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La problématique de la communication dans trois romans d'André Langevin /

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Academic year: 2021

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(1)

(

La problémntique dE! la communication dans trois romans d'AndT~ Langevin

hy

Véronique Garneau

A

thesis submitted ta the Farulty of

Graduate Studies and Research in partial fulfillment of the rcquirements

for the degree of Master of Arts

Department of French Language Dnd Literature

MeCi11

University,

Montréal

Septernber 1990

(2)

1

Je tiells à remercier tout

particulièrement mon directeur de recherche, professeur Gabrielle Pascal pour sa patience et ses consei ls judicieux. .Je tiens aussi

à

remercier Henriette Latour pour les longues heures pa~sées

à

dactylographier mes nombreux

manuscrits. De plus, je reconnais les encouragements constants et la confiance indéfectible de mes parents.

(3)

1

1

J

RESUME

Dans les cinq romans qu'Andrû Lanp,t"'vln a puhliés, un même thème revient constamment, celui de l'isolement. Sel' personnrtges tentent pourtant par divers moyens d'établir une communication avec lCR autres, mais leurs tentatives ~chouent presque toujours, par une sorte de fatalité.

Ce mémoire met en lumière les formes que prennent les différentes tentatives des personnages de Langevin pour établi rune relation avec autrui. Le corpus est compost! de Poussière sur III

ville (1953) , Le temps des hommes (1956), et 1.' El nn cl' AmC;rique

(1972). Ce dernier texte appartient 5 la production de l'auteur, après un silence de près de vingt ans. Nous avons analysé successivement les dialogues et la communication non verbale tels qu'ils S'(;t .• bUssent entre les personnages. Cette analyse thématique permet de voi r c(,mment se modifie, d'un roman à l'autre. la problématique cie la comm'mication chez cet auteur. Le troisième texte,

L'El

nn cl' Amét'ique, npporte des formes uniques de cette thématique puisqu' il présente un nouvenu style d'écriture de l'auteur, qu'on a comparp au nouveau roman.

n'un roman à l'autre. le sujet de l 'incommun{cl1bjlltô, tel que traité par Langevin, prend des formes nouvelles tandis que s'élargit le cadre romant'sque. Mais notre recherche révèle que, danH ces trois romans, le cons ta t d'échec reste le même. I.e hé rOH langevinien ne parvient pas à établ ir de relations Hat Isf.tisuntes ou durables avec les autres.

(4)

t

l

All1.<) TRACT

In Andr~ Langevin'~ five novels. the theme of isolation kaeps on cuming back. The charactet~ however try by different means ta f'stablish a communication wi th othel' people but there attempts almost always fail. due ta sorne sort of fatality.

This thes1s sheds a li~ht on the different attempts by Langevin's characters to establish a relationship with those who surround them. The corpus i8 composltd of Poussière sur la dUe

(1953), Le temps des hommes (1956), V'Elan d'Amérique (1972). The latter belonging to the come back of the novelist after a silence of about twenty years. The dialogues and non verbal communications as they are established among the characters will successively be analyzed. The third novel. L'Elan d'Amérique, brings unique forms of this theme as i t introduces a new style of the author, which has been compared to the "nouveau roman's".

From one novel to the other, the topic of Incommunicability as developed by Langevin, takes new forms as the novel1stic scope expands. But this research reveals that, in these three novels. a failure is always witnessed by the characters who never sllcceed in establishing satisfactory or lasting relationships with others.

(5)

1

TRhlc deR mnti~res

Tnt roduction

Chapitre I: "Poussière sur la vi lie' ,

Chapitre II: "Le tempR des hOtnmCR' 1 4')

1

Chapitre III: "L'Elnn d'Amériquc" H7

Conclusion l ')

.

r:

)

Bib liographie 112

(6)

1

(7)

1

Langevin. A vingt-qu.:ltre <lns, il puhlie !-oO!l prf'l'lil'l rom.lI1 Fv,II\(. dl' 1.1

nuit ( 1 ) (1951) avec leqm'l il rempnrl(' J l' P r J x d lt ('" n' 1 t' d li livrt,

cie France.

avec (

') )

