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Le traitement phonologique chez les adultes devenus sourds

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Academic year: 2021

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HAL Id: dumas-01345740

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01345740

Submitted on 15 Jul 2016

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Le traitement phonologique chez les adultes devenus

sourds

Laurence Bélaubre, Camille Jones

To cite this version:

Laurence Bélaubre, Camille Jones. Le traitement phonologique chez les adultes devenus sourds. Sci-ences cognitives. 2016. �dumas-01345740�

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ACADEMIE DE PARIS

UNIVERSITE PARIS VI PIERRE ET MARIE CURIE

MEMOIRE POUR LE CERTIFICAT DE CAPACITE D’ORTHOPHONIE

LE TRAITEMENT

PHONOLOGIQUE

CHEZ LES ADULTES

DEVENUS SOURDS

Directrice de mémoire

BOREL Stéphanie

Année Universitaire 2015-2016

BÉLAUBRE Laurence (ép. MOURIER) Née le : 26 / 06 / 1973 JONES Camille Née le : 07 / 06 / 1991

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REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier toutes les personnes qui nous ont accompagnées dans la réalisation de ce mémoire.

Merci à Mesdames Borel et Liagre-Callies de nous avoir proposé ce sujet de mémoire et d’avoir toutes deux encadré notre travail.

Merci au Professeur Sterkers et à tout le personnel du service Otologie, Implants Auditifs et Chirurgie de la Base du Crâne de la Pitié-Salpêtrière de nous avoir accueillies en stage et de nous avoir permis de rencontrer les patients juste avant leur implantation.

Merci à Madame Peggy Gatignol d’avoir accepté avec enthousiasme d’être le rapporteur de cette étude.

Nous remercions Pam pour avoir plus d’une fois préféré l’élaboration de notre protocole à la plongée pendant les vacances et nos statistiques à World Of Tank pendant ses soirées.

Merci à tous les patients et sujets contrôles qui ont accepté de donner de leur temps pour participer avec application et bonne humeur à notre étude.

Merci à l’ADEPRIO d’avoir mis gracieusement à notre disposition deux versions du logiciel Phonolec le temps des passations.

Merci aux membres de nos familles et aux amis qui nous ont soutenues pendant ces quatre années.

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ENGAGEMENT DE NON PLAGIAT

Nous soussignées Laurence BÉLAUBRE, ép. MOURIER et Camille JONES déclarons être pleinement conscientes que le plagiat de documents ou d’une partie d’un document publiés sur toutes formes de support, y compris l’Internet, constitue une violation des droits d’auteur ainsi qu’une fraude caractérisée.

En conséquence, nous nous engageons à citer toutes les sources que nous avons utilisées pour écrire ce mémoire.

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ... 1

PARTIE THÉORIQUE ... 2

PARTIE A : L’ADULTE NORMO-ENTENDANT ... 3

I. Phonologie (JONES C.) ... 3

I. 1. Conscience phonologique et place dans les productions langagières ... 3

I. 1. a. Le développement de la conscience phonologique ... 3

I. 1. b. Modèle des mécanismes du langage de Hillis et Caramazza, 1995 ... 3

I. 1. c. Modèle de mémoire de Baddeley, 1974 ... 5

I. 2. Évaluation des compétences phonologiques ... 6

II. Langage écrit : la lecture (BÉLAUBRE L.) ... 7

II. 1. L’acte de lecture ... 7

II. 2. Lecture et modèles cognitifs ... 7

II. 2. a. Le modèle de lecture à trois voies ... 7

II. 2. b. La théorie à activation multiple ... 8

II. 2. c. Le modèle BIAM ... 8

II. 2. d. Le modèle DCR ... 9

II. 3. Voies de lecture et corrélats anatomiques ... 10

II. 3. a. Voies de lecture ... 10

II. 3. b. Corrélats neuro-anatomiques des voies de lecture ... 11

II. 4. Évaluation de la lecture chez l’adulte tout venant ... 12

PARTIE B : LA SURDITÉ (Rédaction commune) ... 12

I. La surdité chez l’adulte ... 12

I. 1. Anatomo-physiologie de l’audition ... 12

I. 2. Classification de la surdité ... 13

I. 2. a. Selon le degré de perte auditive ... 14

I. 2. b. Selon la période d’apparition ... 14

I. 2. c. Selon le type d’atteinte et l’étiologie ... 15

I. 3. Durée de surdité ... 15

I. 4. L’implant cochléaire ... 15

I. 4. a. Critères d’indication à l’implantation cochléaire chez l’adulte ... 15

I. 4. b. Composition et fonctionnement de l’implant cochléaire ... 16

I. 4. c. Compréhension de la parole avec un implant cochléaire ... 16

II. Facteurs de réussite à l’implant cochléaire chez l’adulte sourd post-lingual ... 17

II. 1. Facteurs n'ayant pas ou ayant peu d'influence ... 17

II. 2. Principaux facteurs influents : facteurs liés à l’audition ... 17

II. 3. Autres facteurs ... 18

PARTIE C : ADAPTATION CORTICALE A LA PRIVATION AUDITIVE ... 20

I. Représentations phonologiques chez l’adulte sourd post-lingual (JONES C.) ... 20

I. 1. Détérioration du système phonologique ... 20

I. 1. a. Lien entre mémoire et détérioration du système phonologique ... 20

I. 1. b. Facteurs impliqués dans la détérioration phonologique ... 21

I. 1. c. Conséquences de la détérioration des représentations phonologiques ... 22

I. 2. Évaluation pré-implantation et place du traitement phonologique ... 22

I. 2. a. Évaluation pré-implantation actuelle ... 22

I. 2. b. Pistes pour compléter l’évaluation pré-implantation ... 23

(6)

II. Langage écrit chez l’adulte sourd post-lingual (BÉLAUBRE L.) ... 24

II. 1. Adaptation du cerveau sourd à la privation sensorielle ... 24

II. 2. Évaluation du langage écrit chez l’adulte sourd ... 25

PARTIE PRATIQUE ... 26

PARTIE A : OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES ... 27

I. Objectifs ... 27

II. Hypothèses ... 27

PARTIE B : MATÉRIEL ET MÉTHODE ... 28

I. Population ... 28

I. 1. Critères d’inclusion et d’exclusion de notre population d’étude ... 28

I. 2. Présentation des sujets ... 29

II. Déroulement du protocole ... 29

III. Présentation des épreuves ... 29

III. 1. Matériel utilisé ... 29

III. 2. Détail des épreuves ... 30

III. 2. a. Dénomination ... 30

III. 2. b. Deux tâches phonologiques d’élision ... 31

III. 2. c. Recherche d’intrus syllabiques et phonémiques ... 33

III. 2. d. Fluence phonémique ... 34

III. 2. e. Evaluation d’empans mnésiques ... 35

III. 2. f. Décision lexicale visuelle ... 36

III. 2. g. Lecture de listes de mots ... 36

PARTIE C : ANALYSE DES DONNÉES ... 38

I. Méthodologie de l’analyse ... 38

II. Présentation des résultats ... 39

II. 1. Résultats des épreuves phonologiques ... 39

II. 1. a. Score des épreuves phonologiques ... 39

II. 1. b. Temps de réaction aux épreuves phonologiques ... 40

II. 1. c. Effet du type de manipulation à effectuer ... 41

II. 1. d. Effet de la position du traitement à effectuer ... 41

II. 2. Résultats de l’épreuve de fluence phonologique ... 42

II. 3. Résultats des épreuves d’empans ... 42

II. 4. Résultats en lecture de pseudomots ... 43

II. 4. a. Score de lecture des pseudomots ... 43

II. 4. b. Temps de lecture des pseudomots ... 44

II. 5. Résultats aux épreuves mettant en jeu la voie lexicale ... 44

II. 5. a. Décision lexicale ... 44

II. 5. b. Lecture de mots réguliers et irréguliers ... 45

II. 6. Corrélations entre les différentes tâches et les variables démographiques ... 46

II. 6. a. Corrélations chez les patients ... 46

II. 6. b. Corrélations chez les contrôles ... 49

III. Interprétation et discussion ... 50

III. 1. Discussion des résultats ... 50

III. 2. Biais et limites méthodologiques ... 58

III. 2. a. Limites liées à la méthodologie ... 58

III. 2. b. Limites liées à l’échantillon ... 59

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SOMMAIRE DES FIGURES

Figure 1 : Modèle de Hillis et Caramazza (1995)

