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Impact de la pluriactivité du ménage sur la situation financière en période d'établissement en agriculture

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

DENIS BEAUDOIN

IMPACT DE LA PLURIACTIVITÉ DU MÉNAGE SUR

LA SITUATION FINANCIÈRE EN PÉRIODE

D’ÉTABLISSEMENT EN AGRICULTURE

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en économie rurale

pour l’obtention du grade de Maître ès sciences (M. Sc.)

Département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation

Université Laval Québec

2011

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Résumé

L’établissement en agriculture demeure un parcours semé d’embûches, particulièrement sur le plan financier, où le recours à des sources de revenus non agricoles fait partie de la réalité. La pratique de la pluriactivité permet au ménage d’obtenir un revenu supplémentaire, notamment par le biais d’un emploi extérieur à la ferme, ce qui a une incidence positive sur la situation financière. Dans ce contexte, l’objectif de cette recherche exploratoire était de mesurer l’importance financière du revenu de la pluriactivité dans l’établissement en agriculture. Une enquête téléphonique menée auprès de 243 jeunes récemment établis en agriculture au Québec a démontré que 62 % des ménages échantillonnés sont pluriactifs professionnels. L’analyse statistique subséquente des données de l’échantillon a révélé que le revenu d’emploi extérieur a un impact significatif sur les dépenses courantes du ménage ainsi que sur les apports monétaires faits dans l’entreprise en période d’établissement en agriculture.

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Avant-propos

Ce projet de recherche a été rendu possible grâce au soutien financier du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) par l’intermédiaire du Programme de recherche technologique en bioalimentaire (volet demande sociétale). Il a également bénéficié de l’appui soutenu du Groupe de recherche en économie et politique agricoles (GRÉPA) de l’Université Laval. Les ressources que ces organisations ont mises à ma disposition ont grandement contribué à la réussite de ma formation et je tiens à profiter de cette occasion pour les remercier de m’avoir appuyé dans toutes les facettes de mon parcours académique.

Je souhaite également remercier sincèrement mon directeur de recherche, Daniel-Mercier Gouin, pour son encadrement hors pair et la confiance qu’il m’a témoignée afin de mener ce mémoire à terme. J’aimerais aussi remercier ma co-directrice de recherche, Diane Parent, pour son expertise et ses encouragements.

J’ai pu compter sur un grand soutien de mes collègues tout au long de ma formation et je les en remercie. Je souhaite également remercier mes parents, Thérèse et Guy, qui m’ont appris la valeur inestimable de l’éducation. Enfin, je désire remercier la femme qui a toujours été derrière moi, ma conjointe, Valérie, pour qui je suis infiniment reconnaissant.

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« En vérité, le chemin importe peu, la volonté d’arriver suffit à tout. » Albert Camus, Le mythe de Sisyphe

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Table des matières

Résumé ... i

Avant-propos ... ii

1. L’établissement en agriculture dans un cadre pluriactif ... 1

1.1 Objectifs de recherche ... 5

2. La situation financière du ménage agricole ... 7

2.1 L’approche globale ... 7

2.2 La formation du revenu ... 12

2.2.1 Le revenu provenant de l’entreprise agricole ... 12

2.2.2 Les revenus hors ferme et le revenu total du ménage agricole... 15

2.2.3 La pluriactivité du ménage ... 18 2.3 L’utilisation du revenu ... 22 2.3.1 La consommation ... 23 2.3.2 L’épargne ... 25 2.3.3 Le rôle de la richesse ... 27 2.4 Grille d’analyse... 29

2.5 Les fonctions de consommation et d’épargne d’un point de vue théorique ... 32

2.5.1 La fonction de consommation selon la théorie des comptes mentaux ... 33

2.5.2 La fonction d’épargne selon la théorie de l’individu entrepreneur ... 34

2.6 Question de recherche ... 36

3. La mesure du revenu et de son utilisation : aspects méthodologiques ... 38

3.1 Population visée ... 38

3.2 Échantillonnage ... 38

3.3 Méthode de collecte de données ... 39

3.4 Instrument de mesure... 40

3.5 Bilan de l’enquête ... 43

3.6 Approche d’analyse ... 46

4. L’importance financière du revenu de la pluriactivité : analyse de l’échantillon ... 48

4.1 Caractéristiques de l’échantillon ... 48

4.2 Impact du revenu d’emploi extérieur... 54

4.3 Analyse des ménages pluriactifs professionnels ... 63

5. Conclusion ... 72

Bibliographie ... 76

Annexe I Questionnaire d’enquête téléphonique ... 80

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Liste des tableaux

Tableau 1 Taux de réponse de l’enquête ... 44 Tableau 2 Répartition des ménages selon la présence de revenus d’emploi

extérieur en 2008 et au début de l’établissement ... 45 Tableau 3 Répartition des ménages selon leur type ... 45 Tableau 4 Modes principaux d’établissement des répondants selon le type de

ménage ... 48 Tableau 5 Types de productions agricoles principales des entreprises selon le

type de ménage ... 49 Tableau 6 Valeur marchande moyenne et endettement moyen des entreprises à la

fin de l’année 2008 selon le type de ménage ... 50 Tableau 7 Revenus brut et net moyens des entreprises en 2008 et au début

l’établissement selon le type de ménage ... 51 Tableau 8 Revenus moyens des ménages au début de l’établissement selon le

type de ménage ... 52 Tableau 9 Revenus moyens des ménages en 2008 selon le type de ménage ... 52 Tableau 10 Dépenses courantes moyennes des ménages en 2008 selon le type de

ménage ... 55 Tableau 11 Apports monétaires moyens faits par les ménages dans l’entreprise en

2008 selon le type de ménage ... 59 Tableau 12 Répartition des ménages pluriactifs professionnels selon le niveau du

revenu d’emploi extérieur au début de l’établissement et en 2008 ... 63 Tableau 13 Utilité accordée par les répondants des ménages pluriactifs

professionnels aux revenus hors ferme dans l’établissement ... 64 Tableau 14 Aspect financier favorisé par les revenus hors ferme selon les

répondants des ménages pluriactifs professionnels qui les ont jugés

essentiels ... 65 Tableau 15 Présence et montant des apports monétaires médians moyens faits dans

les entreprises des ménages pluriactifs professionnels en 2008 ... 66 Tableau 16 Mode principal d’établissement des répondants des ménages pluriactifs

professionnels ... 67 Tableau 17 Type de production agricole principale des entreprises des ménages

pluriactifs professionnels ... 67 Tableau 18 Valeur marchande moyenne et endettement moyen des entreprises des

ménages pluriactifs professionnels en 2008 ... 68 Tableau 19 Revenus brut et net médians moyens des entreprises des ménages

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Tableau 20 Dépenses courantes moyennes des ménages pluriactifs professionnels en 2008 ... 69 Tableau 21 Intention des ménages pluriactifs professionnels de vivre

principalement des revenus de l’entreprise ... 70 Tableau 22 Statistiques descriptives de l’ANOVA visant à évaluer la relation entre

les dépenses courantes en 2008 et le type de ménage ... 99 Tableau 23 Test d’égalité des variances de l’ANOVA visant à évaluer la relation

entre les dépenses courantes en 2008 et le type de ménage ... 99 Tableau 24 Test de signification de l’ANOVA visant à évaluer la relation entre les

dépenses courantes en 2008 et le type de ménage ... 100 Tableau 25 Comparaisons multiples de l’ANOVA visant à évaluer la relation entre

les dépenses courantes en 2008 et le type de ménage ... 101 Tableau 26 Statistiques descriptives de la régression visant à évaluer la relation

entre les sources de revenus et les dépenses courantes des ménages en 2008 ... 102 Tableau 27 Test de signification de la régression visant à évaluer la relation entre

les sources de revenus et les dépenses courantes des ménages en 2008 ... 102 Tableau 28 Coefficient de corrélation multiple de la régression visant à évaluer la

relation entre les sources de revenus et les dépenses courantes des

ménages en 2008 ... 103 Tableau 29 Coefficients standardisés et non standardisés de la régression visant à

