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Protection de l'environnement : validité du Modèle étendu des processus parallèles (MEPP) lorsque la menace et la solution proposée sont de nature collective

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Academic year: 2021

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Protection de l’environnement : validité du Modèle étendu des

processus parallèles (MEPP) lorsque la menace et la solution

proposée sont de nature collective

Mémoire

Marlyatou Diallo

Maîtrise en communication publique

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Résumé :

Le Modèle étendu des processus parallèles (MEPP) sert de guide pour la conception de messages de peur visant à sensibiliser à des problèmes sociaux. D’après ce modèle, un message apeurant doit d’abord présenter une menace sérieuse et pertinente sans laquelle le message ne suscitera pas de réactions. Ainsi donc le modèle recommande de recourir à une forte menace à laquelle on adjoindra une forte efficacité pour provoquer les réactions les plus favorables. Au contraire, si on associe une forte menace à une faible efficacité, l’appel à la peur suscitera des réactions négatives. Nous avons voulu tester ces prédictions en recourant aux concepts de menace collective et d’efficacité collective plus adaptés au danger climatique. Les résultats de notre étude étaient en partie conformes avec le MEPP. Ainsi, le message qui contenait une forte menace collective et une forte efficacité collective était le plus persuasif. Cependant, le message qui présentait une forte menace collective et une faible efficacité collective ne suscitait pas plus de réactions négatives que le message forte menace/forte efficacité. En outre, contrairement à nos attentes, le message contenant une faible menace n’a pas suscité les réactions les plus faibles.

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TABLE DES MATIÈRES

Résumé ……….. Table des matières ………. Liste des tableaux et figure ……… Remerciements ……….. Introduction ………... 1. La publicité sociale environnementale (PSE) ……….

1.1. Du marketing social communautaire à la publicité sociale

environnementale (PSE) ……….. 1.2. Définition de la publicité sociale environnementale (PSE) ………. 1.3. Quelques obstacles au succès de la PSE………... 1.3.1. Le climato scepticisme ………... 1.3.2. Le décalage entre attitudes et comportements

pro-environnementaux ………. 1.3.2.1. Barrières liées aux caractéristiques du changement

climatique ………... 1.3.2.2. Barrières à l’échelle individuelle (contraintes internes) ……. 1.3.2.3. Barrières contextuelles (contraintes externes) ……… 1.4. L’émotion comme stratégie de persuasion en PSE ………..

1.4.1. Les émotions positives ………... 1.4.2. Les émotions négatives ……….. 2. La stratégie de l’appel à la peur ………... 2.1. Qu’est-ce qu’un appel à la peur ? ………. 2.2. Les premières théories sur l’appel à la peur ………. 2.2.1. La théorie de réduction de la pulsion motivante ……… 2.2.2. Le modèle des réponses parallèles ………. 2.2.3. Le modèle de la motivation à la protection ……… 2.3. Cadre théorique de cette étude : Le Modèle étendu des processus

parallèles (MEPP) ………. 2.3.1. Explication du MEPP ………. 2.3.2. Comparaison entre le MEPP et les autres modèles d’appel à la

peur ……… 3. L’appel à la peur et la publicité sociale environnementale ……….

3.1. Le recours à la peur pour promouvoir la protection de l’environnement.. 3.2. Quelques critiques contre le recours à la peur dans la PSE ……….. 3.3. Quelques recommandations pour un emploi efficace de la peur ……….. 3.4. MEPP et publicité sociale environnementale (PSE) ………

3.4.1. Quelques défis liés à l’application du MEPP en PSE ……… 3.4.2. Définitions des concepts de menace collective et d’efficacité

collective ……….. 3.4.2.1. La menace collective perçue ……….. 3.4.2.2. L’efficacité collective perçue ………. 3.4.3. Quelques études ayant associé le MEPP au danger climatique … 3.4.4. Formulation des hypothèses ………...

iii iv vi vii 1 3 3 6 8 8 10 11 14 16 18 20 24 27 27 28 28 29 30 32 32 34 36 36 37 39 41 41 42 42 43 44 46

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4. Méthodologie ………... 4.1. La conception du message ……… 4.2. Les variables mesurées ………. 4.3. Procédure et participants ……….. 5. Présentation des résultats ……….

5.1. La mesure de fidélité ……… 5.2. La vérification du succès de la manipulation ………... 5.3. Les tests d’hypothèses ……….. 5.3.1. Les variables liées au contrôle de la peur ……… 5.3.2. Les variables associées au contrôle du danger ………. 6. Discussion ……… 7. Limites de la recherche ……… Conclusion ………. Bibliographie ………. Annexe A : Les images publicitaires ………. Annexe B : Le questionnaire ………. 48 48 51 53 55 55 55 57 57 60 63 67 69 71 80 82

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Liste des tableaux et figure

Tableau 1 : Énoncés des messages publicitaires ………. Tableau 2 : Données démographiques ………. Tableau 3 : Coefficient de fidélité des variables ……….. Tableau 4 : Anova à un facteur pour les variables de la menace et de l’efficacité Tableau 5 : Test post-hoc pour les variables de la menace et de l’efficacité ……. Tableau 6 : Moyennes et écarts types des variables de la menace et de l’efficacité ……… Tableau 7 : Anova à un facteur pour la réactance et l’évitement défensif …….. Tableau 8 : Test post-hoc pur l’attitude et l’intention ………. Tableau 9 : Moyennes et écarts types pour la réactance et l’évitement défensif.. Tableau 10 : Anova à un facteur pour l’attitude et l’intention ………. Tableau 11 : Test post-hoc pur l’attitude et l’intention ………. Tableau 12 : Moyennes et écarts types pour l’attitude et l’intention………. Figure 1 : Le modèle étendu des processus parallèles (MEPP) ……….

50 54 55 56 57 57 59 59 59 61 61 62 34

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Remerciements :

Je souhaite remercier toutes les personnes qui m’ont aidée et soutenue au cours de ce programme de maîtrise.

D’abord, ma gratitude va à Mme June Marchand, ma directrice. Je ne la remercierai jamais assez pour sa disponibilité, pour ses conseils et explications, pour son sens de l’écoute et pour ses nombreuses qualités humaines.

Ensuite, je remercie Mme Martel et M. Charron dont les cours et les conseils m’ont permis de trouver un sujet de mémoire et d’effectuer mes premiers pas dans la recherche. Je remercie M. Gérard Leclerc qui m’a accordé un temps précieux pour mener une partie de l’expérimentation auprès de ses étudiants.

Mes remerciements vont aussi à toute ma famille au Sénégal. À mes parents dont l’amour, les prières et le soutien moral m’ont été fort précieux. À tous mes frères et sœurs. À leurs enfants, mes chers neveux et nièces, pour qui j’ai une tendre affection. Et à tous mes amis.

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Introduction :

« Le changement climatique est le plus grand défi que connaît aujourd’hui l’humanité » (Kofi Annan, 2015). Cette alerte de l’ancien Secrétaire général des Nations Unies est étayée par les conclusions alarmantes du 5ème et dernier rapport du Groupe d'experts

intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). En effet, cet organisme estime qu’avec le réchauffement, les phénomènes météorologiques extrêmes vont s’intensifier et des mégalopoles côtières seront menacées par la hausse du niveau des océans (Radio Canada, 2013). En outre, le danger climatique aura des répercussions sur la santé publique, réduira les rendements agricoles dans certaines zones et entrainera des inondations dévastatrices (Radio Canada, 2014). Ainsi, « Il pourrait aussi aggraver la pauvreté, mais aussi les chocs économiques, au cœur de violents conflits » (Ibid). L’une des possibles solutions à la crise climatique est la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, à l’issue de la 21e conférence des parties (COP21) les pays du monde entier se sont engagés

à réduire leurs émissions afin de « contenir le réchauffement sous le seuil des 2 °C » (Le Monde, 2015). Une bonne partie de cet effort de réduction devra être assumée par les États, les industries, les entreprises, etc. Mais les citoyens peuvent aussi contribuer au sauvetage de la planète en adoptant au quotidien, des gestes qui vont permettre d’économiser l’énergie.

