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L'apport de l'hypnose médicale dans le sevrage tabagique : à propos d’un cas clinique

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: dumas-02267948

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02267948

Submitted on 20 Aug 2019

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L’apport de l’hypnose médicale dans le sevrage

tabagique : à propos d’un cas clinique

Mathilde Baleste

To cite this version:

Mathilde Baleste. L’apport de l’hypnose médicale dans le sevrage tabagique : à propos d’un cas clinique. Sciences du Vivant [q-bio]. 2019. �dumas-02267948�

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1

U.F.R. D’ODONTOLOGIE

Année 2019

Thèse n°63

THESE POUR L’OBTENTION DU

DIPLOME D’ETAT de DOCTEUR EN CHIRURGIE

DENTAIRE

Présentée et soutenue publiquement

Par BALESTE, Mathilde, Élise, Hélène

Née le 15 avril 1994 à Bordeaux (33)

Le 16 juillet 2019

L’APPORT DE L’HYPNOSE MÉDICALE DANS LE SEVRAGE

TABAGIQUE

À propos d’un cas clinique

Sous la direction de : Dr Yves DELBOS

Membres du jury :

Pr CATROS, Sylvain Président

Dr DELBOS Yves Directeur

Dr AUSSEL, Audrey Rapporteur

Dr ARRIVÉ Élise Assesseur

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(4)
(5)

4

Remerciements

À notre Président de thèse

Monsieur le Professeur Sylvain CATROS

Professeur des Universités – Praticien Hospitalier

Sous-section Chirurgie orale 57-01

À vous qui nous faites l’honneur de présider le jury de cette thèse,

Je vous remercie de votre présence, votre pédagogie et votre enseignement tout au long de cette formation.

Soyez assuré de ma sincère reconnaissance.

À notre Directeur de thèse

Monsieur le Docteur Yves DELBOS

Maître de Conférences des Universités – Praticien Hospitalier

Sous-section Odontologie Pédiatrique 56-01

À vous qui nous faites l’honneur de diriger cette thèse,

Je vous remercie de la confiance que vous m’avez accordée, de vos conseils et de votre disponibilité durant la rédaction de ce travail. Votre enseignement m’a beaucoup appris et montré la force du langage de l’hypnose.

(6)

5

À notre Rapporteur de thèse

Madame le Docteur Audrey AUSSEL

Maître de Conférences des Universités Associée – Praticienne Hospitalier

Sous-section Sciences anatomiques et physiologiques 58-01

À vous qui me faites l’honneur d’évaluer ce travail et de participer à ce jury,

Je vous remercie de votre disponibilité, votre bienveillance et votre pédagogie. Les vacations hospitalières à vos côtés ont renforcé mon intérêt pour l’odontologie pédiatrique.

Trouvez à travers cette thèse l’expression de ma reconnaissance.

À notre Assesseur

Madame le Docteur Élise ARRIVÉ

Maître de Conférences des Universités – Praticienne Hospitalier

Sous-section Prévention épidémiologique–Économie de la santé–Odontologie légale – 56-02

À vous qui nous faites l’honneur de participer à ce jury,

Je vous remercie de votre pédagogie et de votre enseignement tout au long de mon cursus universitaire.

Trouvez dans ce travail le témoignage de ma sincère gratitude.

À notre Assesseur

Madame le Docteur Olivia KEROUREDAN

Assistante Hospitalo-Universitaire – Praticienne Hospitalier Attachée

Sous-section Odontologie Conservatrice – Endodontie 58-01

À vous qui nous faites l’honneur de participer à ce jury,

Je vous remercie de vos conseils bienveillants et votre pédagogie qui m’ont permis de progresser dans ce travail.

(7)

6

Remerciements personnels

À ma famille,

Pour ses encouragements, son soutien en toutes circonstances. Un petit clin d’œil à mon oncle et ma tante pour leur implication et leur disponibilité, à Pierre pour sa maîtrise de l’anglais et à ma mère qui a su avec humour me rappeler qu’en toute circonstance :

« Happiness is a choice ». À mes amis,

Pour avoir toujours répondu présents et qui avec le temps représentent encore plus pour moi. Et pour certains d’entre eux, prêts à se dévouer pour une expérience hypnotique au risque d’en perdre une addiction.

À Anne Deneuve,

Pour m’avoir permis de participer à ces séances d’hypnose et de m’avoir transmis ton expérience et ton savoir.

À Romain Haaser,

Pour votre écoute bienveillante et le temps que vous m’avez consacré dans le cadre de ce travail. Vous m’avez montré que l’hypnose peut éveiller l’humain qui la pratique. « Le bonheur est parfois caché dans l’inconnu » Victor Hugo.

À Anne Calcagni,

Pour le partage de votre expérience, vos conseils et l’intérêt apporté à ce travail. À Nadine,

Pour ma première expérience d’hypnose au cours des vacations hospitalières à Xavier Arnozan qui a largement motivé le choix du sujet de ma thèse.

À tous les intervenants que j’ai rencontrés qui m’ont permis d’appréhender les connaissances nécessaires à la rédaction de cette thèse et plus particulièrement aux Dr Fabienne Le Monnier, Dr Marie Floccia, Dr Sylvie Colombani, Dr François Machat, Dr Pierre Alemant, Dr Alice Lamazou, Dr Catherine Martin et Dr Marie-Pierre Carat-Sarracanie.

À ma professeure de yoga,

(8)

7

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION

11

1

Du tabagisme au sevrage, soutien de l’hypnothérapie

13

1.1 Le tabagisme, une problématique contemporaine 13

1.1.1 L’évolution de l’image du tabac 13

1.1.2 Les données épidémiologiques et l’action des institutions 14 1.1.3 L’impact du tabagisme sur l’état général de la santé 15 1.1.4 Les conséquences bucco-dentaires et le rôle du chirurgien-dentiste 16 1.2 Le processus itératif de la dépendance vers le sevrage 17

1.2.1 La dépendance, somme de paramètres complexes 17

1.2.2 Quand la pharmacologie contribue à forger les habitudes du fumeur 19 1.2.3 Le modèle transthéorique de Prochaska et DiClemente 20 1.2.4 La prise en charge du tabagisme par les professionnels de santé 21 1.2.5 Une alternative aux traitements de première intention, l’hypnothérapie 22

1.3 État de conscience modifiée, l’hypnose 23

1.3.1 Un passé chargé d’enseignement 23

1.3.2 Milton Erickson, père fondateur de l’hypnose médicale 25 1.3.3 Application de l’hypnose par le chirurgien-dentiste 28

2

À propos d’un cas clinique

29

2.1 Le contexte de la séance 30

2.1.1 Présentation de l’hypno-praticienne 30

2.1.2 Présentation de la patiente Mme M. 30

2.1.3 Préalables à la séance 31

2.2 De l’entretien à l’alliance thérapeutique, en pratique 31

2.2.1 Le contexte 31

2.2.2 Les interventions de l’hypno-praticienne 32

2.2.3 Focalisation sur l’objectif de la séance 35

2.3 La séance d’hypnose formelle 36

2.3.1 L’induction 36

2.3.2 La transe 39

(9)

8

3

Discussion

42

3.1 Les éléments patients-dépendants des cas cliniques observés 42

3.1.1 Leur situation personnelle 42

3.1.2 Leurs motivations au sevrage et le choix de l’hypnose 43 3.1.3 L’expression de leurs craintes face à la perspective de l’arrêt du tabac 44

3.1.4 L’expérience de leurs précédents sevrages 44

3.1.5 Le suivi des patients 44

3.2 Des outils communs mais des pratiques différenciées 45

3.2.1 À chacun sa planification des séances 46

3.2.2 De l’entretien à l’alliance thérapeutique 47

3.2.3 À chacun son usage du bagage hypnotique 49

3.3 Un cadre scientifique encore inadapté aux techniques non conventionnelles 51

3.3.1 Biais des cas cliniques étudiés 52

3.3.2 Comparaison à la littérature 53

3.3.3 L’hypnothérapie à l’épreuve des preuves scientifiques : des adaptations méthodologiques

nécessaires 56

CONCLUSION

58

ANNEXES

60

(10)