évaluer la relation entre les sources de revenus et les dépenses

courantes des ménages en 2008 ... 104 Tableau 30 Statistiques descriptives de l’ANOVA visant à évaluer la relation entre

les apports monétaires en 2008 et le type de ménage ... 105 Tableau 31 Test d’égalité des variances de l’ANOVA visant à évaluer la relation

entre les apports monétaires en 2008 et le type de ménage ... 105 Tableau 32 Test de signification de l’ANOVA visant à évaluer la relation entre les

apports monétaires en 2008 et le type de ménage ... 106 Tableau 33 Comparaisons multiples de l’ANOVA visant à évaluer la relation entre

les apports monétaires en 2008 et le type de ménage ... 107 Tableau 34 Statistiques descriptives de la régression visant à évaluer la relation

entre les sources de revenus et les apports monétaires des ménages en 2008 ... 108 Tableau 35 Test de signification de la régression visant à évaluer la relation entre

les sources de revenus et les apports monétaires des ménages en 2008 ... 108 Tableau 36 Coefficient de corrélation multiple de la régression visant à évaluer la

relation entre les sources de revenus et les apports monétaires des

(8)

Tableau 37 Coefficients standardisés et non standardisés de la régression visant à évaluer la relation entre les sources de revenus et les apports

(9)

Liste des figures

Figure 1. Modèle économique du ménage agricole ... 11 Figure 2. Formation du revenu total du ménage agricole ... 13 Figure 3. Revenus agricoles brut et net moyens des entreprises agricoles,

Québec, 2001 à 2008 ... 14 Figure 4. Revenus moyens des ménages agricoles selon trois sources, Québec,

2001 à 2007 ... 16 Figure 5. Revenu total moyen des ménages agricoles et de tous les ménages,

Québec, 2001 à 2007 ... 17 Figure 6. Grille d’analyse typologique de la pluriactivité agricole ... 21 Figure 7. Utilisation du revenu total du ménage agricole ... 22 Figure 8. Revenu disponible moyen et dépenses courantes moyennes des

ménages, Québec, 2001 à 2008 ... 25 Figure 9. Valeur marchande moyenne et endettement moyen des entreprises

agricoles, Québec, 2001 à 2008 ... 28 Figure 10. Grille d’analyse théorique de la situation financière du ménage

agricole ... 30 Figure 11. Grille d’analyse empirique de la situation financière du ménage

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1. L’établissement en agriculture dans un cadre pluriactif

La fragilité financière de l’agriculture québécoise

Encore aujourd’hui, l’établissement de la relève agricole représente un défi de taille pour l’agriculture québécoise. Au-delà des tendances sectorielles et régionales, le renouvellement de la profession agricole n’est pas assuré. Le taux de renouvellement des générations1 des agriculteurs québécois tournait autour de 35 % en 2006 alors qu’il était de 112 % au début des années 1990 (TRAGET Laval 2007, p. 4). En d’autres mots, les agriculteurs étaient plus âgés en 2006. L’évolution structurelle de l’agriculture québécoise n’est pas étrangère à la situation actuelle (Doyon et al. 2001). Les phénomènes de spécialisation, de concentration et d’intensification de la production agricole ont concouru au développement d’une agriculture moderne certes, mais fragilisée à bien des égards. Ainsi, les hauts niveaux de capitalisation et d’endettement et la faible rentabilité des entreprises agricoles caractérisent l’agriculture québécoise (Levallois 2006, p. 53).

La valeur marchande moyenne d’une ferme au Québec atteignait 1,4 M$ en 2008 et l’endettement moyen se situait à 28 % de cette somme (Statistique Canada 2010a, p. 31). Pour la relève agricole, qu’elle soit familiale ou non, la valeur des actifs agricoles peut paraître prohibitive au point de devenir une barrière à l’entrée dans la profession (FRAQ et UPA 2004, p. 31). D’ailleurs, le problème de la capitalisation était reconnu par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) dès 1990 : « Si l’on se fie à la tendance passée, l’augmentation de la taille et de la valeur des entreprises agricoles à l’avenir impliquera des mises de fonds de plus en plus considérables » (MAPAQ 1990, p. 9). Ce phénomène s’est accompagné d’une stagnation du revenu net total des agriculteurs québécois. En se basant sur des données de 2004, les revenus agricoles (hors subventions) n’arrivaient pas à couvrir les dépenses de 53 % des fermes du Québec (Groupe AGÉCO 2007, p. 31). Dans ce contexte, si les jeunes souhaitant s’établir en agriculture aspirent à vivre de leur ferme, la relève agricole est donc défavorisée.

1 Le taux de renouvellement des générations correspond au nombre d’agriculteurs ayant moins de 35 ans en

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Un processus long, complexe et exigeant

Pour les jeunes qui persistent, l’établissement en agriculture représente un processus complexe et exigeant dont la durée est variable, mais pouvant s’échelonner sur plusieurs années (Parent et al. 2004, pp. 10-11). Il comporte généralement deux phases. La première phase, celle du pré-démarrage, consiste en quelque sorte à définir le projet et à le planifier, sous forme de plan d’affaires ou de plan d’établissement. Cela donne lieu à des démarches formelles, comme la consultation de conseillers et la réalisation de stages, visant à concrétiser le projet d’établissement. Durant cette phase, c’est notamment en raison du problème de la capitalisation que le montage financier de l’entreprise, permettant d’acquérir les actifs agricoles, prend toute son importance (Lepage 2008). La relève doit d’ailleurs faire appel à différentes sources de financement, dont les apports monétaires personnels et familiaux, les subventions et les emprunts. Le montage financier peut donc avoir une incidence sur la rentabilité de l’entreprise au cours des années subséquentes (Lepage 2008). La seconde phase correspond au démarrage ou à la poursuite des activités de l’entreprise selon qu’elle soit nouvelle ou reprise lors d’un transfert. Cette dernière phase est toute aussi importante car les cinq premières années sont généralement les plus difficiles dans le cycle de vie de l’entreprise (Parent et al. 2004, pp. 10-11). En effet, l’établissement est également un processus d’apprentissage, à coups d’essais et d’erreurs, qui peut s’avérer onéreux pour la relève agricole. Durant cette période, l’endettement peut peser lourd sur les finances de l’entreprise et les revenus agricoles peuvent être plus faibles que ce qui avait été prévu initialement. Cette situation réduit ainsi toute marge de manœuvre financière et le recours à des revenus hors ferme peut donc s’avérer nécessaire (Brangeon et al. 1994, p. 36).

Le recours au revenu hors ferme

En matière de revenu hors ferme, la tendance des dernières années est révélatrice d’un phénomène qui a pris de l’ampleur dans les économies industrialisées, ne serait-ce qu’à l’échelle nord-américaine. Aux États-Unis, le revenu hors ferme comptait en moyenne pour 83 à 90 % du revenu total des ménages agricoles pour la période de 2003 à 2007 (USDA 2008, p. 34). Fait encore plus surprenant, le revenu moyen des ménages agricoles était supérieur de 16 à 33 % au revenu moyen des ménages aux États-Unis au cours de la même période (USDA 2008, p. 34). Au Canada, suivant la même tendance, les données de 2007

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indiquent que sur un revenu total moyen des ménages agricoles de 93 703 $, celui-ci était composé à 80 % de revenu hors ferme, une proportion relativement stable depuis plusieurs années (Statistique Canada 2010b, p. 20). De plus, ce sont majoritairement des revenus d’emploi extérieur à la ferme dont bénéficient les ménages agricoles puisqu’ils constituent 56 % du revenu total moyen (Statistique Canada 2010b, p. 34). Au Québec plus spécifiquement, le revenu total moyen des ménages agricoles était de 77 290 $ pour la même année et constitué à 66 % de revenu hors ferme (Statistique Canada 2010b, p. 22). Dans le cas des ménages agricoles québécois, les revenus d’emploi extérieur à la ferme contribuaient à la hauteur de 44 % du revenu total moyen (Statistique Canada 2010b, p. 34). Bien que les ménages agricoles au Québec dépendent moins du revenu hors ferme que ceux de l’ensemble du Canada, ces statistiques confirment à quel point l’importance financière du revenu hors ferme est devenue manifeste. Il faut toutefois noter que ces statistiques témoignent de l’ampleur du revenu hors ferme chez les ménages agricoles en général mais il n’en demeure pas moins important de nuancer les moyennes statistiques, notamment en fonction des productions, des régions et des tailles d’entreprise. Les données masquent également la réalité des jeunes agriculteurs. Il serait donc pertinent d’en savoir davantage sur l’incidence financière du revenu hors ferme des ménages agricoles, notamment du revenu d’emploi extérieur, à la lumière de la problématique de l’établissement.

