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Tolérance à la détresse et douleur chronique

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Tolérance à la détresse et douleur chronique

Mémoire

Andréanne Trépanier

Maîtrise en psychologie - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

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Tolérance à la détresse et douleur chronique

Mémoire

Andréanne Trépanier

Sous la direction de :

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Résumé

Zvolensky, Vujanovic, Bernstein et Leyro (2010) conceptualisent la tolérance à la détresse comme la combinaison de la tolérance à l’ambiguïté, la tolérance à l’incertitude, la tolérance à l’inconfort, la tolérance à la détresse émotionnelle et la tolérance à la frustration. Ce mémoire vise à évaluer si la tolérance à la détresse est associée à l’intensité de la douleur ainsi qu’à l’interférence de la douleur sur le fonctionnement quotidien. Il évalue également si la dramatisation de la douleur est un médiateur de ces associations. Pour ce faire, 80 participants ayant une douleur chronique depuis au moins trois mois ont été recrutés à l’aide d’une invitation par courriel envoyé aux étudiants et aux membres du personnel de l’Université Laval. Les données sociodémographiques et psychologiques ont été collectées au moyen d’un questionnaire électronique. Les résultats illustrent que seule la tolérance à la détresse émotionnelle est indépendamment associée à l’expérience de la douleur. Elle explique 10 % de la variance dans le niveau d’intensité de la douleur (ß = -0,60 95% intervalle de confiance (IC) -1,02 - -0,19, t (78) = -2,91, p < 0,01) et 15 % de la variance dans le niveau d’interférence de la douleur sur le fonctionnement quotidien (ß = -0,97 95% IC -1,49 - -0,45, t (78) = -3,71, p < 0,01). Le degré de dramatisation de la douleur n’apparaît pas comme un médiateur significatif de ces associations dans l’échantillon étudié. Ainsi, la tolérance à la détresse émotionnelle semble être un facteur psychologique d’intérêt qui influence, à la fois, l’intensité de la douleur et le fonctionnement quotidien. Toutefois, la relation entre les concepts et la dramatisation de la douleur doit être approfondie.

Mots clés : Tolérance à la détresse, douleur chronique, intensité de la douleur, interférence de la

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iii

Abstract

As defined by Zvolensky, Vujanovic, Bernstein and Leyro (2010), distress tolerance is the combination of tolerance of ambiguity, tolerance of uncertainty, tolerance of physical discomfort, tolerance of negative emotion and tolerance of frustration. The purpose of this study is to assess if distress tolerance is associated with pain intensity and with pain interference. Furthermore, this study assesses if pain catastrophizing is a mediator of associations between the distress tolerance and chronic pain. A total of 80 participants having chronic pain for more than 3 months were recruited. In order to achieve this research, an email invitation was sent to students and staff members at Laval University. Sociodemographic and psychological data were collected in an electronic questionnaire. Multiple linear regression analysis indicates that tolerance of negative emotion is the only independent effect associated with chronic pain. Tolerance of negative emotion explains 10% of the variance in the level of pain intensity (ß = -0,60 95% IC -1,02 - -0,19, t (78) = -2,91, p < 0,01) and 15% of the variance in the level of pain interference (ß = -0,97 95% IC -1,49 - -0,45, t (78) = -3,71, p < 0,01). Note that, in the studied sample, the degree of pain catastrophizing does not appear to be a significant mediator in these associations. Tolerance of negative emotion seems to be a psychological factor of interest which influences pain intensity and pain interference. However, the relationship between the concepts and pain catastrophizing needs to be deepened.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des figures ... vi

