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Academic year: 2021

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Magistère

Grégory Woimbée

Si la fonction d’enseignement a toujours existé dans l’Eglise (le munus docendi), plusieurs termes l’ont exprimée dans l’histoire. La dénomination de magistère est liée précisément à l’essor progressif de cette fonction et à l’accent mis sur le charisme d’infaillibilité comme caractère propre de l’Eglise qui enseigne en vue du salut. C’est « toute l’Eglise » qui enseigne à « toute l’Eglise », parce que c’est « toute l’Eglise » qui croit. Si le magistère est pour « toute l’Eglise », il n’est pas exercé ou activé par tous les fidèles du Christ. Fondé sur l’indéfectibilité de l’Eglise, la garantie par Dieu que l’Eglise sera maintenue dans la foi, il est la charge propre du Pape et des Evêques. Il a donc une origine divine et sacramentelle (il n’y a donc pas de magistère académique ou universitaire en ce sens précis). Néanmoins, « tout ce que l’Eglise enseigne » n’a pas la même valeur (tout dépend de « qui » l’enseigne, de « comment » il l’enseigne et du rapport de ce qu’il enseigne à la Révélation divine).

I – Conserver, transmettre et interpréter le dépôt de la Révélation divine

Magisterium désigne l’office d’un magister (le Christ, un maior), toujours lié à celui d’un minister

(l’Eglise, un minor), et donc à ceux qui dans l’Eglise l’exercent en propre (le Pape et les Evêques). L’idée de magistère implique l’autorité (le droit d’enseigner), l’acte (l’action d’enseigner), le contenu (l’enseignement lui-même) et l’assentiment (la bonne réception de ce qui est enseigné). S’agissant du magistère de l’Eglise, il s’agit à l’origine de garantir l’authenticité apostolique des doctrines : les doctrines présentes sont bien conformes à la foi des Apôtres. A l’époque moderne, le mot vient à désigner le corps des pasteurs ayant autorité pour exercer cette fonction d’enseignement et d’authentification des doctrines enseignées. Le magistère désigne donc des personnes avant de désigner un corps de doctrines (l’exposition organique des vérités révélées en vue de leur transmission) et l’autorité de ces personnes (c’est-à-dire le pouvoir conféré aux Pasteurs pour la conservation, la transmission et l’interprétation du dépôt révélé) avant de désigner les personnes elles-mêmes.

Les Pasteurs (Pape et Evêques) ne sont pas « magistri », ils sont ministres : ils sont les serviteurs de celui au nom duquel ils enseignent, de ce qu’ils enseignent et de ceux à qui ils enseignent. Dieu est l’unique Magister qui délègue une autorité d’enseignement, un magisterium à ses ministres. Ceux qui enseignent au nom de toute l’Eglise (car l’Eglise, toute entière enseignée et enseignante, enseigne ce qu’elle croit et vit ce qu’elle professe) n’ont pas de pouvoir sur ce qu’ils enseignent. Enfin, par voie de conséquence, le mot sert à désigner les doctrines ainsi conservées, transmises et interprétées authentiquement : les doctrines relatives à cette interprétation du depositum fidei constitué par les Apôtres. La tradition interprétative post-apostolique fait suite à la tradition constitutive apostolique. Le Magistère ne constitue pas le dépôt de la foi, il interprète authentiquement le dépôt constitué par les Apôtres. Le Magistère est dédié à l’interprétation du dépôt en vue de le conserver et de le transmettre.

Le mot magistère tira son succès des canonistes allemands du début du XIXe siècle. Canonisé par

Grégoire XVI en 1835, il fut repris par tous ses successeurs. S’il favorisa au départ une certaine dissociation avec la societas fidelium que Dieu garde dans la vérité et fut rattaché exclusivement à la primauté de juridiction du Pape, les constitutions dogmatiques Dei Verbum et Lumen gentium (Vatican II) réaménagèrent des articulations entre Ecriture et Tradition (DV8-10), Peuple de Dieu et Magistère, magistère pontifical et magistère épiscopal (LG 25).

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II – Magistère extraordinaire et ordinaire

Il y a trois formes, non de magistères, mais d’expressions du même magistère de l’Eglise : le magistère ordinaire de chaque évêque, le magistère ordinaire et universel de tous les évêques dispersés, le magistère extraordinaire du Pontife Romain et du Concile oecuménique. Seuls les deux derniers engagent l’infaillibilité de l’Eglise, le premier de iure (c’est l’enseignement de fide), le second de facto (c’est l’enseignement de fide definita).

Le magistère ordinaire est le plus courant. Les Evêques l’exercent par la prédication, les catéchèses, les lettres synodales ou pastorales, la vigilance doctrinale, les synodes diocésains, les conciles particuliers. Le Pape l’exerce lui aussi (on parle alors du « magistère romain ») soit lui-même (par les encycliques, les constitutions apostoliques, les exhortations apostoliques, les motu proprio, les brefs…) soit par les instructions et documents émanant des dicastères de la Curie romaine (congrégations, conseils, commissions, tribunaux) et approuvés par le Pape. Le magistère ordinaire n’est pas de soi infaillible. Ces expressions ne sont donc pas de soi immuables et irréformables et ne requièrent pas un assentiment de foi.

