part, ces dernières soupçonnent aussi les gens du village d’utiliser les forces occultes pour les éliminer par pure jalousie, d’où la forte tendance des fonctionnaires à construire leurs maisons ailleurs qu’au village pour se soustraire, à la fois, aux accusations et aux attaques de sorcellerie6. Malgré ces rapports minés d’ambigüités entre

élites et villages, on observe par moment des rapprochements, notamment dans le cadre des associations ethno-régionales mises sur pied par les élites dans le contexte de la transition démocratique. Dans cette avenue, la maison traditionnelle s’est chargé de nouvelles significations : elle ne sert pas seulement à souligner l’identité ethnique, mais davantage l’identité montagnarde. Les discours identitaires de l’après 1990 insistent davantage sur les traits communs que sur les particularités ethniques de l’architecture. Toujours dans le cadre de cette transition démocratique, la mémoire de l’esclavage, mise sous silence sous la période coloniale et postcoloniale, est capitalisée à la faveur de la construction de cette identité montagnarde ; l’objectif étant de se considérer comme une entité régionale pour se positionner face au pouvoir en place en « clients politiques » (Chétima, 2010)7.

Au regard de ce contexte historique, il ressort que le XXe siècle fut une période riche en évènements: fin de l’esclavage (début du XXe siècle), violences coloniales et création des imaginaires (1916-1960), création des cantons dans les massifs (1940-1950), descente forcée des Montagnards en plaine (à partir de 1963); exode rural et entrée massive des Montagnards dans la fonction publique (à partir de 1980), et transition démocratique (à partir de 1990). Ces évènements ont influencé diversement et de manière discontinue les discours identitaires des Montagnards, ce qui m’a contraint à circonscrire aussi l’analyse temporelle de manière discontinue et interrompu. Par ailleurs, le cadre chronologique

6 L’ambigüité du discours sur la sorcellerie apparait surtout avec l’entrée des originaires des monts Mandara

dans la fonction publique. Ces derniers, du fait qu’ils habitent dans des maisons confortables en ville, sont considérés comme les Blancs du village, et feront en même temps l’objet de rumeurs de sorcellerie. Voir le chapitre V pour plus de détails.

7 Pour les discussions sur le rôle de la transition démocratique et sur l’utilisation des symboles architecturaux

restera davantage limité en aval aux années 1940 dans la mesure où les évolutions, ou plus simplement les disparités, dans les discours identitaires autour des maisons sont rarement, ou plutôt sporadiquement, soulignés dans les discours des populations aussi bien que dans les archives coloniaux. Cette période d’avant 1940 est surtout caractérisée par un discours mémoriel qui tend à refouler le passé et à le présentifier (Hartog, 2003), nivelant ainsi l’ontologie différentielle de la trame historique.

3. Problématique et hypothèses de travail

Depuis la parution de l’ouvrage fondateur d’Amos Rapoport en 1969 sous le titre

House form and culture, il est aujourd’hui admis que la forme de la culture matérielle, bien

que contrainte par des exigences environnementales et fonctionnelles, sert surtout d’un moyen de communication d'informations. En attribuant des rôles secondaires aux déterminants physiques et en insistant sur la primauté des forces culturelles (Rapoport, 1969 : 47), les travaux de Rapoport vont favoriser la marginalisation de la matérialité et de la physicalité dans les études ultérieures sur la maison (voir par exemple Lawrence, 2000; Johnson, 1993; Geertz, 1973). Cette lacune sera en partie comblée avec l’avènement du structuralisme de Claude-Lévy-Strauss (1991, 1987, 1984, 1979), qui à travers son concept de « société à maison », fera un pas important vers la conciliation du physique et du social, du naturel et du culturel, du matériel et de l’immatériel. Cependant, les approches structuralistes sont venues avec leurs propres faiblesses, car comme les critiques de Hillier et Hanson (1984: 5) le soulignent, elles ignorent le rôle des individus et leur capacité à apporter des changements sociaux dans un contexte donné. En d'autres termes, les structuralistes dépeignent les individus comme étant « subordonnés à des mécanismes d'organisation de l'inconscient» (Humphrey, 1988: 16) plutôt que comme «des acteurs sociaux compétents » (Hodder, 1982 : 8). En outre Ian Hodder estime que les structuralistes ne font aucun effort pour comprendre les règles de changement structurel qui interviennent dans le temps et dans l’espace.

Ce type de critique a largement contribué à la réévaluation du rôle de la maison au- delà de la simple réflexion passive des cultures pour la considérer comme un lieu actif, structurant mais aussi structuré, par des systèmes de production et de reproduction de la

culture (Dant, 2005, 1999; Olsen 2003; Appadurai, 1987; Miller, 1987; Csikszentmihalyi et Rochberg-Halton, 1981). Des études seront réalisées à partir des différents contextes temporels et spatiaux pour montrer que les objets ne sont pas passifs, mais qu’ils sont activement utilisés par les individus dans la création, le maintien et l’affirmation de leurs identités sociales et individuelles (Olsen, 2003: 91). Dans ce contexte, la maison apparait nécessairement comme un domaine clé pour étudier l'interaction entre les gens et les choses, car les gens n’habitent pas leurs maisons comme un réceptacle vide, mais comme un lieu significatif qui exprime ce qu’ils sont (Kyung, 2012; Hodder and Hutson, 2003; Johnson, 1993).

Ma problématique s’inscrit dans ce contexte global de réévaluation de la matérialité et de l’action sociale de l’objet. Je considère la maison dans son sens inclusif pour désigner non seulement la structure physique et matérielle qu’elle est, mais également toute la dimension immatérielle, tous les savoir-faire et toute la dimension expressive qui y sont associés. La matérialité de même que le sens de la maison ne sont jamais figés; ils sont variables d’un groupe à un autre (Moore, 1986), et d’une période à une autre (Bailey, 1990: 26), ce qui me permettra d’insister sur la dynamicité de la maison dans la construction des identités sociales (Hodder, 1982) et individuelles (Duncan, 1982).

Ma recherche doctorale se détache ainsi de toute une littérature ethnologique qui associe l’architecture traditionnelle aux concepts de stabilité et d’authenticité. Je propose au contraire une approche dynamique en prenant en compte les différentes temporalités (descente en plaine, exode rural, fonctionnariat et transition démocratique) lesquelles permettront d’analyser et de comprendre les dynamiques architecturales selon qu’on quitte un espace montagneux pour un espace plat, et selon les évolutions de familles au fil du temps, des rapports de genre et des rapports intergénérationnels. Cette étude s’inscrit également dans un nouveau paradigme qui articule le local et le global (Clifford, 1997) et ambitionne de saisir les représentations sociales et symboliques de la maison en fonction des contextes spatiaux et sociaux, de regarder et de lire la maison dans cette pluralité de contextes, et enfin, de saisir par là même la trajectoire de vie suivie par les individus et par leurs maisons. L’aspect spatial et temporel permettra en outre d’établir des comparaisons interethniques, mais aussi des comparaisons entre les maisons en montagne et celles en

plaine pour dégager les permanences et les ruptures en prenant en compte l’expérience de la mobilité des gens.

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