Liste des tableaux ... vii

Liste des abréviations ... viii

Remerciements ... x

Avant-propos ... xi

Introduction ... 1

1. Contexte théorique ... 2

1.1. La douleur, une expérience multidimensionnelle ... 2

1.1.1. Douleur chronique ... 2

1.1.2. Mécanismes de la douleur ... 3

1.2. Facteurs psychologiques et douleur chronique ... 3

1.3. Tolérance à la détresse ... 4

1.3.1. Tolérance à l’ambiguïté ... 5

1.3.2. Tolérance à l’incertitude ... 6

1.3.3. Tolérance à l’inconfort ... 6

1.3.4. Tolérance à la détresse émotionnelle ... 7

1.3.5. Tolérance à la frustration ... 7

1.3.5. Tolérance à la détresse et douleur chronique ... 8

1.4. Dramatisation de la douleur ... 8

1.6 Synthèse ... 9

1.7 Objectifs du mémoire ... 9

Chapitre 2 : L’effet de la tolérance à la détresse sur l’expérience de la douleur chronique ... 11

2.1. Résumé ... 12

2.2. Introduction ... 13

2.3. Méthodologie ... 15

2.3.1. Devis de recherche et considération éthique ... 15

2.3.2. Participants ... 15

2.3.3. Mesures ... 15

2.3.4. Analyses ... 17

2.4. Résultats ... 18

2.4.1. Caractéristiques de l’échantillon ... 18

2.4.2. Tolérance à la détresse et douleur ... 18

2.4.3. Dramatisation, tolérance à la détresse et douleur ... 19

(6)

v

2.6. Conclusion ... 22

2.7. Références ... 23

Chapitre 3 : Discussion générale ... 35

3.1. Principaux constats et contributions théoriques ... 35

3.1.1. L’effet de la tolérance à la détresse sur l’expérience de la douleur chronique . 35 3.1.2. Le rôle de la dramatisation de la douleur sur l’expérience de la douleur chronique ... 37

3.1.3. Spécificités de la population ... 38

3.1.4. Limites ... 39

3.1.5. Contributions et retombées ... 39

3.1.6. Pistes de recherche future ... 41

3.1.7. Conclusion ... 41

Bibliographie ... 46

Annexe A : Certificat d’approbation éthique ... 56

Annexe B : Feuillet de consentement ... 57

Annexe C : Questionnaire du participant ... 59

Annexe D : Questionnaire concis sur les douleurs ... 62

Annexe E : Échelle de dramatisation face à la douleur ... 64

Annexe F : Échelle de tolérance à l’ambiguïté ... 66

Annexe G : Échelle d’intolérance à l’incertitude ... 69

Annexe H : Échelle d’intolérance à l’inconfort physique ... 71

Annexe I : Échelle de tolérance à la détresse émotionnelle ... 72

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Liste des figures

Figure 1 : Modèle de médiation de la dramatisation de la douleur dans l’association entre la tolérance à la détresse émotionnelle et l’intensité de la douleur. ... 33 Figure 2 : Modèle de médiation de la dramatisation de la douleur dans l’association entre la tolérance à la détresse émotionnelle et l’interférence de la douleur sur le fonctionnement ... 34

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vii

Liste des tableaux

Tableau 1 : Caractéristiques sociodémographiques et cliniques des participants de l’étude ... 29 Tableau 2 : Tableau de corrélation des variables de la tolérance à la détresse, de l’expérience de la douleur chronique et de la dramatisation face à la douleur ... 30 Tableau 3 : Tableau de l’association entre la tolérance à la détresse et l’intensité de la douleur ... 31 Tableau 4 : Tableau de l’association entre la tolérance à la détresse et l’interférence de la douleur ... 32 Tableau 5 : Tableau de corrélation des variables de la tolérance à la détresse et de l’expérience de la douleur chronique ... 43 Tableau 6 : Tableau des scores d’intensité et d’interférence sur le fonctionnement quotidien ... 44 Tableau 7 : Tableau des scores de tolérance à l’ambiguïté, d’intolérance à l’incertitude, d’intolérance à l’inconfort et d’intolérance à la frustration ... 45

