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Le feu de la vie va-t-il consumer la Terre ?

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-00601628

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Submitted on 19 Jun 2011

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Le feu de la vie va-t-il consumer la Terre ?

Claude Marcel Hladik

To cite this version:

Claude Marcel Hladik. Le feu de la vie va-t-il consumer la Terre ?. J. Hladik. Les énergies renouvelables aujourd’hui et demain, Editions Ellipses, Paris, pp.87-102, 2011. �hal-00601628�

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Texte publié en 2011, dans l’ouvrage :

«Les énergies renouvelables aujourdʼhui et demain» Jean Hladik (Ed) pp. 87-102. Editions Ellipses, Paris.

Le feu de la vie

va-t-il consumer la Terre ?

Claude Marcel Hladik

L

e feu de la vie, c’est l’énergie que nous apporte notre alimentation, très certainement la forme d’énergie renouvelable la plus abondante sur notre planète. En fait de feu, c’est-à-dire de flux d’énergie, nous avons repris ici le titre d’un ouvrage en anglais (the fire of life) publié par Max Kleiber en 1961, auquel se réfèrent encore actuellement les physiologistes travaillant sur les dépenses énergétiques des mammifères (incluant les humains). Ce flux d’énergie correspond à la différence de niveau énergétique entre toutes les molécules des aliments que nous ingérons et celui des produits rejetés après digestion et utilisation métabolique. Il s’agit donc de réactions chimiques développant des énergies infiniment plus faibles que celles qui sont engendrées par les réactions nucléaires au sein du soleil — évoqués dans le chapitre qui précède — mais nous sommes ici sur terre. On mesure généralement cette énergie en calories ou en kilocalories (énergie pour élever de 1 degré Celsius la température de 1 kg d’eau) dont la valeur indiquée sur les étiquettes des produits alimentaires vendus en magasin correspond à celle que notre corps obtient après leur ingestion.

Bien évidemment, notre alimentation apporte aussi les matériaux indispensables à la construction de notre corps, en particulier l’azote de nos cellules musculaires ainsi que le phosphore et le calcium de notre squelette. La couverture de ces besoins nutritionnels est indispensable au développement physique et intellectuel des enfants. Mais chez les adultes, les apports en protéines, en glucides et en graisses sont essentiellement convertis en énergie correspondant au travail musculaire et à l’entretien de nos organes, notamment du plus gourmand en énergie, notre cerveau. La conversion entre l’énergie chimique provenant des aliments et l’énergie mécanique du travail d’un homme ou d’un animal présente d’ailleurs, comme nous le verrons, un rendement global assez bon.

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Ainsi le nombre de kilocalories que nous apporte l’alimentation correspond à la somme des énergies que nous dépensons pour nos activités à laquelle s’ajoute toujours l’énergie indispensable à l’entretien de l’ensemble de nos tissus corporels, métabolisme de base dont Kleiber avait calculé l’intensité en fonction de la masse corporelle. Qui plus est, les apports caloriques de notre alimentation ne représentent que la phase finale d’une chaîne qui permet d’obtenir et d’amener jusqu’à nos assiettes les aliments dont nous tirons 2000 à 3000 kilocalories par personne et par jour. Car les dépenses énergétiques relatives à une alimentation provenant de ressources végétales et animales — en principe renouvelables — impliquent également les circuits de distribution (la plus grosse part de l’énergie fossile consacrée aux transports !), et, plus en amont, celles des fabrications d’engrais, des forages et du pompage d’eau pour l’irrigation et la mise en culture des terres.

Le problème majeur est qu’au cours du 21e siècle, compte tenu de

l’accroissement prévu de la population mondiale qui passera vraisemblablement de 6 à 9 milliards d’habitants entre ce début de siècle et 2050, nous risquons de dépasser les capacités de production alimentaire de la planète et de détruire les écosystèmes terrestres si nous continuons de les gérer selon les normes actuelles. C’est le cri d’alarme lancé depuis plusieurs décennies et repris dans le dernier rapport annuel de la FAO, l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Il est urgent de bien comprendre — et de faire comprendre — ces enjeux énergétiques relatifs à l’alimentation car les décisions à prendre relèvent à la fois du pouvoir politique et des orientations individuelles incluant celles des lecteurs du présent ouvrage.

Une dépense énergétique incompressible :

le métabolisme basal

Pour entretenir la vie de tous les habitants de la planète Terre, une dépense énergétique incontournable concerne le métabolisme de base. En quoi consiste ce métabolisme basal ? Un éléphant, un homme ou un rat ont en commun l’héritage de tous les vertébrés à sang chaud, avec des mécanismes physiologiques en grande partie comparables servant à maintenir les fonctions vitales (respiration, circulation sanguine, température interne, etc.) ; toutefois la dépense énergétique pour le maintien de ces fonctions leur coûte un prix fort différent si nous la calculons par rapport à leur taille. Parmi les facteurs impliqués, le plus évident est le rapport entre la surface du corps (qui dépend du carré de la taille de l’animal) et sa masse ou son volume (qui dépendent du cube de la taille) d’où une forte variation du rapport surface/volume entre un rat et un éléphant.

