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2. La stratégie de l’appel à la peur

2.3. Cadre théorique de cette étude : Le Modèle étendu des processus

Kim Witte (1992) s’est inspirée des théories antérieures sur l’appel à la peur pour développer le MEPP. Le MEPP « s'appuie sur la théorie PMT de Rogers [...], incorpore certains aspects du Fear- Acquired Drive Model de Hovland, Janis et Kelly (1953) et repose en partie sur le Parallel Process Model de Leventhal (1970) » (Moreau, 2003 : 147). Cependant, le MEPP va plus loin en corrigeant les lacunes des modèles qui l’ont inspiré. Ainsi, « Witte (1992) spécifie quel processus, du contrôle du danger ou de la peur, prend le pas sur l'autre après lecture ou écoute d'un message persuasif. Ce que ne faisait pas Leventhal (1970) » (Girandola, 2000 : 344-345). En outre, tout en reprenant les propositions de Rogers (1975) sur le contrôle du danger, le MEPP explore le processus de contrôle de la peur à propos duquel le modèle de Rogers est resté muet (Witte, 1992 : 337). En clair, « The MEPP integrates and expands on previous perspectives to explain when and why fear appeals work and when and why they fail », (Witte, 1998 : 428).

2. 3. 1. Explication du MEPP

D’après le MEPP, lorsqu’un individu est exposé à un message de peur, il procède à deux évaluations successives : celle de la menace perçue puis celle de l’efficacité perçue. Ces évaluations peuvent conduire à trois réponses possibles : « no response, acceptance or rejection » (Witte, 1998 : 428). Dans un premier temps, l’individu évalue la menace perçue. Pour ce faire, il évalue la sévérité du danger et sa propre vulnérabilité par rapport à ce danger. Si à l’issue de cette évaluation, il juge la menace faible ou non pertinente, il sera peu ou pas motivé à poursuivre le traitement du message. « They just ignore it and don’t respond to the risk message because they believe the threat doesn’t really affect them anyway », (Witte, Meyer et Martel, 2001: 24). Cette situation correspond au no response. Par contre, une menace sérieuse et pertinente éveille chez l’individu une peur qui va le pousser à poursuivre le traitement du message en procédant à une seconde évaluation : celle de l’efficacité perçue. Pour cela, il évalue la capacité de la recommandation à enrayer

la menace (efficacité de la solution) et sa propre capacité à adopter cette recommandation (auto efficacité). Lorsque l’efficacité perçue lui paraît faible ou inexistante, l’individu va se sentir incapable de faire face au danger. La peur éveillée lors de l’évaluation de la menace va alors s’intensifier. Pour s’en protéger, il va activer des mécanismes de défense : « Individuals usually use psychological defense strategies to control their fears, such as defensive avoidance, denial or reactance », (Witte, Meyer et Martell, 2001 : 26). On dira que l’individu s’engage dans la voie du contrôle de la peur : « Fear control occurs when people face a serious threat, but focus inwardly on the fear, rather than the problem at hand », (Perloff, 2003 : 192). Toutefois, si au terme de l’évaluation de l’efficacité l’individu se sent en mesure de faire face efficacement à la menace, il sera motivé à accepter la recommandation contenue dans le message pour se protéger du danger. « When individuals control the danger, they take actions to protect themselves against it », (Witte, Meyer et Martell, 2001 : 26). On dira que l’individu emprunte la voie du contrôle du danger. « Danger control occurs when people perceive that they are capable of averting the threat by undertaking the recommended action », (Perloff, 2003 : 192). Des trois réponses possibles à un message de peur, le contrôle du danger est celle qui correspond au succès de l’appel à la peur. L’absence de réponse ou le contrôle de la peur traduisent un échec du message de peur (Witte, 1992).

