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Droit international privé et vols d’œuvres d'art, étude critique des propositions du professeur Symeonides dans la résolution des conflits mobiles relatifs aux biens culturels

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(1)

DROIT INTERNATIONAL

PRIVÉ ET VOLS D’ŒUVRES

D’ART

Étude critique des propositions du professeur Symeonides dans la

résolution des conflits mobiles relatifs aux biens culturels.

UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

PÉAUD HÉLOÏSE

Maîtrise de droit international 31-10-2018

(2)

RÉSUMÉ(S)

Les biens culturels nourrissent un marché sans précédent. Mais dans ce marché, les titres de propriété vendus ne sont pas toujours détenus de bon droit. Lorsque cela créé un conflit international de propriété (conflit mobile) sur un bien culturel entre un propriétaire et un possesseur, on résout le conflit en utilisant les règles de conflit de lois applicables à n'importe quel objet du quotidien. Le Professeur Symeonides défend l’idée selon laquelle on devrait appliquer aux conflits mobiles relatifs aux œuvres d'art un traitement différencié, traitement justifié par la nature exceptionnelle de ces biens. En lieu et place de l'application de la loi du lieu de situation du bien (situation actuelle, situation lors de la transaction litigieuse...), il prône l'application de la loi du lieu de situation d'origine du bien. Ce mémoire étudie cette théorie au regard de la pratique actuelle en matière de résolution des conflits mobiles concernant les biens culturels, et propose un compromis facilitant la mise en application d'une règle de conflit de lois adaptée au cas des biens culturels.

MOTS CLÉS : Droit international privé, Biens culturels, restitution, conflit mobile, droit comparé, œuvres d'art.

~

Cultural objects are a big part of today's global market. But trades are not always made over good title. It can lead to a conflict of laws if a possessor and an owner claim ownership over the same piece of art. conflicts of laws regarding chattels (personal property) are usually solved by applying the law of the situs of the object, which refers to the location of the object when the conflict arised, or the location of the object when the contested transfer occured etc... This LLM thesis is based on the work of Pr. Symeonides who believes that cultural artefacts should be treated differently than other chattels. According to him, the law applicable to international conflicts involving cultural property should be the law of the situs of origin. This thesis compares this rule with the one currently in place and offers a compromise which may facilitate the application of a rule specific to the resolution of international conflicts involving cultural property.

KEY WORDS:Private international law, cultural objects, comparative law, conflicts of laws, artworks.

(3)

Table des matières

INTRODUCTION ... 6 CHAPITRE PRÉLIMINAIRE : introduction des notions liées au processus de restitution des biens culturels volés. ... 11 SECTION I : Dispositions internationales en matière de restitution des biens culturels volés ... 11 Paragraphe 1 : Le traitement de la restitution des biens culturels volés par la convention

UNIDROIT ... 12 Paragraphe 2 : Les travaux de l’Institut de Droit International en matière de restitution des biens culturels volés ... 16 Paragraphe 3 : Le contenu de la législation européenne en matière de restitution de biens culturels volés. ... 18

SECTION 2 : Étude des notions de prescription acquisitive et de clause de découverte dans les ordres internes, indissociables du processus de restitution ... 20 Paragraphe 1 :La prescription acquisitive, barrière potentielle à la restitution ... 20

Sous-paragraphe 1 : Le traitement de la prescription acquisitive au sein des pays de tradition

civiliste. ... 20

Sous-paragraphe 2 : Le traitement de la prescription acquisitive au sein des pays de tradition

Common Law. ... 23 Paragraphe 2 :La clause de découverte, outil permettant la suspension du délai de prescription à la faveur du propriétaire d’origine du bien. ... 23

Sous-paragraphe 1 : Le traitement de la clause de découverte au sein des pays de tradition

civiliste. ... 25

Sous-paragraphe 2 : Le traitement de la clause de découverte au sein des pays de tradition

Common Law. ... 27 CONCLUSION DU CHAPITRE PRÉLIMINAIRE ... 29 CHAPITRE 1 : La résolution générale du conflit de lois relatif aux droits réels : facteur de

rattachement et conflit mobile. ... 30 SECTION I : Le conflit de lois relatif aux droits réels : définition du statut réel et facteur de rattachement. ... 30

(4)

Paragraphe 1 : Construction de la doctrine moderne en matière de droits réels. ... 30

Sous-paragraphe 1 : Facteur de rattachement et qualification de la situation juridique au Moyen-Âge. ... 30

Sous-paragraphe 2 : Solidification des acquis par la doctrine moderne. ... 31

Sous-paragraphe 3 : La pratique actuelle de résolution des conflits de lois relatifs aux droits réels. ... 32

Paragraphe 2 : Le champ d’application du statut réel. ... 34

Sous-paragraphe 1 : Généralités concernant le statut réel. ... 34

Sous-paragraphe 2 : Définition de la « lex rei sitae ». ... 36

Sous-paragraphe 3 : Délimitation du contenu des droits réels. ... 37

Sous-paragraphe 4 : Modes d’acquisition des droits réels et entremêlement avec le statut contractuel. ... 38

SECTION 2 : le conflit mobile relatif au transfert de propriété des biens meubles « ut singuli ». 39 Paragraphe 1 : Le traitement du conflit mobile concernant les biens meubles. ... 39

Sous-paragraphe 1 : Définition du conflit mobile. ... 39

Sous-paragraphe 2 : Résolution du conflit mobile selon le facteur temporel. ... 41

Sous-paragraphe 3 : Résolution du conflit mobile selon le facteur spatial. ... 41

Sous-paragraphe 4 : Résolution du conflit mobile « par la règle de conflit dans le cadre de laquelle il se pose ». ... 43

Paragraphe 2 : L’application de la « lex rei sitae » dans la résolution du conflit mobile relatif aux biens meubles « ut singuli ». ... 45

Sous-paragraphe 1 : Le traitement du conflit mobile relatif aux biens meubles sous le statut réel : le champ d’application de la « lex rei sitae ». ... 45

Sous-paragraphe 2 : Champ d’application de la « lex rei sitae » dans la résolution du conflit mobile relatif aux biens meubles en Common Law. ... 46

●Champ d’application de la « lex rei sitae » pour les conflits mobiles relatifs aux biens meubles en Angleterre. ... 47

●Champ d’application de la « lex rei sitae » pour les conflits mobiles relatifs aux biens meubles aux États-Unis. ... 48

●Champ d’application de la « lex rei sitae » pour les conflits mobiles relatifs aux biens meubles dans les provinces canadiennes anglophones. ... 48

Sous-paragraphe 3 : Champ d’application de la « lex rei sitae » dans la résolution des conflits mobiles relatifs aux biens meubles dans les pays de tradition civiliste. ... 52

(5)

●Champ d’application de la « lex rei sitae » pour les conflits mobiles relatifs aux biens meubles en France. ... 53 ●Champ d’application de la « lex rei sitae » pour les conflits mobiles relatifs aux biens meubles en Suisse ... 55 ●Champ d’application de la « lex rei sitae » pour les conflits mobiles relatifs aux biens meubles au Québec. ... 57

CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER. ... 60 CHAPITRE 2 : Étude théorique et étude pratique de la règle de conflit spéciale du professeur Symeonides en matière de résolution des conflits mobiles portant sur des biens culturels « ut singuli ». ... 62 SECTION I : Analyse théorique de la règle de conflit du professeur Symeonides au regard des règles classiques de droit international privé. ... 62 Paragraphe 1 : Le contenu de la présomption établie par le professeur Symeonides en faveur de la loi du lieu de situation d’origine du bien. ... 65

