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L'autorégulation de l'enfant et la qualité des interactions enseignante-enfants en classe d'éducation préscolaire 5 ans

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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L'autorégulation de l'enfant et la qualité des interactions

enseignante-enfants en classe d'éducation préscolaire 5

ans

Mémoire

Noémie Montminy-Sanschagrin

Maîtrise en psychopédagogie - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

(2)

Résumé

Ce mémoire vise à examiner le lien entre le niveau d’habiletés d’autorégulation [AR] observées chez l’enfant et la qualité des interactions en classe d’éducation préscolaire cinq ans. Les habiletés d’AR de 32 enfants provenant de neuf classes d’éducation préscolaire cinq ans ont été observées en contextes éducatifs à l’aide de l’Échelle d’observation de l’autorégulation en contexte de jeu symbolique (Montminy et Duval, 2019). La qualité des interactions, quant à elle, a été mesurée à partir du Classroom Assessment Scoring System [CLASS] (Pianta, La Paro, et Hamre, 2008).

D’une part, les résultats préliminaires liés à l’outil d’observation créé dans le cadre de ce mémoire contribuent à la littérature théorique sur le construit de l’AR et la nécessité de le considérer dans son ensemble, puisque ses composantes (émotionnelle, comportementale et cognitive) sont indissociables. Les analyses psychométriques préliminaires menées démontrent également sa validité et sa fidélité. Ces résultats pointent vers la pertinence d’observer l’AR en milieu éducatif afin d’obtenir des informations sur les habiletés de l'enfant de façon à mettre en place des interventions visant à les soutenir.

D’autre part, des liens entre les habiletés liées à l’AR (p.ex. l’autocontrôle) de l’enfant et certaines dimensions de la qualité des interactions en classe (p.ex. le climat positif) se sont avérés significatifs. Cette étude révèle que, premièrement, les interactions corégulatrices de l’enseignante doivent considérer le développement hiérarchique de l’AR en modifiant ses stratégies d’étayage selon le niveau d’habiletés émotionnelles, comportementales et cognitives de l’enfant. Deuxièmement, trop de soutien aux habiletés liées à l’AR de l’enfant se rangerait davantage dans l’ordre de la régulation externe que dans la corégulation. Ces résultats sont discutés au regard de leur implication pour les recherches futures ainsi que pour la pratique.

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Abstract

This thesis aims to examine the link between the level of Self-Regulation [SR] skills in children and the quality of teacher-child interactions in five-year-old kindergarten classrooms. The SR skills of 32 children from nine 5-year-old kindergarten classes were observed and assessed in a natural classroom setting using the Self-Regulation Observation Scale (Montminy & Duval, 2019). The quality of the teacher-child interactions was assessed with the Classroom Assessment Scoring System [CLASS] (Pianta, La Paro, and Hamre, 2008).

On one hand, preliminary results obtained with the observation tool created for this study contribute to the theoretical literature on the SR construct; SR must be looked at as whole and its components (emotional, behavioral and cognitive) are inseparable. Preliminary psychometric analyzes carried out also demonstrate its validity and fidelity. These results point out the relevance of observing SR in an educational setting. It indeed allows for information gathering on the child's SR abilities so as to support them later.

On the other hand, links between the child’s SR skills (e.g. self-control) and certain dimensions of teacher-child interactions were found to be significant (e.g. positive climate). This study reveals that teachers’ co-regulatory interactions must take into account the hierarchical development of SR, which entails modifying scaffolding strategies according to the child's level of emotional, behavioral and cognitive abilities. Furthermore, too much support of the child's SR skills would lean more towards external regulation than co-regulation. These results are discussed in terms of their involvement in future research as well as in future practice.

(4)

Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des figures ... vii

Liste des tableaux ... viii

Liste des abréviations, des sigles et des acronymes ... ix

Remerciements ... xii

Avant-propos ... xiv

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématique ... 5

1.1. La réussite éducative ... 5

1.1.1. Le développement global, indicateur de la réussite éducative ... 7

1.2. L’autorégulation à l’éducation préscolaire ... 9

1.2.1. Mesurer l’autorégulation chez l’enfant ... 10

1.2.2. Les facteurs liés à l’enfant ... 16

1.2.3. Les facteurs liés à l’environnement ... 18

1.3. Présente étude : Questions de recherche ... 23

Chapitre 2 : Cadre conceptuel ... 24

2.1. Le concept d’autorégulation ... 24

2.1.1. La composante émotionnelle ... 26

2.1.2. La composante comportementale ... 27

2.1.3. La composante cognitive ... 27

2.1.4. L’interdépendance des composantes de l’autorégulation ... 30

2.2. Les perspectives ayant contribué au concept d’autorégulation ... 32

2.2.1. La perspective constructiviste ... 32

2.2.2. La perspective sociale-cognitive ... 33

2.2.3. La perspective neurocognitive ... 33

2.3. De la régulation externe à l’autorégulation : l’importance du soutien de l’adulte ... 35

2.4. La qualité des interactions en classe ... 38

2.4.1. Le niveau dyadique ... 38

2.4.2. Le niveau de la classe ... 41

2.5. Les études ayant étudié l’autorégulation chez l’enfant ... 43

2.6. Les études ayant examiné la qualité des interactions en classe d’éducation préscolaire et l'autorégulation de l'enfant ... 45

(5)

2.8. Objectifs de la recherche ... 50

Chapitre 3 : Méthodologie ... 51

3.1. Devis de recherche corrélationnel ... 51

3.2. Participants ... 52

3.3. Instruments de mesure ... 54

3.3.1. Le questionnaire sociodémographique distribué aux parents ... 55

3.3.2. Le questionnaire sur les caractéristiques du personnel enseignant ... 55

3.3.3. Outil permettant de mesurer les habiletés liées à l’autorégulation ... 55

3.3.4. Validation de l’outil d’observation de l’autorégulation ... 64

3.3.5. Outil permettant de mesurer la qualité des interactions en classe. ... 66

3.4. Procédure ... 69

3.5. Plan d’analyses ... 70

3.5.1. Analyses descriptives ... 70

3.5.2. Analyse de la covariance univariée ... 70

3.5.3. Analyses de régressions multiples ... 71

Chapitre 4 : Article ... 75

4.1. Résumé ... 75

4.2. Abstract ... 75

4.3. Introduction ... 76

4.3.1. L’autorégulation ... 76

4.3.2. Le rôle de l'adulte dans le développement de l’autorégulation ... 79

4.3.3. La qualité des interactions en classe et l’autorégulation de l’enfant ... 80

4.4. Méthode ... 83 4.4.1. Participants ... 83 4.4.2. Outils ... 83 4.4.3. Procédure ... 86 4.4.4. Plan d’analyses ... 86 4.5. Résultats ... 88

4.5.1. Le niveau d’autorégulation chez l’enfant (objectif 1) ... 88

4.5.2. Le niveau de qualité des interactions en classe (objectif 2) ... 89

4.5.3. Le caractère prédictif de la qualité des interactions en classe d’éducation préscolaire cinq ans sur le niveau d’AR de l’enfant (objectif 3) ... 90

4.6. Discussion ... 93

4.6.1. Le niveau d’autorégulation chez l’enfant de cinq ans ... 93

4.6.2. Le niveau de qualité des interactions en classe ... 94

4.6.3. Le caractère prédictif de la qualité des interactions en classe d’éducation préscolaire cinq ans sur le niveau d’habiletés d’autorégulation de l’enfant ... 94

(6)

4.7. Limites ... 97

4.8. Conclusion et implications ... 98

4.9. Références ... 100

Conclusion ... 108

5.1. Synthèse générale ... 108

5.2. Les forces de l’étude ... 110

5.3. Les limites de l’étude ... 112

5.4. Perspectives futures de recherche ... 113

5.5. Implications pratiques ... 116

5.6. Conclusion générale ... 117

Références ... 120

Annexe A : Questionnaire sociodémographique ... 136

Annexe B : Questionnaires des caractéristiques enseignantes ... 138

Annexe C : Échelle d’observation de l’autorégulation en contexte de jeu symbolique ... 140

Annexe D : Feuille de cotation du Classroom Assesment Scoring System ... 147

(7)

Liste des figures

Page Figure 2.1.