Figure 2 : Système de la boucle phonologique selon Baddeley (1974) Figure 3 : Modèle de lecture à trois voies de Morton et Patterson (1980)

Figure 4 : Architecture du modèle à activation interactive bimodale, adapté de Colé et al. (1999 et 2004)

Figure 5 : Modèle à deux voies de la reconnaissance visuelle et de la lecture à voix haute de mots, d’après Coltheart et al. (2001)

Figure 6 : Voies neurologiques ventrale et dorsale, d’après de Boissezon et al. (2014) Figure 7 : Anatomie de l’oreille, d’après le Dictionnaire d’Orthophonie, Brin-Henry et al. (2011)

Figure 8 : Score des patients et des contrôles aux tâches phonologiques

Figure 9 : Temps de réponse des patients et des contrôles aux tâches phonologiques Figure 10 : Répartition par rapport à la norme des résultats des patients en fluence, en écarts-types

Figure 11 : Empans des patients et des contrôles

Figure 12 : Répartition en écarts-types des scores des patients aux épreuves de lecture de pseudomots courts et longs

Figure 13 : Répartition en écarts-types des temps de réaction des patients aux épreuves de lecture de pseudomots courts et longs

Figure 14 : Répartition en ET des patients à l’épreuve de décision lexicale, en score et en temps de réaction

Figure 15 : Répartition en écarts-types des scores des patients aux épreuves de lecture de mots réguliers courts et longs, et de mots irréguliers

Figure 16 : Répartition en écarts-types des temps de lecture des patients aux épreuves de lecture de mots réguliers courts et longs, et de mots irréguliers

Figure 17 : Corrélogramme des résultats des patients

Figure 18 : Corrélation entre la perte auditive moyenne et le score d’élision syllabique Figure 19 : Corrélation entre la perte auditive moyenne et le temps de réaction d’élision syllabique

Figure 20 : Corrélation entre le score d’empan envers et la perte auditive moyenne Figure 21 : Corrélation entre le score d’empan envers et la durée de surdité sévère à profonde

Figure 22 : Corrélation entre le score d’empan envers et le score d’intrus phonémiques Figure 23 : Corrélation entre le score d’empan envers et le temps de réaction d’intrus phonémiques

Figure 24 : Corrélation entre le score d’empan envers et le temps de réaction d’élision phonémique

Figure 25 : Corrélation entre score de Lafon et score brut de fluence Figure 26 : Corrélogramme des résultats des contrôles

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SOMMAIRE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Tâches langagières, selon le modèle de Hillis et Caramazza (1995)

Tableau 2 : Classification audiométrique des déficiences auditives du BIAP, d’après le Bureau International d’Audiophonologie (1997)

Tableau 3 : Score des sujets sourds post-linguaux en fluence en écarts-types et classement par rapport à la norme

Tableau 4 : Score des sujets sourds post-linguaux en lecture de pseudomots en écarts-types et classement par rapport à la norme

Tableau 5 : Temps des sujets sourds post-linguaux en lecture de pseudomots en écarts-types et classement par rapport à la norme

Tableau 6 : Score des sujets sourds post-linguaux en lecture de mots réguliers et irréguliers en écarts-types et classement par rapport à la norme

Tableau 7 : Temps de réaction des sujets sourds post-linguaux en lecture de mots réguliers et irréguliers en écarts-types et classement par rapport à la norme

SOMMAIRE DES ANNEXES

Annexe 1 : Lettre d’information aux patients

Annexe 2 : Formulaire de consentement destiné aux sujets atteints de surdité post-linguale Annexe 3 : Auto-questionnaire de dépistage des difficultés d’écoute et d’audition

Annexe 4 : Présentation des sujets et des contrôles Annexe 5 : Passation des exercices du protocole Annexe 6 : Fluence phonémique orale normée Annexe 7 : Évaluation d’empans mnésiques

Annexe 8 : Étude de l’effet du type de traitement, test de Wilcoxon

Annexe 9 : Effet de la position de la manipulation à effectuer dans l’élision phonémique Annexe 10 : Effet de la position de la manipulation à effectuer dans l’élision syllabique Annexe 11 : Effet de la position de la manipulation à effectuer dans les exercices d’intrus Annexe 12 : Liste et fréquence des mots à dénommer

Annexe 13 : Items des exercices de phonologie

LISTE DES ABRÉVIATIONS

IC : implant cochléaire MDT : mémoire de travail MLT : mémoire à long terme NE : normo-entendant TR : temps de réaction

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1

INTRODUCTION

La surdité concerne actuellement 4 millions de personnes en France, et touche aussi bien les enfants que les adultes. Divers modes de réhabilitation peuvent être dontl’implant cochléaire (IC). La qualité des implants s’est améliorée, et chez les sujets devenus sourds à l’âge adulte les indications de l’implant cochléaire se sont élargies ces dernières années. Il existe toujours cependant une forte hétérogénéité des résultats de l’IC chez ces patients. Certains adultes sourds post-linguaux conservent des troubles importants de perception de la parole avec IC, en particulier dans le bruit, en conversation de groupe, au téléphone ou pour écouter de la musique. Plusieurs facteurs expliquent ces différences de performances, comme par exemple la durée et le degré de surdité.

Le reste de la variabilité est peut-être dû à une réorganisation de fonctions cognitives de plus haut niveau. En effet, chez ces patients, une disparité dans les capacités d’analyse phonologique et linguistique a été observée. Lyxell et al. (1998, 2003) trouvent une corrélation positive entre la réussite à l’utilisation de l’IC d’adultes sourds post-linguaux et leurs résultats à des tâches phonologiques (rimes, décision lexicale, décision sémantique et tâches de manipulation). Plus tard, dans une étude à l’IRMf, Lazard et al. (2010) montrent une corrélation entre stratégies de lecture et réussite de l’implant : pour l’exécution d’une tâche phonologique (rimes sur mots écrits), l’usage de la voie lexicale laisse présager de mauvais résultats alors que l'utilisation de la voie phonologique est un pronostic de réussite de l’IC.

Chez certains adultes sourds post-linguaux, une détérioration de certains aspects du système phonologique s’opèrerait en fonction de la privation auditive. Nous nous proposons donc d'élaborer des tests spécifiques permettant d’évaluer les capacités de traitement phonologique résiduelles des patients candidats à l'IC.

Dans ce mémoire les théories actuelles du traitement du langage écrit et oral chez l’adulte tout venant seront abordées, pour ensuite décrire les adaptations qu’opère le cerveau adulte en cas de privation auditive. S’ensuivra une partie pratique qui tentera de mettre en évidence la dégradation des représentations phonologiques d’un échantillon d’adultes sourds post-linguaux candidats à l’IC, en utilisant entre autres des tâches phonologiques créées pour l’occasion, et en comparant les résultats des patients sourds à ceux de sujets contrôles normo-entendants (NE) appariés en âge, sexe et niveau socio-culturel. Parmi ces patients sourds, le présent mémoire envisage donc d’aider à déterminer de façon strictement clinique quelles tâches permettent le mieux de rendre compte de la dégradation de leurs représentations phonologiques.

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3

PARTIE A : L’ADULTE NORMO-ENTENDANT I. Phonologie (JONES C.)