Poussière sur la vil1~, ~ .

~~~~~~~~~~~ ret :11\ t t'II r • trI'

0.; l t'ltr!l' ,

s'impose dans le monde litt(~rilin' du QIJ!~hec dVl'C dp<; r(lm,tnf~ qlll

rejoignent les cournnts exjst(lnlialistef.. eurpp{'(lns (lt, l 't"P(1qUl' , Illllt l'Il

gardant des liens ptroits avec ln n"nlitt; qu/'h/'cnIsl' dont il:. 1.e'1l1 issus. C'est ce que n011f, dit Al1dn~ Rrochll:

"Les grandes CJu~sti()nll qu'aborcl,lÏl'nt !<,s

écrivnins europf.em~, Langevin He J es pP'.C' l'Il

les acclimatnnt à cc coin d'I\I'I("riqllc oil vit

son peuple au destin Incertain."(])

Les écrits de Lan~cvin plongt!lIt 1 curll l'dl' 1 ne,; cI:tll'l l:t

SUI'iétt> canadienne-franc;.1ise (lt Il rl>ussit ;1 lT/PlItrcr des pf'ntimt'lIt,<, f'l

des émotions universels en rattHdwnt <;e,> J)()! 'Jonnagen li un mIl ft~1I

social très défini, le Québec. Cette prr~~H!nc(' c<1piln!e rlu (,lW"IH'(' Cnll1ll1l'

toile de fond de son oeuvre, sc retr(11IVl~ t01]t Hp{-clall'Inl'Ilt d.lfl!l II'H trois textes sur lCf'quels s' appui.era notre (~r-I/cle: Pnll <Pl i;· n' kil r l '1

ville (1953) , T:..:., e~· _ _ .:..t :..:.e.:..l'1~p...:.s.;....-__ ri:...:e:..;R.;....-_...;~.:..1 o_m,rr;l' ,;

(4 )

I.'FI,1n

(8)

(

3

-qni entraIne avec lui une crif>e d'icientité, une remisE' en que!',tiun de ln dunlitf. linguistiqut:', un he soin criant d'rtffirrndtion qtli aC("(Jl1lpn~ne

lIn be~()in d'nffrnnchisSèlnf'llt d'un pa:::s(' lourd pt nppreSHnnt. L'Elan !l'Àml;riqul' (1972) pr('senll' tout ce questionnemellt pt ce mulnise qui, il cette époque, alimente Je débat po1Hiquf'. L'auteur dresse Cf' tableau

HOC" ia l tout en ma intenant le regard du lecteur sur 1 cs deux pprsonnages

prIncipaux q1li, dans leur vie personnelle, ont des conflits identiques

fi ceux du pays.

André Lnngev in nOlis fait pénétrer dans l'intiMité> des pprsonnélgcs qu'il cn'c et fait pnrtnger au lectt:'ur l' angoh,se et le d,;sespo L r qui 1 es rongcn t. Les personnages n'existent que paT les

tOllrmentR intérieurs que l'auteur exploite puisqu'ils gouvernent ?i pux fJ(!tds tout le t(>xte. Ces tourments les emprisonnent, Jes iflOlent et rQndent bien inutileR toutes leurs tentatives de rapprochement avec les nutrcs. n'ailleurs, cette solitude est le thème de hase de toutl" l'oeuvre· de Langevin comme Andn~ Renaud et Rpjean Rubidoux nous le

rpvèlent:

"Dans son oeuvre, la solitude s'impose. non pas comme état ul time où se retrouvent les personnages au terme d'une aventure

dramatIque, mais comme postulat initial.

Elle apparaIt pomme l'irrémédiable destin de ] 'humfmité toute entièt'e; elle est 1 'homme

(9)

1

nonne qui n~8te constantl'.

fatalité et rie sou.tlloe.

"Ce n'est pd:'> lln "ubsunll' av(.ugle" !11-li:,

plutôt une fataU tp ;] t'or 19im' ('!.lf t l'IlWllt

repérable qui anime cette oeuvre.

r:l'

qlf(' II' narrateur raconte

n

trAvers

ni'!!

pcr~nnndgl'; qui se re~setnblpnt et qu'il met toujllure:

ùans ln même situntion, sOus dl's fnrml'!,

vari6es, c'est ln déterminatiol1 orlgil\el Il' irrémédiAhJ (> dOllt toutL' pxistclH'C' nL' nt! i l

que les échnr; multipll's." (7)

tournent vers l'ext6rieur ct veillent cn'I'r dl's 1 iL'n', , nlélfs ll'III"

incapdcitp il communiquer devient plus 'lU"PI nhst.\(le, elle IN; ('Il!prIllP

davantAge dans leur lIUiVer'l rie solitude, puinq1tc ehnqui' tent"ativ<' pllllr

échapper à leur isolement est un éche!' l (' r, l'Il

r

OIH'C' plw;

profondÎ'rnent dans leur ùétres~e.

leur acharnement et toujours plUb cinglant If'UI" f~('1rI'C.

tentatives des personnages de C'h[lC}IH! romall Pll\J;- ,"lolh 1 j r lIlH' r'~

"JI

1 fllJ

avec ceux qui les entourent. r\O\JS d"Oll,'" rll:,!';i tro!n

Poussière sur la ville

(10)

,

'5

-tlellx cycLes dE' l'auteur !wient reprusentPs dans notre ~tud~; les deux

prcm[cr:-. textes sont l in;s des Ilnnt>cs '50 aIon; 'lue !.'Elnn d'Am,;r~.!:

J1i1réllt en 1972, après seize nnnpes de silence de l ':lllteur.

Le thime de ln communication est donc un des plus importants

tic! l'univers langevinien. Nous analyserons l'attitude des pcrsonn8ge~

dAns des situations d'interaction en relevant Jps dialogues, les silences, volontaires ou nnn, qui expriment l'échec la

communication. Nous accorderons aussi une importance à ln

communication non verhalc, cclle qui, snns utiliser les mots, exprime p'mrt.1nt une volonté de s' ouvrir

n

l'autre; par Hi nous entendons les geste:>, les regards, les sourireH ou contacts. Tout ce qui se rattache

a

une tentative de communication sern ainsi relev~ pour tracer le

portnd t-type du comportement des dnns leurs rel atloml

inter-personnelles.

Nous analyserons de manière pJus détai llpc J es personnages

principaux tE'ls IIL:lin Dllbois dnns Poubsière sur la ville, pjerre nl1pns clnns Le temps des hommes (lt Antoine et Claire dans L'IUnn

d'Amérj~ en portant aussi notre> nttentlOTl sur quelques personnages sl'condalres qui {'prouvent, il 1 eur façon, des difficultés il communiquer

avec leur entourage. Apr~s l'6tude s~par~e de chacun des textes, nous CLlmrarerOlH: 1('8 ré8ultnts obte:.lIs et tenterons de voir si la prohlt;mntique de ln comlT'unicntion reste la m~mp d'un roman ?i. l'autre.

(11)

~OllS en profiterons pour vt'>rifit'r ~;l C'ettl' th"I'1.ïriqlll· prènd lIll 11Il1\\'L':\U

J'auteur.

J

(12)

7

-NOTES

1. Andrl; Langevin, Evncfé de ln nuit, Montréal, Cercle du livre de Frnnce, 1951, 245 pages.

2. Andr~ Langevin, Poussiire SUT

lA

ville, Montréal, Pjerre TiAReyre, 1953, 213 pages.

3. André Brochu, L'évasion tragique, Montréal, Hurtubise HMH, 1985, p. 7.

4. André Langevin, Le temps des hommes, Montréal, Pierre Tisseyre,

1956,190 pages.

5. André Langevin, L'Elnn d'Amérique, Montn!é11, Plerre Tisseyre, 1972, 239 pages.

6. R~jean Robidoux et André Renaud, Le roman canadien-français du XX

siècle, Ottawa, Editions de l'Université d'Ottawa, 1966, p. 126.

7. Gahrielle Pascal. La quête de l'identit~ chez André Langevin, Montréal, Aquila, 1976, p. 7.

(13)

1

Chapitre 1:

"POUSSTERB

SUR

LA VILLE"

(14)

1

9 -Dans Poussière sur la ville, (1) nous sommes en présence d'un t'je" narrateur, d'une narration autodi?gétique (2) (le narn!teur est non seulement présent dans son récit en tant que personnage, mais il en est la vedette). Cet élément est important puisque le lecteur comprend le texte par le seul regard du perl;;onnage

principal

du

récit, Alain Dubois.

Le lecteur est mis au courant, des le début du roman, de l'angoisse d'Alain Dubois face à son mariagp récent. Il apprend à m0ts eOllverts par Kouri, le propriétaire d'un restaurant de Macklin, que sa femme Madeleine est trop souvent vue seule au restaurant et que cela

[nit jaser parce qu'elle n r agit pas en femme respectab le de mpdecin. Mais plus le roman avance, ~lus la respectabilité de Madeleine, par Je fait mime celle du couple Dubois, devient accessoire au r~cit. Ln mal qui ronge les nouveaux époux est plus profond.

L 'histoire de ce coup] e peut sembler banale. mRis Andn; Langevin lui donne une dImension originale en mettant l'accent sur le déhat intérieur que provoque chez Alain Dubois le lent et implacable effritement de son mariage, plutôt que d'insister Rur

le

scandale soda 1 et religieux que l'adultère pouvaH cr6er en 1950 au Québec, dans une petite communaut~. André Langevin choisit pOUl" ses deux

perl'lonnages le dur chemin de ] a so litude et de l' iso lement. Ces deux nouveaux époux commencent leur v le commune cntourJs de gens qui J es

(15)

-1

- 10

-épient. Le jugement sévère de Macklln aura pOlir pt! et dt' leH {'l11lgnt'r

davantage J'un de l'nutre. Plu~ I\lnin t0lltl' (h> st· '-:lpprnrlll'f dt'

