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Comme la plupart des émirats musulmans, le califat de Sokoto était en grande partie alimenté par les esclaves que lui livraient des chefs musulmans placés sous sa tutelle. Selon Paul Lovejoy (2002 ; 1988 ; 1978), les hommes étaient en grande partie destinés à servir dans la cour royale en tant que domestiques, mais surtout dans l’armée et les plantations. Les femmes esclaves étaient quant à elles destinées au concubinage et à la fabrication des produits comestibles et textiles, deux éléments essentiels de l’économie locale au XIX et XXe siècles. Le véritable problème que le califat rencontrait était que la population servile ne se reproduisait pas d’une part, parce que les esclaves travaillant dans les plantations semblaient réticents à se reproduire (Lovejoy, 2002) et d’autre part, parce que les principes musulmans fournissaient un mécanisme d’intégration d’esclaves par le biais du rachat et du concubinage (Lovejoy, 2002). Aussi, les esclaves diminuaient naturellement en nombre, d’autant plus que ceux destinés à l’armée et aux harems royaux étaient castrés. Le califat de

Sokoto était d’ailleurs réputé pour être un centre prisé de « fabrication » et de distribution des eunuques (Adam, 2008 : 15). Or, l’économie de plantation et l’industrie textile ont besoin d’un renouvellement constant de la main d’œuvre. Dans cette logique, le «mode de production esclavagiste » (Meillassoux, 1978) ne pouvait se faire que par la voie d'asservissement continu d’hommes et de femmes et de leur répartition aux diverses activités à mesure qu’ils parvenaient à la cour royale à Sokoto (Lovejoy, 2002 : 258).

En prenant en compte ce contexte global qui caractérisait la production d’esclaves dans le califat de Sokoto de la fin du XIXe au début du XXe siècle, il est possible qu’une bonne partie d’esclaves montagnards capturés par les souverains peuls aient pris la direction de Sokoto. Selon les estimations de Paul Lovejoy, l’État historique de l’Adamawa, qui comprenait aussi tout le Nord-Cameroun, exportait environ 5000 esclaves par an vers le centre de Sokoto au moment de l'effondrement du commerce transatlantique, dont la grande majorité furent des femmes71. De fait, les femmes étaient beaucoup plus

recherchées que les hommes (Lovejoy et Richardson, 1995; Cooper, 1994: 64). Le journal d’Hamman Hadji confirme cette hypothèse, dans la mesure où il avait tendance à surévaluer les esclaves de sexe féminin.

Dans cette avenue, les prix d’esclaves féminins sur les marchés étaient de loin supérieurs à ceux d’esclaves masculins (Lovejoy et Richardson, 1995 : 270-278). Par exemple, Bernard Juillerat rapporte qu’au début du XXe siècle, les prix pratiqués sur le marché d’esclaves à Mora étaient de vingt boubous de coton pour une jeune fille, douze à dix-sept boubous pour un jeune homme, et sept boubous pour un homme déjà avancé en âge (Juillerat, 1971 : 16). Le coût élevé des jeunes filles s’explique par le fait qu’elles étaient les plus recherchées, car destinées au concubinage qui, de l’avis de Paul Lovejoy (1988 : 257) constituait en même temps une stratégie d’intégration et d’acculturation des esclaves au sein des empires musulmans d’Afrique de l’Ouest. C’est d’ailleurs ce mécanisme d’intégration qui emmena Heinrich Barth à suggérer que l’esclavage tel qu’il se pratiquait à Borno et dans le califat de Sokoto n’offensait que très peu l'esprit humain car,

71Tout le contraire dans le commerce transatlantique dont la tendance générale était la préférence aux esclaves

hommes au détriment des esclaves femmes. Pour la discussion sur le rapport de genre et les prix différentiels pratiqués entre les commerces transatlantique et transsaharien, voir entre autres Paul Lovejoy et David Richardson (1995); Claire Robertson et Martin Klein (1983); Martin Klein et Paul Lovejoy (1979).

écrit-il, « l'esclave était généralement bien traité, n’était pas surchargé par le travail, et était très souvent considéré comme un membre de la famille (Barth, 1965)72.