Ainsi donc, face à un message de peur, les personnes qui se trouvent dans la troisième condition (forte menace + forte efficacité) auront des attitudes et des comportements plus favorables que celles qui se trouvent dans les deux autres conditions. Les personnes qui se trouvent dans la seconde condition (forte menace + faible efficacité) auront davantage tendance à se réfugier dans le déni, l’évitement défensif ou la réactance. Enfin, les personnes qui se trouvent dans la première condition (faible menace) auront les plus faibles scores en termes d’attitudes, de comportements, de réactance, de déni, etc. Autrement dit, ils seront dans une situation d’indifférence qui se traduirait par des réactions plus faibles que celles des membres des deux autres groupes.

Figure 1 : Le Modèle étendu des processus parallèles (MEPP)

Gould, G. S., Watt, K., Cadet-James, Y., & Clough, A. R. (2015). Using the risk behaviour diagnosis scale to understand Australian Aboriginal smoking — A cross-sectional validation survey in regional New South

Wales. Preventive Medicine Reports, 2, 4–9.

2. 3. 2. Comparaison entre le MEPP et les autres modèles

Witte, Meyer et Martell (2001) recensent 4 grandes différences entre le MEPP et les modèles qui l’ont précédé.

D’abord, il est vrai que le modèle de Rogers (1975) soutient le fait qu’un individu confronté à un message apeurant va évaluer ses quatre composantes (sévérité, vulnérabilité, efficacité de la réponse et auto efficacité). Mais il ne précise pas dans quel ordre ces variables sont évaluées. « It was assumed people exposed to a risk message would process it all at once », (Witte, Meyer et Martel, 2001 : 30). Or, le MEPP indique que les variables de la menace seront évaluées avant celles de l’efficacité. D’après le MEPP, il existe une relation de complémentarité entre la menace et l’efficacité : « la menace motive à l’action tandis que l’efficacité détermine la nature de cette action : contrôle de la peur ou contrôle du danger » (traduction libre de Witte, 1992 : 338).

Ensuite, le MEPP établit une différence entre la peur et la menace perçue, deux concepts que les modèles antérieurs considéraient comme des synonymes. D’après le MEPP, bien

que ces concepts soient corrélés, ils sont différents. La peur naît de l’évaluation d’une menace sérieuse et pertinente : « the emotion fear is aroused when a serious or personally relevant threat is perceived » (Witte, 1994 : 114).

Troisièmement, les premières études sur l’appel à la peur se limitaient à la mesure de l’attitude, de l’intention et du comportement. Les réactions négatives (le déni, l’évitement, la réactance …) n’étaient pas mesurées. Or, « The MEPP suggests that in addition to measuring danger control responses, researchers should measure fear control responses such as defensive avoidance, denial, or reactance », (Witte, Meyer et Martell, 2001 : 30). Enfin, les premiers modèles d’appel à la peur étaient incapables d’expliquer l’échec des messages de peur. Pour l’MEPP, il existe deux explications à cet insuccès : « (a) the message failed to produce any response, people simply did not process it ; or, (b) the message produced fear control outcomes such as defensive avoidance, denial, or reactance », (Ibid).

Après avoir développé le MEPP en 1992, Witte a pu le tester deux ans plus tard en 1994 avec la problématique du VIH. « Les sujets étaient exposés à un message de peur contenant une forte menace associée dans une première condition à une forte efficacité des moyens de prévention, dans une seconde condition à une faible efficacité de ces mêmes moyens » (Girandola, 2000 : 345). Les résultats ont montré que les personnes placées dans la première condition étaient plus favorables au comportement promu (le port du préservatif) que celles placées dans la seconde (Ibid). Cette étude est la première d’une importante série de vérifications empiriques du modèle de Witte. « Tractor safety, skin cancer, HIV/AIDS prevention, dental hygiene, genital warts, radon awareness, violence prevention, and electromagnetic fields are some of the topics in MEPP studies » (Witte, Meyer et Martell, 2001 : 31). Le MEPP est utilisé à la fois comme un guide pour la conception de messages de peur et comme un outil d’évaluation des campagnes sociales. « The MEPP may be useful for guiding campaign material development as well as for evaluating the effectiveness of existing public health campaigns » (Witte, 1998 : 446). Le MEPP est considéré comme « le modèle le plus complet et le plus intéressant à tester » (Gallopel et Peter, cités par Daignault, 2007 : 104).

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