• Aucun résultat trouvé

Agrégation de jugements fondée sur la minimisation

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Agrégation de jugements fondée sur la minimisation"

Copied!
12
0
0

Texte intégral

(1)

Agrégation de jugements fondée sur la minimisation

Jérôme Lang, Gabriella Pigozzi?

{lang, gabriella.pigozzi}@lamsade.dauphine.fr

Marija Slavkovik, Leendert van der Torre†

{marija.slavkovik, leon.vandertorre}@uni.lu

Abstract:

La plupart des règles de vote sont fondées sur un prin-cipe de minimisation. De manière similaire, dans la thé-matique de recherche de la représentation des connais-sances et du raisonnement, de nombreux opérateurs de changement des croyances ou de traitement de l’incohé-rence sont fondées sur un principe de minimisation. Or, de façon surprenante, la minimisation n’a pas joué de rôle majeur dans la thématique de l’agrégation de jugements, en dépit de sa proximité avec la théorie du vote et avec les approches logiques de la représentation des connais-sances et du raisonnement. Nous faisons un premier pas dans cette direction et étudions six règles d’agrégation de jugements ; deux d’entre elles, fondées sur des distances, ont déjà été étudiées ; les quatre autres sont nouvelles, et sont toutes inspirées à la fois de la théorie du vote et de la représentation des connaissances. Nous étudions les rela-tions que ces règles entretiennent entre elles, et donnons quelques-unes de leurs propriétés.

1

Introduction

Si l’on examine la partie du choix social qui s’intéresse aux règles de vote, on remarque que de nombreux articles sont focalisés sur l’étude de règles de vote spécifiques : comment elles se comparent aux autres règles ; quelles sont leurs propriétés ; quelle est la complexité algo-rithmique et la complexité de communication de la détermination du vainqueur ; comment la règle se comporte face aux comportements stra-tégiques comme la manipulation et le contrôle ; quelle est l’information nécessaire au calcul du résultat ; etc.

Un problème d’agrégation de jugements est spé-cifié par un ensemble de questions qui entre-tiennent des liens logiques, un agenda, et un en-semble de jugements par des agents sur chacune des questions de l’agenda. Les jugements sont, la plupart du temps, des évaluations booléennes des questions de l’agenda. Une règle d’agréga-tion de jugements agrège les jugements indivi-duels en un ensemble de jugements collectifs, qui doivent se conformer aux relations logiques entre les questions de l’agenda. Cependant, à l’opposé de ce que l’on observe dans la litté-tarure sur le vote, le gros des travaux en agré-gation de jugements est focalisé sur l’établisse-ment de théorèmes de possibilité et d’impossibi-lité : en général, on cherche des conditions mi-nimales sur la structure de l’agenda, sur les en-sembles de jugements autorisés, ou sur les

pro-priétés du système logique, impliquant l’exis-tence ou la non-exisl’exis-tence d’une règle d’agréga-tion de jugements satisfaisant un petit ensemble de propriétés souhaitables (comme la non-dictature, l’unanimité, l’indépendance etc.) ; ou alors, on cherche une caractérisation de toutes les règles d’agrégation de jugements satisfaisant un ensemble de propriétés, éventuellement en imposant une restriction du domaine. Mais la fo-calisation sur des règles spécifiques et leurs pro-priétés a fait l’objet de peu d’articles, à quelques exceptions près, que nous passons ici en revue : – les procédures fondées sur les prémisses, in-troduites dans [11] sous le nom “vote question par question" et étudiées dans [7, 17]. Pour cette procédure, on suppose que l’agenda est partitionné en deux sous-ensembles : les pré-misseset les conclusions. Les prémisses sont logiquement indépendantes . Les individus votent sur les prémisses et, pour chaque pré-misse, on utilise la majorité pour déterminer le résultat collectif. A partir de ces résultats collectifs sur les prémisses, les conclusions collectives sont dérivées en utilisant les rela-tions logiques entre prémisses et conclusions, ou des contraintes externes sur les questions de l’agenda. Par ailleurs, dans les procédures fondées sur les conclusions, les individus dé-cident de façon privée sur les prémisses et n’expriment publiquement leurs jugements que sur les conclusions.

– les procédures séquentielles [13, 4, 12] sont plus générales, et fonctionnent ainsi : les élé-ments de l’agenda sont considérés séquentiel-lement, en suivant un ordre fixé sur l’agenda (correspondant par exemple à une précédence temporelle ou à une priorité) et les déci-sions antérieures contraignent les décidéci-sions postérieures. La cohérence collective est ga-rantie par définition. Bien entendu, dans le cas général, le résultat dépend du choix de l’ordre (“path-dependence”). Notons que les procédures fondées sur les prémisses sont des instances spécifiques des procédures séquen-tielles.

– les règles fondées sur les quotas [4, 2] sont une classe de règles où chaque proposition de l’agenda est associée à un quota, et la pro-position est acceptée seulement si la propor-tion d’individus qui l’acceptent est au-dessus

(2)

du quota. Par exemple, les règles uniformes prennent le même quota pour tous les élé-ments de l’agenda. La règle de majorité est un cas spécifique de règles fondées sur les quo-tas. [4] considèrent également des règles sé-quentielles fondées sur les quotas.

– Les règles fondés sur les distances [16, 18] présupposent l’existence d’une distance pré-difinie entre ensembles de jugements et/ou profils et choisissent comme résultat collectif les ensembles de jugements cohérents les plus proches (selon une certaine notion de proxi-mité) des jugements individuels (voir Section 2.4).

Même si quelques familles de règles d’agréga-tion de jugements ont été proposées et étudiées, la communauté de l’agrégation de jugements se focalise plutôt sur la recherche de théorèmes d’impossibilité et de caractérisations axioma-tiques de familles de règles, ce qui contraste avec la théorie du vote, où les règles de vote sont définies et étudiées per se.

En théorie du vote, beaucoup de règles sont fon-dées sur un processus de minimisation (ou de maximisation) : par exemple, Kemeny, Dodg-son, Slater, “ranked pairs”, maximin etc. (Nous ne rappellerons pas la définition de ces règles de vote ; le lecteur peut consulter, par exemple, [1].) La minimisation est également un pro-cédé courant pour définir des règles de rai-sonnement (comme des opérateurs de révision des croyances, des procédures de traitement de l’incohérence, ou des règles d’inférence non-monotones) dans la communauté des approches logiques pour la représentation des connais-sances et le raisonnement. Par exemple, on cherche à résoudre les incohérences en cher-chant des sous-ensembles maximaux cohérents d’une base de connaissances incohérente. La révision des croyances revient souvent à l’in-corporation d’un élément d’information dans une base de connaissances en minimisant la perte d’information par rapport à la base de connaissances initiale. On trouve des proces-sus de minimisation similaires pour le raisonne-ment sur l’action, la mise-à-jour et la fusion de croyances.