Quoique certains esclaves aient joui d’un statut enviable, notamment dans l’armée et le concubinage, Paul Lovejoy attire l’attention sur le fait qu’ils ne furent pas moins situés au bas de l’échelle sociale, étant donné les violences perpétrées à leur égard et surtout un strict contrôle de leurs mouvements (Lovejoy, 1981). Autrement dit, leur condition a toujours été extrêmement précaire et « radicalement incertaine » (Shaw, 1998 : 3-74). La crise la plus évidente fut cependant d’ordre identitaire, laquelle a d’ailleurs conduit à la mise en place des mécanismes de refoulement ou de (ré)aménagements symboliques (Létourneau et Jewsiewicki, 2003 : 8) du passé servile, qui à travers les mythes et les chants, favorisent la construction d’une mémoire alternative plus utile et plus convenable (Chétima et Gaimatakwon, 2015).

B. Refoulement et transmission symbolique de la mémoire servile dans les traditions orales

Les recherches sur l'histoire orale en Afrique (Thioub, 2007; Konaté, 2007; Dibwé, 2006; Law, 2003; Willis, 1993; Perrot, 1993; Vansina, 1961) se sont globalement nourries à deux types de sources, à savoir d’un côté les traditions orales, et de l’autre les témoignages oraux73. Les traditions orales peuvent être définies comme des récits oraux qui se

rapportent au passé d’un groupe donné en remontant aussi loin que possible dans le temps, et qui sont transmis d’une génération à l’autre (Vansina, 1961). Elles peuvent prendre la forme d’un mythe, d’un chant, d’une légende ou d’un proverbe, et sont formellement conservées sous des formes plus ou moins fixes et plus ou moins invariables (Salau, 2011 : 126). Autrement, il n’y a de traditions orales que lorsqu’il y a transmission d’un récit d’une

72 Cette idée sera reprise par des chercheurs qui, à l’instar d’Igor Kopytoff et Suzanne Miers (1977) ou encore

de Polly Hill (1977 : 209; 1976 : 407), portèrent au compte de l’esclavage domestique un certain nombre d’avantages, notamment l’idée que les esclaves aient été bien traités par leurs maitres (Hill, 1970 : 209). Cependant, des critiques plus récentes (Miller, 2012; Lovejoy, 2002; Eltis, 1999; Inikori et Stanley, 1992) remettent en question ce point de vue. Paul Lovejoy soutient que l’esclavage domestique dans le califat de Sokoto, bien qu’il ait manifesté des traits de bienfaisance, fût aussi marqué par la violence et la brutalité, exprimées lors de la capture aussi bien que lors des prestations de service chez leurs maitres (1981 : 201-243).

73 La différence entre ces deux aspects de la tradition orale est amplement détaillée dans l’ouvrage de Jan

génération à une autre. Elles font de ce fait partie de la « mémoire collective » du groupe, et servent de fonction de légitimation (Klein, 1988 : 209). En revanche, les témoignages oraux sont des données qui sont recueillies au moyen d’entrevues auprès des informateurs pour avoir une idée sur leurs expériences en tant que participants, témoins oculaires ou non d’un fait donné (Vansina, 1961). Ils sont, comme l’écrit Martin Klein (1988), largement tributaires des gens qui les rapportent et ne sont dès lors pas conservés et transmis de manière formelle, comme c’est le cas avec les traditions orales.

Traditions orales et témoignages oraux sont tous deux indispensables pour la reconstruction de l'histoire des « peuples sans histoire » (Klein, 1988) et des individus situés au bas de l’échelle sociale à l’intérieur d’un groupe donné (Salau, 2011). La scientificité d’une histoire écrite sur la base des sources orales avait pourtant été remise en cause au vu de nombreux écueils qu’elles présentent, notamment leur caractère fluide et fragile74. Même les auteurs qui reconnaissent la validité de l’oralité comme matériau

indispensable à la reconstitution du passé ne nient pas l’existence de certains facteurs pouvant la rendre malléable. Claude-Hélène Perrot (1985) s’est penché sur deux de ces facteurs à savoir : le poids des intérêts à défendre dans le présent qui oriente par moment le contenu des récits historiques et le travail de la mémoire qui rejette certains matériaux et ajoute des significations nouvelles à d’autres.