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Liste des abréviations

AT20: Ambiguity Tolerance Scale (20 items) BPI: Brief Pain Inventory

CISSS: Centre intégré de santé et de services sociaux DIS: Discomfort Intolerance Scale

DIS-I: Discomfort Intolerance Scale (score Inversé) DTS: Distress Tolerance Scale

EII: Échelle d’intolérance à l’incertitude

EII-I: Échelle d’intolérance à l’incertitude (score Inversé) ÉT: Écart-type

FDS: Frustration Discomfort Scale

IASP: International Association for the study of pain IC: Intervalle de confiance

PCS-CF: Pain Catastrophizing Scale (French-Canadian Version) !: Symbole pour l’écart-type

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ix

« Cela semble toujours impossible, jusqu’à

ce que ce soit fait. » .

– Nelson Mandela

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Remerciements

L’accomplissement de ce mémoire marque la fin de nombreux efforts et d’une grande persévérance. Cette expérience n’aurait sans doute pas été la même sans le soutien inconditionnel et les encouragements des membres de mon entourage. Par conséquent, je souhaite leur dédier ces quelques lignes afin de leur témoigner toute ma gratitude.

Pour commencer, j’aimerais remercier mon directeur de recherche, Guillaume Foldes-Busque qui a gentiment accepté de m’accompagner dans cette grande aventure. Sans lui, la réalisation de ce mémoire de maîtrise n’aurait pas été possible. Je désire lui présenter mes remerciements les plus sincères pour la patience et la compréhension dont il a fait preuve à mon égard tout au long de cette initiation à la recherche. J’éprouve également une très grande reconnaissance pour son expertise et pour ces précieux conseils qui m’auront permis de m’épanouir sur le plan académique et professionnel.

J’aimerais, également, remercier chaleureusement, Stéphanie Cormier, qui fut la première à croire en moi. Elle aura su me transmettre sa passion dès notre première rencontre. Son soutien et son écoute m’auront, sans aucun doute, permis de ne jamais renoncer et d’atteindre mes objectifs.

La réalisation de ce mémoire fut remplie de petites joies, mais également de petites peines. J’aimerais également prendre le temps de remercier ma famille et mes amis, qui avec leurs précieux mots d’encouragements m’ont permis de ne jamais abandonner. Marie-Michelle, ma grande amie, merci pour ton écoute et tes sages paroles. Kristine, merci pour tes précieux conseils qui ont fait toute la différence. Marie-Ève, ma très chère sœur, merci pour ta présence et tes nombreux encouragements. Olivier, merci d’avoir toujours trouvé les bons mots pour me remonter le moral et pour tous ces petits moments de folie qui m’ont permis de reprendre mon souffle. De t’avoir à mes côtés me remplit de bonheur. France et Louis, ces quelques mots ne suffiront pas à vous témoigner toute ma reconnaissance. Mille mercis pour votre présence, votre amour inconditionnel et pour votre précieux réconfort. Vous êtes mes modèles de persévérance et de détermination.

Ainsi qu’un merci des plus sincères à toutes ces personnes qui ont contribué à leur manière à la mise en œuvre de ce mémoire.

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Avant-propos

Ce mémoire de maîtrise contient l’insertion d’un article qui se nomme « L’effet de la tolérance à la détresse sur l’expérience de la douleur chronique ». L’article sera soumis prochainement pour publication dans la revue Clinical Journal of Pain.

Le présent projet de recherche a été réalisé par Andréanne Trépanier, autrice principale de ce mémoire, sous la supervision de Guillaume Foldes-Busque, Ph.D., Psy.D.. Elle a donc réalisé a) la revue de la littérature, b) la compilation des données, c) l’analyse des données, d) l’interprétation des résultats et e) la rédaction de l’article. L’élaboration du devis statistique, les analyses statistiques et l’interprétation des données ont été réalisées avec l’aide de monsieur Stéphane Turcotte, biostatisticien.