En revanche, à l’exception de règles fondées sur les distances, la minimisation a rarement été considérée pour l’agrégation de jugements. Nous souhaitons ici combler ce manque en étu-diant quelques règles d’agrégation, fondées sur la minimisation, dont nous pensons qu’elles sont naturelles. Quatre d’entre elles sont nou-velles, tandis que deux d’entre elles

corres-pondent, à quelques détails près, à des règles d’agrégation de jugements déjà proposées dans la littérature. Nous les relierons à des règles si-milaires en théorie du vote et/ou en représen-tation des connaissances et raisonnement. Nous étudierons les relations qu’elles entretiennent entre elles (en montrant que dans la plupart des cas, les règles proposées sont incomparables au sens de l’inclusion), leurs liens avec des règles d’agrégation existantes comme les règles sé-quentielles ou fondées sur les quotas, et cer-taines de leurs propriétés (la préservation de la majorité, l’unanimité, la monotonie, le renfor-cement). Il est important de noter qu’aucune des règles introduites dans cet article ne satisfait l’indépendance (ni aucune des règles séquen-tielles fondées sur les distances). Pour de nom-breux agendas, la condition d’indépendance est suffisante pour obtenur un résultat d’impossi-bilité [14]. De plus, lorsque les propositions sont liées logiquement, l’indépendance est une condition sujette à controverse.

2

Règles d’agrégation de jugements

2.1 Définitions générales

Soit L un langage propositionnel construit sur un ensemble fini de symbols propositionnels PS. Définition 1 (agendas, ensembles de juge-ments, profils)

– un agenda est un ensemble fini X = {ϕ1, ¬ϕ1, . . . , ϕm, ¬ϕm} de formules

proposi-tionnelles de L, consistant en des paires de propositions ϕi, ¬ϕi, et ne contenant ni

tau-tologies ni contradictions. Lepré-agenda [X ] associé à X est[X ] = {ϕ1, . . . , ϕm}.

– unensemble de jugements sur X est un sous-ensemble de X . Un sous-ensemble de jugements A est complet si pour tout j ∈ {1, . . . , m}, A contient soit ϕj soit¬ϕj. Un ensemble de

ju-gements A est cohérent si V

{ϕj|ϕj ∈ A} est

satisfaisable.

– un profil à n votants sur X est une collection P= hA1, . . . , Ani où chaque Ai est un

juge-ments cohérent et complet1.

1. On pourrait définir les profils plus généralement en permettant aux ensembles de jugements individuels d’être incomplets. La plupart de nos résultats ne serait pas touchée, mais certaines des définitions seraient plus compliquées.

(3)

On définit à présent les règles d’agrégation de jugements2. Comme pour le vote, on distingue les règles déterministes, qui associent à tout profil un ensemble collectif de jugements, des règles non-déterministes (ou correspondances), qui associent à tout profil un ensemble non-vide d’ensembles collectifs de jugements.

Définition 2 (règles d’agrégation de juge-ments)

– une règle déterministe d’agrégation de juge-ments est une fonction fn,X associant à tout

profil P = hA1, . . . , Ani un ensemble

cohé-rent de jugements f(A1, . . . , An). Une règle

d’agrégation déterministe fn,X estcomplète si pour tout profil P= hA1, . . . , Ani, fn,X(P) est

complet.

– unerègle nondéterministe d’agrégation de ju-gements (ou correspondance d’agrégation de jugements) est une fonction Fn,X associant

à tout profil P = hA1, . . . , Ani un ensemble

non-vide d’ensembles de jugements cohérents Fn,X(A1, . . . , An).

La plupart du temps, quand nous parlerons de règles d’agrégation de jugements nous garde-rons n et X implicites quand ils sont clairement identifiés à partir du contexte, c’est-à-dire que, fn,X (resp. Fn,X) sera simplement noté f (resp.

F). Comme en théorie du vote, une règle peut être obtenue à partir d’une correspondance en utilisant un mécanisme de départage des ex-aequo. Dans le reste de l’article nous nous fo-caliserons sur des règles nondéterministes, sauf mention explicite contraire3.

Définition 3 (agrégation majoritaire)

La règle d’agrégation majoritaire est définie ainsi : pour tout profil P, M(P) est l’ensemble de jugements {m(P)} tel que pour tout ψ ∈ X, m(P) contient ψ si et seulement si une majorité d’agents a ψ dans leur ensemble de jugements, c’est-à-dire, si et seulement si#{i|ψ ∈ Ai} >n2.

Un profil P estcohérent avec la majorité si m(P) est un ensemble cohérent de jugements. Une règle d’agrégation de jugements F préserve la

2. À strictement parler, une règle est une fonction ; on garde la ter-minologie “règle” en raison du parallèle avce la théorie du vote.

3. On peut aussi vouloir requérir que non seulement le résultat d’une règle d’agrégation de jugements soit un seul ensemble d’ensemble de jugements A, mais aussi que cet ensemble de jugements soit complet. Pour ce faire il faut se donner une autre règle de départage des ex-aequo qui, dans le cas d’une égalité entre ϕ et ¬ϕ, spécifie comment les dépar-tager.

majorité (PM) si pour tout profil P cohérent avec la majorité, on a F(P) = M(P).

L’anonymat (tous les agents jouent le même rôle) et la neutralité (tous les éléments de l’agenda jouent le même rôle) sont définies comme d’habitude (et nous omettons leurs dé-finitions).

Il y a deux vues possibles différentes des règles d’agrégation : soit on voit le résultat comme une simple collection d’ensembles cohérents de ju-gements, soit on le voit comme une théorie lo-gique fermée. Si S est un ensemble non-vide d’ensembles de jugements, et α une formule, on dit que S |= α si et seulement si pour tout J∈ S on a J |= α ; et on définit la théorie logique Cn(S) = {α|S |= α}. Deux ensembles de juge-ments S et S0 sont dits équivalents si et seule-ment si Cn(S) = Cn(S0).

Étant donnée une règle d’agrégation de juge-ments F, on définit la théorie logique fermée TF(P) = Cn(F(P)). Enfin, on dit que deux

règles d’agrégation F et F0sont équivalentes si pour tout profil P on a TF(P) = TF0(P) ; on dit

que F est au moins aussi discriminante que F0 si pour tout profil P on a TF(P) ⊇ TF0(P) ; et on

dit que F et F0 sont incomparables s’il existe deux profils P et Q tels que TF(P) 6⊆ TF0(P) et

TF(Q) 6⊆ TF0(Q).

On donne maintenant plusieurs règles d’agréga-tion.

2.2 Règles fondées sur des ensembles maxi-maux cohérents de jugements

La première règle que nous considérons est ap-pelée la règle de Young pour l’agrégation de ju-gements, par analogie avec la règle de vote de Young, qui renvoie le candidat x minimisant le nombre de votants à supprimer dans le profil pour que x deviennent un vainqueur de Condor-cet.