I. 1. Conscience phonologique et place dans les productions langagières

I. 1. a. Le développement de la conscience phonologique

La sensibilité phonologique est implicite, elle se développe d’abord inconsciemment lors de l’acquisition du langage. À ce stade, l’univers sonore de l’enfant est primordial. Le traitement épiphonologique correspond à un état intermédiaire dans le développement du système de connaissances phonologiques pendant lequel le sujet ne contrôle pas intentionnellement les unités linguistiques. Il les traite automatiquement, sans qu’elles soient directement disponibles et manipulables (Gombert, 1990). Le processus devient ensuite explicite quand l’enfant se détache de l’objet et s’intéresse au mot, il a alors conscience des sons constituant la parole et peut les comparer, les manipuler, les analyser consciemment. Les représentations phonologiques s’affinent progressivement, du début de la vie jusqu’à l’âge de 8 ans environ (Fowler, 1991). La conscience phonologique est donc une capacité métalinguistique à réfléchir sur les unités de la parole. Elle permet la manipulation des syllabes puis des phonèmes, et l’automatisation de tâches métaphonologiques telles que l’ajout, la suppression, la fusion ou la segmentation de syllabes et de phonèmes (Delpech et al., 2003). Ces exercices sont nécessaires à l’apprentissage de la lecture, et en retour, l’acte de lecture vient étayer l’affinement de la conscience phonologique au niveau du phonème. En effet, la conscience phonologique est un pré-requis à l’apprentissage du langage écrit. Ainsi, lecture et conscience phonologique se développent en se renforçant mutuellement (Bentin et Leshem, 1993 ; Spinelli et Ferrand, 2009 ; Elbro et al., 1998).

I. 1. b. Modèle des mécanismes du langage de Hillis et Caramazza, 1995

La neuropsychologie cognitive étudie les liens entre le fonctionnement du cerveau et le comportement, ainsi, plusieurs modèles théoriques expliquent le fonctionnement des mécanismes du langage. En 1993, le modèle de Buchanan et Besner évoque déjà l’existence des représentations phonologiques. Dans ce mémoire, c’est le modèle simplifié

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des mécanismes du langage de Hillis et Caramazza (1995) qui sera développé (figure 1). Ce modèle en cascade est constitué d’une composante centrale, le système sémantique, et de plusieurs sous-modules, détaillés ci-dessous, tous impliqués dans des traitements de différentes natures. Il permet de reproduire le fonctionnement du cerveau par des mécanismes plausibles lors de différentes tâches langagières (tableau 1).

Figure 1 : Modèle de Hillis et Caramazza (1995)

Production orale Production écrite

Entrée auditive Répétition Dictée

Entrée visuelle : mot écrit Lecture Copie

Entrée visuelle : objet Dénomination Dénomination

Tableau 1 : Tâches langagières, selon le modèle de Hillis et Caramazza (1995)

Le modèle des fonctions langagières de Hillis et Caramazza décrit quatre niveaux de traitement engagés dans le processus de compréhension de la parole : le traitement des informations sonores (fréquence, intensité, durée), l’analyse plus fine des sons verbaux, le lexique phonologique d’entrée et le système sémantique.

La présentation d’un mot sous forme auditive entraîne un traitement phonologique. La perception du signal sonore et le traitement des différents traits des phonèmes activent le lexique phonologique d’entrée. C’est là que sont stockées les représentations auditives des mots familiers sous une forme sonore abstraite, c’est-à-dire une séquence phonémique propre à chaque mot de la langue. Les représentations sonores passent ou non par le

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système sémantique (encyclopédie personnelle) si le mot entendu est reconnu ou non comme un mot du lexique, puis elles activent le lexique phonologique de sortie où sont stockées en mémoire à long terme (MLT) les formes phonologiques des mots familiers qui interviennent lors de la verbalisation du mot. Ces informations phonologiques créées pour chaque mot sont appelées représentations phonologiques, il s’agit de l'identité et du nombre des phonèmes, de la structure syllabique et du nombre de syllabes (Lechevalier et al., 2008). Elles sont communes à la perception et à la production de la parole à la fois pour les mots entendus et les mots lus (Maillart, 2007). Pour que le mot soit produit oralement (répétition), ces informations sont maintenues en mémoire à court terme phonologique, au niveau de la mémoire tampon phonologique, le temps de la réalisation articulatoire.

De la même manière, la présentation d’un mot écrit active le lexique orthographique d’entrée, où sont stockées les représentations orthographiques des mots familiers, c’est-à-dire la séquence de lettres ou de graphèmes spécifiques de chaque mot. Lors d’une tâche de production écrite (copie), celles-ci activent le lexique orthographique de sortie en passant ou non par le système sémantique. Lors d’une tâche de production orale (lecture), les informations orthographiques activent le lexique phonologique de sortie, en passant ou non par le système sémantique. Les différentes voies de lecture seront détaillées dans la suite du mémoire.

Pour finir, la présentation d’une image ou d’un objet entraîne la dénomination. Le système de descriptions structurales est activé et envoie les informations vers le lexique phonologique de sortie (dénomination orale) ou le lexique orthographique de sortie (dénomination écrite), en passant systématiquement par le système sémantique.

I. 1. c. Modèle de mémoire de Baddeley, 1974

Le modèle de mémoire de Baddeley (1974) distingue trois composantes : l’administrateur central et ses deux sous-systèmes esclaves, le calepin visuo-spatial et la boucle phonologique (ou mémoire tampon phonologique, figure 2). Cette dernière maintient les informations phonologiques en mémoire le temps de la réalisation articulatoire et est responsable du stockage des informations verbales.

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Figure 2 : Système de la boucle phonologique selon Baddeley (1974)

I. 2. Évaluation des compétences phonologiques

En orthophonie, l’évaluation de la conscience phonologique, ou métaphonologie, concerne principalement le langage oral et les pré-requis au langage écrit chez l’enfant, dans le cadre de suspicion de trouble du langage (retard de parole / langage, dyslexie, dysphasie). Chez l’adulte, elle peut concerner la demande de tiers-temps pour passer un examen, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, la constitution d’un dossier auprès de la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées), l’atteinte neurologique suite à un accident (traumatisme crânien, AVC, arrêt cardio-respiratoire) entraînant des troubles de production langagière (aphasies), ou encore l’évaluation de l’atteinte cognitive d’une personne touchée par une maladie génétique ou neuro-dégénérative. Il existe des batteries de tests pour adolescents et adultes regroupant les exercices permettant d’évaluer les processus phonologiques, parmi d’autres, comme la lecture. On y trouve principalement les tâches suivantes :

Exercices évaluant la production : dénomination, dénomination rapide, répétition de pseudomots ou de mots inconnus et fluence phonémique. L’analyse qualitative des erreurs produites permet de situer les difficultés au niveau de la perception auditive, de l’accès au lexique phonologique, ou de la production de la parole.

Exercices évaluant la métaphonologie : élision syllabique, élision phonémique et répétition de mots à l’envers. Ces exercices demandent au sujet testé d’accéder à la structure phonologique des mots et de se faire une représentation mentale des sons. Ils permettent d’évaluer les compétences de manipulation des unités auditives abstraites. Ces activités métaphonologiques peuvent être réalisées aussi bien sur des mots que sur des

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7

pseudomots, elles ont donc lieu dans la mémoire tampon phonologique plutôt que directement dans les représentations phonologiques lexicales.

Exercices évaluant la perception : perception de paires minimales, décision lexicale orale, décision lexicale visuelle, détection de mauvaise prononciation et jugement de rimes.

II. Langage écrit : la lecture (BÉLAUBRE L.)

II. 1. L’acte de lecture

La lecture est un processus de reconnaissance visuelle des mots écrits. Deux traitements sont en jeu : le traitement orthographique et le traitement phonologique. Le traitement orthographique consiste à traiter les traits visuels qui forment les lettres, traiter les lettres les unes par rapport aux autres selon leur position relative dans le mot, et traiter les graphèmes. Quant au traitement phonologique, il concerne la correspondance entre les représentations orthographiques de la langue écrite et les représentations phonologiques de la langue parlée (Grainger et Holcombe, 2007).

II. 2. Lecture et modèles cognitifs

Les théories cognitives nous éclairent sur les processus cognitifs en jeu lors de l’acte de lecture, selon divers modèles de lecture établis depuis une trentaine d’années.

II. 2. a. Le modèle de lecture à trois voies

Proposé par Morton et Patterson (1980), le modèle de lecture à trois voies distingue la voie lexicale directe (C), la voie lexico-sémantique (A) et la voie phonologique, ou non-lexicale (B).

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Figure 3 : Modèle de lecture à trois voies de Morton et Patterson (1980)

II. 2. b. La théorie à activation multiple

Selon la théorie à activation multiple, de Ferrand et Grainger (1992, 1993 et 1994) les informations phonologiques et orthographiques, essentielles à l'identification de mots écrits, sont indépendantes, et l’activation de l’information orthographique précède toujours l’activation de l’information phonologique, indépendamment de la fréquence du mot.