L’expression de magistère ordinaire et universel est apparue dans la lettre Tuas libenter que Pie IX adressa à l’archevêque de Munich en 1863. La constitution Dei Filius (Vatican I) la reprit sous l’influence du Père Kleutgen. Mais si la formulation est nouvelle, la réalité est ancienne. Il désigne le mode d’enseignement mis en œuvre dans la transmission ordinaire de la foi des Eglises locales par leurs pasteurs légitimes dispersés et unanimes. Autrement dit, c’est, comme le disait Saint Vincent de Lérins au Ve siècle ce qui est cru toujours, partout et par tous. C’est tout ce que

l’ensemble des Evêques soutiennent unanimement et en communion avec le Pape comme étant une vérité de fide et moribus, et comme devant être tenue de façon définitive.

Le magistère extraordinaire ou solennel est exceptionnel. Il est lié à une situation périlleuse ou critique. Il est constitué de définitions solennelles qui engagent l’infaillibilité de l’Eglise et l’assentiment de foi des fidèles. Il peut être exercé par le Pape lorsqu’il parle ex cathedra et par les conciles œcuméniques.

III – Magistère infaillible, définitif et authentique

Les doctrines enseignées sont donc de trois niveaux magistériels ou degrés d’autorité. Le premier niveau de vérité comprend les vérités de foi divinement révélées qui sont irréformables et qui exigent un assentiment de foi (sous peine d’excommunication pour hérésie ou apostasie) : il s’agit des doctrines « de fide divina et catholica ». Elles sont contenues dans la Parole de Dieu et sont définies par un jugement solennel. C’est ce qu’il faut croire (le credenda) : les articles de foi du credo, les dogmes christologiques et mariaux, la doctrine de l’institution des sacrements par le Christ et de leur efficacité, la doctrine de la transubstantiation ou présence substantielle du Christ dans l’Eucharistie, la nature sacrificielle de la Messe, la fondation de l’Eglise par la volonté du Christ, la doctrine de la primauté et de l’infaillibilité du Pontife Romain, la doctrine de l’existence du péché originel, la doctrine de l’immortalité de l’âme et de l’immédiate récompense après la mort, l’absence d’erreur dans les textes sacrés inspirés, la doctrine de la grave immoralité du meurtre direct et volontaire d’un être humain innocent.

Le deuxième niveau embrasse tout ce que l’Eglise, dans son enseignement de fide et moribus, propose définitivement. Ce sont les doctrines dogmatiques ou morales nécessaires pour la foi et déclarées comme telles par le Magistère, mais qu’il ne propose pas comme étant formellement révélées. C’est ce qu’il faut tenir (le tenenda). L’assentiment requis est la conviction profonde, véritable et consciente du caractère définitif de la doctrine enseignée. Y contrevenir ne rend pas

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3 hérétique, mais lèse gravement la pleine communion du fidèle avec l’Eglise. Ces doctrines « connexes » à la Révélation le sont historiquement (la légitimité de l’élection du Souverain Pontife, la célébration d’un concile œcuménique, la canonisation des saints, la déclaration du pape Léon XIII sur l’invalidité des ordinations anglicanes) ou logiquement (la condamnation de l’euthanasie, le caractère illicite de la prostitution et de la fornication, la doctrine réservant l’ordination sacerdotale aux hommes).

Enfin, le troisième niveau comprend les doctrines authentiques. C’est l’enseignement courant du pape (magistère romain) et des évêques. Il réclame une « soumission religieuse de l’intelligence et de la volonté » (can.752 CIC 83). Il est à prendre au sérieux et doit être respecté.

Il y a donc un magistère infaillible (extraordinaire ou ordinaire et universel) et un magistère authentique (ordinaire et particulier) auquel s’est ajouté plus récemment un magistère définitif. Cette « catégorie » intermédiaire, déjà présente dans la tradition canonique de l’Eglise, a été formulée par le motu proprio Ad tuendam fidem en 1998. Elle renforce l’autorité du magistère romain, c’est-à-dire du magistère ordinaire de l’Evêque de Rome. Il est clair que le magistère romain a un statut sui generis au sein du magistère ordinaire – en raison de la primauté pontificale – puisqu’il joue un rôle majeur dans la relation entre magistère ordinaire (particulier) et magistère ordinaire universel ainsi que dans la proposition d’un enseignement « définitif ».

Bibliographie :

Jean-Paul II, Motu proprio Ad tuendam fidem (1998)

Congrégation pour la doctrine de la foi, Instruction Donum veritatis (1990)

AAVV, Le Magistère. Institutions et fonctionnements, Recherches de Sciences Religieuses, t.71, 1983. F. Ardusso, Magistero Ecclesiale, Cinisello Balsamo, 1997.

L. Choupin, Valeurs des décisions doctrinales et disciplinaires du Saint-Siège, Paris, Beauchesne, 1929. D. Hercsik, Elementi di teologia fondamentale, EDB, Bologna, 2006, p.182-219.

D. Salvatori, L’oggetto del magistero definitivo della Chiesa alla luce del m.p. Ad tuendam fidem, Roma, 2001.

B. Sesboüé, Le magistère à l’épreuve, DDB, Paris, 2001.

A. Sullivan, Magisterium Teaching Authority in the Catholic Church, New York, 1983.

A. Sullivan, Creative fidelity. Weighing and interpreting documents of the Magisterium, Paulist, Mahwah, 1996. Mots clef : Autorité Doctrine Dogme Encyclique Enseignement Evêques Infaillibilité Indéfectibilité Kleutgen Magistère Pape Ad tuendam fidem Grégoire XVI Léon XIII

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