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Des apports de l’oculométrie dans la sécurité aérienne

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Academic year: 2021

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Eprints ID: 17473

To cite this version:

Peysakhovich, Vsevolod and Lefrancois, Olivier and Dehais, Frédéric

and Causse, Mickael Des apports de l’oculométrie dans la sécurité aérienne. (2016) In:

Conférence scientifique internationale sur les intelligences numériques DI2016, 4 April

2016 - 6 April 2016 (Quebec, Canada). (Unpublished)

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Des apports de l’oculométrie dans la sécurité aérienne

Vsevolod Peysakhovich1, Olivier Lefrançois1, Frédéric Dehais1, Mickaël Causse1

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DCAS, ISAE-SUPAERO, Toulouse, France

Abstract. L’aviation commerciale est aujourd’hui le moyen de transport le plus

sûr au monde. Néanmoins des incidents surviennent encore, et ils sont souvent reliés à l’erreur humaine. La surveillance inadéquate des instruments de bord est une des causes principales de ces incidents. Une des pistes possibles permet-tant d’accroitre encore la sécurité est d’introduire l’oculométrie – technique du suivi du regard – dans le cockpit afin d’améliorer l’interaction entre l’équipage et les systèmes aéronautiques. Dans cet article nous illustrons un cas d’accident où la surveillance inadéquate est un des facteurs contributifs. Nous décrivons point par point la façon dont l’oculométrie aurait pu prévenir le crash.

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Introduction

Etant aujourd’hui le moyen de transport le plus sûr au monde, le taux d’accident en aviation commerciale est inférieur à un accident par million de départs (Boeing, 2014). Le progrès technologique a permis de faire descendre ce taux, qui fut jusqu’à trente fois plus élevé dans les années soixante. Mais si les technologies avancent de nos jours à grands pas, l’être humain n’arrive pas toujours à les suivre. Ainsi, il est important d’investiguer les façons dont on peut prévenir d’éventuelles défaillances du pilote, notamment en prenant en compte ses capacités limitées de traitement simulta-né. Les chiffrent divergent selon les sources et les définitions, mais environ entre 60% et 80% des accidents impliquent une erreur humaine (Shappell et al., 2007) comme cause participative. En guise d’exemple, la figure 1 retrace l’évolution du nombre d’accident par an pour trois catégories les plus représentées (facteurs humains, défail-lance technique et conditions météo) depuis 1970. Les accidents sont recensés par catégorie en fonction de la cause principale de l’accident, ce qui ne veut pas nécessai-rement dire que le facteur humain n’a pas participé à un accident donc la cause prin-cipale est « condition météo ».

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Fig. 1. Nombre d’accidents aéronautiques (civils et militaires) par an depuis 1970, séparés

selon les 3 causes majeures (facteur humain, défaillance technique, conditions météo). Données collectées manuellement depuis le site du Bureau d’Archives des Accidents d’Avions (www.baaa-acro.com).

Parmi ces accidents dus à l’erreur humaine, la surveillance de la trajectoire de vol occupe une place importante (Sumwalt et al. 2015). La surveillance défectueuse et inadéquate peut compromettre la sécurité aérienne. Le contrôle de la trajectoire s’effectue par la surveillance des instruments de vol tels que les indicateurs d’attitude, de vitesse et de vitesse verticale, l’altimètre, les instruments de navigations et l’annonciateur de mode de gestion de poussée, de navigation latérale et de navigation verticale en partie supérieure de l’écran de vol primaire.

Afin d’illustrer en pratique les apports que l’oculométrie peut avoir dans la sécurité aérienne, prenons le cas concret de l’accident du vol 72 d’Air France (1993) faisant la liaison entre Paris et Papeete via Los Angeles. L’accident est survenu en phase d’atterrissage à l’aéroport de Papeete. Tous les détails sont communiqués tels que décrits dans le rapport officiel du Bureau Enquêtes-Analyses (BEA, 1999).

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Accident à l’atterrissage et la surveillance des paramètres

L’avion est en approche finale et les conditions météorologiques sont bonnes (BEA, 1999). Le commandant de bord remplit le rôle du « pilot monitoring » pendant que le copilote est aux commandes. A 10 Nm de la piste, l’avion se trouve à environ 3000 pieds, le train d’atterrissage est sorti, les volets sont sortis à 30° et la vitesse est main-tenue à 149 kt par l’auto-manette, l’approche est réalisée en pilotage manuel. Le Flight Mode Annonciator (FMA, annonciateur de mode de gestion de poussée, de navigation latérale et verticale) affiche à ce moment-là « SPEED, VNAV PATH ». Lorsque la voix synthétique de la radio sonde annonce 500 pieds, le commandant de bord lit à voix haute l’annonciateur de mode : « Thrust reference VNAV Speed » et le copilote aux commandes réponds « Ok j’passe… j’passe à vue hein ». A ce moment la puissance augmente sur les quatre moteurs puis la vitesse augmente. Six secondes plus tard la voix annonce 400 pieds et le commandant remarque que l’avion est passé au-dessus du plan de vol et qu’il est en survitesse. Une demi-minute plus tard, le train d’atterrissage de l’avion touche la piste. La puissance du premier moteur (extérieur gauche) commençait à augmenter avant le toucher et se stabilise en poussée positive. De ce fait, les spoilers ne se déploient pas, le système de freinage automatique est désactivé. Pendant le roulage l’équipage perçoit une dissymétrie de poussée et essaie