II. 2. c. Le modèle BIAM

Colé et al. (1999 et 2004) proposent le modèle BIAM (Bimodal Interactive Activation Model) considérant que les niveaux orthographique et phonologique sont activés durant la lecture. Ils postulent que des interactions bi-directionnelles sont entretenues entre les deux niveaux.

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Figure 4 : Architecture du modèle à activation interactive bimodale, adapté de Colé et al. (1999 et 2004)

II. 2. d. Le modèle DCR

Nous décrirons plus avant le modèle DCR (Dual Route Cascaded Model), version informatique du modèle à double voie de la lecture experte de Coltheart (1978). C’est un modèle à deux voies en cascade, qui considère que les informations phonologiques et orthographiques, ayant des sources séparées d’activation dans l’identification des mots écrits, seraient traitées en parallèle par deux voies distinctes.

D’une part, la voie sublexicale dite aussi voie phonologique, indirecte, ou d’assemblage. Elle passe par le détecteur de lettres, active le système de règles grapho-phonologiques (conversion des graphèmes en phonèmes, de gauche à droite), puis active le système phonémique pour aboutir à la prononciation du mot.

D’autre part la voie lexicale, aussi appelée voie orthographique, directe, ou d’adressage, qui est plus directe donc plus rapide. Cette dernière active les détecteurs de mots, le système phonologique de sortie (en passant ou non par le système sémantique), puis le système phonémique directement, sans passer par le système de règles grapho-phonologiques (Coltheart et al., 2001).

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Figure 5 : Modèle à deux voies de la reconnaissance visuelle et de la lecture à voix haute de mots, d’après Coltheart et al. (2001)

II. 3. Voies de lecture et corrélats anatomiques

II. 3. a. Voies de lecture

D’après le modèle de Coltheart présenté ci-dessus, le lecteur peut activer deux voies distinctes selon le type de mots à identifier. La voie sublexicale sert à lire les mots nouveaux, les mots réguliers inconnus et les pseudomots, à les déchiffrer en activant la conversion grapho-phonémique. La voie lexicale est utilisée pour identifier les mots réguliers connus et les mots irréguliers en activant directement la représentation orthographique du mot, sans passer par la conversion grapho-phonémique.

Chez les adultes normo-lecteurs, dits lecteurs experts, l’acte de lecture est automatisé et la voie de lecture privilégiée est la voie lexicale, qui s’avère moins coûteuse cognitivement et plus rapide. Ils ont recours occasionnellement à la voie phonologique, notamment pour déchiffrer les mots inconnus, les mots rares ou les noms propres inconnus, et pour faire des manipulations métaphonologiques (Mazeau, 2005 ; Dehaene, 2011).

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II. 3. b. Corrélats neuro-anatomiques des voies de lecture

Une méta-analyse de Fiez et al. (1998) mettait déjà en évidence les régions cérébrales activées pendant la lecture de mots, permettant de faire un lien avec les modèles théoriques de lecture tels que le modèle DRC. La neuro-imagerie cérébrale permet actuellement de décrire l’existence de deux voies neurologiques correspondant aux voies de lectures. La voie dorsale, correspondant à la voie sublexicale, est dévolue à la lecture par assemblage. La voie ventrale, correspondant à la voie lexicale, entre en jeu dans la reconnaissance automatique des mots (Demonet, 2002 ; Jobard 2003 ; Wilson, 2007).

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II. 4. Évaluation de la lecture chez l’adulte tout venant

Chez l’adulte, l’orthophoniste évalue la lecture au sein d’un large bilan de langage qui comprend aussi l’évaluation de la conscience phonologique. Cette évaluation s’adresse donc aux sujets cités dans le paragraphe traitant de l’évaluation de la phonologie. L’orthophoniste est cependant amené à tester plus spécifiquement la lecture pour établir par exemple un tableau de dyslexie, qui est un trouble de l'identification des mots écrits, mais également pour évaluer l’atteinte suite à un accident ayant entraîné un déficit d’accès au mot écrit, le plus souvent parmi d’autres symptômes, dans un tableau d’aphasie. Pour mettre en évidence les déficits de lecture, l’orthophoniste a notamment recours à des tâches de lecture de mots isolés, et analyse, comme il le fait chez l’enfant, les erreurs commises ainsi que la vitesse de lecture du patient (de Weck, 2011 ; Inserm, 2007).

Les bilans orthophoniques de lecture chez l’adulte proposent donc des épreuves de lecture de mots réguliers et irréguliers pour tester l’accès à la voie lexicale, et de lecture de mots rares, de noms propres ou de pseudomots pour tester à l’accès à la voie sublexicale. L’analyse des dissociations observées tant au niveau des scores obtenus qu’au niveau des temps de réponse (temps nécessaire à la réalisation de chaque tâche) permet d’établir un profil des troubles du patient, et de guider la rééducation (Inserm, 2007). Les batteries de tests orthophoniques tiennent compte de façon systématique du facteur temps, élément indispensable du diagnostic de la dyslexie. Une estimation très précise des temps de réponse est rendue possible par les batteries informatisées.

PARTIE B : LA SURDITE (Rédaction commune) I. La surdité chez l’adulte

I. 1. Anatomo-physiologie de l’audition

L’oreille humaine présente trois sections : externe, moyenne et interne (figure 7). L’oreille externe comprend le pavillon de l’oreille et le canal auditif externe, et s’étend jusqu’à la membrane tympanique. L’oreille moyenne (ou caisse du tympan) est une cavité aérienne comprise entre le tympan et la fenêtre ovale, et qui abrite les trois osselets. L’oreille interne comporte les organes de l’équilibre (vestibule), mais est aussi le siège de l’organe sensoriel de l’audition, la cochlée qui contient environ 3500 cellules ciliées internes et 12000 externes, connectées au nerf auditif (McFarland, 2009).

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Figure 7 : Anatomie de l’oreille, d’après le Dictionnaire d’Orthophonie, Brin-Henry et al. (2011)

L’audition consiste en la transduction des vibrations acoustiques des sons en influx nerveux. Pour ce faire, les sons sont captés et amplifiés par l’oreille externe, puis transformés en énergie mécanique via le tympan. Ces vibrations sont transférées dans l’oreille moyenne par la chaîne des trois osselets jusqu’à la fenêtre ovale, et pénètrent alors dans l’oreille interne. Là, les vibrations émises par le système tympano-ossiculaire agitent les fluides de la cochlée, entraînant une dépolarisation des cellules ciliées internes. C’est le potentiel d’action ainsi généré qui permet l’innervation des fibres du nerf auditif, et la transmission du message vers les voies auditives centrales. Chaque cellule ciliée de la cochlée est sensible à une fréquence donnée : les fréquences aiguës agissent à la base de la cochlée, et les fréquences graves à l’apex. C’est la tonotopie cochléaire, qui est conservée à tous les niveaux des voies auditives(Ayache et al., 2001 ; McFarland, 2009).

I. 2. Classification de la surdité

La surdité est une déficience auditive partielle ou totale qui implique une notion de handicap et peut avoir de multiples conséquences sur le langage, la communication, l’intégration sociale. Toutes les caractéristiques de la surdité citées ci-dessous sont à étudier ensemble, car c’est l’histoire de la surdité dans sa globalité qui importe pour la compréhension du handicap et sa prise en charge. L’atteinte auditive peut en effet être décrite en fonction de différents paramètres :

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I. 2. a. Selon le degré de perte auditive

L’audiométrie tonale mesure les seuils d’audibilité (en dB) sur différentes fréquences allant de 125 à 6000 Hz. Cette technique permet de se rendre compte du type et de l’importance de la surdité en fonction du niveau d’audition. Le BIAP (Bureau International d’Audiophonologie), distingue quatre degrés de surdité de gravité progressive : surdité légère, moyenne, sévère ou profonde (tableau 2). Le patient ayant une surdité sévère perçoit la voix forte mais ne comprend pas toujours le discours. En situation de surdité profonde voire totale (cophose), le sujet n’a plus aucune perception de la parole et doit utiliser d’autres canaux que l’audition pour communiquer (lecture labiale, recours à l’écrit).

