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Suggestions, ratification, saupoudrage, signaling,

2 À propos d’un cas clinique

2.3 La séance d’hypnose formelle

2.3.1 L’induction

Vient le moment de l’induction. L’hypno-praticienne propose à la patiente de s’installer dans le fauteuil et de décider de la manière dont il sera positionné avec la télécommande. Elle précise à Mme M. qu’elle peut en changer la position quand elle le souhaite (fusible). Elle change sa voix, elle prend un ton calme, parle avec douceur et plus lentement. Elle ponctue très largement son discours de silences. À ce moment-là, l’hypno-praticienne écarte légèrement ses pieds et Mme M. fait de même, le « miroiring » s’est inversé, c’est le « leading ».

Le « leading »

Le « leading » consiste à ce que le thérapeute entre dans une démarche plus dynamique et oriente le patient vers de nouveaux comportements ou processus cognitifs ou émotionnels. Il s’agit d’obtenir un effet miroir inversé [51].

- L’hypno-praticienne : « Donc là je vais te proposer de fermer les yeux, peut-être poser ta tête. Si à un moment donné pour augmenter ton confort tu as besoin de modifier la position de ton corps dans le fauteuil… »

- Mme M. : « il faut que je me redresse un peu …. Voilà parfait »

- L’hypno-praticienne : « Je te propose de fermer les yeux, d’écouter les bruits environnants en partant du plus loin, dans la rue, les voitures qui passent … les voitures qui passent, les bruits

37 du cabinet, la petite fontaine, ma voix qui t’accompagne, la respiration, aussi bien son amplitude que sa fréquence. Et peut-être que tu peux être attentive aux points d’appui de ton corps. Tes mollets sur le repose pied, tes cuisses, ton bassin, ton dos vertèbre après vertèbre, les épaules, la tête, la main droite sur la main gauche. Et plus tu inspires, plus la détente se fait pendant que tu expires et plus ces muscles se relâchent. Ainsi te voilà confortablement installée, peut-être même durement confortablement installée. Pendant que ton corps est là tu peux laisser ton esprit s’échapper, vagabonder, partir en balade à un endroit que tu affectionnes particulièrement. Je ne sais pas si c’est à vélo, à pied, en forêt, à la campagne, à la mer... Peut-être même que tu peux me dire à quel endroit. »

- Mme M. : « Je crois que ça serait à la mer. »

- L’hypno-praticienne : « Tu marches dans le sable ou dans l’eau ? » - Mme M. : « Dans l’eau. »

- L’hypno-praticienne : « Très très bien, dans l’eau. À quelle saison ? » - Mme M. : « C’est l’été. »

- L’hypno-praticienne : « C’est l’été, super, je te propose de regarder autour de toi loin, la ligne d’horizon. Derrière peut-être des dunes …peut-être. »

- Mme M. : « Non c’est des palmiers. »

- L’hypno-praticienne : « Des palmiers, très très bien. La température c’est comme si c’était toi qui l’avais choisie, comme si tu étais équipée d’un bouton où tu as pu mettre la température au degré près. Te voilà les pieds dans l’eau, la température de l’eau aussi, comme si c’était toi qui l’avais choisie. »

Au cours de cette induction, elle utilise un grand nombre d’outils hypnotiques [9]. Nous allons nous concentrer sur certains d’entre eux : la focalisation, la dissociation, la suggestion, le VAKOG (Visuel, Auditif, Kinesthésique, Olfactif, Gustatif) et le saupoudrage. Ces outils pourront continuer à être utilisés dans le reste de la séance.

La focalisation

La focalisation de l’attention a pour but d’obtenir une restriction de la plage de conscience, voire même, de supprimer les stimulations extérieures dérangeantes. Elle peut être obtenue par fixation d’une source visuelle, auditive, olfactive, gustative ou somesthésique mais aussi par une activité physique ou mentale intense. La focalisation permet de détourner l’attention. C’est une étape de l’induction. Il existe plusieurs méthodes qui peuvent être combinées. On peut fixer un point, sa main, se concentrer sur la respiration, attirer l’attention par le questionnement, saturer par la parole (raconter une histoire longue ou ennuyeuse qui fera décrocher l’interlocuteur) ou par le sensoriel

38 (faire un mouvement répétitif par exemple), par confusion (énoncer quelque chose de surprenant ou d’incongru : « durement confortablement installée »). La focalisation passe par un rétrécissement de la vie sensorielle du sujet.