Développement hiérarchique des trois composantes de l'AR (figure adaptée de

Calkins et Wiliford, 2009)……….. 25

Figure 2.2.

Composantes, processus et habiletés observables. Échelle d’observation de l’autorégulation en contexte de jeu symbolique (Montminy et Duval, 2019, voir

Annexe C)……… 29

Figure 2.3.

Liens entre les composantes de l'AR (inspirée de Murray et al., 2015, habiletés

d’AR tirées de Montminy et Duval, 2019)………... 30 Figure 2.4.

Processus partagé du développement de l’autorégulation……….. 36 Figure 2.5.

Corégulation entre l'adulte et l'enfant à travers les étapes de développement

(Murray et al. 2015)……… 37

Figure 2.6.

Modèle conceptuel de la relation enseignante-enfant (Duval, 2015, figure

inspirée de Hamre et Pianta, 2006; Pianta, 1999)………..……….. 39 Figure 2.7.

Cadre conceptuel-modèle du développement de l’autorégulation en contexte

éducatif préscolaire……… 49

Figure 3.1.

Les étapes itératives de conception d’un outil d’observation de Bakeman et

Quera (2011, 2012)…………..……….. 56

Figure 3.2.

Modèle Bifacteur (Hamre et al, 2014) final utilisé pour les régressions

hiérarchiques………... 74

Figure 4.1.

Composantes, processus et habiletés observables tirées de l’Échelle

d’observation de l’autorégulation en contexte de jeu symbolique (Montminy et

Duval, 2019)……… 77

Figure 4.2.

Processus partagé du développement de l’autorégulation………..……... 79 Figure 4.3.

Modèle Bifactoriel utilisé pour les régressions hiérarchiques (Hamre et al,

2014)……… 88

Figure 5.1.

Modèle du développement de l'autorégulation en contexte éducatif

(8)

Liste des tableaux

Page Tableau 1.1.

Processus d’autorégulation recensés par Murray, Rosanbalm et Christopoulos

(2016)………... 11

Tableau 3.1.

Caractéristiques sociodémographiques liées à l’enfant et sa famille……… 52 Tableau 3.2.

Caractéristiques du personnel enseignant……… 53 Tableau 3.3.

Composantes, indicateurs, sous-indicateurs, habiletés observables et

exemples de manifestation tirés de l’Échelle d’observation de l’autorégulation

en contexte de jeu symbolique (Montminy et Duval, 2019; voir Annexe C)…… 59 Tableau 3.4.

Composantes issues de l’analyse factorielle ainsi que les variables qui

saturent sur chacune d’elles……….. 65

Tableau 3.5.

Domaines, dimensions et description du Classroom Assessment Scoring

System Pre-K (Pianta et al., 2008)………...….. 66 Tableau 4.1.

Composantes issues de l’analyse factorielle ainsi que les variables qui saturent

sur chacune d’elles………. 85

Tableau 4.2.

Niveau d’habiletés d’autorégulation des enfants………..……… 89 Tableau 4.3.

Niveau de qualité des interactions en classe d’éducation préscolaire 5 ans … 90 Tableau 4.4. Régression hiérarchique entre la qualité des interactions (gestion

positive et routines) et l’Autocontrôle ……… 91 Tableau 4.5.

Régression hiérarchique entre la qualité des interactions (gestion positive et

routines) et la Connaissance métacognitive………..……… 92 Tableau 4.6.

Régression hiérarchique entre la qualité des interactions (gestion positive et

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Liste des abréviations, des sigles et des

acronymes

ANCOVA Analyse de covariance

ANOVA Analyses de variance univariée AR Autorégulation

CLASS Classroom Assessment Scoring System

ELDEQ Étude longitudinale du développement des enfants du Québec

EQDEM Enquête québécoise sur le développement des enfants de la maternelle FE Fonctions exécutives

ISQ Institut de la statistique du Québec

MÉES Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur MFA Ministère de la Famille et des Aînés

PFEQ Programme de formation de l’école québécoise PSRA Preschool Self-Regulation Assessment

SGÉE Services de garde éducatifs à l’enfance SPSS Statistical Package for the Social Sciences ZPD Zone proximale de développement

(10)

À Fleurette, Marie-Josée, Caroline, Charlotte et toutes les femmes de ma vie m’ayant appris que la force et la résilience pouvaient revêtir plusieurs formes

(11)

Educating the mind without educating the heart is no education at all (Aristote, s.d).

(12)

Remerciements

Le parcours de rédaction scientifique peut s’avérer tumultueux. Ce projet n’aurait pu voir le jour sans le soutien inconditionnel de mon entourage qui a su me rappeler de croire en mes capacités. Bien au-delà du sujet de ce mémoire, la qualité de nos interactions signifiantes est déterminante pour notre développement personnel; merci de m’avoir permis d’apprendre et de grandir.

Je remercie tout d’abord ma directrice de recherche, Stéphanie Duval, pour sa grande disponibilité, sa générosité, pour son écoute active allant bien au-delà du caractère scientifique et pour ses innombrables et généreuses révisions. Je suis reconnaissante de ta confiance pour faire partie de ton équipe de recherche, merci pour ces projets qui m’ont donné « la piqure » du travail de chercheure, merci d’être un modèle, merci pour ces séances de travail collaboratif plus qu’appréciées. Ce mémoire voit le jour en grande partie grâce à toi.

Je remercie également Caroline Bouchard de m’avoir permis de m’intégrer à son projet de recherche titré « Mise en place d’un dispositif de développement professionnel auprès d’enseignants (es) en maternelle 5 ans afin de favoriser le soutien du développement du langage oral et l’émergence de l’écrit des enfants en situation de jeu symbolique » et subventionné par le FRQSC (action concertée, 2016-2019). Je suis également reconnaissante d’avoir pu coordonner ce projet de recherche ce qui m’a grandement permis de cheminer sur le plan professionnel. Je remercie les enseignantes qui nous ont ouvert leurs portes, les parents ainsi que les enfants qui ont permis la réalisation de cette étude. Caroline est également coauteure de l’article de ce mémoire. Merci pour cette précieuse collaboration, tes conseils et ton expertise qui ont su teinter mon travail d’étudiante-chercheure.

Je tiens à témoigner ma reconnaissance à Gilles Cantin et Lorie-Marlène Brault Foisy qui ont accepté d’être membres du comité d’évaluation de mon mémoire. Les commentaires précieux et pistes de réflexion qu’ils m’ont fournis m’ont permis d’approfondir et de préciser mon projet de recherche.

Je tiens à remercier mes collègues. Merci à l’équipe de recherche Qualité des contextes éducatifs de la petite enfance, plus particulièrement la section Québec. Merci à Lisandre, Maude, Nathalie, Catherine, Mélissa, Camille, Josée et Audette Sylvestre pour chacune de

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nos rencontres. Merci d’avoir nourri ma passion pour la recherche en petite enfance, merci pour nos moments de partages, pour vos conseils, votre soutien et nos rédactions organisées qui m’ont permis de garder le cap. Un merci tout particulier à Anne-Sophie, chère collègue, sans toi et ton soutien dans ma démarche, ces deux années et des poussières n’auraient pas été les mêmes.

Un merci tout spécial à mes précieux amis, ces personnes qui m’inspirent et me soutiennent à leur façon. Merci à Rosalie et Stéphanie. Merci d’être au premier rang de tous les moments phares de ma vie. Je suis choyée de vous avoir. Merci à Alexandra, William, Victoria, Julien, Maria et Patrick. Merci pour ces moments qui m’ont changé les idées, merci pour nos discussions, vos folies, vos rires et votre amitié inconditionnelle dans ce moment chargé de ma vie que fut cette maîtrise.