Ce rapport dit allométrique (qui dépend de la taille) est illustré par le schéma qui suit, sur lequel je montre comment varie la surface A de la muqueuse absorbante de l’intestin pour un « modèle animal cubique » de longueur L. Cette surface absorbante permettant, à flux constant, de remplir le volume de l’animal en une journée sera 1000 fois plus petite chez l’animal de 10 cm que chez celui de 100 cm. En ce qui concerne la surface cutanée et les pertes de chaleur à travers la peau, cette relation est inversée si l’on compare également des flux constants de transmission de chaleur. Elle explique une très forte dépense d’énergie pour le rat et les autres mammifères de petite taille qui, pour maintenir leur température

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interne, doivent compenser la grosse perte de chaleur à travers une peau de surface relativement grande. Au contraire, un éléphant — dont la grande masse corporelle conserve la chaleur interne et dont la surface cutanée est proportionnellement beaucoup plus petite — peut avoir à évacuer des calories excédentaires en agitant ses grandes oreilles irriguées par un dense réseau d’artères et de veines.

Ainsi, sur ce schéma, ai-je montré (en pointillés) qu’il fallait préciser les besoins caloriques de l’animal, ceux des animaux les plus gros étant réduits, alors que ceux des petits animaux sont extrêmement élevés. Le volume à remplir par les apports alimentaires illustre le métabolisme basal de chacun de ces êtres vivants, cet apport énergétique indispensable au maintien des fonctions vitales, dont nous pouvons comparer les valeurs propres aux différentes espèces en mesurant le nombre de calories émises par un être vivant pendant une unité de temps. En effet toute l’énergie utilisée se retrouve, en fin de cycle, sous forme de chaleur. C’est par rapport aux grandes variations de telles mesures effectuées dans le monde animal que Max Kleiber, a pu montrer que le métabolisme de base (W, exprimé en watts), d’un animal au repos (hors période de digestion) est proportionnel à la puissance ¾ de son poids corporel, P. C’est la loi de Kleiber : W=k.P 0,75, le facteur

k correspondant aux unités de poids et d’énergie utilisées pour le calcul (pour une dépense énergétique en watts et un poids en kg, k est égal à 4,1).

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L’homme n’échappe pas à la loi de Kleiber, en ce qui concerne ses dépenses énergétiques nécessaires au maintien de ses fonctions vitales, même si des anthropologues ont pu observer de sensibles variations du rapport surface/volume chez les peuples longilignes des régions les plus chaudes d’Afrique, ce qui change sensiblement le rapport de la surface de leur peau à leur masse corporelle, par rapport aux formes plus massives des populations Inuit du Groenland.

Son métabolisme par rapport à celui des autres mammifères présente donc quelques variations locales ; toutefois si nous le comparons à celui des primates les plus primitifs (les prosimiens, dont les premières formes sont à l’origine des singes, des anthropoïdes et de l’homme) on observe des différences plus marquées qui font actuellement l’objet d’études pour expliquer les adaptations aux variations climatiques et à la disponibilité des ressources alimentaires.

Par exemple chez les microcèbes, les plus petits des primates actuels (ils pèsent moins de 100 grammes et on en connaît une dizaine d’espèces du genre Microcebus vivant exclusivement à Madagascar), le métabolisme varie considérablement entre la phase d’activité — ces animaux étant nocturnes — et les périodes de repos diurne ; mais il baisse surtout au cours du cycle saisonnier, lorsque l’animal reste blotti dans le creux d’un tronc d’arbre comme cette espèce du nord-ouest malgache que j’ai eu l’occasion d’observer récemment dans une forêt du littoral sujette à une longue saison sèche.

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Cette variation du métabolisme qui s’accompagne d’une baisse de la température interne, comme dans le cas des animaux hibernants (la marmotte, par exemple), s’accompagne aussi d’une importante économie d’énergie qui permet de traverser la longue saison sèche au cours de laquelle les ressources en fruits et en petites proies animales sont presque nulles. Le microcèbe vit alors sur les réserves adipeuses qu’il a constituées au cours de la saison d’abondance qui suit les pluies de l’hiver austral, ce qui change beaucoup son apparence au cours du cycle annuel, comme nous le voyons ci-dessous.

Les recherches sur les variations du métabolisme au cours de ce cycle annuel s’effectuent essentiellement sur des animaux en élevage, notamment dans un laboratoire du Muséum national d’histoire naturelle localisé à Brunoy (Essonne) où a été prise la photo de droite, en fin de cycle de reconstitution des réserves adipeuses qui s’accumulent particulièrement dans la queue. La technique d’étude du métabolisme la plus courante consiste à placer l’animal dans un récipient ventilé où l’on mesure les flux des gaz échangés. La quantité de gaz carbonique expiré permet de calculer le nombre de calories qui ont été générées par ce feu de la vie correspondant à la combustion des produits alimentaires dans les tissus de l’organisme. Cette quantité d’énergie (de même que la quantité de CO2 émise) est exactement la même que si l’on brûlait les aliments consommés, en tenant compte évidemment de ce qui n’a pas été absorbé et que l’on retrouve dans les fèces.