C’est ce genre de comportements éco-responsables que cherche à promouvoir le marketing social communautaire (McKenzie Mohr et Schultz, 2000). Le marketing social communautaire est en fait une variante du marketing social qui « met l'accent sur le contact personnel direct avec les membres de la collectivité et sur l'élimination des obstacles (c.-à-d., les «barrières» qui empêchent les mesures et les comportements plus viables à long terme) » (Gouvernement du Canada, 2011). Il s’appuie sur divers outils de communication dont la publicité sociale également appelée « public service announcement ». Cette forme de publicité vise à encourager l’adoption de comportements pro-sociaux : « Public service announcements (PSAs) are designed to inform or induce certain behaviors in specific audiences, generally for noncommercial profit using mass media-approaches » (Bator et Cialdini, 2000 : 527). Pour mener à bien cette mission, le message publicitaire peut s’appuyer sur un certain nombre de stratégies dont l’appel à la peur. Il s’agit d’une stratégie

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qui exploite le potentiel incommodant du sentiment de peur pour inciter une personne ou un public cible à adopter, conserver ou modifier un comportement. Witte, Meyer et Martell proposent la définition suivante : « a persuasive message that arouses fear by outlining the negative consequences that occur if a certain action is not taken » (2001 : 2).

Depuis le début des années 1950, les théories sur l’appel à la peur se sont succédées et ont conduit au Modèle étendu des processus parallèles (MEPP). D’après ce modèle qui sert de guide pour la conception de messages de sensibilisation, le message de peur le plus persuasif est celui qui fait percevoir une forte menace et une forte efficacité (Witte, 1994, 1998). Cependant, deux défis se posent lorsqu’on souhaite appliquer cette formule pour concevoir des messages de sensibilisation à la protection de l’environnement. D’abord, les problèmes environnementaux constituent généralement une menace impersonnelle. Par exemple, le changement climatique est une menace surtout pour les populations vivant dans certaines zones à risque et pour les générations futures. Il peut ne pas être ressenti par une part de la population mondiale dont la contribution est pourtant essentielle. Cela peut réduire chez ces derniers la perception de la gravité de la menace (Scharks, 2016). Ensuite, pour faire face au réchauffement, un effort collectif est nécessaire. En effet, tandis qu’avec les problèmes de santé publique le fait pour une personne d’adopter le comportement promu suffit généralement à enrayer la menace, dans le cas des problèmes environnementaux pour que le comportement promu ait un impact significatif, il doit être adopté par le plus grand nombre. Pour faire face à ces particularités de la menace climatique, Roberto, Goodall et Witte (2009) préconisent de modifier légèrement le MEPP en portant la menace et l’efficacité perçues à un niveau collectif. Dans cette étude, nous allons tester les hypothèses du MEPP en intégrant les concepts de menace collective perçue et d’efficacité collective perçue. Notre objectif est de savoir si les prédictions du MEPP seront confirmées ou infirmées lorsqu’on est face à une menace collective nécessitant une efficacité collective perçue.

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1. La publicité sociale environnementale (PSE)

1.1. Du marketing social communautaire à la publicité sociale environnementale (PSE)

Dans son cinquième rapport publié en 2014, le GIEC évalue à 95% le degré de certitude de l’origine anthropique du changement climatique (Le Monde, 2014). L’action de l’Homme étant ainsi directement mise en cause par la science, il est important, pour faire face à la crise environnementale, d’agir sur les comportements humains. Le marketing social est précisément l’un des outils pouvant permettre d’influencer les attitudes et les comportements pro-sociaux.

Kotler et Zaltman sont les premiers à avoir défini le concept de marketing social. Ils considéraient le marketing social comme étant : « the design, implementation and control of programs calculated to influence the acceptability of social ideas and involving considerations of product planning, pricing, communication, distribution and marketing research » (1971 : 5). Cette définition suggère que l’objectif du marketing social est de promouvoir une idée. Une thèse que réfute Andreasen : « the fundamental objective of social marketing is not promoting ideas (as Kotler and Zaltman [1971] suggest) but influencing behavior » (2002 : 4). L’objectif ultime du marketing social serait donc d’orienter le comportement dans le sens souhaité. À cet effet, Kotler, Roberto et Lee proposent la définition suivante : « Social marketing is the use of marketing principles and techniques to influence a target audience to volontarily, accept, reject, modify, or abandon a behavior for the benefit of individuals, groups or society as a whole » (2002 : 5). Kotler et Lee recensent cinq grands ensembles d’objectifs sociaux que le marketing social peut aider à atteindre : « health promotion, injury prevention, environment protection, community involvement, and financial well-being » (2011 : 20). La protection de l’environnement est l’objectif social auquel ce mémoire s’intéresse.

La menace écologique est considérée comme « le danger le plus sérieux et le plus urgent qui plane sur l’avenir de l’humanité » (Traduction libre d’Oskamp, 1995 : 217). C’est dans les années 1970 que l’on a commencé à prendre conscience du fait que la croissance

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économique entraine un certain nombre de problèmes environnementaux (Peattie et Peattie, 2011 : 344). C’est durant cette même période qu’a émergé le marketing social qui s’est tout de suite intéressé à des questions environnementales comme le recyclage (Peattie et Peattie, 2009 : 4). Pour Peattie et Peattie (2009), alors que le marketing est utilisé pour encourager la consommation, le marketing social cherche à inciter à une réduction de la consommation afin de favoriser l’instauration d’un mode vie plus durable. À cet effet, ils considèrent que les recherches de McKenzie-Mohr et Smith (1999) sur le marketing social communautaire constituent une avancée majeure (Ibid). En effet, cette forme de marketing vise à promouvoir l’adoption de comportements durables en se concentrant entre autres sur l’élimination d’obstacles à l’adoption de ce type de comportements. McKenzie-Mohr est parti d’un constat : la plupart des initiatives visant à encourager l’adoption d’un comportement durable se sont principalement appuyées sur des campagnes d’information et d’éducation (2000 : 544). Selon lui, le recours à ces campagnes d’information repose sur deux fausses croyances.

La première consiste à croire qu’en améliorant la connaissance du public sur un problème et en encourageant l’adoption d’attitudes favorables à un comportement, le comportement en question sera adopté. Cependant, « a variety of studies have established that enhancing knowledge and creating supportive attitudes often has little or no impact upon behavior » (Ibid). En guise d’illustration, il cite une étude menée par Geller (1981). Des ménages ont participé à un atelier consacré à l’efficacité énergétique. À la suite de cet atelier, leurs connaissances et leurs attitudes ont subi d’importants changements mais leurs comportements sont restés les mêmes.

La seconde croyance part du principe que le comportement est fortement motivé par des considérations d’ordre économique. Pour McKenzie-Mohr, lorsque les planificateurs adoptent cette perspective, ils mettent l’accent sur les avantages économiques liés à une activité (2000 : 545). Mais, comme la première, cette perspective est également vouée à l’échec. Comme exemple, il cite une étude de Costanzo, Archer, Aronson et Pettigrew (1986). D’après ces auteurs, les services publics de la Californie ont investi 200 millions de dollars pour favoriser l’efficacité énergétique. Cependant, l’utilisation domestique de l’énergie est demeurée inchangée.