Merci à ma famille, les personnes les plus importantes de ma vie. Merci d’avoir teinté la personne que je suis. Merci à mes grands-parents Yves, Fleurette, Jean-Guy et Liliane qui sont toujours bien fiers de leur petite-fille. Merci à mes parents et ma marraine Caroline qui m’ont permis d’avoir une éducation et des outils qui me serviront toute ma vie. Merci à ma sœur Charlotte, qui écoute avec intérêt chaque fois que j’aborde mon travail, qui lit mes textes et parle de moi avec fierté. Je suis témoin de ta force de caractère, de ton courage, merci d’être une femme qui m’inspire. Je veux remercier mon père, Conrad de m’avoir transmis son intérêt envers la science et les connaissances. Sincèrement, je tiens à remercier ma mère, Marie-Josée. Merci pour ton amour infini, pour ton soutien, ton don de soi, merci de me guider à travers les étapes de ma vie et d’être toujours présente quand j’en ressens le besoin.

Finalement, je souhaite remercier Alexis, mon amoureux, mon meilleur ami, mon parfait. Merci de m’avoir accompagné à travers tous les hauts, mais aussi tous les bas de cette démarche de maîtrise. Merci de célébrer chacune de mes victoires, aussi petites soient-elles. Merci pour ton intérêt envers mes travaux, pour tes conseils de traduction, merci de sans cesse me rappeler que je peux y arriver. Merci pour ces folies, ces rires, nos projets, merci de me pousser à être une meilleure personne dans toutes les sphères. Je te le dis souvent, mais je m’arrête chaque jour pour contempler la chance que j’ai de t’avoir dans ma vie.

(14)

Avant-propos

Le chapitre 4 de ce mémoire est composé d’un article scientifique qui a été rédigé par Noémie Montminy à titre de première auteure. Conséquemment, elle est responsable de l’analyse des données, de la rédaction ainsi que de la soumission de cet article pour publication. Cette étude vise à répondre aux trois objectifs spécifiques de ce mémoire : 1) mesurer le niveau d’habiletés observées d’AR (émotionnelle, comportementale et cognitive) chez l’enfant à l’éducation préscolaire cinq ans, 2) mesurer le niveau de qualité des interactions en classe d’éducation préscolaire cinq ans, et 3) examiner le lien entre le niveau d’habiletés d’AR émotionnelle, comportementale et cognitive chez l’enfant et la qualité des interactions à l’éducation préscolaire cinq ans. L’article en question a été soumis à la revue Neuroéducation et accepté pour parrution à l’hiver 2020.

Neuroéducation (ISSN : 1929-1833) est une revue scientifique bilingue (anglais et français) en libre accès qui publie depuis 2012 des articles à l'intersection des neurosciences cognitives et de l'éducation. Tous les articles sont soumis à un processus d'évaluation par les pairs à double insu. Cet article a été soumis dans le cadre du numéro spécial titré Neurosciences et éducation à la petite enfance. L’article soumis permettra de contribuer à ce numéro puisqu’il illustre la façon dont les processus cérébraux liés à l’AR (p.ex. l’autocontrôle et les fonctions exécutives) se déploient en contexte d’éducation préscolaire, en plus de montrer comment la qualité des interactions en classe pourrait être liée à ces processus.

Il est à noter que le mémoire par insertion d’article scientifique peut susciter un certain sentiment de redondance. En effet, les chapitres de ce dernier suivent les sections classiques de la méthode scientifique (p.ex. problématique, cadre conceptuel, etc.). Or, l’article, inséré dans ce présent mémoire (chapitre 4), reprend également à lui seul cette structure de manière synthétique.

(15)

Introduction

L’enfant d’âge préscolaire (trois à six ans) en est à un moment charnière de son développement global puisque son cerveau, en pleine spécialisation, est hautement malléable (Early Years Study 4; McCain, 2020; Bick et Nelson, 2017). Comme le développement neurologique de l’enfant représente le chef d’orchestre des autres domaines de son développement global (Provencher et Bouchard, 2019), les changements neuroanatomiques qui se produisent lors de cette période sont essentiels à considérer. De par sa nature neurochimique, le jeune neurone non spécialisé démontre une grande plasticité, soit la capacité des systèmes corticaux immatures à assumer des fonctions plus complexes, telles des fonctions sensorielles, langagières et cognitives, suite à l’expérience (Bukatko et Daehler, 2012). Chez l’enfant, la spécialisation de ces fonctions cérébrales plus complexes déclenche alors une cascade développementale, et ce, pour tous les domaines de son développement global (c.-à-d. moteur, affectif, social, langagier et cognitif) (Papalia, Olds et Feldman, 2010).

À ce titre, bien que des facteurs génétiques proposent l’architecture initiale des aires du cerveau de l’enfant, c’est en fait une combinaison entre les facteurs génétiques, épigénétiques et environnementaux qui la façonnent en permettant de concrétiser les circuits neuronaux (Bukatko et Daehler, 2012; Bick et Nelson, 2017). Dans ses différents milieux de vie (p.ex. famille, voisinage, contextes éducatifs), l'enfant est amené à interagir avec son environnement et les gens qui l'entourent, ce qui contribue à son développement neurologique, voire à son développement global.

D’ailleurs, entre trois et six ans, il est reconnu que le cortex préfrontal, l’aire du cerveau qui est associée au contrôle cognitif et à l’autorégulation [AR], soit en pleine spécialisation, d’où l’importance d’examiner et de soutenir les habiletés qui émergent à cette période cruciale du développement global (Diamond, 2013). D’ailleurs, l’AR, perçue comme la pierre angulaire du développement global (ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2016; Pascal, 2009), reçoit actuellement une attention particulière, tant au niveau social que scientifique (ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2016; Nigg, 2017; Rosanbalm et Murray, 2018d). L’AR, qui représente un processus cognitif complexe, permet à l’enfant de contrôler ses émotions, ses comportements et ses pensées. Ainsi, lorsque l’enfant s’autorégule, il est dans de meilleures dispositions pour créer et maintenir des relations positives avec ses

(16)

pairs, mais aussi pour s’investir pleinement dans des expériences d’apprentissage et de développement dans les milieux qu’il fréquente, tel celui de l'éducation préscolaire (Slot, Mulder et Verhagen, 2017). Pour cause, l’AR de l’enfant s’avère prédicteur de sa réussite éducative présente et future (Becker, Miao, Duncan, et McClelland, 2014; Blair et Razza, 2007; Ponitz, Mcclelland, Matthews, et Morrison, 2009), en plus d’être un élément fondateur de sa santé physique (p.ex. de meilleures habitudes nutritionnelles) et mentale (p.ex. moins de problèmes extériorisés et intériorisés) (Shonkoff et Phillips, 2001; Murray, Rosanbalm, et Christopoulos, 2016), tous des corolaires qui auront des répercussions tout au long de sa vie. Considérant l’importance de l’AR dans le développement global de l’enfant, voire dans sa réussite éducative présente et future ainsi que sur son bienêtre physique et mental, il semble primordial de se questionner sur les facteurs qui permettent de la soutenir chez l’enfant d’âge préscolaire.

Alors qu’il a été démontré que le niveau d’AR pouvait être influencé par des facteurs individuels tels que le sexe et l’âge (Matthews, Ponitz, et Morrison, 2009), les facteurs liés à la famille tels le revenu familial et le niveau d’éducation de la mère semblent aussi être déterminants dans le développement des habiletés qui y sont liées (Rhoades, Greenberg, Lanza, et Blair, 2011). Outre les facteurs liés à l'enfant et à sa famille, des études récentes accordent également une attention envers les facteurs qui permettraient de favoriser l’AR en contexte éducatif, notamment à l'éducation préscolaire, soit lorsque l'enfant est âgé entre quatre et six ans. En ce sens, un large éventail d’études empiriques démontre que les habiletés autorégulationnelles de l’enfant peuvent être soutenues par des interventions structurées et mises en place selon un protocole expérimental ciblant leurs habiletés émotionnelles (Greenberg, 2006), leur capacité d’autocontrôle (Piquero, Jennings et Farrington, 2010) et leurs fonctions exécutives (Diamond, 2012), tous des processus compris dans l’AR.