Ces techniques actuelles de mesure de l’énergie consacrée au métabolisme sont beaucoup plus commodes que la mesure de la chaleur dégagée qui, pour Max Kleiber, nécessitait de placer un animal (ou un homme) dans une grande chambre parfaitement isolée. Elles sont utilisées par les anthropologues, sur le terrain, afin de déterminer la quantité

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d’énergie consacrée à différentes activités par des personnes qui rejettent leur air expiré dans un sac étanche (le sac de Douglas) dont on peut ensuite analyser le contenu [Hla-CM1]. Nous voyons ci-dessous un exemple de la mesure des dépenses énergétiques consacrées au travail de fabrication de denrées alimentaires (avec de la farine de manioc), au cours d’un programme de recherches sur l’alimentation réalisé en coopération au Cameroun.

Par ailleurs, l’utilisation d’isotopes stables (non radioactifs) est l’une des dernières méthodes introduites, nettement plus sophistiquée et permettant de suivre les variations du métabolisme d’humains pratiquant leurs activités habituelles sans être gênés par un sac de Douglas, ou d’animaux dans leur environnement naturel. De l’eau doublement marquée — par du deutérium remplaçant une partie de l’hydrogène et par de l’oxygène 18 remplaçant une partie de l’oxygène 16 — est incorporée en quantité bien définie, par injection, ou plus simplement chez l’homme en buvant une petite quantité de ce précieux liquide qui a toute les propriétés physiques et physiologiques de l’eau potable. Les quantités d’isotopes retrouvées dans le sang après quelques jours permettent de calculer comment l’eau s’est renouvelée dans la masse sanguine et, indirectement mais très précisément, la quantité de gaz carbonique émise par les tissus.

N’entrons pas dans le détail des calculs qui ont été fort bien résumés (en français) par nos collègues sur le site de la Société Francophone de Primatologie. Je fus moi-même présent sur le terrain, dans le bush du sud de Madagascar, où des lémuriens du genre Eulemur (ce sont de grandes formes

diurnes et frugivores), après avoir été capturés, ont subit une injection avec de l’eau doublement marquée, puis ont été relâchés et repris quatre jours plus

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tard pour un prélèvement de sang. Ces animaux, considérés comme dérivant des formes les plus primitives de primates datant de près de 70 millions d’années, ont montré effectivement un niveau de métabolisme nettement inférieur à celui des autres primates, singes et homme compris. Le but de l’étude était de préciser comment s’établissent les équilibres énergétiques dans les populations naturelles, en fonction des ressources alimentaires disponibles dans leur milieu.

Ces recherches permettent de comprendre, entre autres, comment les ressources alimentaires peuvent être utilisées au plus juste dans un monde où elles sont limitées. Elles sont particulièrement utiles pour interpréter, en fonction des différences que l’évolution des espèces de primates a engendré, les variations possibles du métabolisme des humains, de leurs besoins en énergie et de leur utilisation des ressources alimentaires.

Les ressources en énergie animale ou humaine

Pendant des siècles, le travail humain — qui fut en partie suppléé par celui des animaux — a constitué la principale source d’énergie mécanique. Cette énergie renouvelable reste encore largement utilisée, notamment en Asie et en Afrique, par les agriculteurs travaillant sur de petites parcelles de terres. L’énergie mécanique ainsi utilisée résulte d’une forme de « combustion partielle » des aliments ingérés. La plupart des composants moléculaires des aliments sont sous la forme de chaînes de carbone incluant de l’hydrogène. Bien que le processus soit une cascade de réactions beaucoup plus complexe que la simple combinaison du charbon avec de l’oxygène au cours de sa combustion, ou que la combinaison (brutale et explosive) de l’hydrogène avec l’oxygène, il en résulte toujours une production finale de gaz carbonique et d’eau, accompagnée du dégagement de chaleur correspondant aux énergies mises en jeu, que l’on mesure avec les techniques présentées ci-dessus. Les physiologistes de la nutrition utilisent les classiques tables de composition alimentaire (notamment celles de la FAO) avec, pour chaque aliment, une équivalence en calories résultant de la teneur des aliments en glucides (les sucres et l’amidon ; 4 kcal par gramme), en protides (les protéines ; 4 kcal par gramme), et en lipides (les graisses ; 9 kcal par gramme).

Le métabolisme de base correspond à une dépense de 1300 à 1500 kilocalories par jour, respectivement pour une femme ou un homme de taille moyenne. Mais il faut évidemment consommer davantage (2500 à 3000 kcal) pour pouvoir transformer l’énergie potentielle des aliments en un travail physique, avec un rendement de l’ordre de 20 à 25 % entre la valeur calorique ingérée (son équivalent en énergie mécanique) et l’énergie mécanique obtenue, selon le niveau d’entraînement de la « machine humaine ». Le rendement global est nettement plus faible puisqu’il faut nécessairement maintenir son métabolisme de base, même en dehors des heures de travail ; mais il reste relativement bon si nous le comparons aux facteurs de conversion de certains moteurs thermiques.

