• Aucun résultat trouvé

L'influence de la victimisation indirecte sur la perception du climat scolaire des élèves du secondaire

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "L'influence de la victimisation indirecte sur la perception du climat scolaire des élèves du secondaire"

Copied!
115
0
0

Texte intégral

(1)

L’influence de la victimisation indirecte sur la

perception du climat scolaire des élèves du secondaire

Mémoire

Julie Boissonneault

Maîtrise en psychopédagogie (adaptation scolaire)

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

© Boissonneault Julie, 2014

(2)
(3)

iii

RÉSUMÉ

Les conséquences de la violence indirecte à l’école font de plus en plus la Une des médias. On réalise que ce type de violence est moins banal et inoffensif qu’on ne l’aurait cru et qu’il joue un rôle significatif dans la réussite scolaire. L’objectif de ce mémoire est de déterminer l’effet de la victimisation indirecte des élèves sur la perception du climat scolaire. Une cohorte de 2290 élèves de la première à la cinquième secondaire provenant de sept écoles situées en zone rurale et semi-rurale a participé à une étude visant à dresser le portrait de la violence dans les écoles du Québec. Les résultats démontrent que la victimisation indirecte est liée à une perception négative du climat scolaire dans son ensemble. Dans le groupe de victimes, la perception du climat scolaire est plus affectée que dans celui de la population générale. Ce type de victimisation affecte aussi plus négativement la perception des garçons de première, quatrième et cinquième secondaire, alors que chez les filles victimes, c’est en deuxième et troisième secondaire que le phénomène se produit. Toutefois, aucune différence entre les sexes n’est notée si l’ensemble de la population est considéré pour évaluer la perception qu’ont les élèves du climat scolaire. Cette recherche soulève des questionnements sur la relation bidirectionnelle des variables victimisation et perception du climat scolaire, ainsi que sur les effets spécifiques d’autres variables comme les caractéristiques personnelles de la victime (ex. : le sexe, l’orientation sexuelle, les croyances religieuses, l’apparence physique, etc.), la discrimination institutionnelle et le sentiment d’appartenance à l’école.

(4)
(5)

v

ABSTRACT

The consequences of indirect violence on school students have recently become top stories in the media. It is becoming obvious that this kind of violence may not be as mild as it was first considered and that it plays an important role in school success. This study reveals the impact of indirect victimization has on a students’ perception of their school climate. Questionnaires were administered to a sample of 2290 students ranging from secondary one to five from seven different high schools in rural and semi-rural zones. The sample was part of a national study meant to give a portrait of school violence in the Province of Quebec. Regression analysis stated that indirect victimization on students have a negative impact on their perception of different aspects of their school climate. A greater impact was noticed on the population of victimized students than on the general population of students. The results showed a greater negative impact on the secondary one, four and five boys and on the secondary two and three girls, but when considering the total population; no distinction was noted between the two genders. This research brings up numerous questions on the bidirectional relationship between the perception of a school’s climate and indirect victimization as well as the impact of other variables like personal traits, institutional discrimination, belonging and gender perception in this whole dynamic.

(6)
(7)

vii

TABLE DES MATIÈRES

Résumé... III Abstract ... V Table des matières ... VII Liste des tableaux ... XI Liste des figures ... XIII Avant-Propos ... XV

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1:CONTEXTE THÉORIQUE... 3

1.1 Problématique : pourquoi se préoccuper de la violence indirecte dans les écoles?. 4 1.1.1 Des conséquences sur la vie personnelle des élèves ... 5

1.1.2 Des conséquences sur la réussite et la persévérance scolaires ... 6

1.1.3 Les liens entre le climat scolaire et l’agression indirecte ... 7

1.1.4 L’importance de sensibiliser et d’outiller le personnel scolaire ... 8

1.2 L’agression indirecte : une forme de violence peu connue en milieu scolaire ... 10

1.2.1 Les caractéristiques de l’agression indirecte ... 12

1.2.2 La prévalence du phénomène selon l’âge et le sexe ... 15

1.2.3 Les acteurs impliqués dans l’agression indirecte ... 17

1.2.4 Les conséquences de l’agression indirecte ... 19

1.2.5 Les modèles théoriques expliquant l’agression indirecte et la victimisation à l’école ... 23

1.3 Le climat scolaire ... 36

1.3.1 Les caractéristiques du climat scolaire ... 36

1.3.2 Un modèle théorique expliquant le climat scolaire (Janosz, Georges et Parent, 1998) ... 38

1.4 Liens entre climat scolaire et agression indirecte ... 42

(8)

viii

1.4.2 Le climat relationnel et la violence à l’école ... 43

1.4.3 La recherche spécifique sur l’agression indirecte et le climat scolaire ... 44

1.5 Objectifs de la recherche ... 46

CHAPITRE 2 : MÉTHODOLOGIE ... 49

2.1 Participants ... 50

2.2 Procédure ... 50

2.3 Instrument de mesure ... 51

2.3.1 La mesure du climat scolaire ... 51

2.3.2 La mesure de la victimisation indirecte ... 52

CHAPITRE 3 : RÉSULTATS ... 53

3.1 Analyses descriptives de la population étudiée ... 54

3.2 Relation entre la perception du climat scolaire et l’agression indirecte ... 55

3.3 Relation entre la perception des sous-échelles du climat scolaire et le sexe des victimes d’agressions indirectes ... 56

3.4 L’influence de la victimisation indirecte sur la perception du climat scolaire en contrôlant pour le sexe et le niveau scolaire de la population totale ... 57

3.5 L’influence de la victimisation indirecte sur la perception du climat scolaire chez les victimes selon leur sexe ... 59

3.6 L’influence de l’agression indirecte sur la perception de la population de victimes et la population totale ... 61

CHAPITRE 4: DISCUSSION ... 63

4.1 La violence indirecte : son influence sur la perception du climat scolaire ... 64

4.1.1 La violence indirecte : son influence sur la perception du climat de sécurité ... 65

4.1.2 La violence indirecte : son influence sur la perception du climat relationnel ... 65

4.2 L’influence du sexe et du niveau scolaire dans la relation violence indirecte – climat scolaire ... 66

4.2.1 L’influence de la violence indirecte chez les filles et les garçons selon leur perception du climat scolaire ... 66

(9)

ix 4.2.2 L’influence de l’agression indirecte sur la perception du climat scolaire selon le

niveau scolaire ... 68

4.3 La perception des victimes d’agressions indirectes de leur climat scolaire ... 69

4.4 Le rôle de l’école dans la prévention de la violence indirecte ... 71

4.5 Les retombées de cette étude sur le milieu de pratique ... 73

4.6 Limites et perspectives de recherches futures ... 74

CONCLUSION ... 77

BIBLIOGRAPHIE ... 79

ANNEXES ... 89

ANNEXE -1- Questionnaire sur la sécurité et la violence à l’école (QSVE, Beaumont et Paquet, 2009). ... 90

ANNEXE -2- Autorisation du comité d’éthique de la recherche en psychologie et en sciences de l’éducation ... 99

(10)
(11)

xi

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Données descriptives de la victimisation indirecte selon le sexe et le niveau scolaire (Ntotal = 2290 élèves) ... 55 Tableau 2. Relation entre la perception du climat scolaire et la victimisation chez les

élèves ... 56 Tableau 3. Perception du climat scolaire selon le sexe des victimes (N= 730 élèves) ... 57 Tableau 4. Portion de variance de la perception du climat scolaire et de ses sous-aspects

expliquée par le modèle pour la population globale (Ntotal= 2290 élèves) ... 58 Tableau 5. Portion de variance de la perception du climat scolaire et de ses sous-aspects

expliquée par le modèle pour la population de victimes (N= 663 élèves) ... 60 Tableau 6. Portion de variance expliquée par le modèle pour la population totale et la

population de victimes pour chaque composante du climat scolaire ... 61

(12)
(13)

xiii

LISTE DES FIGURES

Figure 1: Processus du traitement de l’information : modèle de Crick et Dodge (1994) ... 24

Figure 2: Théorie de la dominance sociale de Sidanius et Pratto (1999). ... 27

Figure 3 : Modèle écologique (Benbenishty et Astor, 2005) ... 30

(14)
(15)

xv

AVANT-PROPOS

Toute réalisation amène son lot de fiertés. La réalisation de ce mémoire fut parsemée d’obstacles qui ont parfois paru insurmontables; c’est certainement l’histoire d’une vie. Heureusement, les obstacles sont souvent surmontés par une volonté de fer intérieure, mais également par un soutien inconditionnel des personnes qui nous sont proches.