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L’auteur en conclut que les campagnes d’information sont efficaces pour sensibiliser et promouvoir une attitude mais demeurent insuffisantes pour affecter les comportements. Selon lui, cette relative inefficacité s’explique par l’existence d’obstacles à l’adoption de comportements durables que l’information à elle seule ne peut permettre de surmonter (2000 : 546). Pour McKenzie-Mohr, Schultz, Lee et Kotler, le maketing social communautaire (MSC) pourrait constituer une alternative à ces campagnes d’information (2012 : 3). En effet, le MSC est une forme de marketing qui « met l'accent sur le contact personnel direct avec les membres de la collectivité et sur l'élimination des obstacles (c.-à-d., les «barrières» qui empêchent les mesures et les comportements plus viables à long terme) » (Gouvernement du Canada, 2011). Ainsi, s’il est vrai que le MS et le MSC ont un objectif commun, à savoir encourager l’adoption de comportements bénéfiques à la société, le MSC est particulièrement utile pour promouvoir des comportements dont l’adoption peut être entravée par des obstacles externes. C’est le cas de certains comportements environnementaux comme l’usage de vélos ou de transports en commun pour économiser l’énergie. En effet, l’adoption de tels comportements nécessite l’existence de pistes cyclables et de réseaux de transport en commun de qualité. Des recherches ont d’ailleurs montré que l’approche du MSC avait donné des résultats prometteurs : « Le marketing social axé sur la collectivité s'est révélé être beaucoup plus efficace en assurant la promotion du transport actif et durable que le marketing de masse » (Transports Canada, 2010).

Le MSC est basé sur les recherches en sciences sociales qui montrent que « les initiatives qui se concentrent sur l’élimination des obstacles à une activité et l’amélioration de ses avantages sont plus à même de susciter un changement de comportement » (traduction libre d’Ibid). Son application comporte cinq étapes clés :

• Sélectionner un comportement à promouvoir. Plusieurs comportements peuvent contribuer à la protection de l’environnement : l’économie d’énergie, l’économie d’eau, le recyclage, etc.

• Identifier à l’aide de sondages ou de groupes de discussion les barrières et les bénéfices liés à l’adoption dudit comportement.

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• Conduire un projet pilote.

• Évaluer la mise en œuvre à l’échelle communautaire.

Toutefois, le MSC reprend les 4P du marketing. Ainsi, le Produit englobe les biens et services, le Prix renvoie aux avantages et barrières liés à un comportement, la Place est employée pour la commodité et enfin la Promotion concentre l’ensemble des outils de communication (la publicité sociale, les relations publiques, la promotion, etc.) (McKenzie-Mohr, Schultz, Lee et Kotler, 2012). Ainsi donc, si la publicité ne peut, à elle seule, influencer le comportement, elle demeure une partie essentielle du marketing social, d’où l’importance d’apporter un soin particulier à la conception des publicités. Dans la partie qui suit nous tenterons de définir la publicité sociale environnementale.

1. 2. Définition de la publicité sociale environnementale (PSE)

La publicité sociale est l’un des outils de communication exploités en marketing social. Pour Cossette et Daignault, le but de la publicité sociale n’est pas de vendre un produit mais de « modifier les attitudes et, le cas échéant (à plus long terme), les comportements » (2011 : 42). Les expressions pour désigner cette forme de publicité peuvent varier suivant les auteurs mais son essence reste inchangée :

Différents auteurs ont eu recours à la dénomination publicité sociale (Leiss et al., 1985), publicité sociétale (Bouchard, 1981), communication sociale (Le Net, 1988) et marketing social (De Guise, 1991) pour désigner les efforts développés en vue d'attirer l'attention ou de susciter des changements d'attitude ou de comportement sur des enjeux sociaux. (Dagenais, 1995 : 4)

D’abord, ce sont principalement les institutions publiques qui utilisaient la publicité sociale. Par la suite, « ayant pris conscience de l’importance de développer une image corporative de leur organisation au-delà du produit qu'elles vendaient » (Ibid), les entreprises privées ont commencé à recourir à cette forme de publicité. Ainsi, pour Dagenais, « Ce n'est ni la qualité de la source (l'émetteur), ni ses intentions profondes (commerciales ou politiques) qui déterminent la spécificité de la publicité sociale, mais bien le sens du message » (1995 : 5). Suivant cette logique, l’auteur estime que les campagnes publicitaires lancées par la compagnie privée Benetton pour soutenir des causes

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sociales telles que la lutte contre la discrimination raciale sont un exemple de publicité sociale. Car, pour lui, même si la campagne publicitaire n’est pas désintéressée et vise avant tout à donner une image gratifiante à cette marque, le message cherche à attirer l’attention sur un enjeu social et à orienter les attitudes et les comportements dans le sens souhaité. Dagenais fait remarquer que même les campagnes sociales émanant de l’État ne sont pas tout à fait désintéressées. Ainsi, l’État soutient des causes sociales lorsque des intérêts économiques ou politiques sont en jeu (Ibid).

En se référant à ces précisions fournies par Dagenais (1995), on peut dire que la publicité sociale environnementale est une forme de communication pouvant émaner aussi bien d’institutions publiques que d’entreprises privées et dont le message cherche à promouvoir une attitude et un comportement en phase avec la protection de l’environnement. En s’appuyant sur cette définition, il est possible de différentier la publicité sociale environnementale (PSE) de la publicité verte. Si toutes les deux cherchent à promouvoir l’environnement, le sens de leur message diffère. On parle de publicité verte lorsqu’une entreprise commerciale met en avant des arguments environnementaux pour vendre un produit commercial : « green advertising is understood as advertising a product or brand with environmental claims » (Hartmann et Apaolaza-Ibáñez, 2009 : 717). C’est par exemple le cas lorsque l’entreprise de cosmétique Yves Rocher insiste sur le caractère éco-friendly de ses produits afin d’attirer une clientèle soucieuse de la préservation de la nature. Ainsi, la publicité verte cherche davantage à vendre un produit respectueux de l’environnement qu’à inciter à l’adoption d’attitudes ou de comportements favorables à l’environnement comme s’efforce de le faire la PSE. L’économie d’énergie et le tri des déchets sont, par exemple, quelques-uns des comportements que la PSE cherche à faire adopter. Dans les pays anglo-saxons, certains auteurs comme Bator et Cialdini (2000) utilisent l’appellation Public service announcements (PSAs) pour désigner cette forme de publicité. D’après ces auteurs, The crying indian est considéré comme la plus connue des PSAs environnementales. Lancée en 1971 par l’organisation à but non lucratif Keep America Beautiful, la publicité met en scène un amérindien pagayant dans une rivière polluée. Ensuite, alors qu’il transporte son canot sur un rivage jonché par des déchets, un automobiliste jette à ses pieds, par la fenêtre de sa voiture en mouvement, un sac d’ordures.

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La camera montre alors, en gros plan, son visage triste le long duquel coule une larme. Le spot est accompagné du slogan « People start pollution, people can stop it ». Cette publicité a eu un réel succès et elle a été vue par plus de 50 millions d’Américains entre 1971 et 1999 (Dwyer, 1999 cité par Bator et Cialdini, 2000 : 528). Toutefois, comme outil de communication visant à susciter un changement d’attitudes et de comportements, la PSE doit faire face à un certain nombre d’obstacles.

1. 3. Quelques obstacles au succès de la PSE

1. 3. 1. Le climato-scepticisme

Le changement climatique est l’un des principaux défis auxquels l’humanité doit faire face et 97% des scientifiques s’accordent pour dire que l’activité anthropique en est la principale cause (Doran et Zimmerman, 2009). Cependant, « il y a encore une assez grande proportion de personnes dans différents pays qui sont sceptiques et qui nient la gravité de la menace climatique » (traduction libre d’Ojala, 2015 : 1135). Le climato-scepticisme est un ensemble d’attitudes qui remettent en cause deux thèses couramment admises par la science : les activités anthropiques sont responsables du changement climatique et ce changement va sévèrement affecter à la fois les écosystèmes et les populations humaines (Van Rensburg, 2015 : 1).

Ce phénomène est loin d’être marginal : « Many studies have shown a general decline of public concern about climate change or vice versa a rise in public climate-change skepticism, in particular in the U.S. and other Anglo-Saxon countries » (Engels, Hüther, Schäfer et Held, 2013 : 1018). Un sondage réalisé en 2014 par l’organisme de sondage britannique Ipsos MORI montre que c’est aux États-Unis que l’on trouve le plus grand nombre de climato-sceptiques (CBS news, 2014). En effet, seuls 54% des sondés Américains (contre 91% des Chinois) sont en accord avec le fait que l’activité humaine est la principale responsable du changement climatique. Les États-Unis sont suivis par la Grande Bretagne et l’Australie. Au Canada, un sondage réalisé par des chercheurs de l’École polytechnique de Montréal et du Centre interuniversitaire de recherche en analyse

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des organisations (CIRANO) révèle que 25% des Québécois seraient climato-sceptiques (Radio Canada, 2015).