La pratique de la pluriactivité

Le revenu d’emploi extérieur en agriculture réfère généralement à la pratique de la pluriactivité du ménage. Or, il appert que la pratique de pluriactivité soit très répandue chez les ménages agricoles mais demeure un phénomène largement méconnu. La pluriactivité agricole consiste, pour au moins un des membres du ménage, à entreprendre une ou plusieurs activités en sus de la production agricole, ce qui apporte généralement un revenu supplémentaire au ménage. L’intérêt de ce concept réside dans le déplacement de l’attention de l’entreprise vers le ménage comme centre de décisions (Fuller 1990). Selon une étude exploratoire réalisée récemment au Québec, la pluriactivité était présente chez 72 % des ménages agricoles échantillonnés (Gervais 2007, p. 67). Il peut s’agir d’une activité de diversification agricole (travail à forfait, transformation à la ferme, agrotourisme, etc.) mais il s’agit surtout d’une activité professionnelle extérieure (emploi

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salarié) (Gervais 2007, pp. 10-11). Ainsi, la pluriactivité agricole remplit de nombreuses fonctions qu’elles soient d’ordre économique, social, lié au style de vie ou culturel (Gervais 2007, p. 56). Et en fonction de la finalité à laquelle répond la pluriactivité agricole, plusieurs types peuvent être rencontrés dont certains permettent de pallier le manque de revenu dans un horizon à court ou long terme (Gervais 2007, p. 67). En fait, « les préoccupations financières ne sont pas totalement absentes dans les décisions de pluriactivité » (Krebs 2005, p. 96). Et pour une interprétation complète du revenu de l’entreprise agricole, cela implique de prendre en compte le revenu total du ménage agricole (Brangeon et al. 1994, p. 32).

Pour le moment, tout porte à croire que les ménages agricoles dont au moins un des membres s’est établi récemment en agriculture seraient tout aussi, voire davantage, pluriactifs que l’ensemble des ménages agricoles. Cependant, plusieurs points de vue s’affrontent à ce sujet. Considérant les besoins financiers additionnels nécessaires à l’établissement en agriculture, la pratique de la pluriactivité agricole est souvent perçue comme une nécessité financière dont la finalité est un revenu cible permettant de financer une capitalisation importante de l’entreprise agricole (Simpson et Kapitany 1983, p. 801). Par ailleurs, il semble que la consommation et l’épargne du ménage agricole soient avant tout financées par le revenu de la pluriactivité (Butault et al. 1999, p. 177). Toutefois, la pluriactivité professionnelle extérieure peut également être le reflet d’un choix individuel, en vue de la poursuite d’une carrière, où le revenu n’aurait donc rien à voir avec un raisonnement financier de l’entreprise ou du ménage (Simpson et Kapitany 1983, p. 801). Essentiellement, la pluriactivité du ménage agricole pourrait donc répondre à une double logique :

« conjoncturelle, en permettant de compenser la faiblesse du revenu agricole ; structurelle, en contribuant directement ou indirectement au financement de l’exploitation agricole et par conséquent, à terme, à son développement ou à sa survie » (Butault et al. 1999, p. 165).

Bien que de nombreux chercheurs et intervenants se soient attardés aux problématiques de la relève et de l’établissement en agriculture depuis plusieurs années, il aura fallu attendre en 2006 avant d’obtenir le tout premier portrait de la relève agricole établie au Québec

(14)

(MAPAQ 2008). Au préalable, un recensement avait été effectué auprès de tous les agriculteurs du Québec âgés de moins de 40 ans et possédant au moins 1 % des parts d’une entreprise agricole au 30 novembre 2006 (MAPAQ 2008). Il en ressort qu’il y avait près de 9000 jeunes de la relève agricole établie en 2006 (MAPAQ 2008). Dans ce recensement, ceux-ci répondaient, entres autres, à deux questions concernant le travail hors ferme et le revenu qui y est associé (MAPAQ 2008). De manière générale, 38 % de ces jeunes ont travaillé à l’extérieur de l’entreprise agricole au cours des douze derniers mois (MAPAQ 2008, p. 29). En moyenne, ils estiment que le revenu gagné à l’extérieur de l’entreprise agricole équivaut à 46 % de leurs revenus totaux (MAPAQ 2008, p. 29). Avec ce recensement, il est maintenant possible d’en savoir davantage sur les caractéristiques des jeunes de la relève agricole établie mais encore bien peu sur la dynamique des ménages agricoles durant l’établissement. En effet, les agriculteurs étant au centre de l’analyse, la pluriactivité des ménages agricoles n’est pas considérée. Bien que deux études exploratoires récentes sur la pluriactivité agricole aient permis de construire une typologie (Gervais 2007) et de déterminer les motivations d’établissement en pluriactivité (Rivotiana 2008), le phénomène demeure largement méconnu au Québec. À notre connaissance, peu d’attention a été accordée à l’importance financière du revenu de la pluriactivité agricole dans l’établissement en agriculture.

1.1

Objectifs de recherche

Dans le contexte où l’établissement en agriculture se caractérise actuellement par des obstacles financiers de plus en plus difficiles à surmonter et où l’entrée en agriculture devient de plus en plus tributaire du revenu de l’ensemble du ménage, nous proposons une recherche dont l’objectif général est le suivant :

Mesurer l’importance financière du revenu de la pluriactivité dans l’établissement en agriculture.

De façon à atteindre cet objectif général, les objectifs spécifiques suivants seront poursuivis :

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Évaluer la situation financière des ménages agricoles en période d’établissement en agriculture;

Déterminer l’impact du revenu de la pluriactivité agricole sur la situation financière de ces ménages.

Pour atteindre ces objectifs, le cadre conceptuel de la situation financière du ménage agricole sera d’abord élaboré. La grille d’analyse qui en découlera permettra ensuite d’explorer la problématique au niveau d’un échantillon de ménages agricoles en période d’établissement, ce qui nécessitera une méthodologie adéquate. Une fois qu’aura été effectuée la collecte de données, l’analyse des résultats sera l’étape finale de cette recherche.

(16)

2. La situation financière du ménage agricole

La situation financière du ménage agricole en période d’établissement en agriculture est l’enjeu central de cette recherche puisque c’est par son évaluation qu’il sera possible d’apprécier toute l’importance financière de la pluriactivité. Afin d’atteindre l’objectif général, il importe donc d’élaborer un cadre conceptuel de manière à évaluer adéquatement la situation financière des ménages agricoles qui sont à l’étude. Le but recherché par cette étape importante de la recherche est, d’une part, de définir les concepts inhérents à la compréhension de la situation financière et, d’autre part, d’obtenir une grille d’analyse afin d’élaborer la méthodologie. Le cadre conceptuel sert également à prendre connaissance des données existantes sur la situation financière des ménages agricoles au Québec et particulièrement des ménages de la relève agricole établie.

En se basant sur la littérature, ce chapitre s’attarde d’abord à situer l’approche d’analyse qui sera privilégiée. Il est question ensuite de construire la grille d’analyse pour une compréhension accrue des points critiques de la situation financière tout en établissant le portrait actuel des ménages agricoles au Québec. Pour ce faire, la formation du revenu du ménage agricole est d’abord passée en revue en raison de la variable indépendante à l’étude : le revenu de la pluriactivité. Ensuite, la contrepartie du revenu, soit son utilisation, est examinée étant donné que c’est la variable dépendante de la recherche et révélatrice de la situation financière du ménage agricole en période d’établissement en agriculture. Une fois la grille d’analyse complétée, il s’agit alors de faire ressortir de la littérature les théories économiques permettant d’expliquer le fondement des décisions financières du ménage agricole, soit la relation fondamentale entre le revenu et son utilisation, ce qui alimente une ou des questions de recherche spécifiques.