9

TABLE DES ILLUSTRATIONS

Figure 1 : L’image du tabac... 13

Figure 2 : Schéma modifié de Prochaska et DiClemente (31) ... 20

Figure 3 : Schéma synthétique de la définition de l’hypnose selon l’APA (40) ... 25

Figure 4 : Illustration d’une séance d’hypnose ... 28

Figure 5 : Tableau synthétique du contexte de la consultation de Mme M. ... 31

Figure 6 : Illustration d’une cartographie du cerveau (51) ... 34

Figure 7 : Tableau comparatif du nombre de cigarettes fumées par les 3 patients observés ... 42

Figure 8 : Modèle tricyclique de l’EBM modifié (57) ... 51

Figure 9 : Tableaux comparatifs modifié des taux d’abstinence constatés (68) ... 55

TABLE DES ANNEXES

Annexe 1 : Modèle de questionnaire utilisé dans le sevrage tabagique Annexe 2 : Test de Fagerström

Annexe 3 : Retranscription du cas clinique du patient 2, janvier 2019 Annexe 4 : Retranscription du cas clinique du patient 3, janvier 2019 Annexe 5 : Tableau comparatif des pratiques et des patients

(11)

10

LISTE DES ABRÉVIATIONS

APA American Psychological Association

CFHTB Confédération Francophone d’Hypnose et de Thérapies Brèves CIM-10 Classification Internationale des Maladies, 10e révision

DIU Diplôme Interuniversitaire DU Diplôme Universitaire

DSM-IV-R Diagnostic and Statistical Manual, 4e édition Révisée

HAS Haute Autorité de Santé IFH Institut Français d’Hypnose

OMS Organisation Mondiale de la Santé

PNRT Plan National de Réduction du Tabagisme PNL Programmation Neurolinguistique

TNS Traitements Nicotiniques de Substitutions

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11

INTRODUCTION

Longtemps, le tabagisme a été assimilé à une habitude ordinaire. Cependant, l’amélioration des connaissances des effets nocifs et addictifs du tabac a permis de poser un regard différent sur cette pratique. Si le terme « tabac » désigne la plante, c’est la substance transformée pour l’usage des consommateurs, particulièrement sous forme de cigarettes, qui sera considérée ici. On sait en effet, que l’usage du tabac est à la fois un phénomène complexe mais aussi plus addictif que la consommation de certaines drogues telle que l’héroïne [30]. La nicotine est reconnue comme la principale substance psychoactive du tabac. L’accès au sevrage passe principalement par la prise en compte des effets pharmacologiques et du profond ancrage des habitudes du fumeur dans son environnement. Plus de la moitié des fumeurs expriment le souhait d’arrêter, mais le parcours contre cette redoutable substance est difficile [60]. Cependant, le tabagisme n’est pas une fatalité. Chaque année on estime que 400 000 à 500 000 fumeurs réguliers arrêtent de fumer pendant au moins un an [60]. Des bénéfices mesurables sont obtenus sur la santé quel que soit l’âge au moment de l’arrêt [24]. En effet, c’est la durée du tabagisme qui apparaît comme le facteur de risque le plus important [8].

Le tabagisme « tue vingt fois plus que les accidents de la route, alors même qu’il est évitable » [39]. Avec 32% de consommateurs de tabac, la France tient en Europe la 4ème place après la Grèce, la

Bulgarie et la Croatie [17]. L’Organisation Mondiale de le Santé (OMS) constate que l’épidémie de tabagisme tue dans le monde 8 millions de personnes par an dont environ 1.2 million de non-fumeurs exposés à la fumée [47] . Ces constats alarmants ont amené les pouvoirs publics à engager des actions pour lutter contre le tabac. La journée mondiale sans tabac instituée par l’OMS tous les 31 mai depuis 1987 rappelle en cette année 2019, que le tabac est « une menace notre avenir et notre

développement » [47]. En France, les différents acteurs de santé publique travaillent conjointement au

double objectif assigné dans le Plan National de Réduction du Tabagisme 2014-2019 (PNRT) : abaisser le nombre de consommateurs de tabac au quotidien à moins de 20% à l’horizon 2024 et avoir en 2032 la première génération d’adultes non-fumeurs (<5% de fumeurs) [39].

Le tabagisme a des conséquences délétères sur l’état de santé général de la population. Il augmente les risques de nombreuses maladies comme les cancers, les pathologies cardiovasculaires ou respiratoires, les complications pendant la grossesse, mais aggrave aussi de nombreuses affections chroniques. Il influence également l’efficacité de certains traitements ou des effets secondaires de soins comme les complications post-opératoires [39]. La cavité buccale est le premier organe en contact avec la cigarette et plusieurs de ces effets se retrouvent dans le domaine bucco-dentaire. Ils

(13)

12 peuvent aller des simples colorations dentaires aux atteintes cancéreuses mettant en jeu le pronostic vital. Ces effets peuvent hypothéquer la pérennité des traitements, comme les traitements parodontaux ou chirurgicaux. Par ailleurs, il ne faut pas négliger le coût social du tabac estimé à 47 milliards d’euros, dont 18 milliards au titre de la santé pour l’année 2003 [39].

De la même manière, on ne peut occulter le rôle du puissant lobby du tabac qui ne facilite pas la mise en place des politiques de réduction de la consommation de tabac [39]. Néanmoins, pour répondre à cet enjeu sanitaire et sociétal, un réseau d’acteurs se mobilise. On peut distinguer d’une part, la puissance publique (État, collectivités, agences), le réseau des assurances maladie (sécurité sociale, mutuelles, assurances privées) et les organisations professionnelles (associations, syndicats) qui gèrent et financent les dispositifs et d’autre part, les professionnels de santé qui offrent le soin.

Les recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de Santé (HAS) pour le sevrage tabagique proposent en première intention un accompagnement par un professionnel de santé. Celui-ci doit permettre un soutien psychologique et une approche pharmacologique par des traitements nicotiniques de substitutions (TNS), si nécessaire, pour soulager les symptômes de sevrage [24]. Ces recommandations concernent tous les professionnels en contact avec la population, que ce soit pour prévenir la consommation ou aider les patients dans leurs démarches. Les médecins généralistes, les pharmaciens, les infirmiers, les cardiologues, les psychologues ou encore les chirurgiens-dentistes ont une place privilégiée pour s’impliquer tout comme les autres professions de santé. Le transfert de compétences ou la coopération entre professionnels sont des ouvertures favorables pour aider les fumeurs. Aussi, l’intervention de professionnels qui ne sont pas forcément issus du champ de la santé, sous réserve d’être formés, a montré un intérêt dans la réduction du tabagisme dans certains pays [39]. Chaque fumeur est unique et chaque prise en charge doit être personnalisée et globale. Toutefois, des approches non pharmacologiques, telle que l’hypnose, peuvent apporter une aide substantielle.

L’objectif de ce travail est de montrer que l’hypnose peut soutenir le patient dans son sevrage tabagique. En premier lieu, nous aborderons la problématique du tabagisme et déclinerons le parcours du fumeur de la dépendance vers le sevrage. Après un bref rappel historique, quelques définitions et aspects théoriques de l’hypnose, nous décrirons précisément un des trois cas cliniques ayant suivi une séance d’hypnothérapie pour le sevrage tabagique. Enfin, la discussion s’appuyant sur des études internationales, nous amènera à développer et à comparer les trois patients ainsi que les méthodes utilisées en hypnothérapie dans le sevrage tabagique, par des professionnels de santé d’horizon divers, où le chirurgien-dentiste peut devenir un praticien proactif dans ce processus.