Je souhaite remercier Mme Claire Beaumont, directrice de mon mémoire, pour tout ce qu’elle a fait, car sans elle, rien n’aurait été possible. Merci d’avoir allumé la flamme de la recherche, d’avoir toujours fait ressortir le meilleur de moi-même et d’avoir constamment partagé tes nombreuses connaissances. Merci pour ta patience et ton soutien constant.

Je tiens également à remercier mes parents du fond du cœur pour avoir été de si bons modèles de dur labeur et de persévérance. D’avoir toujours cru en moi et de m’avoir fait réaliser que nos limites sont souvent déterminées par nous-mêmes. Mille mercis à Yannick d’avoir été une présence et un support constants pendant toutes ces années, je n’y serais pas arrivée sans toi.

Enfin, un immense merci à tous ceux qui ont collaboré à la cueillette et l’analyse des données de ce mémoire. Julien, merci de m’avoir appris à parler « statistiques », ta patience est exemplaire.

C’est avec une grande fierté que je présente ce mémoire. Je souhaite que ce travail permette aux intervenants du milieu scolaire de comprendre davantage les causes et conséquences de la violence indirecte sur les jeunes d’aujourd’hui et sur le milieu scolaire.

(16)
(17)

1

INTRODUCTION

Les institutions scolaires constituent des milieux d’apprentissage qui permettent aux élèves de développer des connaissances dans plusieurs domaines, mais aussi d’apprendre à agir en société. L’école étant le lieu où les élèves passent la majorité de leur temps en compagnie de leurs pairs, il est probable qu’elle soit le théâtre de multiples agressions qui peuvent avoir des conséquences sur le climat scolaire et sur les élèves, qu’ils soient victimes, auteurs ou témoins. Au cours des dernières décennies, les chercheurs se sont penchés sur le phénomène de la violence à l’école prenant soin de différencier les types de violence, les facteurs de risque associés et leurs conséquences ainsi que son influence sur les élèves et leur milieu (Benbenishty et Astor, 2003; Boulton, Trueman et Murray, 2008; Crick, 1996; Goldstein, 1994). De nos jours, on reconnait que les formes de violence physique, verbale, sociale, relationnelle, psychologique et sexuelle sont présentes dans les écoles (Beaulieu, 2007; Benbenishty et Astor, 2003; Cappella et Weinstein, 2006). Card, Stucky, Sawalani et Little (2008) ont démontré qu’il existe deux types d’agressions associés à ces différentes formes de violence qui définissent la nature de ces actes. D’une part, l’agression directe (sociale, relationnelle, physique, psychologique, etc.) implique l’agresseur et la victime directement sans intermédiaire. D’autre part, l’agression

indirecte est un acte de violence détourné qui nécessite la participation d’au moins une

tierce personne et/ou d’un objet par lequel l’agresseur porte atteinte à sa victime. Les agressions directes ont toujours été plus faciles à identifier et sont les plus connues dans nos écoles et dans la littérature scientifique. Par contre, l’agression indirecte reste très peu documentée et revient régulièrement comme sujet à approfondir dans plusieurs recherches, que ce soit par rapport aux interventions à pratiquer, au dépistage, à la nature ou au contexte dans lequel le phénomène est observé (Attar-Schwartz et Khoury-Kassabri, 2008; Björkqvist, Lagerspetz et Kaukiainen, 1992; Card, Stucky, Sawalani et Little, 2008; Huntley et Owens, 2006).

Le contexte dans lequel s’observe ce type d’agression prend ici tout son sens, puisqu’il pourrait à la fois faire partie du problème et de la solution. À ce propos, la

(18)

2

recherche a déjà signifié l’existence de liens entre le climat scolaire, les pratiques pédagogiques et le niveau de victimisation des élèves (Benbenisthy et Astor, 2005; Gottfredson, Gottfredson, Payne et Gottfredson, 2005) sans toutefois s’attarder à l’agression indirecte, dont les effets restent souvent minimisés dans nos milieux scolaires. Pourtant, les conséquences de ce type d’agression plus sournois deviennent peu à peu connues et la communauté scientifique cherche différentes manières pour sensibiliser les milieux scolaires afin que des interventions soient faites pour aider les élèves qui en sont victimes.

Dans le but d’approfondir les connaissances concernant cette forme de violence dans les écoles, ce mémoire met en relation la perception des élèves du secondaire victimes ou témoins d’agressions indirectes avec certaines composantes du climat scolaire. La problématique sur laquelle s’appuie cette recherche est d’abord présentée, de même qu’une recension des écrits afin de bien définir les variables à l’étude, c’est-à-dire l’agression indirecte et le climat scolaire. Suivront ensuite la description de la méthodologie utilisée en présentant les participants, la procédure, de même que les instruments de mesure qui ont servi à récolter les données qui seront ensuite analysées. La discussion fera finalement ressortir les résultats les plus probants de l’étude pour proposer des pistes nouvelles à investiguer dans le domaine scientifique de même que les retombées possibles de cette recherche dans les milieux de pratique.

(19)

3

CHAPITRE 1

(20)

4

1. Contexte théorique

Cette section présente une analyse des différents documents scientifiques qui ont servi à l’élaboration du devis de la recherche. La problématique sera introduite pour ensuite expliquer et documenter les variables à l’étude qui mèneront à l’élaboration des objectifs de ce mémoire.

1.1 Problématique : pourquoi se préoccuper de la violence indirecte dans

les écoles?

Les actes d’agression indirecte consistent en des conduites d’intimidation sournoises et cachées qui détériorent la vie de plusieurs élèves dans les établissements scolaires. Elles visent à causer du tort à autrui sans confronter directement la victime en s’attaquant par exemple à la qualité de ses relations sociales, affectant son sentiment d’acceptation et d’inclusion sociale dans le groupe (Verlaan, 2007). La notion d’agression indirecte est encore très peu connue dans les écoles, bien qu’il s’agisse d’un mode relationnel très utilisé dans ce milieu. Ce concept introduit par Feshbach en 1969 associe ce type d’agression à des comportements qui mènent au rejet ou à l’exclusion de la victime. Ainsi, l’auteur de l’agression indirecte utilise des moyens détournés afin d’attaquer sa cible (Huntley et Owens, 2006; Owens, Slee et Shute, 2000a). Quoique l’agression indirecte nécessite l’implication d’un certain nombre d’acteurs sociaux (l’auteur de l’agression, les acolytes ou témoins et la victime), les conséquences chez chacun d’eux demeurent très peu étudiées et demandent à être clarifiées afin de mieux en connaître l’envergure et la gravité réelle (Feigenberg, King, Batt et Selman, 2008; Salmivalli, Lagerspetz, Björkqvist et Kaukiainen, 1996).

Plusieurs études tentent de présenter la réalité des victimes de violence en milieu scolaire, mais rares sont celles qui accordent de l’importance aux victimes d’agressions indirectes. Pourtant, comme l’ont confirmé Benbenishty et Astor (2005), il semble qu’elle représente l’une des formes les plus fréquentes de victimisation en milieu scolaire. Du point de vue de ces chercheurs, 25 % des élèves entre la quatrième année et la onzième

(21)

5 année témoignent avoir vécu un épisode d’isolement social au cours du mois précédent leur enquête, alors que Attar-Schwartz et Khoury-Kassabri (2008) ont pour leur part observé que 62.1 % des élèves de la septième à la onzième année en étaient affectés.

Par ailleurs, la plupart des études qui traitent de la victimisation en milieu scolaire explorent surtout les manifestations de violence qualifiées de « plus graves » telles des agressions physiques, des menaces, du harcèlement sexuel, etc., alors que les actes de violence posés indirectement sont pour leur part jugés de gravité légère à modérée (Beaulieu, 2007). L’agression sous sa forme indirecte a toujours été perçue comme étant moins sévère (Craig, Pepler et Atlas, 2000), l’exclusion sociale n’étant auparavant pas considérée comme une forme de victimisation (Boulton, 1997).