Sous-paragraphe 1 : Analyse du contenu de la présomption. ... 66 Sous-paragraphe 2 : Une règle axée sur le résultat escompté. ... 68

Paragraphe 2 : Les modalités de renversement de la présomption établie par le professeur

Symeonides. ... 70

Sous-paragraphe 1 : La relation matérielle entre l’État et la situation juridique. ... 70 Sous-paragraphe 2 : Le standard de diligence raisonnable comme exigence comportementale du

propriétaire. ... 73

Sous-paragraphe 3 : Le standard de bonne foi comme exigence comportementale des tiers. ... 76

Paragraphe 3 : Les difficultés soulevées par le professeur Symeonides concernant la notion de prescription acquisitive. ... 77 Paragraphe 4 : Une règle applicable aux seuls « vrais conflits ». ... 81 SECTION 2 : De la théorie à la pratique : analyse de la règle du professeur Symeonides au regard des affaires passées en matière de restitution de biens culturels volés. ... 83 Paragraphe 1 : Détermination de la loi applicable : mise en contexte de la règle du professeur Symeonides grâce aux jurisprudences passées en matière de biens culturels volés. ... 83

Sous-paragraphe 1 : Résolution du conflit mobile : comparaison entre l’application de la loi du

lieu de situation actuelle du bien et l’application de la loi du lieu de situation d’origine de celui-ci. ... 83

(6)

Sous-paragraphe 2 : L’influence des intérêts gouvernementaux dans la résolution des conflits

mobiles relatifs aux biens culturels volés. ... 91

Paragraphe 2 : les difficultés soulevées par la mise en contexte de la règle proposée par le professeur Symeonides. ... 92

Sous-paragraphe 1 : Résolution du conflit mobile relatif aux biens meubles, les difficultés reliées à la prescription : un problème de catégorisation. ... 93

Sous-paragraphe 2 : Les difficultés relatives à l’application de la règle du professeur Symeonides. ... 95

SECTION 3 : Les apports possibles à la règle du professeur Symeonides. ... 97

Paragraphe 1 : Le développement des standards comportementaux : définition d’exigences concrètes. ... 97

Sous-paragraphe 1 : Des critères simples pour des standards plus efficaces : la pro-action du propriétaire. ... 97

Sous-paragraphe 2 : Des critères simples pour des standards plus efficaces : la véritable bonne foi du possesseur. ... 99

Paragraphe 2 : Résolution possible des problèmes reliés à l’application de la prescription acquisitive pour les conflits mobiles portant sur les biens culturels volés. ... 101

Sous-paragraphe 1 : La suspension de la prescription comme rempart à la fragilité du droit de propriété dans le marché de l’art. ... 102

Sous-paragraphe 2 : Le possesseur : partie « la moins lésée » dans l’affaire. ... 104

Paragraphe 3 : La conciliation de l’utilisation de la loi du lieu de situation d’origine de l’objet avec la pratique habituelle de recours à la loi du lieu de situation actuelle de l’objet. ... 104

Paragraphe 4 : Amendements possibles de la règle du professeur Symeonides afin d’optimiser son efficacité. ... 106

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 110

TABLE DES LÉGISLATIONS ET DES JUGEMENTS ... 113

(7)

INTRODUCTION

Quelle que soit l’époque, l’art a toujours été la victime collatérale des conflits. Il a été revendiqué comme trésor de guerre, il a également été utilisé comme outil de propagande ou encore comme marque de pouvoir ou de colonialisme. Les vols, qu’ils soient perpétrés par un État ou qu’ils soient le fait d’individus privés nourrissent un marché noir d’ampleur considérable. Au-delà de la valeur inestimable de certaines pièces, ces vols abîment également le patrimoine de certains pays; à l’instar des frises du Parthénon, arrachées au bâtiment historique à la demande du diplomate britannique Lord Elgin. Les siècles allant, le nombre de collectionneurs d’art a augmenté. L’Europe occidentale est devenue au début du XXème siècle le lieu incontournable de l’art moderne, regorgeant de galeries toutes plus fournies les unes que les autres, avec pour clients les plus grands

collectionneurs d’art de l’époque1. Il arrivait également à ces mécènes de commander des

œuvres, à l’instar de la commande passée par le couple Bloch-Bauer à leur protégé Gustav Klimt : une série de portraits d’Adèle Bloch-Bauer. Ces tableaux sont iconiques et l’un d’eux a fait l’objet d’une dispute juridique retentissante ayant conduit à sa restitution à l’héritière du couple2.

En parallèle à cette explosion du marché de l’art, un autre mouvement prenait de l’ampleur en Europe : le nazisme. L’affection d’Hitler pour l’art est désormais de notoriété publique, ce dernier ayant tenté et échoué à l’examen d’entrée aux Beaux-Arts. Ses aspirations militaires se sont couplées d’une certaine manière à ses aspirations culturelles. Il avait en effet créé des divisions SS chargées de récupérer les œuvres d’art qu’il estimait appartenir au peuple allemand et de confisquer celles dont il estimait qu’elles allaient à l’encontre de la doctrine nazie3. Ces dernières, revendues dans un marché parallèle4 servaient à financer le IIIème Reich5.

Cette spoliation culturelle pharaonique a éveillé la communauté internationale au trafic d’œuvres d’art, bien qu’il ait fallu près d’un demi-siècle supplémentaire pour que la morale prenne le pas sur les intérêts économiques et que les restitutions soient véritablement encouragées. Seulement, la spoliation organisée par le régime nazi n’est pas la seule coupable du trafic d’œuvres d’art. La mondialisation et la mobilité des biens

1 Des dynasties familiales telles que les Rothschild, les Rosenberg, les Bernheim-Jeune, David-Weill,

Schloss, Kann, Gutmann, toutes ayant des affinités avec des peintres modernes en essor tels que Picasso, Matisse, le Douanier-Rousseau ou encore Toulouse-Lautrec. Voir, Hector Feliciano, Le Musée disparu, coll. « Folio histoire », (Paris : Éditions Gallimard, 2008), p. 22.

2 Melissa Müller, Monika Tatzkow & Marc Masurovsky, Œuvres volées, destins brisés : l’histoire des

collections juives pillées par les nazis, (Paris : Éditions Beaux-Arts, 2009), p. 28-31.

3 Hitler considérait les courants modernes comme le dadaïsme, le cubisme ou encore le surréalisme

comme de « l’art dégénéré ». H. Feliciano, supra note 1, p. 38.

4 Lorsqu’elles n’étaient pas détournées par les hauts dirigeants nazis pour leurs collections personnelles.

5 Françoise Cachin, « Pillages et restitutions : le destin des œuvres d’Art sorties de France pendant la

Seconde Guerre mondiale », (Actes du Colloque organisé par la Direction des Musées de France à l’École du Louvre, Paris, 17 novembre 1996), (1997) Paris : La Direction, A. Biro, p. 48.

(8)

ont grandement aidé à rendre lucratif le vol des objets culturels, ce notamment grâce aux législations internes ayant développé le principe de prescription acquisitive justement pour favoriser le développement des transactions commerciales.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à des situations juridiques complexes émanant de ces pratiques. Les œuvres circulent à travers les frontières en toute illégalité ce qui les rend intraçables. Il est souvent impossible de savoir si elles se trouvent dans une collection privée ou si elles circulent encore en sous-main. Elles ne sont localisables que lorsqu’elles remontent à la surface pour être vendues ou exposées. Cela a révélé les failles d’un marché de l’art peu regardant sur la provenance des œuvres et sur la légalité des titres de propriété sans pour autant rendre plus simple la réclamation des œuvres par leurs propriétaires originels.