Le travail humain

Ainsi, au cours des derniers millénaires, le travail humain a souvent été la seule source d’énergie mécanique disponible. Pour la construction des grandes pyramides d’Egypte, ce sont des hommes qui, comme ceux que nous

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voyons sur la fresque d’un tombeau égyptien (celui de Djehoutyhotep), ont déplacé, après les avoir extraits, les énormes blocs de pierre qui constituent ces grandioses monuments du Patrimoine de l’Humanité.

On doit d’ailleurs faire table rase de l’idée que les constructeurs de pyramides étaient des esclaves mal traités ou mal nourris comme cela fut jadis mentionné par Hérodote. Le meilleur rendement pour réaliser ces travaux titanesques dans le temps record où ils furent construits ne pouvait être obtenu qu’avec des hommes très bien alimentés mais certainement aussi ayant une forte motivation collective. Il faut replacer ces grandioses réalisations — qui n’ont d’équivalent actuel, en techniques sophistiquées et en énergie dépensée, que les voyages des hommes sur la lune — dans le contexte d’une époque où la religion était intensément vécue par ces paysans bien rétribués en nourriture et ne consacrant au repos qu’une seule journée tous les 10 jours. Pour dévier ainsi des milliers de paysans de leur fonction de producteur, il fallait évidemment que les rendements agricoles soient largement excédentaires dans les terres enrichies par les alluvions du Nil.

L’énergie renouvelable des travailleurs humains, utilisée surtout pour des travaux agricoles, a été remplacée en Europe, au cours des derniers millénaires, par celle des animaux de trait dont le rendement est nettement supérieur. En effet, la grande taille d’un cheval ou d’un bœuf implique une moindre fraction d’énergie nécessaire au métabolisme de base ; et par ailleurs ces animaux digèrent une grande partie des fibres végétales que l’homme ne digère pas. La transformation, par fermentation bactérienne, de ces hydrates de carbone, s’opère chez le cheval dans un intestin postérieur de grande capacité tandis que les ruminants transforment ces composés végétaux en acides gras volatils dans leur estomac formé de plusieurs poches. Le rendement global n’en est que meilleur. Et n’oublions pas l’éléphant qui obtient également par fermentation intestinale une grande partie de l’énergie contenue dans les végétaux fibreux. Son énergie renouvelable est encore actuellement utilisée en Asie, notamment pour le débardage des troncs d’arbres sur les chantiers forestiers.

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Cette énergie, renouvelable — du moins en apparence, si l’on ne considère que les produits alimentaires à son origine —, implique de fait de nombreuses autres dépenses annexes qui pourraient, au total et dans un proche avenir, excéder la production mondiale.

L’énergie consacrée à la cuisson des aliments

Parmi les dépenses énergétiques indispensables à l’obtention d’aliments consommables, celle qui est consacrée à la cuisson est la plus évidente mais ce n’est pas nécessairement la plus importante.

Nous avons mesuré (photo ci-dessus) les quantités de bois utilisées pour la cuisson des aliments à l’entrée d’un village centrafricain en région forestière où la présence du bois mort autour des plantations permet d’en utiliser une quantité limitée uniquement par la nécessité de transporter ce combustible sur plusieurs kilomètres séparant le village des plantations vivrières. Le poids du bois transporté était supérieur à celui des aliments (manioc, igname, banane plantain). Ce bois de feu implique donc un apport énergétique important (voir le chapitre sur le bois énergie) car il sert également au séchage et au fumage, sur des clayettes, des poissons et de la viande des

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Dans les régions forestières, la ressource-bois n’est pas limitée ; mais le problème se pose différemment dans les régions de savane ou dans les zones sahéliennes où le changement climatique ne tend pas à améliorer la régénération des arbres. Cependant le bois reste encore aujourd’hui le principal carburant des régions rurales du monde tropical et sub-tropical où, en ville, il est vendu et consommé sous la forme de charbon de bois, plus léger à transporter et ne dégageant pratiquement pas de fumées dans les foyers des cuisines. Le charbon de bois peut d’ailleurs constituer une ressource intégralement renouvelable, par exemple à Madagascar dans des zones en grande partie déboisées où des eucalyptus ont été introduits. Après leur première coupe, ces arbres produisent des rejets à partir des souches laissées en place. Dès que ces rejets atteignent une taille suffisante, ils sont coupés de nouveau et ces branches séchées sont empilées par les charbonniers sur les meules pour ensuite partir sous la forme de charbon de bois vers les villages et les villes.

Les fours à concentration solaire qui semblent constituer une solution idéale au manque de ressources énergétiques des régions sahéliennes restent encore peu utilisés pour la cuisson des aliments, bien que des ONG militantes aient beaucoup contribué à leur diffusion. Le gaz (en particulier le gaz butane) s’est finalement imposé dans les cuisines des grandes agglomérations où le charbon de bois ne suffit plus. Avec l’électricité, ces sources d’énergie qui puisent largement dans les ressources fossiles sont souvent considérées comme un moyen d’éviter la déforestation. Est-ce bien le cas ?

La part des énergies investies dans l’alimentation :

comment la maîtriser ?