1.1.1 Des conséquences sur la vie personnelle des élèves

Il demeure difficile de tracer un portrait des victimes de violence indirecte et du type d’agression qu’elles vivent, puisque la nature cachée et secrète des gestes la rend difficilement décelable (Yoon et Kerber, 2003). Malgré tout, certains auteurs, en réalisant la gravité des conséquences à plus long terme, ont tenté de faire la lumière sur les effets négatifs entraînés par ce genre de victimisation. Ainsi, chez les victimes d’agressions indirectes, les conséquences peuvent s’étaler sur plusieurs années, apparaître immédiatement ou ne faire surface que plus tard, alors que la victime n’est plus exposée à ces situations. Les réactions associées à ce type de victimisation demeurent sévères et se caractérisent par de l’insécurité, du stress, de la solitude, une augmentation des conduites agressives, la perte d’estime de soi, des épisodes dépressifs, le développement de conduites sociales inadaptées, et à plus long terme, au décrochage scolaire, au chômage, au stress chronique et à la criminalité (Cappella et Weinstein, 2006; Card et al., 2008; Leff, Waasdorp et Crick, 2010; Neal, 2009; Turcotte et Lamonde, 2004; Verlaan et Turmel, 2010). Très souvent, les victimes ressentent le besoin de fuir (ex. : se dissocier du groupe, quitter l’école) ou peuvent avoir des idées suicidaires (Owens, Slee et Shute, 2000b).

(22)

6

Des chercheurs soutiennent aussi le fait que les filles et les garçons n’interagissent pas de la même façon dans leurs groupes de pairs. Ainsi, ces derniers se trouveraient généralement moins impliqués dans ce genre d’agression et plus enclins que les filles à développer des problèmes externalisés s’ils y sont exposés (Benbenishty et Astor, 2005; Olweus, 1978; Waasdorp, Bagdi et Bradshaw, 2010). Deux groupes d’auteurs ont même fait un rapprochement inquiétant rapportant que l’exposition à la violence sociale (directe ou indirecte) chez les garçons augmenterait leur recours au port d’arme à l’école (Benbenishty et Astor, 2005; Goldstein, Young et Boyd, 2008). Toutefois, les actes d’intimidation indirecte ont surtout été attribués aux filles, comme moyen pour blesser leurs pairs (Underwood, 2003). Owens, Slee et Shute (2000b) restent parmi les rares chercheurs à avoir étudié les conséquences chez les adolescentes victimes d’agressions indirectes. Ils ont conclu que ce type de victimisation est souvent associé à la perte d’estime de soi, à l’anxiété, à la dépression, à des discours internes irrationnels et parfois à des représailles. Selon Verlaan (2007), les filles qui manifestent des conduites agressives indirectes sont aussi plus à risque d’éprouver toute une série de conséquences aux plans personnel, social et scolaire.

1.1.2 Des conséquences sur la réussite et la persévérance scolaires

La réussite et la persévérance scolaires dépendent de beaucoup de facteurs. Depuis l’approche «écologique » de Bronfenbrenner et de l’«interactionnisme » de Goldstein (1994), la plupart des chercheurs estiment que la réussite scolaire relève de l’interaction entre les facteurs personnels d’un individu et son milieu. La culture dans laquelle ce dernier évolue influence ses croyances et valeurs et le milieu scolaire joue un rôle de premier plan dans l’assimilation de cette culture.

Comme l’agression indirecte se caractérise par l’emploi de moyens détournés pour s’en prendre à quelqu’un, les élèves victimes de violence indirecte ont souvent de la difficulté à identifier avec certitude l’identité de l’auteur de l’agression et se retrouvent ainsi entourées d’agresseurs potentiels (Yoon et Kerber, 2003). Évoluer dans un tel climat peut entraîner l’attribution d’intentions hostiles envers les personnes de l’entourage, la perte de confiance de l’élève envers ses pairs et l’isolement social. Par ailleurs, la

(23)

7 perception d’un risque de victimisation important augmente l’anxiété sociale chez les élèves et peut rendre leur expérience scolaire très désagréable (Crick, 1996; Gendron, Williams et Guerra, 2011; Huntley et Owens, 2006). La recherche souligne notamment des liens existant entre la présence de violence en milieu scolaire et la crainte d’aller à l’école (Bachman, Randolph et Brown, 2011), à la récréation (Boulton, Chau, Whitehand et Amataya, 2009), la difficulté à se concentrer (Bouton, Trueman et Murray, 2008) et la perte de confiance envers les élèves et les adultes (Mathieson, Murray-Close, Crick, Woods, Zimmer-Gembeck, Geiger et Morales, 2011).

1.1.3 Les liens entre le climat scolaire et l’agression indirecte

Janosz, Georges et Parent (1998) considèrent que l’environnement socioéducatif, ou milieu scolaire, est influencé par l’interaction entre trois composantes : le climat scolaire, les pratiques éducatives et les problèmes comportementaux et sociaux. D’après ces chercheurs, la qualité de chaque composante peut affecter celle de l’autre. Par exemple, au niveau des pratiques éducatives, le système d’encadrement joue un rôle majeur sur le climat de justice et le climat de sécurité (deux composantes du climat scolaire), et conséquemment sur les problèmes comportementaux. De plus, certains chercheurs mentionnent qu’un score élevé du sentiment de sécurité dans une école est lié à un plus haut taux de fréquentation scolaire, de meilleurs résultats scolaires et moins de problèmes de comportement dans une même école (Gottfredson et al., 2005; Hardaway, 2009). D’autres rapportent aussi qu’un faible sentiment de sécurité chez les élèves est associé à un plus grand taux d’absentéisme créé par la peur d’être agressé et pouvant également être accompagné par un sentiment de solitude, d’anxiété sociale et d’un besoin de fuir chez la majorité des victimes de violence indirecte (de Castro et Menezes, 2002; Neal, 2009; Owen, Slee et Shute, 2000b). La qualité du climat scolaire a ainsi été très souvent associée à la persévérance et à la réussite scolaire (Archambault, Janosz, Marizot et Pagani, 2009; Turcotte et Lamonde, 2004). Dans cette optique, on conçoit que les agressions indirectes répétées peuvent expliquer, en partie, le fait que certains élèves décident de s’absenter de l’école ou même d’abandonner leurs études. Le système d’encadrement offert à l’école doit donc demeurer efficace pour intervenir en situation d’agression indirecte, car le niveau de violence dans le milieu risque d’augmenter, affectant le sentiment de sécurité et de

(24)

8

confiance envers les gens et entraînant toute une gamme de conséquences négatives sur le développement personnel, social et personnel des élèves (Goldstein, Young et Boyd, 2008).

1.1.4 L’importance de sensibiliser et d’outiller le personnel scolaire

Très peu de documentation scientifique reste à ce jour disponible concernant la nature et les conséquences de cette forme de violence et encore plus rares sont les études qui traitent des interventions à pratiquer en milieu scolaire pour la prévenir (Huntley et Owens, 2006). Selon Xie et ses collaborateurs (2003), le personnel scolaire interviendrait dans 55 % des conflits impliquant des agressions physiques, 36 % des agressions verbales et 21 % des agressions indirectes. Plusieurs enseignants associent l’agression indirecte à une phase normale de développement chez les élèves (Boulton, 1997). De ce fait, la méconnaissance de la problématique peut faire en sorte que ces derniers interviennent peu lorsque de tels incidents surviennent entre les élèves.

Néanmoins, il a été établi que les problèmes de nature relationnelle avec les pairs à l’école, comme le rejet social et l’exclusion, sont liés à la diminution de la participation en classe et à l’augmentation, avec le temps, du désir d’éviter l’école (Buhs, Ladd et Herald, 2006; Goldstein, Young et Boyd, 2008). L’intervention du personnel scolaire s’avère ainsi une composante importante signifiante sur la qualité du climat scolaire afin de permettre d’éviter la victimisation indirecte de certains élèves (Benbenisthy et Astor, 2005).

En ces périodes où le milieu de l’éducation se questionne sur des façons de diminuer le décrochage scolaire et de favoriser la persévérance et la réussite scolaire, il convient de s’interroger sur cette forme insidieuse d’agression qui passe parfois inaperçue, mais qui affecte lourdement le développement personnel, social et scolaire des jeunes victimes.

Bien que peu nombreuses, les études concernant l’agression indirecte présentent des statistiques alarmantes indiquant qu’entre 25 % et 62 % des élèves en sont victimes. De plus, très peu d’écoles incluent dans leur politique antiviolence des règles et procédures régissant ce type de violence (Smith, Kupferberg, Mora-Merchan, Samara, Bosley

(25)

9 et Osborn, 2012). Pourtant, ces politiques qui fournissent un encadrement sécurisant demeurent susceptibles d’avoir une influence positive sur le climat d’un établissement. Si on considère que le personnel scolaire n’intervient que très peu lorsque les jeunes sont victimes d’agression indirecte, et ce, malgré le rôle de soutien très important des adultes de l’école de manière à favoriser l’adaptation sociale et scolaire des élèves, il convient d’étudier davantage le phénomène et ainsi développer des pratiques éducatives permettant un meilleur encadrement du phénomène.

