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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Éducanet, programme d'éducation critique aux risques d'Internet

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXV, 2003

EDUCAUNET – PROGRAMME D’EDUCATION CRITIQUE

AUX RISQUES D’INTERNET

Thierry DE SMEDT, Lysiane ROMAIN

Groupe de Recherche en Médiation des Savoirs – Université Catholique de Louvain

MOTS-CLES : EDUCATION – MEDIAS – INTERNET – RISQUE – JEUNES

RESUME : Face à Internet, les jeunes doivent être capables d’en apprécier la richesse, tout en

évaluant avec justesse ses dangers, sans paranoïa ni naïveté. Les jeunes semblent rarement conscients des risques d’Internet. Dès lors, quel type d’éducation doit-on adopter pour leur permettre de prendre correctement les risques liés à l’usage d’Internet. Le projet Educaunet s’inscrit dans une approche davantage préventive que protective. Les outils et méthodes Educaunet visent à accompagner les jeunes de tous âges dans leur découverte et leur appropriation critique du réseau.

ABSTRACT : Face to Internet, the young people have to appreciate its wealth and evaluate with

accuracy its dangers, without paranoia or naivety. The young people seemed rarely aware of the Internet risks. So, which type of education adopt to allow them to take correctly the risks linked to the use of Internet ? The Educaunet project adopts a preventive approach, rather than a protective. The Educaunet tools and methods aim to accompany the young people in their Network discovery and their appropriation.

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Internet est un événement majeur dans l’histoire de la communication sociale. En quelques années, il est devenu un outil majeur d’information, de communication et de divertissement. Cependant, comme chaque fois qu’arrive un nouveau média, Internet soulève chez les adultes de nombreuses questions, surtout lorsqu’il est utilisé par des jeunes.

1. LA POSITION DU PROBLEME

Les nouvelles caractéristiques médiatiques d’Internet : l’interactivité, l’interaction, l’immanence des informations, l’imprévisibilité de la navigation en font un univers incertain, perpétuellement inconnu, qui appelle de nouvelles compétences de la part des utilisateurs par rapport aux anciens médias. Si Internet apparaît comme risqué pour un jeune, c’est parce qu’il est à la fois potentiellement bénéfique, par ses énormes possibilités d’information et d’échange, et à la fois dangereux, en ce qu’il confronte le petit humain, peu préparé, à tout ce que ses contemporains peuvent avoir dans l’idée de faire avec lui. Cette ambivalence est préoccupante parce que le déroulement d’une navigation sur Internet sera toujours teinté d’incertitude. En cela, Internet s’oppose radicalement au système scolaire, caractérisé par la confiance en l’enseignant et la certitude du savoir scientifique, tel que celui-ci est le plus souvent appréhendés par le jeune.

1.1 Qu’est-ce qui fait particulièrement d’Internet un univers incertain ?

D’une manière générale, les médias peuvent se caractériser, d’une part, par le type de relation qu’ils permettent entre les usagers, et, d’autre part, par les contenus qu’ils véhiculent. Selon Geneviève Jacquinot et Monique Linardi, deux sortes de relations peuvent être induites par les médias : l’interaction et l’interactivité. L’interaction concerne les comportements d’action-réaction entre deux ou plusieurs individus provoqués grâce au média. L’interactivité désigne la propriété des médias de permettre un « dialogue » plus ou moins poussé entre l’utilisateur et sa machine. Par rapport à des médias traditionnels, nous pouvons dire qu’Internet favorise un haut degré d’interaction et d’interactivité. D’une part, nos observationsii montrent que les jeunes utilisateurs d’Internet partagent leurs expériences et utilisent Internet pour communiquer entre eux. D’autre part, Internet est sans doute le média qui permet à son utilisateur d’intervenir le plus activement dans son parcours médiatique. Concernant les contenus médiatiques, on remarque qu’ils peuvent être soit transcendants, soit immanents, au sens où le rappelle souvent Pierre Lévyiii. Un média transcendant est celui dans lequel les contenus médiatiques sont élaborés dans un processus de

sélection, souvent centralisé, et dont les utilisateurs n’ont que peu, voire aucune, influence directe sur les contenus. C’est le cas de la plupart des médias traditionnels. Internet, quant à lui, se définit