Ces deux facteurs sont surtout présents au sein des groupes d’ascendance servile, comme ceux vivant dans les monts Mandara, dans lesquelles certaines références liées à l’histoire servile sont simplement mises sous silence dans les traditions historiques d’origine lesquelles véhiculent plutôt des récits de nature mythique. Cette partie traite de tels enjeux en mettant essentiellement l'accent sur quelques traditions historiques (mythes

74 Des auteurs, à l’instar de Hegel, en sont d’ailleurs venus à nier l’historicité de l’Afrique ; l’histoire n’étant

alors réservée qu’aux nations possédant l’écriture. Dans son ouvrage intitulé La raison dans l’histoire, Hegel écrivait : « L’Afrique n’est pas une partie historique du monde. Elle n’a pas de mouvements, de développements à montrer en elle […]. Ce que nous entendons par l’Afrique est l’esprit ahistorique, l’esprit non développé, encore enveloppé dans des conditions de naturel et qui doit être présenté ici seulement comme au seuil de l’histoire du monde (1965 [1822] : 269).

d’origine et chants) relatives à l’installation des groupes humains dans les monts Mandara et à la servilité. La façon dont la mémoire servile apparait dans les mythes est différente de la façon dont elle est traitée à travers les chants historiques : dans les mythes, elle joue sur le thème du refoulement et de l’occultation alors que dans les chants, elle est reconstruite autour des luttes identitaires chez les esclaves dans leurs communautés d’accueil.

1. Traditions historiques et fabrication des mythes d’origine : une stratégie de « mise à mort » de l’histoire servile ?

When nations, societies, agents of memory or other individuals wish to remember and make others remember, they often turn to total silence. That silence, however, is not unbounded, nor does it rest in a vacuum. On the contrary, the silence is intentional, purposive and planned in advanced, and its raison d'être is commemoration (Vinitzky-Seroussi et Teeger, 2010:1008).

De manière générale, on remarque que les traditions historiques mentionnent rarement le contexte d’insécurité comme la raison de la migration et de l’installation des populations dans les massifs. Par exemple, les récits d’origine et de migration que j'ai recueillis chez les Podokwo jouent sur le thème de la recherche d’un taureau égaré et retrouvé dans les monts Mandara. La version « officielle » du récit chez les Podokwo de Tala-Dabara est la suivante :

À l’origine du monde, tous les peuples de la terre vivaient aux environs d’une mer appelée Parlama75. Un jour, la région fut frappée par une sécheresse qui entraîna la mort des animaux et des hommes, et on ne pouvait plus pratiquer l’élevage et l’agriculture. À cette même période, les hommes commencèrent à se faire la guerre. C’est ainsi que Nabi Ngurtu, notre ancêtre, entreprit un long déplacement pour s’installer dans la montagne de Waza. Un jour, un homme sema une graine de calebassier derrière sa concession. Après avoir germé, il crût rapidement et sa liane atteignit les massifs76. Il produisit une calebasse au

bord d’un point d’eau appelée uzle huma. La même année, un bœuf s’échappe de Waza, et suivant l’itinéraire de la liane, arrive au bord de la source uzle

huma. Trois enfants furent envoyés de Waza à sa recherche. Guidés par la

75Selon la description que font les informateurs de la situation géographique de la mer parlama, on pourrait

l’identifier au lac Tchad.

76Allusion est faite ici aux monts Mandara, situés à plus d’une soixantaine de kilomètres de la localité de

liane et les excréments du taureau perdu, ceux-ci réussirent à le retrouver couché à côté de la calebasse. Ils envoyèrent l’un d’eux à Waza pour en parler aux anciens. Ceux-ci dirent alors : « Les dieux nous ont trouvé un nouveau site. Partons d’ici et allons au lieu qu’ils ont choisi pour nous abriter». C’est ainsi qu’ils entreprirent la longue migration qui les conduisit jusque dans les massifs.