Depuis que la communauté scientifique a reconnu le problème de la violence indirecte dans les écoles, quelques chercheurs et praticiens se sont penchés sur la manière de prévenir et de gérer ce type de violence dans les milieux scolaires (Leadbeater, 2010; Leff, Waasdorp et Crick, 2010; Matjasko, Vivolo-Kantor, Massetti, Holland, Holt et Dela Cruz, 2012). Bien qu’encore peu nombreux, les programmes d’intervention visant à faire diminuer la violence indirecte se font de plus en plus insistants sur la nécessité d’accroitre les connaissances générales des intervenants et des élèves sur ces comportements qu’on considérait jusqu’à tout récemment comme banaux et sans conséquence. Au Québec, le programme d’intervention de Verlaan et ses collaborateurs (2007) a apporté des connaissances importantes concernant les conduites agressives indirectes et les conséquences sur les victimes, mais bien qu’il freine l’aggravation des actes d’agression indirecte, la fréquence de ces comportements agressifs perpétrés à l’école est demeurée la même (Verlaan et al., 2007).

Implicitement, tous les faits relevés dans cette problématique soulèvent de nombreux questionnements : sur quoi faut-il agir pour faire diminuer l’agression indirecte à l’école? Comment les élèves victimes perçoivent-ils le climat scolaire de leur école? S’y sentent-ils en sécurité? Le milieu scolaire leur offre-t-il un encadrement sécuritaire où ils peuvent y retrouver des amis et se sentir acceptés par leur groupe de pairs? S’il existe des liens entre le niveau de victimisation indirecte et la qualité du climat d’un établissement, comment ces connaissances peuvent-elles être réinvesties afin d’orienter les interventions qui réussiront à réduire l’agression indirecte en milieu scolaire?

(26)

10

L’objectif général de cette étude est de mieux connaître les liens existant entre la victimisation indirecte et la perception qu’ont les élèves du climat qui règne dans leur établissement scolaire. Ces nouvelles connaissances pourront servir à mieux comprendre ce que vivent les victimes de ce type d’agression souvent invisible et permettre de sensibiliser et d’outiller les intervenants scolaires afin qu’ils puissent leur venir en aide.

1.2 L’agression indirecte : une forme de violence peu connue en milieu

scolaire

La violence à l’école est une réalité à laquelle les élèves et les intervenants scolaires doivent constamment faire face. Il s’agit d’un sujet très étudié et qui est en constant développement. L’un des premiers chercheurs à s’intéresser à la violence à l’école fut Olweus dans les années 70, en étudiant le school bullying, une forme de victimisation à répétition impliquant une victime et un ou des agresseurs (Olweus, 1978; 1983; 1999). En s’appuyant sur la définition qu’en a donné ce chercheur, la violence à l’école, vue sous l’angle du school bullying est un acte d’agression, commis à répétition sur une même personne, ayant pour but, ou non, d’infliger une blessure ou un inconfort, créant chez cette dernière un état de détresse et d’impuissance (Olweus, 1979). Selon cette description, l’intention qu’a l’agresseur en posant son geste aurait en soi, peu d’importance, puisque l’on peut considérer cet acte comme de la violence, tant et aussi longtemps qu’il cause de l’inconfort ou un préjudice à quiconque.

Plusieurs terminologies ont été utilisées par les chercheurs pour mieux cerner le phénomène de la violence, mais comme l’a mentionné Beaumont (2011), il n’existe présentement aucun consensus dans la littérature sur une définition unique du concept de violence. Les auteurs jonglent avec les manifestations, la nature, l’intention, le contexte, etc. sans être en mesure de regrouper toutes ces variables à l’intérieur d’une même définition reconnue universellement.

Ne pouvant trouver un consensus dans la littérature sur la définition de ce terme abstrait qu’est celui de la violence, les chercheurs ont quand même travaillé sur différents aspects de ce phénomène tentant de mieux le comprendre. Feshbach (1969) a par exemple

(27)

11 comparé l’agression antisociale versus prosociale, l’attaque versus la défense, l’agression instrumentale versus hostile (Feshbach, 1964; 1969), alors que Buss (1961) a étudié les différences entre l’agression physique et verbale et l’agression ciblée versus non ciblée. Dodge et Coie (1987), pour leur part, ont observé l’agression proactive versus celle dite réactive alors que d’autres auteurs ont étudié l’agression physique et l’agression sociale (Cairns, Cairns, Neckerman, Ferguson et Gariepy, 1989; Galen et Underwood, 1997; Paquette et Underwood, 1999), l’agression ouverte et l’agression relationnelle (Crick, 1996; Crick et Grotpeter, 1996).

Dans une approche davantage sociologique, Ball-Rokeach (1980) a tenté d’établir la différence entre la violence déviante et normative qui varie selon certaines normes sociales et morales d’une société. La violence « déviante » ou violence qui est socialement définie comme illégale, inacceptable ou immorale, et la violence « normative » ou violence socialement définie comme légale, acceptable ou morale. Dans cette dernière catégorie, on retrouve certaines formes de violence physique, la violence sociale, la violence verbale de même que la violence relationnelle (Beaulieu 2005; Scheckner, Rollin, Kaiser-Ulrey et Wagner, 2002; Turcotte et Lamonde 2004). Toujours dans le souci de définir cette terminologie particulièrement en contexte scolaire, Debarbieux (1996) soutient que ce que l’on juge comme de la violence dépend de l’époque, des valeurs, des codes sociaux, juridiques et politiques ainsi que des caractéristiques personnelles des victimes et des agresseurs. Ce dernier chercheur, chef de file sur la question en Europe, a ainsi défini la violence comme « une désorganisation brutale ou continue d’un système personnel, collectif ou social se traduisant par une perte d’intégrité qui peut être physique, psychique ou matérielle » (Debarbieux, 1996, p. 45). Ce que l’auteur qualifie de désorganisation dénote un changement qui affecte un système ou un aspect de la personne, d’un groupe ou d’une société. Comme le mentionne l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2002), tous ces types de violence ont pour conséquence la perte de l’intégrité physique, morale ou matérielle de la personne visée. Si l’on associe la définition de Debarbieux (1996) aux formes de violence citées plus haut, les agressions physiques affecteraient l’intégrité physique d’un individu alors que les types de violence sociale ou relationnelle (ex. : rumeurs, exclusions, manipulations) affecteraient la qualité de ses relations interpersonnelles et l’organisation de son système social.

(28)

12

Les premières recherches dans le domaine de la violence à l’école concernaient davantage les garçons (Olweus, 1978; Schwartz, Dodge, Coie, Hubbard, Cillessen, Lemerise et Bateman, 1998) et visaient des modes d’agression plus directs, ouverts et physiques (ex. : coups, batailles, menaces). Ce n’est que quelques années plus tard, que la littérature scientifique abordait plus spécifiquement la violence verbale, en attribuant principalement aux filles ce type d’agression nouvellement nommé (Archer, 2004; Crick, 1997; Levin et Arluke, 1985). Par la suite, la popularité des recherches dans le domaine concernant les filles et leurs modes d’agression, plus couverts et indirects, n’a cessé d’augmenter, et cela bien aux dépens des garçons que l’on négligea d’envisager comme auteurs ou victimes potentielles de ces types d’agression plus sournois et cachés (Lagerspetz, Bjorkqvist et Peltonen, 1988; McDonald, Putallaz et Grimms, 2007; Owens, Slee et Shute, 2000a; Underwood, 2003).

1.2.1 Les caractéristiques de l’agression indirecte

Les recherches effectuées au cours des dernières décennies ont fourni une quantité considérable d’informations permettant de mieux connaître ces formes d’agression moins ouvertes, attribuées davantage aux filles et connues sous différentes appellations dans la littérature. C’est à cette forme de violence moins connue et observée de plus en plus en milieu scolaire que ce mémoire se consacre en regroupant ses différentes manifestations sous le terme général d’agression indirecte.

De façon générale, les actes dits d’agression indirecte constituent un ensemble de conduites de manipulations sournoises et cachées qui détériorent la vie sociale de plusieurs élèves dans les établissements scolaires. Ce type de comportement vise à causer du tort à autrui, par des moyens détournés, sans confronter directement la victime en attaquant la qualité de ses relations sociales ou en affectant son sentiment d’acceptation et d’inclusion sociale à un groupe (Verlaan, 2007).