Madeleine, plus elle le fuit. A1031n, lllciJt'1ll0nt, '-l'conn.dt ('l·tt/.' réalitf.:

"Madeleine m'avait gliRs~ deR moins, Ron âme m'échappnit."(3)

Le récit dévoile les diverRCR tentat iveR d'AlaIn pour ('rt'cr des liens avec sa Jeune épouse, mais chacune de ReR tel1t.ltlvl'S

rencontre un mur in~branlable que Madeleine prip'~ élutotlr d'el!p. Qup

ce soit par la parole, le geste ou Je contllct, Alain ne n;lIfl:dt lam.IIA à pénétrer l'univers de Hadeleine. Leur re1.1tion, peu ii pütl. devient une relation de silence où la solitude insoutenahle :;c camouf!" HOlI:; \Ill visage d'indifférence. L'jsolement qui (-Loigne Alnin de Mndt>lclne, on en retrouve le reflet dans les reIntions clu ('ouple Duhois <lve(' le!:

habitants de Macklin. La communjcatiol1 v('rh,11e ou 110n verbale rl!:-;lp

(16)

11

-(

LES DIALOGUES

1. Avec le partenair!

Commençons par observer

Ip

dialogue et Russi les tentatives de dinlogue entre Mildf'leine ct Alain. Madeleine initie rarement la conversation avec son mari. Elle semble davantage intéressée par ses pchllnges avec Thérèse, IR femme de chambrl'. La complicité qui existe entre ces deux personnages est pourtant celle qui devrait exister entre les nouveaux époux. Thérèse semble remplir. pour Nadeleine. un vide

(

que n'a pu combler son mariage. En quelque sorte. Thérèse permet à

Madeleine d'oublier sa vie d'épouse, ce qui lui rend possible, quelques heures par jour, de s'exprimer en réinventant une nouvelJe existence. Sa présence dans la vie des Dubois dissimule pour un temps l'incommunicabilit~ qui existe entre Madeleine et Alain.

Thérèse, par son dévouement sans limite, devient une ami e protectrice, presque maternelle pour Madeleine. Si elle ne peut en rien empicher

IR

lente d6sint~gration du couple Dubois, par sa préRence, elle la retarde certainement. Thprese joue un rôle important danA la dynamique du couple Dubois, celui de tampon entre les époux.

Elle l fmi te par sa prc.sence 1 eurs moments de fla] itude conjugale et assure un certain cunfort dans leur nouveau foyer. Sans manquer ~ son

(17)

1

J

- L2

-élmitié pour Madeleine, TIt('rèse demeure imp,lrrinlt! LI.! 1)'; sun I.tPP01't ilVt'c les époux Dubois; elle est le tt~m('\in dt' lem' .:"hpC'.

est conscient et le formule ainsi:

"Qu'est ce que Thérèse doit penser d'(.p"lIx si peu turbulents? La coquIne ne Sp

satisfait pas des apparences. Elle notlcl

prête certainement un prohJème conjugal. ( ••• ) (4)

l.l' nnrrntl'lIr t'li

L'image de Madeleine qui nous nst clonn{.e dans RH vie de tOIlS

les jours nous apparait sans rapport avec cellt' de Ml1ùe!einc tl'! Je qu'elle a séduit Alain: une femme pleine de rOlI!~ll(, et llllHoiffét, dl' liberté. Pourtant, ce désir inassouvi pst d1rectement I-U' 1i hon l'cpJ (

sur elle-même. Alain l'a d{>couverte indomptée et IlDocIn!e l't ("l'st

Ainsi qu'elle a éveillé son désir.

, , Elle agace comme 1(· cheval séluvage en liberté. Elle ne séduit pns tant qu'l,Ile 11e

donne le d0sir de lui passer le 1 icol." (5)

Or, ce désir de liberté absolue est .111.',qj pour el Je 11111>

source de vide, d'insatisfaction puisqu't'ill" ne peut jllm;liH .1tUdndre ce qu'elle d~sire. Sa recherche d';Jbso!1l ~st dt~el"itc par JI.' nnrratl'lIr comme déçue par le monde quI l'entollre.

chaque fois qu'elle croit pOllvotr cm fnir(l t1sagl'. ~;JdeJellJ(! S(l "oit perpétuellement privée de ce qu'elle DlTlbjtjonlle le )Jlus, SOI! h()llhl.'lIr.

(18)

c

13

-te narra-teur décr1t ainsi l(! mouvement qui la conduit de 1 'pnthousiasme à l'indifférf'nce:

"Elle

exprime

Je

suc de tout dis l'nbord et connaIt enRuite unp d~pressinn o~ elle

R' abandonne avec nonchalance." (5)

Cette nonchalance insatisfnite qui suçcède au désir c:tr,1ctérise Madeleine tout au long du roman. Alair. tente du mieux qu'il peut de l'en sortir mais seR tentatives, d'ailleurs souvent malhabiles, rencontrent un mur imp'n~trable. Leur relation est parnlysc>e par cette léthargie dans laquelle se complaIt Madeleine.

Plutôt que de les rapprocher, leurs converRations ne font que les s~pnrer et le gouffre ainsi creus~ s'élargit ~ chaque dffrontement. Madeleine refuse de s'attendrir, d'apporter r~confort ou

~\ppui À son mari. Elle le fusille de ses répliques. Chacune de ses paroles repousse davantage Alain. comme si elle ne pouvait ou ne savait

félire autrement. Sa détresse, elle la reproche

n

Alain, qui encaisse

Jes coups silencieusement. Leurs rares ~changes sont r~v~lateurs.

(en parlant de Macklln)

I f Mais tu sais depuis toujours que je (Alain) m'établirais ici!

(19)

1

1

Ca m'est égal! Ca m'est égall Bon

dieu! c'est notre vie que nous allons

faire ici.

-

La tienne ••• "(7)

14

-On a l ' impression en lisant le texte que Madeleine ne peut

supporter l'attention qu'Alain lui porte, qu'il l'irrite

et

semble être

un ennemi dont elle doit se protéger.

De

simples commentaires de la

part d'Alain deviennent pour Madeleine des actes d'hostilité qu'elle

attend, comme à l'affût.

Le passage où Alain lui avoue son déplaisir

de la voir tous les jours seule chez Rouri en dit long sur les rapports

des deux conjoints.

Observons le vocabulaire guerrier utilisé par

Langevin pour caractériser les propos de Madeleine.

"Elle a répliqué vivement, en position de

combat. Elle a entendu hier soir lorsque

je lui ai parlé de Kour!, elle a fourbi

cela toute seule, attendant que je revienne

à

la charge."

(8)

A plusieurs reprises, Alain rapporte leur conversation comme

un "combat"

dans lequel les paroles de Madeleine sont

des

armes qui

le blessent.

"Bref, incisif, le mot a le son mat d'une

balle. " (9)

Madeleine n'accepte jamais l'opinion d'Alain, elle la bafoue

comme si un rejet violent du discours de son mari rompait leur lien et

(20)

-(

15

-lui rendait sa ljberté.

Mais ces échanges ne semblent en rien la

soulager, au contraire, ils la laissent encore plus amère, enfermée

dans une prison dont elle bâtit elle-même les murs.

Car les paroles

blessantes de Madeleine, qui sont pourtant des appels

à l'aide, lui

aliènent tout secours.

Elle apparaIt comme un être brisé qui tente

lamentablement de s'accrocher

à quelqu'un, mais qui coupe les amarres

qui pourraient le sauver.

Alain aussi joue un rôle important dans l'effritement de sa

relation avec son épouse.

Il laisse libre cours

à cet esprit

destructif qui habite Madeleine.

Il l'observe silencieusement, tente,

sans succès, de se rapprocher d'elle mais jamais il ne l'affronte,

peut-être pour éviter la haine dont elle semble remplie.

On pourrait penser que Madeleine est le personnage passif du

roman mais, bien au contraire, c'est Alain qui "laisse faire".

Puisque c'est

à travers ses yeux et son jugement que le texte nous est

livré, on pourrait penser que son pouvoir décisionnel a du poids dans

la relation qU'il a avec Madeleine.

l'action.

Alain semble à sa merci.

Mais, en fait, c'est elle qui

m~ne

Il observe, analyse, diagnostique

en bon médecin qu'il est.

Il est spectateur de sa propre vie, une vie

dans laquelle

i l

est incapable d'intervenir.

Si Madeleine ne peut

remplir son rôle d'épouse, Alain de son côté joue sans conviction celui

d'époux.

Il comprend sa femme puisqu'il nous explique clairement le

(21)

1

- 16

-comportement de Madeleine, mais il n'intervient pas.

Il prHère

l'exactitude

de

son

observation

à

une

intervention directe qui

aboutirait

à une confrontation avec elle.

La peur d'un échec le

paralyse.

Madeleine a élevé entre eux des barrières qU'il ne peut

traverser.