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Introduction

La prévalence de la douleur chronique est en augmentation depuis plusieurs années au Canada pour atteindre 21 % en 2014 (Shupler, Kramer, Cragg, Jutzeler & Whitehurst, 2019). La douleur chronique est une condition complexe et préoccupante qui a de lourdes conséquences pour les personnes qui en souffrent (Patel, Chang, Monhammed, Raman-Wilms, Jurcic, Khan & Sproule, 2016; Herr, 2011).

L’imprévisibilité, la sévérité des symptômes ainsi que les nombreuses limitations fonctionnelles qui découlent de la douleur chronique entraînent de nombreux états émotionnels ou physiques désagréables (Gatchel, Peng, Peters, Funchs & Turk, 2007; Tang, Goodchild, Hester & Salkovskis, 2010; Berg, Arnster, Sacajiu & Karasz, 2009). Ainsi, un individu qui tolère plus difficilement les états émotionnels ou physiques négatifs aura plus de difficultés à s’adapter à cette condition (Zvolensky, Vujanovic, Bernstein & Leyro, 2010; Asmundson, Peluso, Carleton, Collimore & Welch, 2011). Le présent mémoire aborde donc la question de la relation entre la capacité à tolérer la détresse et les conséquences de la douleur chronique.

Il comprend trois chapitres. Le premier est consacré au cadre théorique ainsi qu’à la problématique. L’article qui a été rédigé dans le cadre de ce mémoire est présenté dans le deuxième chapitre. Puis, le chapitre trois est consacré à la discussion générale.

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1. Contexte théorique

1.1. La douleur, une expérience multidimensionnelle

L’International Association for the study of pain (IASP) définit la douleur comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à un dommage tissulaire réel ou potentiel, ou décrite en termes de tels dommages » (Traduction libre de Derbyshire, 1999, p.160). Bien que cette définition ait été reprise dans la littérature, elle a récemment soulevé quelques questionnements quant aux diverses sphères qui la composent. Williams et Craig (2016) sont d’avis que les sphères cognitive et sociale doivent être incluses afin d’avoir un portrait plus précis de l’expérience de la douleur. Ils définissent, alors, la douleur comme une expérience pénible aux composantes sensorielles, émotionnelles, cognitives et sociales en réponse à des dommages physiques réels ou potentiels (Williams & Craig, 2016). Pour cette raison, il s’agit de la définition qui a été retenue dans le présent mémoire.

1.1.1. Douleur chronique

La douleur peut être aigüe ou chronique. La douleur aigüe est une sensation temporaire qui joue le rôle de signal d’avertissement. En plus d’être préoccupante pour la personne qui la ressent, la douleur aigüe est indicatrice d’une mauvaise santé ou de processus pathologiques (Wagensten, Fröjd, Swenne, Gordh & Gunningber, 2011). Elle est adaptée, puisqu’elle permet de protéger l’organisme contre d’éventuelles situations dangereuses (Katz, Rosenbloom & Fashler, 2015 ; Melzack & Katz, 2013 ; Williams & Craig, 2016). En contrepartie, la douleur chronique est une source majeure de souffrance et perdure dans le temps (Boulanger, Clark, Cui & Horbay, 2007; Treede & al., 2015).

Définie comme étant une douleur persistante ou récurrente qui perdure plus de 3 mois, soit au-delà de la durée attendue de recouvrement, la douleur chronique peut être décrite grâce à l’intensité de la douleur perçue, la détresse liée à la douleur ainsi que la déficience fonctionnelle qui en résulte (Treede & al., 2015; Boulanger, Clark, Cui & Horbay, 2007). Cette condition est un problème de santé majeur qui touche près 21 % de la population canadienne (Shupler, Kramer, Cragg, Jutzeler & Whitehurst, 2019) et elle peut être expliquée en partie par plusieurs mécanismes (Gatchel, Peng, Peters, Fuchs & Turk, 2007).