Plusieurs terminologies ont été utilisées pour décrire cette forme plus subtile d’agression observée de plus en plus en milieu scolaire. L’agression relationnelle (Bjoerkqvist, Lagerspetz et Kaukiainen, 1992) consiste par exemple en un ensemble de stratégies indirectes qui impliquent les pairs comme outils pour saboter les relations

(29)

13 sociales et l’estime de soi de la victime. Les manifestations les plus fréquemment observées de ce type de comportement consistent à répandre de fausses rumeurs ou à nouer une amitié avec une autre personne pour se venger d’un ancien ami. La nature indirecte de l’acte agressif laisse ainsi croire à l’agresseur qu’il peut rester anonyme et éviter une riposte de la victime ou encore la désapprobation des personnes quant à son geste. L’agression sociale (Galen et Underwood, 1997) et l’agression relationnelle (Crick et Grotpeter, 1995)englobent pour leur part le rejet ouvertement exprimé d’une personne et les comportements non verbaux comme les expressions faciales de mépris. Malgré de légères différences rencontrées dans les terminologies utilisées par les chercheurs dans ce domaine, ces termes décrivent tant bien que mal des construits qui se recoupent entre eux (Coyne et Archer, 2004).

De façon particulière, Björkqvist, Osterman et Kaukiainan (1992) se sont penchés sur les agressions dites directes et indirectes et ont formulé la définition suivante : « A kind of social manipulation: the aggressor manipulates others to attack the victim, or by other means, makes use of the social structure in order to harm the target person, without being personally involved in the attack. » (Björkqvist, Osterman et Kaukiainen, 1992, p.52)

Ces chercheurs mentionnent « un type de manipulation sociale » expliquant que l’auteur de l’agression fait usage d’une ou plusieurs autres personnes pour atteindre sa victime. Ce détail est d’une importance capitale dans cette définition, car afin d’agir indirectement, l’auteur de l’agression doit avoir un acolyte qui agira à sa place auprès de la victime ciblée. Selon leur définition, les actes d’agression indirecte incluent le commérage, la propagation de rumeurs, la circulation de commentaires blessants à propos d’une tierce personne, le bris ou le vol des biens matériels de quelqu’un, la trahison de confidences et les tentatives pour convaincre les autres d’exclure quelqu’un du groupe (Coyne, Archer et Eslea, 2006). Qui plus est, dans le courant du développement des nouvelles technologies de l’information, s’ajoutent à cette liste de manifestations d’agression indirecte, tous les types de manipulation sociale effectuée par le biais des médias sociaux (Blaya, 2011; Roy et Beaumont, 2013).

(30)

14

Puisque l’agression indirecte est considérée comme un type de manipulation sociale, elle est implicitement liée à la violence sociale dont les comportements rejoignent ceux liés à la violence relationnelle (Coyne, Archer et Eslea, 2006). La violence sociale, introduite par Cairns et ses collègues en 1989, est caractérisée par la manipulation d’individus dont les conséquences sont l’exclusion, le rejet et/ou l’isolement de la victime. Par ailleurs, certains auteurs considèrent que l’atteinte au statut social constitue le facteur principal permettant d’identifier l’agression sociale (Crick et Grotpeter 1995; Underwood, 2003). En utilisant les termes « manipulation » et « structure sociale » dans leur définition, Bjorkqvist et al. (1992) confirment ainsi que les agressions indirectes se situent bien au niveau de la violence sociale.

Les chercheurs qui ont étudié la violence sociale ou relationnelle restent non-unanimes à l’idée de prêter une intention hostile à l’agresseur. Par exemple, Coie et Dodge (1998) affirment que différents facteurs tels que les évènements, les intentions et les buts peuvent être en cause lors d’une agression. D’autres chercheurs ont aussi confirmé que les filles utilisent l’agression indirecte et le commérage principalement pour se distraire et afin de tuer l’ennui alors que certaines l’utilisent de manière à gravir les échelons sociaux (Owens, Slee et Shute, 2000a; Neal, 2009). Enfin, comme l’a mentionné Olweus (1979), l’intention à l’origine du geste a peu d’importance, c’est la nature de l’acte et ses possibles répercussions sur l’individu qui permettent de conclure qu’il y a eu agression. Tout comme le mentionnent aussi Debarbieux (1996, 2001) et Vettenburg (1998), c’est à partir du vécu de la personne victimisée qui subit une situation qu’elle ne désire pas et qui lui nuit, qu’on peut le mieux déterminer s’il s’agit d’un acte qualifié de violent. Ainsi, considérant le fait que dans l’agression indirecte, l’atteinte est portée à l’intégrité morale (sociale et relationnelle) de l’individu, dans ce mémoire, la perception de la victime sera considérée, plutôt que l’intention de l’agresseur, pour déterminer s’il y a eu agression.

En rassemblant plusieurs études traitant de ces formes d’agressions couvertes et cachées, un portrait général du phénomène de l’agression indirecte peut être dressé. Un rapprochement reste ainsi possible entre la notion de violence sociale utilisée par Galen et Underwood (1997) et celle d’agression indirecte développée par Björkvist et al. (1998), car leurs définitions sont semblables. Tout d’abord, Galen et Underwood (1997) ont

(31)

15 observé que les filles utilisaient entre elles un type d’agression plus subtile que la violence physique et les menaces verbales souvent employées par les garçons. Les contrecoups de la violence sociale (Galen et Underwood, 1997) ont ainsi été jugés comme étant les plus blessants parmi tous les types d’agressions vécues par les filles, alors que Paquette et Underwood (1999) rapportaient aussi que l’agression relationnelle était vécue comme étant plus souffrante que l’agression physique, et ce, à la fois par les garçons et les filles.

Selon Galen et Underwood (1997), la violence sociale est considérée comme dommageable pour l’estime de soi et/ou le statut social de la victime et se manifeste par des expressions faciales de dédain, du commérage et la manipulation des relations amicales. Ces chercheurs soutiennent que l’aliénation sociale et l’ostracisme augmentent dramatiquement dans les conflits entre filles avec l’âge, alors que les agressions entre garçons demeurent majoritairement physiques à travers le temps.

Finalement, Coyne, Archer et Eslea (2006) ont regroupé les trois termes agression

relationnelle, indirecte et sociale (« relational, indirect and social agression ») en une

même catégorie prétextant que l’agression relationnelle et l’agression indirecte s’avèrent être plus similaires en pratique que leurs définitions semblent le proposer. Aussi, selon ces derniers, l’agression sociale engloberait les deux construits (relationnelle et indirecte) en plus d’y inclure des comportements non verbaux (ex. : rouler les yeux, regarder de façon méprisante ou menaçante, ignorer intentionnellement, etc.). Même si ce regroupement entre les trois types d’agression sert à positionner chacune de celle-ci par rapport à l’autre, une définition conceptuelle de la violence indirecte reste cependant nécessaire pour bien en comprendre les manifestations et les conséquences qu’elle induit chez les victimes.

1.2.2 La prévalence du phénomène selon l’âge et le sexe

Plusieurs études ont été menées sur l’agression indirecte chez des groupes de sujets de la maternelle à l’âge adulte (Attar-Schwartz et Khoury-Kassabri, 2008; Cappella et Weinstein, 2006). Chez les élèves de la maternelle, les conclusions des chercheurs sont à l’effet que la violence relationnelle et les méthodes indirectes d’agression entre les petits sont difficilement observables (Cappella et Weinstein, 2006; Estell, 2007; Hoff, Reese-Weber, Schneider et Stagg, 2009; Salmivalli, Lagerspetz, Björkqvist et Kaukiainen, 1996).

(32)

16

D’après les recherches d’Estell (2007), ceci pourrait indiquer que la conscience sociale nécessaire pour utiliser l’agression avec suffisamment de tact pour éviter l’aliénation sociale n’est pas assez développée chez les élèves de cet âge.

Björkqvist, Osterman et Kaukiainen (1992) partagent une opinion semblable en ce qui a trait au développement de compétences sociales. Ils estiment que l’agression indirecte est clairement reliée à la maturation ainsi qu’à un certain niveau de compétence sociale et verbale. Sur trois échantillons d’élèves âgés de 8, 11 et 15 ans, Björkqvist et al. (1992) ont aussi observé que les stratégies d’agressions indirectes n’étaient pas pleinement développées chez les élèves âgés de 8 ans, mais qu’elles étaient déjà bien présentes chez ceux de 11 ans. Ces auteurs ont également démontré que le taux d’agressions indirectes étaient plus élevé entre 11 et 15 ans qu’entre 8 et 11 ans atteignant son sommet dans le groupe de filles de 11 ans. Les auteurs expliquent cette présence marquée chez les filles par le fait que celles-ci développent généralement leurs habiletés verbales plus rapidement que les garçons, les rendant aptes à maîtriser des stratégies d’agression indirecte avant leurs pairs du sexe opposé.