Leur conversation se termine toujours par un recul d'Alnin

qui se replie chaque fois piteusement.

D'un cSté Madeleine refuse de

comprendre et, de l'autre, Alain ne réussit pas

à lui expliquer

pourquoi il est inacceptable qu'elle continue ses visites chez Kouri.

"Je me sens devant elle comme si je

n'arrivais pas à lui faire entendre quelque

chose. Mes mots laborieux donnent des

proportions fantastiques

à

une situation

anodine. Au fond je ne veux qu'empêcher

qu'elle ne nourrisse la rumeur publique."

(10)

L'ouverture sur l'autre, l'empathie exprimée arrive bien

tard dans le récit.

Madeleine et Alain, qui étaient incapables

d'exprimer leur détresse au début de leur mariage. se tournent l'un

vers l'autre pour trouver un peu de réconfort quand ils réalisent que

leur union est irrémédiablement terminée.

(22)

,(

"J'essaie de la calmer. Elle ne

pleure plus, mais je la sens vibrer contre moi Tais-toi. Tu parles comme si tu partais pour toujours. Tu va~ revenir. Nous

recommencerons. "(11)

Ces pAroles rassurantes nrrivent hi.en tard.

- 17

-On cnmprend

a

la fin du roman que Madeleine savait déjà qu'ellE' ne reviendrait pas. Et de son côtô Alain, même s'il espère toujours, n, au fond ùe> lui, la c(.·rtitutle que tout est hien f lni. I l accepte cette fatalit{o en ces termes:

"Je ne la rejoindrai jamais, jamais. Nous ne pouvons nous acharner à rapprocher nos deux lignes parallèles. Elle mourra seul~ et cela rendra définitivement vains et dérisoires mes efforts et les siens. "(12)

Leur vie de couple apparalt en parallèle, chacun restant

i sol{>, sans jflmais réuRsir il exprimer sa souffrance. son angoisse et Ron besoin criant d' amour ct de tendresfle. En tentant chacun de leur côtp de briser l'isolement qui les envahit, ils se concentrent sur eux-m5mes, oubliant de ce fait l'autre.

"Pourquoi nous sommes-nous mariés?" (13)

Cette interrogation est bien tardive et le silence qui lui. r~pond exprime le d'sespoir de leur union.

(23)

1

J

- Hl

-,)

Avec les pairs

de MackJin le comportement de Nndclt>ine.

couches de la société de 1;1 petite vil1!' f~"1l'tt('nt ll'tI'"H ('Ol1UIlI'ntafrps.

Plus les gens de Macklin semblent reprocher :ï Alain <{on lalssl'r-LI!I'(', plus ils semblent remettn! en question BQ " v l r i l i t l ' ' ' , plus 1\1:1111

soutient les agissements de Mcldelelnc C0mllll' Hi Ill! DII:,I;{, :ï l' il'l.JgIJ df'

sa femme, voulait rejeter 0\1 MUer l'opinion puhl iqlll'. ~la 1 H l'I'

comportement provocntt'ur dissimule aussi tlne f:1ihlt'f,'a~ chez 1\1.11n. Il préfère le jugement SI~Vl-re m"iH distnnt <le );1 villl', plutôt qlll' cl' affronter directement sa felllJTlo. Tl préfère ln l'UlIlt'ur puhllcl'J(';) 11I1l'

conversation franche avec Madl'leine. le [,ilellce l':;l Jl~ 1>1'111 111'1J quI

unit encore les époux Dubois. Alnin f'e l'Ilvolle bien sincprl.'mpnt l'Il ('Ph

termes:

"Tant qu'Il n'y a riel1 d'expliqur', rien

n'est définitif." (Il.)

Kouri. le propri{>taire ùu rl'f,taur.mt (IÎl ~Iaclel(>inf.· pn"Hl' \1111'

~t'ande partie de son temps. est le pn'IlI11'r ?l mf'ttr(' "',1111 t'Il g.Jnff·

contre les ragots qui ri rcul l'nt il Hack 1 fn.

Madeleine sont jugés inexpJ icahle~ pt ::lJrtoll! rf~prnlI'IIHIl)II'::. 111)(1

femme de médecin do i l se comportpr ri' Ilne r.ll;on rl";Jlf' 1 t <lb 1 l' pl

(24)

- ]9

-intol{orahle aux gen8 de Macklin. Elle devient un danger pour l' t>qll fllbrc moral de la v1l1 e. Et piR ('ncore, le manque d'autorité d'Alélin 1eR choque. AlI début on juge Madeleine maü;, peu ~ peu, Alain ùevient celui qu'on hJ5me. Il perd la sympathie de Ma('klin qui le mf~pr!.St; silencieusement. l'.tf symp,lthie pour ALain, Rouri tente de

1'.IVE'rtir des chuchotem~nts de la ville. Vnici comment il s'y prend:

"Moi je ne Rais pas ce qu'elle vient

chercher ici •.. Mais les gens parlent. J'en connais qui ne viennent au restaurant que pour la voir. Moi, ça ne me regarde pas ••• Enffn, je tenais ~ vous avertir. "(lS)

Kouri, tout nu long du r~cit, reste loyal envers Alain. Un peu comme un ami fraternel, i l l'observe, tente Je le guider, mais continue, malgr0 le iugement toujours plus sévère de la ville, , ft

~'jnt(~reRAer à lui. Le soir où, ?i l'hôtel, Alain s'enivre d'alcool et de rage, Kouri tente du mieux qu'il peut de le calmer, de le ramener li ln raison, de lui rendre sa respectabilitf.. Knur! refuse par exemple d'entn>r d,'ins une discussIon ,lU sujet de ] 'histoire de Madeleine ct de

HOIl amn nt.

"Vous vous conduisez comme un enfant. Vous seriez capable de lui poser les marnes

questions, à lui. Ne parlez plus ainsi

a

personne. N'interrogez plus. On se moquerait de vous." (16)

(25)

1

J

- 20 ~

Kouri_ sympathise du mieux qU'il P,-'lIt f,llt' :t la !HHlffr:tnl'l'

silene1t-'use d'Alnin. Il)1(' jllgl' pétS; i l ('(lnlrntit.

"Rouri me suit discr~rement, attentif

ft ne me point trouhler. mais ve111nnt

sur moi." (I7)

Il Y il dussi Jlll1. celui qui sélit tout m.tin Cjul nc tilt rlcl1.

Comme Knud, il est au cOllrnnt des {'vpnements de 1.1 vie c1',\J.J!1l et dC' ~fadeleine, mais i l préfère ohsl'rver. Etnnt chautlel\r ùe taxi li Macklin, il connait les opinjons cie t01lt le mllllc!l' Hur Il' crmp 1(' Duboifl. rI attpnd pntiemment te rl{>ve 1 opp<'lIlent (Il' l'Il 1 sto j n'.

neutrnl i té est totale. Ses rnpport s ,lV,-'C fi 1 ~.I n Iwn t pli n'men t professionnels.

privée du médecin, mais St'S propos sont .'empll:; d'jll:-linlllltioIlH 'lui

irrHef't Alain. D'ailJeurs Jim prend plnisir il pdr1('r de M,J(/<>I,./np :ï

son mari. Il aime faire comprendre sOl1rnoisemenl ~I Afnin qll'il Hitlt

tout sur ses problèmes maritaux et peut-êtn-' même pluc: que lui-même.

La façon désinvolte avec laquelle il s'introduit clùTltl le tn':Il1lgf' /)'lh()J~;.

irrite Alain. En voici un exemple concreL:

, 'Il Y a votre fClnJ'le qui voudr.r sorti r aussi, aller plus loin que che~ Knuri.,.

dans les magasins.

La pause, c'était pour const.lter 1(> COtlp

dans le rétroviseur. QlJéHld il mt' parll' de Madeleine, je fige automéltiquC'mt'l1t." (Hl)

(26)

21

-c'est Jim qui pr~sente Richard Hétu, l'amant de Madeleine, à Alnin. Il le fait tout naturellement, mais en prenant Roin de semer le doute et l'inqui6tude dans l'esprit d'Alain.

reprocher.

"Jim cherche la plaie et la fouille. C'est sa façon

à

lui de s'amuser dans la vie." (19)

Il est certain cl' avoir blessé. mais on ne peut rien lui c'est là tout son pouvoir. Il a découvert la souffrance d'Alain, il la cerne, lui montre le chemin. Il prend plaisir à ce jeu cruel sans danger pour lui. Il devient donc lié

à

Alain en lui

révélant la source de son malheur mais.

à

l'opposé de Kouri, il recherche le conflilit l'alimente, Sa présence devient intolérable

à

Alain.

"L'art de l'insinuation chez Jim. Tout va très doucement, comme graissé. Pas de heurts. Il tisse son fil lentement et vous ne vous en apercevez que lorsqu'il est de la grosseur d'un câble ( •.• ) Je n'en peux plus d'être englué dans ses mots." (20)

Pourtant, quand la révolte d'Alain disparaIt, un lien nouveau unit 1eR deux hommes. Alain lui-même reconnatt le chl'mgement:

, 'Jim est devenu mon ami. Il a peut-être vu en moi une mollesse qui nous ~pparente, une âme soeur." (21)

(27)

1

1

n

-ménage Duboi s.

Il sllit que même si cette rf>1.ltiol1 f;tnlt S"IlS Il-lslIt', Illt:mc HIll fa'

complaisait dam; le RCélnd,1le qu'ellc vèhicl1lait, li Il l' fIn HI tl,lglqlll' \'t

d~finjtive le stup~ffc.

profondément. Lui qu'Alain croyait inaccCHHihll', (jut'lque CIWHC l'n