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comme un média immanent. Il s’agit désormais d’une construction collective, quoique sans coordination supérieure, des contenus médiatiques. Avec Internet, chacun est susceptible de devenir pourvoyeur d’information, sans devoir se soumettre à une autorité ayant le pouvoir de sélectionner les contenus selon des critères prédéfinis. Cette nouvelle liberté de consulter et de diffuser des informations est certainement l’aspect le plus novateur, mais aussi le plus problématique d’Internet. Il en résulte notamment que les contenus véhiculés sur Internet sont, au contraire des autres médias, imprévisibles, très diversifiés et en permanente reformulation, rendant plus que jamais nécessaire leur permanente responsabilisation par l’usager.

2. INTERNET ET LES JEUNES

2.1 Une recherche internationale pour mieux comprendre les jeunes devant Internet

La presse relate régulièrement des événements spectaculaires liés à l’usage d’Internet par les jeunes : disparitions inquiétantes après avoir communiqué avec quelqu’un, jeunes hallucinés du web, arnaques commerciales, rumeurs, traumatismes liés au sexe et à la violence circulant sur le web, coups de force de jeunes hackers géniaux, vie sauvée grâce au web. Sans nier que « ces choses-là » puissent se produire, l’enquête Internet et les jeunesiv, que nous avons menée en 2000v,

projette un éclairage incontestablement plus serein sur la réalité d’Internet. L’attente du sensationnel que prêtent souvent les médias au public reflète probablement davantage les appréhensions de certains adultes que la situation dans laquelle se trouve la plus grande part des jeunes utilisateurs d’Internet. Quel est, alors, le regard que ceux-ci portent sur Internet ?

2.2 Les risques vus par les jeunes

Les jeunes sont généralement positifs à l’égard d’Internet, ils n’y voient pas de menace. Ce n’est que lorsqu’on évoque avec eux la possibilité de rencontrer des dangers sur Internet qu’ils la reconnaissent. Mais même alors, ils estiment que ces dangers concernent les autres. En plus de faire prendre conscience aux jeunes de l’existence de dangers sur Internet, il convient donc de les aider à identifier les dangers liés à leur propre parcours d’internaute.

Sollicités sur la question des risques, les jeunes citent des risques de différentes natures : virus ; sites racistes, pornographiques et pédophiles ; violence ; vol et banditisme ; dissimulation et mensonge ; appauvrissement du contact social, isolement, exclusion des plus démunis et pauvreté ; généralisation du mode de communication superficiel au détriment de la rencontre. Si ces descriptions, une fois sollicitées, révèlent une certaine expertise et un véritable bon sens, il faut reconnaître qu’elles « passent à côté » de ce qui est la première difficulté d’Internet : son

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incertitude. Cette tache aveugle, repérable chez beaucoup de jeunes, semble faire obstacle à une attitude critique et interprétative de ce qu’ils trouvent sur le web. Comment tirer parti des enseignements de l’enquête dans la mise en place d’une réponse éducative à la réalité d’Internet ? D’emblée, nous écarterons les réponses négatives, basées uniquement sur l’interdit. Ce serait la meilleure manière de se priver des avantages d’Internet, d’empêcher les jeunes de se l’approprier progressivement, et, indirectement, de les inviter à goûter les plaisirs de l’interdit.