La dissociation

La dissociation s’obtient par la suggestion lorsqu’au fur et à mesure de l’approfondissement de l’état hypnotique, l’opérateur ne s’adresse plus directement au sujet, mais à des parties de son corps. Plus elle est importante, plus il est nécessaire de veiller à la réassociation du sujet pour préparer le réveil. En hypnose, le sujet se dissocie de son environnement au profit de son expérience interne.

La suggestion

La suggestion est une technique qui influence par la parole l’état émotionnel et les représentations du patient. Elle est souvent liée à des sensations, des perceptions ou des émotions [51]. La suggestion est une proposition, « … une idée qui se transforme en acte » selon Bernheim. La suggestion peut être directe, c’est-à-dire sans dissimulation, franche et directive voire autoritaire. Celle-ci est susceptible de déclencher des résistances. La suggestion peut aussi être indirecte, c’est- à-dire qu’on laisse des possibilités « comme cela ou peut être comme ceci ». Elle peut être enrobée avec du saupoudrage ou camouflée « soyez curieux de faire, voyez comment… ». Elles peuvent aussi être post-hypnotiques, c’est-à-dire utilisées en fin de séance pour favoriser le retour de la transe, pour prolonger le bénéfice de la séance, pour anticiper de possibles complications ou la prochaine séance par exemple. Beaucoup d’autres types de suggestions peuvent être utilisées.

Le VAKOG

Le VAKOG fait référence aux 5 sens : visuel, auditif, kinesthésique, olfactif et gustatif. Chaque personne y est sensible, mais a un ou plusieurs canaux sensoriels plus ou moins dominants. Le visuel et l’auditif sont les deux canaux prédominants dans la population. La dominante sensorielle d’une personne est décelable à travers le non verbal (analyse des mouvements oculaires par exemple issue de la PNL) et le verbal (les expressions « je vois » « j’entends », « je sens »). Ainsi, il va être important d’utiliser des mots qui se réfèrent au domaine des 5 sens dans le discours pour toucher plus ou moins un canal sensoriel. Il s’agit de balayer les sensations du sujet placé dans un contexte donné. Le VAKOG peut être utilisé pour dissocier le sujet « les yeux voient… ». Pour certains auteurs, la proprioception comme 6ième sens amène à proposer un nouvel acronyme PAVTOG où le K se décline

39 Le saupoudrage

Le saupoudrage consiste à ajouter et répéter dans la conversation des mots (comme des adjectifs ou des adverbes) qui favorisent l’apaisement et la concentration sur soi-même que nous recherchons en hypnose. C’est aussi utiliser des synonymes ou proposer des déclinaisons d’un élément pour que le sujet retienne ou interprète ce qui lui convient le mieux, le tout ponctué de silences. « Pendant que vous placez … vous installez… tranquillement…vous faites calmement connaissance avec ce qui vous entoure… ce qu’il y autour de vous…ce que vous percevez [...] ».

2.3.2 La transe

Avant d’entamer ce discours de la métaphore, Mme Deneuve s’est assurée que la patiente était bien en état de transe.

- L’hypno-praticienne : « Et tu marches tranquillement, une petite brise dans tes cheveux, sur ton visage, les odeurs et puis pendant que tu marches, que tu regardes l’eau transparente, ton œil est attiré par un petit poisson. Le petit poisson, c’est comme s’il te regarde, il te fixe aussi, tu le regardes. L’eau est propre, claire, transparente, il a l’air tellement content d’être là, comme toi. Petit à petit on ne sait pas comment, on ne sait pas pourquoi, cette eau devient de plus en plus trouble, sale, avec de la vase. Ce petit poisson a de plus en plus de mal à se déplacer. Lui qui était comme fusionnel avec son eau, il a de plus en plus de mal à se déplacer, à respirer. Il commence à avoir la tête qui tourne dans cette eau trouble. Alors, il regarde le ciel et il se dit, que ce n’est quand même pas très logique et puis ça serait même un peu ridicule de continuer, de rester là. Il prend la décision, hop, de sortir de l’eau. Il se retrouve donc sur la terre. Bon, évidemment c’est d’abord difficile, mais il apprend à respirer d’une autre façon. Ses nageoires se transforment en petites pattes. Tu sais bien ce que c’est que l’évolution… il s’adapte. Ses petites pattes lui permettent de se relever, de marcher. Ah ! évidemment, c’est parfois pas facile, mais il s’accroche et il avance, il avance, sûr de sa décision, il avance tellement qu’il arrive au pied d’une montagne. Il arrive maintenant à marcher sur le sentier de cette montagne. Evidemment, parfois il s’arrête pour se reposer, pour prendre de l’air pur. Il se sent tellement détendu. Cette marche c’est comme un anxiolytique, il se sent tranquille. Après avoir pris cet air pur, il regarde en arrière. Et il voit tout le chemin parcouru et il reprend sa route. Pas à pas, il monte cette montagne et il arrive tout en haut. Evidemment tout en haut, il regarde en arrière et surtout, il regarde d’où il arrive.