Attar-Schwartz et Khoury-Kassabri (2008) ont dressé un portrait de la victimisation verbale et de la victimisation indirecte chez une population d’élèves israélites. Leurs résultats attestent que 77.3 % des élèves de l’échantillon (16 604 élèves entre la 7e et la 11e

année) ont admis avoir été victimes d’au moins une forme d’agression verbale durant le mois précédent et 62.1 % disent avoir été victimes d’agressions indirectes. Chez les filles, 66.1 % ont témoigné être victimes d’agressions indirectes alors que chez les garçons, ce nombre chute à 58.3 % (Attar-Schwartz et Khoury-Kassabri, 2008). D’autres auteurs rapportent que les filles utilisent plus l’agression indirecte que les garçons (Cappella et Weinstein, 2006; Feshbach, 1969; Lagerspetz, Björkvist et Peltonen, 1988). En revanche, Card, Stucky, Sawalani et Little (2008), dans leur méta-analyse sur la violence directe et indirecte, ont comparé le taux d’agression indirecte chez les garçons et les filles et n’ont trouvé aucune différence significative entre les deux sexes. Selon ces chercheurs, les résultats observés dépendraient du type d’outils de mesure employé dans les recherches. Les questionnaires administrés aux parents et aux enseignants dénotaient généralement une différence entre les sexes en faveur des filles, alors que les questionnaires de type

(33)

auto-17 rapporté indiquaient plutôt une différence légèrement plus grande de l’utilisation de l’agression indirecte par les garçons. Les recherches basées sur les observations, le « peer-nomination » et le « peer-rating » n’ont pas laissé paraître de différence significative de l’utilisation de la violence indirecte selon le sexe (Card, Stucky, Sawalani et Little, 2008). Toutefois, tout comme Galen et Underwood (1997), Archer (2004) a observé par le biais d’une série d’études employant le « peer-report » que le taux d’agressions indirectes augmentait avec l`âge et principalement chez les filles entre 6 et 17 ans.

Les faits saillants de la méta-analyse de Card et al. (2008) montrent que les garçons perpétuent significativement plus d’actes violents et priorisent l’agression directe alors que les filles utilisent majoritairement et choisissent davantage l’agression indirecte. Toutefois, en ce qui concerne la fréquence d’utilisation de l’agression indirecte, celle des garçons se rapproche grandement de celle de leurs pairs féminins : le taux d’agressions indirectes chez les deux sexes est le même (Card et al., 2008). Qui plus est, ces mêmes auteurs ont également établi une corrélation entre l’agression directe et l’agression indirecte chez les auteurs d’agressions. Ceux qui commettent le plus d’agressions directes sont aussi majoritairement ceux qui commettent le plus d’agressions indirectes et ce, tant chez les garçons que chez les filles (Card et al., 2008).

Bien que la prévalence de ce type d’agression ait été étudiée séparément chez les deux sexes, les chercheurs ne se sont toujours pas penchés vers une possible variation dans l’interprétation de la victimisation indirecte chez les garçons et les filles.

1.2.3 Les acteurs impliqués dans l’agression indirecte

Plusieurs types de personnes sont impliqués dans les scènes d’agression indirecte et peuvent en subir les conséquences telles que les victimes, les auteurs, les acolytes et les témoins.

1.2.3.1 Les victimes d’agressions indirectes

Coyne, Archer et Eslea (2006) ont souligné que les victimes de violence indirecte, relationnelle et sociale souffrent généralement de dépression, d’anxiété, d’isolement, en

(34)

18

plus d’avoir une perception négative entre autres de leur apparence physique, leur attirance, leur amour-propre et leurs relations personnelles. Toutefois, ces caractéristiques peuvent être bidirectionnelles, c'est-à-dire que le fait qu’un individu ait une perception négative de lui-même peut aussi le rendre plus vulnérable à la victimisation. À ce propos, la recherche de Brown et Gilligan (1992, citée dans Swayne, 2008) indique que les filles victimes d’agressions sociales indirectes ne comprennent habituellement pas la dynamique de l’agression ou la perversité de celle-ci et ont tendance à se blâmer elles-mêmes pour ce qu’elles vivent. Ces victimes tendent à avoir davantage de relations inadaptées avec leurs pairs et un moins grand réseau social (Johnson et Foster, 1995, cité dans Swayne, 2008).

1.2.3.2 Les auteurs d’agressions indirectes

Kaukianen et al. (1999) ont observé que les auteurs d’agressions indirectes sont des individus socialement intelligents, qui interprètent très bien les réactions d’autrui et qui sont capables d’adapter leurs comportements de façon à ce que la manipulation sociale ne se retourne pas contre eux. Dans le même ordre d’idées, les jeunes qui sont perçus comme populaires et qui occupent une position centrale dans leur réseau social sont ceux qui sont le plus portés à utiliser l’agression indirecte (Leff, Waasdorp et Crick, 2010). Bien que les auteurs d’agressions indirectes démontrent une intelligence sociale supérieure et qu’ils sont capables d’adopter des comportements prosociaux, un trait plus particulier les caractérise : ils manifestent très peu d’empathie envers les autres en général et plus particulièrement envers leur victime (Leadbeater, 2010; Leets et Sunwolf, 2008) et peuvent aussi se réjouir du pouvoir qu’ils ont sur la victime sans se soucier des conséquences de leurs actes (Swayne, 2008).

Pour être en mesure d’agresser indirectement, l’auteur va généralement manipuler les relations de la victime ou utiliser le chantage de sorte que les membres du groupe deviendront le véhicule de l’agression. Comme mentionné dans la définition de l’agression indirecte (Björkqvist, Osterman et Kaukiainen,1992), des moyens détournés sont utilisés pour attaquer la victime. Ainsi, l’instigateur de cette agression n’est jamais directement impliqué avec la victime.

(35)

19

1.2.3.3 Les acolytes dans des situations d’agressions indirectes

L’auteur a besoin de ce que Cappella et Weinstein (2006) appellent des « peer follower » ou acolytes pour que l’agression indirecte fonctionne. Les acolytes prennent alors le rôle d’agresseurs et par leurs actions, stigmatisent la victime ouvertement. Ce sont souvent ces agresseurs-acolytes qui sont punis et non l’instigateur de l’agression qui pourtant porte la plus grande responsabilité de l’acte commis. Ceci peut se produire par exemple, lorsqu’un individu (l’auteur) produit des images indécentes d’un de ses camarades (la victime) et les partage par le biais du WEB à quelques-uns de ses pairs (acolytes) tout en agissant comme s’il ne s’agissait que d’une blague sans aucune mauvaise intention. Ses pairs, à leur tour, publient ou partagent ces images à d’autres camarades et rient ouvertement de la victime. Finalement, la victime fait rire d’elle par plusieurs personnes et finit par voir se multiplier les images d’elle dans son milieu.

1.2.3.4 Les témoins dans des situations d’agression indirecte

Salmivalli et al. (1996) ont identifié quatre rôles que peuvent prendre les témoins d’agression indirecte : 1) le renforçateur promulgue et reproduit l’agression ou l’exclusion directement sur la victime, 2) l’assistant propage la rumeur, mais n’agit pas en tant qu’agresseur directement, 3) l’observateur observe la manipulation sans y être impliqué et 4) le défenseur défend la victime et dénonce l’agression. Les résultats de leur recherche ont établi que les filles occupent le plus souvent le rôle de défenseur. Toutefois, ces dernières doivent avoir un certain statut social pour ne pas risquer l’exclusion à leur tour (Salmivalli et al., 1996).