Tableau 2 : Classification audiométrique des déficiences auditives du BIAP, d’après le Bureau International d’Audiophonologie (1997)

I. 2. b. Selon la période d’apparition

Les conséquences ne sont pas les mêmes selon l’âge d’apparition de la perte auditive. La surdité est dite congénitale si elle survient à la naissance, pré-linguale si elle survient avant l’âge de 2 ans, péri-linguale si elle survient entre 2 et 5 ans, et post-linguale après 6 ans. Une privation auditive pendant les premières phases de développement du système auditif a des répercussions négatives importantes sur son développement au niveau cérébral (Mansbach, 2006). Il a été montré que le cerveau sourd congénital ne montre pas la même organisation que le cerveau entendant. En effet, l’expérience auditive pendant la première année de vie (la boucle audiophonatoire, la perception des contrastes phonémiques) oriente la maturation cérébrale et son organisation, permettant ainsi le bon

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développement du langage et de la parole chez l’enfant (Lazard, 2015). Nous nous intéressons donc dans cette étude aux adultes sourds post-linguaux ayant développé un langage oral avant la survenue de la surdité neurosensorielle.

I. 2. c. Selon le type d’atteinte et l’étiologie

La surdité peut être unilatérale ou bilatérale. Elle peut survenir brutalement, être progressive, s’aggraver par poussées ou être fluctuante. Une atteinte de l’oreille externe ou de l’oreille moyenne entraîne une surdité de transmission. Une atteinte de l’oreille interne (cochlée ou atteinte des voies nerveuses auditives) aura pour conséquence une surdité de perception, accompagnée d’un phénomène de distorsion qui provoque une mauvaise intelligibilité de la parole et limite l’efficacité des corrections auditives en ce qui concerne la compréhension de la parole (Mansbach, 2006). On parle de surdité mixte quand coexistent une surdité de perception et une surdité de transmission (Menner, 2005).

La HAS (Haute Autorité de Santé, 2007) a recensé les principales étiologies de la surdité de perception acquise chez l’adulte : la presbyacousie (dégradation des facultés auditives liée à l’âge), qui est la cause la plus fréquente de surdité chez les plus de 50 ans, la surdité génétique, les traumatismes sonores, les surdités toxiques, ainsi que d’autres causes variées (traumatiques, infectieuses, maladie de Ménière).

I. 3. Durée de surdité

Chez l’adulte sourd présentant une surdité post-linguale, il faut distinguer la durée de privation auditive, temps écoulé depuis la baisse de l'acuité auditive ayant entraîné le port de prothèses, de la durée de surdité profonde, qui correspond généralement au temps écoulé depuis que le patient ne peut plus communiquer via l'audition malgré les prothèses (Lazard et al. 2010).

I. 4. L’implant cochléaire

I. 4. a. Critères d’indication à l’implantation cochléaire chez l’adulte

La surdité est tout d’abord réhabilitée par des prothèses auditives qui amplifient le niveau sonore environnant. Lorsque même avec ces prothèses, le sujet présente un niveau

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d’audition trop limité pour communiquer avec son entourage, on pense à l’implant cochléaire (IC). La Haute Autorité de Santé (2007)définit l’implantation comme destinée à traiter des surdités de perception bilatérales sévères à profondes. Pour les surdités survenues à l’âge adulte, ce sont des dispositifs de réhabilitation auditive destinés à permettre le maintien et/ou la restauration de la communication orale. Ils ne sont indiqués qu’en cas de bénéfice insuffisant de la réhabilitation prothétique. La discrimination doit être inférieure ou égale à 50 % lors de la réalisation de tests d’audiométrie vocale (répétition de mots des listes de Fournier, ou équivalent). Les tests doivent être pratiqués à 60 dB, en champ libre, avec des prothèses bien adaptées. L’implantation peut être unilatérale, ou bilatérale. Il n’y a pas de limite d’âge supérieure à cette opération chez l’adulte (Recommandations de la HAS, 2012).

I. 4. b. Composition et fonctionnement de l’IC

L’IC est composé de deux parties : externe et interne. La partie externe, est composée d’une antenne, reliée à plusieurs microphones sur un processeur. Ce dernier est activé quelques semaines après l’intervention chirurgicale. La partie interne consiste en un implant inséré sous le cuir chevelu sous anesthésie générale par un chirurgien ORL : un boîtier envoie des impulsions électriques à un porte-électrodes implanté dans la cochlée, qui stimule par contact les fibres nerveuses du nerf auditif. Le nombre d’électrodes de l’implant respecte la tonotopie cochléaire et varie de 12 à 22 selon les marques.

Les étapes de la transmission du son sont les suivantes : l’environnement sonore est capté par le microphone puis traité et converti en impulsions électriques par le processeur vocal. Les informations électriques sont envoyées à l’antenne qui les transmet au récepteur situé sous la peau. Après avoir été décodé, le signal est envoyé aux électrodes qui stimulent directement les fibres nerveuses sans utiliser les cellules ciliées : l’IC supplée l’organe de Corti défaillant en stimulant directement le nerf auditif. Enfin, le nerf auditif, dont le fonctionnement doit être proche de la normale, envoie les impulsions électriques aux aires auditives du cerveau qui les interprètent comme des sons.

I. 4. c. Compréhension de la parole avec l’IC

La surdité diminue l’accès à la structure acoustique cérébrale qui supporte les codes phonologiques des mots. Pour percevoir et comprendre la parole avec l’IC, le sujet doit

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stocker le discours en mémoire de travail (MDT) et associer ses représentations phonologiques résiduelles avec la sensation sonore procurée par l’IC. L’information sonore relayée n’étant plus acoustique mais électrique et ne correspondant plus aux sensations auditives d’une audition normale ni à celles procurées par une prothèse auditive classique, le sujet subit des changements de repères auditifs. De plus, l’IC ne restaure pas toute l’audition : en effet, les phonèmes ne sont plus représentés distinctement dans le signal acoustique de la parole, ce qui oblige le patient implanté à porter plus d’attention aux indices acoustiques qui supportent la reconnaissance des phonèmes (Moberly et Nittrouer, 2015). Le travail de réglage de l’information sonore perçue fait suite à la pose de l’IC et est essentiel. Il doit être couplé avec une éducation auditive spécifique réalisée par l’orthophoniste.

II. Facteurs de réussite à l’implant cochléaire chez l’adulte sourd post-lingual

Chez les adultes sourds post-linguaux, la réussite à l’utilisation de l’IC présente une grande variabilité. Selon les études, le niveau de réussite est calculé en post-implantation soit à partir de tests de reconnaissance orale de mots, soit qualitativement par étapes qui vont de la conscience des bruits environnementaux à la compréhension du discours au téléphone, dans le meilleur des cas. On retrouve une grande variabilité des performances et une disparité des capacités d’analyse phonologique et linguistique entre les patients implantés (Lazard, 2012).

II. 1. Facteurs n'ayant pas ou ayant peu d'influence

Les études sur ce sujet ont beau diverger, certains facteurs ne semblent pas présenter de lien direct avec les résultats de l’implantation. Il s’agit de la mémoire à court terme, la mémoire épisodique, les habiletés visuo-spatiales, l’attention (empan), la vitesse de traitement de la parole, la flexibilité mentale, les fonctions exécutives, le type d’IC, le sexe du sujet, l’étiologie de la surdité (seulement chez le sujet de plus de 65 ans, Mosnier, 2014) et le temps écoulé depuis l’opération (Moberly et Nittrouer, 2015), même si certains de ces résultats sont discutés.

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Les facteurs qui influencent le plus les performances de perception de la parole avec IC, et ceux sur lesquels les auteurs se mettent d’accord, sont des facteurs auditifs qui se situent entre la cochlée et le cerveau. La durée de la surdité sévère à profonde influe sur la perte des cellules ciliées de la cochlée (Holden et al., 2013). Avant l’implantation, une faible durée de privation auditive est de bon pronostic (Lazard, 2012b). Le port de prothèses avant l’implantation a aussi un effet bénéfique. En effet, si l’audition du sujet a été rapidement réhabilitée, alors il n’est pas resté longtemps sans stimulation auditive et ses représentations phonologiques sont moins dégradées, les structures périphériques et centrales ayant été peu modifiées.