Pour Dunalp, la montée du climato-scepticisme est davantage imputable à des campagnes de désinformation qu’à « la complexité et à l’incertitude » de la science du climat : « there has been an organized “disinformation” campaign that has used the complexities of anthropogenic global warming (AGW) and the inevitable uncertainties involved in scientific research to generate skepticism and denial concerning AGW » (2013 : 692). Toujours selon Dunalp, ces campagnes sont l’œuvre de coalitions d’industries (les industries du pétrole notamment) aidées par un petit nombre de scientifiques non-conformistes, certains médias, des politiciens conservateurs et plus récemment, par des blogueurs (Ibid). Au Canada, on a pu lire sur des affiches de l’organisme Friends of Science l’un ou l’autre des messages suivants : « Le soleil est le principal facteur du changement climatique. Pas vous. Pas le CO2 » et « Le réchauffement climatique a cessé depuis plus de 16 ans » (La Presse, 2015). Par la suite, ce groupe climato-sceptique a été blâmé pour « publicité trompeuse » par le Conseil des normes canadiennes de la publicité (Ibid).

Pour Dunlap et McCright (2010), les promoteurs des campagnes climato-sceptiques cherchent avant tout à remettre en cause les fondements scientifiques de l’environnementalisme. « There has been a comprehensive effort to portray environmental as ‘junk science’ » (2010 : 244). Pour ces chercheurs, cette stratégie évite aux climato-sceptiques d’avoir à s’opposer frontalement à l’idée désirable de protéger l’environnement puisque leurs campagnes nient à la fois l’existence du danger climatique et son origine anthropique. Pour Dunalp et McCright (2010), à défaut de faire adopter ces thèses négationnistes, les campagnes climato-sceptiques cherchent au moins à insuffler le doute. Et ceci dans le but de freiner l’adoption de mesures pro-environnementales contraignantes pour les industries polluantes. Les instigateurs de ces campagnes s’appuient sur le soutien de quelques rares scientifiques pour créer une impression de désaccord entre scientifiques, alors que dans les faits 97% d’entre eux appuient la thèse du réchauffement et de son origine humaine (Dunlap et McCright, 2010).

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1. 3. 2. Le décalage entre les attitudes et les comportements pro-environnementaux

Le climato-scepticisme constitue un obstacle à l’environnementalisme parce que ceux qui s’en réclament ont des attitudes défavorables à la protection de l’environnement. Une autre barrière peut se poser chez les personnes qui ont pourtant des attitudes positives par rapport à la nécessité de préserver l’environnement : la difficulté d’adopter un comportement favorable à l’environnement. Tout d’abord, Kollmuss et Agyeman définissent ainsi un comportement pro-environnemental : « behavior that consciously seeks to minimize the negative impact of one’s actions on the natural and built world (e.g. minimize resource and energy consumption, use of non-toxic substances, reduce waste production » (2002 : 240). Ce type de comportements, ou écogestes, vise « à réduire les impacts de certaines de nos actions négatives (Ex : l’usage d’ampoules à faible consommation) et/ou à encourager certaines actions positives (Ex : planter des arbres) » (traduction libre de Pruneau et al. cités par Angélique et Quimby, 2011 : 389). Des études ont montré qu’il pouvait y avoir un décalage entre attitudes et comportements concernant la préservation de la nature.

En dépit du consensus sur l'importance des problèmes d'environnement, de la conscience de la dangerosité de ces problèmes, et bien que la majeure partie de la population soit convaincue de la nécessité et de l'urgence d'agir dans les pays postindustriels, cela ne suffit pas à susciter des pratiques individuelles significatives. En somme, d’ores et déjà, on pressent que l’adhésion aux « valeurs » écologiques sera loin de suffire pour que les citoyens passent à la pratique. (Bozonnet, 2007 : 4).

Pour illustrer sa position, l’auteur cite, entre autres, une enquête réalisée par l’Institut Supérieur des Sciences de la Population (ISSP) dans 13 pays. D’après cette étude, à la question « Pensez-vous que la pollution de l’air est extrêmement dangereuse, très dangereuse, assez dangereuse, pas très dangereuse ou pas dangereuse du tout pour vous et votre famille ? », 45% des personnes sondées répondent que c’est extrêmement ou très dangereux et 38% assez dangereux pour un total de 83% d’opinions en accord avec le caractère nocif de la pollution de l’air. Or, les personnes qui font des efforts pour réduire « toujours ou souvent » la conduite automobile ne représentent que 17% de ceux qui jugent la pollution extrêmement ou très dangereuse. Plusieurs chercheurs se sont intéressés aux facteurs pouvant compromettre l’adoption d’un comportement écologique. Ces obstacles peuvent avoir différentes origines. Ils peuvent découler des particularités du danger

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climatique, ils peuvent être liés à des caractéristiques individuelles (internes) ou, enfin, ils peuvent avoir des causes sociales (externes).

1.3.2.1 Barrières liées aux particularités de l’environnement

L’environnement étant un bien collectif, deux grands défis peuvent compromettre sa bonne gestion : la tragédie des biens communs (Tragedy of the commons) et le phénomène du passager clandestin (free-riding phenomena).

La tragédie des biens communs décrit une situation dans laquelle des individus agissant dans leur propre intérêt accumulent ou surexploitent, au risque de l’épuiser, une richesse commune et accessible à tous (Tremblay-Pepin, 2013). Une autre définition est fournie par Quimby et Angélique. D’après eux, il s’agirait d’« une situation dans laquelle des individus posent des actes qui vont dans le sens de leurs intérêts personnels à court terme même si ces actions peuvent, à long terme, s’avérer préjudiciables pour l’intérêt commun » (2010 : 389). Garett Hardin (1968) fut le premier à décrire ce phénomène. Pour ce faire, il s’appuya sur l’exemple de terres que des bergers partagent pour faire paître leurs vaches. Chaque fois qu’un berger accroîtra son cheptel, sa richesse personnelle augmentera tandis que la surface de pâturage disponible pour l’ensemble des bêtes diminuera. Son intérêt personnel se réalisera donc au détriment de l’intérêt commun. À la longue, plus il y aura de vaches, moins il y aura de ressources pour les sustenter, ce qui va nuire à l’intérêt commun. Pourtant, malgré l’existence de ce risque, chaque berger pensera qu’il est dans son intérêt personnel de continuer à augmenter son cheptel parce que les autres ne se laisseront peut-être pas freiner par des scrupules. Le berger peut aussi se dire que s’il réduit son cheptel et que les autres continuent à augmenter le leur, non seulement la surface de pâturage va quand même s’amoindrir, mais il aura moins de richesses que les autres.