Une compréhension holistique de l'AR, voire des habiletés mises en place par l'enfant sur les plans émotionnel, comportemental et cognitif, semble à approfondir (Murray, Rosanbalm, Christopoulos, et Hamoudi, 2015). Effectivement, les mesures qui sont actuellement utilisées pour examiner l'AR chez le jeune enfant comportent des limites. D’une part, la plupart d'entre elles traitent les divers processus et composantes (p.ex. connaissance des émotions - habileté de la composante émotionnelle) liés à l’AR de façon séparée. D’autre part, la faible validité écologique de ces mesures liées à l’AR limite actuellement leur application en contexte éducatif tel celui d’éducation préscolaire cinq ans

(17)

(McClelland et Cameron, 2012; Rosanbalm et Murray, 2018b). Or, pour être en mesure d’identifier les pratiques pédagogiques qui permettent de soutenir l’AR chez l’enfant, il demeure primordial d’examiner plus finement les manifestations d'habiletés qui y sont liées chez l’enfant. Pour ce faire, l’observation de l’enfant en contexte naturel s’avère une mesure à privilégier, d’autant plus qu’elle est reconnue comme essentielle à l’éducation préscolaire afin de recueillir des informations sur son niveau de développement, ce qui permet ensuite de guider les interventions de l'adulte (p.ex. les individualiser aux besoins de chacun) afin de soutenir ses habiletés (p.ex. AR) (Escolano-Pérez, Herrero-Nivela, Blanco-Villaseñor, et Teresa Anguera, 2017).

Parallèlement, des chercheurs ont démontré que la qualité des interactions en classe s’avérait prédire les apprentissages et le développement de l’enfant d’âge préscolaire, voire sa réussite éducative (Sabol, Hong, Pianta et Burchinal, 2013). Puisque des chercheurs suggèrent que des facteurs environnementaux permettent de favoriser l’AR de l'enfant, particulièrement ceux associés à la famille, on peut penser que la qualité des interactions en classe d’éducation préscolaire cinq ans pourrait également y contribuer. Et ce, considérant que les habiletés qui y sont liées permettent de prédire sa réussite éducative. L’objectif poursuivi par cette recherche consiste ainsi à étudier les relations entre les habiletés d’AR chez l’enfant âgé de cinq ans et la qualité des interactions en classe d'éducation préscolaire. L’hypothèse posée dans ce mémoire est que la qualité des interactions enseignante1-enfants à l’éducation préscolaire cinq ans, définie en termes de

soutien émotionnel, d’organisation de la classe et de soutien à l'apprentissage, est reliée aux habiletés d’AR observées chez l’enfant, et ce, considérant l’ensemble de ses composantes (émotionnelle, comportementale et cognitive).

À notre connaissance, aucune étude n'a examiné les habiletés d'AR de l'enfant âgé de cinq ans à l'aide d'un outil d'observation en contexte naturel de classe. Qui plus est, aucun autre chercheur n’a mesuré le niveau d’AR de l’enfant d’âge préscolaire en considérant les trois composantes qui y sont rattachées, lesquelles sont pourtant indissociables. Ainsi, de manière novatrice, ce mémoire propose d'observer les habiletés d'AR dans son entièreté, et ce, en contexte d'éducation préscolaire.

1L’usage au féminin a été privilégié en référence à la forte représentativité féminine au sein de cette profession, et ce, tout au long de

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Ce mémoire se divise en cinq chapitres. Le premier chapitre expose la problématique de la recherche tout en situant sa pertinence sociale et scientifique. Il est d’abord question de la réussite éducative et du développement global de l’enfant. L’AR, pierre d’assise du développement et des apprentissages de l’enfant, voire sa réussite éducative, est par la suite présentée. Finalement, les possibles liens entre l’AR et la qualité des interactions en classe sont abordés. Ce chapitre se termine par la question de recherche.

Le second chapitre présente les écrits théoriques et empiriques ayant mené à la définition des concepts à l’étude, soit l’AR et la qualité des interactions en classe. Un modèle intégrateur des concepts à l’étude est également présenté. Ce chapitre se conclut par les objectifs de la recherche. Le troisième chapitre porte sur la méthodologie employée pour répondre aux objectifs de l’étude. Il est question des participants, des outils de mesures, des étapes de conception de l’outil d’observation des habiletés d’AR en contexte naturel ainsi que du plan d’analyses.

Le chapitre 4, sous forme d’article scientifique, divulgue les résultats obtenus et discute de leurs implications. Le cinquième chapitre, la conclusion, présente les forces ainsi que les faiblesses de la présente étude. Il aborde également les implications futures pour la recherche ainsi que pour la pratique, pour finalement conclure ce mémoire.

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Chapitre 1 : Problématique

1.1. La réussite éducative

Le concept de réussite éducative, qui peut être défini comme l’acquisition d’un ensemble d’habiletés motrices, socioémotionnelles, langagières et cognitives (Lemelin et Boivin, 2007; Mary, Rafoth, Buchenauer, Crissman, et Halko, 2004; Willis et Dinehart, 2014), se retrouve actuellement au cœur des préoccupations sociales et scientifiques (Duncan, Schmitt, Burke, et McClelland, 2018; Gouvernement du Québec, 2016). De nouvelles initiatives faisant de la réussite éducative un point central des intérêts des acteurs de l’éducation naissent, et ce, un peu partout à travers le monde. Ces initiatives, menées autant sur le plan international que national, démontrent qu'un souci envers les manières de soutenir la réussite éducative de l'enfant2, dès son plus jeune âge. À titre illustratif, le ministère de l’Éducation nationale

de France a développé, en 2013, le document Le Pacte pour la réussite éducative, tandis que l’Australie a mis en place, en 2016, une réforme sociale en matière de réussite éducative, laquelle est nommée Education State (Department of education and Training, 2016).

Au Canada, le système d’éducation ontarien a revu sa vision de l’éducation dans un rapport titré Atteindre l’Excellence (ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2014), alors qu'au Québec, des initiatives telles que la consultation publique de 2016 (ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, 2016) ont mené à une Politique de réussite éducative en juin 2017. Cette dernière politique propose une vue d’ensemble de l’éducation, allant de la petite enfance à l’âge adulte, tout en confirmant la nécessité d’agir dès le plus jeune âge et de façon concertée (ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, 2017). Une importance particulière est d'ailleurs accordée à la période de la petite enfance (0-8 an) au sein de cette initiative québécoise, par la mise en place de la stratégie Tout pour nos enfants, laquelle présente notamment des mesures pour implanter des pratiques pédagogiques de qualité dans les contextes éducatifs de la petite enfance (ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, 2017). Ainsi, on peut voir dans cette Politique

2 Tout au long de ce mémoire, le terme enfant sera utilisé pour faire référence aux enfants âgés de quatre à six ans qui fréquentent

l’éducation préscolaire. Cette mise au singulier traduit également la posture de l’auteure s’insérant dans une approche centrée sur l’enfant dans son individualité en tant que principal acteur de ses apprentissages et de son développement.

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de réussite éducative une attention portée envers la qualité de l'éducation offerte à l'enfant, et ce, dès son entrée en contexte éducatif.

Du point de vue scientifique, plusieurs chercheurs ont montré que la réussite éducative mesurée chez l’enfant âgé entre 0-8 an s’avère prédictive de sa réussite future (Blair, 2002; Bodrova et Leong, 2005; Duncan et al., 2007; Fairbrother et Whitley, 2012; High, and the Committee on Early Childhood, Care, et Health, 2008), d'où l’importance d'examiner les facteurs qui peuvent l'influencer dès l'entrée à l’école. En ce sens, Duncan et ses collaborateurs (2007) ont considéré six études longitudinales à grande échelle en provenance de la Grande-Bretagne, des États-Unis ainsi que du Canada afin de mettre en lumière les habiletés précoces qui seraient associées à la réussite ultérieure de l’enfant. Dans le cadre de leurs travaux, ces derniers ont identifié plus particulièrement trois habiletés comme étant des prédicteurs de la réussite éducative future de l’enfant (Duncan et al., 2007) : 1) celles liées à l’émergence des mathématiques, 2) celles associées à l'émergence de la lecture, et 3) les habiletés reliées à attention.

Au Québec, l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec [ÉLDEQ] (1998-2010) a également permis d'identifier les habiletés prédictives de la réussite éducative chez l’enfant. Plus précisément, les données ont montré que les habiletés motrices, cognitives et langagières, reliées aux domaines du développement global, mesurées chez l’enfant de cinq ans étaient associées à sa réussite éducative en quatrième année du primaire (Pagani et al., 2011).