En dehors de la durée de surdité, aucun facteur ne fait l’unanimité dans les études cherchant quels facteurs influencent le plus la réussite de l’IC. Green et al. (2007) pensent que l’audition résiduelle au moment de l’implantation n’influe pas, alors que selon Lazard (2012b), un reste auditif sur les basses fréquences est de bon pronostic. Le nombre d’électrodes actives insérées importe peu pour certains auteurs, pourtant Holden et al. (2013), dans une étude chez 114 adultes sourds post-linguaux, concluent que la réussite à l’utilisation de l’IC est influencée par le pourcentage d'électrodes introduites, par leur position dans la cochlée et par leur profondeur d’insertion. Selon certains auteurs (Green et al., 2007 ; Leung et al., 2005 ; Budenz et al., 2011), l’âge au moment de l’opération ne semble pas en lien direct avec les résultats, mais Holden et al. (2013) et Blamey et al. (2013) soutiennent qu’il a une influence, mais ce uniquement parce que l’âge est en lien avec un déclin cognitif développemental. Dans la littérature, sont aussi cités comme facteurs pertinents : la marque de l’appareil, le seuil moyen en audiométrie tonale de la meilleure oreille, la durée de surdité moyenne (Lazard, 2012b), l’étiologie de la surdité. Budenz et al. (2011) décrivent que la latéralité de l’implantation pourrait avoir une influence, en cas de surdité bilatérale : l’implantation de l’oreille droite serait de meilleur pronostic pour la réhabilitation que celle de l’oreille gauche chez le patient âgé.

Mosnier (2014) et Green et al. (2007) notent que la durée de surdité avant l’implantation ne représente que 9% de la variabilité. Selon Lazard (2012b), les facteurs les plus significatifsn’expliquent que 22% de la variance. Même si une partie des 78% restant s’explique par le manque de fiabilité de certains tests de perception auditive présentant trop peu d’items, le reste de la variabilité est peut-être dû à la réorganisation de fonctions cognitives de plus haut niveau.

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II. 3. Autres facteurs

Le succès de l’IC dépend de l’état cognitif du patient (Lyxell, 1998), en effet, l’absence de stimulation auditive, par la réduction de la communication, cause une absence de stimulation cognitive et un appauvrissement des interactions sociales. Ronnberg et al. (2011) établissent une corrélation négative entre perte auditive et MLT épisodique et sémantique, mais pas avec la mémoire à court terme. Une étude chez le sujet âgé (Mosnier, 2014) met en évidence que les facteurs auditifs cités ci-dessus et l’absence de risque cardio-vasculaire, ainsi qu’une bonne MLT sont prédictifs de réussite à l’IC. Strelnikov et al. (2013) étudient le lien entre activité visuelle et perception auditive de la parole et concluent qu’une bonne synergie audio-visuelle est cruciale pour la plasticité cross-modale et la réussite de l’IC quant à la compréhension de la parole.

Selon Lyxell et al. (2003) et Ronnberg et al. (2011), la MDT reste relativement intacte avec la surdité. Sa capacité est tout de même liée aux compétences en perception et compréhension de la parole avec IC, dans le silence et en milieu bruyant. Une bonneMDT permet de faire des inférences, de compléter les vides laissés dans les phrases par les mots mal perçus. Certains patients se reposent d’ailleurs beaucoup sur leur MDT pour compenser leur déficit auditif : elle leur permet de compenser l’effet délétère de la privation auditive sur leurs représentations phonologiques (Classon et al., 2013). Aussi, moins bonne est leur MDT, plus ils doivent utiliser d’autres stratégies de communication compensatoires. De plus, les capacités métaphonologiques seraient préservées grâce à la MDT (Lyxell et al. 2003). Akeroyd (2008) écarte donc l’idée que l’efficience globale influence la réussite à l’implantation, mais identifie la MDT comme un facteur prédictif de bonne reconnaissance de la parole dans le bruit avec IC.

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PARTIE C : ADAPTATION CORTICALE A LA PRIVATION AUDITIVE I. Représentations phonologiques chez l’adulte sourd post-lingual (JONES C.)

I. 1. Détérioration du système phonologique

La surdité, touchant le traitement auditif, a un impact sur le traitement du langage, plus particulièrement au niveau phonologique. Différentes études de Lyxell et al. (1998, 2003) s’intéressent aux représentations phonologiques d’adultes présentant une surdité post-linguale sévère, avant leur implantation cochléaire. Si l’on compare leurs performances sur des épreuves de métaphonologie à celles d’adultes NE, et que l’on corrèle leurs résultats à différents facteurs dont la durée de surdité et plus tard, leur niveau de perception de la parole avec IC, on observe qu’en fonction des tâches réalisées, les performances des adultes sourds sont significativement moins bonnes que celles des adultes NE. Le détail des différentes tâches réalisées sera développé ci-après.

La dégradation progressive des représentations phonologiques chez l’adulte sourd post-lingual est avérée. Néanmoins, Lyxell et al. (1998, 2003) observent que certains patients gardent de bonnes représentations phonologiques malgré une longue durée de surdité. Maillart (2007) explique cela en partie par les compétences du sujet en lecture labiale, puisque les informations fournies par ce traitement visuel font partie intégrante, avec le traitement auditif, du processus d’élaboration des représentations phonologiques. Les sourds post-linguaux ayant de bonnes performances avec IC font donc appel à des correspondances articulatoires maintenues actives par la coopération audio-visuelle, c’est-à-dire la lecture labiale (Lazard, 2012). Dans leur étude, Bisconti et al. (2015) retrouvent des profils d’activation du cerveau similaires chez des patients implantés et chez des patients contrôles en les testant sur des tâches phonologiques (jugement de rimes) et de langage oral, sous SPIRf (Spectroscopie Proche InfraRouge Fonctionnelle, nouveau système d’imagerie cérébrale compatible avec l’IC). Les sujets implantés peuvent donc restaurer en partie les capacités dégradées chez eux par la surdité.

I. 1. a. Lien entre mémoire et détérioration du système phonologique

Il est admis que ce sont seulement certains aspects spécifiques du système phonologique qui sont progressivement dégradés en fonction de la privation auditive chez

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les adultes sourds post-linguaux. Lyxell et Andersson (2002) et Lazard et al. (2012) évoquent une détérioration au cours du temps de la mémoire à court terme phonologique, responsable du stockage des informations verbales. Ronnbert (2011) établit une relation entre le degré de perte auditive et la MLT. Lyxell (2013) soutient que la partie du système phonologique la plus altérée est l’activation en MLT des représentations phonologiques, soit le lexique phonologique de sortie. Lyxell et Andersson (2002) testent la MDT via un exercice d’empan de lecture et ne retrouvent pas de différence entre les sujets sourds profonds et les sujets contrôles. Chez les sujets sourds, une bonne MDT peut compenser l’effet délétère de la privation auditive sur les capacités phonologiques, car elle permet d’utiliser efficacement les compétences de traitement phonologique. Toutefois, cette compensation peut interférer avec l’encodage en MLT (Classon, 2013).

La construction du code phonologique en MDT, c’est-à-dire la représentation des sons au niveau cognitif (lexique phonologique d’entrée), et la manipulation grâce à la MDT sont par ailleurs préservées. C’est une atteinte différente de celle des dyslexiques qui serait plus globale (Martinez Perez et Majerus, 2011).

I. 1. b. Facteurs impliqués dans la détérioration phonologique

La détérioration des représentations phonologiques est principalement due à l’absence de stimulation auditive (Lyxell, 1998 et 2003). Cependant, la surdité ne survient pas toujours de manière brutale et profonde. Ainsi, il est établi un lien avec la durée de privation auditive et le degré d’atteinte auditive (Lyxell, 2003). D’une part le déficit perceptif cause des difficultés à percevoir les indices acoustiques, ainsi, la distorsion auditive engendre des difficultés pour rattacher un son de la langue à son phonème. Les représentations phonologiques deviennent moins précises. D’autre part, la durée de privation auditive reflète mieux l’histoire de la surdité du patient et son niveau de surdité que la durée de surdité profonde, même avec des prothèses auditives (Lazard, 2010). C’est donc sur l’histoire globale de la surdité qu’il faut se baser pour évaluer la détérioration des représentations phonologiques. En conclusion, l’histoire de la surdité du sujet explique la forte variabilité des profils de patients sourds post-linguaux, quant aux performances phonologiques avant l’implantation, et plus tard en matière de réussite à l’IC.