3. RISQUE ET EDUCATION 3.1 Le risque nécessaire

Face aux risques liés, un outil éducatif majeur apparaît clairement : apprendre aux jeunes à naviguer à travers les brumes d'un univers plein de richesses mais aux profils multiples et changeants, en étant capables d’évoluer par rapport à ce qui les touche, ce qui les fascine, ce qui leur fait peur et ce qui les dégoûte. Faire d’Internet un lieu de construction de soi. Cela peut même impliquer d’admettre que l’expérience d’Internet ne soit pas forcément heureuse. Van Meerbeeckvi explique que certains jeunes vont jusqu’à éprouver le besoin de se « mettre à mal », c’est-à-dire de s’infliger des dommages, pour accomplir le deuil de certaines qualités idéales qu’ils s’attribuaient, et dont ils constatent, douloureusement, qu’ils sont dépourvus. Certaines pratiques dangereuses des jeunes (conduite sportive, drogue, jeux hallucinatoires en réseau, etc.) illustrent ce besoin d’une mise-à-mal purificatrice. Selon le pédopsychiatre, cette mise à mise-à-mal est nécessaire dans la construction identitaire du jeune, « il découvre en effet qu’il n’est pas tout et doit alors dépasser sa peur. Le

risque aide à sublimer le deuil de soi, la castration. Ainsi faut-il rendre sa place au risque, en

l’encadrant ».

Le danger est, paradoxalement, qu’Internet soit pratiqué et vécu exclusivement sous un mode euphorique. Internet serait alors banal, non pensé, non problématisé. Isabelle Stengers nous rappelle l’importance de penser le risque : « Pour moi, la question est avant tout la liaison entre risque et

pensée. Un risque pensé reste un risque, il y aura toujours des victimes. Mais au moins le risque en

tant qu’il est pensé (par l’utilisateur et la société) devient un risque civilisé »vii.

Ces réflexions suggèrent une éducation qui ne cherche pas à préserver le jeune des dangers d’Internet, mais plutôt à lui donner les moyens de gagner, vis-à-vis de ce média nouveau, le type d’affranchissement qu’il se donnera peu à peu à accomplir. Par conséquent, la réflexion sur Internet ne peut rester objective, au sens « qu’est-ce qu’Internet ? ». Elle doit donner une place importante au sujet qui se demande « qu’est-ce que JE fais d’Internet ? », « quel sens a-t-il pour moi ? ». Partant de là, la dimension collective d’une éducation pourra conduire à un élargissement des perspectives, où la question devient « qu’est-ce qu’Internet pour nos contemporains, et comment le

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voulons-nous ? ». Cette éducation est à coup sûr un projet de longue haleine. Il n’y a pas l’avant et

l’après d’une éducation aux risques d’Internet. Il y a un processus évolutif de découverte des

horizons possibles d’une pratique d’Internet, modulé par le vécu de chaque jeune. Nous pensons qu’il faut miser sur les structures éducatives scolaires, familiales et associatives comme relais d’une éducation aux risques d’Internet. Ces structures sont adaptatives et fonctionnent sur le long terme. Elles ne vaccinent peut-être pas, mais elles éduquent. Tout simplement.

3.2 Une réponse éducative : Educaunet

Educaunetviii est un programme européen d’éducation aux risques liés à l’usage d’Internet. Il fait le pari de former des jeunes autonomes, critiques et responsables, capables d’apprécier la richesse de ce média, tout en percevant avec justesse ses dangers. Pour ce faire, le consortium européen Educaunet a créé un ensemble d’outils éducatifs testés par des jeunes provenant de 7 pays (Autriche, Belgique, Danemark, France, Grande-Bretagne, Grèce et Portugal). Une douzaine d’activités mettent en scène des situations rencontrées dans l’univers d’Internet : jeux de cartes, de rôle ou en réseau, activités d’analyse en ligne ou hors ligne.

La démarche d’Educaunet s’est basée sur le postulat que, sur Internet, les jeunes évoluent dans un univers incertain, composé de richesses, mais comprenant des dangers (a). Afin de transformer ces dangers en risques pensés, le jeune doit passer par différents stades : la mise à l’épreuve (b), l’acquisition de connaissances et de savoir-faire (c) ainsi que l’acquisition de la capacité à transférer ceux-ci dans de nouvelles situations de danger (d).

Lors de la première étape de ce processus, l’éducateur soumet le jeune à un dispositif, sous forme ludique ou didactique, dans lequel les choses peuvent survenir. Les activités élaborées par Educaunet offrent l’opportunité à l’éducateur de choisir le dispositif le plus adéquat en fonction des caractéristiques des jeunes et de leur rapport au danger. De plus, elles rencontrent diverses pratiques. Certaines invitent à l’exploration de nouveaux sites ou à la recherche d’informations. D’autres suscitent l’observation et la communication entre internautes.