Un parallèle peut être fait entre cet exemple et la protection de la planète. En effet, la Terre regorge de ressources communes et accessibles mais limitées qui ne sont pas à l’abri d’une utilisation abusive qui pourrait provoquer soit leur épuisement soit une inégalité dans leur accès. Cette ressource peut être l'écosystème marin dans lequel les richesses halieutiques sont surexploitées, l’atmosphère terrestre dans lequel des gaz à effet de serre sont rejetés ou une forêt dont les plantes sont pillées (Ostrom et al., 2002). Concernant le sujet qui nous

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intéresse ici, à savoir le réchauffement de la planète, il est provoqué par l’émission de gaz à effet de serre consécutive à la consommation de l’énergie. Bien que non accessible gratuitement, l’énergie est une ressource que nous sommes libres de consommer à notre guise pour répondre à des nécessités et à un souci de confort et de prestige. L’énergie que nous consommons s’accumulent dans l’atmosphère, un bien commun et libre d’accès, et provoque un effet de réchauffement. Pour freiner ce réchauffement, il faudrait que nous réduisions notre consommation d’énergie et donc que nous consentions à quelques sacrifices. Une situation de tragédie des biens communs se posera dès lors que notre volonté de préserver notre confort l’emportera sur l’intérêt général de protéger la planète. Comme nous l’avons vu, on parle de tragédie des biens communs lorsqu’un individu refuse de faire des sacrifices parce qu’il se dit que les autres aussi s’abstiendront d’en faire. Il peut aussi arriver qu’une personne s’abstienne de fournir des efforts en se disant que les autres feront le nécessaire. On parlera alors de phénomène du passager clandestin. Une définition plus précise de cette expression est fournie par Karmer (2007). Selon lui, il s’agit de la tendance chez certains individus à profiter des répercussions positives d’actions entreprises par d’autres personnes. On peut retrouver ce phénomène dans trois principaux contextes : Dans le cas d’un bien public, dans le cas d’un bien commun et dans le cas des cartels (Pasour, Jr, 1981). Dans le cadre de ce mémoire, nous nous intéresserons seulement aux biens publics et aux biens communs. Deux caractéristiques servent à définir un bien public : la non rivalité (le bien est disponible en quantité suffisante pour que tout le monde puisse en profiter sans nuire aux intérêts de son prochain) et la non excluabilité (il n’est pas possible de restreindre l’accès à ce bien ou d’empêcher quelqu’un d’en profiter). L’air qu’on respire est un exemple de bien public. Dans ce contexte, le passager clandestin est celui qui ne fait pas d’efforts pour ne pas polluer ou pour polluer moins et qui compte sur les sacrifices des autres pour respirer de l’air pur. Tout comme les biens publics, les biens communs sont aussi non excluables mais à la différence des biens publics, les biens communs sont des biens rivaux (la ressource est disponible en quantité limitée si bien que sa surconsommation peut entrainer son épuisement et nuire à l’intérêt commun). Comme bien commun, Pasour (1981) donne l’exemple d’un gisement de pétrole qui appartiendrait à l’ensemble d’une communauté. Ici, le passager clandestin sera celui qui s’abstiendra de limiter son exploitation du gisement et qui profitera quand même du pétrole sauvegardé

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grâce au rationnement que les autres se sont imposés. L’une des particularités propres aux biens publics et aux biens communs et qui favorise le comportement de passager clandestin est l’absence de droits de propriété (Pasour, 1981). « When property rights are not clearly defined and enforced, the individual motivated by self-interest has an economice incentive to free ride at the expense of others in the group who attempt to promote self-interest through group behavior » (Ibid : 453). Le comportement de passager clandestin est aussi facilité par une des caractéristiques des biens publics et communs : la non excluabilité (Percebois, 2015). Rappelons-le, cette notion renvoie au fait qu’il n’est pas possible de restreindre ou d’empêcher l’accès à la ressource aux personnes qui ne contribuent pas à sa préservation. Par exemple, un air pur est une ressource dont tout le monde va profiter, ceux qui font des efforts pour ne pas polluer comme ceux qui n’en font pas. Or, il est possible qu’une personne rechigne à payer pour profiter d’un bien dont elle peut disposer gratuitement. Ce point permet à ce phénomène de perdurer.

Quimby et Angelique ont testé l’influence de la tragédie des biens communs (tragedy of the commons) et du phénomène du passager clandestin (free-riding phenomena) sur le comportement environnemental. Les deux chercheurs montrent que les personnes interrogées étaient réticentes à adopter un comportement pro-environnemental sans avoir l’assurance que d’autres personnes en feront autant. Un constat qui confirme l’influence négative de la tragédie des biens communs sur le comportement pro environnemental. Les résultats de l’étude ont également montré que la majorité des participants étaient des passagers clandestins : « most respondents appeared to be subtle free-riders, engaging in less pro-environmental behavior than necessary to combat global climate change (GCC) » (2010 : 393).

La tragédie des biens communs et le phénomène du passager clandestin sont des barrières liées à cette particularité de l’environnement qui en fait un bien public ou commun et non un bien personnel comme peut l’être la santé. Moser (2010) recense d’autres particularités qui peuvent constituer des défis pour promouvoir l’engagement contre le changement climatique. Quelques-unes d’entre elles sont :

• Des causes invisibles. Moser fait remarquer que l’effet de serre, principale cause du changement climatique, n’est pas perceptible et n’a pas de conséquences directes sur la santé (2010 : 33).

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• Des conséquences éloignées. « A second dimension of the lack of immediacy is the temporal and often geographic distance between cause and effect » (Ibid). L’auteure explique que, d’une part, nos émissions de gaz à effet de serre ne génèrent pas d’effets immédiats et, d’autre part, ces effets sont davantage visibles dans des zones éloignées ou non habitées comme l’Arctique. La protection de l’environnement subit donc la concurrence de problèmes jugés plus perceptibles et plus urgents tels que les problèmes socio-économiques : « Physical needs, professional demands, economic necessities, or social obligations » (2010 : 34).

• Des gratifications à l’engagement retardées ou absentes. Pour Moser, nos actions en faveur de l’environnement peuvent avoir un effet négligeable ou qui ne sera visible que dans le très long terme, ce qui peut favoriser l’inaction (2010 : 34). L’auteure explique que même si de grands efforts étaient fournis pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, il est à peu près certain qu’aucun individu vivant à notre époque n’aura la longévité suffisante pour voir germer les fruits de tous ces efforts.

• La complexité du changement climatique et l’incertitude qui en résulte. L’auteure reconnaît que de grandes avancées ont été réalisées dans la compréhension de la science du climat comme en atteste la clarté des rapports du GIEC. Toutefois, des industries fossiles ont délibérément créé l’impression d’un manque de consensus scientifique pour alimenter l’incertitude et freiner l’action (2002 : 35)

1.3.2.2. Barrières à l’échelle individuelle (contraintes internes)

Il s’agit des contraintes liées aux particularités et traits de caractère des individus. Pour Lorenzoni, Nicholson-Cole et Withmarsh (2007), le manque de connaissances est un obstacle sérieux : « One of the most easily identifiable barriers to engagement is a lack of basic knowledge about causes, impacts and solutions to climate change » (2007 : 451). En effet, selon ces auteurs, le manque de connaissances peut contribuer à étoffer le voile d’incertitude qui entoure le changement climatique : « Many of our participants were

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ambivalent about the reality and severity of climate change because they felt scientific evidence was unreliable, incomplete, conflicting ; and because they were aware of political and societal controversy and inaction over climate change » (Ibid). Cependant, pour d’autres chercheurs, l’influence de la connaissance des enjeux environnementaux sur le comportement est limitée. « Most researchers agree that only a small fraction of pro-environmental behavior can be directly linked to pro-environmental knowledge and environmental awareness » (Kollmuss et Agyeman , 2002 : 250). D’après ces auteurs, si une connaissance basique des questions environnementales est bien nécessaire, des études ont montré que des connaissances techniques très poussées ne semblent pas favoriser un comportement pro-environnemental.

Pour Lorenzoni, Nicholson-Cole et Withmarsh (2007), une autre barrière individuelle est la fatalité. Dans leur étude, les participants qui ont ce trait de caractère justifient leur inaction par le fait qu’ils ont le sentiment que le problème du changement climatique est à présent irréversible. Pour Kollmuss et Agyeman (2002), lorsqu’une personne nourrit un sentiment d’impuissance, elle peut se réfugier dans l’apathie, la résignation et le sarcasme. Un tel sentiment peut conduire la personne à cesser de s’informer sur les questions environnementales (Kolmuss et Agyeman, 2002 : 255).