Les maisons d’enchères ont été éclaboussées par des scandales de la sorte. Quelques affaires retentissantes ont prouvé qu’elles n’avaient que très peu de déontologie et fermaient facilement les yeux sur une provenance douteuse, et donc sur les questions de légalité du titre de propriété ou encore d’authenticité de l’œuvre. L’absence de recherches de la part de certains professionnels a favorisé le trafic et la circulation de faux. On a pu voir dans des cas de biens culturels spoliés pendant la Seconde Guerre mondiale que la provenance avait souvent fait défaut mais que les trous dans la chaîne des propriétaires n’avaient pas alerté les revendeurs ni les acheteurs6.

Il semble tout de même que les affaires qui ont fait surface ont changé la perception de certains acteurs du monde de l’art. Fermer les yeux sur les évidences concernant le trafic d’art s’est avéré fructueux un temps, mais certains marchands ont vu le revers de la médaille. C’est ainsi que certaines maisons d’enchères comme Christie’s ou Sotheby’s ont développé un partenariat avec le Art Loss Register, une base de données recensant les biens culturels volés à travers le monde. Cela change considérablement la donne puisqu’elles participent ainsi activement à la lutte contre le trafic d’œuvres d’art et aident à l’identification et la restitution des biens volés à leurs propriétaires.

6 A l’instar du tableau « L’Odalisque assise » de Matisse qui après avoir été spolié à Paul Rosenberg est

passé entre les mains de Rochlitz profiteur et collaborateur de la spoliation nazie identifié comme tel par les officiers chargés de la récupération des œuvres d’art volées. Le tableau alors perdu a refait surface à Paris où il a été acquis par la Galerie Drouant-David, puis la galerie Knoedler & Company (N-Y) avant

d’être revendu à un collectionneur privé du nom de Bloedel. H. FELICIANO, supra note 1, p. 342-344. Il est

vrai qu’à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les moyens de renseignements sur la provenance des oeuvres étaient moins fournis qu’ils le sont aujourd’hui. Mais il y avait tout de mêmes des informations, qui n’ont pas toujours été utilisées. Les Monuments’ men avaient produit une liste des œuvres volées et non retrouvées après la libération et avaient fourni une liste rouge des noms des individus impliqués dans le trafic d’art pendant la guerre. Par exemple, le nom de Wendland est réapparu dans la chaîne de propriété du tableau de Degas « Landscape with smokestacks » grâce à une doctorante américaine ayant fait des recherches sur l’historique de l’œuvre, or Wendland figurait sur cette liste. Voir : Simon Goodman,

The Orpheus Clock. The Search for my family’s art treasures stolen by the nazis, (New-York : Scribner,

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Juridiquement parlant, lorsqu’un bien meuble, par exemple une œuvre d’art, est déplacé d’un État à un autre cela peut créer un conflit de lois. Un conflit de lois se matérialise par une situation juridique pour laquelle deux lois (ou plus) qui se contredisent dans leur contenu sont applicables. Autrement dit, la situation juridique peut être régie par l’une ou l’autre de ces lois, mais l’application de l’une de ces lois conduirait à un résultat très différent de celui qu’on obtiendrait avec l’application de l’autre loi.

Pour mieux comprendre le conflit de lois, prenons un exemple. À Chypre, des mosaïques ont orné les murs d’une église pendant plus de 14 siècles. Elles ont un jour été volées. Le voleur, après les avoir transportées puis dissimulées en Allemagne, est parvenu à trouver un acheteur américain. La transaction relative à la vente de ces mosaïques a eu lieu en Suisse, puis l’acheteur a rapatrié les mosaïques à son lieu de domicile, en Indiana. L’Église chypriote lorsqu’elle a pu localiser les fresques, en Indiana, a intenté une action contre l’acheteur afin de les récupérer7.

Dans cette affaire, le meuble (les mosaïques) s’est déplacé plusieurs fois. Il y avait donc quatre lois potentiellement applicables : celle de Chypre, premier lieu de situation du meuble, celle de l’Allemagne où le meuble avait été dissimulé (loi qui en l’espèce n’a pas été considérée car elle n’avait développé aucune relation avec la situation juridique), celle de la Suisse où le transfert de propriété a eu lieu, et celle de l’Indiana, lieu de situation actuelle du meuble. Or, le contenu des lois chypriote, suisse et américaine concernant la propriété différaient8.

D’après la loi de Chypre, les mosaïques, qu’elles soient considérées comme des antiquités ou des objets de culte étaient de toute façon hors du commerce, ce qui rendait la transaction nulle. L’Église était d’ailleurs en mesure de prouver son droit de propriété sur les mosaïques en vertu de la loi chypriote. Selon la loi suisse, l’acheteur pouvait être reconnu comme propriétaire 5 ans après le vol dans la mesure où l’acquisition par cet acheteur s’était faite de bonne foi. Enfin, d’après la loi de l’Indiana, le voleur ne pouvait passer le titre de propriété car il ne le possédait pas. Cela étant et toujours selon la loi de l’Indiana, le requérant (en l’espèce l’Église chypriote) possédait un délai de 6 ans à partir de la prise de connaissance de son droit à agir pour intenter une action en récupération, l’écoulement de ce délai entraînant la prescription de son droit d’action9.

En l’espèce, c’est la loi de l’Indiana, la loi du lieu de situation actuelle du meuble, qui a été appliquée par la cour de l’Indiana10. Il se trouve que la loi de l’Indiana était favorable à l’Église chypriote qui a pu récupérer les mosaïques. En revanche, cet exemple permet de montrer que dans ce même contexte si la loi suisse avait été appliquée, elle aurait été

7 Symeon C. Symeonides, « A choice-of-law rule for conflicts involving stolen cultural property », (2005),

38 : Vand. J. Transnat’l L., 1177 p. 1181. Voir l’affaire : Greek-Orthodox Church of Cyprus v. Goldberg &

Feldman Fine Arts, Inc., 1990, USCA 7th Cir, no 89-2809, 917 F.2d 278 (7th Cir. 1990)

8 Symeonides, supra p. 1180.

9 Ibid p. 1181.

(10)

favorable à l’acquéreur. Ainsi, l’application de la loi suisse aurait entraîné un résultat opposé de celui produit par l’application de la loi de l’Indiana. Cela démontre l’importance de la règle de conflit qui va déterminer la loi applicable parmi deux lois qui s’opposent.

Le conflit mobile est un cas particulier de conflit de lois. Il s’agit d’un litige spatio-temporel dans lequel la situation juridique a été déplacée d’un État à un autre, rendant les

lois de chacun de ces États successivement applicables dans le temps à ce litige.11 C’est

parce que ces lois successivement applicables se contredisent que le conflit mobile est caractérisé, car si les lois en présence ne divergent pas, on ne peut pas véritablement

parler de conflit de lois12. Le déplacement du meuble d’un territoire à un autre crée un

élément d’extranéité que le juge du for (le juge du tribunal saisi de l’affaire) se doit de prendre en considération. Ainsi, avant de trancher les questions de fond, par exemple les revendications de propriété par l’une et l’autre des parties sur le bien meuble, le juge du for doit déterminer la loi qu’il va appliquer : la loi du for ou la loi étrangère.