(14)

13

1 Du tabagisme au sevrage, soutien de l’hypnothérapie

1.1 Le tabagisme, une problématique contemporaine

1.1.1 L’évolution de l’image du tabac

Dans l’antiquité, le tabac était inconnu en Europe. A la fin du XVème siècle, Christophe Colomb découvre en Amérique cette plante nommée « petum » considérée comme sacrée par les indiens et la rapporte en Europe. Elle est utilisée comme une herbe aux vertus thérapeutiques. Au XVIème siècle, Jean Nicot en offrit à la reine Catherine de Médicis afin de soulager ses migraines. Autosuggestion ou soulagement réel, la reine ne put bientôt plus s’en passer. C’est Louis Nicolas Vauquelin qui crée en 1809 le terme nicotine en référence à Jean Nicot. La mode du tabagisme se répand rapidement en France et à l’étranger. D’abord, dans la haute société où le tabac est un signe de distinction et de richesse, puis il s’étend à toutes les classes sociales. Vers 1830, la fabrication de la première cigarette industrielle apparaît, son utilisation se banalise. Dans les années folles, l’émancipation de la femme passe par la cigarette et la publicité autour du tabac est de plus en plus présente. Preuve en est, l’organisation en 1930 d’un congrès des fumeurs au cours duquel est élue la fumeuse la plus élégante dans sa gestuelle [21,59].

Figure 1 : L’image du tabac

A : Publicité 1950 [65], B Première de couverture [41], C Congrès des fumeurs 1930 [21]

Les révélations des effets cancérigènes du tabac en Grande-Bretagne et aux États-Unis dans les années 1950, placent le tabagisme au cœur d’un problème de santé publique. Le tabac est de plus en plus considéré comme un poison contre lequel les institutions vont tenter de lutter. Il contient de nombreuses substances toxiques reconnues. En effet, la nocivité du tabac pour la santé est due à de nombreuses substances ajoutées dans le processus industriel, mais aussi à la transformation des substances liée au mode de consommation par combustion. En France, le tabac est une source de revenus pour l’État depuis 1629 avec le premier impôt sur le tabac instauré par Richelieu. Jusque dans

(15)

14 les années 1990 l’exploitation du tabac, la fabrication et la distribution des produits industriels étaient assurées par la Société d’Exploitation Industrielle des Tabacs et Allumettes (SEITA), monopole d’État. Sa privatisation marque le désengagement de l’État français dès 1995. Toutefois la taxation du tabac demeure et participe aux actions de lutte contre le tabagisme [21,29,59].

1.1.2 Les données épidémiologiques et l’action des institutions

La lutte contre le tabac est un enjeu sanitaire et sociétal en France. Le tabac demeure la première cause de mortalité évitable. La France a commencé des campagnes anti-tabac en s’appuyant sur des mesures législatives et réglementaires dès 1976 avec la loi Veil, puis la loi Évin en 1991 ou le décret de 2006. Parmi les mesures emblématiques de ces textes, l’interdiction de fumer dans tous les lieux publics a modifié la norme sociale [29,59]. Actuellement, le PNRT 2014-2019 met en place des actions de lutte anti-tabac qui ont montré leur efficacité dans d’autres pays [39].

En 2013, la consommation de tabac est considérée comme responsable de 73 000 décès prématurés, ce qui correspond à environ 13% des décès enregistrés en France métropolitaine la même année [5]. Les premiers résultats du baromètre santé 2017 permettent de réaliser un bilan d’état après la mise en œuvre du PNRT 2014-2019. L’étude montre que 31,9% des personnes de 18 à 75 ans interrogées ont déclaré qu’elles fumaient au moins occasionnellement et 26,9% quotidiennement. Après une stabilisation observée entre 2010 et 2016, on note une baisse de la prévalence du tabagisme quotidien parmi les 18-75 ans entre 2016 et 2017. Cette baisse représente environ 1 million de fumeurs quotidiens adultes en moins. Durant cette période, la part des personnes n’ayant jamais fumé a légèrement augmenté et la part des ex-fumeurs est restée stable. Ces premiers résultats sont encourageants [48].

La journée mondiale sans tabac a pour but de souligner les risques pour la santé liés au tabagisme et de plaider en faveur de politiques efficaces pour réduire la consommation de tabac. En 2017, le thème était « Le tabac – une menace pour le développement », ce qui inscrit la lutte antitabac dans le programme de développement durable à l’horizon 2030. En effet, il est à noter que le tabac impacte la planète. Depuis sa production très énergivore, jusqu’aux déchets qu’il produit, en passant par l’ensemble des phases industrielles, il participe à la détérioration de notre environnement. Lutter contre le tabac c’est aussi œuvrer pour le bien de notre planète [43].

(16)

15 En 2008, l’OMS a lancé le programme MPOWER pour aider l’ensemble des pays à mettre en place des mesures efficaces contre le tabac.

- Monitor : surveiller la consommation de tabac et les politiques de prévention. - Protect : protéger la population contre la fumée du tabac dans les lieux publics. - Offer : offrir une aide à ceux qui veulent arrêter le tabac.

- Warn : mettre en garde contre les méfaits du tabagisme.

- Enforce : interdire la publicité ou la promotion en faveur du tabac. - Raise : augmenter les taxes sur le tabac.

Depuis 11 ans, ce programme a contribué à une amélioration de la lutte anti-tabac. Près de deux tiers des pays ont désormais introduit au moins une mesure du MPOWER [45].

1.1.3 L’impact du tabagisme sur l’état général de la santé

L’OMS a défini la santé comme « un état complet de bien-être physique, mental et social et ne

consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » [42]. Les effets liés au tabagisme

peuvent affecter cet état de santé.

Le tabagisme présente des risques de complications quelles que soient la durée de la consommation et la quantité fumée. Le tabagisme est impliqué dans de nombreuses pathologies. Le tabac peut être, selon les cas, facteur causal ou facteur de risque. En France, il est à l’origine de 90% des cancers du poumon, de 50% des cancers des voies aéro-digestives supérieures (cavité buccale, larynx, œsophage), 40% des cancers de la vessie et 30% des cancers du pancréas. Le tabagisme entre aussi en jeu dans les maladies cardio-vasculaires (infarctus du myocarde, artériopathie, thrombose veineuse, anévrisme, accident vasculaire cérébral). Il est également, entre autres, impliqué dans les pathologies pulmonaires telles que les broncho-pneumopathies chroniques obstructives, la maladie de Crohn et l’augmentation des risques de diabète de type II. Les conséquences du tabagisme se font sentir sur la fertilité (homme et femme). Chez la femme enceinte, il augmente les risques pour la grossesse et le fœtus [24,25].

L’arrêt du tabac assure des bénéfices importants en termes de mortalité et de morbidité pour toutes les maladies liées au tabac. Il est toujours pertinent d’arrêter de fumer. En effet, quel que soit l’âge, arrêter cette consommation procure des changements favorables pour la santé [24]. Par exemple, la toux et l’essoufflement s’améliorent dès le premier mois et l’espérance de vie des personnes qui arrêtent, augmente [44].

(17)

16 Si le tabac a des conséquences sur la santé de manière générale, un focus sur les conséquences bucco-dentaires s’impose. En effet, la cigarette et sa fumée atteignent en premier lieu et directement la cavité buccale.

1.1.4 Les conséquences bucco-dentaires et le rôle du chirurgien-dentiste

Le tabagisme peut avoir des effets majeurs sur l’état de santé bucco-dentaire. Ces manifestations buccales sont multiples. Elles peuvent aller de problèmes bénins à des affections mettant en jeu le pronostic vital du patient.

Fumer provoque de l’halitose, un assèchement des muqueuses par réduction du flux salivaire, des colorations dentaires et réduit par son effet vaso-constricteur la réponse immunitaire aux infections. Il augmente donc la sévérité des maladies parodontales et diminue l’efficacité des traitements. De la même manière, il retarde la cicatrisation et augmente les échecs et les complications pour toutes les chirurgies dont les traitements implantaires. Il augmente aussi la prévalence des leucoplasies et des cancers buccaux. Ainsi, le tabac favorise la survenue et la gravité des pathologies et réduit l’efficacité de certains traitements [20,24].

Le chirurgien-dentiste est, parmi les professionnels de santé, le mieux placé pour constater les manifestations buccales du tabagisme et son rôle prend tout son sens face au patient fumeur. Le chirurgien-dentiste reçoit un grand nombre de patients représentatifs de la population générale. En effet, le baromètre santé 2014 rapporte que 63,5 % des français de 15 à 75 ans déclarent avoir personnellement consulté un chirurgien-dentiste au moins une fois au cours des douze derniers mois [37].