rej oint. Cet 0vénement sordi.de n'<,st pns un simplp fnlt divl'rH. .Hm respecte le cri de désespoir de Nndelelne qu'exprime H()tI gf'Htl'.

Malgré lui, 11 faut bit'Il le HOIl)fgncr, Alliln Dul)(lJ.-; t'n!"n' aussi en relation avec Arthur Pr(,vost", Je riehe COIntnl>n;ilnt cil' Nnc1·lln.

De son propre chef. Pn!VoHt s'introdlllt c1allH le burc.111 d'AInfll (!l lui

propose une assistélnce financière. En q'll' Ique sorte', Arthllr l'r(.voHt' lui propose de devenir son banquier, lui qui, par 1.1 hill1que, ('nnllaTt 1.\

situation financière prQclllre cJ'Alnln Dubois. I.P doctt'ur Ln fI ellr encourage le jeune médecin à accepter l'aide qllc ll1i off,,!, l 'homllll'

d'affaires. Mais par ce ] ft'II mon(~to1Ir(!, ftrthur l'n"'vost se lH'rl1J(·t filHlS

détour de commenter le comportement du couple Dllbo[n.

"Tout cc que vous fnIteH, vous ct votre femme, est [nlt devnnt toute la vil le. J 1

est impossible cie faire une cnrrl~rf.'

a

Macklin si l'oll n'a pas une ('ont/ufte

(28)

t

.111 mpdec1n:

23

-n'aUleurs ses reprochps s'adressent plus particulièrement

"Aussi, des hommes comme vous et moi ne boivent jamais à l'hôtel. "(23)

A ce moment-là, AlDin, comme Arthur Prévost, regrette It'ur élssoeiation. L'argent prêté devient une arme qui se retourne contre lui; mais i l refuse de R 'y soumettre. Arthur Prévost personnifie la rumeur publique qui gronde:

"Mais quand on est un homme, on ne tolère pas l'amant de sn femme chez soi. Tout le monde vous l§che ft ce point-là."

(24)

I.e richa commerçant l'attaque donc dans sa virilité. 11

ùoi t revendiquer ses droits cl' époux, sinon pour lui, au moins pour la "sol idDrit6' , (24) sociale. Par fierté, i l doit refuser l'humiliation publique. Mais AlaIn r~cuse les conseils d'Arthur Prpvost et, plus encore, celui-ci, par son ingérence, le pousse à

continuer à faire à sa têtt:! sans plier devant les pressions sociales.

Ulle fois le deuil d'Alain termin~, Arthur Prévost se dissocie du jeune médecin. Il ne peut ni comprendre, ni pardonner.

Comme Arthur Prt!vos t, le L'urp de Macklin s'immisce dans la vic de:; Dubois l't Re permet de juger le comportement de Madeleine. Le

(29)

24

-cure; reproche à Madeleine son l)rgueil et Sil ficrt6 du HC:Jndilll' qu't'tle

caUbe. En tant que "charg6 d'iimes". il rloft f<lin' tout C~ qui l'hl cn

son pouvoIr pour mettre fln aux Jn:ll1quements irrl'!:lpectuctlx :lI1X

commnndements de Dieu. Alnin ne pellt iH'C('pter un [l'} d1seOlJrs. POlir

une fois. il répond promptemE~llt IIUX r('proch~f; qu'on Ild fnlt. r.C1ll\mIJl1t t . homme d!' Dieu peut-il conùamner quand le Chr[fit a pilrclonn/' ct

louangé l'amour éternel. Ajain revendjque la pitjp et 1.1 compastdon

pour Madeleine. Mais le cur~ condamne Le srnntlale.

"Je condamne l'acte scandaleux. J'ai

charge d'âmes et lorsqu0 je me pr(~senterll i devant Dieu, je devrai en tenir compte."

(26)

Et,

pour une fois, ~lajn se rehiffe:

"Et vous n'avez jamais pitié au point de permettre le ppché. C'est le soin de votre propre salut qui vous rend infl~xlble."(27)

MaiH le curé de Macklin ne peut ac/m<,ttl"(l ('ette pHi(~. /1 doit avant tout penser fI Sil communallt{o. Li SOli Sil 1 tlt et il Hon

équilibre. Si Alain se range du côté cie M;}dell!ln~. Pf'll Importe Ip

chemin qu'elle choisit, il r('ste mn] gn: tout tOl/rhf· pilr ) p<; propo:-. dl! curé:

"Je n'al jar,lnip, cru pt Ill' l'roir:iÏ jnlllnl!, nu

(30)

(

bonheur sur terre. Et je doute que vous-même puissiez y croire en 'tant médecin.

Le coup avait port~.

Je suis moins honnête que lui; je ne réponds pas. "(28)

25

-Alain décide de laisser Madeleine libre dans sa poursuite du bonheur ma1s il sait, au [and de lui-même, que la démarche de sa femme sera vaine. Il se dit que la tol~rance que tout le monde lui reproche. lui donnera raison devant elle une fois qu'elle réalisera que son désir de l1berté restera à jamais inassouvi. Alain n r est plus seulement la

victime, i l participe par son inaction

à

la destruction de Madeleine. Par cette brève discussion avec le curé de Macklin, les propos d'Alain éclairent le lecteur sur le comportement du jeune médecin. Alain est comme paralysé devant Madeleine. S'il e~plique verbalement son comportement par l'amour et la pitié, on peut deviner qu'intérieurement une force fataliste le fige et le rend spectateur de sa propre vie. Si pour Madeleine la recherche du bonheur est perdue d'avance, pour Alain, toute action ne ferait que précipiter leur rupture.

La sagesse dans tout ce tumulte, c'est le vieux docteur Lafleur qui l'incarne. Il connaIt la vie et ses limites et les accepte sans révolte. Il observe patiewment, résigné, en faisant son devoir. Il tente discrètement d'aider Alain. Il lui réfère des patients, lui apporte une aide financière et professionnelle. Il le prend sous son

(31)

26

-aile. Pensons

à

l'épisode de l'hydrocéphale. Le doct<'ttr Luf 1 eur choisit de prendre le blime d'un mauvais diagnostic pour ~viter

a

Alain l'intolérance de Macklin. Tout au long du récit, le Jugement du docteur Lafleur restera juste et humble.

Mais le vieux docteur connaI t aussi Sel ville. Après Il'

suicide de Madeleine, les chances d'int~grdtion d'Alain i

Mnekl (n

s'évanouissent. Tl sait que la ville ReCURe Alain du maiheu r qll i l'accable. Lui seul est coupable puisque lui seul est "indemne" 29

"Pour eux, vous n'avez rien souffert. Vous leur semblez être de connivence élvec votre malheur." (30)

Et le médecin d'ajouter:

"On vous accuse de l8chet~. On ne vous pardonnera jamais ce crime-là et votre vie toute entière ne suffirait pas pour leur démontrer que vous

ne l'êtes pas. "(31)

Le docteur Lafleur est lucide. Alain doit partir s'il veut continuer à vivre. S'il d~cide de rester, il devra accepter d<, vivre

tous les jours avec le poids du suicide de Madeleine . .JamnJs Mackl in n'oubliera.

(32)

Ma femme a préféré un de ses enfants et ma femme est de leur race ( ••• ) Moi, le mari, je suis l'intrus."(32)

27

-Il est important de noter qu'Alain Dubois, par ses paroles ou ses gestes, refuse les chances d'intégration qui lui sont offertes. De son propre chef, H choisit l'isolement. Son refus d'entrer en rel atlon avec les gens respectables de Macklin lui coûtera cher. Ce repli sur soi le rend différent, incompréhensible pour la population; cette distance qu'il prend avec les gens de sa classe devient pour les Macklinois un signe de culpabilité. I.e comportement de Madeleine pourtant inacceptable devient peu à peu un simple indicateur. Le poids change de côté dans la balance. Alain devient celui que l'on juge.

3. Le dialogue intérieur

Alain r~fléchit beaucoup sur le comportement de Madeleine. I l l ' examine, le scrute, interprète tout au long du récit les actions de sa femme et découvre peu à peu l'immensité du malheur de Madeleine. Alain décide de l'accompagner dans sa recherche de bonheur. Ce choix qu'il fait d'abandonner son rôle de mari, s'il est inacceptable pour les Hacklinois, Alain le justifie en le décrivant comme l'amour véritable. Son amour devient alors pitié.

(33)

1

1

"Ma pitii, c'est peut-itre ça l'dmour en fin de compte, quand on a cessé d'nimer comme si on ne devait jamnis mourir. Tout devient limpide pour moi maintenant. J~

souffrirai encore, je le sniR mais je ne

m'indignerai plus, je ne l'en accuserai plus. "(33)

2A

-Au début du récit, Alain tente de rejoindre Madeleine, mnis peu à peu, il accepte leur incapacité de communiquer. Comme noUf: 1 c

présente André Brochu, cette incnpacit~ s'explique

par

une force divIne inébranlable, un "Dieu cruel'

,(34).

Alain est donc impuissant

a