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I. 1. c. Conséquences de la détérioration des représentations phonologiques

Lors d’une étude au PET Scan (Tomographie par Emission de Positrons), Jae Sung et al. (2003) ont mis en évidence une plasticité cérébrale chez 9 adultes sourds post-linguaux, observant une réorganisation progressive du cortex auditif avec le temps. Cette plasticité cérébrale de privation implique que certains adultes devenus sourds compensent la dégradation de leurs représentations phonologiques en privilégiant l’analyse globale des mots à la voie analytique. Cette modification de leurs voies de lecture s’opère lors d’une tâche phonologique, pour laquelle les NE choisissent la voie sublexicale, plus adaptée. Or, après l’implantation, cette adaptation s’avère pénalisante. Une fois que cette stratégie prédomine, il est difficile de faire correspondre ses représentations phonologiques résiduelles avec les sons nouveaux perçus, déformés par l’IC (Lazard et al., 2010).

I. 2. Évaluation pré-implantation et place du traitement phonologique

I. 2. a. Évaluation pré-implantation actuelle

En vue d’une implantation cochléaire, le sujet passe de nombreux bilans avant toute prise de décision : examen clinique O.R.L, bilan audiométrique, bilan vestibulaire, évaluation cognitive si nécessaire, bilan psychologique, bilan gériatrique, bilan orthophonique. Ce dernier permet d’observer les modalités de communication utilisées par le patient (lecture labiale, langage gestuel personnel, écriture), son niveau d’intégration auditive dans plusieurs configurations (audition seule, aide(s) auditive(s) seule(s), audition/aide(s) et lecture labiale, lecture labiale seule), ses difficultés de compréhension dans la vie quotidienne, son contrôle vocal (intensité, timbre et débit) et l’intelligibilité de sa parole (Ambert-Dahan, 2011). L’évaluation de l’adulte sourd candidat à l’implantation cochléaire ne prend donc pas en compte l’aspect purement phonologique du langage. De plus, il est impossible de tester exhaustivement les processus de traitement phonologique au moyen d’épreuves classiques. En effet, le déficit auditif écarte les tests sur entrée auditive. Les exercices doivent être adaptés en modalité visuelle pour le sujet sourd, c’est-à-dire effectués à partir d’images, par écrit, en lecture.

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I. 2. b. Pistes pour compléter l’évaluation pré-implantation

Pour objectiver la présence et la nature de la détérioration des représentations phonologiques des adultes sourds post-linguaux, plusieurs chercheurs (Lyxell et al., 2003 ; Moberly et Nittrouer, 2015) ont testé parmi de nombreuses tâches leurs capacités de traitement phonologique en comparaison à celles d’adultes NE. Les performances en fluence phonémique (ou phonologique), décision sémantique et décision lexicale, ont été explorées car elles font appel au lexique phonologique de sortie. Les résultats à plusieurs épreuves phonologiques, comme la manipulation de phonèmes, le jugement de rimes et l’appariement de mots selon un son-cible ont aussi été étudiés.

Les candidats à l’IC sont moins bons que les NE sur des tâches de conscience phonologique. L’atteinte concerne les tâches purement phonologiques (sélection du mot qui présente le même son que le mot-cible, jugement de rimes) et moins les tâches qui impliquent un traitement phonologique sans que ce dernier soit central à la réalisation de la tâche (décision sémantique et décision lexicale). Selon Andersson (2002), l’atteinte des représentations phonologiques peut affecter la capacité à faire des manipulations phonologiques rapidement. Sur la tâche de fluence phonologique, les adultes sourds post-linguaux produisent significativement moins de mots que les NE (Derieux et Guenser, 2010 ; Classon, 2014 ; Lallau et Selem 2014) seulement dans les groupes de sujets scolarisés plus de 10 ans (Santos et al., 2014). En comparant les performances des patients sur ces tâches en pré-implantation et en post-implantation, on observe que la fluence phonémique est corrélée à la perception de la parole dans le bruit avec IC chez le sujet âgé (Mosnier, 2014).

I. 3. Rééducation post-implantation et place du traitement phonologique

L’orthophoniste accompagne l’adulte devenu malentendant, appareillé ou non, afin de rétablir et/ou maintenir sa communication. La rééducation concerne l’utilisation de nouvelles techniques de communication, l’orthophoniste aide notamment le sujet sourd à apprendre à lire sur les lèvres. Dans le cas particulier d’une rééducation post-implantation, le but est d’optimiser la perception auditive grâce à un entraînement auditif progressif, de la détection de bruit à la compréhension de la parole, dans le silence et dans le bruit (Dumont, 2008 ; Collet et Cardon, 2010). Dans la prolongation de la prise en charge initiale, les exercices effectués en séance visent la compréhension de la parole dans des

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situations plus complexes : en environnement bruyant, avec plusieurs interlocuteurs, ou encore au téléphone. A la demande du patient, un travail sur l’écoute de la musique peut aussi être réalisé. On préconise une approche de rééducation globale, plus écologique qu’une approche analytique (Borel et De Bergh, 2013). La rééducation de l’adulte devenu sourd propose une réhabilitation auditive, mais aussi cognitive (Ambert-Dahan, 2011). Le but de l’orthophoniste étant de ré-entraîner les aires cérébrales auditives délaissées du fait de la privation sensorielle (Ernst, 2011).

L’évaluation du sujet sourd ne traite pas de l’aspect purement phonologique du langage, et la rééducation orthophonique suite à son implantation ne l’aborde pas de façon systématique. Or Lyxell (1998) établit que seuls les patients implantés qui avaient des représentations phonologiques comparables à celles des adultes NE en pré-implantation (c’est-à-dire les mêmes résultats aux tâches de jugement de rimes et de décision lexicale, surtout pour les homophones) sont capables de suivre et comprendre un locuteur sans lecture labiale avec l’IC. Moberly et Nittrouer (2015) affirment que les patients ont besoin d’améliorer leur sensibilité phonémique à travers l’IC, afin d’entraîner et de restaurer l’attention aux structures phonémiques du langage oral. Enfin, Lazard (2012) préconise une rééducation cognitive qui pourrait conserver la mémoire auditive et garder stable la correspondance des sons avec leurs codes phonologiques.

II. Langage écrit (BÉLAUBRE L.)

II. 1. Adaptation du cerveau sourd post-lingual à la privation sensorielle

Dans le cerveau des adultes sourds post-linguaux, il a été observé une réorganisation cross-modale des aires visuelles et auditives, qui permet de pallier les difficultés phonologiques. D’après une étude dans laquelle une tâche de rimes sur mots écrits réguliers a été réalisée sous IRMf, cette réorganisation s’avère pénalisante. L’épreuve de rimes a mis en évidence une moindre utilisation de la voie dorsale au profit de la voie ventrale chez les adultes sourds post-linguaux candidats à l’IC. De plus, à six mois de l’opération, une corrélation a été retrouvée entre la réussite de l’implant et les stratégies de lecture des patients. En effet, les sujets implantés les moins performants (score Lafon inférieur à 50% de mots) utilisent la voie ventrale et recrutent le gyrus supra-marginal droit, délaissant la voie sublexicale pour cette tâche qui nécessite pourtant un traitement phonologique (Lazard, 2010). A l’inverse, les sujets performants (score Lafon

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supérieur à 70% de mots) s’appuient principalement sur la voie dorsale, privilégiant donc la voie sublexicale, plus adaptée.

II. 2. Évaluation du langage écrit chez l’adulte sourd post-lingual

L’étude menée sur des sourds post-linguaux candidats à l’IC (Lazard et al., 2010) montre que ces derniers réussissent une tâche de rimes et une tâche sémantique aussi bien que les patients contrôles. Elle ne trouve aucune corrélation entre les scores phonologiques et les scores de reconnaissance de mots des listes de Lafon six mois après l’implantation. Les auteurs modèrent leurs résultats, l’étude sous IRMf étant initialement destinée à montrer une différence d’activation cérébrale entre patients et contrôles. En effet, elle montre une corrélation positive entre l'activation du cerveau pendant la tâche phonologique et les scores de reconnaissance de mots après implantation. Les performances phonologiques pré-implantatoires étant corrélées positivement à la perception et à la compréhension de la parole avec IC chez le sujet sourd post-lingual (Lyxell, 2003) et, les stratégies de lecture des candidats à l’implantation cochléaire étant corrélées positivement avec leur réussite à l’IC (Lazard, 2010), ces deux facteurs prédictifs restent encore à explorer.