Définition 4 (règle de Young)

Étant donné un profil P = hA1, . . . , Ani et un

sous-ensemble d’agents J ⊆ {1, . . . , n}, la res-triction de P à J est PJ = hAj, j ∈ Ji, et est

appelée un sous-profil de P. Soit MSP(P) l’en-semble des sous-profils de cardinalité maximale parmi ceux qui sont cohérents avec la majorité (pour P). Larègle d’agrégation de jugements de

(4)

Young Y associe à P l’ensemble de jugements RY(P) = {m(PJ) | PJ ∈ MSP(P)}.

Intuitivement, cette règle consiste à retirer un nombre minimal d’agents de telle manière que le profil devienne cohérent avec la majorité. Évi-demment, si le profil P est cohérent avec la ma-jorité, alors Y (P) = {m(P)}, donc Y préserve la majorité.

Exemple 1

Considérons le pré-agenda [X ] = {a, b, c, α = (a ∨ b) ∧ c, β = a ∧ b}, n = 9, et P = hA1, . . . , A9i : a b c (a ∨ b) ∧ c a∧ b A1 + + + + + A2 + + + + + A3 + + - - + A4 - + + + -A5 - + + + -A6 + - - - -A7 + - - - -A8 - - + - -A9 - - + -

-On a m(P) = {a, b, c, ¬α, ¬β}. Il y a trois sous-ensembles minimaux incohérents dans m(P), à savoir{a, c, ¬α}, {b, c, ¬α}, et {a, b, ¬β}. Pour restaurer la cohérence de m(P), on doit suppri-mer un ensemble de jugements, et les choix pos-sible sont A1 ou A2 (ce qui mène à accepter c,

¬α, ¬β), A3(ce qui mène à accepter c,¬β ), ou

A6ou A7(ce qui mène à accepter b, c,¬β). Par conséquent,

RY(P) = {{c, ¬α, ¬β}, {c, ¬β}, {b, c, ¬β}} Notons que TRY(P) = Cn(c ∧ ¬β).

Un raffinement de RY consisterait à garder

dans RY(P) seulement l’ensemble de

juge-ments de taille maximale — ici, {c, ¬α, ¬β} ou {b, c, ¬β}. On n’explore pas cette voie ici4.

La seconde possibilité consiste à chercher un sous-ensemble minimal ou un nombre minimal de formules à supprimer dans X de telle manière que le profil devienne cohérent avec la majorité.

4. On pourrait aussi considérer des sous-ensembles maximaux pour

l’inclusionau lieu de la cardinalité, mais on obtiendrait alors quelque

chose de beaucoup trop faible, où chaque jugement individuel serait contenu dans l’ensemble de jugements résultant.

Définition 5 (règle du sous-agenda maximal) Étant donné un profil P = hA1, . . . , Ani sur un

agenda X ,[X ] le pré-agenda associé à X , et un sous-préagenda [Y ] ⊆ [X ], la restriction de P à Y est P↓Y = hAj∩ Y, 1 ≤ j ≤ ni. Soit MSA(P) l’ensemble de tous les sous-préagendas maxi-maux[Y ] de [X ] (pour l’inclusion) tels que P↓Y soit cohérent avec la majorité. La règle d’agré-gation de jugements RMSA basée sur le sous-agenda maximal associé à P l’ensemble de juge-ments RMSA(P) = {ma j(P↓Y) | [Y ] ∈ MSA(P)}. Exemple 2

Prenons le même profil que dans l’exemple 1. Les sous-préagendas maximaux cohérents avec la majorité sont {a, b, c}, {a, b, α}, {a, c, β} et {b, c, β}. Par conséquent, RMSA(P) =

{{a, b, c}, {a, b, ¬α},{a, c, ¬β}, {b, c, ¬β}}. Remarquons que TRMSA(P) |= a ∨ b.

Au lieu de chercher des sous-agendas cohérents avec la majorité maximaux pour l’inclusion, on peut chercher des sous-agendas cohérents avec la majorité de cardinalité maximale, ce qui mène à la règle d’agrégation de jugements suivante, ce qui correspond, à quelques détails près, et pour un choix spécifiques d’une distance, à la règle règle d’agrégation de jugements dite “end-point""définie dans [16].

Définition 6 (règle du sous-agenda de cardi-nalité maximale)

Soit MCSA(P) l’ensemble de tous les sous-préagendas [Y ] de [X ] de cardinalité maximale tels que P↓Y est cohérent avec la majorité. La règle d’agrégation de jugements du sous-agenda de cardinalité maximale RMCSA

asso-cie à P l’ensemble de jugements RMCSA(P) = {ma j(P↓Y) | [Y ] ∈ MCSA(P)}.

Exemple 3

Prenons le même profil que dans l’exemple 1. Les sous-préagendas de cardinalité maximale cohérents avec la majorité sont les mêmes : {a, b, c}, {a, b, α}, {a, c, β} et {b, c, β}. Par conséquent RMCSA(P) =

{{a, b, c}, {a, b, ¬α}, {a, c, ¬β}, {b, c, ¬β}}. RY considère un ensemble de jugements comme

(5)

garder entièrement ou rejeter. De façon si-milaire, RMSA et RMCSA considèrent les

juge-ments sur un élément donné de l’agenda comme solides, et à nouveau, pour chaque élément de l’agenda, l’ensemble de jugements qui le concerne doit être gardé entièrement ou re-jeté entièrement. Une façon plus fine de défi-nir une règle d’agrégation consiste à chercher des sous-ensembles de l’ensemble des éléments d’information de cardinalité maximale cohé-rents avec la majorité, où un élément d’informa-tion consiste en un couple (élément de l’agenda, jugement émis sur lui par l’un des agents). De manière équivalente, ceci revient à pondé-rer chaque élément de l’agenda par le nombre d’agents qui sont en sa faveur, et chercher alors des sous-agendas de poids maximal.

Définition 7 (règle du sous-agenda de poids maximal)

Pour chaque ψ ∈ X et chaque profil P, soit N(P, ψ) = #{i, ψ ∈ Ai}. Pour tout sous-agenda

Y ⊆ X, le poids de Y par rapport à P est dé-fini par wP(Y ) = ∑ψ∈YN(P, ψ). Soit MWA(P)

l’ensemble de tous les sous-agendas Y de X maximisant wP tels que P↓Y est cohérent avec

la majorité. La règle d’agrégation de jugements du sous-agenda de poids maximal RMWA

asso-cie à P l’ensemble de jugements RMWA(P) = {m(P↓Y) | Y ∈ MWA(P)}.

Exemple 4

Prenons à nouveau le profil de l’exemple 1. On a N(P, a) = 5, N(P, ¬a) = 4, N(P, b) = 5, N(P, ¬b) = 4, N(P, c) = 6, N(P, ¬c) = 3, N(P, α) = 4, N(P, ¬α) = 5, N(P, β) = 3, et N(P, ¬β) = 6. Par conséquent on a RMWA(P) =

{{a, ¬b, c, α, ¬β}, {¬a, b, c, α, ¬β}, {¬a, ¬b, c, ¬α, ¬β}}.