Ces avancées, tant sur le plan social (p.ex. politiques) que scientifique (p.ex. enquêtes), mettent l’emphase sur l’importance d’adopter une vision globale de l’enfant afin de mesurer et de soutenir sa réussite éducative en contexte d’éducation préscolaire, laquelle prédit sa réussite future. Alors qu’en anglais l’expression whole child (traduction libre : l’enfant comme un tout) est utilisée à travers le monde pour référer à l’enfant dans sa globalité (p.ex. Diamond, 2010), ici, au Québec, l’expression développement global est plutôt employée pour signifier l’importance de considérer tous les domaines du développement de l’enfant, puisqu’il permet de prédire sa réussite éducative.

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1.1.1. Le développement global, indicateur de la réussite éducative

Au Québec, le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement Supérieur (MÉES, 2006, 2017) et celui de la Famille (MFA, 2019) placent le développement global de l’enfant au cœur des programmes éducatifs dédiés à la petite enfance (0-5 an) (p.ex. le programme Accueillir la petite enfance en services de garde éducatifs à l’enfance [SGÉE] et les programmes d’éducation préscolaire quatre et cinq ans). L’expression développement global fait référence à la façon même dont l’enfant apprend et se développe dans tous ses domaines (physique et moteur, affectif, social, langagier et cognitif) de façon simultanée et intégrée (Paule et Martin, 2014; Bouchard, 2019). Ainsi, le développement de l’enfant est global, car il forme un tout, mais il est aussi intégré puisque les domaines qui le composent s’interinfluencent et s’intègrent les unes aux autres pour former ce tout (Bouchard, 2019). À titre d’exemple, le développement langagier s’internalise chez l’enfant afin de favoriser la métacognition, processus3 essentiel au développement cognitif (Bodrova et Leong, 2007).

Puisque le niveau de développement global permet de mesurer la réussite éducative présente et future des enfants d'âge préscolaire (Poissant et Gamache, 2016) différentes enquêtes québécoises sont menées tous les cinq ans afin de brosser leur portrait, et ce, lorsqu'ils entrent à l'école. Deux de ces enquêtes ont révélé que le portrait actuel du développement des enfants québécois s’avère questionnant. D'abord, les données de l'Enquête québécoise sur le développement des enfants de la maternelle [EQDEM], menée en 2012 par l’Institut de la statistique du Québec [ISQ], présentent que 26% des enfants qui fréquentaient une classe de maternelle lors de cette année étaient vulnérables4 dans au

moins un domaine de leur développement, soit sur le plan physique et moteur, social, affectif, langagier ou cognitif. En 2018, la parution des résultats de la deuxième EQDEM, menée en 2017 auprès de 83 000 enfants québécois, démontre que plus du quart (27,7 %) de ces derniers sont alors considérés vulnérables dans au moins un domaine de leur développement. Ce chiffre s’élève à un enfant sur trois dans les milieux défavorisés (ISQ, 2017).

3 L’auteure distingue, dans ce mémoire, les processus des habiletés en référence à la théorie du traitement de l’information (Fortin et

Rousseau, 2012). Les processus de pensée consistent en différentes modalités de percevoir et traiter l’information (p.ex. l’autocontrôle) alors que les habiletés réfèrent aux manifestations observables de ces processus (p.ex. attendre son tour de parole – habileté liée à l'autocontrôle).

4 L’enfant vulnérable est considéré comme un enfant à risque en raison d’un cumul de facteurs de risques présents dans son

environnement (Duval, 2013). Dans les milieux dont les familles sont les plus défavorisées matériellement, la proportion d’enfants vulnérables dans au moins un domaine de développement s’élève à 31% comparativement à 21% pour les enfants issus de milieux plus favorisés (Poissant et Gamache, 2016).

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Ces constats concernant le niveau de développement de l'enfant à la maternelle amènent à se questionner sur les façons de le favoriser, voire de soutenir sa réussite éducative dès son entrée à l’école. En ce sens, des chercheurs soulignent l’importance de s’attarder plus particulièrement aux habiletés cognitives de l'enfant, lesquelles permettent d'influencer celles liées aux autres domaines de son développement global (p.ex. Berk, 2018; Duncan et al., 2007; Duncan et al., 2018; High et al., 2008; Raver et al., 2011; Ursache, Blair, et Raver, 2012). Dans un document publié par le ministère de la Famille (Duval et Bouchard, 2013), il est proposé que l’élément unissant les connaissances et les habiletés de l'enfant en termes de réussite éducative pourrait être les fonctions exécutives [FE], processus cognitifs de haut niveau impliqués dans la coordination de comportements nouveaux et complexes (De Luca et Leventer, 2008).

Dans le même ordre d'idées, Pascal (2007) suggère que l’AR5, qui représente également

un processus cognitif complexe,pourrait constituer la pierre d’assise du développement global de l’enfant (Pascal, 2009), car les habiletés y étant liées lui permettent de s’investir pleinement dans des expériences d’apprentissage et de développement (Fairbrother et Whitley, 2012; Nigg, 2017). Il est à noter que les FE et l'AR sont des concepts intimement liés, car les FE s’avèrent être le contrôle cognitif permettant à l’enfant de s’arrêter, penser, puis agir. Ainsi, l'AR représente un concept plus large qui mérite une attention particulière, notamment chez le jeune enfant, soit lorsque les habiletés qui y sont associées sont en plein essor (Moreno, Shwayder et Friedman, 2017).

D’ailleurs, le ministère de l’Ontario souligne, dans son programme d'éducation préscolaire, l'importance de l'AR dans le développement de l'enfant. Ce concept est alors défini telle :

« […] (la capacité de l'enfant) d’établir ses propres limites et de gérer ses émotions, sa capacité d’attention et son comportement, permet à l’enfant de développer son bien-être émotionnel, ses états d’esprit et ses dispositions à agir, comme la persévérance et la curiosité, qui sont indispensables à ce stade de développement et qui définissent l’apprentissage tout au long de la vie » (ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2016).

Ce passage du programme ontarien illustre bien l'importance de l'AR, et ce, dans tous les domaines du développement global de l'enfant, lesquels permettent de mesurer sa réussite éducative présente et future. La prochaine section vise à illustrer la pertinence d'étudier l’AR

5 Pour l’auteure, le terme autorégulation renvoie toujours à l’intégration de trois composantes essentielles: 1) émotionnelle, 2)

comportementale, et 3) cognitive). Ces trois composantes forme un tout, une partie intégrante et indissociable de l’AR (Murray et al., 2015). Lorsqu’il sera question d’une composante particulière, cette dernière sera explicitement nommée. De plus amples informations

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chez l’enfant d’âge préscolaire, mais également les défis relativement à la mesure de ce concept complexe à opérationnaliser.

1.2. L’autorégulation à l’éducation préscolaire

L’AR permet à l’enfant de s’arrêter pour mieux penser, afin qu’il agisse de manière consciente, et ce, tant au niveau émotionnel, que comportemental et cognitif (McClelland et Tominey, 2016). Grâce à ses habiletés liées à l'AR, l’enfant contrôle ses émotions, ses comportements et ses pensées de manière à créer et maintenir des relations positives avec ses pairs, mais aussi de s’investir pleinement dans des expériences d’apprentissage et de développement (Slot, Mulder et Verhagen, 2017).

S’il semble essentiel d’étudier l’AR à l’éducation préscolaire de manière à soutenir la réussite éducative de chacun, force est de constater que certains aspects théoriques reliés à ce concept ne font pas l’objet d’un consensus dans la communauté scientifique (Blair et Diamond, 2008; Blair et Raver, 2015; Duncan et al., 2018; Slot, Mulder, Verhagen, et Leseman, 2017; Willis et Dinehart, 2014). En effet, les habiletés abordées dans les études menées sur l’AR diffèrent selon le courant de recherche emprunté par les chercheurs qui s'y intéressent. À titre d’exemple, les travaux menés en recherche tempéramentale portent davantage sur la composante émotionnelle de l'AR, alors que les recherches cognitivistes considèrent plutôt l'AR en tant que processus cognitifs (p.ex. les FE) (Roebers, 2017). Par conséquent, il est difficile de cerner précisément les habiletés liées à l’AR qui peuvent être manifestées chez les enfants, de même que d’examiner les pratiques pédagogiques qui permettent de les soutenir en classe (Nigg, 2017).