combattre, il choisit de donner à Madele ine son cnt (ère libcrt(!, pour

qu'elle vive jusqu'au bout son destin. André Brochu nssocie la pl t i(~ cl' Alain pour Madeleine li l'isolement presejtle volontnl re dnns ] equf.' 1 Alain s'enferme:

"La pitié, on

le

sait, est une relation unilatérale et ln réciprocjt~ amoureuse exclut Alain (".)" (35)

Selon Alain, le désespoir de Madeleine est

plus

puIssant

que

son désir

à

lui de la rejoindre, de communiquer avec elle. Tl

s'incline et laisse toute la place au malheur de l-lû femme.

Cette inaction est difficile à comprendre, El1 e s ' appl1rt>ntl' facilement à de la lâcheté. c'est d'ailleurs cc dont tout MackUn l'accuse. Alain refuse cette interprétation, Au contraire, ses

(34)

f

(

29

-réflexions indiquent qu'il tente de faire preuve de courage et d' abnégat ion pour laisser toute la voie à Madeleine. Il n'en demeure pas moins que la décision d'Alain Dubois aboutit

à

un échec. Toutes ses tentatives pour pénétrer l'Orne de Madeleine, pour entrer dans son univers, restent vaines. Il choisit, plutôt que la confrontation, le silence.

I.e docteur Lafleur ne refuse pas son devoir de médecin. Même devant la mort i l se bat avec toute la science qu'il possède. Selon lui, sa foi et sa vocation n'entrent pas en contradiction. ainsi qU'il le déclare:

"Ma foi ne m'empêche pas d'aimer assez les hommes pour vouloir les soustraire à ce que vous appelez l'injustice de Dieu."(36)

Alain Dubois choisit l'inaction comme étant le seul combat honnête qu'il puisse livrer avec Madeleine. En tentant de soustraire les hommes à la maladie, le docteur Lafleur peut faire souffrir, mais les interventions médicales qui provoquent la douleur, peuvent aussi sauver. Alain Dubois, s'il s'efface comme mari devant Madeleine, ne la blesRe pas directement bien sûr, mais il ne prend aucun risque non plus. Il l'abandonne plutôt qu'il la libère. Il était pour Madeleine un lien avec la vie. Il décide pour elle que tout est terminé,

irrémédiable. Cette inaction d'Alain, Langevin nous la dévoile en

(35)

) , 4

,

JO

-confrontant son personnage <ltIX Ilutrt's personnageR du l'l><: i t. I.e 1 t'ctl'ur découvre que bien plus qu'une volonté de ne rien fnire. ,,'est plut(it

une incapacité de filire queJque chose qui motive l' JI1Hel Lon du personn.'lge. André Langevin. pnr leA r~flexionH d'Aln!n, d~crft

Madeleine comme combative. mais Alain lui-même s'avoue vaincu:

"Elle a plus d'ardeur que moi et e] le ne s'est pas avouée vaincue parce qu'~lle n'a pas trouvé l'absolu avec moi. Elle cherche ailleurs. Moi je quitte le champ dis

maintenant,"(37)

En quelque sorte. la pitié d'Alain cache une incnpac1t(· d'agir plutSt qu'un choix de non-agir. Les r6flexions d'Ajain

a

ln [ln

du récit. semblent glisser vers une telle voie.

"Lâcheté! Oh! Non. tu n'as pu le prononcer ce mot-là! Et pourtant. je suis sûr que tu n'as pas compris. que tu eus préféré une franche rupture à

cette équivoque où je vous ai englués tous les deux, où j'ai coulé moi aussi, après avoir si mal su nager,"(38)

Une pitié sincire demandait, de In part d'AlDin. une abnégation de soi pour se tourner vers Mndclcim' plulôt que cc "laisser-faire" qui la laiSSE! s'enfoncer davantnge et plus rapidement dans son malheur.

(36)

31

-LA COMMUNICATION NON VERBALE

1. Le silence

Le silence habite tout le récit d'André Langevin. Tant et aussi longtemps qu'il règne sur le couple Dubois, tout semble aller. Mais ce silence a deux facettes; d'un côté, il assure la survie de leur union, de l'autre, il est une des causes du mt. Iheur qui détruit le jeune coup le. Alain Dubois lui-même en vient à apprécier ce silence. En celui-ci il met tous ses espoirs de reconquérir Madeleine, de la retrouver comme il croyait qu'elle était, ainsi qu'il le dit:

"Tant qu'il n'y a rien d'expliqué, rien n'est définitif."(39)

Au début du récit, i l tente malQdroitement de la rejoindre, de lui pavler, de la comprendre, mais plus le récit progresse, plus il préfère le silence à la vérité. André Brochu définit ainsi le rôle du mutisme d'Alain:

"En éloignant ln "franche rupture", en maintenant' 'l'équivoque", la pitié permet de tout conserver, le lien conjugal, le souvenir de l'amour, l'espoir d'un retour à la normale.' '(40)

(37)

"

:

32

-Madeleine n'est pas la seule

à

refuser de s'exprimer.

Alain, dès ses premiers soupçons éveillés par Kouri. choisit de ne rien

dire, ou de parler

à mots couverts seulement.

Il devient un spectateur

silencieux.

Il surveille sa femme, la suit, mais jamais ne l'affronte.

Il croit d'abord que son bonheur viendra avec le temps, que l'humeur et

les agissements de Madeleine sont passagers.

Mais 11 comprend assez

rapidement que tout est plus compliqué, que Madeleine souffre, qu'un

malheur immense

l'accable.

Devant cette découverte. Alain reste

paralysé, impuissant, il confie:

"c'est un peu la souffrance de Madeleine

qui m'émeut certes, mais surtout mon

impossibilit~

d'intervenir, sa solitude, qui

m'eut

tou~hé

chez n'importe qui

d'autre." (41)

Par le bracelet d'agates qu'il lui offre,

i l

tente de lui

faire comprendre qu'il cannaIt maintenant sa souffrance.

Mais ses

efforts restent sans résultat.

Cette incapacité d'Alain d'entrer dans

l'univers intime de Madeleine est une des causes majeures de l'échec de

leur relation.

Le silence s'installe, envahit leur vie quotidienne et

devient immuable.

Alain attend que Madeleine se confie, et cette attente

devient,

à

chaque jour qui passe, une arme dangereuse.

Chacun

s'enfonce davantage dans sa solitude, dans son malheur et le chemin

à

(38)

t

33

-faire pour se rejoindre devient de plus en plus long et pénible. Alain refuse de prendre la responsabilitp cl 'une explication, il refuse toute confrontation. Il préfère cette vie artificielle avec Madeleine, qui est pourtant un mensonge, à un affrontement qui rendrait les choses dPflnitlves, irrémédiables. Alain a peur de la perdre pour toujlJurs, mais les paroles lui font encore une fois défaut:

"J'attends dans le noir, j'attends qu'elle me parle. Le silence persiste, stupide et ridicule. Je m'assois sur le lit, sans la toucher, et je trouve dans ~a tête des mots que je repousse, des mots piteux qui ne seraient que des sons sans signification."

(42)

4[

Madeleine aussi s'enferme dans son univers, un univers d'où elle rejette Alain et où elle tente de trouver son bonheur sans lu!. En quelque sorte. tout ce qu'ils se refusent à dire les garde unis. Tant que leur incompatibilit6 n'est pas mise ~ jour, il reste encore

à

le dire et cette incapacité de communiquer cimente leur union.

Une fois que tout est avoué, tout se précipite. La veille de Noël, le couple Dubois est confronté

à

son échec. Madeleine confie Hon malheur à Alain. Elle lui avoue l'existence de Richard Hétu dans Ba vie, lui explique sa souffrance dont jamais elle ne se libérera. Elle s'avoue vaincue dans sa poursui te du bonheur. Leur lien est rompu. CP n'est plus qu'une question de temps.

(39)

r

1

"

De guerre lasse, Alain rcconnnIt l'pchec:

"Je ne la rejoindrai jamais. Nom; ne pouvons nous acharner

a

rapprocher nos deux lignes parallèles. "(43)

14

-Le silence qui s'installe apr~s cet aVeu n'est plus un silence expectatif mais un silence qui s' 6grène au rythme de leurH liens qui s'effritent.

2. Le!': gestes

Si les paroles d'Alain sont rares, i l cn Vll tout nutrement

de S!!S gestes qui sont remplis de tendresse et d'nffection. MaiH

Madeleine refuse ces marques de tendresse et plus souvent qu'outrempnt, y r'pond froidement. Alain d~crtt ainsi ses ~checs:

"J"treignis le bras de ma femme et pris feu. J'avais le désir de l'attendrir, d'abolir cet être revêche dont elle se masquait. Je l'embrassai dans le cou, mni~

elle se retira en haussant les ~paulcs. A peine l'avais-je touchée. "(44)

Ce genre d'épisode se répiHe souvent dam; 1 a re lat f on du couple Dubois. Plus Alain exprime son affection, Ron dl'slr de la

(40)

(

35

-rejoindre, plus Madeleine se rebiffe, refuse de répondre à la tendresse de son mari.

Si Madeleine reste froide et éloignée d'Alain, celui-ci utilise ce comportement pour entrer dans une passivité objective,

qU'il

nomme pitié et qui le rend tout au plus témoin de 11 isolement de Madeleine. Bref, Alain utilise le rejet de Madeleine pour se d(;culpahiliser facp li la détresse de sa femme. Gabrielle Pascal explique très précisément le refus d'Alain de prendre quelque responsabilit~ que ce soit face

à

Madeleine:

"Car cette complaisance, dont Madeleine au demeurant ne voudra pas, n'est au fait qu'une complaisance masochiste qui permet à

Al~in de rester passivement spectateur de son rejet." (45)

Le comportement da Madeleine est contradicto:l re puisqu'il lui arrive de son propre c~}\~f ù' agir en amoureuse, comme le prouve cet exemple:

, 'En quittant le restaurant, elle me donne le bras et se presse contre moi avec l'air d'annoncer au monde entier qu'elle était mienne. ' '(46)

Nais ces brefs élans d'affection sont imprévisibles et inhabituels. Ils viennent souvent signaler le regret, lorsque

(41)

J

y

r

1

36

-Madeleine réalise sa duretê. L'exemple parfait de ce comportement, on le retrouve la veille de Noël. lorsqu'elle nvoue

fi

Alnin sa relation

avec Richard Hétu. Une fois que 1<1 blessure pst faite, elle devient douce et tendre pour Alain. L'image que choisit Langevin l')f,t

révélatrice:

" I l

Y

a longtemps qu'elle ne m'a pas

embrassé ainsi. Elle fait un tel effort pour me retirer l'épine qu'elle vient de me planter dans le coeur qu'elle m'émeut."

(47)

Cette empathie arrive bien tard dans leur re lat ion. Au moment prêcis

on

l'êcbec est admis. apparalt enfin ~ette tendresse dont

ils ont tant besoin tous lL's deux. Faute de pOllVO ir H' aimer, C(~t tl'

veille de Noël, ils tentent de se réconforter.

Madeleine rej ette Alain comme époux. ElIt' lui refuse ses confidences. sa souffrance. Toutes les marques cl' affection cl' Alain sont repouss~es ou, au mieux, endurées. Sans cesse

Il

sc voit découragé d'entretenir une relation amoureuse avec S11 femme. Peu à

peu, ils deviennent des étrangers qui vivent SOUR le même toit. En

dépit de cette nouvelle relation qui s'établit entre eux, le malheur de Madeleine reste entier.

(42)

----~----t

37

-Après le suicide de Madeleine, Alain découvre sur elle le bracelet et le collier d'agates. Un tel geste de Madeleine lui laisse croire qu'clle tentait encore une fois, maladroitement, de communiquer avec lui.

"A-t-elle porté le bracelet et le collier pour affirmer son dernier choix? Je ne sais pas, mais elle ne l'a certainement pas fait sans intention,"(48)

3. Les contacts

Leurs rapports physiques sont à l'image de leur relation. Alain espère que leur intimité les rapprochera l'un de l'autre et Madeleine, de son côté, évite ou pis encore subit toutes les caresses d'Alain. Il réalise avec tristesse la parfaite passivité de Madeleine:

"En la laissant je vis dans ses yeux un éclat dur, une cruelle perte. Madeleine ma femme était spectatrice aux jeux de

l'amour.' '(49)

Quand enfin, dans un ultime effort de rapprochement, Madeleine essaie d'exprimer en paroles ~ son mari tout son désespoir et

toute sa souffrance, elle réalise les coups que ses mots portent li

(43)

J

"Elle m'entratne dans la chambre et se donne

à

moi parce que c'est encore la meilleure façon qu'elle a de m'exprimer l'inexplicable."(50)

38

-Plutôt que d'exprimer une union, une intimité de corps et d'âmes, leurs rapports s(lxuels expriment, plus spécialement pour Madeleine, leur isolement, leur irréconci1iabil1té. Cette veille de Noël, Madeleine veut expliq..tel" à Alain que si leur mariage est un échec, bien plus que leur incompatibilité naturelle, la souffrance et la solitude intrinsèques qui l'habitent, ont été leur plus grand obstacle. Elle qui croyait avoir trouvé sa liberté et son bonheur en Richard Hétu, réalise son échec.

"Même avec lui, je ne suis pas heureuse." (51)

Cette vérité la déchire au plus profond d'elle-même. Elle s'avoue vaincue, accablée par un pouvoir fataliste qui l'isole et la détruit

à

petit feu. Son suicide sera une façon de fuir le malheur qui l'accable; comme si en s'enlevant la vie, ell e déj ouai t le des t in, prenait charge de sa souffrance et se libérait de son emprise. IUle cherche

à

s'évader, et son suicide. qui pourtant demeure un cri de désespoir éclatant, est le signe de sa triste victoire dans sa quête de liberté et d'évasion.

(44)

1

39

-1

Alain et Madeleine cherchent un répit, une trève de souffrance. Ils se trouvent paralys0s, incapables d'entr~r cn contact avec leurs émotions, encore moins l'un avec l'autre. Ils sont chacun enfermés dans leur solitude, un monde hostile dont ils tentent de s'évader et où, malgré leurs efforts, ils ne font que s'enfoncer davantage.

(45)

1

NOTES

1. André Langevin, Poussière sur la ville, Montr"aJ, PierrE:' Tisseyre,

1953, 213

pages.

40

-2. André Brochu. L'évasion tragique. Montréal, Hurtllhise HMH. 1985.

p. I l l .

3. André Langevin, Poussière sur la ville, p. 159.

4.

~bid., p. 90.

5.

~~,

p.

18.

6.

IbId.,

p.

17.

7.

~,p.

29.

8. ~,p. 65. (mes soulignements)

9.

Ibid., p. 67.

la. Ibid.,

p.

66.

Il.

~,

p.

187.

(46)

41 -12. ~, p. 152. 13. Ibid.,

p.

155. 14. Ibid., p. 130. 15. Ibid •• p. 11. 16. Ibid., p. Ill. 17. lb id., p. 111.

lB.

Ibid., p. 46. 19. Ibid., p. 81. 20. ~. p. 82. 21. ~. p. 168. 22. Ibid., p. 132. 23. Ibid •• p. 133. L

(47)

42

-24. Ibid.,

p.

172.

25. ~, p. 171. 26.

Ibid.

J p. 162. 27. ~, p. 163. 28.

Ibid.,

p. 163.

29.

~. p.

208.

30. ~,

p. 208.

31.

~. p.

209.

32. ~, p. 138.

33. Ibid.,

p.

153.

34. André Brochu, L'évasion tragique, p. 159.

35. Ibid., p. 159.

(48)

43

-36. André Langevin, Poussière sur ln ville, p. 153.

37.

Ibid., p.

153.

38. Ibid., p.

212.

39. Ibid., p. 130.

40.

André Brochu, L'évasion tragique, p.

164.

41. André Langevin, Poussière sur la ville, p. 69 •

4 ·,

...

.!.È..!È.:. '

p. 1 0 2 •

43. Ibjd.,

p.

152.

44.

Ibid., p.

30.

45.

Gabrielle Pascal,

La

qu~tc de l'identité chez André Langevin, Montréal, Aquila,

1976.

p.

49.

46. Andr~ Langevin, Poussière sur la ville, p. 35.

(49)

48. Ibid.,

p.

193.

49 •

.!l!i:..,

p. 38.

50. Ibid., p. 155.

(50)
(51)

J

46 -André Langevin nous présente aVtlC I.e temps des homm('s(l) un univers qui rejoint celui qu'il nnus a d('voi lé dnns Poussièn~ Htlr

la ville (2) • Les personnages sont locras0H p.H une sol Hilde intolprable dont ils restent. malgré tous 1 ~urs cff orts, pr bmnnl~ rll. Dans Le temps des hommes. cette solitude el'lt amplifl(~e puisqu'l'lIe habite tous les personnages du roman. Si dans PousHière IHlr ln ville

Alain et Madeleine souffrent d'un isolement l'un vis-ù-viH l'i\\ltrt\ et

devant la société de Hacklin, dans Le temps des hommeR chacun cfl'H personnages est seul. Ils vivent SJns intimi t{>, enferntlhl dans une pauvre cabane et, malgré cette cohabit.1t.ion ptroi te. j lB cClnr.ervpnt chacun leurs secrets, leur souffrance.

autres, des étrangers.

l J s restent, les uns pour 1 (~s