Les énergies associées aux productions d’aliments et, bientôt, à celle des biocarburants, ne doivent surtout pas rester cachées si l’on veut comprendre quels sont les enjeux globaux au niveau de notre planète.

En effet, si l’on fait un simple calcul de l’énergie totale que représente chaque année l’alimentation utilisée par les 6 milliards d’habitants qui peuplaient la terre au début du 21ème siècle, nous arriverions

à un ordre de grandeur de plusieurs centaines de million de tep (tonnes équivalent pétrole), avec 1 tep = 11628 kWh et considérant les 2000 à 3000 kcal consommés quotidiennement par chacun d’entre nous seraient l’équivalent de 1255 kWh sur l’année, si toutefois chacun mangeait à sa faim sur l’ensemble de la planète.

En revanche, les statistiques de l’Agence internationale de l’énergie indiquent, pour l’année 2007, une énergie finale consommée de 8,2 milliards de tep. La quantité d’énergie renouvelable de notre alimentation — dont nous discutons ici — correspond donc à moins du dixième de cette énergie (non renouvelable, pour l’essentiel) que nous utilisons par ailleurs… et encore, la fraction d’énergie que nous pouvons effectivement convertir en travail manuel, ne représente pas plus de 20 % de ce dixième de l’énergie utilisée sur terre, chaque année, pour notre nourriture. C’est encore actuellement une quantité d’énergie supérieure à celle des autres énergies renouvelables (éolien ou solaire) mais nous ne sommes qu’au début de l’âge des énergies renouvelables qui remplaceront nécessairement le charbon et le pétrole.

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Que deviennent donc les 8,2 milliards de tep utilisées au cours de ces dernières années ? A faire tourner l’industrie et le commerce, bien évidemment ; mais une très grosse part que les statistiques ne discernent pas clairement correspond surtout à faire fonctionner les machines agricoles et les transports de denrées consommables. On remarque par exemple que, sur les autoroutes, une bonne moitié des conducteurs de poids lourds transportent des denrées alimentaires qui vont remplir plus de la moitié de la surface des magasins de grande distribution.

Il y a donc une énorme dépense énergétique induite dans un système, certes réformable (de nombreuses personnes et associations s’y emploient) en particulier en proposant de limiter les transports, à travers la planète, des aliments exotiques ou provenant de l’hémisphère sud pendant l’hiver boréal. Cela pourrait être favorisé par un choix délibéré en ne consommant que les aliments produits localement.

Mais l’essentiel n’est pas là, car ce sont certaines habitudes alimentaires enracinées dans notre culture qui risquent fort d’entraîner un déséquilibre catastrophique avant l’année 2050 si la tendance n’est pas modifiée. Comme cela a été souligné dans les rapports des Nations Unies mentionnés au début de ce chapitre — et également dans l’excellent ouvrage de Bruno Parmentier [Par1] — l’alimentation dans les pays industrialisés a changé au cours du 20e siècle pour aboutir à un

régime particulièrement riche en aliments d’origine animale (en France, plus de 100 kg par personne et par an de viandes et de poissons, contre 55 kg dans les années 1950). Et cette tendance s’applique actuellement à des pays en pleine expansion économique, comme l’Inde et la Chine où les individus dont le niveau de vie s’améliore tendent à copier le modèle occidental en consommant davantage d’aliments d’origine animale.

Or les chiffres sont sans appel : produire 1 kcal sous forme de viande nécessite 11 fois plus de calories que de produire l’équivalent sous forme de végétal (blé ou riz). Sans compter la dépense en eau, qui est 10 fois supérieure pour obtenir 1 kg de bœuf que pour 1 kg de riz (5 fois supérieure pour du poulet ou du porc) [Par1]. De la même façon, l’extension des terres cultivables qu’exigerait l’élevage du bétail dépasserait les surfaces qui sont actuellement utilisables, si la tendance à la consommation de produits animaux continuait de progresser en même temps que l’accroissement de la population, notamment sur le continent africain.

Cela ne signifie absolument pas qu’il faille mettre tout le monde au régime végétarien ! D’abord nous savons pertinemment que parmi les traditions qui caractérisent une culture, ce sont les préférences alimentaires qui persistent le plus longuement [Hla-CM2], notamment chez les populations qui migrent et pour lesquelles la persistance d’une forme d’alimentation est un marqueur culturel qui constitue le principal repère de leur identité. Mais il va aussi de soi que de se rendre malade en mangeant trop et mal, tout en détruisant notre environnement, ne pourrait être un choix valable pour notre alimentation et ses implications dans l’organisation de nos sociétés. Au contraire, Bruno Parmentier [Par1] et bien d’autres spécialistes de l’agriculture ont proposé des options concrètes pour produire davantage et mieux en privilégiant le végétal.

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Ce qui est bon pour l’environnement est bon pour la santé

Les différents auteurs qui participent à la rédaction de ce livre ont été suffisamment motivés pour communiquer à la fois des données scientifiquement établies et un message au lecteur qui pourrait influencer les orientations de gestion de notre planète. Ce lecteur à qui nous nous adressons est, à coup sûr, déjà convaincu de l’indispensable remplacement des énergies fossiles par des sources énergétiques moins polluantes, avec un moindre gaspillage des ressources fossiles. Je voudrais ajouter ici des informations importantes, beaucoup moins répandues, concernant la biologie et les résultats des recherches récentes sur l’énergétique et l’alimentation.