Pourtant, l’émotion, le comportement et la cognition sont intimement liés, en plus d'avoir un effet sur l’ensemble des habiletés de l’enfant (p.ex. sur le plan social, langagier, etc.; Leerkes, Paradise, Brien, Calkins, et Lange, 2008). On peut penser à un enfant, lors d'une situation de conflit, qui utilise ses habiletés émotionnelles pour reconnaitre ses émotions et celles des autres, mais aussi des habiletés cognitives pour réfléchir aux manières de résoudre le conflit, par exemple en considérant le point de vue des autres enfants (c.-à-d. habiletés découlant du processus de la flexibilité cognitive). Ainsi le concept d’AR est constitué de plusieurs composantes qui doivent être considérées de façon simultanée et intégrée : 1) la composante émotionnelle, 2) la composante comportementale et 3) la

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composante cognitive. Ces trois composantes font, en réalité, qu’un seul construit (Calkins et Williford, 2009; Nigg, 2017).

Plusieurs études récentes suggèrent d’examiner ces trois composantes en tant qu’un tout (concept d’AR), de manière à mieux comprendre comment les habiletés émotionnelles, comportementales et cognitives de l’enfant se manifestent et s’influencent en contexte naturel (Eisenberg et al., 2017; Lin, Liew, et Perez, 2019; Nigg, 2017), tel qu'en classe. Plus précisément, on peut penser que l’observation des habiletés liées à ces trois composantes de l’AR permettrait à l’enseignante d’obtenir des indices sur le niveau développemental de l’enfant, ce qui l’amènerait à mettre en place des interventions ajustées aux besoins de chacun. Toutefois, avant d’orienter les pratiques pédagogiques qui permettent de soutenir les trois composantes de l’AR chez l’enfant, il demeure primordial d’examiner plus finement les manifestations d’AR chez l’enfant.

1.2.1. Mesurer l’autorégulation chez l’enfant

L’étude de l’AR chez l’enfant en contexte éducatif dépend largement des mesures utilisées par les chercheurs qui s'y intéressent, lesquelles sont actuellement limitées pour deux raisons : 1 ) la plupart des mesures traitent les composantes d’AR de façon séparée et 2) la faible validité écologique des mesures liées à l’AR limite leur application au contexte éducatif (McClelland et Cameron, 2012).

En ce sens, Murray, Rosanbalm et Christopoulos (2016) affirment que la façon de mesurer l’AR est la principale cause des difficultés d’application entre la recherche et la pratique. En effet, selon une recension des écrits menée par les chercheurs6, il existe un grand nombre

de mesures et de recherches ciblant un large éventail de processus différents, mais tous liés à l’AR, tels que les processus émotionnels, comportementaux et cognitifs (p.ex. les FE) (Murray et al., 2016). Le Tableau 1.1 illustre les différents processus recensés dans les études pouvant tous être intégrés à la définition de l’AR, mais où une seule portion de ce concept complexe est réellement mesurée. Le fait de mesurer différents processus pour référer au concept d’AR (p.ex. connaissance des émotions, processus lié à la composante émotionnelle de l’AR) complique l’interprétation des conclusions pouvant être tirées des

6Les auteurs ont recensé de façon systématique 311 études liées au mots-clés autorégulation et intervention. De ces études 299

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études, voire l’association entre le processus et l’habileté pouvant réellement être perçue chez l’enfant, notamment en contexte de classe (Rosanbalm et Murray, 2018b).

Tableau 1.1.

Processus d’autorégulation recensés par Murray, Rosanbalm et Christopoulos (2016) (traduction libre)

Composantes de l’AR Processus recensés

Émotionnelle Connaissance des émotions, modulation des émotions, aptitude à redevenir calme, empathie, expression des sentiments.

Comportementale

Habiletés d'adaptation positives, coopération; amélioration de l'agressivité, des comportements perturbateurs, de l'opposition et de l'hyperactivité.

Cognitive

Fonctions exécutives (inhibition, mémoire de travail et flexibilité cognitive), attention, concentration, croyances, habiletés cognitives générales (p.ex. le QI), établissement d'objectifs, planification, résolution de problèmes, rumination, concept de soi, théorie de l'esprit, pleine conscience.

Puisque mesurer l'ensemble du construit d'AR peut s’avérer d’envergure (p.ex. en termes de temps et de coûts), les chercheurs font souvent le choix de se limiter un seul processus rattaché à une seule composante de l'AR à la fois (p.ex. la gestion des émotions telle que mesurée par le Questionnaire pour Enfant de la Gestion des Émotions; Gross et John, 2003). De manière plus précise, il est possible de recenser principalement trois types de mesures permettant de mesurer les processus liés à l’AR ayant chacun leurs avantages et leurs limites: 1) les mesures directes en laboratoire, 2) les mesures structurées et 3) les mesures rapportées (Smith-Donald, Raver, Hayes, et Richardson, 2007).

1.2.1.1. Les mesures directes

Les habiletés liées à l'AR chez les enfants d’âge préscolaire sont souvent mesurées de manière directe, soit par l'administration de tâches individuelles effectuées en laboratoire. Par exemple, pour examiner les habiletés liées à l’AR cognitive, un test de mémoire de travail peut être administré à l'enfant, où on lui demande de répéter à rebours une série de chiffres donnée (Digit Span Backward, Davis et Pratt, 1995). Les mesures directes, issues des recherches en psychologie clinique, ont d’abord été pensées dans une perspective diagnostique ou de recherche nécessitant la suppression de possibles variables confondantes pour se rapprocher le plus possible du score « vrai » lié à l’habileté ciblée. En plus de permettre une comparaison à des normes développementales, elles ont donc

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l’avantage de réduire l’éventail de variables confondantes, voire d’augmenter la validité interne d’une étude (Mueller et Knapp, 2019).

Habituellement, ce genre de mesure est considéré comme ayant une faible validité écologique, ce qui signifie que l’enfant est retiré de la classe pour effectuer une tâche précise, laquelle ne cible qu’une habileté d’AR. Par conséquent, le contexte où est placé l'enfant n’est pas représentatif des demandes réelles liées à l'environnement de la classe. Par exemple, un enfant qui performe bien dans une tâche de mémoire de travail, tel que celle mentionnée ci-haut et réalisée de façon individuelle, pourrait avoir de la difficulté à mettre en place des stratégies liées à la mémoire (AR cognitive) dans une classe où de multiples distractions sont présentes (McClelland et Cameron, 2012).

1.2.1.2. Les mesures structurées

Les habiletés liées à l'AR chez les enfants d’âge préscolaire peuvent aussi être mesurées par des mesures structurées, qui consistent en des tâches que plusieurs enfants vivent en même temps. Plus précisément, ce type de tâche amène les enfants à vivre une situation hypothétique dans laquelle on observe leurs réactions face aux stresseurs présentés (Smith-Donald et al., 2007). Par exemple, il peut s’agir d’une lecture d’histoire visant à observer des réactions émotionnelles ou encore à une tâche d’inhibition comportementale (AR comportementale) de type Jean Dit (Marshall et Drew, 2014). Les mesures structurées donnent la possibilité de comparer les réponses des enfants face à une même situation, voire de déterminer la façon dont ils font preuve de régulation en réaction à un stresseur spécifique (Smith-Donald et al., 2007). Elles peuvent donc être utiles afin de déterminer l’éventail de réponses et de stratégies de régulation mises en place en fonction de l’âge de l’enfant (p.ex. outils ayant une grande sensibilité développementale) (McClelland et Cameron, 2012).

Bien qu’elles puissent ressembler à des activités qui peuvent être vécues de manière quotidienne à l’éducation préscolaire (réalisées en contexte naturel), elles sont dirigées et provoquées par l'adulte. Ainsi, les généralisations émises ne peuvent pas affirmer que les habiletés suscitées par ce genre d’activité représentent celles suscitées naturellement et spontanément par l'enfant.