La catégorie de conflits mobiles qui intéresse cette étude est celle qui concerne les biens meubles et les droits réels dont ils sont l’objet, et plus précisément les conflits de propriété sur ce type de biens.

En matière de droits réels, la règle de conflit de lois majoritairement admise dans les différents systèmes juridiques désigne comme loi applicable la loi du lieu de situation du bien objet des droits en question13. Ainsi, pour trancher un litige de droit international privé centré sur une revendication de propriété, il faut identifier le meuble sur lequel le droit de propriété est exercé, puis le localiser dans l’espace afin d’identifier dans un troisième temps la loi qui est applicable à l’affaire. L’enjeu relatif au choix de la loi applicable est immense puisqu’il détermine ensuite le régime de droit civil applicable au droit de propriété, régime qui possède des subtilités différentes d’un ordre juridique à l’autre. Dans ce mémoire nous nous concentrerons sur cet enjeu en appréhendant les notions de droit civil applicables aux conflits de propriété : la prescription acquisitive, la notion de bonne foi et de diligence raisonnable pour les questions de possession.

Le trafic mondial d’œuvres d’art rapporterait 1 à 2 milliards dollars par an. Or d’après

Grover14, le manque d’harmonie des lois nationales en matière de transfert de propriété

contribue à ce trafic puisque des voleurs, revendeurs ou acheteurs avertis vont pouvoir se placer sous l’autorité d’une loi plus souple en matière de propriété pour vendre ou

11 Yvon Loussouarn, Pierre Bourel & Pascal de Vareilles-Sommières, Droit international privé, 10ème éd.,

(Paris : Dalloz, 2013) p. 307-308.

12 Gérald Goldstein, Les conflits mobiles en matière de biens meubles corporels ut singuli : analyse

comparative, (Thèse de maîtrise, Institut de droit comparé de l’Université McGill, 1982) p. 9-10 [Non

publié].

13 Loussouarn, Bourel & de Vareilles-Sommières, supra note 11, p. 662.

14 Steven F. Grover, « The Need for Civil-law nations to adopt discovery rules in art replevin actions : a

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acquérir le meuble volé15. Pour reprendre l’exemple des mosaïques chypriotes, le voleur avait intérêt à vendre les œuvres d’art en Suisse où le vol n’avait pas d’impact (à l’époque) sur l’acquisition du titre de propriété par l’acheteur si hormis le délai de 5 ans avant l’acquisition effective du bien, plutôt qu’en Indiana où le vol emporte nécessairement la nullité de l’acte de vente par le voleur16. Ainsi, le manque de critères uniformes quant à la diligence raisonnable ou à la bonne foi rend moins dissuasif l’achat d’un bien culturel dont le titre de propriété n’est pas légal de même que ce manque de critères uniformes empêche le propriétaire d’origine d’être pleinement conscient du comportement qu’on attend de lui dans les recherches de son bien. Le manque de prévisibilité est nuisible aux parties impliquées dans l’affaire et ne permet pas une dissuasion efficace de la revente de biens culturels volés.

C’est dans ce contexte que la règle de conflit prend toute son importance puisque face à un conflit mobile portant sur le titre de propriété d’un bien meuble volé, c’est elle qui va départager les ordres juridiques potentiellement applicables. Ce sujet permet de s’interroger sur le traitement actuel des conflits mobiles relatifs aux biens culturels et aux enjeux économiques que de tels conflits impliquent. Il soulève également le rôle des lois nationales et des règles de conflit de lois dans la lutte contre le trafic d’œuvres d’art. On parle ici des lois nationales applicables aux biens de manière générale et qui s’appliquent également aux œuvres d’art, par exemple la prescription acquisitive et ses conditions. Afin de développer ce sujet, l’étude débutera par un chapitre préliminaire qui développera les engagements internationaux consentis par les États en matière de protection du droit de propriété sur les biens culturels. Ce chapitre préliminaire définira également deux notions présentes dans les conventions : la prescription acquisitive et la clause de découverte, notion susceptible de suspendre les effets de la prescription acquisitive. Il s’agit de deux notions essentielles à la compréhension des enjeux qui découlent des conflits de propriété et que l’on retrouvera tout au long de l’étude.

Le premier chapitre de ce mémoire sera consacré à l’étude du conflit de lois en matière réelle afin d’établir des bases suffisantes pour comprendre la structure et les enjeux de ces conflits puis il se concentrera plus spécifiquement sur le conflit mobile de droits réels qui est le cas de figure qui nous intéresse. Cela permettra d’analyser la jurisprudence actuelle dans ce domaine sans emphase sur un type de bien meuble particulier.

Après avoir détaillé les solutions habituelles de résolution du conflit mobile relatif aux biens meubles, le chapitre 2 proposera une approche quelque peu différente des méthodes traditionnelles, approche issue des travaux d’un professeur américain : M. Symeonides. Cette proposition sera comparée aux règles classiques de résolution du conflit mobile afin d’en évaluer la viabilité. Au vu des résultats issus de cette comparaison, nous essayerons de modifier cette règle avec l’idée de la rendre plus compatible avec la pratique actuelle des États en matière de conflits mobiles relatifs aux droits réels.

15 Ibid.

(12)

CHAPITRE PRÉLIMINAIRE : introduction des notions liées au processus de restitution des biens culturels volés.

La relation entre le système international et les systèmes nationaux est une relation de subordination. La législation nationale doit en effet se conformer aux conventions internationales et autres accords auxquels l'État a consenti. Pour cette raison, avant de se pencher sur la résolution nationale des conflits mobiles portant sur la propriété des biens culturels volés il est nécessaire d’étudier les conventions internationales ayant légiféré en la matière. Pour cela, seront abordées les conventions internationales de l’UNESCO et d’UNIDROIT (Institut international pour l’unification du droit privé), mais également les travaux de l’Institut de droit international et les dispositions adoptées par l’Union européenne. Une telle étude est importante pour la suite du mémoire puisque ces dispositions internationales ont vocation à uniformiser les législations nationales dans le domaine des restitutions (section 1). Au-delà du système de restitution qu’il propose, le matériel international établit le recours nécessaire aux notions de prescription acquisitive et de clause de découverte qui seront alors définies et analysées tant d’un point de vue international que d’un point de vue national, puisqu’elles jouent un rôle important dans la procédure de résolution des conflits internationaux de propriété relatifs aux biens culturels volés (section 2) et que les divergences de législations en la matière entraînent des conflits mobiles relatifs à la propriété.

Section 1 : Dispositions internationales en matière de restitution des biens culturels volés.

Il existe peu de conventions internationales réglementant le trafic de biens culturels et leur restitution. Les deux instruments internationaux les plus importants sont la

convention UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement exportés (1995)17 et la

convention de l’UNESCO sur les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels (1970)18. Elles ont été ratifiées respectivement par 42 et 137 États. La première convention provient de négociations organisées par l’institut international pour l’unification du droit privé, et la seconde a été orchestrée par l’UNESCO. La différence majeure entre ces deux conventions est que l’une constitue un outil d’uniformisation du droit international privé tandis que l’autre relève du droit international public. De ce fait, la convention UNESCO possède un impact plus minime dans l’axe de réflexion de cette

étude19 que la convention UNIDROIT qui vise, elle, directement les restitutions des biens

17 Ci-après appelée « convention UNIDROIT ».

18 Ci-après appelée « convention UNESCO ».

19La convention UNESCO ne s’applique pas à proprement parler aux vols de biens culturels qui

appartiennent à des collectionneurs privés. Si l’article 7-b(ii) peut le laisser supposer, en parlant de « tout bien culturel ainsi volé », le « ainsi » semble référer au (i) de l’article 7-b qui désigne les vols de biens culturels « publics » qui appartiennent aux États, aux musées nationaux et aux autres institutions

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culturels et les questions de droit international privé que ces restitutions impliquent. Ainsi, cette étude va se concentrer sur l’apport de la convention UNIDROIT, avec seulement quelques références à la convention UNESCO. Cette section va également s’intéresser au travail d’uniformisation de la procédure de restitution des œuvres d’art volées à l’échelle européenne ainsi qu’aux réflexions menées par l’Institut de droit international dans ce domaine.