Bien que cette règle, très naturelle, semble nou-velle, nous montrerons bientôt qu’elle corres-pond à une règle existante, définie de façon complètement différente dans [8].

On peut observer que RMSA, RMCSA et RMWA

préservent la majorité (la preuve est immédiate pour les deux premières et facile pour la troi-sième).

2.3 Une règle inspirée de la règle de vote “ranked pairs”

La règle suivante est inspirée de la règle “ran-ked pairs" [20]. Elle consiste à fixer d’abord la

valeur de vérité des éléments de l’agenda avec la plus forte majorité, et itérer, en considérant les éléments de l’agenda dans l’ordre décrois-sant du nombre d’agents qui sont en leur faveur, et en fixant leurs valeurs à la valeur de la ma-jorité tant que cela est possible sans provoquer d’incohérence.

Définition 8 (“ranked agenda”)

Soit Y = {ϕ ∈ X |N(P, ϕ) > n2}, et soit P la

relation d’ordre sur Y définie par ϕ P ψ si N(P, ϕ) ≥ N(P, ψ). RRA(P) est définie comme

suit : A∈ RRA(P) s’il existe un ordre linéaire

 sur X rafinant ≥ tel que RA(, P) = A, où RA(, P) est définie inductivement par

– réordonner les éléments de Y suivant , c.a.d., tels que ϕσ(1) . . . ϕσ(m);

– D:= /0 ;

– pour k:= 1 à m faire : si D ∪ {ϕσ(i)} est co-hérent alors D:= D ∪ {ϕσ(i)} ;

– RA(, P) := D. Exemple 5

Prenons à nouveau le même profil que dans l’exemple 1. On a Y = {a, b, c, ¬α, ¬β}, et c ∼P

¬β >P a∼P b∼P ¬α, où ∼P et >P sont

res-pectivement les relations d’indifférence et de préférence stricte induite à partir de P. Par

conséquent, on a à considérer douze ordres li-néaires 1: c  ¬β  a  b  ¬α ; 2: ¬β 

c a  b  ¬α ; 3: c  ¬β  a  ¬α  b ; 4:

¬β  c  a  ¬α  b ; etc. Pour chacune de ces douze ordres linéaires, c et ¬β sont considérés d’abord (dans n’importe quel ordre). Puisque c∧ ¬β est cohérent, à ce point de la construc-tion on a D= {c, ¬β} = {c, ¬a ∨ ¬b}. Si a est considéré ensuite, alors puisque D∪ {a} est co-hérent, D est mis-à-jour en{a, c, ¬a ∨ ¬b}. Re-marquons que V

D ≡ a ∧ ¬b ∧ c ; puisque D a seulement un modèle, ce n’est pas la peine d’aller plus loin. Si b est considéré ensuite (c.a.d., après c et ¬β) alors D est mis-à-jour en {b, c, ¬a ∨ ¬b}, qui a seulement un modèle

¯

abc. Finalement, si ¬α est considéré ensuite (c.a.d., après c et ¬β) alors D est mis-à-jour en {¬α, c, ¬a ∨ ¬b} ; si a est considéré ensuite alors D= {¬α, c, ¬a ∨ ¬b, a}, qui a seulement un modèle a¯bc et si b est considéré ensuite alors on a D= {¬α, c, ¬a ∨ ¬b, a}, qui a seule-ment un modèleabc. Par conséquent, R¯ RA(P) = {{a, ¬b, c, α, ¬β}, {¬a, b, c, α, ¬β}}.

(6)

2.4 Règles fondées sur des distances

Les règles d’agrégation de jugements basées sur des distances [16, 18] sont derivées des opé-rateurs de fusion pour les bases de croyances [10, 9]. La définition que nous donnons ici est la même que dans [8] (qui l’appellent “fusion syn-taxique à base de distances”) et est légèrement différente (et bien plus largement appliquable) que les définitions de [18, 16].

Soit ΦX l’ensemble de tous les ensembles de

jugements complets et cohérents formés à par-tir de X , c’est-à-dire l’ensemble de tous les en-sembles de jugements cohérents contenant soit ϕ soit ¬ϕ pour chaque ϕ ∈ [X ]. Soit d : ΦX×

ΦX 7→ R+une distance entre ensembles de

juge-ments de ΦX5 Soit : (R+)n7→ R+ une

fonc-tion d’agrégafonc-tion symétrique, non-décroissante telle que pour tous x, y, x1, . . . , xn ∈ R, on

ait les propriétés : (x) = x ; (x1, . . . , xn) = 0

si et seulement si x1= . . . = xn = 0. La règle

d’agrégation de jugements à base de distances Rd, induite à partir de d et est définie par Rd, (A1, . . . , An) = arg min

A∈ΦX

(d(A, A1), . . . d(A, An)).

Ici on consière seulement = ∑ et = max, et la distance de Hamming dH sur des ensembles

de jugements complets, définie par dH(A, A0) =

|A \ A0| + |A0\ A|6. Par conséquent il nous reste les deux règles RdH,∑et RdH,max, et il ne nous en

restera plus qu’une après que nous aurons établi le résultat (facile) suivant :

Proposition 1 RdH,∑ et R

W MAsont équivalents.

Preuve : Étant donnés deux ensembles de ju-gements complets A et A0, et ϕ ∈ X , défi-nissons h(ϕ, A, A0) = 1 si (A \ A0) ∪ (A0\ A) et h(ϕ, A, A0) = 0 sinon. Pour tout profil P = hA1, . . . , Ani et tout ensemble de jugements

com-plet A, on a

5. On rappelle que d est une distance si et seulement si pour tous A, A0, A00∈ ΦX on a (i) d(A, A0) = 0 si et seulement si A = A0, (ii)

d(A, A0) = d(A0, A), et (iii) d(A, A0) + d(A0, A00) ≥ d(A, A00).

6. On pourrait aussi considérer la “distance drastique” dD, définie

par dD(A, A0) = 0 si et seulement si A = A0et dD(A, A0) = 1 sinon. En

prenant d = dDet = + mène à une règle d’agrégation de jugements

qui sélectionne l’ensemble de jugements donné par le plus grand nombre d’agents, tandis que = max mène à la règle d’unanimité et est donc de peu d’intérêt.