La meilleure façon de prévenir l’apparition des atteintes buccales liées au tabagisme est d’éviter la consommation de tabac et d’envisager l’arrêt chez le fumeur. Selon la HAS, « Tous les

professionnels de santé en contact avec la population devraient s’impliquer dans l’aide à l’arrêt du tabac. » et « La prise en charge du sevrage tabagique comporte un accompagnement par un professionnel de santé permettant un soutien psychologique et un traitement médicamenteux si nécessaire. » [24]. Ainsi, les chirurgiens-dentistes ont tout à fait leur place dans cette lutte mondiale.

Le chirurgien-dentiste dispose de moyens pour accompagner ce sevrage tabagique. Il propose le « conseil minimum ». Il s’agit de demander à tout patient fumeur s’il souhaite arrêter. Si le patient est dans un élan de changement, le praticien doit l’aider et le guider dans sa démarche. Le chirurgien-dentiste peut désormais prescrire des TNS au même titre que les médecins depuis la loi n° 2016-41 de

(18)

17 modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016. Depuis le 1er janvier 2019, ces traitements sont remboursés sur prescription à 65 % par l’assurance maladie obligatoire et le forfait d’aide au sevrage tabagique de 150 € par an n’existe plus [20]. Le chirurgien-dentiste peut aussi, si le patient l’exprime, le réorienter vers un autre professionnel de santé en mesure de l’aider dans ses démarches [20,24].

1.2 Le processus itératif de la dépendance vers le sevrage

1.2.1 La dépendance, somme de paramètres complexes

Les addictions, comportements de consommation de substances psychoactives, sont assorties de conséquences négatives sur le sujet face auxquelles ce dernier perd une partie de sa liberté [34]. Une des caractéristiques de la dépendance ou addiction est la perte de la liberté de s’abstenir. Elle se caractérise par un désir compulsif de consommer associé à la perte de contrôle de la consommation. La rechute est un des aspects essentiels de l’addiction. La dépendance persiste après l’arrêt. Pour cette raison, les addictions sont considérées comme des maladies cérébrales chroniques [24,30]. Parmi les produits addictogènes, certains semblent avoir un pouvoir addictif supérieur à d’autres. Le tabac serait la substance la plus addictive avec 32% des consommateurs dépendants, suivi par l’héroïne (23%), la cocaïne (17%) et l’alcool (15%) [30]. Les codépendances et les poly-consommations vis-à-vis du tabac et principalement de l’alcool, diminuent le taux de succès du sevrage [24]. Les composantes impliquées dans le phénomène de dépendance au tabac sont multiples. Les pressions sociologiques, les susceptibilités individuelles, psychologiques et génétiques s’allient à un support pharmacologique.

Tout individu exposé au tabagisme ne va pas développer une dépendance et il est probable que certaines personnes y soient plus sensibles que d’autres. Des variables psychologiques et psychosociologiques contribuent à l’initiation au tabagisme, à son maintien et au développement des motivations pour l’arrêt [1]. Il existe divers aspects dans la dépendance que la recherche tente d’identifier pour mieux comprendre les mécanismes neurobiologiques, les susceptibilités individuelles ou encore les approches thérapeutiques [30].

• La dépendance physiologique ou physique est essentiellement due à la présence de nicotine. Elle concerne les signes des symptômes de sevrage et de la tolérance (besoin d’augmenter les doses pour obtenir un effet identique à celui de la première dose). L’absence de consommation génère une sensation de manque qui se traduit par des symptômes de sevrage. Ces signes peuvent être une irritabilité, une anxiété, une humeur dépressive, une perturbation

(19)

18 du sommeil, un trouble de la concentration ou encore une augmentation de l’appétit ou une constipation [24,34].

• La dépendance psychologique ou psychique peut apparaître peu de temps après le début de la consommation de tabac. Elle se traduit par la consommation non contrôlée de la substance. Elle met en jeu le circuit de récompense, elle est liée aux effets psychoactifs et aux émotions dont le fumeur a besoin à un moment donné [24,34].

• La dépendance environnementale ou comportementale est associée à des circonstances, des lieux ou des personnes qui provoquent l’envie de fumer [24,34].

Un autre signe très important est le « craving », qui vient du verbe anglais « to crave » qui signifie « désirer ardemment quelque chose » [35] ou « avoir terriblement besoin ». Il se traduit par une envie incoercible de consommer. Ces troubles participent à la difficulté du sevrage et aux rechutes.

La CIM-10 (Classification Internationale des Maladies, 10e révision) de l’OMS définit le

syndrome de dépendance « comme un ensemble de phénomènes comportementaux, cognitifs et

physiologiques dans lesquels l’utilisation d’une substance psychoactive spécifique ou d’une catégorie de substance entraîne un désinvestissement des autres activités » [24,46].

La DSM-IV-R (Diagnostic and Statistical Manual, 4e édition Révisée) est une classification de

l’American Psychological Association (APA) qui propose des critères communs de dépendance à toutes les substances. On y retrouve aussi les critères spécifiques à l’intoxication nicotinique et au syndrome de sevrage. Ainsi, pour poser le diagnostic de dépendance, il faut retrouver durant une période de douze mois au moins trois des sept symptômes suivants [24] :

- Le développement d’une tolérance, - Le syndrome de sevrage,

- La consommation de nicotine non contrôlée,

- Le désir persistant de tabac ou tentatives infructueuses pour diminuer ou cesser la consommation,

- La poursuite du comportement malgré la connaissance de ses effets sur la santé, - Le temps important consacré à la recherche de tabac,

(20)

19 Plusieurs tests existent pour évaluer la consommation, la dépendance ou la motivation du patient pour arrêter. La HAS recommande entre autres, d’utiliser le test de Fagerström (annexe 2) qui s’intéresse au degré de la dépendance à travers une série de questions fermées touchant à la vie quotidienne du fumeur [24].

1.2.2 Quand la pharmacologie contribue à forger les habitudes du fumeur

Le tabac contient des milliers de substances [1].La nicotine est celle qui est considérée comme la plus impliquée dans l’apparition de la dépendance pharmacologique [34]. La nicotine se substitue à l’acétylcholine sur les récepteurs nicotiniques et modifie la production de dopamine. Les structures du circuit cérébral de la récompense, induisant une sensation de contentement et de plaisir sont stimulées [1]. La libération de dopamine entraîne des dérèglements du fonctionnement de certaines structures cérébrales et interagit avec le circuit de récompense. Les addictions étant associées à une situation d’hyperdopaminergie relative, le cerveau réagit par la baisse de production de dopamine endogène [34].

L’apprentissage de la boucle de récompense amène chez le sujet l’activation des neurones dopaminergiques par les signaux annonçant l’arrivée de la récompense et non plus par la récompense elle-même. Un signal qui n’est pas suivi de récompense déclenche systématiquement la frustration. Les événements sont mémorisés chez l’individu parce qu’ils sont associés à la prise du produit qui le rend dépendant. La seule présence de stimuli peut induire une envie compulsive de tabac c’est-à-dire le craving [1]. La perception psychoactive est très subjective et variable selon les individus et les circonstances. Fumer peut être perçu comme une action stimulante ou au contraire apaisante selon les attentes du fumeur. Il ajuste ainsi sa manière de fumer suivant les effets souhaités [34].

Pour parvenir au taux de nicotine attendu, le fumeur, adapte sa façon de fumer et d’inhaler : c’est l’auto-titration. Le besoin de fumer resurgit dès que le taux de nicotine s’abaisse. Le rituel de fumer est donc déterminé par les variations de nicotinémie.

L’effet bolus est une autre manifestation caractéristique de la nicotine. Délivrée lors de l’inhalation par une cigarette, la nicotine est absorbée très rapidement au niveau pulmonaire et atteint le cerveau en moins de 10 secondes. Ainsi, fumer se traduit par un véritable effet « shoot » entraîné par une augmentation rapide de la concentration plasmatique de nicotine. La séquence inhalation-bolus est un facteur essentiel de la dépendance [34].