Univers incertain (a)

Mise à l’épreuve du jeune (b) Éducateur Ac tiv ité s Apprentissages implicites (c) Réflexions Apprentissages explicites (d) Ch oi x de p ri se d e r is qu es

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Faire l’expérience du danger permet au jeune de le connaître, de l’intégrer et ainsi de le reconnaître lors d’une confrontation ultérieure et d’agir en conséquence. Toutes les activités rencontrent la nécessité de mettre le jeune en situation de réflexion sur lui-même. S’agissant d’un dispositif évolutif de prise de conscience des risques d’Internet, cette prise de recul ne sera probablement pas systématique et immédiate. Elle relève davantage de l’apprentissage implicite. à force de vivre cette mise à l’épreuve en condition restreinte, le jeune développe un certain nombre de connaissances et savoir-faire. Suite à leur acquisition, il est essentiel que le jeune sache les transférer lors de situations nouvelles, de telle sorte qu’il ne subisse plus les dangers sous une forme inconsciente mais, au contraire, se trouve invité à les formuler, à en parler. Il pourra alors appréhender les dangers à travers leurs conséquences et les transformer en risques pensés. Il sera capable d’opérer des choix réfléchis.

Quelle est l’efficacité des démarches proposées par éducaunet ? Font-elles évoluer l’idée que les jeunes se font d’Internet, modifient-elles leurs pratiques ? Nos observations nous montrent que les outils et méthodes Educaunet portent leurs fruits, mais un amateur de sensationnel risque d’être déçu. Les activités aiguisent réellement le sens critique et suscitent de nouveaux questionnements. Les jeunes semblent prendre conscience de l’importance d’adopter un regard critique et d’apprécier la pertinence des informations véhiculées. Point positif, ils ne se montrent pas pour autant déçus ou inquiets devant Internet. Apparaît également une autre réalité, celle de la diversité des parcours individuels. Les entretiens menés avec les jeunes lors de l’évaluation des outils montrent des constantes : on apprend en agissant, en interagissant et en discutant avec des pairs ou des adultes. Mais, derrière les similitudes, chacun a son itinéraire propre. De plus, les compétences nécessaires à une prise en compte du risque dépendent de facteurs qui s’établissent progressivement et en ordre variable chez les jeunes. Ainsi, les outils éducatifs n’agissent-ils ni sous la forme d’un scénario standard ni sous la forme d’un vaccin.

i Monique Linard, "Les TIC en éducation : un pont possible entre faire et dire", dans Les Jeunes et les médias, dir. par

G. Langouet, Observatoire de l'Enfance en France, Paris, Hachette, pp. 151-176, 2000.

Jacquinot Geneviève, De l'interactivité transitive à l'interactivité intransitive: l'apport des théories d'inspiraion sémiologique à l'analyse des supports de la communication éducative médiatisée in Une introduction à la

communiaction socio-éducative, Recueil de texte de G. Jaquinot et D. Peraya.

ii Thierry De Smedt et Lysiane Romain, « Internet et les jeunes », Ed. Media Animation, coll. Apprendre les médias,

Bruxelles, 2002.

iii Pierre LEVY, L’intelligence collective : pour une anthropologie du cyberespace, La Découverte/Poche, 1997 (Paris,

La Découverte, 1994)

iv Thierry De Smedt et Lysiane Romain, op. cit.

v La recherche internationale Internet et les jeunes a été menée au cours de l’année 2000 dans sept pays dont la

Belgique. Cette étude avait pour objectif de mieux connaître, à travers des données précises, l’attitude des adolescents âgés de 12 à 18 ans vis-à-vis d’Internet en ce début de 21e siècle.

vi Rencontre avec le pédopsychiatre Ph. Van Meerbeeck, séminaire de problématisation du projet Educaunet, mai 2001. vii Rencontre avec la philosophe I. Stengers, séminaire de problématisation du projet Educaunet, mai 2001.

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