1.2.4 Les conséquences de l’agression indirecte

La recherche a révélé que l’agression indirecte entraîne toute une gamme d’effets négatifs à court et à long terme sur les jeunes qui y sont exposés, créant notamment de l’anxiété, de la somatisation, l’évitement de l’école, la dépression, allant jusqu’aux idéations suicidaires (Nixon, Lickie, Coleman et Fitch, 2001; Owens, Slee, et Shute, 2000b; Van der Wal, De Wit et Hirasing, 2003). Debarbieux (2004) est aussi d’avis que ces « microviolences » qui semblent souvent banales aux yeux de la population générale

(36)

20

comportent tout de même des conséquences psychologiques, sociales et scolaires considérables qui prennent de l’ampleur par effet cumulatif et répétitif chez la victime. Pour leur part, reconnaissant les conséquences sur non seulement les victimes, mais aussi sur les témoins et même sur les auteurs de violence indirecte, Verlaan et Turmel (2010) recommandent de mettre en place des mesures de préventives s’adressant aussi bien aux actes d’agressions physiques qu’à ceux plus subtils affectant les relations sociales des jeunes. Mais pour pouvoir adapter les interventions, il convient aussi de bien connaître ce comportement de même que les conséquences pouvant affecter chacun des acteurs concernés.

1.2.4.1 Conséquences sur les victimes

Le développement de la recherche sur la violence sociale indique de plus en plus clairement que les agressions commises par les pairs peuvent avoir de sérieuses conséquences sur les victimes. Crick et Grotpeter (1996) rapportent, à court terme, de la solitude, un sentiment d’isolement, la dépression, de la détresse émotionnelle et un faible sentiment de valeur personnelle (ou d’estime de soi). À plus long terme, Beaulieu (2007) mentionne que la victime peut développer d’autres problèmes comme l’anxiété sociale, le rejet par les pairs et des difficultés à s’exprimer ou à s’extérioriser. Ces difficultés peuvent, par conséquent, amener la victime à éviter l’école, allant de l’absentéisme scolaire, au décrochage, aux fugues et même aux tentatives de suicide (Crick et Grotpeter, 1996; Swayne, 2008).

Comme mentionné précédemment, les filles tendent à avoir des réseaux sociaux plus complexes et sont généralement plus préoccupées par la qualité de leurs relations que leurs pairs masculins. Cette différence crée une situation où l’agression sociale peut avoir plus d’effets négatifs sur les filles. En lien avec cette réalité, Swayne (2008) mentionne que dans la mesure où les agressions commises par les filles tendent à être plus durables dans le temps, les manipulations interpersonnelles peuvent affecter les relations de la victime sur une plus longue période. Les adolescentes peuvent avoir à endurer des épreuves pénibles d’ostracisme pendant des semaines voire des mois, même des années. Les recherches sur les filles et l’agression indirecte ont démontré qu’une fois que la victime perd son statut au

(37)

21 sein du groupe, il arrive souvent que celle-ci se retrouve isolée socialement et émotionnellement par le biais d’actions et de comportements qualifiés de subtils par ses pairs (Owens, Slee et Shute, 2000a; Swayne, 2008). Quand une fille est ostracisée par ses pairs, son estime d’elle-même et sa valeur personnelle peuvent s’effondrer.

On dénombre une quantité de plus en plus importante de recherches portant sur l’agression indirecte et que ce type d’agression est apparemment plus commun chez les filles que chez les garçons. Toutefois, qu’en est-il des conséquences de cette violence sur les garçons? À ce jour, la littérature scientifique ne nous permet pas d’avoir accès à ce type d’informations. À notre connaissance, les recherches dans le domaine de la violence à l’école n’ont toujours pas exploré la manière dont le sexe des élèves répondants affecte leur perception de la victimisation à l’école. Selon Astor et al. (2002), ce manque à combler dans la littérature est surprenant « because numerous other violence litteratures (eg., domestic violence, child abuse, post-traumatic stress, and childhood aggression) predict that culture and gender are pivotal variables that influence the way violence is understood and interpreted » (p. 717). Ce rapprochement entre l’interprétation et le sexe des victimes apparait pertinent quand on observe les résultats de leur étude. Par exemple, alors que la peur d’aller à l’école reliée à la violence est fortement corrélée avec la victimisation par les pairs chez les garçons et les filles, les effets de ce type de victimisation sont beaucoup plus importants pour les filles (β=0,44 pour les filles vs β=0,25 pour les garçons). En d’autres mots, une fille victime de violence, dont ses pairs sont les auteurs, est plus à risque de développer la peur d’aller à l’école qu’un garçon vivant la même situation. D’un autre côté, la victimisation par les membres du personnel scolaire est associée à la peur d’aller à l’école chez les garçons seulement (Astor et al., 2002). La problématique observée par ces auteurs se reflète aussi dans la littérature sur l’agression indirecte; les données comparant les effets de l’agression indirecte et leur gravité chez les deux sexes sont pratiquement inexistantes.

1.2.4.2 Conséquences sur les auteurs

Bien que les études ne mentionnent que très peu de conséquences négatives chez les auteurs d’agressions indirectes, ces derniers s’exposent éventuellement à être rejetés par

(38)

22

leurs pairs. Crick (1996) soutient que l’utilisation répétée de cette forme d’agression sociale peut, avec le temps, aliéner certains individus affectant, par conséquent, leur statut social. Chez les deux sexes, les adolescents auteurs d’agressions indirectes souffrent souvent de problèmes de nature intériorisée alors que chez les auteurs d’agressions directes, les problèmes sont davantage de nature extériorisée (Card et al., 2008). Par ailleurs, Bowie (2010) mentionne que les filles utilisant l’agression indirecte ont une faible régulation émotionnelle et sont plus portées à attribuer des intentions hostiles à leurs pairs face à certaines situations. Pour leur part, les garçons impliqués dans des agressions sociales (directes ou indirectes) sont plus à risque de développer des problèmes d’adaptation sociale que les filles vivant la même situation (Paskewich, 2008).

Neal (2010) note également une tendance générale chez les jeunes adolescents utilisant davantage l’agression à s’associer avec leurs semblables. Considérant cette possibilité, ils augmentent leurs risques d’être victimes à leur tour, en plus d’évoluer dans un climat relationnel perturbé. Berkowitz et Benbenishty (2012) appellent ces individus « intimidateurs-victimes » (bully-victims) et rapportent que ce sont ceux qui ont le plus d’expériences négatives à l’école dans nombre de situations, qui souffrent le plus des conséquences de la violence et qui jouissent le moins du soutien des pairs et des adultes de leur milieu.

1.2.4.3. Conséquences sur les témoins

Les chercheurs qui se sont intéressés aux adolescentes impliquées à titre de témoins dans des agressions relationnelles ont prouvé que ces dernières étaient à risque de développer des problèmes d’adaptation sociale incluant l’exclusion par les pairs et des problèmes intériorisés et extériorisés (Swayne, 2008). Janosz, Archambault, Pagini, Pascal, Morin et Bowen (2008) dénotent, selon leurs recherches, certains problèmes associés à l’exposition à la violence sociale chez les garçons et les filles. Comme l’a mentionné Swayne (2008), des problèmes de type intériorisé et extériorisé et des problèmes d’adaptation socioémotionnelle peuvent mener au développement de l’anxiété chez les filles et de comportements délinquants chez les garçons. Janosz et al. (2008) ajoutent qu’être témoins d’agressions sociales directes ou indirectes génère des sentiments

(39)

23 d’impuissance, de peur, d’insécurité et, plus particulièrement chez les filles, la dépression et l’anxiété. La prédominance de ces sentiments chez les témoins a pour conséquence de miner leur confiance en leur capacité de résoudre des problèmes et engendre un schéma comportemental de « combat ou de fuite » (fight or flight) face à des situations problématiques

Qui plus est, ces sentiments peuvent aussi générer d’autres sentiments négatifs qui peuvent se concrétiser par des comportements d’évitement ou de confrontation. Il est aussi possible de les voir évoluer vers un sentiment général d’aversion à l’égard du milieu scolaire (Hardaway, 2009; Janosz et al., 2008).

1.2.5 Les modèles théoriques expliquant l’agression indirecte et la victimisation à l’école

Trois modèles théoriques semblent particulièrement appropriés afin d’expliquer le phénomène de l’agression indirecte que ce soit pour préciser ce qui fait qu’un individu agresse un pair ou encore pour comprendre cette forme de victimisation : la théorie du traitement de l’information (Crick et Dodge, 1994) et celle de la dominance sociale (Sidanius et Pratto, 1999) expliquent comment ce type de conduite agressive se développe en focalisant davantage sur les processus cognitifs-comportementaux alors que le modèle de Benbenisthy et Astor (2005) concerne surtout les facteurs d’influence environnementaux de la victimisation en milieu scolaire.