2.1

L’approche globale

Du revenu de l’entreprise agricole à la situation financière du ménage

La littérature économique a traité abondamment du revenu agricole dans l’étude de la situation financière des familles agricoles (Boussard 1987). Historiquement, l’intérêt des

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chercheurs portait avant tout sur les problématiques entourant la formation des revenus des entreprises agricoles (OCDE 2003). Jusqu’à récemment, il était rarement question d’autres sources de revenus puisque les familles agricoles vivaient encore principalement du revenu de la ferme. Depuis une trentaine d’années cependant, la quantité de travail hors ferme a monté en flèche, ce qui suscite l’intérêt des chercheurs (Alasia et Bollman 2009). Le ménage agricole devenant désormais le centre de l’attention, l’analyse du revenu total se retrouve davantage dans la littérature (Jégouzo et al. 1998). Ainsi, les implications financières de la pluriactivité du ménage sont désormais un sujet de recherche (Butault et al. 1997; Krebs 2005). Mais encore peu de chercheurs se sont intéressés à l’analyse globale de la situation financière. En d’autres mots, la situation financière ne se résume pas à la seule question du revenu total des ménages agricoles (El-Osta et al. 2007). L’utilisation qu’en font les ménages agricoles est devenue au fil du temps un sujet d’intérêt, quoique peu étudié (USDA 2002).

D’une part, le revenu est déterminant dans l’ampleur de la consommation des ménages et donc, du niveau de vie. D’autre part, l’impact du revenu sur l’épargne et, par voie de conséquence, sur les différents investissements du ménage laisse entrevoir un lien évident avec le financement de l’entreprise agricole. Le patrimoine (le niveau de richesse) des ménages agricoles, par sa capacité d’autofinancement, joue également un rôle au niveau du revenu et, ultimement, au niveau de la consommation. En tenant compte de l’ensemble de ces variables, c’est un portrait beaucoup plus complet de la situation financière des ménages agricoles qui peut être dressé. La présente recherche s’intéresse à une étape critique du cycle de vie de l’entreprise agricole où le stress financier est potentiellement plus élevé. Dans un contexte d’établissement en agriculture, il est donc impératif de cerner davantage la complexité de la situation financière des ménages agricoles en privilégiant une approche globale.

Parmi plusieurs sujets concernant la situation financière, des données statistiques et de nombreuses recherches se sont attardées parfois au revenu, d’autres fois à la consommation et quelquefois à l’épargne des ménages agricoles (ONU 2007). Selon les objectifs poursuivis, l’analyse se situait sous un angle partiel. Effectivement, les études ont surtout

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touché la relation entre quelques variables de la situation financière à la fois, sans doute pour répondre aux priorités de la recherche, mais aussi pour en simplifier l’analyse. De plus, le peu d’études de nature plus globale s’explique par le fait que les données de haute qualité, sur les dépenses courantes du ménage agricole notamment, sont éparses (ONU 2007; Zafiriou 2002). Ce n’est pas le cas aux États-Unis où, depuis des années, les agences gouvernementales collectent des données financières complètes non seulement sur les entreprises agricoles mais également sur les ménages agricoles (USDA 2002).

Les travaux du USDA

À notre connaissance, le United States Department of Agriculture (USDA) apparaît comme la seule organisation à avoir schématisé de manière complète la situation financière des ménages agricoles aux fins d’analyse. La figure 1 représente le modèle économique du ménage agricole où les membres allouent leur temps entre différentes activités économiques : la production agricole, l’emploi hors ferme, le travail autonome hors ferme, la production domestique (tâches ménagères et loisirs) et l’éducation. Pour la plupart, ces activités concourent directement (activités rémunératrices) et indirectement (éducation) au revenu du ménage. Le ménage alloue ensuite ce revenu à la consommation et à l’épargne qui à son tour sera allouée entre différents actifs financiers qu’ils soient agricoles ou non agricoles. Ceux-ci permettront éventuellement de générer des revenus d’investissement contribuant également au revenu du ménage. Ainsi, le bien-être économique du ménage agricole provient du temps qu’il accorde à la production domestique, des différents biens qu’il possède, de la consommation qu’il engendre mais également de l’intervention étatique dont il bénéficie. En effet, les revenus fiscaux du gouvernement lui permettent d’intervenir dans ce modèle économique par des dépenses publiques et des transferts sociaux qui soutiennent le bien-être économique du ménage agricole.

Dans une étude relativement récente sur le bien-être économique des ménages agricoles américains et qui est maintenant une référence importante pour tous ceux qui s’intéressent au sujet, les chercheurs du USDA ont analysé la distribution du revenu et de la richesse dans les ménages agricoles américains tout en établissant des liens entre l’instabilité du revenu d’une part et la consommation et l’investissement d’autre part (USDA 2002). Les

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auteurs de cette étude ont donc fait la démonstration qu’il est erroné de percevoir le bien-être économique des ménages agricoles uniquement sous l’angle des revenus (USDA 2002, p. 3). Ils considèrent qu’à la fois la richesse (l’ensemble des biens que possède le ménage) et la consommation (l’ensemble des dépenses qu’engendre le ménage) doivent être prises en compte pour être en mesure d’évaluer explicitement le bien-être des ménages agricoles (USDA 2002, p. 3). Cette approche globale, qui intègre tous les éléments financiers entourant le ménage agricole, cadre tout à fait avec le premier objectif spécifique de la recherche qui, rappelons-le, consiste à évaluer la situation financière des ménages agricoles.

Dans la poursuite de cet objectif, bien que l’approche du USDA soit tout à fait pertinente aux fins de la présente recherche, il y a lieu de l’adapter et de la bonifier pour construire une grille d’analyse appropriée et détaillée, notamment en ce qui concerne la pluriactivité agricole. Dans un premier temps, il est donc primordial de définir les concepts clés de la formation du revenu du ménage agricole et de les bonifier selon la typologie des ménages pluriactifs de Gervais (2007). Dans un deuxième temps, une fois les ressources financières définies, il est de mise d’élaborer davantage sur les notions d’utilisation de ces ressources par les ménages agricoles. À ce sujet, les questions de consommation, d’épargne et de richesse semblent tout indiquées. La relation financière entre le ménage et la ferme est également à préciser dans la grille d’analyse en raison notamment de son importance dans l’établissement en agriculture, que ce soit pour les retraits ou les apports monétaires.

(20)

Figure 1. Modèle économique du ménage agricole

Source : Figure tirée de USDA (2002), p. 6.

(21)

2.2

La formation du revenu

Comme il a été mentionné auparavant, les membres du ménage agricole allouent leur temps entre différentes activités économiques. Ce sont évidemment les activités rémunératrices qui sont intéressantes pour la présente recherche et particulièrement celles qui relèvent de la pluriactivité agricole. Selon la définition retenue par Statistique Canada, les revenus générés par l’ensemble des activités économiques du ménage agricole proviennent essentiellement de deux sources : le revenu provenant de l’entreprise agricole (bénéfice net d’exploitation) et les revenus hors ferme (Statistique Canada 2010b). La présente section a pour but de présenter la formation du revenu total du ménage agricole en deux étapes, en analysant d’abord le revenu provenant de l’entreprise agricole et ensuite les revenus hors ferme.

2.2.1 Le revenu provenant de l’entreprise agricole

Le revenu provenant de l’entreprise agricole est habituellement la composante instable du revenu total des ménages agricoles. Ce revenu est le résultat d’une série d’opérations qui méritent d’être étayées. Comme point de départ, la figure 2 représente la formation du revenu total du ménage agricole. La séquence d’opérations menant au revenu net et, ultimement, aux prélèvements ou retraits monétaires2 que font les propriétaires de l’entreprise agricole est d’abord analysée.