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1.1.2. Mécanismes de la douleur

Plusieurs théories ont été proposées afin d’expliquer l’expérience de douleur à travers l’histoire. C’est la théorie de la spécificité de René Descartes (1662) qui guida la compréhension de la douleur, pendant plusieurs années (Moayedi & Davis, 2013). Cette théorie conçoit la douleur comme un processus linéaire, passant des lésions tissulaires du corps jusqu’à la région du cerveau responsable de la douleur (Melzack, 1993). Durant les années 1950, il n’était donc pas rare d’avoir recours aux lésions neurochirurgicales afin de traiter les douleurs chroniques sévères, souvent avec un succès limité (Melzack, 1993). Cette conception simpliste de la douleur ne considérait en aucun cas l’effet des facteurs psychologiques (Melzack, 1993). En 1965, la théorie du portillon proposé par Ronald Melzack et Partick D. Wall vient changer la conceptualisation de la douleur. Cette théorie s’oppose au modèle linéaire lésion-douleur en suggérant que la perception de la douleur serait modulée par des facteurs biologiques et psychologiques (Lefort & al., 2015, cité dans Katz & Rosenbloom, 2015; Melzack & Wall, 1965 ; Melzack & Casey, 1968 ; Melzack & Katz, 2013).

La Théorie du portillon propose essentiellement qu’une station de transmission des signaux douloureux, que l’on nomme portillon, se trouve dans la moelle épinière (Melzack & Wall, 1965 ; Katz & Rosenbloom, 2015). Celle-ci influence le débit de signal douloureux qui circule dans le système nerveux vers le cerveau (Melzack & Wall, 1965 ; Katz & Rosenbloom, 2015). Lorsque le portillon est ouvert, il laisse passer un plus grand débit de signal de douleur, ce qui suggère une perception accrue de la douleur (Perl, 2007; Price & Bushnell, 2004 cité par Cormier, 2013; Melzack, 1993;Melzack & Wall, 1965; Katz & Rosenbloom, 2015). Plus précisément, le signal de la douleur est influencé par le niveau d’activité des fibres de grand et de petit diamètre (Melzack, 1993; Melzack & Wall, 1965). L’activation des fibres de grand diamètre inhibera la transmission alors que l’activation des fibres de petit diamètre facilite la transmission (Melzack, 1993; Melzack & Wall, 1965). Les émotions fortes, comme la peur, l’anxiété ou l’attente du pire, sont des facteurs psychologiques qui favorisent l’activation des fibres de petit diamètre et donc qui influencent l’ouverture du portillon (Melzack & Wall, 1965; Lefort & al., 2015 cité dans Katz & Rosenbloom, 2015).

1.2. Facteurs psychologiques et douleur chronique

L’expérience de la douleur chronique a un impact significatif sur la qualité de vie de la personne atteinte et de ses proches (Patel, Chang, Monhammed, Raman-Wilms, Jurcic, Khan & Sproule, 2016; Herr, 2011). Dans certains cas, ce type de douleur favorise l’isolement social (Gatchel, Peng, Peters,