∑ni=1dH(A, Ai)

= ∑ni=1∑ϕ∈Xh(ϕ, A, Ai)

= ∑ni=1 ∑ϕ∈Ah(ϕ, A, Ai) + ∑ϕ6∈Ah(ϕ, A, Ai)



= ∑ni=1 ∑ϕ∈Ah(ϕ, A, Ai) + ∑¬ϕ∈Ah(ϕ, A, Ai)



= ∑ni=1 ∑ϕ∈Ah(ϕ, A, Ai) + ∑ϕ∈Ah(¬ϕ, A, Ai)

 = ∑ϕ∈A(∑ n i=1h(ϕ, A, Ai) + ∑ni=1h(¬ϕ, A, Ai)) = ∑ϕ∈A(n − N(P, ϕ) + N(P, ¬ϕ)) = ∑ϕ∈A2(n − N(P, ϕ)) = 2wP(A)

Par conséquent, ∑ni=1dH(A, Ai) est minimal si

et seulement si A ∈ MWA(P), c’est-à-dire, si wP(A) est maximal. Toutefois on ne peut pas encore conclure, parce qu’il pourrait y avoir des sous-agendas incomplets dans MWA(P). Soit A un tel agenda. Puisqu’il est incomplet, il existe un ϕ ∈ X tel que A ne contient ni ϕ ni ¬ϕ. Maintenant, une de ces deux formules (sans perte de généralité, ϕ) doit être cohé-rente avec A. Soit A0 = A ∪ {ϕ}. Clairement, wP(A0) ≥ wP(A). Mais puisque wP(A) est

maxi-mal, on doit avoir wP(A0) = wP(A), ce qui

im-plique N(P, ϕ) = 0 (unanimité pour ¬ϕ). Soit A00= A ∪ {¬ϕ}. Si A00était cohérent, alors on au-rait wP(A00) = wP(A) + N(P, ϕ) = wP(A) + n >

wP(A), et wP(A) ne serait pas maximal. Par

conséquent, A00est incohérent, et donc A |= ϕ, ce qui implique que A0est logiquement équivalente à A0; et bien sûr, A0∈ MWA(P), par conséquent, une formule est inférée de tous les éléments de MWA(P) si et seulement si elle est inferée de MWA(P) \ {A}. En faisant ceci de façon itéra-tive pour tout A incomplet dans MWA(P) on ob-tient l’ensemble de tous les ensembles complets de jugements de MWA(P), ce qui, comme on vient de le voir, est égal à l’ensemble de tous les ensembles de jugements complets minimi-sant ∑ni=1dH(A, Ai), ce qui permet de conclure

que RdH,∑ et R

W MAsont équivalents. 

Par conséquent, RdD,∑ préserve la majorité. Ce

n’est toutefois pas le cas pour RdD,∑, qui est

la seule de nos règles qui ne satisfait pas la préservation de la majorité.

Proposition 2 RdH,maxne préserve pas la

majo-rité.

Preuve : Considérons l’agenda X = {a, ¬a, b, ¬b} et P = h{a, b}, {a, b}, {¬a, ¬b}i. Alors RdH,max(P) = {{a, ¬b}, {¬a, b}} ;

tou-tefois, P est cohérent avec la majorité et

(7)

3

(Non-)inclusion entre les règles

Proposition 3

On a le diagramme suivant, où inc signifie “in-comparable pour l’inclusion” et⊃ “strictement plus discriminant que".

RMSA RMCSA RMWA RRA RdH,max

RY inc inc inc inc inc

RMSA ⊂ inc ⊂ inc

RMCSA inc inc inc

RMWA inc inc

RRA inc inc

TABLE1 – Relations d’inclusion entre les règles d’agrégation de jugementss.

Preuve : On abrègera “de cardinalité maxima-le” en ”maxcard”.

1. Pour tout profil P, RMSA(P) ⊆ RMCSA(P).

Si Y ⊂ X est un sous-agenda maxcard co-hérent (pour P) de X alors il est aussi un sous-agenda maximal cohérents. Mais si α ∈ RMSA(P), alors α est inferé dans tout

sous-agenda maximal cohérent, et a fortiori dans tout sous-agenda maxcard cohérent, par conséquent, α ∈ RMCSA(P).

2. Pour tout profil P, RMSA(P) ⊆ RRA(P). Dans

la construction de RRA(P), soit Z le

sous-ensemble de X composé des ψk tels que

δ ∧ ψk est cohérent. Z est un sous-agenda

a maximal cohérent pour P (il est cohé-ren par construction, et maximal parce que chaque fois qu’une formule ψk est rejetée, c’est parce qu’elle produit une incohérence avec les formules déjà présentes dans δ). Mais si α ∈ RMSA(P), alors α est inféré dans

tout sous-agenda maximal cohérents, et a fortioridans Z, par conséquent, α ∈ RRA(P).

3. RdH,max est incomparable avec les cinq

autres règles.

Soit R une règle qui préserve la majorit´. Soit le profil P comme dans la preuve de la Pro-position 2. Alors a ↔ ¬b ∈ Cn(RdH,max(P)),

tandis que a ↔ ¬b 6∈ Cn(R(P)) (puisque a ↔ b ∈ Cn(R(P))) ; et a ∈ R(P), tan-dis que a 6∈ Cn(RdH,max(P)). Par

consé-quent, RdH,max est incomparable avec les

cinq autres règles.

4. RY est incomparable avec RMSAet RMCSA.

Considérons le profil P, avec l’agenda X = {a, a → (b ∨ c), b, c, a → (d ∨ e), d, e}, et

trois agents avec les ensemble de jugements suivants :

a a→ (b ∨ c) b c a→ (d ∨ e) d e

+ + + − + + −

+ + − + + − +

+ − − − − − −

L’agrégation majoritaire obtenue à partir de ce profil est B = {a, a → (b ∨ c), ¬b, ¬c, a → (d ∨ e), ¬d, ¬e}. Les sous-ensembles mini-maux incohérents de B sont {a, a → (b ∨ c), b, c} et {a, a → (d ∨ e), d, e}, donc B a 10 sous-ensembles maximaux cohérents : 9 qui contiennent a, deux des trois formules {a → (b ∨ c), ¬b, ¬c} et deux des trois for-mules {a → (d ∨ e), ¬d, ¬e} ; et un qui est égal à B\{a}. Ces 10 sous-ensembles maxi-maux cohérents correspondent à 10 sous-agendas maximaux ; le seul sous-agenda maxcard cohérent est B \ {a}, et ce sous-agenda de B entails ¬a. Par conséquent, RMCSA(P) |= ¬a. Or, tout sous-profil de P de taillee deux est cohérent avec la majorité, et chacun d’eux accepte a, d’où RY(P) |= a.