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1.2.1.3. Les mesures rapportées

Au-delà des mesures administrées, la majorité des outils actuels permettant de mesurer l’AR reposent sur des questionnaires et sondages remplis pas l’enseignante et/ou le parent de l'enfant. Par exemple, des chercheurs utilisent le Child Behavior Checklist Preschool (CBCL/1½-5; Achenbach et Rescorla, 2000), un questionnaire qui peut être rempli par l’enseignante en cotant le comportement de l’enfant sur une échelle en trois points. Les mesures rapportées ont l’avantage d’être complétées par des personnes (p.ex. parent et enseignantes) qui sont en contact quotidien et constant avec l’enfant. Ce type de mesure permet d’apporter une perspective unique sur la façon dont l’enfant déploie ses stratégies d’AR (Smith-Donald et al., 2007). D’un point de vue méthodologique, ce genre d’outil a l’avantage de réduire le matériel nécessaire à la collecte, de ne pas avoir à entrainer des auxiliaires de recherche et de permettre une collecte sur un grand nombre de participants en peu de temps (Smith-Donald et al., 2007).

Ces instruments sont utiles pour fournir de l’information quant à certains aspects de l’AR chez l’enfant, mais ils sont également teintés par le biais de l’observateur (McClelland et Cameron, 2012). C'est pourquoi Blair (2003) remet en question les liens que peuvent avoir ce type de mesures avec des tâches en laboratoire. Ce chercheur a d'ailleurs montré que la perception que l’enseignante avait de la capacité d’inhibition de l’enfant (AR cognitive) n’était pas corrélée à la manière dont cette habileté était examinée en laboratoire. Une méta-analyse menée par Duckworth et Kern (2011) soutient les résultats de Blair (2003) en démontrant que les mesures de types rapportées liées à l’AR (p.ex. questionnaires) corrèlent très faiblement aux mesures directes effectuées en laboratoire. Ainsi, selon Eisenberg et ses collaborateurs (2017), les mesures de types rapportées peuvent mener à des conclusions potentiellement surgénéralisées sur l’AR. Ce genre de mesures ne permettraient donc pas de saisir complètement le concept d'AR dans son ampleur et sa complexité, c'est-à-dire de façon unifiée en considérant les composantes émotionnelle, comportementale et cognitive.

1.2.1.4. Une mesure holistique de l’autorégulation

À ce jour, une seule mesure permet d'examiner l’AR à proprement parler, c’est-à-dire considérant les trois composantes à la fois (émotionnelle, comportementale et cognitive), soit le Preschool Self-Regulation Assessment (PSRA; Smith-Donald, Raver, Hayes, et

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Richardson, 2007). Cette mesure directe consiste en une adaptation de 10 sous-tests chacun lié à des habiletés comportementales et cognitives de l’AR suivie d’un rapport de l’observateur contenant 28 items reliés aux habiletés émotionnelles (Smith-Donald et al., 2007). L’évaluation de cet outil a révélé des chevauchements importants entre certaines composantes de l’AR, tendant ainsi à proposer un concept unifié de l'AR chez les enfants d’âge préscolaire. Par exemple, les résultats associés à la régulation cognitive et la régulation comportementale des enfants d’âge préscolaire étaient médiés par ceux reliés à la régulation des émotions, en plus d'être fortement corrélés entre eux (Smith-Donald et al., 2007). Les chercheurs qui ont développé cet outil ont ainsi regroupé les items de ce dernier en un seul construit (l’AR) (Smith-Donald et al., 2007), afin d'en faire une mesure unifiée. Bien que cet outil permette de mesurer les trois composantes d'AR, il s'agit d'une mesure directe, laquelle comporte des limites telles qu'abordées précédemment. À ce jour, il n’existe donc pas, du moins à notre connaissance, d’outils d'observation systématique des trois composantes de l’AR en contexte naturel (ici en contexte de classe d’éducation préscolaire 5 ans). Une telle mesure permettrait notamment de mieux comprendre comment elles les habiletés d'AR de l'enfant se manifestent en classe (Garc et Weiss, 2016; Leerkes et al., 2008), soit pendant les activités habituelles qui y ont lieu (p.ex. en contexte de jeu symbolique).

En recherche en éducation, le contexte est pourtant primordial à considérer dans la compréhension des mécanismes mis en place par l’enfant pour réguler ses émotions, ses comportements et ses pensées en classe (McClelland et Cameron, 2012), puisque ces processus ne surviennent jamais de façon isolée (Leerkes et al., 2008). Qui plus est, les avantages d’utiliser des mesures plus précises et adaptées au construit à l’étude (p.ex. qui considèrent les habiletés d’AR sous toutes les composantes) seraient considérables sur le plan statistique, allant jusqu’à augmenter la probabilité de trouver des liens significatifs entre les habiletés de l’enfant et des facteurs d’influence reconnus (p.ex. la qualité des interactions qui représente un facteur lié à l’environnement) (Raver et al., 2012). Ces liens statistiques permettraient alors de mieux comprendre les mécanismes interactionnels pouvant soutenir l’AR, notamment en contexte de classe.

En somme, il semble essentiel de se questionner sur les manières de mesurer les manifestations d'AR en contexte naturel de classe, de manière à mieux soutenir l'enfant, voire à promouvoir sa réussite éducative présente et future. Pour ce faire, on peut penser

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que mesurer l’AR à l'aide d'un outil d’observation systématique permettrait aux chercheurs de mieux répertorier et comprendre les manifestations des trois composantes y étant liées à l’éducation préscolaire, pour ensuite émettre des retombées et des pistes d'intervention (retombées dans les milieux de pratique).

1.2.1.5 Miser sur l’observation des habiletés liées à l’autorégulation

Un rapport du Early Head Start National Resource Center (2013) suggère l’observation comme méthode première pour récolter des données sur l'apprentissage et le développement de l’enfant, et ce, pour deux raisons. Premièrement, l'observation permet de mesurer le progrès et l’acquisition de nouvelles habiletés chez l’enfant sur une période donnée. Deuxièmement, la différenciation pédagogique, c’est-à-dire l’utilisation des informations recueillies par l’observation pour personnaliser les interactions, les expériences et la structuration de l’environnement afin de répondre aux intérêts, aux compétences et aux besoins propres à chaque enfant, ne peut se faire sans l’observation (Early Head Start National Resource Center, 2013).

Toutefois, à ce jour, peu d’études ont utilisé l’observation pour mesurer les habiletés cognitives à l’éducation préscolaire (Duval, Montminy et Gaudette-Leblanc, 2018; Escolano-Pérez et al., 2017; Moreno, Shwayder, et Friedman, 2017), encore moins celles liées à l'AR de façon unifié. Nieto et ses collaborateurs (2016) discutent d’ailleurs de l’importance de mener des recherches sur le lien entre l'observation de l'enfant et la manifestation de ses habiletés cognitives (p.ex. AR) en contexte de classe à l’éducation préscolaire, dans le but de soutenir les praticiens (p.ex. enseignantes) dans le déploiement de leurs interventions auprès des enfants (transfert dans la pratique).

Ces constats supportent alors le besoin de créer un outil d’observation des habiletés liées à l’AR en contexte naturel de classe puisque l'étude du milieu s’avère un élément central en recherche appliquée, notamment dans le modèle du développement humain contextualisé, tel que proposé par Lerner (1991). Par opposition au modèle de recherche développemental s’inscrivant davantage dans le déterminisme biologique (Bjorklund et Causey, 2018), le modèle du développement contextualisé considère que l’humain (ici l’enfant) et son développement doivent être examinés au regard des différents contextes dans lesquels il évolue (p.ex. sa famille, sa classe, sa communauté). Ainsi, le modèle du développement contextualisé de l’enfant place ce dernier en tant qu’agent actif de son développement

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(Bjorklund et Causey, 2018), ce qui signifie que l’expérience et l’environnement (le contexte), bien qu’influencé par les facteurs génétiques et biologiques, ont un immense rôle à jouer dans l’apprentissage et le développement de l’enfant (Bjorklund et Causey, 2018). Les prochaines sections s’attarderont donc à dégager les facteurs d'influence qui sont possiblement associées au développement de l’AR chez l’enfant d’âge préscolaire : 1) les facteurs liés à l’enfant et 2) ceux liés à l’environnement.