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4

Fuchs & Turk, 2007). En effet, 49 % des Canadiens vivant avec de la douleur chronique estiment avoir de grandes difficultés à assister à des événements sociaux ou familiaux (Moulin, Clark, Speechley & Morley-Forster, 2002). Il est fréquent que la douleur affecte la mobilité et interfère sur le fonctionnement quotidien (Gatchel, Peng, Peters, Fuchs & Turk, 2007). Par exemple, 60 % des Canadiens atteints de douleur chronique déclarent être incapables d’accomplir les activités récréatives qu’ils pratiquaient habituellement (Moulin, Clark, Speechley & Morley-Forster, 2002). Aussi, 58 % des Canadiens atteints de douleur chronique mentionnent être incapable de pourvoir aux tâches quotidiennes de la maison (Moulin, Clark, Speechley & Morley-Forster, 2002). Ainsi, il n’est pas rare qu’une réorganisation des rôles au sein de la cellule familiale soit observée (Gatchel, Peng, Peters, Fuchs & Turk, 2007). De plus, l’imprévisibilité de cette condition fait en sorte qu’il est difficile pour la personne atteinte de savoir quel impact la douleur aura et comment elle va se manifester (Gatchel, Peng, Peters, Fuchs & Turk, 2007). En somme, la douleur chronique limite grandement le fonctionnement quotidien de la personne qui en est atteinte (Tang, Goodchild, Hester & Salkovskis, 2010). Ces limitations l’amènent à composer avec une multitude d’états émotionnels ou physiques négatifs (Tang, Goodchild, Hester & Salkovskis, 2010), comme les états dépressifs et anxieux, la colère et l’inconfort (Gatchel, Peng, Peters, Fuchs & Turk, 2007; Korff & al., 2005). Ces états contribueraient, à leur tour, à exacerber la perception de douleur et à nuire au fonctionnement quotidien (Korff & al., 2005; Tang, Goodchild, Hester & Salkovskis, 2010). À long terme, ils peuvent aussi amener la personne à évaluer plus négativement sa situation et les conséquences associées (Tang, Goodchild, Hester & Salkovskis, 2010). Ainsi, la capacité à tolérer la détresse apparaît comme un concept important à prendre en compte dans le contexte de la douleur chronique (Tang, Goodchild, Hester & Salkovskis, 2010; Asmundson, Peluso, Carleton, Collimore & Welch, 2011). La tolérance à la détresse pourrait expliquer les variations individuelles de la sévérité des symptômes psychologiques et par conséquent, l’incapacité fonctionnelle et l’intensité de la douleur (Asmundson, Peluso, Carleton, Collimore & Welch, 2011).

1.3. Tolérance à la détresse

À ce jour, il n’y a pas de consensus sur la définition du concept de tolérance à la détresse (Leyro, Zvolensky & Bernstein, 2010). Toutefois, Zvolensky, Vujanovic, Bernstein et Leyro (2010) proposent un modèle robuste du concept de tolérance à la détresse qui s’appuie sur une revue de la littérature empirique du sujet. D’après leurs travaux, la tolérance à la détresse se conceptualise selon

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deux axes, soit l’axe cognitif et l’axe comportemental. Le premier fait référence à la capacité perçue de résister à des états émotionnels ou physiques pénibles (Zvolensky, Vujanovic, Bernstein & Leyro, 2010). Ainsi, il s’agit de la perception d’une personne face à sa capacité de tolérer la détresse (Leyro, Zvolensky & Bernstein, 2010). Le second fait référence aux comportements mis en place afin de résister aux états émotionnels ou physiques pénibles (Zvolensky, Vujanovic, Bernstein & Leyro, 2010). Toujours selon le modèle de ces auteurs, les personnes qui tolèrent plus difficilement la détresse sont plus à risque d’y réagir de façon inadaptée. Par conséquent, ils vont tenter d’éviter les émotions négatives ou les états aversifs associés. En contrepartie, les personnes qui tolèrent plus facilement la détresse vont généralement y réagir de façon plus adaptée. (Zvolensky, Vujanovic, Bernstein & Leyro, 2010; Zvolensky & Hogan, 2013)

Le présent mémoire se centre sur l’axe cognitif de la tolérance à la détresse, qui est défini par Zvolensky, Vujanovic, Bernstein et Leyro (2010), afin de comprendre son impact en contexte de douleur chronique. Cet axe de la tolérance à la détresse est opérationnalisé comme étant la combinaison de cinq composantes : la tolérance à l’ambiguïté, la tolérance à l’incertitude, la tolérance à l’inconfort, la tolérance à la détresse émotionnelle et la tolérance à la frustration (Leyro, Zvolensky & Bernstein, 2010; Zvolensky, Vujanovic, Bernstein et Leyro, 2010). Bardeen, Fergus et Orcutt (2013) ont évalué empiriquement ce modèle. Ainsi, leur étude confirme, d’abord, que les cinq composantes du modèle sont distinctes puis, lorsque combinées, elles permettent d’évaluer la capacité à tolérer la détresse (Bardeen, Fergus & Orcutt, 2013). Les sections suivantes serviront à définir chacune de ces composantes.