(21)

20

1.2.3 Le modèle transthéorique de Prochaska et DiClemente

La difficulté du sevrage réside dans la prise en charge, à la fois de la part pharmacologique et de celle des habitudes souvent très ancrées [1]. Chaque fumeur est différent et chaque traitement doit être personnalisé [24]. L’identification et la résolution d’une problématique passe par plusieurs étapes de changement.

Dans les années 1990, Prochaska et DiClemente notamment, ont décrit le modèle transthéorique des changements de comportements. Il s’agit de comprendre comment les personnes évoluent face à certaines attitudes addictives qu’ils combattent. Ces chercheurs ont décrit une série d’étapes, passages obligés pour tout individu quel que soit son âge, qui souhaite abandonner une habitude liée à sa dépendance. Le modèle suppose que chaque fumeur traverse différents stades de motivation avant d’entamer le sevrage tabagique. Les étapes sont les suivantes :

- Pré-intention : c’est le point d’entrée du processus de changement. La personne ne se sent pas concernée par l’arrêt.

- Intention : la personne prend conscience de la nécessité d’arrêter de fumer, elle y pense mais oscille entre les raisons de changer et les raisons de continuer.

- Préparation : la personne prend la décision et planifie l’arrêt de fumer. Si elle passe à l’étape, d’action le processus continue. Dans le cas contraire, elle retourne à l’étape de pré-intention. - Action : la personne est activement engagée, elle modifie ses habitudes.

- Maintien : la personne maintient les changements obtenus lors de l’étape précédente. Cette étape demande de la vigilance pour éviter la rechute.

- Rechute : l’action de la personne est alors de reprendre la série d’étapes décrites précédemment. La rechute fait partie du traitement et est un premier pas vers le succès. - Liberté : la personne réussit à maintenir son changement et n’est plus tentée pas ses anciens

comportements quel que soit le contexte.

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21 Selon ce modèle le sujet peut avancer à travers ces étapes de manière récurrente, jusqu’à ce qu’il parvienne à maintenir le changement.

Pour une bonne prise en charge, l’évaluation de la motivation du patient et le stade où il se trouve sont déterminants. Chaque stade nécessite une conduite particulière pour amener la personne à passer à l’étape suivante jusqu’à atteindre son changement de comportement et sa libération au regard de sa dépendance [13,24].

1.2.4 La prise en charge du tabagisme par les professionnels de santé

Aucune méthode ni aucun traitement universel n’est applicable, car chaque personne est unique. Avant tout, les professionnels de santé ont le devoir d’inciter à l’arrêt de la cigarette et de proposer conseils et assistance pour y parvenir. L’approche individuelle met en jeu la notion de motivation que les praticiens tentent de provoquer, d’amplifier ou de maintenir.

Les recommandations de bonnes pratiques de la HAS de 2014 concernant l’arrêt de la consommation de tabac proposent une prise en charge de première intention. Ce traitement repose sur un accompagnement régulier par un professionnel de santé qui assure un soutien psychologique. Cela peut consister en un entretien motivationnel, un soutien téléphonique ou des outils d’autosupport (tabac-info-service). Le « counseling » ou une thérapie cognitivo-comportementale peuvent également être proposés. Le terme « counseling » n’a pas d’équivalent en français, mais signifie « écouter avec », « accompagnement » ou « relation d’aide ». En cas de nécessité, un traitement médicamenteux peut être proposé. Celui-ci a pour but de soulager les symptômes de sevrage, réduire l’envie de fumer et ainsi prévenir les rechutes. Les TNS sont, sous toutes leurs formes (patchs, gommes, pastilles ou inhalateurs), les traitements médicamenteux de première intention. La substitution nicotinique a pour but de participer à un arrêt plus confortable et durable du tabac en apportant une quantité suffisante de nicotine au patient lui permettant de modifier son comportement. L’aboutissement de ce processus consiste à supprimer l’apport nicotinique de substitution, tout en conservant le changement de comportement. L’addiction au tabac étant une maladie chronique, le traitement peut être prolongé aussi longtemps que nécessaire [24].

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22

1.2.5 Une alternative aux traitements de première intention, l’hypnothérapie

D’autres méthodes médicamenteuses existent comme le Bupropion ou la Varéniciline mais présentent des effets indésirables graves en relation avec le suicide et l’état dépressif [24].

L’introduction de traitements non médicamenteux tels que l’activité sportive, l’acupuncture ou l’hypnothérapie doit être envisagée et valorisée dès lors que le patient évoque le recours à ces moyens [24]. Elargir l’éventail thérapeutique et associer des méthodes différentes accroissent la présomption de réussite du sevrage.

L’aide que l’hypnothérapie pourrait apporter dans ce domaine n’est pas illégitime puisqu’elle a des vertus d’anxiolyse, s’intéresse au vécu corporel des symptômes et situe le patient dans un contexte de vie global. Milton Erickson considère que : « l’hypnose est un moyen de communiquer au

malade des idées et une compréhension de lui-même, de telle manière qu’il sera particulièrement réceptif aux idées présentées » [16]. L’hypnothérapie peut aider le patient à changer ce qui est déjà

établi. Mais aussi, elle peut permettre la mise en place de nouveaux moyens pour répondre à des situations particulières, notamment pour anticiper le craving.

L’addiction est une pathologie impliquant la motivation à la récompense qui stimule donc le centre de récompense [55]. Cette consommation pathologique entraîne une altération de la plasticité du cerveau qui lui permet d’adapter le comportement en créant des jalons mnésiques. On observe grâce aux techniques d’imagerie, l’importante sollicitation de certaines aires du cerveau impliquées dans la thérapie par l’hypnose [18]. Celle-ci permet simplement par la stimulation de ces aires de recréer le circuit de la récompense sans avoir à consommer les produits addictogènes ou à reproduire les comportements. Ainsi, pour la technique du « souvenir agréable », on constate l’activation entre autres des zones de la vision (cortex occipital), des sensations (pariétal) et de la motricité (pré-central). On peut formuler l’hypothèse que grâce à l’hypnose, le patient addict puisse acquérir des outils pour gérer et réduire, voire supprimer, sa dépendance [55].

Bien que l’hypnose soit utilisée dans la prise en charge de l’addictologie dès 1900 et que des études montrent son intérêt, ces dernières sont parfois contestables en termes de méthodologie. En effet, quantifier le domaine psychosocial est difficile et l’hypnothérapie est « patient-thérapeute » dépendante [55]. S’ajoute l’absence de recherches des laboratoires pharmaceutiques, pour lesquels les retombées financières ultérieures semblent négligeables [55].

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23

1.3 État de conscience modifiée, l’hypnose

1.3.1 Un passé chargé d’enseignement

De tout temps, l’hypnose a plané sous diverses formes sur l’homme et ses sociétés. L’hypnose s’est développée dans le milieu médical depuis le XVIIIe siècle, mais son utilisation est bien plus ancienne et ce, dans toutes les cultures. Par moment oubliée, méprisée ou en vogue, elle est aujourd’hui de plus en plus utilisée dans les techniques de soins. Les premières traces attestant de la pratique de l’hypnose sont retrouvées dès l’antiquité sur des gravures ou le papyrus d’Ebers (1700 av JC).

Jusqu’au XVIIe siècle environ, les « soignants », pour la plupart des religieux, ont recours aux incantations et aux paroles allégoriques pour prodiguer leurs soins. Le but étant d’amener, en quelque sorte, le patient ailleurs. C’est assez proche de ce qui se fait en hypnose thérapeutique. L’homme a très vite pris conscience du pouvoir du geste et de la parole. Rudyard Kipling pour sa part considère que « les mots sont, bien-sûr, le médicament le plus puissant utilisé par l’humanité ».

Franz-Anton Mesmer au XVIIIème siècle, propose l’idée d’un fluide universel influencé par les vibrations cosmiques qui est décrite dans la théorie des fluides et du magnétisme animal. Pour lui, chaque individu baigne dans un fluide et sa répartition harmonieuse permet la bonne santé. Un dérèglement serait l’annonce de la maladie. La thérapie consiste alors à réunifier le mouvement du fluide autour du malade.