Paragraphe 1 : Le traitement de la restitution des biens culturels volés par la

convention UNIDROIT.

La convention UNIDROIT se compose de deux parties : l’une sur les restitutions de biens culturels volés et l’autre sur les biens culturels illicitement exportés du territoire d’un État. L’étude s’intéresse principalement à la première partie concernant les actions en restitution intentées par des personnes privées.

Le champ d’application de la convention UNIDROIT est détaillé dans les deux premiers articles. Elle commence par définir ce qu’elle entend par bien culturel. La convention ne fait pas de distinction entre les biens religieux et profanes dans la mesure où ces derniers possèdent « une importance archéologique, préhistorique, historique, littéraire, artistique ou scientifique »20. Cette définition peut être complétée par la définition de patrimoine offerte par la convention UNESCO. En effet l’UNESCO considère qu’un bien culturel appartient au patrimoine d’un État s’il a été créé par un ressortissant de l’État, ou créé par un non-ressortissant sur le territoire de l’État, s’il a été trouvé sur le territoire national, s’il est issu de missions (archéologiques, ethnologiques, zoologiques…) nationales consenties par l’État hébergeant les recherches. La définition inclut aussi les biens culturels qui ont été échangés, ou offerts à titre gratuit ou onéreux par l’État d’origine de ces biens21.

culturelles et religieuses. Pourtant, l’inventaire requis des États vise également les biens privés (article 5-b). Voir, Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation,

l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, 14 novembre 1970, 232 UNTS 1972 no

11806 (entrée en vigueur le 24 avril 1972).

20 Convention sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, 24 juin 1995, base de données

d’UNIDROIT (entrée en vigueur le 1er juillet 1998) article 2. Cette définition est complétée par l’annexe de

la convention qui liste une série de catégories illustrant ce que constitue la culture d’un État. Ainsi, y

figurent les objets zoologiques, botaniques ou encore ceux qui possèdent un intérêt paléontologique20.

Elle comprend également les biens dépeignant l’histoire de l’État, notamment son évolution technique, scientifique et sociétale, les artéfacts archéologiques sans égard à la légalité des fouilles. Elle inclut aussi les biens qui proviennent des monuments historiques et archéologiques, les objets antiques, considérés comme tels pourvu qu’ils aient plus de cent ans, incluant les meubles anciens et les instruments de musique. L’annexe mentionne enfin le patrimoine ethnologique et artistique (tableaux, peintures et dessins, sculptures, gravures…), les manuscrits et documents rares, les archives etc…, la liste est non exhaustive.

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La convention UNIDROIT s’applique à la fois aux biens culturels issus de collections

privées et aux biens culturels issus d’une collection publique22. En revanche, concernant

la définition du vol, la convention se refuse à établir une définition universelle. Elle préfère laisser chaque État le caractériser selon ses propres règles. La caractérisation du vol est donc subordonnée au contenu de la législation interne de l’État sur le territoire duquel l’acte délictueux a lieu, c’est-à-dire le lieu de situation d’origine du bien.

Une fois ces deux notions établies, il reste à préciser que la convention a vocation à régir les demandes de restitution de biens culturels volés à caractère international, de même que le retour des biens culturels illicitement exportés du territoire d’un État contractant. La convention ne possède pas d’effet rétroactif, elle ne s’applique qu’aux affaires pour lesquelles le vol du bien culturel est survenu après l’intégration de la convention dans les ordres internes des États concernés23.

Le délai de prescription établi

L’article 3 de la convention impose un délai de trois ans pour intenter une action en restitution, à compter du jour de la prise de connaissance par le requérant du lieu de situation du bien culturel ainsi que l’identité de son possesseur. Cependant, cette clause de découverte ne court pas pour un délai indéfini et l’action sera prescrite quoi qu’il advienne, 50 ans après la commission du vol. Une exception est toutefois à noter : pour les biens culturels issus d’un monument, d’un site archéologique identifié ou d’une collection nationale seul le délai de trois ans à compter de la découverte du lieu de localisation du bien et de l’identité du possesseur est applicable. Par ailleurs, un État contractant peut allonger le délai de 50 ans jusqu’à 75 ans par le biais d’une déclaration officielle effectuée au moment de la signature, ratification, approbation, acceptation ou adhésion à la convention. Le délai peut même aller au-delà de 75 ans si cela est inscrit dans le droit interne de l’État qui allègue ce délai par la suite24. Cette extension de délai sera applicable à la demande en restitution intentée dans un État contractant relativement

22 Convention UNIDROIT, supra note 20, article 3. Il est intéressant de noter que cette volonté d’étendre

la compétence de la convention autant aux biens culturels publics qu’aux biens culturels privés se retrouve également dans les travaux de l’UNESCO. En effet dans des recommandations antérieures à l’adoption de la convention sur les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’exportation,

l’importation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, il est énoncé qu’il ne doit être fait

aucune différence entre les biens culturels issus des collections publiques et ceux issus des collections privées. Voir les recommandations concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher

l’exportation, l’importation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, UNESCO AG, 13ème Sess,

13 C/PRG/17 Unesco Doc (1964), annexe 1 para. 10. Il figure un exemple de cette absence de distinction à l’article 5-b de la convention UNESCO, supra note 19. L’article 5-b impose aux États qu’ils organisent un inventaire national des biens publics et privés présents sur leur territoire dont l’exportation dévaluerait sensiblement le patrimoine, et faire en sorte de maintenir cet inventaire à jour.

23 Convention UNIDROIT, surpa note 20, article 10 al. 1.

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à un bien culturel déplacé d’un État ayant fait une telle déclaration25. Le délai de prescription applicable à l’affaire est donc le délai en vigueur dans l’État de situation d’origine du bien culturel.

Le contenu de la convention en matière de restitution

La convention fait peser une obligation de restitution sur le détenteur du bien culturel litigieux26, sans pour autant mentionner de sanction en cas d’inexécution de ladite obligation.

Le possesseur a droit à une indemnisation afin de couvrir équitablement la perte que la restitution entraîne pour lui. Cependant, cette indemnisation est soumise à la condition que le détenteur du bien soit de bonne foi autrement dit qu’il ignore tout du passif du bien, et qu’il ait fait preuve de diligence raisonnable lors de l’acquisition de l’objet27. Lorsque c’est possible, l’indemnisation est versée par l’individu qui a vendu le bien au détenteur, dès lors qu’une telle pratique est inscrite dans la loi de l’État du for28. Lorsque cette indemnisation à verser au possesseur est exigée du demandeur de la restitution, la possibilité demeure ouverte pour ce dernier de se retourner ensuite contre une tierce personne29.