5. RMWA(P) est incomparable avec RMSA et

RMCSA. Prenons le profil P : a b a∧ b 3× + + + 2× + − − 2× − + −

On a RMWA(P) = {a, b, a ∧ b}, tandis que

RMCSA(P) = {{a, b}, {a, ¬a ∨ ¬b}, {b, ¬a ∨ ¬b}}. Donc a ∈ RMWA(P) tandis que a 6∈

RMCSA(P). Maintenant, prenons le profil P de l’exemple 1. On a a ∨ b ∈ RMSA(P)

tan-dis que a ∨ b 6∈ RMWA(P)

6. RRA(P) est incomparable avec RMCSA.

Prenons le même profil P que dans le point 4 de cette preuve. On a RRA(P) = {{a, a →

(b ∨ c), ¬b, a → (d ∨ e), ¬d},

{a, a → (b ∨ c), ¬b, a → (d ∨ e), ¬e}, {a, a → (b ∨ c), ¬c, a → (d ∨ e), ¬d}, {a, a → (b ∨ c), ¬c, a → (d ∨ e), ¬e}}. Donc, a ∈ RRA(P)

tan-dis que a¬ ∈ RMCSA(P), puisque

{¬b, ¬c, ¬d, ¬e, a → (b ∨ c), a → (d ∨ e)} ∈ RMCSA(P)

7. RMWA(P) est incomparable avec RY.

Considérons le pré-agenda introduit dans [19] :

[X ] = {ϕ1, ϕ2, ϕ3, ϕ4, ϕ5, ϕ6, ϕ7, ϕ8, ϕ9, ϕ10, ϕ11,

ϕ12, ϕ13, ϕ14}. L’ensemble des

(8)

ΦX est donné dans la table 5. Soit

le profil P = (A1, A2, A3). On a RY(P) = {A1, A2, A3}, d’où ϕ13 ∈ RY(P).

Cependant, comme on observe dans la table 2, les agents sont unanimes sur la question ϕ13, mais le seul ensemble de

jugements choisi par Rd,∑(A1, A2, A3) est

A4et ϕ13¬ ∈ A4.

A∈ ΦX dH(A, A1) dH(A, A2) dH(A, A3) ∑

A1 0 8 8 16

A2 8 0 8 16

A3 8 8 0 16

A4 5 5 5 15

A5 8 6 4 18

TABLE2 –L’ensemble de jugements choisi par la règle ∆d,∑est A4.

8. RRA(P) est incomparable avec RY.

Prenons le profil P de l’exemple 1. On a a ∨ b ∈ RRA(P) tandis que

α ∈∈ RRA(P) ,mais α 6∈ RY(P), puisque

{c, ¬α, ¬β} dansRY(P).

9. RRA(P) est incomparable avec RMWA.

Prenons le profil P du second point de la preuve de la Proposition 4. On a a ∈ RRA(P)

tandis que ¬a ∈ RMWA(P).

On obtient le diagramme en mettant ensemble tous les résultats.



4

Propriétés

Nous considérons maintenant quelques proprié-tés importantes des règles d’agrégation de juge-ments, et identifions lesquelles de nos six règles les satisfont. Notons que, de manière évidente, chacune des six règles satisfait la neutralité et l’anonymat.

4.1 Unanimité

Dietrich et List [6] définissent l’unanimité comme suit :

Définition 9 (Principe d’unanimité [6]) Pour tout profil hA1, . . . , Ani du domaine de la

règle d’agrégation f et tout ϕ ∈ X , si ϕ ∈ Ai alors pour tous les individus i, on a ϕ ∈

f(A1, . . . , An).

Étant donné que nous avons considéré des règles nondeterministes, on a deux versions de l’una-nimité, selon que la formule unanimement ap-prouvée doit être dans au moins un ensemble collectif de jugements (unanimité faible) ou dans tous les ensembles de jugements (unani-mité forte). Soit F une règle d’agrégation de ju-gements.

Définition 10

– F satisfait l’unanimité faible(UFai) si pour tout profil P= hA1, . . . , Ani et tout ϕ ∈ X, si

ϕ ∈ Ai pour tous les i, alors il existe un

en-semble de jugements A∈ F(P) tel que ϕ ∈ A. – F satisfait l’unanimité forte(UFor) si pour tout profil P= hA1, . . . , Ani et tout ϕ ∈ X, si

ϕ ∈ Aipour tous les i, alors pour tous les

en-sembles de jugements A∈ F(P) on a ϕ ∈ A.

Il est clair que l’unanimité forte implique l’una-nimité faible.

Proposition 4

– RY satisfait l’unanimité forte (et faible) ;

– RMSA satisfait l’unanimité faible mais pas

l’unanimité forte ;

– RMCSA ne satisfait pas l’unanimité faible (ni

forte) ;

– RMWA ne satisfait pas l’unanimité faible (ni forte) ;

– RRAsatisfait l’unanimité forte (et faible) ; – RdH,max ne satisfait pas l’unanimité faible (ni

forte).

Preuve :

1. RY satisfait l’unanimité forte

Immédiat à partir du fait que si α est unani-mement accepté par N, il est dans tout sous-ensemble cohérent non-vide de N.

2. RMSA satisfait l’unanimité faible mais pas

l’unanimité forte ; RMCSA ne satisfait pas l’unanimité faible.

Soit P un profil sur l’agenda X , et ϕ ∈ X tel que tous les agents dans P sont d’accord sur ϕ. Il existe un sous-agenda maximal cohé-rent contenant ϕ, et dans ce sous-agenda P implique ϕ, donc RMSAsatisfait l’unanimité

faible.

Maintenant, soit le profil P, avec l’agenda X = {a, a → b ∨ c, b, c, a → d ∨ e, d, e}, et trois agents avec les ensembles de

(9)

juge-ments suivants :

a a→ b ∨ c b c a→ b ∨ c d e

+ + + − + + −

+ + − + + − +

+ − − − − − −

On vérifie que ¬a ∈ RMSA(P), bien que les

agents acceptent unaninement a, et {a, a → (b ∨ c), ¬b, a → (d ∨ e), ¬d)} ∈ RMCSA(P).

Donc RMSA ne satisfait pas l’unanimité

forte, et RMCSA ne satisfait pas l’unanimité

faible.

3. RMWA does not satisfy weak (nor strong)

unanimité

Soit le profil P, avec l’agenda X = {a, a → b∧ c, b, c, a → d ∧ e, d, e} :

a a→ b ∧ c b c a→ d ∧ e d e

+ + + + + + +

+ − − + − − +

+ − + − − + −

On vérifie que ¬a ∈ RMWA(P) bien que

agents acceptent unaninement a.

On trouvera un autre contre-exemple dans [19], (voir aussi le point 7 de la preuve de la Proposition 3).

4. RRAsatisfait strong (and weak) unanimité

Soit P un profil et YP⊆ X le sous-ensemble

de l’agenda consistant en tous les élé-ments sur lesquels les agents sont unanimes. Comme les ensembles de jugements indi-viduels sont cohérents, la conjonction de tous les éléments de Y est cohérente. Or, quand on détermine RRA(P), les éléments

de Y sont considerés en premier, et quel que soit l’ordre dans lequel ils sont considerés, ils sont inclus dans δ. Par conséquent, pour tout α ∈ YP, RRA(P) |= α.

5. RdH,max ne satisfait pas l’unanimité faible

Konieczny et Pino-Pérez, [10] montrent que Rd,max ne préserve pas la majorité, et ceci pour tout d. Donc il n’existe pas de k tel que lorsque k agents choisissent le même ensemble de jugements, cet ensemble de jugements soit inclus dans l’ensembles de jugements collectif calculé par la règle Rd,max. Il en résulte que RdH,max

ne satisfait pas l’unanimité faible. Nous donnons un example. Sit le pré-agenda [X ] = {ϕ1, ϕ2, ϕ3, ϕ4, ϕ5, ϕ6, ϕ7}.