1.2.5.1 La théorie du traitement de l’information (Crick et Dodge, 1994)

Plusieurs auteurs réfèrent à la théorie du traitement de l’information sociale (social

information theory) pour expliquer comment le recours à l’agression (directe ou indirecte)

peut être appris simplement en observant ces comportements agressifs ou en y étant exposé (Huesmann, 1988; Leff, Waasdorp et Crick, 2010; Leff et al., 2010; Rose et Rudolph, 2006). Selon cette théorie, quand un individu observe une agression, certains scripts reliés à cet acte sont activés dans sa mémoire augmentant la possibilité que ce dernier agisse agressivement dans de futures situations semblables. Huesmann (1988) mentionne que ce processus cognitif comportemental comporte cinq étapes avant que l’individu produise une

(40)

24

réponse à une situation sociale, que son choix comportemental soit adéquat ou non (voir figure 1).

Plus particulièrement, la littérature rapporte que les étapes 2 et 4 de ce processus présentent un déficit chez les auteurs d’agressions indirectes (Bowie, 2010; Leff, Waasdorp et Crick, 2010; Leff, Waasdorp, Paskewich, Gullan, Jawad, MacEvoy, Feinburg et Power, 2010; Rose et Rudolph, 2006). La problématique de l’étape 2 se situe dans les scripts acquis; les auteurs d’agressions ont davantage tendance à attribuer des intentions hostiles à leurs pairs dans des situations sociales-relationnelles provocantes. En ce qui a trait à l’étape 4, les chercheurs notent que les auteurs d’agressions (directes ou indirectes) évaluent plus favorablement les solutions ou réponses agressives comparativement à leurs pairs non agressifs.

Figure 1: Processus du traitement de l’information : modèle de Crick et Dodge (1994), tiré de Rothier et Fontaine, 2003, p. 297

(41)

25

1.2.5.2 La théorie de la dominance sociale (Sidanius et Pratto, 1999)

Un fait ressortissant des recherches sur l’agression indirecte est que les auteurs de ces actes semblent souvent occuper des rôles centraux dans leur groupe de pairs et jouissent d’une grande popularité (Cappella et Weinstein, 2006; Paskewich, 2008; Salmivalli et al., 1996; Hoff et al. 2009). En outre, plusieurs auteurs ont également souligné l’avancement social comme motif de l’agression indirecte (Attar-Schwartz et Khoury-Kassabri, 2008; Hoff et al., 2009; Neal, 2009). Les relations sociales de même que les buts sociaux de chaque individu semblent ainsi jouer un rôle primaire dans le développement de stratégies d’agressions indirectes. Pour cette raison, il est important de comprendre les composantes des dynamiques sociales qui encouragent l’émergence de ce type de comportement et d’examiner le besoin de dominer d’un individu afin de mieux saisir ce qui le pousse à manipuler son entourage et à utiliser l’agression indirecte. Archer (2006) souligne que l’évolution de la vie en société n’a pas éliminé l’aspect compétitif des interactions sociales dans un groupe, même si Johnson, Leedom et Muhtadie (2012) ont rapporté que bien que les individus dominants évoluent dans un contexte de compétition, ils aspirent toutefois à atteindre une vie de groupe paisible et prévisible. Comme d’autres de ses collègues, Archer (2006) associe la compétition à des coûts pour l’individu, mais aussi pour le groupe social, particulièrement dans les cas où la violence est utilisée. Ainsi, les comportements dominants et de soumission servent à réguler l’agression et les conflits en assurant que les individus dominants ont un accès prioritaire aux ressources (sociales ou matérielles). Johnson, Leedom et Muhtadie (2012) mentionnent même qu’aussi tôt qu’à la maternelle, plusieurs enfants, face à une situation sociale, sont déjà capables d’évaluer les possibilités de tels gains matériels ou sociaux au sein de leur groupe.

À ce propos, Schwartz et al. (1998) ont démontré, en observant des garçons de 8 ans interagir dans la cour d’école, que :

High rates of proactive aggression were associated with positive outcome expectancies for aggression/assertion, frequent displays of assertive social behavior, and low rates of submissive behavior. (…). Victimization was associated with submissive behavior, hostile attributional bias, reactive aggression, and negative outcome expectations for aggression/assertion. (Schwartz et al., 1998, p. 431)

(42)

26

En relation avec l’évolution des individus dans leur groupe, la théorie de la dominance sociale de Sidanius et Pratto (1999) vise à identifier et à comprendre les mécanismes spécifiques (interpersonnels, intrapersonnels, intergroupaux et institutionnels) qui produisent et maintiennent une hiérarchie sociale et comment, à son tour, cette hiérarchie affecte ces mécanismes. Sidanius et Pratto (1999) affirment que la position sociale d’un individu dépend des caractéristiques personnelles de celui-ci et de la hiérarchie sociale du groupe dans lequel il évolue (group-based social hierarchy). Ces chercheurs mentionnent que la hiérarchie sociale du groupe comporte pour sa part trois aspects : 1) un système basé sur l’âge, où généralement les adultes ont un pouvoir social disproportionné sur les plus jeunes, 2) un système lié au sexe, où de manière générale les hommes ont un pouvoir social considérablement plus grand que les femmes, et 3) un système arbitraire. Ce dernier système (arbitraire) est constitué de groupes sociaux proéminents se rejoignant sur des principes tels que l’ethnicité, la race, la nationalité, la classe sociale, les croyances religieuses ou pour toute autre raison qui justifie la cohésion de certains individus dans un groupe ayant des points en commun (Sidanius et Pratto, 1999). De cette manière, le besoin criant des adolescents de s’identifier à un groupe les amène à naviguer dans le système arbitraire et à s’associer à des groupes qui partagent leurs valeurs. Le modèle théorique centré sur la domination sociale de Sidanius et Pratto (1999) tel que présenté à la figure 2, illustre ce qui peut expliquer le besoin de dominer d’un groupe ou d’un individu.

(43)

27 Figure 2: Théorie de la dominance sociale de Sidanius et Pratto (1999), tirée de Dambrun, 2014

Ces auteurs nomment besoin de dominance sociale (social dominance orientation /SDO) le degré auquel un individu désire et supporte la hiérarchie sociale du groupe et la domination des groupes de statut « inférieur » par ceux de statut « supérieur ». Ce désir de dominer est influencé par le statut du groupe auquel l’individu appartient, son sexe, son tempérament et les aspects liés à la socialisation (ex. : valeurs et attentes sociales). Sidanius et Pratto (1999) mentionnent qu’un faible niveau d’empathie amène un plus grand désir de dominance sociale et que les hommes ont généralement un plus haut désir de dominance sociale que les femmes. Ces affirmations vont de pair avec celles de plusieurs auteurs qui dénoncent le manque d’empathie des auteurs d’agressions indirectes (Cappella et Weinstein, 2006; Leets et Sunwolf, 2005; Swayne, 2008).

Les recherches qui se basent sur la théorie de la dominance sociale (Sidanius et Pratto, 1999) soutiennent que le besoin d’avoir une identité sociale positive encourage la discrimination. Toutefois, contrairement à toute attente, les résultats indiquent qu’un individu de statut social inférieur reconnaît la supériorité des autres groupes et discrimine

Figure

Figure  1: Processus du traitement de l’information : modèle de Crick et  Dodge  (1994), tiré de Rothier et Fontaine, 2003, p
Figure 3 : Modèle écologique (Benbenishty et Astor, 2005)
Figure  4: Les déterminants de l'environnement socioéducatif (Janosz et al., 1998,        p
Tableau 1. Données descriptives de la victimisation indirecte selon le sexe et le niveau scolaire  (Ntotal = 2290 élèves)
+6

Références

Documents relatifs

This text, called Tongho mundap (Questions and Answers at the Eastern Lake), was written during a monthly assessment and submitted to the young king Sŏnjo in 1569 by

Cependant, nous pouvons remarquer que cela est beaucoup plus difficile en pratique puisque tous les élèves ne peuvent pas être inclus dans des établissements ordinaires par

Cette recherche s'intéresse, d'une part, à la relation entre le risque de décrochage scolaire et la perception du climat de classe chez les élèves du secondaire, et d'autre part, à

Demoiselles catholiques et misses protestantes : deux modèles éducatifs antag- onistes au XIXe siècle.. Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, Société

Si on regarde de manière très générale la perception de l’environnement de travail (Figure 13), on note des différences relativement à trois variables qui sont liées

Les déplacements touristiques, l’impact des retraités sur la consommation locale, le poids des revenus de transferts dans les économies rurales sont autant

- Une analyse du schéma directeur départemental d’eau potable, ainsi que des autres schémas directeurs des collectivités compétentes, et une étude du