1.2.2. Les facteurs liés à l’enfant

Des auteurs ont avancé qu’une portion notable de la génétique de l’enfant était liée au développement de ses habiletés d’AR (p.ex. Eisenberg, Spinrad, et Eggum, 2010; Kochanska, Philibert, et Barry, 2009). De manière plus précise, des chercheurs ont montré que l’hérédité détermine une portion du développement des structures du cerveau (p.ex. le cortex préfrontal et l’amygdale) liées au déploiement des habiletés liées à l’AR (Murray, Rosanbalm, Christopoulos, et Hamoudi, 2015). Parmi les gènes potentiellement impliqués dans le développement des habiletés d’AR, le transporteur de la sérotonine (5-HT) et sa région régulatrice du gène (5-HTTLPR) ont fait l’objet d'un grand nombre d’analyses (Kochanska et al., 2009). La sérotonine est un neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux central. Les dysfonctionnements du système sérotoninergique ont été fortement impliqués dans la régulation de l'humeur (p.ex. disposition et variations des émotions) et des habiletés cognitives telles l'attention et l’inhibition (Kochanska et al., 2009).

Outre les facteurs génétiques, des études ont montré que certains facteurs biologiques pourraient influencer les habiletés d'AR chez l'enfant, tel que le sexe de ce dernier (Murray et al., 2015). En effet, certaines études démontrent que de plus faibles habiletés cognitives, majoritairement observées chez les garçons d’âge préscolaire (Raver, Mccoy, Lowenstein, et Pess, 2013; Stifter et Spinrad, 2002), seraient associées aux comportements non régulés tels les problèmes d’attention et d’agressivité (Murray et al., 2015). Néanmoins, ces effets associés au sexe de l'enfant tendent à être faibles et non constants d’une étude à l’autre (Murray et al., 2015). Ces effets ne semblent pas non plus refléter des différences en ce qui a trait au développement de l’AR à long terme, c'est-à-dire qu'ils tendent à disparaitre à l’adolescence et à l’âge adulte (Raffaelli, Crockett, et Shen, 2005). Comme les liens entre le sexe de l’enfant et les habiletés liées à l’AR sont mitigés, il semble intéressant d’y accorder une certaine attention dans la présente étude.

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En plus du sexe, le tempérament de l’enfant peut également être un facteur d’origine biologique liée au développement des habiletés d’AR, lequel peut être défini comme son niveau de réactivité de base et sa capacité naturelle à conserver son état dans les différentes situations qui se présentent à lui (p.ex. demeurer calme dans une situation conflictuelle) (Mcclelland et Tominey, 2015). Les différences individuelles reliées au tempérament servent de socle à la personnalité propre à chaque enfant et peuvent se présenter sous plusieurs facettes dans la classe. Alors que certains enfants peuvent être de nature calme, d’autres peuvent être de nature réactive (Mcclelland et Tominey, 2015). Bien que des auteurs (p.ex. Raffaelli, Crockett, et Shen, 2005) affirment que le tempérament des enfants est relativement stable durant l’enfance, d’autres chercheurs (p.ex. Mcclelland et Tominey, 2015) soutiennent qu'il est malléable et grandement influencé par l’environnement, notamment par la qualité de la relation avec le parent et l’enseignante, qui fait partie des facteurs environnementaux présentés ici-bas.

Finalement, l’âge de l’enfant est également un facteur important à considérer dans le déploiement des habiletés liées à l’AR, notamment en raison de la maturation cérébrale. La maturation des régions corticales associées à l’AR (c.-à-d. le cortex préfrontal, l’amygdale, l’hypothalamus et le cortex cingulaire antérieur) fait en sorte que ces régions corticales se spécialisent de manière significative entre trois et six ans (Anderson, Jacobs, et Anderson, 2010; Blair, 2002; Diamond, 2013). En effet, dès l’âge de trois ans, le cerveau d’un enfant possède deux fois plus de synapses qu’un cerveau adulte, ce qui équivaut à un billion de connexions excédentaires, non nécessaires au fonctionnement d’un cerveau adulte (Hirsh-Pasek, Golinkoff, et Eyer, 2004).

Plus l’enfant grandit, plus les connexions de son cerveau sont simplifiées, ce qui permet d'assurer des connexions plus efficaces; ce processus se nomme l’élagage synaptique (Bear, Connors, et Paradiso, 2016). Comment le cerveau arrive-t-il à sélectionner les connexions à conserver lors de cette spécialisation ? Des chercheurs suggèrent que chacune des expériences de l’enfant influence la configuration finale de son cerveau (Hirsh-Pasek et al., 2004). En effet, chaque fois qu’une synapse produit une connexion, cette synapse devient de plus en plus résiliente et robuste, lui donnant plus de chance de subsister, au contraire des synapses non utilisées (Hebb, 1949). Plus précisément, des recherches ont montré que la sollicitation répétée et signifiante de ces régions contribue au développement de l'AR chez l'enfant d'âge préscolaire. Ceci signifie que lorsque l’enfant s’engage de manière répétée dans des situations qui lui permettent de mettre en place des

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habiletés liées à l’AR (p.ex. respecter son rôle dans un contexte de jeu symbolique), les aires du cerveau correspondantes peuvent alors se spécialiser (Bear, Connors, et Paradiso, 2016 ; Bodrova et Leong, 2008 ; Zelazo, 2013).

Enfin, bien que les facteurs génétiques et biologiques jouent sans contredit un rôle dans le développement des habiletés d'AR manifestées par l’enfant, l’environnement ou le contexte dans lequel il évolue semble également avoir une influence sur sa capacité à s’autoréguler (Murray et al., 2015).

1.2.3. Les facteurs liés à l’environnement

Alors que la biologie met en place les bases de l’AR (p.ex. les capacités physiologiques et attentionnelles), les processus plus complexes reliés aux émotions, au comportement, et à la pensée, de même que la motivation de l’enfant à les déployer se développe à travers ses interactions avec l’environnement et les personnes qui l'entourent (p.ex. parents, fratrie, pairs, enseignante) (Rosanbalm et Murray, 2018c).

1.2.3.1. L’environnement familial

De nombreuses études (p.ex. Cadima, Enrico, et al., 2016; Gärtner, Vetter, Schäferling, et Reuner, 2018; Pallini et al., 2018; Tamis-LeMonda, Shannon, Cabrera, et Lamb, 2004) ont montré un lien entre la qualité de l’environnement familial et certains processus liés à l’AR de l’enfant. En ce sens, Mullainathan et Shafir (2013) estiment que l'un des concepts permettant d’expliquer le lien entre l’environnement familial et le développement de l'AR est celui de la pauvreté psychologique (traduction libre de psychology of scarcity). Ce concept suggère que manquer de ressources monétaires, alimentaires, temporelles et même de ressources sociales peut réduire considérablement la bande passante mentale de l’enfant (traduction libre de mental bandwidth), c’est-à-dire ses capacités à inhiber, se concentrer, planifier et résoudre des problèmes, habiletés liées aux composantes de l’AR. En d’autres termes, le stress, la fatigue et les inquiétudes qui peuvent accompagner le fait de vivre dans la pauvreté peuvent réduire l’énergie et les ressources disponibles pour favoriser et soutenir le développement des habiletés d'AR7.

7 La perspective neurocognitive qui a contribué à la définition de l’AR retenue dans ce mémoire soutient d’ailleurs cet argumentaire en

Figure

Figure 2.1. Développement hiérarchique des trois composantes de l'autorégulation (figure adaptée  de Calkins et Wiliford, 2009)
Figure 2.2. Composantes, processus et habiletés observables. Échelle d’observation de  l’autorégulation en contexte de jeu symbolique (Montminy et Duval, 2019, voir Annexe C) 10
Figure 2.3. Liens entre les composantes de l'autorégulation (inspirée de Murray et al., 2015,  habiletés d’AR tirées de Montminy et Duval, 2019 voir Annexe C)
Figure 2.4. Processus partagé du développement de l’autorégulation.
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Références

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