Afin d’évaluer la diligence raisonnable du détenteur, la convention indique qu’il est nécessaire d’étudier le contexte de l’acquisition. Cela implique : « la qualité des parties, [le] prix payé, la consultation par le possesseur de tout registre relatif aux biens culturels volés raisonnablement accessible et de toute autre information et documentation pertinentes qu’il aurait pu raisonnablement obtenir ainsi que la consultation d’organismes auxquels il pouvait avoir accès, ou encore de toute autre démarche qu’une personne raisonnable aurait entreprise dans les mêmes circonstances »30. Cet article est donc très

25 Convention UNIDROIT, supra note 20, article 3. Il est par ailleurs utile de préciser que par collection

publique, la convention désigne les biens appartenant à l’État, une collectivité régionale ou locale de ce dernier, une institution religieuse qu’il héberge, ou encore une institution dont le rayonnement est d’intérêt public et qui relève du domaine de la culture, de l’éducation ou de la science. En outre le terme collection publique concerne également les biens culturels sacrés ou d’importance qui appartiennent à une communauté autochtone ou tribale au sein du territoire de l’État. Voir l’article 3, al. 8.

26 Ibid, article 3, al. 1.

27 Ibid, article 4 al. 1.

28 Ibid, article 4, al. 2.

29 Ibid, al. 2 et 3.

30 Ibid, article 4, al. 4. La convention de l’UNESCO impose elle aussi une ligne de conduite. Ainsi dans son

article 10 elle énonce qu’il incombe aussi aux États d’obliger les antiquaires à tenir un registre des biens qui passent entre leurs mains, registre incluant la provenance du bien avec nom et adresse du fournisseur, son prix ainsi qu’une description de l’artéfact. L’acheteur doit aussi être informé des réglementations en matière d’exportation afin d’éviter qu’il ne faute par ignorance. La convention demande que les États sanctionnent tout manquement des antiquaires à ces obligations. Voir, Convention UNESCO, supra note 19, article 10.

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intéressant puisqu’il établit des critères clairs et objectifs quant au comportement attendu du possesseur.

La convention UNIDROIT et la compétence juridictionnelle

L’article 8 de la convention UNIDROIT dispose que : « Une demande fondée sur les Chapitres II ou III peut être introduite devant les tribunaux ou toutes autres autorités compétentes de l’État contractant où se trouve le bien culturel, ainsi que devant les tribunaux ou autres autorités compétentes qui peuvent connaître du litige en vertu des règles en vigueur dans les États contractants31. »

La convention si elle mentionne en premier lieu la compétence juridictionnelle de l’État de situation actuelle du bien culturel, admet que le tribunal d’un autre État puisse être saisi à condition que ses lois internes le lui permettent. La règle de conflit de lois applicable sera donc celle de l’État du for, l’État dont l’une des juridictions aura été saisie du litige. Il faut garder en mémoire que l’application de la règle de conflit de lois est subordonnée à l’existence d’un conflit entre les ordres juridiques des États impliqués dans l’affaire, cette application ne sera donc pas systématique.

La convention octroie aussi la possibilité d’avoir recours à l’arbitrage pour résoudre le litige, ce qui a prouvé être une technique efficace de résolution des conflits relatifs aux

œuvres d’art32. L’une et l’autre des parties ont beaucoup à perdre et les sommes engagées

sont rapidement colossales, si bien qu’elles préfèrent souvent l’arbitrage à une procédure judiciaire longue, compliquée par la dimension internationale et les frais qu’elle engendre33.

Par ailleurs, l’article 9 précise que les règles établies dans la convention peuvent être subrogées par toute autre règle plus favorable à la restitution des biens culturels volés. La convention ne cache pas son ambition de systématiser la restitution des objets d’art, ce qui explique qu’elle permette à toute loi qui sert mieux ce but de se substituer à ses propres règles34. Une nuance est faite cependant : l’article précise que l’alinéa 1 ne signifie pas qu’une décision de justice d’un État partie à la convention soit obligatoirement reconnue et exécutée par les autres États, si cette décision n’est pas en harmonie avec la convention35.

31 Convention UNIDROIT, supra note 20, article 8, al. 1.

32 Ibid, article 8, al. 2.

33 Les raisons qui poussent les parties à avoir recours à l’arbitrage international sont variées. Dans le cas

de l’affaire Republic of Austria v. Altmann, l’élément déclencheur a été la décision de la cour suprême des États-Unis autorisant Mme Altmann à poursuivre le gouvernement autrichien en justice devant les tribunaux américains. À la suite de cette décision le gouvernement autrichien a proposé un arbitrage international à Vienne pour trancher le litige.

34 Convention UNIDROIT, supra note 20, article 9, al. 1.

(17)

La position de l’Institut international pour l’unification du droit privé ayant été établie en matière de restitution des œuvres d’art volées, voyons maintenant le contenu des dispositions établies par l’Institut de droit international et leur influence sur les législations nationales.

Paragraphe 2 : Les travaux de l’Institut de Droit International en matière de restitution des biens culturels volés.

Dans une résolution datant de 1991, l’Institut de droit international a affirmé l’application nécessaire de la loi du pays de situation d’origine des biens culturels36. Des précisions sont toutefois requises. D’une part, le pays d’origine est celui avec lequel le bien possède les liens les plus étroits37. Par ailleurs la résolution concerne « le transfert de la propriété

des objets d’art appartenant au patrimoine culturel d’un pays »38. Cela démontre que l’on

se situe bien en droit international public, qui s’adresse avant tout aux États, ce que confirme le recours au vocable « patrimoine culturel ». L’accessibilité de ces dispositions pour les particuliers semble limitée. Ou du moins, elle renvoie à l’idée d’un inventaire des biens culturels appartenant à un État, qu’il s’agisse de biens publics ou privés, faute de quoi les particuliers se voient soumis au régime traditionnel applicable aux biens meubles. Il suffit d’ailleurs de se référer à la définition faite du bien culturel au premier alinéa de l’article 1 pour en avoir la confirmation. En effet, l’Institut de droit international considère que l’objet d’art en question appartient au patrimoine d’un État dès lors qu’il a été enregistré ou classé comme tel par un quelconque procédé de publicité internationalement admis39.

Le fait est que la résolution de l’Institut de droit international n’est pas totalement lisible quant aux sujets auxquels elle s’adresse et aux cas qu’elle a vocation à régir. Il semble qu’elle soit dans la lignée des deux conventions internationales précédemment citées, puisqu’elle mentionne explicitement vouloir lutter contre les exportations illicites d’œuvres d’art hors du territoire, et incidemment les ventes adjointes à ces exportations, sans qu’il importe que la vente soit survenue avant ou après l’exportation40. Le dernier alinéa de l’article premier semble nous faire croire que les particuliers peuvent être sujets de cette résolution par l’utilisation des mots « propriétaire » et « possesseur », dans les cas où ceux-ci auraient été volés, ou à qui une œuvre d’art aurait été « soustrait[e] d’une autre manière illicite »41. Pour autant l’article 4 rappelle que seul l’État de situation d’origine du bien peut demander le retour de celui-ci sur son territoire, à la condition et

36 Institut de Droit International (IDI), 12ème commission, Résolution relative à la vente internationale

d’objets d’art sous l’angle de la protection du patrimoine culturel, (Bâle, IDI : 1991), article 2.

37 Ibid, article premier al. 1b.

38 Ibid, article 2.

39 Ibid, article premier al. 1a.

40 Ibid, article premier al. 2.

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c’est cela qui est important, que l’absence de l’œuvre en question « porterait une atteinte significative à son patrimoine culturel »42. Ainsi donc, le particulier qui se fait voler un tableau ou une sculpture chez lui, même si l’œuvre d’art a une très grande valeur, ne pourra bénéficier de la protection de la résolution et devra composer avec les règles de conflits de lois traditionnelles si son bien a quitté le territoire.