Une autre importante barrière à l’engagement peut être la perspective d’avoir à changer de mode de vie et de consentir à des sacrifices. « Participants tended to be reluctant to consider changing many of their routines and habits, and to consider alternative options, even when these may be overall more individually and environmentally beneficial » (Jackson, 2005 cité par Lorenzoni, Nicholson-Cole et Withmarsh, 2007 : 453). Toutefois, Kollmuss et Agyeman expriment une position un peu plus nuancée sur le sujet. Selon eux, les gens sont disposés à consentir à des sacrifices à condition que ces derniers n’altèrent pas leur bien-être personnel et celui de leur famille (Exemple : acheter des aliments bio). Ce geste qui peut nécessiter des efforts financiers sera ainsi plus susceptible d’être adopté qu’un geste qui remet en cause le bien-être (exemple : vivre dans une petite maison) (2002 : 256). Le déni de responsabilité est l’autre obstacle à l’engagement identifié par Lorenzoni, Nicholson-Cole et Withmarsh (2007). En effet, expliquent-ils, bien que conscients de la réalité du réchauffement climatique, certains participants à leur étude estiment qu’ils n’ont qu’une responsabilité limitée sur ce problème et que, par conséquent, leur action aura un

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effet négligeable. Ils rejettent la faute sur les gouvernements, les entreprises, l’industrie et sur les autres pays.

1.3.2.3 Barrières contextuelles (contraintes externes)

D’après Steg et Vlek, la motivation n’est pas le seul facteur pouvant déterminer le comportement humain qui peut également être soumis à des facteurs contextuels. Ces derniers peuvent ainsi favoriser ou faire obstacle à l’adoption d’un comportement pro-environnemental (2009 : 312). Ils donnent les exemples suivants : les comportements de recyclage et d’économie d’énergie sont assujettis à la disponibilité d’installations de recyclage et à l’existence d’un réseau de transport en commun de qualité. D’après ces chercheurs, « dans certains cas, les contraintes sont si sévères que le changement de comportement est très coûteux et la motivation de l’individu devient alors insuffisante » (traduction libre d’Ibid).

Kollmuss et Agyeman (2002) rangent dans trois groupes les différentes barrières contextuelles : les barrières institutionnelles, les barrières économiques et les barrières sociales et culturelles.

• Les barrières institutionnelles. Elles renvoient aux infrastructures nécessaires à l’adoption de certains comportements. Exemple : l’existence d’un réseau de transport en commun de qualité pour réduire la conduite individuelle.

• Les barrières sociales et culturelles. Pour Kollmuss et Agyeman, les normes culturelles peuvent façonner le comportement (2002 : 249). Les auteurs émettent l’hypothèse selon laquelle les peuples qui vivent dans de petits pays très peuplés tels que la Suisse et les Pays-Bas sont plus consciencieux dans l’utilisation des ressources naturelles que les citoyens de grands pays riches en ressources tels que les États-Unis. Comme contrainte sociale, Lorenzoni, Nicholson-Cole et Withmarsh (2007) ont identifié la pression d’une société qui valorise un mode de vie qui nécessite une forte consommation d’énergie. Ainsi, expliquent-ils, la propriété et l’usage, par exemple des voitures et de produits électroniques, sont les symboles d’un statut social important que les gens cherchent à atteindre. Ces

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chercheurs en concluent que « l’interdépendance entre infrastructures physiques et institutions sociales restreint les changements radicaux et renforce les comportements nuisibles pour l’environnement » (traduction libre de Lorenzoni, Nicholson-Cole et Withmarsh, 2007 : 453).

• Les barrières économiques. Pour Kollmuss et Agyeman, les considérations d’ordre économique exercent une forte influence sur le comportement (2002 : 249). Ces chercheurs expliquent que cette influence peut à la fois aller dans le sens et à l’encontre d’un comportement pro-environnemental. Ils fournissent deux exemples pour illustrer ces propos. D’une part, des incitations économiques peuvent encourager les gens à recycler, d’autre part, aux États-Unis, le prix très bas du mazout empêche les gens d’économiser l’énergie. Tout en reconnaissant l’importance de prendre en compte les considérations économiques dans l’élaboration des politiques pro-environnementales, les auteurs préviennent que ces considérations ne peuvent à elles seules suffire à prédire le comportement. Ainsi, d’après les auteurs, alors que les taxes sur les déchets ont favorisé le recyclage dans certaines villes, dans d’autres collectivités de telles taxes n’ont pas permis de réduire la production des déchets. Les auteurs en concluent que « Economic factors are intertwined with social, infrastructural, and psychological fact » (2002 : 249).

L’existence de toutes ces barrières à l’adoption d’un comportement durable fait dire à McKenzie-Mohr (2000) que, si les campagnes de communication pro-environnementales peuvent effectivement aider à changer les attitudes, elles ne peuvent à elles seules suffire à influencer le comportement. Pour influencer le comportement, l’auteur propose le Marketing social communautaire. Rappelons que cette forme de marketing emprunte les 4 P du marketing originel. Ainsi, la communication (Promotion) n’est pas le seul aspect d’une campagne visant le changement de comportement. Elle vient en renfort à d’autres composantes telles que les biens et services offerts pour promouvoir un comportement (Produit), les avantages et barrières liés à un comportement (Prix) et les commodités liées à l’adoption du comportement (Place). S’ils jugent qu’à elle seule, la communication est insuffisante pour promouvoir un comportement pro-environnemental, McKenzie-Mohr, Lee, Schultz et Kotler estiment qu’elle est nécessaire et que son impact dépend des soins

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apportés à sa conception (2012 : 16). Ici la forme de communication qui nous intéresse est la publicité sociale. Pour Cossette et Daignault, afin d’assurer l’efficacité d’une publicité sociale, on doit prendre en compte quelques aspects : « le type de message et d’argument (rationnel vs émotionnel), les caractéristiques du public-cible, les caractéristiques de la source, les canaux de communication » (2011 : 42). D’après ces auteurs, la recherche permet de définir « les meilleures stratégies à adopter avec le public-cible, d’identifier les promoteurs les plus crédibles, de recueillir de l’information à propos de l’auditoire et de déterminer les facteurs qui peuvent aider ou entraver la campagne » (Ibid). Ce mémoire s’intéresse à l’utilisation du sentiment de peur pour promouvoir des attitudes et comportements favorables à l’environnement. Nous allons donc nous intéresser à la composante de la publicité sociale qui intègre cette émotion : le message et plus précisément, le recours aux émotions.

1. 4. L’émotion comme stratégie de persuasion en PSE

Pour Aristote, trois éléments d’un discours peuvent mener à la persuasion : l’éthos (la crédibilité de l’orateur ou de la source), le logos (les arguments logiques et rationnels) et le pathos (les arguments émotionnels) (McCormack, 2014). La présente étude s’intéresse au pathos ou à la stratégie de persuasion par le recours à l’émotion. Tout d’abord, l’émotion peut être définie comme « un sentiment fort ou l’éveil d’un état mental dirigé vers un objet spécifique » (traduction libre de Reichert, 2008). Un certain nombre d’aspects distinguent l’émotion de l’humeur.

Emotions are typically episodic (provoked by a particular circumstance), exhibit a relatively brief duration, and are comparatively intense. Alternatively, moods are typically tonic (more global and diffuse in character), are not usually tied to any particular provoking incident (and thus typically have no obvious cause), often endure for considerable periods of time, and are milder than emotions. (Burleson et Rack, 2008)

En communication, l’émotion peut se présenter sous différents aspects. Ainsi, « Elle peut être une réponse à un stimulus (Ex : la peur qui nait de l’exposition à un message menaçant), elle peut motiver le comportement (Ex : la colère qui peut conduire à l’agressivité) ou bien elle peut être un but en soi » (traduction libre de Dietrich, 2013 : 18

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citant Rathus, 2012). De ces trois possibilités, celle qui perçoit l’émotion comme une réaction à une sollicitation ou une variable dépendante est la plus répandue : « The contributions of different theories of emotion to communication research are most evident when emotion is considered as a dependent variable impacted by communication processes and contents » (Burleson et Rack, 2008). Ainsi, les chercheurs en publicité sociale s’intéressent particulièrement à la façon dont les contenus publicitaires peuvent générer des émotions ciblées. Toutefois, il peut également arriver que l’émotion soit à l’origine d’une attitude ou d’un comportement et devient alors une variable indépendante. « Communication research examining emotion as an independent variable seeks to understand how emotional (or affective) states influence communication processes and outcomes » (Ibid). Par exemple, on peut chercher à comprendre comment l’émotion de peur peut affecter l’attitude et le comportement. Le cadre théorique de la présente recherche prend en compte ces deux perceptions de l’émotion. En effet, d’après le MEPP, l’exposition à un stimulus menaçant (message de peur) peut générer chez l’individu une émotion ciblée (la peur) qui pourrait l’inciter à réagir (attitudes et comportements). Ce modèle sera expliqué plus loin.