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d’équilibrer l’avion, mais l’avion quitte la piste latéralement et finit dans le lagon situé à l’extrémité de la piste. Personne n’est blessé et l’aéronef est remis en service un an plus tard. Mais comment cet avion a-t-il pu aboutir dans le lagon alors que les conditions météorologiques étaient bonnes et que l’appareil fonctionnait parfaite-ment ?

L’enquête a montré que l’avion a déclenché la remise de gaz automatique puisqu’en franchissant le point « End of Descent », l’automanette était toujours ac-tive. En effet, la philosophie du mode d’approche sélectionné lors de cet atterrissage prévoit qu’à la hauteur de décision, soit le pilote possède des références visuelles suffisantes et continue l’approche à vue en désactivant les systèmes automatiques, soit il effectue une remise de gaz. Par conception, l’automatisme a considéré que le pas-sage à vue n’a pas été effectué (puisque l’auto-manette n’a pas été déconnectée) et donc a commandé l’augmentation de la poussée. Quelques secondes avant le toucher du train principal, la manette n°1 échappe à la main du pilote aux commandes, proba-blement au moment où il déplace sa main pour passer en inversion de poussée. La cause principale de cet accident est qu’aucun de deux pilotes n’a remarqué ni pris conscience de la remise de gaz automatique. Le commandant de bord a bien annoncé le message « THR REF VNAV SPEED » du FMA, qui indique bien que la poussée est modifiée, mais sans analyser son contenu. Le copilote n’a pas confirmé cette an-nonce non plus. Le rapport indique également que « l’équipage, passé en pilotage à vue depuis un certain temps et ayant la piste […] en vue, ne regardait plus le directeur de vol et était plus préoccupé par la tenue de la trajectoire à vue que par la surveil-lance des instruments et des automatismes de vol ». En analysant la répartition des tâches entre deux pilotes, le BEA souligne que l’équipage avait une forte différence d’expérience et que le commandant de bord ne se préoccupait plus des instruments après avoir remarqué que l’appareil était passé au-dessus du plan de vol. Au contraire, il observait l’extérieur afin de vérifier le retour sur sa trajectoire. Les deux pilotes ont alors focalisé sur l’extérieur en oubliant les contrôles instrumentaux (gestion poussée, sortie des inverseurs et des spoilers…) et en violant ainsi leurs rôles et obligations respectifs. En analysant les éléments qui ont contribué à cet accident, on remarque notamment :

 Lecture machinale d’un message de l’annonciateur de mode sans prise de cons-cience et absence de confirmation d’annonce par le pilote en fonction ;

 Les regards de deux pilotes se trouvent au même endroit en observant la même chose ;

 Absence de vérification de la poussée des moteurs, de sortie des inverseurs et des spoilers.

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Apports de l’oculométrie afin de prévenir l’accident

Est-ce que l’oculométrie permettrait d’ajouter une défense technologique supplémen-taire ? La réponse est positive. L’oculométrie n’est pas une nouvelle technologie en soi, les études des mouvements oculaires sont publiées depuis déjà plus de 60 ans. Néanmoins, le marché des oculomètres s’est démocratisé ces dernières années, ces

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appareils de suivi du regard sont devenus moins invasifs, moins chers, plus précis et robustes. Si dans les études princeps, tel que le travail de Fitts et ses collègues (1950), les chercheurs se retrouvaient à inventer des moyens originaux pour enregistrer les mouvements oculaires sur la pellicule afin de dépouiller ensuite les données manuel-lement ; aujourd’hui, même un étudiant non expérimenté peut enregistrer les mouve-ments oculaires et analyser les données en quelques minutes et en quelques clics de souris. Nous sommes persuadés que les oculomètres s’enracineront sous peu dans l’industrie automobile et aéronautique.

Les mouvements oculaires peuvent être grossièrement séparés en fixations lors des-quels l’information visuelle est acquise et en saccades servant à déplacer le regard d’un point d’intérêt à un autre. Ces événements permettent l’étude du comportement visuel et témoignent des processus perceptuels et cognitifs lors de la lecture, observa-tion des scènes naturelles et la prise de décision (McCarley & Kramer, 2006 ; Rayner, 2009 ; Orquin & Loose, 2013).