L’en-semble d’enL’en-sembles de jugements complet et cohérent ΦX est donné dans la première

colonne de la table 4. Soit l’ensemble de jugements agrégé :

A1= {ϕ1, ¬ϕ2, ¬ϕ3, ϕ4, ¬ϕ5, ¬ϕ6, ¬ϕ7} ;

A2= {¬ϕ1, ϕ2, ¬ϕ3, ¬ϕ4, ϕ5, ¬ϕ6, ¬ϕ7} ;

A3 = {¬ϕ1, ¬ϕ2, ϕ3, ¬ϕ4, ¬ϕ5, ϕ6, ¬ϕ7}.

On a ¬ϕ7 ∈ A1, ¬ϕ7 ∈ A2 et ¬ϕ7 ∈ A3.

Cependant, comme on observe sur la table 4, la règle RdH,max

choi-sit l’unique ensemble de jugements {¬ϕ1, ¬ϕ2, ¬ϕ3, ¬ϕ4, ¬ϕ5, ¬ϕ6, ϕ7}, qui ne

contient pas ¬ϕ7.

 4.2 Monotonie

Il y a deux propriétés de monotonie définies dans la littérature de l’agrégation de jugements : la monotonie sur les questions de l’agenda [3, 15] et la monotonie sur les ensembles de juge-ments [5]. Ici nous ne considérons que la mo-notonie sur les questions de l’agenda, qui cor-respond à une forme de monotonie étudiée en théorie du vote.

Définition 11 (Monotonie [3])

Pour tout ϕ ∈ X , tout individu i et tout couple de profils hA1, . . . , Ai, . . . , Ani,

hA1, . . . , A∗i, . . . , Ani ∈ Dom(F), avec

ϕ 6∈ Ai et ϕ ∈ A∗i, on a : ϕ ∈ A pour un

A ∈ F(A1, . . . , An) implique ϕ ∈ A0 pour un

A0∈ F(A1, . . . , A∗i, . . . , An).

Nos six règles satisfont en fait une propriété plus forte que la monotonie, à savoir l’insensibilité au renforcement des formules approuvées. Définition 12

Soit P un profil sur X et ϕ ∈ X . P0 est appelé une α-amélioration de P si P0 = (A0i, A−i) où

¬ϕ ∈ Ai et A0i= (Ai\ {¬ϕ}) ∪ {ϕ}). r satisfait

l’insensibilité au renforcement des formules ap-prouvées (IRFA) si pour tout profil P tel que α ∈ R(P) et tout α-renforcement P0 de P, on a R(P0) = R(P).

Proposition 5

RY, RMSA, RMCSA, RMWA, RRA et RdH,max

satis-font l’insensibilité au renforcement des formules approuvées.

(10)

4.3 Séparabilité

On définit maintenant une version, pour l’agré-gation de jugements, de la propriété de sépa-rabilité(S) [21] (appelée aussi cohérence dans [22], et également parfois renforcement.

Définition 13 (Séparabilité)

Pour tous profils P1, P2∈ Dom(F), si α ∈ F(P1)

et α ∈ F(P2), alors α ∈ F(P1∪ P2).

Proposition 6

Aucune de nos six règles d’agrégation RY,

RMSA, RMCSA, RMCIS et RRA et RdH,max ne

satis-fait la séparabilité.

Preuve : Un seul profil suffit pour les cinq premières règles : soit X = {p, ¬p, q, ¬q, p ∨ q, ¬p ∧ ¬q} et le profil à 10 votants profil sui-vant : votants p ¬p q ¬q p ∨ q ¬p ∧ ¬q 1, 2, 3 + − − + + − 4, 5 − + − + − + 6, 7, 8 − + + − + − 9, 10 − + − + − +

Considérons aussi les deux sous-profils P1

consistant en les votants 1 à 5 et P2

consis-tant en les voconsis-tants 6 à 10. Notons d’abord que P1 et P2 sont cohérents avec la

ma-jorité, et que leur agrégation majoritaire est m(P1) = {p, ¬q, p ∨ q} et m(P2) = {q, ¬p, p ∨

q}. Puisque les cinq règles d’agrégation satis-font la cohérence avec la majorité, pour tout r∈ {RY, RMSA, RMCSA, RMCIS, RRA} on a r(P1) =

{p, ¬q, p ∨ q} et r(P2) = {q, ¬p, p ∨ q} ; donc,

p∨ q ∈ r(P1) et p ∨ q ∈ r(P2). Maintenant, on

montre facilement que pour chacune des cinq règles on a p ∨ q 6∈ r(P1∪ P2) = r(P).

Enfin, pour RdH,max, considérons le pré-agenda

[X ] = {p, q, r, p → (q ∧ r)}, et le profil à 5 vo-tants P :

votants p q r p→ (q ∧ r)

1, 2, 3 + + − −

4, 5 + + + +

Considérons également les deux sous-profils P1 consistant en les votants 1 à 3, et P2

consistant en les votants 4 et 5. Observons que RdH,max(P 1) = {p, q, ¬r, ¬(p → (q ∧ r))} et RdH,max(P 2) = {p, q, r, p → (q ∧ r)} , d’où {p, q} ∈ RdH,max(P 1) et {p, q} ∈ RdH,max(P2). Cependant, RdH,max(P) = {{p, q, ¬r, ¬(p → (q ∧ r))}, {p, q, r, p → (q ∧ r)}, {¬p, q, ¬r, p → (q ∧ r)}, {p, ¬q, r, ¬(p → (q ∧ r))}}, et donc, p 6∈ RdH,max(P) et q 6∈ RdH,max(P). 

5

Conclusion

Nous avons étudié six règles d’agrégation de jugements (deux d’entre elles étaient déjà connues, mais n’avaient pas encore été étudiées du point de vue de leurs propriétés). La table 5 résume les résultats concernant les propriétés considérées pour les différentes règles propo-sées. Nous avons également étudié les relations d’inclusion entre les différentes règles, que nous résumons sur la table 1.

PM UFai UFor IRFA S

RY X X X X no RMSA X X no X no RMCSA X no no X no RMWA X no no X no RRA X X X X no RdH,max no no no X no

TABLE 3 – Résumé des résultats pour les pro-priétés des différentes règles.

Bien entendu, nous n’avons pas épuisé tous les choix de règles possibles. Par exemple, on peut raffiner la règle de Young RY, comme nous

l’avons mentionné ; on peut considérer d’autres règles fondées sur les distances, correspondant à d’autres paires (distance, fonction d’agré-gation function). Nous n’avons pas non plus épuisé l’ensemble des propriétés intéressantes des règles d’agrégation. Enfin, il est important de considérer les propriétés algorithmiques des règles que nous avons introduites, comme la complexité de la détermination du résultat (voir [8]).