Burleson et Rack (2008) justifient le bien-fondé du recours à l’émotion en communication en ces termes : « Emotion is a core part of human experience and, as such, plays a central role in numerous aspects of human communication ». En outre, les émotions peuvent influer sur le jugement et le choix des individus : « Research shows that emotion can have a significant, direct impact on judgment and choice » (Loewenstein et Lerner, 2003 cités par Dietrich, 2013 : 18). Cela est vrai aussi bien pour les émotions qui naissent d’une situation naturelle que pour celles qui sont induites de façon expérimentale (Damasio, 1994 ; Wilson, Lisle, Schooler, Hodges, Klaaren, et LaFleur, 1993 cités par Dietrich, 2013 : 18). Toutefois, malgré son potentiel de persuasion, l’émotion est utilisée de façon marginale dans les études sur le comportement pro-environnemental qui se concentrent davantage sur des stratégies s’appuyant sur les habitudes, les normes et l’information (Gibson, 2016 : 18). Pourtant, des études ont montré que les arguments émotionnels peuvent s’avérer plus efficaces pour motiver le comportement que les arguments rationnels. Ainsi, quelques chercheurs se sont intéressés au recours aux émotions comme facteur pouvant influencer la réponse du public face à un risque ou une nuisance (Finucane,

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Alhakami, Slovic et Johnson, 2000 ; Smith et Leiserowitz, 2012 cités par Smith et Leiserowitz, 2014 : 938). Ces chercheurs sont convaincus que les gens se fient davantage aux émotions qu’aux cognitions au moment de prendre une décision concernant certains problèmes sociaux tels que le changement climatique. Une position qu’ils justifient en ces termes :

Affect is processed quickly, automatically, and efficiently and enables people to make daily decisions with relatively little cognitive effort and studies have found that an “affect heuristic” is strongly associated with risk perceptions and policy support for a range of risk issues, including global warming. (Ibid)

Néanmoins, au lieu de mettre en concurrence les arguments rationnels et émotionnels, certains auteurs préconisent une utilisation conjointe de ces deux types d’arguments. Ainsi, Pooley et O’connor « found that the inclusion of both cognitive and affective variables as antecedents for environmental attitudes greatly improved the strength of their model predicting pro-environmental behavior » (2000 cités par Robertson, 2015 : 145).

La notion de valence permet de classer les émotions dans deux catégories en fonction de leur caractère plus ou moins agréable. Ainsi, « Les émotions positives sont appréhendées à travers le plaisir qu’elles induisent et les émotions négatives à travers le déplaisir qui leur est associé » (Ibanez, Moureau et Roussel, 2015 : 261). Par exemple, l’humour et l’empathie sont des émotions positives tandis que la culpabilité et la peur sont des émotions négatives.

1. 4. 1. Les émotions positives

En s’appuyant sur la théorie de Fredrickson (1998, 2001), Carter (2009) montre que les émotions positives peuvent être plus efficaces (que les émotions négatives) pour encourager des comportements respectueux de l’environnement. Fredrickson expose le mérite des émotions positives.

They (positive emotions) broaden people’s ideas about possible actions, opening our awareness to a wider range of thoughts and actions than is typical.... Positivity opens us. The first core truth about positive emotions is that they open our hearts and our minds, making us more receptive and more creative (Fredrickson, 2009 : 21 cité par Carter, 2009 : 15).

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D’après Carter (2009), les émotions négatives appellent des réactions « spécifiques » (Ex : la peur qui incite à la protection) et « immédiates » tandis que les réactions générées par les émotions positives sont, elles, plus « durables » et plus « diffuses ». Carter poursuit en indiquant que les émotions positives peuvent aider l’individu à prendre conscience que, du fait de son appartenance à la Terre, le bien-être de la planète est étroitement lié au sien (Ibid). L’empathie et l’humour sont quelques-unes des émotions positives employées en publicité. Elles sont présentées dans les lignes qui suivent.

L’empathie

L’empathie peut être définie comme étant : « the imaginative act of stepping into the shoes of another person, understanding their feelings and perspectives, and using that understanding to guide our actions » (Krznaric, 2014 : 3). Cependant, contrairement à ce que pourrait laisser croire cette définition, l’empathie n’est pas exclusivement dirigée vers un être humain. Elle peut aussi concerner d’autres êtres vivants comme les animaux ou les végétaux (Zillmann, 2008). Le fait de chercher à susciter l’empathie est une stratégie de persuasion de plus en plus mise en avant pour faire face à de nombreux défis planétaires incluant le réchauffement. « Empathy is coming to be seen as one of the fundamental forces for tackling global challenges ranging from humanitarian emergencies and violent political conflicts to the climate crisis and biodiversity loss » (Krznaric, 2014 : 3).

Plusieurs études soutiennent le fait que « l’induction de l'empathie peut être une technique puissante pour créer des attitudes environnementales plus responsables » (traduction libre de Berenguer, 2007 : 270). Pour appuyer cette affirmation, Berenguer cite, entre autres, une étude menée par Schultz (2000). Ce dernier a réparti les participants à son étude dans trois groupes avant de les exposer à l’un des trois tableaux qui suivent : le premier met en scène des gens se livrant à une activité de plein air, la deuxième montre des animaux dans leur environnement naturel et le dernier, des animaux affectés par l’activité humaine (Ex : un phoque pris au piège dans un filet de pêche ou un oiseau avec un sac en plastique autour du cou). Un questionnaire qui a servi à mesurer les attitudes après exposition au message a montré que les participants qui ont vu le message montrant la souffrance des animaux ont exprimé plus de « préoccupations environnementales ».

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« Comment les décideurs, les organisations non gouvernementales et les activistes doivent-ils s’y prendre pour impulser une révolution en s’appuyant sur le pouvoir de l’empathie ? » (Traduction libre de Drewes 2013 : 9). Pour répondre à cette question, l’auteur s’appuie sur la théorie de Krznaric (2007, 2008) qui soutient le fait qu’un projet de promotion de l’empathie doit prendre en compte trois aspects : « conversation, education and experience » (2013 : 9). D’après les explications du chercheur, la conversation renvoie à un dialogue qui peut aider à prendre conscience du vécu des personnes affectées. L’éducation implique l’apprentissage à l’aide de sources telles que les sites web, les livres, les films, etc. Enfin, l’expérience permet d’avoir un aperçu de la vie ou de l'expérience quotidienne d'autrui (Ibid). Dans tous les cas, Drewes recommande de miser sur la personnalisation : « All these aspects should be as personalised as possible so that a profound emotional connection can be established » (2013 : 9).

En 2015, le gouvernement du Québec a investi 1,2 million$ dans une campagne intitulée « Faisons le pour eux » et qui s’appuie sur l’empathie (TVA Nouvelles, 2015). En effet, dans une publicité télévisuelle qui dure une trentaine de secondes, on voit défiler des images d’enfants tristes contemplant, impuissants, les ravages subis par la nature (l’érosion, les inondations, le smog, etc.). La voix qui accompagne le spot nous explique que ces enfants ne peuvent rien faire pour stopper ces ravages mais que nous, nous le pouvons. Le spot se termine sur la recommandation « Faisons le pour eux ». L’empathie peut ainsi être dirigée à la fois vers des personnes affectées et vivant à la même époque que nous, vers des plantes ou des animaux ou encore vers les générations à venir.