Un mythe d’origine recueilli chez les Muktele de Zuelva par Bertrand Juillerat rejoint étrangement celui des Podokwo. Voici le mythe :

Avant de s’établir à Zuelva, les Makdaf étaient à Waza. Là-bas, il y a longtemps, une femme makdaf avait douze fils, six beaux et six laids. Elle préférait les six premiers. Un jour que le père se sentit mourir, il demanda à sa femme d’appeler ses douze fils à son chevet. Pensant que son mari allait leur donner de lourdes besognes, la femme ordonna à ses six favoris d’aller se cacher en brousse. « Où sont mes six autres fils ?» demanda le père. « Ils sont allés se cacher dans la brousse et ne veulent pas venir », dit la femme. Le père mourut en ayant transmis sa volonté seulement aux enfants laids. La femme alla alors rejoindre ses autres fils et, prétendant que leur père voulait les faire travailler, leur demanda de quitter le pays. « Je vais planter ici une calebasse, dit-elle, elle va vous montrer le chemin que vous devez prendre ». La calebasse crût en une seule journée et les enfants suivirent la liane ; la plante avançait devant eux et leur montrait le chemin. Arrivés au massif de Mora77, les six fils

trouvèrent une calebasse le long de la liane : elle contenait des métaux précieux et fut partagée en six parts. À Udjila, ils en trouvèrent une semblable à la première. Ils continuèrent de suivre la calebasse qui avançait comme un serpent devant eux. Arrivés à Zuelva, ils virent soudain trois grosses pierres qui roulaient dans leur direction. Elles s’arrêtèrent devant eux leur barrant le passage. À cet endroit une nouvelle calebasse poussa devant les frères ; ils la partagèrent. Les six hommes pensèrent s’arrêter là, mais la calebasse repartit et les mena jusqu’à Angwal (vallée des Muktele) où ils se partagèrent encore une calebasse qui poussa devant eux. Après cela, ils regardèrent si la liane allait encore repartir ; mais elle n’avança plus. « Voici l’endroit où nous devons nous installer », dirent les frères. Ils commencèrent à construire de petites cases (Juillerat, 1971 : 64).

Même si ces deux récits prétendent expliquer l’origine, le processus migratoire et l’installation des Podokwo et des Muktele dans les monts Mandara, c’est davantage leur dimension mythique qui est véhiculée au détriment de la réalité historique. Être venu depuis le rocher de Waza à la suite d’une calebasse supposée avoir passé ses rameaux jusqu’à fructifier à soixante kilomètres de ses racines ne peut en effet que relever d’un mythe. Celui-ci ne mentionne aucunement l’insécurité comme l’origine des migrations. Mais pour authentifier leur récit, les Muktele organisent annuellement des cultes dédiés aux ancêtres

77Le « massif de Mora » qui figure dans ce récit désigne le site d’implantation du groupe ethnique Mura. Il

et centrés autour de la calebasse. En raison de l’origine mythique et divine de la calebasse dans le récit migratoire des Muktele, elle tient un rôle important dans les rites pour les jumeaux car ces derniers sont vus comme les descendants directs du monde divin, et par conséquent sont à la fois des mi-humains et des mi-dieux. Tout comme la calebasse, les jumeaux possèdent une puissance surnaturelle qu’il faut craindre si les règles des rites qui leur sont associés n’étaient pas respectées78.

Les Podokwo, quant à eux, se réfèrent à la bouse annuellement appliquée sur les parois des cases et greniers, et aux mâchoires de bœufs superposées à l’entrée de chaque concession pour authentifier leur mythe. Il s’agit, selon Bassaka Kuma: « de remercier les dieux de s’être incarnés dans le taureau pour nous conduire dans les massifs » (entretien avec Bassaka Kuma, homme de 70 ans, le 27 mai 2007, à Udjila). Ils se réfèrent également aux endroits évoqués dans le récit qui correspondent effectivement aux toponymes actuels. Si le mythe mentionne la guerre comme l’une des causes de départ, aucune référence n’est faite des dangers que représentaient les royaumes du Kanem, du Borno et du Wandala. Certains informateurs podokwo admettent par contre que leur récit d’origine est une légende imagée, « une parabole de la fuite devant des royaumes beaucoup plus puissants» (entretien avec Zabga Pastou, homme de 40 ans, le 16 mars 2010, à Godigong). D'autres vont jusqu’à postuler que la non-référence à l’histoire servile est un oubli délibéré et planifié par les générations antérieures, parce que délicate pour être transmise : « si les traditions orales ne disent pas grand-chose sur l’esclavage, nous savons au moins que les temps étaient durs à l’époque de nos parents », affirme Mezhəne, (entretien, homme de 35 ans, le 27 mai 2007, à Udjila).