1.3.1. Tolérance à l’ambiguïté

La tolérance à l’ambiguïté est la façon dont une personne perçoit ou traite les informations d’une situation ou les stimulus compliqués, étranges ou vagues (Furnham & Ribchester, 1995; Leyro, Zvolensky & Bernstein, 2010). Généralement, une personne qui tolère difficilement l’ambiguïté réagira avec une plus grande détresse émotionnelle face à une situation imprévisible (Zvolensky, Vujanovic, Bernstein & Leyro, 2010). Ainsi, un niveau plus faible de tolérance à l’ambiguïté est associé à davantage d’anxiété et d’impulsivité (Leyro, Zvolensky & Bernstein, 2010).

La tolérance à l’ambiguïté pourrait influencer l’expérience de la douleur chronique. Bien que certains patients puissent recevoir une explication claire de l’origine de leur douleur, pour plusieurs, l’explication et même les symptômes demeureront ambigus (Berg, Arnster, Sacajiu & Karasz, 2009).

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6

Pour ces derniers, une faible tolérance à l’ambiguïté risque d’entrainer davantage de détresse (Berg, Arnster, Sacajiu & Karasz, 2009).

1.3.2. Tolérance à l’incertitude

Ce concept est souvent abordé sous la forme d’intolérance dans les écrits scientifiques. L’intolérance à l’incertitude est définie comme étant un biais cognitif qui affecte la manière dont une personne perçoit, interprète et réagit à des situations incertaines sur le plan cognitif, émotionnel et comportemental (Freeston, Rhéaume, Letarte, Dugas & Ladouceur, 1994). Face aux incertitudes de la vie quotidienne, les personnes qui y sont intolérantes ont tendance à s’inquiéter excessivement et à vivre plus de détresse émotionnelle que les individus plus tolérants (Dugas, Gosselin, Ladouceur, 2001). Du coup, l’intolérance à l’incertitude est liée à plus de symptômes d’anxiété ainsi qu’à une plus grande détresse émotionnelle (Zvolensky, Vujanovic, Bernstein & Leyro, 2010). La tolérance à l’incertitude se distingue de la tolérance à l’ambiguïté notamment par le contexte où elles se manifestent (Leyro, Zvolensky & Bernstein, 2010). En effet, la première réfère aux inquiétudes excessives vécues lorsque l’individu est dans l’attente d’une situation vague (Buhr & Dugas, 2002), alors que la seconde se réfère au vécu suite à l’interprétation des pensées lorsque l’individu se retrouve l’individu se retrouve directement confronté à une situation vague (Furnham & Ribchester, 1995; Zvolensky, Vujanovic, Bernstein & Leyro, 2010).

En douleur chronique, l’incertitude face aux symptômes est tout simplement inévitable (Hoth & al., 2013; Serbic & Pincus,2014 ; Serbic & Pincus, 2013). Par conséquent, les personnes qui tolèrent plus difficilement l’incertitude vivront davantage de détresse et auront tendance à évaluer leur douleur comme plus intense et plus handicapante (Hadjistravropoulos & Hadjistravropoulos, 2003; Trépanier & Cormier, 2017).