Références

[1] S. Brams and P. Fishburn. Voting proce-dures. In K. Arrow, A. Sen, and K. Suzu-mura, editors, Handbook of Social Choice and Welfare, chapter 4. Elsevier, 2004. [2] F. Dietrich. The possibility of judgment

(11)

implications. Journal of Economic Theory, 145(2) :603 – 638, 2010.

[3] F. Dietrich and C. List. Strategy-proof judgment aggregation. STICERD - Politi-cal Economy and Public Policy Paper Se-ries 09, Suntory and Toyota International Centres for Economics and Related Disci-plines, LSE, August 2005.

[4] F. Dietrich and C. List. Logical constraints on judgement aggregation. Journal of Theoretical Politics, 4(19) :391 – 424, 2007.

[5] F. Dietrich and C. List. Judgment aggrega-tion without full raaggrega-tionality. Social Choice and Welfare, 31(1) :15–39, June 2008. [6] F. Dietrich and C. List. A liberal paradox

for judgment aggregaton. Social Choice and Welfare, 31(1) :59–78, June 2008. [7] F. Dietrich and P. Mongin. The

premiss-based approach to judgment aggregation. Journal of Economic Theory, 145(2) :562 – 582, 2010.

[8] U. Endriss, U. Grandi, and D. Porello. Complexity of winner determination and strategic manipulation injudgment aggre-gation. In COMSOC-10, 2009.

[9] S. Konieczny, J. Lang, and P. Marquis. Da2 merging operators. Artificial Intelligence Journal, 157 :45–79, 2004.

[10] S. Konieczny and R. Pino-Pérez. Merging with integrity constraints. Lecture Notes in Computer Science, 1638/1999 :233–244, January 1999.

[11] L.A. Kornhauser and L.G. Sager. The one and the many : Adjudication in collegial courts. California Law Review, 81 :1–51, 1993.

[12] N. Li. Decision paths in sequential non-binary judgment aggregation. Technical report, Universitat Autònoma de Barce-lona, 2010.

[13] C. List. A model of path-dependence in decisions over multiple propositions. Ame-rican Political Science Review, 3(98) :495 – 513, 2004.

[14] C. List and Philip Pettit. Aggregating sets of judgments : Two impossibility results compared. Synthese, 140(1/2) :pp. 207– 235, 2004.

[15] C. List and C. Puppe. Judgment aggrega-tion : A survey. In P. Anand, C. Puppe, and P. Pattanaik, editors, Oxford Handbook of Rational and Social Choice. Oxford, 2009.

[16] M. Miller and D. Osherson. Methods for distance-based judgment aggregation. So-cial Choice and Welfare, 32(4) :575 – 601, 2009.

[17] P. Mongin. Factoring out the impossibility of logical aggregation. Journal of Econo-mic Theory, 141 :100 – 113, 2004.

[18] G. Pigozzi. Belief merging and the dis-cursive dilemma : an argument-based ac-count to paradoxes of judgment aggrega-tion. Synthese, 152(2) :285–298, 2006. [19] G. Pigozzi, M. Slavkovik, and L. van der

Torre. A complete conclusion-based pro-cedure for judgment aggregation. In First International Conference on Algorithmic Decision Theory Proceedings, pages 1–13, 2009.

[20] M. Schulze. A new monotonic and clone-independent single-winner election me-thod. Voting Matters, 17 :9–19, 2003. [21] J.H. Smith. Aggregation of preferences

with variable electorate. Econometrica, 41(6) :1027–1041, 1973.

[22] H. P. Young. Social choice scoring func-tions. SIAM Journal on Applied Mathema-tics, 28(4) :824–838, 1975.

(12)

A∈ ΦX dH(A, A1) dH(A, A2) dH(A, A3) max

{ϕ1, ¬ϕ2, ¬ϕ3, ϕ4, ¬ϕ5, ¬ϕ6, ¬ϕ7} 0 4 4 4

{¬ϕ1, ϕ2, ¬ϕ3, ¬ϕ4, ϕ5, ¬ϕ6, ¬ϕ7} 4 0 4 4

{¬ϕ1, ¬ϕ2, ϕ3, ¬ϕ4, ¬ϕ5, ϕ6, ¬ϕ7} 4 4 0 4

{¬ϕ1, ¬ϕ2, ¬ϕ3, ¬ϕ4, ¬ϕ5, ¬ϕ6, ϕ7} 3 3 3 3

TABLE4 – Calcul de dH(A, Ai), pour tous les A dans ΦX.

X= {ϕ1, ϕ2, ϕ3, ϕ4, ϕ5, ϕ6, ϕ7, ϕ8, ϕ9, ϕ10, ϕ11, ϕ12, ϕ13, ϕ14} ΦX A1= {ϕ1, ¬ϕ2, ¬ϕ3, ϕ4, ¬ϕ5, ¬ϕ6, ϕ7, ¬ϕ8, ¬ϕ9, ϕ10, ¬ϕ11, ¬ϕ12, ϕ13, ϕ14} A2= {¬ϕ1, ϕ2, ¬ϕ3, ¬ϕ4, ϕ5, ¬ϕ6, ¬ϕ7, ϕ8, ¬ϕ9, ¬ϕ10, ϕ11, ¬ϕ12, ϕ13, ϕ14} A3= {¬ϕ1, ¬ϕ2, ϕ3, ¬ϕ4, ¬ϕ5, ϕ6, ¬ϕ7, ¬ϕ8, ϕ9, ¬ϕ10, ¬ϕ11, ϕ12, ϕ13, ϕ14} A4= {¬ϕ1, ¬ϕ2, ¬ϕ3, ¬ϕ4, ¬ϕ5, ¬ϕ6, ¬ϕ7, ¬ϕ8, ¬ϕ9, ¬ϕ10, ¬ϕ11, ¬ϕ12, ¬ϕ13, ϕ14} A5= {¬ϕ1, ¬ϕ2, ¬ϕ3, ¬ϕ4, ¬ϕ5, ϕ6, ¬ϕ7, ϕ8, ¬ϕ9, ¬ϕ10, ¬ϕ11, ¬ϕ12, ¬ϕ13, ¬ϕ14}

Références

Documents relatifs

Annexe C1 – fiche pour la révision des verbes.

[r]

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des

« D’abord, le fait considérable de l’universalité du langage : « Tous les hommes parlent » ; c’est là un critère d’humanité à côté de l’outil,

Les biens et services marchands sont destinés normalement à être vendus sur le marché à un prix calculé pour couvrir leur coût de production?.

C'est un système tampon très efficace mais sa concentration dans le liquide extracellulaire est trop faible pour qu'il puisse y jouer un rôle important?. Ce système tampon est

Après avoir procédé, dans un premier temps, à des rappels concernant les caractéristiques principales des biens clubs et des AOC (I), nous montrons que cette forme

Dans notre société productrice depuis plus d’un millénaire de pièces de tissu de largeur réduite et de longueur beaucoup plus importante, un vêtement sera le plus souvent