Au XIXème siècle, le chirurgien écossais James Braid développe l’utilisation médicale de l’hypnose dans son « traité du sommeil nerveux ou hypnotisme ». Il reprend les idées de l’Abbé Faria et progresse sur les notions de suggestion verbale, de fixation du regard et de capacité à s’autohypnotiser qui sont toujours d’actualité.

Dans les années 1880, l’hypnose connaît un regain d’intérêt. Sigmund Freud étudie les recherches du neurologue français à la Salpêtrière, Jean-Martin Charcot et d’Hippolyte Bernheim, professeur de médecine à Nancy, qui tous deux ont une pratique de l’hypnose plutôt directive et autoritaire. Pour Charcot, l’hypnose est réservée aux individus prédisposés à l’hystérie et sans possibilité d’utilisation thérapeutique. Au contraire, pour Bernheim, l’hypnose est un état de sommeil produit par la suggestion et se veut thérapeutique.

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24 Si la mort de Jean-Martin Charcot en 1893 et les doutes d’Hippolyte Bernheim sont à l’origine d’un déclin, certes passager mais réel de l’hypnose en France, elle reste présente et active dans d’autres pays tels que les États-Unis ou la Russie. Ivan Petrovitch Pavlov et Vladimir Bechterev montrent que l’hypnose est un phénomène physiologique, où malgré un sommeil partiel, une partie du cerveau du sujet reste vigilante. Aux Etats-Unis, dans les années 1950, le psychiatre Milton Hyland Erickson (1901-1980) développe une méthode plus subtile. Il rend l’hypnose plus « permissive ». Il s’attache à l’importance de l’empathie et centre l’attention sur le patient. En effet, il considère que la transe est un phénomène banal, naturel que chaque individu connaît dans sa vie ordinaire. Ce courant met l’accent sur le concept d’état naturel renforcé par la communication entre le sujet et le thérapeute. La vie personnelle d’Erickson lui a permis d’élaborer des techniques hypnotiques performantes encore utilisées dans le domaine médical. Il travaille sur ses ressources intérieures et sur le développement de la force de la pensée. Il participe à l’essor des thérapies brèves. Les méthodes actuelles s’inspirent de l’hypnose Ericksonienne qui demande la participation active du patient pour trouver en lui, la possibilité d’effectuer un changement [38].

Ces chercheurs auraient sans doute aimé disposer d’un outil permettant de mesurer le fonctionnement cérébral sous hypnose. Cet outil, qu’ils ne connaitront pas, sont les techniques d’imagerie moderne comme le TEP-Scan et l’IRM fonctionnelle. Elles ont mis en évidence des modifications de l’activité cérébrale corticale de certaines régions, lors de suggestions chez un sujet sous hypnose. Les cartes cérébrales obtenues sous hypnose se superposent à celles activées lors d’expériences réelles. Les études montrent que « faire l’expérience de » est différente pour le cerveau que d’« imaginer ». L’hypnose se rapproche davantage de « faire l’expérience de » que d’ « imaginer » [11]. Ainsi, la recherche scientifique participe à l’appréhension de l’irrationnel. En 2017, l’étude de Jiang et al. [33], concernant la neuroscience et l’hypnose, montre que l’état hypnotique provoque des modifications au niveau du cerveau. Cette étude décrit trois « cerveaux » : un exécutif responsable de réaliser l’action, un cerveau de repos par défaut et un dernier qui fait le lien entre les deux. Grâce à l’IRM fonctionnelle, l’étude a montré une diminution de la hiérarchisation des pensées : c’est-à-dire que le sujet est tellement absorbé qu’il ne se préoccupe de rien d’autre. De plus, les fonctions et perceptions somatiques sont altérées. Une diminution de connectivité de l’activité du « cerveau

exécutif » et du « cerveau par défaut » est constatée. Autrement dit, on réalise la tâche sans penser

(26)

25

1.3.2 Milton Erickson, père fondateur de l’hypnose médicale

L’histoire montre qu’il n’existe pas une, mais plusieurs définitions de l’hypnose en fonction des différentes théories et de l’idée que les auteurs se font du phénomène hypnotique. Ainsi, le terme d’hypnose caractérise à la fois un état et le moyen d’accéder à cet état.

Etymologiquement, hypnose vient du grec « ýpnos », « le sommeil ». Cependant, l´état hypnotique se caractérise par un état qui n’est ni le sommeil, ni l´état de veille. Le Larousse 2017 définit l’hypnose comme un « état de conscience particulier, entre la veille et le sommeil, provoqué par la

suggestion ».

L’APA est un organisme international reconnu par les milieux scientifiques. L’APA propose une nouvelle définition de l’hypnose : « un état de conscience (consciousness) qui induit une absorption de

l’attention et une diminution de la conscience (awareness) caractérisé par une plus grande capacité à répondre aux suggestions » [54]. Là où la langue française n’a qu’un seul mot pour définir la

« conscience », l’anglais distingue la conscience « consciousness » qui est l’état ou la qualité de conscience de la prise de conscience « awareness » qui est la perception de quelque chose [35]. Le sujet sous hypnose augmente sa concentration sur son intérieur, a une moindre perception de l’extérieur et accroît sa suggestibilité. Pourtant, cet état de veille est particulier : la conscience étant bizarrement « rétrécie » par focalisation de l’attention c’est-à-dire une concentration extrême et en même temps « élargie » par une sorte de disponibilité à soi et à l’environnement [54].

Figure 3 : Schéma synthétique de la définition de l’hypnose selon l’APA [54]

Même si beaucoup d’auteurs ont étudié, développé et fait avancer les pratiques hypnotiques, Milton Erickson est considéré comme le fondateur de l’hypnose médicale. Son histoire personnelle et ses combats sont indissociables de la construction de son approche de l’hypnose. Il utilise l’autohypnose dans la lutte contre une poliomyélite qui le paralyse. Il vaincra sa paralysie, ce qui le convaincra des effets thérapeutiques de la suggestion et de l’hypnose.

En effet, l’hypnose est un état connu de chacun. Qui n’est jamais parti dans ses pensées au point d’en oublier tout ce qui l’entoure ? Dans l’approche ericksonienne, l’hypnose est un moyen de communication faisant appel aux capacités naturelles du patient à entrer en transe afin de l’aider à

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26 modifier sa réalité interne, son comportement inconscient. Cette approche est permissive. En effet, d’après Erickson c’est « un état de conscience dans lequel vous présentez à votre sujet une

communication, avec une compréhension et des idées, pour lui permettre d’utiliser cette compréhension et ses idées à l’intérieur de son propre répertoire d’apprentissages ».

Pour Erickson « l’hypnose, c’est la relation pleine de vie qui a lieu dans une personne et qui est

suscitée par la chaleur d’une autre personne ». En somme, le patient ne développera pas de résistance

au cours de sa visualisation hypnotique s’il se sent en confiance avec le thérapeute et si ce dernier l’accompagne avec bienveillance, mesure et prudence [51]. Ainsi, il faut prendre le temps de mettre en place une alliance thérapeutique. Établir cette alliance nécessite a minima de s’appuyer sur une calibration et une synchronisation corporelles et verbales. Le praticien doit s’accorder avec le modèle du monde de son patient.

Le « Milton modèle » ou « parler flou » est la base de l’approche ericksonienne. Le méta-modèle créé par les fondateurs de la Programmation NeuroLinguistique (PNL) John Grinder et Richard Bandler est une approche différente du « Milton modèle », mais ils peuvent se compléter. Au lieu de chercher à éclaircir les zones d’ombres comme dans le meta-modèle en exposant les faits, les règles ou les généralisations, le « Milton modèle » en crée délibérément pour permettre au sujet d’y projeter son expérience au travers du saupoudrage, du choix illusoire, de suggestions indirectes ou des métaphores (ces notions sont explicitées infra dans les encadrés dès le paragraphe 2.2.3). Il s’appuie sur l’interprétation subjective des mots. C’est un moyen de concentrer l’attention sur la forme plus que sur le contenu. Avec ce modèle, le praticien fournit au patient la possibilité de devenir autonome et responsable afin que celui-ci prenne une part active à l’élaboration de son projet. Les éléments du discours hypnotique sont essentiels dans cette approche.