Le roman débute quel ques heures avant 1" c1(.pnrt en forêt d'une équipe de bûcherons. Les quatre hommes J Laurier, HapLl file, Maurice et Pierre Dupas attendent 1(> retour de leur chef ù'{.l]lIlp(>. Gros Louis. Le déclencheur de l'action réside dnnH cet pvf.nement: GrOB Louis est parti avec Yolande ]a femme de Laurier. Laur 1er veut HP

venger de cet affront. I l réussit à aSFlc'lssincr Gros Louis en forêt pt

tente de revenir auprès de Yolande pour la reprendre en s Igne de victoire. Pierre Dupab. di t le curé. c<;sllic de Tl'IlOUer ses 1 lem; :tvec Dieu en accompagnant Laurier dans Fln souffr,mce. lItent!' humh lentent dl' l'éloigner de sa vengeance, mais, en voyant son (~('hec, Dllr:1:, (j.~cl"t' de le suivre et de l'accompagner moral ement jusqu'au hout dt! [:nn <!f.l f rt'.

(52)

(

47

-Ce r6cit prend toute sa dimension et sa complexit' dans les personnages qu'il présente. Laurier est jaloux du bonheur que Gros-Louis a su donner à Yolande et 11 envie leur (''")mplkité. I l se révolte contre son impuissance

à

briser les murs qui l'emp~chent d'atteindre sa femme.

Chaque personnage possède une part de souffrance et d'isolement bien spécifique. André Langevin réussit

à

nous dévoiler le secret de chacun. en nous faisant pénétrer dans l'intimité de leurs pensées. Le style narratif est donc très différent de Poussière sur la ville. où tout était révélé par Alain Dubois, le narrateur. Dans Le temps des hommes. il n 'y a pas qu'un seul narrateur-personnage. Le point de vue narratif change et g'associe au personnage qu'il d~crit

à

un moment précis. Comme le dit André Brochu:

"Il faut noter aussi l'impartialit~ de la narration qui n'hcisite pas à adapter le point de vue du plus noble (Pierre Dupas) comme du plus vil (Maurice), ~u plus tendre

(Baptiste) ('omme du plus haineux (Laurier). Les personnages étant fortement

particularisés, il en résulte une gamme colorée de poInts de vue narratifs, le v~cu étant filtré par chacun de sa façon

spécifique.' '(3)

André LangevIn nous présente des hommes du peuple, de la nature qui ont l'habitude de vivre isolés du monde. Ces hommes travaillent dur, le plus souvent sans se parler. Ils pourraient

(53)

,

i 4

48

-apparaItre comlll!:'! des bêtes de somme, mals André Lnngevln, en péuc;trnnt dans leur univers p0rsonnel, nous les r~v~le fragiles, ~motlr". effrayés de leur solitude, mais incapab les de s'en libérer. En nous révélant chacun de ces tnd ts qui pourtant les uni t. l'auteur rend encore plus crié\nte lenr détresBl!. Les cinq hommes ont tous dcs secrets et des angoisses semblables, mflis ils rl'stent enferm{·H. incapables de tisser des liens entre eux. Andr~ Brochu pr6cise:

"Le drame, qui met en cause fi des titrt'fl divers cinq travailleurs forestiers r6unis pour deux semnines dans un camp inol~. nous transporte dans un univers clos mais

pluriel, d'une irréductible pluralit~: les communications intersubjectives sont

réduites au minfmum."(4)

Encore une fois, la communication reste lin prohlème mnJcuT des personnages langeviniens.

(54)

1

49

-LES DIALOGUES

). Avec le partenaire

Dans Le temps des hommes, nous sommes en présence de trois couples: Yolande et Laurier, époux devant la loi; Yolande et Gros Louis, amants; Marthe et Pierre Dupas, couple impossible p~isque Dupas est prêtre. Ces trois couples nous sont présentés dès le dpbut du récit, avant que les hommes partent dans le bois.

Yolande et Laurier sont mariés depuis quelques années déjà mais Lnurier a mis du temps à la séduire comme nous le dévoile Langevin:

"C'est long dix aus

à

penser

à

la même femme et n'en rien recevoir, dix ans à ln surveiller. à éloigner tous les autres hommes, à se faire mépriser, à subir les moqueries, dix ans à coller tout auprès d'elle jusqu'a ce qu'elle ne puisse faire autrement que consentir. "(5)

En silence et sans lui faire la cour, Laurier réussit

à

isoler Yolande et la met dans une situation où il demeure le seul homme qu'elle puisse épouser. On devine que leurs conversations.

à

l'image de celles du roman, ont toujours été rares pt se sont restreintes à

(55)

- ')0

-l'essentiel. Dans le réd t, leur seul l;dumgE' verhn 1 consh;tl' l'Il Ill1e menace de Laurier ft l'endroit de Gros Louis:

"S'il dit un mot, je le tue." (6)

Mais bien plus qu'une menace pour Gros Louis, Lilurier adresse ces paroles

à

sa femme pour J a mettre en garde contrp 1-111 rage qu'il contraint mal.

Laurier essaie maladroitement de se rnpprocher de Yolllllde' mais elle, de son côté, tente de le fuir.

"L'alcool et l'univers qu'il créait 6talent une fuite. La jeune femme dérivn ft mieux ainsi loin de Laurier, de ses droits ct dr

sa tyrannie de mari, ( ••• ). "(7)

L'arrivée de Gros Louis dans sa vie est donc une cl<>livrml('e pour elle, une occasion de se libérer de Lauder et de fuIr Scnttvf111' avec un homme qu'elle aime. Si YolRnde reste toujours COl1stilnll' dlldH

les sentiments qu'elle éprouve pour Gros Louis, i l en va autrf.'mPlll pour son amant. Au début, par ses paroles, 011 comprend tout de suite (l'It· Gros Louis considère Yolande comme une aventure, rien de plus, un dl' ses interm~des entre deux contrats en for~t.

"Gros Louis saisit la jeune femme par J:l taille.

(56)

t

Regarde curé. Tout seul dans le bois quand tu penses à ça tu dois te jeter tête hnissée sur les murs. "(8)

51

-Au tout début de leur relation, Yolande n'est pour Gros-Louis qu'une femme parmi tant cl' autres. Son désir de Yolande est purement physique. Res sens seuls le ramènent à elle constamment:

"Il avait besoin d'elle comme de manger."

(9)

Yolande, de son côté, est très amoureuse de Gros Louis et elle réalise avec douleur que les sentiments qu'elle éprouve pour son amnnt ne sont pas réciproques.

Après l'amour. Yolande tente par tous les moyens de le rej oindre, de briser le silence dans lequel il s'enferme, mais ses efforts restent vains; Gros-Louis refuse de parler:

"Elle parla pour l'empêcher de penser à l'heure, pour l'empêcher de sortir de la chambre ( ... ).

Ses questions l'embarassaient. Il n'avait pas envie de parler".(lO)

Gros Louis part pour la forêt en luj promettant de revenir une semaine plus tard. Encore une fois, Yolande est seule avec une si.mple promesse qui lui laisse bien peu d'espoir. Mais un changement

(57)

1

52 -s'opère en Gros Louis dam; 1 (' bai s. une chal eur l' l>nvnhi t 1 Orl\qu' Il

pense

à

Yolande. Son désir purement physiq\1l' Sl' transfOrml! f't Ynlnnde

devient une partie de lui-marne dont il ne peut R~ d~fairü:

chemin à i l doit

i l veut

"Dans son souvenIr, il avait iRol~ la Jeune femme de toutes celles qu 1 i l avait cOnlmes

et elle lui était devenue plus n6ceS6nire que le respect et la confiance deR hommeo. "

(11)

I l doit la revoir ... a tout prix, peu Importe parcourir ou les hommes du chantier. Yolande

le

lui

l'en avertir. Un lien s'est créé entre Gros LouiR

la

protéger, la rendre heureuse. I l ln Ïlwe tomber

travni 1, le

npparth'nt. et Ynlnnde; Rl'R gnrdes. s'attendrit sous ses caresses. IJs font le proJet dû s'(mfufr et dt'

recommencer une nouvelle vie:

"Je ne sais pas comment je vais fnirp, Mais attends-moi. Vendredi ou dimanche. On partira tous les deux. b~b'. Regarde bien l'hôtel; on ne reviendra plus. "(12)

Gros Louis fuit Laurier L11 on~ fjl!' dvnnt 1 c dplhlrt de l' Pqll 1 pl' en forêt, i l le confrontait. Aujourd'hui RI)n nmour pour Yol;Jnc!c prf'nd

le dessus Aur son orgueil de Don Junn. Yolande n'pst p.1R IIne flltnple

conquête. Il veut la prendre avec lui. Sl' tourncr v(!rs J'aVf'nlr ('1

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