Le récit d’origine et de migration muktele cité plus haut se rapproche de celui recueilli chez les Mofu-Gudur par Liliane Sorin-Barreteau :

Autrefois, la terre ne formait qu’une vaste étendue d’eau. Lorsque Dieu créa le premier homme et l’a jeté sur la terre, il s’est noyé. Alors Dieu a décidé de faire pousser les plantes sur l’eau, puis il a envoyé un caméléon pour tester le nouvel environnement. Le caméléon ne se tenait que sur les herbes. Dieu a

78 José Van Santen mentionne également l’importance de la calebasse dans les rites pour jumeaux chez les

alors décidé de jeter les montagnes. Les montagnes ont bu l’eau, mais il en est resté un peu. Après cette dernière action, la terre se présentait comme elle est aujourd’hui, c’est-à-dire de la terre, des montagnes, des arbres et de l’eau. Dieu a de nouveau jeté deux personnes (un homme et une femme) dans ce nouvel environnement. Ce couple a eu sept garçons. Devenus grands, le père a voulu les circoncire, mais la femme s’y opposait de peur de voir mourir ses enfants. Néanmoins, elle a envoyé trois enfants vers le père pour la circoncision et elle en a gardé quatre. L’homme a circoncis les trois enfants et a demandé à la femme pourquoi elle n’a pas envoyé les quatre autres. La femme a prétexté qu’elle ne savait où ils étaient, mais l’homme savait qu’elle les préférait. L’ainé faisait partie des enfants non circoncis. Sentant sa mort prochaine, le père a réuni ses enfants pour leur distribuer ses biens comme héritage. Ces biens étaient constitués d’un taureau, d’une vache, d’une faucille, deux haches, d’une machette, d’une houe, du mil rouge, du mil jaune et du sorgho. Les deux groupes d’enfants – circoncis et incirconcis – étaient là. Le groupe des non-circoncis auquel appartenait le fils ainé eut le taureau, la houe, la hache, la faucille, du mil jaune et du mil rouge. Les circoncis eurent la vache, la machette, la hache, du sorgho et du mil rouge. Les deux groupes se sont également réparti l’habitat. Les non- circoncis obtiennent la maison en montagne et les circoncis obtiennent la maison en plaine. L’ainé des circoncis a semé son sorgho en saison pluvieuse et cela n’a pas poussé. L’ainé des non-circoncis a tué son taureau tandis que la vache des circoncis leur a donné troupeau (Sorin-Barreteau, 1996 : 15).

Ce récit vise à retracer l’origine des Mofu et à expliquer leur situation actuelle (habitat en montagne, agriculture, sacrifice des taureaux, incirconcision, etc.). Par ce mythe, les Mofu enseignaient à leurs descendants les différences fondamentales entre animistes de la montagne et musulmans de la plaine. Les premiers sont des non-circoncis et les seconds des circoncis. Les premiers sont des éleveurs et ont d’immenses troupeaux de bœufs alors que les seconds sont d’excellents agriculteurs. Le récit fait également allusion à un taureau que les Mofu ont eu en héritage et qui a été sacrifié par le fils ainé. Les Mofu établissent très souvent un parallèle avec le sacrifice des taureaux encore en vigueur dans certains clans. Cependant, le récit ne fait aucune allusion aux véritables raisons qui ont conduit les Mofu dans les massifs du Mandara, ni aux rapports conflictuels avec les empires musulmans de la plaine.

En revanche, il existe un détail important qui échappe parfois à la vigilance des non- initiés au langage symbolique mofu : c’est la répartition des chiffres entre hommes et femmes. Le mythe précise que la femme a gardé quatre enfants et a renvoyé les trois autres

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