Comment pouvait-on donc prévenir cet accident si un oculomètre avait été intégré dans le cockpit à bord de cet aéronef arrivant à Tahiti ? Dans un premier temps, en traitant l’information de l’oculomètre et en connaissant l’intérieur du cockpit on peut en déduire précisément l’endroit où regarde chacun des pilotes à chaque instant. Les coordonnées brutes ne présentent pas un intérêt particulier, mais plutôt un instrument ou une partie d’un instrument sur laquelle se focalise le regard. Ainsi, on peut dispo-ser des messages générés par un système automatique de type « Pilote 1 – Extérieur », « Pilote 2 – Altimètre », « Pilote 2 – FMA » etc. Ces données en étant combinées avec la connaissance du déroulement de vol et des paramètres du vol en cours peuvent être utilisées afin de générer des alertes auditives rappelant les pilotes à l’ordre, pré-venant la surveillance inadéquate des instruments. Ainsi pendant ce vol AF072, un système de prévention basé sur les données oculaires aurait détecté que les deux pi-lotes se focalisent sur le même aspect de vol, i.e. tenue de la trajectoire à vue en re-gardant à l’extérieur, en ignorant les autres informations importantes (telles que la poussée) pour un atterrissage réussi. L’absence de vérification de la poussée ainsi que de sortie des inverseurs et de spoilers aurait également pu être détecté grâce à ce sys-tème puisqu’aucune fixation n’avait été détectée pendant longtemps ni de la part du pilote en fonction ni du « pilot monitoring ». Un message audio (par exemple, « check thrust ») aurait pu rappeler les pilotes à l’ordre et aurait certainement évité le crash. Néanmoins, cette approche nécessite la conception d’une base de connaissance et de règles concernant les temps de fixation à ne pas dépasser sur chaque instrument et les fréquences recommandées de consultation. Notons, par ailleurs, qu’une fixation sur un objet ne signifie pas obligatoirement la prise de conscience de l’information affi-chée, comme cela a été le cas avec le message du FMA, lu mais pas analysé par le commandant de bord. Pourtant, toutes les informations dans le cockpit sont liées entre elles par la dynamique du vol et le fonctionnement des systèmes aéronautiques. Il en donc résulte qu’une information non analysée sera compensée par une autre source d’information qui donne un indice ou une explication complète de la situation. Comme cela a été le cas lors de l’accident décrit où il aurait suffi au commandent de bord de surveiller la puissance de moteur au lieu de se focaliser sur l’extérieur afin de diagnostiquer correctement la situation.

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Conclusion

En résumé, l’intégration des oculomètres dans le cockpit pourrait nous faire bénéficier des données objectives de l’état attentionnel des pilotes. Ces données pourraient être utilisées lors de l’analyse des incidents afin de mieux comprendre le comportement visuel des pilotes en parallèle des enregistrements vocaux. Plus important, l’information essentielle de l’oculométrie sur le positionnement du regard des pilotes, pourrait donner source au développement d’un système préventif aidant à l’équipage de surveiller correctement et de manière adéquate tous les instruments et les para-mètres de vol. Cet aspect de prévention d’une mauvaise surveillance grâce à l’oculométrie revêtira certainement un aspect encore plus important avec l’avènement des futurs cockpits n’intégrant qu’un seul pilote.

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Remerciements

Ce travail a été partiellement financé par la chaire Dassault Aviation – ISAE-SUPAERO – Fondation ISAE-ISAE-SUPAERO, attribuée à Mickaël Causse.

Références

1. Boeing (2014). Statistical Summary of Commercial Jet Airplane Accidents Worldwide Operations | 1959 – 2013.

2. Shappell, S., Detwiler, C., Holcomb, K., Hackworth, C., Boquet, A., & Wiegmann, D. A. (2007). Human error and commercial aviation accidents: An analysis using the human fac-tors analysis and classification system. Human Facfac-tors, 49(2), 227-242.

3. Sumwalt, R., Cross, D., & Lessard, D. (2015). Examining How Breakdowns in Pilot Moni-toring of the Aircraft Flight Path. International Journal of Aviation, Aeronautics, and Ae-rospace, 2(3), 8.

4. Bureau Enquêtes-Analyses (1999). Rapport n°f-ta930913 relatif à l'accident survenu le 13 septembre 1993 sur l'aéroport de Tahiti Faaa au Boeing 747-428 B immatriculé F-GITA exploité par Air France. http://www.bea.aero/docspa/1993/f-ta930913/pdf/f-ta930913.pdf 5. Fitts, P. M., Jones, R. E., & Milton, J. L. (1950). Eye movements of aircraft pilots during

instrument-landing approaches. Aeronautical Engineering Review 9(2), 24–29

6. McCarley, J. S., & Kramer, A. F. (2006). Eye movements as a window on perception and cognition. Neuroergonomics: The brain at work, 95-112.

7. Rayner, K. (2009). Eye movements and attention in reading, scene perception, and visual search. The quarterly journal of experimental psychology, 62(8), 1457-1506.

8. Orquin, J. L., & Loose, S. M. (2013). Attention and choice: A review on eye movements in decision making. Acta psychologica, 144(1), 190-206.

Figure

Fig.  1.  Nombre  d’accidents  aéronautiques  (civils  et  militaires)  par  an  depuis  1970,  séparés  selon les 3 causes majeures (facteur humain, défaillance technique, conditions météo)

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