Selon Dominique Megglé médecin psychiatre, le but de la thérapeutique est le changement. Le thérapeute est là pour aider le patient à changer par lui-même et comme chaque patient est unique, c’est au thérapeute de s’adapter au patient, et non l’inverse [36].

L’hypnose fonctionne par induction. L’induction est la méthode qui consiste à conduire le sujet vers un état de conscience modifiée. Ainsi, la fonction logique de l’esprit est remplacée par la fonction imaginative. Celle-ci est également le siège des réponses émotionnelles et l’émotion est l’endroit où se manifeste l’inconscient. L’hypnose tend à rechercher les ressources dans le psychisme du sujet pour

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27 lui permettre de mettre en place de nouvelles stratégies [51]. « Aucun problème ne peut être résolu

sans changer le niveau de conscience qui l’a engendré » Albert Einstein.

Une séance d’hypnose formelle se déroule en plusieurs étapes. Dans ces étapes, un grand nombre de notions du langage hypnotique est utilisé. Dans la description des étapes infra, certaines notions, non exhaustives, sont abordées. Celles-ci seront décrites plus précisément dans le cas clinique exposé (dans les encadrés dès le paragraphe 2.2.2).

• La pré-induction est fondamentale, elle met en place l’alliance thérapeutique et conditionne l’induction et le reste de la séance. Le thérapeute peut se servir du « yes-set », de la calibration, du « miroring » ou encore de fusibles.

• L’induction hypnotique est un processus qui permet au sujet d’entrer en hypnose sous l’effet de suggestions. Pour induire cet état de conscience modifiée, l’opérateur utilise divers procédés de communication comme la focalisation, la prise de conscience de la respiration et du ressenti corporel, la possibilité de revivre une expérience positive ou encore le travail de l’imaginaire pour visualiser un endroit agréable. L’induction peut être progressive ou rapide en fonction du mode opératoire, de quelques secondes en hypnose flash à une vingtaine de minutes. Le praticien focalise le sujet sur son monde intérieur et lui permet de se détacher des stimuli extérieurs. L’objectif de l’induction est d’être à la fois « ici et ailleurs ».

• La transe hypnotique correspond à ce qui est décrit comme un état de conscience modifiée ou comme un état différent de conscience. Il s’agit d’une expérience intérieure donc essentiellement subjective. Objectivement, il est possible de rattacher certains phénomènes observables et liés à la profondeur de transe. Les indices corporels de cet état peuvent être la relaxation de la musculature, la respiration plus lente et plus profonde, le frétillement des paupières, le larmoiement, la diminution de la tension artérielle, les mouvements automatiques ou la catalepsie. C’est pendant cette phase que le thérapeute peut, par exemple utiliser la métaphore.

• L’état hypnotique ne dure pas indéfiniment, le sujet peut en sortir spontanément plus ou moins rapidement, mais il est toujours préférable de l’accompagner pour quitter la transe et se réassocier. Le retour peut se faire à l’aide d’un décompte plus ou moins agrémenté de suggestions, tout en laissant suffisamment de temps au sujet.

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28

Figure 4 : Illustration d’une séance d’hypnose

1.3.3 Application de l’hypnose par le chirurgien-dentiste

L’usage de l’hypnose formelle est généralement peu adapté en cabinet dentaire. L’hypnose dans le cabinet est plus particulièrement appliquée au travers de la communication hypnotique ou de l’hypnose conversationnelle. Ces dernières s’appuient sur le bagage hypnotique tels que la position basse, l’écoute active, le miroring, la synchronisation, la suggestion (ces notions sont explicitées infra dès le paragraphe 2.2.2). L’hypnose trouve sa place dans le relationnel avec le patient. En effet, elle permet de :

- gérer le stress, les peurs, les appréhensions,

- participer au mieux-être du patient de manière générale et par extension du chirurgien-dentiste,

- réaliser une alliance thérapeutique,

- créer un relationnel favorable dans le cabinet tant pour les patients que pour l’équipe, - prévenir ou désamorcer des situations difficiles,

- soigner dans un contexte apaisé (reflexe nauséeux , empreintes , anesthésie…), - modifier le souvenir du soin dans le vécu du patient.

Au cours d’une interview, Antoine Bioy docteur en psychologie clinique et pathologique, responsable scientifique de l’institut français de l’hypnose (IFH) a expliqué que la communication hypnotique permet d’induire « un léger état de conscience modifiée chez un patient, afin qu’il puisse

PRE-INDUCTION Alliance thérapeutique - pre-talk - truisme « yes-set » - Fusibles INDUCTION Focalisation - respiration - souvenir agréable - ressenti corporel Suggestions TRANSE et accompagnement Dissociations -Métaphores -Suggestions -Ancrage … RETOUR Réassociation « ici et maintenant »

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29

facilement suivre des suggestions qui lui sont faites et s’appuyer sur son imaginaire pour faire l’expérience d’une réalité différente » [3].

L’hypnose conversationnelle se définit selon l’IFH comme un « dialogue entre un hypno-praticien

et son patient, en vue d’atteindre un objectif fixé. En hypnose conversationnelle, l’induction de l’état de conscience modifiée est « filée » c’est-à-dire peu manifeste, progressive et d’apparence non cadrée »

[31].

2 À propos d’un cas clinique

Trois cas cliniques ont servi à construire ce travail de thèse, un seul a été retenu pour être précisément décrit. Cependant, ce sont bien les trois qui sont intégrés à la discussion.

Au préalable des séances avec ces patients, il a été indispensable d’acquérir des connaissances sur l’hypnose et la dépendance. Par le biais du travail documentaire et de bibliographie que j’ai effectué, de la rencontre avec des praticiens d’horizons différents - médecins (généraliste, homéopathe, gériatre, addictologue…), chirurgiens-dentistes, infirmier - j’ai pu recueillir leurs expériences, enrichir mes connaissances et appréhender le contexte d’application de l’hypnose. J’ai participé à des réunions « Hyp-Hop » au Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux (CHU), dont une sur le thème de l’addiction et j’ai assisté à l’option « hypnose » dirigée par le Dr. Yves Delbos à l’UFR des Sciences Odontologiques de Bordeaux. Ces occasions d’échanges, d’apprentissages théoriques mais aussi pratiques par des jeux de rôles, m’ont donné l’opportunité de rencontrer de nombreuses personnes pratiquant l’hypnose. Au travers de rencontres physiques et d’entretiens téléphoniques ou de visio-conférences, j’ai pu avoir de nouveau, des échanges directs avec ces praticiens. Chacun m’a apporté sa conception personnelle de ses pratiques hypnotiques pour le sevrage tabagique.

Madame Anne Deneuve a accepté que j’assiste à des séances d’hypnose dans son cabinet sur plusieurs mois (de novembre 2018 à janvier 2019). En préalable au démarrage des séances au cabinet avec Anne Deneuve, j’ai établi un questionnaire (annexe 1) que j’ai pu compléter à l’issue des séances d’hypnose portées à ma connaissance. Ceci m’a permis de choisir trois patients qui ont donné, après l’explication de mon projet, leur accord verbal, pour qu’en respectant leur anonymat, je retranscrive et analyse leur séance d’hypnose réalisée dans l’objectif de sevrage tabagique. Je précise que j’ai assisté personnellement à la séance de la patiente 1, ce qui a contribué à mon choix de la décrire plus précisément. Pour les patients 2 et 3, la praticienne m’a fourni un enregistrement audio complet des

(31)

30 séances. Ces deux cas seront décrits en annexe 3. Un tableau comparatif a été réalisé afin de confronter les différences et les similitudes tant entre les patients qu’entre les pratiques (annexe 4).

La séance d’hypnose de la patiente 1 que l’on nommera Mme M. fera l’objet d’une retranscription quasi exhaustive des échanges entre la patiente et l’hypno-praticienne.