Dans un premier temps, la formation du revenu brut va retenir l’attention. Il y a d’abord le revenu agricole provenant de la vente de denrées agricoles, et ce, peu importe le type de production agricole (végétale et animale) (Statistique Canada 2010a). À cela s’ajoutent les paiements directs, de source publique. Il s’agit généralement d’un soutien financier de l’État qui prend souvent la forme de subventions en vue de stabiliser les revenus agricoles ou de dédommager les agriculteurs pour des pertes provoquées par des aléas de la nature (Statistique Canada 2010a). Dans le cadre de l’établissement en agriculture, ce soutien peut

2 Les « prélèvements » et les « retraits » monétaires sont des synonymes des revenus du ménage retirés de

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également être constitué de subventions versées spécifiquement à la relève agricole afin de couvrir certaines dépenses agricoles et financer des investissements dans les actifs agricoles (FADQ 2009). À titre d’information, le concept des recettes monétaires agricoles qu’utilise Statistique Canada est associé à la mesure du revenu brut et réfère à la somme des ventes de productions végétales et animales et des paiements de programmes (Statistique Canada 2010a). Dans la présente recherche, le revenu brut se compose non seulement des recettes monétaires agricoles (revenus agricoles et paiements directs) mais aussi d’autres revenus d’entreprise, tels que les ristournes de coopérative et les revenus de location, et du revenu provenant d’activités para-agricoles, qui fait référence à la pluriactivité de diversification agricole, une notion qui est expliquée dans une section subséquente. Une fois formé, le revenu brut subit dans un deuxième temps d’autres opérations avant qu’il soit possible pour les propriétaires de retirer des revenus de l’entreprise agricole.

Figure 2. Formation du revenu total du ménage agricole

Retraits Revenu d’activités para-agricoles Paiements directs Revenu agricole Revenu brut Avoir net agricole Revenu net Actifs agricoles Dettes agricoles Autres revenus Revenu total du ménage agricole Revenu d’emploi

extérieur revenusAutres Dépenses

agricoles

Du revenu brut, les dépenses agricoles (ou dépenses d’exploitation) sont soustraites, que ce soit des dépenses variables (semences, moulée, etc.) ou des dépenses fixes (salaires, intérêts, etc.). Cette opération comptable donne comme résultat le revenu net comptant de

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l’entreprise agricole (Statistique Canada 2010c). Le revenu net comptant représente le montant en espèces qui provient de l’entreprise agricole et qui peut être utilisé pour le remboursement des dettes agricoles, l’investissement dans des actifs agricoles ou les retraits monétaires par les propriétaires (Statistique Canada 2010c). En déduisant du revenu net les frais d’amortissement, en tant que provision pour le remplacement du capital de production de l’entreprise agricole (actifs agricoles), il en résulte le revenu net réalisé (Statistique Canada 2010c). Il se peut qu’il y ait ensuite une variation des stocks (inventaires à court terme d’animaux et/ou de récoltes) contribuant positivement ou négativement au revenu net. Le revenu net positif permet des retraits monétaires pour assurer le coût de vie du ménage, en plus des salaires déjà versés éventuellement à certains membres du ménage (selon le statut juridique de l’entreprise), mais il doit aussi permettre d’assurer le remboursement du capital sur les emprunts. Bien entendu, s’il est négatif, il y a lieu de croire que le ménage doit soutenir financièrement l’entreprise agricole. En effet, avant de contribuer au revenu total du ménage, le revenu net devrait à tout le moins aller en priorité au remboursement des dettes de l’entreprise agricole et si cela n’est pas suffisant les propriétaires doivent alors y faire des apports monétaires.

Figure 3. Revenus agricoles brut et net moyens des entreprises agricoles, Québec, 2001 à 2008

0 50 000 100 000 150 000 200 000 250 000 300 000 350 000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Revenu brut Revenu net

$ constants (2007)

Source : Statistique Canada (2004 et 2010a), enquêtes financières sur les fermes 2003 et 2008; Notre compilation et nos calculs (2010).

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Afin d’avoir une idée de l’évolution récente des revenus agricoles brut et net moyens par ferme, la figure 3 présente la situation qui prévalait au Québec de 2001 à 2008. Malgré la crise économique qui perdurait en 2007 et 2008, le revenu brut moyen a augmenté légèrement depuis 2001 pour avoisiner près de 300 000 $ en 2008 alors que le revenu net a stagné pour se situer tout juste au-dessus de 50 000 $ en moyenne. Les dépenses agricoles accaparent donc une partie importante des recettes, environ 83 %, avant même que l’entreprise puisse effectuer des remboursements, des investissements ou des rémunérations de ses propriétaires. Concernant les revenus agricoles brut et net, à notre connaissance il n’est pas possible actuellement de connaître l’état de la situation des entreprises de la relève agricole établie au Québec. Il est fort probable que le revenu net soit insuffisant pour rémunérer adéquatement les jeunes agriculteurs.

2.2.2 Les revenus hors ferme et le revenu total du ménage agricole

Dans la formation du revenu du ménage agricole, bien que le revenu provenant de l’entreprise agricole ait longtemps été le centre de l’attention des économistes, il faut également considérer les revenus hors ferme. Selon Statistique Canada, les revenus hors ferme du ménage sont composés du revenu d’emploi extérieur et des autres revenus (Statistique Canada 2010b). Pour être plus précis, les revenus hors ferme sont la somme des six sources suivantes : salaires et traitements, revenu net d’un travail indépendant non agricole (travail autonome), revenu de placements, revenu de pensions, transferts sociaux gouvernementaux (excluant les montants des pensions) et autres revenus hors ferme (Statistique Canada 2010b). Le revenu d’emploi extérieur fait référence à la pluriactivité professionnelle extérieure, une notion qui est abordée dans la section suivante.

Il existe des données sur les revenus hors ferme des ménages agricoles au Québec et qui différencient le revenu d’emploi extérieur du revenu d’autres sources. La figure 4 permet d’observer l’évolution de ces deux sources de revenus de 2001 à 2007 et de les comparer au revenu provenant de l’entreprise agricole (bénéfice net d’exploitation).

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Figure 4. Revenus moyens des ménages agricoles selon trois sources, Québec, 2001 à 2007

0 10 000 20 000 30 000 40 000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Bénéfice d'exploitation Revenu d'emploi extérieur Revenu d'autres sources $ constants (2007)

Source : Statistique Canada, CANSIM, tableau 002-0024; Notre compilation et nos calculs (2010).

Alors que les revenus hors ferme moyens ont nettement progressé au cours de cette période, l’entreprise agricole a généré un revenu stagnant et variable à ses propriétaires, à l’image du revenu net en général. Plus spécifiquement, le revenu d’emploi extérieur moyen des ménages agricoles au Québec en 2007 atteignait près de 34 000 $ (44 % du total), le revenu provenant de l’entreprise agricole était tout juste de 26 000 $ (34 % du total) et le revenu d’autres sources se situait autour de 17 000 $ (22 % du total). Cette situation est le reflet de tendances lourdes car en 2001, seulement six ans auparavant, le revenu agricole et le revenu d’emploi extérieur étaient au coude à coude à 28 000 $ environ et représentaient chacun 40 % du revenu total du ménage agricole moyen. Une fois de plus, la situation des ménages de la relève agricole établie à l’égard des revenus hors ferme n’est pas disponible à notre connaissance. La seule statistique disponible provient du portrait de la relève agricole établie au Québec qui, faut-il le rappeler, n’est pas centré sur l’analyse du ménage agricole. Quoi qu’il en soit, on y indique qu’en moyenne 46 % des revenus totaux des jeunes agriculteurs recensés en 2006 ont été gagnés à l’extérieur3 de l’entreprise agricole

(26)

(MAPAQ 2008), une proportion similaire à celle retrouvée chez les ménages agricoles en moyenne en 2007 (44 %).