Revenons aux recherches sur les primates non humains qui servent de modèle pour comprendre, en fonction de l’évolution, en quoi la physiologie humaine est adaptée à différents environnements et à différents régimes alimentaires. Dans le premier chapitre de ce livre, nous avons montré l’importance de la cuisson des aliments qui, selon la seule hypothèse plausible, aurait permis le développement cérébral des premières espèces du genre Homo, en même temps que la réduction de la taille de leurs dents, il y a environ 2 millions d’années [Hla-CM3]. Par ailleurs le bois de feu reste encore actuellement la principale source d’énergie pour beaucoup de populations. C’est une ressource renouvelable qui s’ajoute localement aux énergies virtuelles associées aux aliments et qui, dans certains pays nordiques, a montré son efficacité dans de petites centrales électriques.

L’énergie renouvelable qu’un feu de bois nous procure serait donc un élément clé de notre évolution, avec la présence, dans les forêts tropicales, des plantes à tubercules riches en amidon, comme les ignames dont la cuisson permet (en cassant les molécules) d’obtenir deux fois plus d’énergie qu’avec ces mêmes aliments crus. Cette énergie supplémentaire a permis, au cours de l’évolution, d’entretenir le métabolisme du cerveau, beaucoup plus gourmand en énergie que les autres organes (notre cerveau actuel ne pèse que 2 % du poids du corps, mais il consomme 20 % de son oxygène).

Parmi les primates non humains qui ont précédé les hominidés, on trouve ces prosimiens, dérivant des plus anciennes formes, chez lesquels nous avons montré qu’un métabolisme sensiblement plus bas que celui prévu par la loi de Kleiber pouvait favoriser une adaptation aux ressources lorsqu’elles se raréfient. Sachant que les problèmes de santé et de vieillissement sont souvent liés au régime alimentaire, notamment aux excès de consommation calorique qui entraînent, avec l’obésité, des risques de maladies cardiovasculaires, l’équipe de chercheurs travaillant sur les microcèbes dans notre laboratoire a voulu tester les régimes à restriction calorique.

Dans ces expériences, il ne s’agit aucunement de sous-alimenter ou de carencer les animaux, aussi la composition du régime est-elle judicieusement dosée en protéines, glucides et graisses, vitamines et sels minéraux, mais avec une quantité disponible sensiblement inférieure (30 % de moins, par exemple) à ce que consomme l’animal quand la nourriture est disponible à profusion. Les animaux soumis à ce régime sont comparés à un lot témoin, avec les nombreux contrôles biologiques que cela implique, dont les taux d’hormones circulantes.

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Bien que cette expérience ne se poursuive que depuis 3 ans, les résultats sont remarquables (plusieurs thèses ont été récemment soutenues par des chercheurs de l’équipe du Brunoy). La vitesse de vieillissement de ce petit primate — c’est un vieillard dès qu’il a 10 ans — a été notoirement ralentie, et tous les paramètres positifs montrent un meilleur état de santé chez les animaux en restriction calorique.

En fait, il y avait déjà des résultats positifs, publiés dans la revue Science en

1999, par une équipe de chercheurs américains du Wisconsin travaillant sur des macaques rhésus qui, par rapport aux microcèbes, ont une plus longue espérance de vie (environ 30 ans), ce qui exige une très longue période d’expérimentation de la restriction calorique.

La comparaison entre deux macaques du même âge (27 ans tous les deux) est fort démonstrative : l’animal de gauche, qui a profité d’une nourriture abondante, étant très diminué avec un pelage bien détérioré, comparé à la belle fourrure du macaque soumis au régime à réduction calorique (à droite). Les travaux de cette équipe ont évidemment porté sur deux lots d’animaux (30 mâles et 30 femelles) dont tous les paramètres biologiques étaient suivis.

La nouveauté dans ce type de recherche, c’est que l’on arrive à reproduire des effets proches de ceux de la restriction calorique sans se restreindre. Les expériences conduites sur les microcèbes de notre laboratoire ont permis de montrer les effet positifs du Resvératrol, une substance présente dans les peaux des raisins (et dans le vin). Il s’agit d’un phénomène assez semblable à ce qui fut nommé le ‘French

paradox’ il y a presque deux décennies, après la comparaison d’une population des

USA fortement marquée par les maladies cardiovasculaires (qui découlaient d’une alimentation trop riche) avec une population du sud de la France dont l’alimentation était fort savoureuse et aussi riche que celle des USA, mais qui consommait du vin rouge. Il semble que le Resvératrol évite, en grande partie les conséquences d’une alimentation trop riche. Il s’agit d’un des composés secondaires des végétaux, une catégorie de produits très nombreux et variés (protégeant généralement les plantes contre les insectes ravageurs) incluant les polyphénols comme les tannins au goût astringent. Ils sont présents en grande quantité dans le régime des primates sauvages, en particulier dans celui du chimpanzé, avec un effet favorable pour limiter les parasites intestinaux [Hla-CM1]. Leur absence dans notre alimentation trop sélective correspond peut-être à un manque des effets favorables des composés secondaires des plantes sauvages.