L’humour

Romero et Cruthirds définissent l’humour comme étant « amusing communications that produce positive emotions and cognitions in the individual, group, or organization » (2006 : 59). Dans le Petit Robert on retrouve la définition suivante : « Forme d'esprit qui consiste à présenter la réalité de manière à en dégager les aspects plaisants et insolites ». Ces deux définitions mettent l’accent sur un des traits caractéristiques de l’humour : l’amusement. Dès lors, on peut se demander si une telle stratégie de persuasion est compatible avec certains sujets graves et potentiellement effrayants tels que des maladies mortelles (Exemple : le cancer dû au tabagisme) ou encore le réchauffement de la planète. Oui,

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répondent Blanc et Brigaud (2013) dont l’article porte un titre assez révélateur : « Pourquoi ne pas rire de ce qui nous fait peur ? ». Ces deux auteurs ont mené une étude qui a montré que l’humour avait le pouvoir de capter et de maintenir l’attention du public. Ils ont aussi noté que, comparé à un message neutre, un message humoristique était mémorisé de façon plus durable. Une solide mémorisation qui s’expliquerait par : « les efforts cognitifs nécessaires pour accéder au sens humoristique du message » (201 : 71). Enfin, l’étude a révélé que les messages humoristiques pouvaient être convaincants et empêcher la contre argumentation. On retrouve chez Lyttle (2001) cette faible corrélation entre l’humour et la contre argumentation. Cet auteur nous explique que les messages humoristiques créent un « affect positif ». Or, les personnes qui sont de bonne humeur ont moins tendance à s’opposer aux messages persuasifs (Lyttle, 2001). La satire peut notamment être utilisée pour aborder des problèmes graves et sérieux comme le réchauffement climatique et favoriser l’engagement du public (Bore et Reid, 2016). Ces chercheurs ont identifié deux avantages liés au recours à la satire : « First, satire can facilitate audience reflection, investigation and action. Second, the use of humor can help audiences manage feelings of fear, helplessness, and guilt, which may otherwise prevent them from taking action » (2016 : 456). Toutefois, les communicateurs doivent faire face à un défi inhérent à cette stratégie. Ils doivent en effet trouver un juste équilibre entre la volonté de faire rire et celle d’alerter les gens sur une situation d’une extrême gravité. Il ne faudrait pas que l’humour éclipse le sujet à propos duquel il est supposé sensibiliser. « They must ensure that the climate change issues they represent are taken seriously, while satisfying audience demands for laughter » (Ibid). Ainsi, il arrive qu’on parle du réchauffement sur un ton humoristique. Par exemple, le célèbre comédien américain Stephen Colbert a publié ce tweet pour rire du climato scepticisme : « Global warming isn't real because I was cold today ! Also great news : World hunger is over because I just ate ». Toujours pour tourner en dérision les sceptiques du climat, le site Funny or Die (2015) a conçu une PSA humoristique intitulée « Climate Change Denial Disorder (CCDD) ». Dans cette publicité, le narrateur nous explique que le CCDD est une maladie qui s’attaque au cerveau et empêche la personne infectée de comprendre des mots comme « science », « factual » ou « melting ». Ensuite, on retrouve dans le spot trois personnages atteints de CCDD. D’abord, il y a un politicien républicain pagayant sur une flaque d’eau dans un parking comme s’il était dans la mer et inconscient

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des signes du changement climatique qui s’opèrent autour de lui et qui indique : « Je vais attendre jusqu'à ce que d'autres merdes horribles arrivent à notre planète - et je suis un sénateur, alors heureusement, je prends ces décisions pour nous tous ». Le deuxième personnage dénigre les scientifiques en les traitant de « nerds ». Enfin, le troisième personnage qui est une femme exprime ses doutes concernant la relation changement climatique / fonte de la calotte glaciaire. Selon elle, cette fonte est due à l’engraissement de l’ours polaire qui est devenu beaucoup trop gros pour son habitat naturel. Cette publicité a eu beaucoup de succès et a été nommé aux Environnemental Media Awards dans la catégorie « meilleur court métrage numérique ».

Pour finir, l’humour peut également être employé pour tempérer les effets négatifs pouvant découler de l’utilisation de la peur (Mukherjee et Dubé, 2012). Ces auteurs expliquent qu’une peur intense peut susciter des réponses défensives qui vont réduire son pouvoir de persuasion. L’humour peut aider à réduire ces réponses négatives et augmenter la persuasion (Ibid).

1. 4. 2. Les émotions négatives

Les émotions négatives sont utilisées pour générer un « déséquilibre émotionnel » que l’individu peut réguler en adoptant le « comportement promu » (Brennan et Binney, 2010 : 141). Le recours à ces types d’émotions repose sur un objectif précis : « The instigators hope that by creating discomfort people will be motivated to act (or not) to decrease the feeling of discomfort » (Ibid). Les émotions négatives sont donc surtout utilisées lorsque le comportement qu’on cherche à modifier peut engendrer « des conséquences dangereuses et aversives » (Dietrich, 2013 : 25-26). Elles sont ainsi souvent employées dans des campagnes visant à enrayer des problèmes de santé publique pouvant gravement nuire au bien-être de l’individu (Ex : le tabagisme, l’usage de stupéfiants, les pratiques sexuelles à risque, etc.) (Ibid). Mais, les émotions négatives peuvent également aider à soutenir des causes environnementales. D’après Russel (2006), des études menées par Kantola et al. (1984) et Aitken et al. (1994) ont montré que les émotions négatives étaient efficaces pour motiver l’adoption de comportements de conservation de l’eau et de l’énergie (2006 : 5). Cependant, le recours aux émotions négatives présente le risque d’inhiber le comportement

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souhaité et de motiver un comportement inadapté. L’existence d’un tel risque est corroborée par les recherches de Witte (1994) avec son modèle d’appel à la peur. En effet, d’après le MEPP, lorsqu’il n’y a pas de solution efficace pour faire face à une menace forte, l’individu aura tendance à activer des mécanismes de défense tels que l’évitement, la réactance ou le déni. Ainsi, il est important d’adjoindre aux émotions négatives telles que la peur, un sentiment d’efficacité qui va aider l’individu à faire face au problème en adoptant le comportement souhaité. Nous allons nous intéresser aux recherches réalisées en publicité environnementale sur deux émotions négatives : la culpabilité et la peur. La peur étant l’émotion à laquelle ce mémoire s’intéresse, nous nous attarderons davantage sur elle.

La culpabilité

Renner et al. définissent ainsi la culpabilité : « a form of emotional distress that occurs in interpersonal relationships and results from the belief in having violated a social standard or ethical principle » (2015 : 240). Ce sentiment peut avoir un impact négatif sur la personne qui en fait l’expérience : « La culpabilité peut conduire à une évaluation négative de soi et, par conséquent, entrainer une baisse de l'estime de soi » (traduction libre de Bedford, Tracey et al., 2011 : 5 citant Burnett, 1994). L’appel à la culpabilité est ainsi « un appel à une émotion négative qui va créer un déséquilibre émotionnel et motiver l’adoption d’attitudes et de comportements favorables » (traduction libre de Renner et al. 2013 : 240). Cette stratégie est utilisée pour promouvoir des causes sociales telles que le don de sang ou encore la protection de l’environnement.

Pour tester la capacité des « émotions morales » telle que la culpabilité à favoriser l’action environnementale, Rees, Klug et Bamberg (2015) ont réparti les participants à leur étude dans deux groupes avant de les exposer à l’une ou l’autre de leurs deux conditions expérimentales. Dans la première condition les participants sont exposés à des dommages environnementaux causés par l’homme, et dans la seconde les participants sont exposés à des dommages d’origine naturelle. Les résultats ont montré que les personnes confrontées à des dégâts environnementaux d’origine anthropique étaient plus susceptibles d’afficher « spontanément » un comportement pro-environnemental. « We were able to empirically

Figure

Figure 1 : Le Modèle étendu des processus parallèles (MEPP)
Tableau 1 : Énoncés des messages publicitaires et proportions de la menace et de l’efficacité contenues   dans chaque message
Tableau 2 : Données démographiques
Tableau 3 : Coefficient de fidélité des variables
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Références

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