En additionnant tous les revenus des ménages agricoles, on constate à la figure 5 que le revenu total moyen au Québec était de 77 000 $ en 2007 et avait progressé d’environ 10 % entre 2001 et 2007. En revanche, le revenu total moyen de tous les ménages au Québec a peu augmenté durant la même période (3 %) pour se situer à 58 000 $ en 2007. Les ménages agricoles semblaient donc avoir un revenu supérieur au revenu de tous les ménages de 33 % en moyenne en 2007. Cette proportion est semblable à celle retrouvée aux États-Unis (USDA 2002). Dans tous les cas, la différence monétaire pourrait s’expliquer en partie par la source de revenu additionnelle pour le ménage que représente l’entreprise agricole. Par contre, ce bénéfice net d’exploitation d’un peu plus de 25 000 $ en moyenne, représentant en quelque sorte le revenu net de l’entreprise agricole, ne signifie pas pour autant qu’il soit entièrement disponible au ménage. Notamment, il doit permettre d’assurer le remboursement du capital sur les emprunts qui n’est pas pris en considération dans le calcul du revenu net, contrairement aux intérêts qui y ont été déduits.

Figure 5. Revenu total moyen des ménages agricoles et de tous les ménages, Québec, 2001 à 2007

45 000 50 000 55 000 60 000 65 000 70 000 75 000 80 000 85 000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Revenu total des ménages agricoles Revenu total de tous les ménages $ constants (2007)

//

Source : Statistique Canada, CANSIM, tableaux 002-0024 et 202-0403; Notre compilation et nos calculs (2010).

(27)

2.2.3 La pluriactivité du ménage

En général, les revenus provenant de l’extérieur de l’entreprise agricole ont souvent été regroupés sous le vocable de revenus non agricoles ou hors ferme. Cet amalgame de revenus hors ferme masque toutefois une diversité de réalités vécues par les ménages agricoles. Afin de bonifier l’analyse de la situation financière, les résultats d’une recherche précédente sont intégrés à la présente recherche. Suivant la définition de Fuller (1990), Gervais (2007) a construit une typologie de la pluriactivité agricole au Québec en se basant sur l’approche de la dynamique familiale.

Pour bien ancrer la notion de dynamique familiale, il est de mise de définir ce qu’est un ménage agricole, un concept abondamment mentionné jusqu’à maintenant sans toutefois être défini. Selon Statistique Canada (2009a), le ménage correspond à « […] une personne ou un groupe de personnes […] occupant un même logement […]. Il peut se composer d’un groupe familial […], de deux familles ou plus partageant le même logement, d’un groupe de personnes non apparentées ou d’une personne seule […] ». Évidemment, pour être qualifié d’agricole, au moins un des membres du ménage doit être qualifié d’agriculteur. Par ailleurs, un ménage agricole pluriactif est un ménage agricole dont au moins un des membres est engagé dans une activité autre que la production de denrées agricoles, à savoir : un emploi non agricole, un emploi sur une autre ferme, une activité de transformation alimentaire à la ferme ou toute autre activité non agricole sur la ferme comme l’agrotourisme ou utilisant un actif de la ferme comme le travail à forfait (Gervais 2007, pp. 10-11; Fuller 1990). À l’opposé, un ménage agricole monoactif est engagé uniquement dans la production de denrées agricoles. L’étude de Gervais a révélé que 72 % de son échantillon était composé de ménages agricoles pluriactifs.

Pour qualifier les ménages agricoles pluriactifs, Gervais a identifié deux types de pluriactivité agricole : l’activité professionnelle extérieure ou l’activité de diversification agricole. Il est important de mentionner que les deux sont extérieures à la production agricole. En effet, il ne faut pas confondre la diversification agricole avec la diversification des productions agricoles car ce sont deux notions qui n’ont pas les mêmes implications. Pour distinguer les deux types de pluriactivité agricole, il suffit de se rappeler que l’activité

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de diversification agricole requiert l’utilisation d’un des actifs de l’entreprise alors que l’activité professionnelle extérieure ne le nécessite pas (Gervais 2007, p. 13).

Illustrons chacun de ces deux types par un exemple. Si un membre du ménage occupe un emploi salarié à l’extérieur de la ferme, il s’agira d’un revenu d’activité professionnelle extérieure. Par contre, si ce même individu utilise un bâtiment de la ferme pour opérer un atelier de transformation alimentaire, ce sera un revenu de diversification agricole. La grande majorité des bases de données sur le revenu agricole considère le revenu de diversification agricole au même titre que les autres revenus de l’entreprise agricole. Cela implique d’envisager une certaine difficulté à séparer les sources de revenus dans la comptabilité des entreprises agricoles pour en arriver à une interprétation adéquate. Néanmoins, cette nomenclature de la pluriactivité agricole a l’avantage de permettre une meilleure comparaison des ménages agricoles entre eux plutôt que de considérer seulement les revenus hors ferme. Aux fins de la présente recherche, le revenu d’activités para-agricoles et le revenu d’emploi extérieur forment le revenu de pluriactivité agricole.

La typologie développée par Gervais (cf. figure 6) rend compte des différents types de pluriactivité selon leur fonction et leur finalité. La forme principale de pluriactivité a d’abord été déterminée en se basant sur l’importance en termes de temps ou de revenus d’une activité pluriactive d’un membre du ménage (Gervais 2007, p. 53). Les quatre fonctions de la forme principale de pluriactivité sont les suivantes : sociale, économique, culturelle et style de vie (Gervais 2007, p. 53). Ainsi, cette fonction varie selon l’importance financière de la pluriactivité. Par exemple, lorsque la fonction de la forme principale de pluriactivité est économique, les revenus d’activités hors ferme sont beaucoup plus élevés que dans le cas des autres fonctions (Gervais 2007, p. 54). Les types de pluriactivité sont au nombre de 14 au total selon leur finalité : 10 types de pluriactivité professionnelle extérieure et 4 types de pluriactivité de diversification agricole (Gervais 2007). Les types les plus intéressants dans le cadre de la présente recherche sont ceux qui sont susceptibles de caractériser l’établissement en agriculture dans un cadre pluriactif.

(29)

Parmi les types de pluriactivité professionnelle remplissant une fonction économique, mentionnons la pluriactivité résignée, la pluriactivité de transition (vers l’entrée) et la pluriactivité professionnelle (Gervais 2007, pp. 61-62). La pluriactivité résignée est une situation où le ménage n’a pas le choix d’aller chercher un revenu extérieur étant donné la faiblesse relative du revenu agricole. Peu importe les intentions ou les contraintes du ménage concernant l’entreprise agricole, le revenu de la pluriactivité devient donc une nécessité pour assurer le niveau de vie à long terme. Durant la phase de démarrage de l’entreprise agricole, l’endettement élevé qui prévaut à ce moment peut s’avérer excessif pour certains ménages, ce qui motive leur entrée en pluriactivité « pour leur permettre de faire face à leurs obligations financières sans compromettre le niveau de vie familial » (Krebs 2005, p. 97). La pluriactivité de transition (vers l’entrée) désigne une situation où le ménage est en mesure d’aller chercher un revenu extérieur pour soutenir le développement de l’entreprise agricole. Dans une stratégie de croissance, ce type de pluriactivité cadre bien dans un contexte d’établissement en agriculture où la relève agricole doit financer des actifs agricoles à plus ou moins long terme (Krebs 2005, p. 97). Enfin, la pluriactivité professionnelle concerne les membres du ménage souhaitant mener une carrière, et ce, en parallèle à la situation de l’entreprise agricole. Ces trois types de pluriactivité n’auront évidemment pas le même impact sur la situation financière du ménage durant l’établissement en agriculture. En effet, selon la forme principale de pluriactivité pratiquée, l’impact sur la consommation du ménage et sur le financement de l’entreprise risque d’être différent. Mais le rôle financier joué par la pluriactivité durant le processus d’établissement paraît indéniable.

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Figure 6. Grille d’analyse typologique de la pluriactivité agricole

Source : Figure tirée et adaptée de Gervais (2007), p. 56.