Bien que le Resvérastrol, cette substance-miracle, soit proposé à la vente sur des sites Internet, je ne pense pas utile de la conseiller (manger du raisin revient au même), ni d’ailleurs de conseiller un régime à restriction calorique qui permet

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effectivement de se maintenir en bonne forme, mais qui restreint certainement les motivations à maintenir une activité soutenue. Il apparaît en effet qu’un régime équilibré accompagné d’une activité suffisante reste adapté à un monde futur, à condition de réduire la fraction de notre alimentation formée des produits d’origine animale, trop exigeante en énergie, et d’aller vers un modèle de développement d’un monde végétal équitablement géré.

La planète Terre nous suffira-t-elle ?

Vers une gestion durable de la production alimentaire

Sachant qu’en 2050 la Terre devra nourrir environ 9 milliards d’êtres humains, on pourrait être très inquiet pour l’avenir de notre planète et se demander si le feu de la vie, cette petite part de l’énergie renouvelable qui, pour les humains, nécessite de consommer d’énormes quantités d’énergies annexes, renouvelables ou non, ne va pas finir par consumer notre monde. Nous savons en effet que la couverture des besoins caloriques, dans le contexte actuel des habitudes alimentaires occidentales, nécessiterait une extension quasi impossible des surfaces cultivables, surtout pour la production des aliments d’origine animale pour laquelle on doit investir cinq à dix fois plus que pour la production d’aliments végétaux, en surface cultivable et en besoins en eau. Le continent africain dont la population va inexorablement doubler apparaît comme la partie du monde où l’équilibre entre la production et la consommation serait le plus difficile à atteindre, surtout si l’on souhaite une juste répartition des ressources.

Il existe pourtant des options simples et efficaces, notamment de nouvelles techniques de culture qui ne sont pas nécessairement d’une grande complexité et ce sont souvent des modèles déjà en pratique qui peuvent être repris et adaptés. C’est le cas de l’agroforesterie dont on a redécouvert les bienfaits en observant des systèmes traditionnels de gestion en Asie et en Afrique.

Par exemple, sur cette vue de ce qu’il est convenu de nommer « jardin de case » que j’ai photographié dans un village du sud du Cameroun, l’apparent

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désordre et le foisonnement des espèces et des variétés en culture incluant les animaux domestiques traduit un système localement bien adapté. En fait, ainsi que l’a écrit Annette Hladik [Hla-A1], ces systèmes agroforestiers sont des mosaïques dynamiques d’habitats et d’utilisation des terres que les interactions entre les peuples et la nature ont façonnées au fil des années de façon à conserver la biodiversité et à fournir aux êtres humains des biens et des services nécessaires à leur bien-être. Ces paysages ont fait preuve de durabilité au cours des siècles et sont considérés comme des exemples vivants du patrimoine culturel. Dans ces paysages, les ressources naturelles sont recyclées en respectant la charge critique et la résilience des écosystèmes ; la valeur et l’importance des traditions locales et des cultures sont reconnues ; la gestion des ressources naturelles implique la participation et la collaboration de diverses entités et contribue aux socio-économies locales. Ces pratiques de gestion des paysages permettent de maintenir un équilibre optimal dans la production alimentaire, l’amélioration des conditions de vie et la conservation des écosystèmes.

Ces solutions locales, peu gourmandes en énergie, peuvent-elles être appliquées ailleurs ? L’introduction de l’agroforesterie dans les pays occidentaux, en particulier en France est actuellement présentée, notamment par des chercheurs de l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) comme une des solutions à adapter localement pour une gestion durable. Les systèmes de cultures associées — par exemple des graminées associées à des légumineuses qui fixent l’azote au niveau des racines — s’opposent aux systèmes des monocultures pratiquées sur de vastes étendues. Cependant, comme le souligne Bruno Parmentier [Par1], l’évolution de la pratique des grandes cultures a permis, au cours de la deuxième moitié du 20e siècle, d’augmenter le rendement et d’écarter les

risques de famine qui nous menaçaient au cours des siècles passés. Alors qu’il fallait un agriculteur pour subvenir aux besoins de cinq personnes dans les années 1950, un enfant de ce même agriculteur, avec la mécanisation et l’emploi d’intrants bien adaptés dans ses champs, produit actuellement les aliments de plus de cent personnes, dans notre monde industrialisé.

Les problèmes se présentent actuellement sous des formes différentes, avec la pollution des nappes phréatiques et la disparition progressive des couches de terre arable que certains types de labours profonds entraînent. De plus, une tonne de blé nécessite actuellement plus d’une demie tonne de pétrole pour sa production et sa mise à disposition. Il faudrait donc, suggère B. Parmentier, produire davantage avec moins de carburant et moins de gaspillage d’eau douce. La technique du semis direct, sans labour préalable est l’une des voies préconisées qui a largement dépassé le stade expérimental. Finalement, avec les techniques de production d’aliments bio, sans pesticides, on devrait déboucher sur une « double révolution verte » (faisant suite à la révolution verte des années 1970), basée sur les progrès des connaissances en biotechnologies.