Concernant le conflit de lois pour les cas compris dans le champ d’application de la résolution de Bâle, la règle est assez simple. Dès lors que le bien a été exporté illégalement, volé à son propriétaire ou soustrait de toute autre manière illicite, et que le bien fait partie du patrimoine culturel d’un État, la loi de cet État est applicable au transfert de la propriété sur le bien culturel43. Autrement dit, il revient à l’État d’origine du bien de juger de la validité du transfert de propriété. Les lois de l’État de situation d’origine du bien sont donc applicables pour juger de la licéité de l’exportation du bien hors des frontières de l’État44. Si le transfert subséquent de propriété est considéré comme invalide au regard du droit du pays d’origine du bien, alors celui-ci pourra demander le retour du bien sur son territoire. Cependant le retour sera possible, en cas de bonne foi prouvée du possesseur actuel, à la condition qu’une indemnité soit versée à ce dernier. Toutefois, la bonne foi ne peut être retenue dans les cas où il y a eu exportation illicite du bien45.

Ainsi tout comme les conventions UNIDROIT et UNESCO, la résolution de l’Institut de droit international offre des idées intéressantes et propose une protection satisfaisante en théorie, mais son champ d’application trop restreint vide en partie le texte de sa substance, ou du moins ne permet qu’une lutte partielle contre le trafic d’œuvres d’art. Il est devenu difficile d’établir une frontière franche entre les affaires tombant dans le champ d’action du droit international public et les affaires teintées de droit privé qui demandent alors l’application du droit international privé46. Or cette distinction bien qu’elle soit marquée par l’adoption de deux conventions, chacune représentant l’un de ces deux champs, ne suffit pas à offrir une protection satisfaisante. La convention UNESCO n’octroie pas de recours direct au propriétaire privé victime du vol de son bien culturel47, et la convention UNIDROIT n’offre pas de solution quant à la manipulation des lois internes des États contractants par des voleurs et trafiquants avertis48. Ces derniers peuvent procéder au transfert de propriété du bien culturel dans un État offrant par exemple une prescription acquisitive plus courte et/ou non soumise à l’obligation de bonne foi de la part de l’acheteur. Cela laisse bien souvent les propriétaires impuissants

42 IDI, supra note 36, article 4 al. 1.

43 Ibid, article 2.

44 Ibid, article 3.

45 Ibid, article 4 al. 2 et 3.

46 Janeen M. Carruthers, The transfer of property in the conflict of laws – choice of law rules concerning

inter vivos transfers of property, (Oxford : Oxford University Press, 2005) p. 132.

47 Ibid, p. 133.

(19)

face aux législations internes et sans aucun recours international pour faire valoir leurs droits.

La convention UNIDROIT tout comme la résolution de Bâle demeurent soumises à la bonne volonté des États dans leur adoption et/ou ratification afin que la désignation de la loi du pays de situation d’origine du bien soit retenue comme la loi applicable au conflit de propriété. C’est pourquoi il est utile de se pencher sur la législation européenne en la matière, dont l’intégration aux ordres internes est plus efficace.

Paragraphe 3 : Le contenu de la législation européenne en matière de restitution de biens culturels.

En 1993, le conseil européen a établi une directive visant à la mise en place d’un système européen de restitution des « trésors nationaux » illégalement exportés du territoire d’un

État49. Ce système se base en grande partie sur une coopération administrative entre les

pays ainsi que sur une coopération avec Interpol et les autres organismes compétents en matière de biens culturels volés, ou ayant illicitement quitté le territoire d’un État50. Les rapports sur l’application cette directive ont démontré que le système de restitution n’était que très peu utilisé du fait des délais de prescription trop courts tant pour l’évaluation du bien une fois une fois celui-ci localisé sur le territoire d’un État que du délai pour intenter une action après la découverte du lieu de situation actuelle du bien et de son possesseur, des coûts élevés de la procédure ainsi que du nombre trop restreint des œuvres d’art considérées comme trésors nationaux et donc éligibles à l’application du système établi51. Face à ces constats, la directive de 1993 a été abrogée et remplacée par une nouvelle directive.

49 UE, Directive du Conseil n°93/7/CEE du 15 mars 1993 relative à la restitution des biens culturels ayant

illicitement quitté le territoire d’un État membre, [1993] JO, L74/74.

50Ibid. Les règles encadrant ce système étaient initialement assez strictes. Par exemple, à compter du jour

où l’État de situation actuelle du bien informait l’État d’origine du bien de la présence de l’objet sur son territoire, l’État d’origine disposait d’un délai de deux mois pour déterminer si le bien qualifiait, aux

termes de la directive, à l’appellation de bien culturel à caractère de trésor national(article 4 al. 3). Par

ailleurs, le délai de prescriptionpour intenter une action était relativement court même avec la clause de

découverte puisqu’une fois que l’État requérant (État d’origine du bien) avait connaissance du lieu de situation du bien ainsi que l’identité du possesseur il disposait d’un délai d’un an pour exercer son droit à l’action (article 7 al. 1). Par ailleurs l’annexe de la directive donnait une liste des biens culturels pouvant être considérés comme « trésors nationaux ». Les critères étaient basés sur la catégorie de l’objet artistique ainsi que sur une échelle de valeur en-dessous de laquelle les objets d’art même appartenant à une catégorie citée ne pouvaient être classés comme « trésors nationaux ».

51 UE, Directive du Parlement européen et du Conseil 2014/60/UE du 15 mai 2014 relative à la restitution

des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre et modifiant le règlement (UE) n1024/2012 (refonte), [2014], JO, L.159/1, considérant 8.

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Depuis l’entrée en vigueur de la directive 2014/60/UE, la qualification de « trésor national » n’emporte plus de critère de valeur, elle est définie par les États eux-mêmes52, le délai d’évaluation du bien culturel une fois celui-ci localisé sur le territoire d’un État membre est dorénavant de 6 mois53, et le délai pour intenter une action auprès du tribunal compétent de l’État de situation actuelle du bien est de 3 ans à compter de la découverte du lieu de situation actuelle du bien ainsi que son possesseur. Quoi qu’il en soit, l’action est prescrite dans un délai de 30 ans suivant l’exportation illicite du bien54. Une indemnité est versée au possesseur par l’État requérant à la condition que celui-ci prouve sa diligence raisonnable, ce qui d’après la directive est défini selon le contexte de la vente, le prix, la qualité des parties, mais aussi la consultation par l’acheteur des différents registres qui recensent les biens volés et la documentation demandée/fournie sur la provenance du bien55. Enfin la directive encourage les États à appliquer s’ils le souhaitent la directive aux œuvres d’art volées autres que celles qui entrent dans le champ de compétence de la directive, et même aux affaires pour lesquelles le vol ou l’exportation a eu lieu avant 199356. Elle demande également aux États d’utiliser le système d’information du marché intérieur (IMI) et de coopérer dans les recherches sur l’identité du possesseur une fois l’œuvre localisée sur un territoire57.