Ménage

Pluriactivité agricole Monoactivité agricole

Activité professionnelle

extérieure diversification agricoleActivité de Fonction économique Pluriactivité occasionnelle Pluriactivité de transition (vers la sortie) Pluriactivité résignée Fonction sociale Pluriactivité de support Pluriactivité sociale Pluriactivité de transition

(retraite sur la ferme) Fonction économique

et sociale Pluriactivité technique Fonction économique Pluriactivité de transformation Fonction culturelle Pluriactivité agro-touristique

Fonction liée au style de vie et sociale

Pluriactivité de façade Fonction sociale et

économique

Pluriactivité de transition (vers l’entrée) Pluriactivité professionnelle

Fonction liée au style de vie Pluriactivité d’occupation Fonction culturelle et sociale Pluriactivité professionnelle (tradition)

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2.3

L’utilisation du revenu

Du revenu total du ménage agricole, il faut soustraire les impôts et cotisations payés pour en arriver au revenu disponible. Il est généralement reconnu que l’utilisation de tout revenu dans un ménage se résume à deux activités principales : la consommation et l’épargne (Villieu 2008). La figure 7 permet de remarquer leurs positionnements respectifs dans la situation financière du ménage agricole.

Figure 7. Utilisation du revenu total du ménage agricole

Revenu total du ménage agricole Impôts et cotisations Avoir net non agricole Consommation Revenu disponible du ménage agricole Épargne Dettes non agricoles Taxes Actifs non agricoles Actifs agricoles Dettes agricoles Apports Avoir net agricole Richesse du ménage agricole

Tel que mentionné auparavant, les membres du ménage peuvent effectuer des retraits monétaires de l’entreprise, c’est-à-dire d’en retirer des revenus, ce qui contribue au revenu total. Dans le sens inverse, il y a les apports monétaires qui peuvent être faits dans l’entreprise par les membres du ménage et pouvant servir à deux utilisations principales : les achats d’actifs et les remboursements d’emprunts. Ainsi, l’épargne est un aspect financier du ménage qui peut avoir des répercussions importantes pour l’établissement en agriculture. De plus, la richesse du ménage et son rôle régulateur ne sont pas à négliger. La section suivante traite tour à tour de ces importantes composantes financières.

(32)

2.3.1 La consommation

Bien que le revenu agricole soit généralement instable dans le temps, la consommation est relativement stable considérant l’importance accordée par les ménages au maintien d’un certain niveau de vie. Formellement, selon Statistique Canada, la consommation (courante) est définie comme étant le total des dépenses encourues pendant l’année pour l’alimentation, le logement (possédé ou loué), l’entretien ménager, les articles et accessoires d’ameublement, l’habillement, le transport, les soins de santé, les soins personnels, les loisirs, le matériel de lecture, l’éducation, les produits du tabac et les boissons alcoolisées, les jeux de hasard, et un groupe divers d’articles (Statistique Canada 2009b). Donc, les dépenses courantes du ménage, ou ordinairement le coût de vie du ménage, incluent non seulement les montants déboursés pour les produits et services achetés durant l’année (et les taxes) mais aussi les remboursements effectués (capital et intérêts) sur des emprunts à court et long termes (prêt automobile, hypothèque résidentielle, etc.). Dans le cas du ménage agricole, ces emprunts correspondent aux dettes non agricoles. Par ailleurs, lorsqu’il est question de niveau de vie, le revenu disponible du ménage est généralement évoqué pour l’illustrer mais il peut également se traduire par un ensemble de composantes dont le revenu, mais aussi la consommation et la richesse. Il ne faut évidemment pas confondre le niveau de vie et la qualité de vie. En effet, peu importe le niveau de vie du ménage, la qualité de vie dépasse la stricte sphère économique du ménage car elle relève aussi de critères sociaux et environnementaux.

Même si au cours des dernières décennies le revenu disponible des ménages agricoles est devenu comparable, voire supérieur, à celui de l’ensemble des ménages, il semble que des différences sont observées au niveau des dépenses de consommation (USDA 2002, p. 11). Les chercheurs du USDA ont examiné les dépenses de consommation des ménages agricoles américains. Par exemple, les dépenses relatives au logement des ménages agricoles sont souvent plus faibles car plusieurs de ces coûts sont considérés comme des dépenses de la ferme. Dans la même veine, les dépenses d’alimentation peuvent être plus faibles pour certains ménages qui consomment une partie de la production de la ferme. Par contre, bien que certaines dépenses de transport puissent imputées à l’entreprise, plusieurs de ces coûts sont plus élevés en raison des distances plus grandes parcourues en milieu

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rural. Somme toute, les dépenses de consommation moyennes des ménages agricoles américains équivalaient à environ 70 % de celles des autres ménages américains en 1999, et ce, malgré un revenu disponible relativement supérieur (USDA 2002, p. 12). Par ailleurs, les dépenses de consommation des ménages agricoles semblent être plus élevées pour ceux dont les membres sont des agriculteurs âgés de 35 ans et moins car elles sont plus de trois fois celles des 65 ans et plus (USDA 2002, p. 12). Cette statistique confirme en quelque sorte comment les jeunes agriculteurs en processus d’établissement peuvent subir des difficultés financières. En fait, cela s’explique par les dépenses accrues pour l’éducation, l’habillement et les articles personnels dans une période d’accumulation de biens (USDA 2002, p. 13). Ces quelques constats sur les dépenses de consommation illustrent à quel point il peut y avoir des différences marquées selon les types de ménages agricoles.

Pour ce qui est du portrait des dépenses courantes des ménages agricoles au Canada, à notre connaissance il n’y a pas de statistiques pour ce groupe en particulier et c’est également le cas des ménages de la relève agricole établie. Néanmoins, les données sur les dépenses courantes des ménages en général permettent d’avoir une idée de leur niveau et c’est ce que présente la figure 8. Le niveau moyen des dépenses courantes des ménages au Québec a suivi l’évolution du revenu disponible moyen de 2001 à 2008. Les dépenses courantes moyennes étaient de 46 961 $ en 2008, une proportion de 97 % environ du revenu disponible moyen qui s’établissait à 48 470 $. Comme il a été mentionné auparavant, par rapport à tous les ménages, les ménages agricoles au Québec ont en moyenne un revenu total supérieur, ce qui laisse présager un revenu disponible supérieur et ainsi, un niveau de dépenses courantes supérieur. Par contre, comme l’ont analysé les chercheurs du USDA, les ménages agricoles ont tendance à maintenir un niveau de consommation inférieur aux autres ménages. Un questionnement peut également se faire sur les ménages de la relève agricole établie qui vivent une situation particulière en raison de leurs obligations financières accrues. Il y aurait donc avantage à obtenir un portrait complet des ménages agricoles à ce sujet.

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Figure 8. Revenu disponible moyen et dépenses courantes moyennes des ménages, Québec, 2001 à 2008

35 000 40 000 45 000 50 000 55 000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Revenu disponible Dépenses courantes $ constants (2007)

//

Source : Statistique Canada, CANSIM, tableaux 202-0603 et 203-0001; Notre compilation et nos calculs (2010).

2.3.2 L’épargne

Dans la littérature économique, l’épargne est considérée comme étant « la partie non consommée du revenu disponible » (Villieu 2008, p. 4). Dans les études empiriques, il est relativement plus simple d’étudier la consommation plutôt que l’épargne parce que les ménages préfèrent une trajectoire de consommation stable dans le temps, ce qui fait varier l’épargne en fonction du revenu (Sand 2002, p. 2). Le niveau d’épargne des ménages au Québec est relativement faible. La figure 8 montre qu’en soustrayant les dépenses courantes du revenu disponible du ménage, le montant résiduel est demeuré en deçà de 5 % du revenu disponible de 2001 à 2008. Encore une fois, le portrait du niveau d’épargne des ménages agricoles et plus spécifiquement des ménages de la relève agricole établie est inconnu à notre connaissance. De telles données seraient fort pertinentes pour analyser l’ampleur de l’épargne chez les ménages agricoles et les utilisations qui en sont faites.