Bien évidemment, il fallait d’abord augmenter la productivité comme cela a été réalisé au cours du 20e siècle ; et le basculement progressif vers des

systèmes diversifiés, adaptés à chaque région en conservant les traditions locales ne peut s’envisager qu’après avoir résolu les problèmes des régions où la sous-alimentation est encore, hélas, une réalité.

La culture biologique (nommée, de façon mieux adaptée, dans les pays anglo-saxons, culture organique) n’apporte pas nécessairement une alimentation plus saine que les grandes cultures actuellement présentes

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dans toute l’Union Européenne (où les contrôles des restes de pesticides et des autres polluants sont très stricts). Néanmoins les aliments bios sont généralement perçus comme plus savoureux — et préférés même par des chimpanzés lors de tests comparatifs réalisés au Muséum national d’histoire naturelle — et le plaisir que l’on éprouve est une composante essentielle d’une saine alimentation. Ce plaisir est même accru (et cela peut réellement influencer leur meilleur goût) par la perception consciente que ce type d’aliment contribue à préserver la biodiversité et à minimiser la consommation d’énergies fossiles. Car il est indéniable que la culture bio a un rôle essentiel à jouer dans la préservation de l’environnement, incluant la faune du sol et les nappes phréatiques.

Au cours des dernières années, cette évidence est passée de la pensée individuelle et collective de petits groupes de militants vers des options proposées par des responsables politiques. Comment pourrait-on faire passer de la même façon, vers des choix d’options politiques au niveau national et international, les évidences présentées dans ce chapitre sur les excès qu’imposent l’accroissement immodéré de la production de bétail ?

Au niveau de notre planète, ces enjeux dépassent ceux des équilibres financiers et ceux des flux des matières premières incluant les carburants. Ils font l’objet de titres de journaux tels « L’essor de l’élevage, une menace pour la planète » et d’autres articles parus en 2010 à propos du rapport alarmant de la FAO dont nous parlons au début de ce chapitre. La forêt amazonienne abattue et transformée en prairie pour l’élevage du bétail qui va bientôt alimenter les pays émergeants en viande de boucherie ne semble poser problème qu’aux défenseurs de la biodiversité, alors que la question se pose en termes de choix alimentaires de la population mondiale.

Il est cependant remarquable qu’au cours des grandes réunions internationales concernant la gestion à long terme de notre planète — dont la dernière se tient à Nagoya (Japon) au moment même où j’écris ces lignes —, aucune mention ne soit faite des orientations de l’alimentation humaine et de la prégnance du modèle occidental actuel. Ce modèle implique à la fois un excès calorique, préjudiciable à la santé (un problème de santé publique qui est posé au niveau des différents gouvernements des pays riches) mais surtout une utilisation excessive des aliments d’origine animale dont la tendance actuelle et la valorisation culturelle risquent d’aboutir à la déforestation et au gaspillage des terres à vocation agricole.

Comment faire circuler avec assez de force cette information dont les enjeux dépassent ceux de la gestion de toutes les ressources énergétiques, renouvelables ou non, à propos de l’orientation des choix alimentaires et de nos dépenses énergétiques vers un modèle équilibré et finalement ludique et bénéfique à la santé ?

C’est à chacun d’entre nous de provoquer ces indispensables changements d’appréciation de la valeur calorique et symbolique des aliments.

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Références : [Hla-A1]

HLADIK, A. (1996) Perspectives de développement par l’agroforesterie. Chapitre 43. In: FROMENT, A., GARINE, I. DE, BINAM BIKOI, C. et LOUNG, J.F. (Eds.). Bien manger et bien vivre. Anthropologie alimentaire et développement

en Afrique intertropicale : du biologique au social. pp. 483-492. L’Harmattan/

ORSTOM, Paris.

[ http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers09-03/010010004.pdf]

[Hla-CM1]

HLADIK, C.M. (2010) — Considerations on field methods used to assess non-human primate feeding behaviour and non-human food intake in terms of nutritional requirements. In: J.MacClancy & A.Fuentes (eds), Centralizing fieldwork: critical perspectives from primatology, biological anthropology and social anthropology.

Oxford & New York, Berghahn : 170-185. [Hla-CM2]

HLADIK, C.M. HLADIK, A. PAGEZY, H. LINARES, O.F., KOPPERT, G.J.A et FROMENT, A. (Eds) (1996) – L’alimentation en forêt tropicale : interactions bioculturelles et perspectives de développement. UNESCO, Paris.

[Hla-CM3]

HLADIK, C.M., KRIEF, S., SIMMEN, B.,& PASQUET, P. (2010) — Le goût n’est pas le propre de l’homme. La Recherche, 443 : 64-67.

[Par1]

PARMENTIER, B. (2007) — Nourrir l’humanité. Les grands problèmes de l’agriculture mondiale au XXIe siècle. Paris, La Découverte.

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