Au cœur de leur mission d’uniformisation des législations nationales, la convention UNIDROIT, à moindre mesure pour le sujet qui nous intéresse la convention UNESCO, l’Institut de droit international et les directives européennes sont là pour instaurer des lignes de conduites et définir des notions afin qu’il existe une plus grande harmonie des législations. Dans le cas des conflits de propriété relatifs à des biens culturels, les notions les plus importantes sont la clause de découverte et la prescription acquisitive. Il s’agit de notions utilisées couramment en droit interne. Si les conventions internationales et les dispositions européennes apportent des éléments de définition uniforme de ces termes (par le biais des standards de bonne foi ou de diligence raisonnable), il demeure important d’étudier le traitement de ces notions en droit interne afin d’en avoir une

52 Ibid, article 2 al.1.

53 Ibid, article 5 al. 3. Le délai initial était de deux mois à compter de la notification par l’État de situation

actuelle du bien de la présence de ce dernier sur son territoire.

54 Ibid, article 8 al. 1.

55 Ibid, article 10.

56 Ibid, article 15.

57 Ibid, article 5. Le système d’information du marché intérieur se définit comme il suit :

« Le système d'information du marché intérieur (ci-après dénommé «IMI») est une application logicielle accessible via l'internet, développée par la Commission en coopération avec les États membres afin d'aider ceux-ci à mettre en pratique les exigences relatives aux échanges d'informations fixées dans des actes de l'Union, en proposant un mécanisme de communication centralisé qui facilite les échanges transfrontaliers d'informations et l'assistance mutuelle. L'IMI aide notamment les autorités compétentes à déterminer quel est leur homologue dans un autre État membre, à gérer les échanges d'informations. Voir UE, Règlement du Parlement européen et du Conseil 1024/2012 du 25 octobre 2012 concernant la

coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur et abrogeant la décision 2008/49/CE de la Commission (« règlement IMI »), [2012], JO, n°136/1, considérant 2.

(21)

meilleure compréhension et d’identifier les contradictions entre les différentes législations nationales.

Section 2 : Étude des notions de prescription acquisitive et de clause de découverte dans les ordres internes, indissociables du processus de restitution.

Le droit fondamental dont il est question dans cette étude est le droit de propriété. Il s’agit d’un droit perpétuel dont le titulaire ne peut être défaussé par la non-utilisation. La perpétuité du droit implique que l’action en revendication de la propriété est en théorie

imprescriptible58. Toutefois, il existe un moyen pouvant faire perdre au propriétaire son

droit sur un objet : la prescription acquisitive. L’individu qui exerce une possession matérielle sur l’objet pendant un certain nombre d’années, peut (à l’issue du délai établi par l’État sur le territoire duquel il exerce sa possession), revendiquer la propriété de l’objet. C’est là tout l’enjeu de cette étude puisque le conflit international de propriété qui nous intéresse est celui opposant le propriétaire d’origine du bien au possesseur actuel de l’objet d’art. C’est donc les conflits de législations concernant notamment le traitement de la prescription acquisitive qui concrétisent le conflit de lois : les deux législations potentiellement applicables ont des contenus qui divergent. Cela passe par l’impact du vol sur la notion de possession et les délais établis concernant la prescription acquisitive (paragraphe 1) mais également l’admission ou non du principe de clause de découverte : disposition légale permettant de suspendre pour un temps limité la course de la prescription acquisitive (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La prescription acquisitive, barrière potentielle à la restitution.

La prescription acquisitive sera d’abord étudiée dans les pays de tradition civiliste puis dans les pays de tradition Common Law.

1. Le traitement de la prescription acquisitive au sein des pays de tradition civiliste. Au Québec, l’article 2919 du code civil indique que le délai de prescription acquisitive concernant un bien meuble est de 3 ans, délai qui court à compter de la dépossession du propriétaire. Puisque ce délai est une exception au délai normal de prescription acquisitive de 10 ans59, la bonne foi est requise de la part du possesseur afin qu’il bénéficie de la réduction à 3 ans, faute de quoi il se verra opposer le délai normal de 10 ans60. Toutefois, la bonne foi est présumée au titre de l’article 2805 C.c.Q.61. Les critères

58 Alex Weill, François Terré & Philippe Simler, Droit civil. Les Biens, 3ème ed., (Paris : Dalloz, 1985) p. 135.

59 Art 2917 CCQ: ce délai est notamment applicable en matière de prescription acquisitive immobilière.

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requis pour qualifier à la prescription acquisitive sont les critères habituels à savoir une possession paisible, continue (présumée)62, publique et non équivoque63. La bonne foi est requise au moment de l’acquisition du bien, faute de quoi la prescription acquisitive ne pourra être invoquée par l’acquéreur64. Il est enfin à noter que le délai de prescription acquisitive court à compter de la dépossession du propriétaire initial en vertu de l’article 2880 C.c.Q, ce qui a été confirmé par la jurisprudence65. Enfin, le code civil précise que si les voleurs, fraudeurs ou encore receleurs ne peuvent se prévaloir de la possession et de ses effets, leurs ayants-droits eux le peuvent. Autrement dit, l’acquéreur de bonne foi qui a acheté un bien à un voleur peut se prévaloir des effets de la bonne foi, obtenir le plein titre de propriété et l’opposer au propriétaire d’origine du bien au terme de la prescription acquisitive de trois ans.

Afin de traiter convenablement le cas particulier des biens culturels, il est nécessaire de s’arrêter un instant sur la prescription acquisitive en matière de biens immobiliers. Pour les immeubles, le délai de prescription acquisitive en plus d’être plus long (10 ans), ne commence à courir qu’au moment de la prise de possession matérielle66 de celui qui revendique la possession et non à la dépossession juridique du propriétaire. Cette différence de traitement du possesseur s’explique par l’existence du registre foncier; outil grâce auquel l’acquéreur d’un immeuble peut vérifier l’identité du propriétaire attaché à l’immeuble en vertu du registre.

Concernant les biens meubles et les droits réels qui y sont attachés, seules certaines catégories de biens doivent obligatoirement être inscrites sur le registre des droits personnels et réels mobiliers. L’individu qui prend possession d’un immeuble le fait en toute connaissance de cause tandis que ce même individu lorsqu’il prend possession d’un bien meuble n’a pas nécessairement accès aux informations relatives à la validité du titre de propriété, ce qui explique la clémence de la loi en matière de possession acquisitive mobilière67. Cependant, parmi les catégories de biens mobiliers dont l’enregistrement auprès du registre des droits personnels et réels mobiliers est obligatoire, on retrouve les

61 Edith Lambert, La prescription (Art. 2875 à 2933 C.c.Q) : extraits de La référence, coll. Commentaires sur

le code civil du Québec (DCQ), (Cowansville : Yvon Blais, 2014) p. 913.

62 Art 925 CCQ. Il s’agit d’une présomption réfragable au profit du possesseur.

63 Gervais, supra note 60, p. 196-197, renvoyant aux article 921 et suivants CCQ.

64 Lambert, supra note 61, p. 913, cette notion est établie à l’article 2920 CCQ. Il existe toutefois un léger

flou sur le moment où la bonne foi est requise puisqu’en marge de l’article 2920, l’article 932 C.c.Q énonce que la bonne foi doit être présente lors du commencement de la possession.

65 Ibid, p. 914. Sur la jurisprudence Morin-Gagné c. Capital Midland Walwyn Inc dans laquelle le tribunal a

expliqué que le délai de prescription acquisitive n’est pas basé sur la continuité de possession de l’acquéreur mais bien sur la continuité de dépossession du propriétaire. Voir aussi Assurances générales

des caisses Desjardins Inc. c. Hould, (C.Q., 2000-01-20), B. E. 2000BE-218, SOQUIJ AZ-00036107.

66 Art 925 CCQ.

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