40 Une chose est sûre pour lui, il n’y aura pas de retour en arrière. Il va continuer d’avancer, tranquillement, c’est tellement bon pour sa santé. »

La métaphore

Les métaphores sont des figures de style basées sur l’analogie ou la substitution. Elles se présentent sous forme d’évocations, de contes ou d’allégories que le thérapeute raconte à son patient. La métaphore établit et reconnaît une relation entre deux objets apparemment sans lien. Ce faisant, la métaphore est une invitation à la réorganisation profonde des représentations mentales et ce, en créant de nouveaux liens entre les différents éléments d’une problématique. Elle met en route des associations inconscientes qu’il faut utiliser pour un changement. C’est une alternative à la réalité, chargée d’images et de symboles que le patient peut interpréter dans le sens qui lui convient le mieux.

- L’hypno-praticienne : « Pendant un moment, je vais me taire pour te laisser profiter de ce moment de tranquillité. Quand tu sens que c’est le moment de revenir ici et maintenant, tu peux me faire un signe avec ta main, de ton choix. Et je t’accompagnerai, en attentant tu as tout le temps du monde pour faire le plein de tranquillité. »

Trente secondes passent puis, la patiente bouge la main. - L’hypno-praticienne : « Très bien merci. »

Dans cette séquence elle a utilisé le signaling.

Le « signaling »

Le « signaling » correspond à ce que le sujet renvoie à l’opérateur. Il peut être spontané, l’opérateur peut percevoir un changement de respiration ou de la déglutition. Il peut aussi être convenu c’est à dire que l’opérateur invite le sujet à se manifester par un mouvement à un moment donné pour l’informer. Le signaling permettra au praticien de pouvoir interroger le sujet sans que celui-ci ne réponde par la parole, mais par un geste.

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2.3.3 Le retour

Mme Deneuve commence à augmenter et dynamiser sa voix au fur et à mesure. - L’hypno-praticienne : « Ainsi je vais t’accompagner dans ce retour avec un décompte :

5 : tu te prépares à revenir vers ici et maintenant tranquillement,

4 : tout en cheminant vers ici et maintenant tu reprends conscience de la position de ton corps dans le fauteuil,

3 : tu continues de cheminer vers ici et maintenant tu reprends conscience de la fonction de tes muscles pour te permettre de reprendre ta place dans ton monde et dans le monde,

2 : te voilà presque arrivée ici et maintenant, tu peux commencer à bouger les pieds, les mains, » (la patiente bouge la main) « voilà très très bien,

1 : te voilà arrivée ici et maintenant, tu peux ouvrir les yeux et garder les yeux ouverts quand ce sera confortable et agréable pour toi de le faire. »

La patiente ouvre tranquillement les yeux.

- L’hypno-praticienne : « Bonjour. Comment tu te sens ? »

- Mme M. : « Je ne sais pas trop, l’histoire du poisson, je me souviens plus…ah ça y est. »

Mme Deneuve montre le dessin du cerveau et dit « lui il sait » en pointant du doigt le cerveau droit. Elles rient.

- L’hypno-praticienne : « Sinon comment te sens-tu ? » - Mme M. : « Ça va. »

- L’hypno-praticienne : « Donc, la séance va travailler tranquillement, toute seule, c’est une technique plutôt sympa ! »

- Mme M. : « C’est bizarre je ne sais pas trop, je ne sais pas trop ce qui s’est passé. A un moment donné j’ai pensé à autre chose que le poisson et je me suis recentrée dessus après. »

- L’hypno-praticienne : « Oui c’est normal, tu es multi compétente. » - Mme M. : « D’accord. »

- L’hypno-praticienne : « Si tu as la moindre question tu m’appelles ou tu m’envoies un message, c’est très simple. »

Après la séance, elle lui prescrit quelques exercices de communication thérapeutique. Elle lui demande d’enlever le conditionnel (remplacer « si » par « dès que » ou « lorsque » par exemple) dans son langage et d’être positive. Ce dernier échange marque la fin de la séance.

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3 Discussion

Ne faut-il pas s’interroger sur la nature de la perception des choses ? Est-elle le reflet de la réalité ou ne s’agit-il que d’une manifestation subjective, d’une vision modifiée par nos filtres que sont ce que nous savons, ce que nous croyons, ce que nous révèlent nos expériences de vie ?