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Suggestions, ratification, saupoudrage, signaling,

2 À propos d’un cas clinique

3.2 Des outils communs mais des pratiques différenciées

3.2.3 À chacun son usage du bagage hypnotique

Les praticiens déploient l’ensemble des outils hypnotiques dont ils disposent, en les adaptant au patient lors de la conduite de la séance d’hypnose. Bien que le nombre de métaphores soit indéfini, Corydon Hammond, psychologue et spécialisé dans l’hypnose clinique, professeur à l’université of Utah School of Medicine a produit un manuel des métaphores et suggestions hypnotiques [23]. Pour chaque indication dont le tabagisme, il propose une série de suggestions ou de métaphores que le praticien peut s’approprier.

Les praticiens usent du bagage hypnotique commun, mais l’utilisent chacun d’une manière qui leur est propre et qui chaque fois s’adapte au patient à un moment donné dans un contexte donné. Ainsi, chaque séance d’hypnose restera différente et spécifique.

Madame Anne Deneuve utilise la métaphore du « petit poisson ».

On retrouve une interprétation de cette métaphore dans le cas clinique au paragraphe 2.3.2. L’hypno-praticienne l’adapte et la modifie en fonction du patient. Elle a réintégré les mots employés par la patiente et recréé son endroit de sécurité ou « safe-place ». Ainsi, elle construit un décor à sa métaphore qui est exclusif à chaque patient.

Le docteur Anne Calcagni a conçu la métaphore « du sas ».

Un sas est d’après le Larousse 2017 « une enceinte ou passage clos, muni de deux portes ou systèmes de fermeture dont on ne peut ouvrir l’un que si l’autre est fermé et qui permet de passer ou de faire passer d’un milieu à un autre en maintenant ceux-ci isolés l’un de l’autre ». Elle dissocie sa métaphore en trois parties.

- « Passer la première porte » représente l’ensemble des ressources internes du patient. Elle propose que les cinq éléments l’eau, la terre, le soleil, le vent et le feu participent à renforcer

50 l’ossature, les muscles, l’énergie ou encore le dépassement de soi. Le patient doit pouvoir se retrouver lui-même dans le discours du praticien au travers du VAKOG.

- La seconde partie de la métaphore consiste à ancrer les ressources du patient et visualiser le portail ou l’entrée dans un nouveau monde. C’est-à-dire un monde qui peut contenir tout ce qu’il souhaite pour lui et qui lui permet d’imaginer à quoi va ressembler la journée du lendemain, la journée non fumeuse. Cependant, anticiper des distractions actives face à la tentation de fumer, c’est à dire le craving, nécessite la mise en place « d’état séparateur ». Il s’agit au travers d’un geste ou d’un mot de créer une rupture entre l’envie de fumer et la projection active de la maîtrise des émotions du patient. Celui-ci garde le choix du moment où il franchit la seconde porte.

- Enfin « le passage de la seconde porte » représente la scission entre l’ancien monde avec tabac et le nouveau monde sans tabac. Une suggestion d’amnésie peut être utilisée à ce moment-là, pour oublier la notion de tabac. Le patient peut se projeter sur le chemin de la sortie du tabagisme.

Le docteur Haaser s’appuie sur plusieurs métaphores au cours de séances successives.

- Au cours de sa première séance, il propose au patient une métaphore pour aller rechercher des ressources internes, afin de valoriser et parfaire ses motivations. Il utilise la métaphore du « chemin » pour permettre au patient de prendre conscience de ses capacités. Cette métaphore fait écho à la question : « de quelles émotions pensez-vous avoir besoin ? ». Il cherche à créer un trajet vers les émotions recherchées, celles dont le patient pense avoir besoin pour son sevrage.

- Lors de la séance suivante, il peut présenter la métaphore de la « vague et de la cig-ARRÊTE ». Elle correspond à une projection du flux et du reflux des vagues sur une plage de sable et de l’effacement de la notion de cigarette pour le patient. Le docteur Haaser commence par expliquer et détailler la façon dont le corps s’abîme par la consommation de tabac. Il met en avant les signaux négatifs déjà perçus par le patient et par son corps, « et pourtant vous avez pu percevoir ces signaux négatifs et vous les avez bien reçus… ». Il aborde l’idée de dégoût que la cigarette a pu provoquer à un moment donné. Même si le docteur Haaser rebondit sur les effets négatifs, il énonce aussi ce que la cigarette a de positif pour le patient. Car s’il fume, c’est que dans cette période la cigarette a pu lui rendre service. Il s’agit de déculpabiliser le patient face à sa consommation. La question étant : « quel prix êtes-vous prêt à mettre pour profiter des effets du tabac ? ». Le principe est d’amener le patient à choisir de lui-même ce qu’il veut faire des effets du tabac.

51 - Enfin, au cours d’une autre séance il peut travailler sur une visualisation, une projection permettant de répondre à la question : « à quoi va ressembler votre vie sans tabac ? ». Il utilise la métaphore du « cinéma », dans laquelle le patient devient alternativement acteur et spectateur du film de sa vie future.

Les différentes métaphores utilisées par les praticiens, « le petit poisson », « le sas », « le chemin », « la vague » ou « le cinéma », présentent un sens commun : regrouper ses ressources pour franchir le cap d’un changement vers un monde nouveau, non-fumeur. Ce sont des métaphores tournées vers la confiance en soi et le changement. Quelle que soit leur apparence, ces métaphores qui relèvent d’un même concept, laissent au praticien une sensibilité d’expression qui fait que chaque séance sera toujours unique. Chaque praticien évolue dans une technique qui lui est propre, mais qui appartient à des standards d’apprentissage [14]. Si le poète propose au lecteur une image de son monde intérieur à travers ses textes, l’hypno-praticien, lui, se sert du monde intérieur de son patient pour construire sa séance.

3.3 Un cadre scientifique encore inadapté aux techniques non