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Au-delà de « mettre de l’argent de côté », les motivations d’épargner sont nombreuses, mais peuvent être résumées à quatre principales (Mishra et Morehart 2002, p. 27). Il peut d’abord s’agir de maintenir un certain niveau de vie après la retraite en retirant un revenu d’actifs financiers (placements). L’épargne peut aussi servir à financer l’éducation des enfants ou des activités de loisir (consommation future). Ou encore le ménage peut vouloir se prémunir de l’incertitude entourant la variabilité du revenu (épargne de précaution). Enfin, il peut également être question d’une somme d’argent épargnée en vue d’acheter des biens dispendieux (actifs agricoles ou non agricoles).

Le ménage fait ainsi face à plusieurs choix d’allocation de l’épargne qui sont dans les faits des investissements (Mishra et Morehart 2002, p. 28). Les ménages agricoles ont d’abord un portefeuille significatif d’actifs non agricoles et parmi ceux-ci, il y a les actifs personnels (résidence, automobile, etc.), les actifs financiers (compte d’épargne, placements, etc.) ainsi que d’autres actifs (USDA 2002, p. 14). Du côté des actifs agricoles, l’entreprise agricole peut autofinancer ses investissements à même le revenu net mais, tel que le montre la figure 7, les ménages agricoles peuvent également y faire des apports monétaires pour financer l’achat de terres, de bâtiments, de machinerie ou de quota, un aspect non négligeable dans le cadre de l’établissement des jeunes agriculteurs. Pour le ménage agricole, c’est le mouvement inverse des retraits monétaires. De plus, les retraits en moins du ménage peuvent être considérés comme des apports monétaires « déguisés » puisque cette somme demeure dans l’entreprise et masque une forme de financement.

Par ailleurs, il semble que le revenu extérieur à la ferme joue un rôle positif sur la situation financière puisque cela permet d’accroître la capacité d’épargne et le financement interne (autofinancement) de l’entreprise agricole par le biais des apports monétaires du ménage (Butault et al. 1999, p. 165). De plus, il permettrait « un assouplissement des conditions d’octroi de crédit » en agissant auprès des institutions financières comme « une garantie supplémentaire » pour ainsi améliorer les possibilités de financement externe (endettement) de l’entreprise agricole (Butault et al. 1999, p. 176; Krebs 2005, p. 102). Il semble aussi que les ménages agricoles pluriactifs préfèrent financer les investissements agricoles à même les résultats financiers de l’entreprise agricole (Krebs 2005, p. 102). Ce faisant, le

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revenu extérieur sert essentiellement à soutenir les dépenses courantes du ménage (Krebs 2005, p. 102).

2.3.3 Le rôle de la richesse

Plusieurs ménages agricoles sont en mesure d’établir leur propre filet de sécurité en utilisant une stratégie d’épargne et d’accumulation de richesse (El-Osta et al. 2007, p. 291). La richesse du ménage agricole est mesurée par l’équité ou l’avoir net, agricole et non agricole, des propriétaires, c’est-à-dire la valeur marchande de tous les actifs (le patrimoine) moins toutes les dettes, tel que représentée à la figure 7. En général, les différentes sources de revenus des ménages agricoles contribuent à la richesse par l’épargne investie dans les actifs (Blank et al. 2004, p. 1300). La richesse est également favorisée par l’appréciation de la valeur des actifs et d’éventuels gains en capital (Blank et al. 2004, p. 1300). Puisque la richesse agit comme un stock et le revenu comme un flux, l’épargne joue un rôle direct en aidant les ménages agricoles à maintenir un niveau de vie d’année en année puisqu’elle peut être utilisée pour maintenir la consommation durant les périodes de déficits des revenus (Mishra et Morehart 2002, p. 27). C’est ce qu’on appelle la désépargne.

Lors des périodes de faibles revenus, les ménages agricoles sont donc en mesure de maintenir leur niveau de vie en se finançant par des garanties d’emprunt ou en liquidant des actifs (Jones et al. 2006, p. 3). Selon Hill, il ne fait aucun doute qu’une évaluation complète de la position économique des agriculteurs et de leurs ménages doit prendre en compte leur richesse (Hill 2002, p. 6). Le statut économique d’un individu, qui se retrouve dans sa consommation potentielle de biens et services, est tiré à la fois non seulement de son revenu courant mais aussi de sa valeur nette (Hill 2002, p. 4). Dans le secteur agricole, il y a une combinaison de revenu agricole faible et de richesse élevée d’où l’expression consacrée : « vivre pauvre et mourir riche »4. Ceci signifie que l’agriculteur est faiblement rémunéré durant sa vie active mais, une fois à la retraite, son patrimoine (agricole) peut représenter un fonds de retraite considérable. Ce vieil adage est moins vrai aujourd’hui puisque le revenu du ménage agricole n’est plus dépendant du seul revenu agricole et les agriculteurs

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vivent donc relativement moins pauvrement qu’autrefois. Des mesures basées à la fois sur le revenu et la richesse donneraient une meilleure idée de la capacité d’un ménage à soutenir un niveau de vie constant que des mesures du seul revenu (Jones et al. 2006, p. 1). Selon une étude du USDA, seulement 5 % des ménages agricoles aux États-Unis avaient, en 2003, à la fois un revenu et une richesse sous les médianes respectives des ménages américains (Hopkins et al. 2007). Les bases de données actuelles ne permettent pas de connaître la position relative des ménages agricoles au Québec, en termes de distribution quant à leur revenu et à leur richesse, mais il est raisonnable de croire qu’ils présentent un portrait semblable.

Le niveau de richesse des ménages agricoles au Québec est inconnu puisqu’il n’est pas possible actuellement d’obtenir la valeur de leur avoir net non agricole. Les seules données disponibles sont pour tous les ménages et proviennent de la dernière enquête sur la sécurité financière de Statistique Canada, effectuée en 2005 et dont les données ont été compilées par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). On y apprend que l’avoir moyen des ménages était de 317 567 $ alors que l’endettement moyen était 37 369 $ (ISQ 2010). Donc, l’avoir net moyen était de 280 198 $. En comparaison, l’avoir net agricole des ménages agricoles donne un aperçu partiel de leur niveau de richesse et c’est ce que présente la figure 9.

Figure 9. Valeur marchande moyenne et endettement moyen des entreprises agricoles, Québec, 2001 à 2008

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0 250 000 500 000 750 000 1 000 000 1 250 000 1 500 000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Valeur marchande Endettement

$ constants (2007)

Source : Statistique Canada (2004 et 2010a), enquêtes financières sur les fermes 2003 et 2008; Notre compilation et nos calculs (2010).

La valeur marchande moyenne des entreprises agricoles au Québec était de l’ordre de 1,4 M$ en 2008 tandis que l’endettement moyen se situait à 400 000 $ environ, ce qui fait un avoir net agricole moyen de 1 M$. Ainsi, les ménages agricoles ont un niveau de richesse plus élevé que tous les ménages, ne serait-ce qu’en raison de l’entreprise agricole. Par contre, durant la période de 2001 à 2008, la valeur marchande moyenne des entreprises agricoles a augmenté de 14 %, surtout à cause de l’inflation de la valeur des terres et des quotas, et l’endettement moyen de 34 %. Bien qu’en termes absolus l’avoir net se soit apprécié pendant cette période, les agriculteurs sont donc relativement plus endettés qu’auparavant.

2.4

Grille d’analyse

Pour évaluer la situation financière des ménages agricoles, un long détour aura été fait pour constater la complexité des relations financières qui lient le ménage agricole et l’entreprise agricole. La formation du revenu a d’abord été considérée avant d’analyser son utilisation ainsi que le rôle de la richesse dans la situation financière. Afin d’atteindre le premier objectif spécifique de cette recherche, soit d’évaluer la situation financière des ménages agricoles, la grille d’analyse complète présentée à la figure 10 sert d’outil, à la manière d’un « tableau de bord », pour une compréhension efficace des enjeux financiers auxquels

Figure

Figure 1. Modèle économique du ménage agricole
Figure 2. Formation du revenu total du ménage agricole
Figure 3. Revenus agricoles brut et net moyens  des entreprises agricoles, Québec, 2001 à 2008
Figure 4. Revenus moyens des ménages agricoles  selon trois sources, Québec, 2001 à 2007
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Références

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