2.1 Le contexte de la séance

2.1.1 Présentation de l’hypno-praticienne

Mme Anne Deneuve est âgée de 58 ans. Elle est infirmière diplômée d'État depuis 1982 et référente douleur à l'hôpital suburbain du Bouscat. Elle a suivi le diplôme universitaire (DU) de prise en charge de la douleur par les professionnels de santé en 2013. Depuis 3 ans et demi, elle professe dans le service addictologie, endocrinologie et diabétologie. Elle s’est intéressée à l’hypnose depuis la fin des années 1990, car dans les pratiques médicales, elle a constaté l’importance de la communication thérapeutique, mais aussi le poids de cette dernière dans le soin. L’utilisation instinctive de ces outils l’a amenée à amplifier son souhait de les développer de manière professionnelle. De plus, elle est hypno-praticienne à Eysines en cabinet depuis 2016. Elle s’est formée grâce au DU d’hypnose médicale clinique et thérapeutique en 2015 à Bordeaux. Elle a obtenu la même année, la certification des techniques et applications de la communication thérapeutique par l’association TACT à La Rochelle qui est agréée formation médicale continue (FMC). Elle fait partie de l’association Hypnose 33 qui regroupe les professionnels de santé formés par le DU d’hypnose de Bordeaux. Depuis quelques mois, elle consacre plus de temps à sa pratique d’hypno-praticienne.

2.1.2 Présentation de la patiente Mme M.

La patiente est une femme de 38 ans, infirmière libérale. Au moment de la séance elle est enceinte de 12 semaines. Jeune, elle a eu un contexte familial compliqué. Elle prend alors beaucoup de poids car elle compense son mal-être psychologique par la nourriture. Elle commence à fumer et arrive à perdre son surpoids dans la même période. Elle associe la cigarette à sa perte de poids et la cigarette devient pour elle une solution aux problèmes. Ses solutions d’hier sont devenues ses problèmes d’aujourd’hui.

(32)

31

2.1.3 Préalables à la séance

La séance de Mme M. a eu lieu mi-novembre 2018 dans le cabinet de Mme Deneuve. Une semaine avant la séance, lors d’un entretien téléphonique pour prendre le rendez-vous, elle a prescrit des exercices à la patiente. Il s’agissait de modifier certaines habitudes attachées à sa manière de fumer.

La patiente a dû essayer de :

- changer 3 fois de marque de cigarettes avant la séance,

- aller les fumer dans un lieu différent par rapport à ses habitudes,

- attendre 5 minutes avant de fumer lorsqu’elle a envie d’allumer une cigarette, - fumer avec la main opposée à celle qu’elle utilisait habituellement.

2.2 De l’entretien à l’alliance thérapeutique, en pratique

Mme M. a connu Mme Deneuve dans le passé, ce qui expliquera le tutoiement employé entre les deux femmes. L’hypno-praticienne va faire usage de notions issues du bagage hypnotique.

2.2.1 Le contexte

Lors d’une discussion d’environ une heure, Mme M. explique ses motivations, répond aux questions de Mme Deneuve, qui petit à petit gagne sa confiance. Elle raconte beaucoup d’éléments marquants sur sa vie personnelle. L’hypno-praticienne note consciencieusement les éléments et les mots clés qui lui permettent de comprendre et d’appréhender le mode de fonctionnement de Mme M., mais aussi de construire sa séance d’hypnose en incorporant des expressions propres à la patiente. Elle vient d’entreprendre un sevrage seule, mais a pris du poids. Ce constat l’alarme et elle fait appel à l’hypno-praticienne pour accompagner son sevrage par de l’hypnose et ainsi éviter la prise de poids.

Motifs de consultation La patiente souhaite arrêter de fumer et ne

pas prendre de poids à l’arrêt.

Motivations Elles sont liées à la sa grossesse, son futur

enfant et sa santé.

Craintes Elle craint de prendre du poids comme lors

d’un précédent sevrage.

(33)

32 2.2.2

Les interventions de l’hypno-praticienne

Pour répondre aux attentes de Mme M, elle propose de faire une première séance d’hypnose pour lutter contre sa consommation de tabac, puis une seconde pour gérer la cause de cette consommation et lui éviter la prise de poids qu’elle redoute en cas d’arrêt.

Des références appartenant aux notions du bagage hypnotique utilisées dès le début de la séance seront décrites infra dans des encadrés au fur et à mesure de leur introduction par l’hypno-praticienne.

La phase de pré-induction est fondamentale, elle conditionne l’induction et le reste de la séance. Certaines notions sont utilisées à ce moment-là comme la position basse, l’écoute active, le « yes-set » ou la ratification.

La position basse

Le thérapeute dans sa positon d’aidant adopte une posture d’empathie, de non jugement et de bienveillance vis à vis de son patient.

L’écoute active

Cette notion naît des travaux du psychologue Américain Carl Rogers (1902-1987). L’écoute est active en ce qu’elle fait émerger la parole de l’autre. C’est écouter en étant pleinement présent. On s’attache à comprendre comment la personne perçoit son problème afin qu’elle se sente entendue et comprise dans le respect et l’empathie. On peut utiliser la relance, le silence, la reformulation. Au-delà d’une technique de communication, il s’agit d’un savoir-être.

Le « yes-set » et truisme

Le truisme vient de l’anglais « true » qui signifie « vrai ». Ainsi, on comprend son caractère d’évidence ne pouvant que se traduire par une approbation par celui qui l’entend. On peut se servir de la ratification. Le « yes-set » consiste à recevoir de la part du patient un certain nombre d’approbations successives à ces truismes pour que la suggestion qui va suivre soit plus naturellement acceptée dans ce contexte d’acceptation.

(34)

33 La ratification

C’est verbaliser les observations du praticien en rapport avec ce qui est en train de se passer pour le patient. Par exemple quand le patient inspire un peu plus profondément « et plus vous inspirez plus vous ressentez la détente s’installer tranquillement [...] »

L’hypno-praticienne explique que l’inconscient ne prend pas en compte la négation, d’où l’intérêt de penser à ce que l’on veut et de ne pas penser à ce que l’on ne veut pas. Ceci doit se traduire dans l’expression du praticien. C’est souvent pendant cette phase que l’on peut introduire des fusibles.

Les fusibles

Le praticien donne au patient des informations - les fusibles - en début de séance pour le rassurer et lui garantir qu’il restera lui-même, conservera sa liberté d’action et de mouvement. Par exemple « sachez qu’au cours de la séance vous êtes libre, c’est votre expérience, votre séance, votre

moment ».

De façon générale, l’alliance thérapeutique (cette notion sera détaillée plus précisément dans le paragraphe 3.2.2) peut être définie comme le lien privilégié que le thérapeute établit avec son patient. Elle favorise la confiance du patient à son égard et offre un espace rassurant. Établir ce « rapport » nécessite de s’appuyer sur un grand nombre d’outils comme la calibration et la synchronisation corporelles et verbales ou le miroring.

La calibration et la synchronisation

La calibration se traduit par l’observation très fine des paramètres physiologiques du patient, permettant au praticien d’enregistrer et de tenir compte d’un ensemble d’informations dont il pourra se servir tout au long de la séance. La calibration s’intéresse à la respiration (rythme, amplitude, [...]), aux mimiques du visage, à la gestuelle, à la posture, à la voix (volume, rythme, tonalité, [...]), au langage, […] [51].

La synchronisation est un ajustement interactionnel qui facilite une communication harmonieuse. La synchronisation verbale consiste à ajuster son langage au registre sensoriel de son interlocuteur qui a été auparavant observé. La synchronisation paraverbale consiste à s’ajuster aux mimiques, aux postures, aux gestes, à la respiration, au ton de la voix, à la rythmicité, […] afin d’installer une proximité relationnelle avec son interlocuteur. La synchronisation non verbale parvient à l’interlocuteur avant toute production sonore. Les recherches ont montré que lorsque deux personnes se synchronisent, leurs ondes cérébrales tendent à se mettre en phase [49].

Figure

Figure 1 : L’image du tabac
Figure 2 : Schéma modifié de Prochaska et DiClemente   [13]
Figure 5 : Tableau synthétique du contexte de la consultation de Mme M.
Figure 6 : Illustration d’une cartographie du cerveau [50]
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