Aussi, Lazard et al. (2010) préconisent qu’en clinique, en l’absence d’IRMf, on procède à une exploration comportementale pré-opératoire approfondie des compétences phonologiques et des stratégies de lecture pour définir quelle voie est privilégiée par les candidats à l’IC, en tenant compte de la vitesse de lecture. Cette exploration approfondie consisterait en des tests déterminant si le patient délaisse, en lecture, la voie sublexicale même lorsque c’est la plus adaptée. De la même façon, Lyxell et al. (1998), constatant que les capacités phonologiques diminuent même lorsque les patients portent des prothèses auditives, préconisent une évaluation et une prise en charge visant à améliorer la qualité des représentations phonologiques chez les adultes devenus sourds sévères.

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PARTIE A : OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES I. Objectifs

Ce mémoire a pour but de répondre aux questions suivantes :

Les représentations phonologiques des adultes sourds post-linguaux sont-elles moins précises que celles d’adultes NE appariés en âge, sexe et niveau socio-culturel ? Nous nous sommes appuyées sur les travaux de Lyxell et al. (1998 et 2003) qui ont montré que certaines épreuves moins réussies par les adultes sourds post-linguaux entraînent un traitement phonologique : les rimes permettent l’accès à la structure phonologique du mot alors que l’élision ne concerne que la manipulation de phonèmes et de syllabes.

Quelles tâches objectivent au mieux la détérioration des processus phonologiques ? Nous proposerons plusieurs tâches pour pouvoir déterminer lesquelles sont les plus sensibles au déficit du traitement phonologique.

L’atteinte concerne-t-elle plus particulièrement certains aspects des représentations phonologiques ? L’analyse des résultats item par item indiquera si l’atteinte est plus notable selon que la manipulation s’effectue au niveau des phonèmes ou des syllabes, et selon la position qu’occupe dans le mot l’élément à manipuler.

Les résultats aux épreuves phonologiques significatives sont-ils autant corrélés à la durée de privation auditive qu’à la durée de surdité sévère à profonde ? Sont-ils corrélés à la perte auditive moyenne, au niveau socio-culturel et à l’âge ?

La lecture des adultes sourds post-linguaux passe-t-elle plus par la voie d’adressage que celle des adultes NE ? La réorganisation des voies de lecture en ce sens chez les adultes sourds post-linguaux candidats à l’IC a déjà été objectivée par exploration en IRMf, (Lazard, 2010). Notre protocole regroupe des tâches de phonologie et de lecture, dans le but de valider cliniquement cette observation.

Peut-on déterminer cliniquement un profil type de candidat plus prédisposé à une bonne réussite à l’implant, et un profil de candidat qui aurait besoin d’une rééducation spécifique, plus basée sur le maintien des capacités phonologiques?

II. Hypothèses

Hypothèse 1 a : Les performances des adultes présentant une surdité post-linguale sont plus faibles que celles des contrôles aux quatre tâches phonologiques (élision syllabique,

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élision phonémique, intrus syllabiques, intrus phonémiques), à la fois en précision et en temps de réponse.

Hypothèse 1 b : Les performances en fluence phonémique des adultes présentant une surdité post-linguale sont en dessous de la norme.

Hypothèse 2 : Il n’y a pas de différence entre les sujets sourds et les sujets normo-entendants sur la tâche contrôle d’empans de chiffres envers, mais les normo-entendants réussissent mieux la tâche d’empans endroits.

Hypothèse 3 : Chez les patients, il y a un effet de la durée de surdité sévère à profonde et du degré de surdité sur les tâches phonologiques, mais pas sur les tâches d’empan.

Hypothèse 4 a : Les performances à la tâche de lecture de pseudomots en termes d’écarts-types (normes Phonolec, temps et score) sont moindres chez certains adultes sourds post-linguaux.

Hypothèse 4 b : Les résultats aux tâches mettant en jeu la voie lexicale, décision lexicale et lecture de mots réguliers et irréguliers, ne sont pas chutés en termes d’écarts-types (normes Phonolec, temps et score).

PARTIE B : MATÉRIEL ET MÉTHODE I. Population

I. 1. Critères d’inclusion et d’exclusion de la population étudiée

Les patients ayant participé à l’étude sont suivis dans le service ORL de l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière, au sein de l'Unité « Otologie, Implants Auditifs et Chirurgie de la Base du Crâne » du Professeur O. Sterkers. Tous ont reçu une lettre d’information [Annexe 1] et ont signé un document de consentement en double exemplaire [Annexe 2].

Les critères d’inclusion de notre étude sont d’être de langue maternelle française, présenter une surdité acquise post-linguale, être candidat à l’implantation cochléaire, ne pas présenter d’antécédents de troubles du langage et ne pas avoir de déficit associé (visuel, cognitif, …) empêchant la passation des épreuves.

Une population contrôle composée de 38 adultes normo-entendants (NE) appariés en âge, sexe et niveau socio-culturel a également passé les épreuves pour lesquelles il n’existe pas de normes : empans de chiffres, dénomination, élision phonémique, élision syllabique et recherche d’intrus phonémiques et syllabiques. Afin d’écarter toute personne

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ayant des troubles de l’audition non suspectés, les sujets contrôles ont répondu à un auto-questionnaire de dépistage des difficultés d’écoute et d’audition [Annexe 3].

I. 2. Présentation des sujets

Le groupe de sujets sourds est composé de 19 patients (12 femmes et 7 hommes), âgés de 38 à 83 ans, avec une moyenne d’âge de 62 ans et une médiane à 65 ans. Le groupe contrôle est composé de 38 adultes NE (24 femmes et 14 hommes), âgés de 35 ans à 83 ans, avec une moyenne d’âge de 61,8 ans et une médiane à 64,5 ans. En se basant sur la perte auditive moyenne de la meilleure oreille, seulement 4 des 19 patients inclus sont considérés en surdité profonde et 12 en surdité sévère [Annexe 4].

II. Déroulement du protocole

Les patients ont été évalués dans le service ORL de l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière, entre octobre 2015 et mars 2016. Le protocole de la présente étude dure environ 40 minutes et consiste en une seule séance de tests en modalité visuelle et orale, la plupart informatisés. Il s’est adressé à 19 adultes sourds post-linguaux candidats à l’implantation cochléaire, peu avant leur opération. La séance a eu lieu le même jour que l’une des visites du bilan pré-implantation du patient à l’hôpital (consultation ORL, bilan audio-vestibulaire, orthophonique, ou psychologique, consultation d’anesthésie, veille de l’opération, ou rendez-vous post-opératoire). Il était précédé d’un court questionnaire, dans lequel il était demandé au patient des renseignements sur son âge, sa profession et son niveau d’études, l’histoire de sa surdité et l’éventuelle rééducation orthophonique qu’il avait suivie ou qu’il suivait encore. Le protocole a été décrit au patient comme un ensemble de jeux avec les mots du français essentiellement basés sur des supports d’images, ainsi que quelques mots écrits. Il n’y avait pas besoin d’entendre mais juste de regarder pour répondre. Les exercices ont toujours été proposés dans le même ordre.

III. Présentation des épreuves

III. 1. Matériel utilisé

Le matériel utilisé pour l’élaboration du protocole est composé de cinq types de tâches, réalisées dans l’ordre présenté ci-dessous [Annexe 5]. Les patients sourds (P) et les

Figure

Tableau 1 : Tâches langagières, selon le modèle de Hillis et Caramazza (1995)
Figure 2 : Système de la boucle phonologique selon Baddeley (1974)
Figure 3 : Modèle de lecture à trois voies de Morton et Patterson (1980)
Figure 4 : Architecture du modèle à activation interactive bimodale,  adapté de Colé et al
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Références

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