1.3.3. Tolérance à l’inconfort

La tolérance à l’inconfort réfère à la capacité de résister à des sensations physiques désagréables, qu’elles soient douloureuses ou non (Wagener & Blairy, 2015; Leyro, Zvolensky & Bernstein, 2010; Schmidt, Richey & Fitzpatrick, 2006). Les individus qui tolèrent plus difficilement l’inconfort vont notamment avoir plus de difficulté à faire face aux stress physiques provoqués par la peur ou l’anxiété (Leyro, Zvolensky & Bernstein, 2010; MacDonald, 1970). Ceux-ci vont chercher à fuir ou à éviter certaines sensations d’inconfort grâce à certains comportements inadaptés (p. ex. l’inactivité

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physique ou l’arrêt du travail) (Leyro, Zvolensky & Bernstein, 2010; MacDonald, 1970; Schmitd & Lerew, 1998; Schmidt, Richey & Fitzpatrick, 2006).

À notre connaissance, aucune étude ne porte sur la relation entre la tolérance à l’inconfort et l’expérience de la douleur chronique. Toutefois, par définition, les personnes vivant avec de la douleur chronique doivent composer avec l’inconfort physique (Treede & al., 2015). Ainsi, une personne qui tolère plus difficilement l’inconfort pourrait vivre plus de détresse et mettre en place certains comportements inadaptés dans le but d’éviter ou contrôler sa douleur (Leyro, Zvolensky & Bernstein, 2010).

1.3.4. Tolérance à la détresse émotionnelle

Selon Simons et Gaher (2005), la tolérance à la détresse émotionnelle se définit comme la combinaison de : « a) la capacité à tolérer les états émotionnels pénibles; b) le niveau d’attention qui est absorbée par la détresse émotionnelle; c) l’évaluation subjective de la détresse émotionnelle; et d) les efforts de régulation pour réduire la détresse émotionnelle » (Wagener & Blairy, 2015, p. 241-242). Une personne qui tolère plus difficilement la détresse émotionnelle va tenter d’éviter les émotions négatives, car elles sont difficiles à supporter (Simons & Gaher, 2005). De plus, un sentiment de honte est souvent présent chez ces personnes, car elles trouvent difficile d’accepter qu’elles vivent de la détresse émotionnelle (Simons & Gaher, 2005).

En situation de douleur chronique, les personnes qui sont plus sensibles à la détresse émotionnelle ont tendance à vivre leur douleur de façon plus intense et plus incapacitante (Sturgeon, Dixon, Darnall & Mackey, 2015 ; McHugh, Weiss, Cornelius, Martel, Jamison & Edwards, 2016; McHugh, Kneeland, Edwards, Jamison & Weiss, 2019).

1.3.5. Tolérance à la frustration

La tolérance à la frustration est la capacité de résister à l’inconfort induit par la frustration (Zvolensky, Vujanovic, Bernstein & Leyro, 2010). Ainsi, plus une personne est frustrée par sa condition, plus elle emploiera des stratégies d’adaptations inefficaces pour faire face à celle-ci (Shim, Wang & Cassady, 2013; Chamayou, Tsenova, Gonthier, Blatier & Yahyaoui, 2016; Sutton, 2007).

La frustration est couramment ressentie chez les personnes atteintes de douleur chronique (Vickers & Boocock, 2005). En effet, l’incapacité vécue, l’ambiguïté du diagnostic puis l’efficacité limitée

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des traitements sont autant de sources potentielles de frustration pour celles-ci (Dow, Roche & Ziebland 2012). Les personnes atteintes de douleur chronique qui tolèrent plus difficilement la frustration accepteraient plus difficilement leur condition et vivraient plus de difficulté sur le plan psychologique (Suso-Ribera, Jornet-Gibert, Canudas, McCracken, Maydeu-Olivares & Gallardo-Pujol, 2016).

1.3.5. Tolérance à la détresse et douleur chronique

À notre connaissance, aucune étude qui porte sur la tolérance à la détresse, telle que définie par Zvolensky, Vujanovic, Bernstein et Leyro (2010) et l’expérience de la douleur chronique n’a été réalisée (Asmundson, Peluso, Carleton, Collimore & Welch, 2011). Cependant, il est attendu qu’un lien précis unisse ces deux concepts (Asmundson, Peluso, Carleton, Collimore & Welch, 2011). En effet, l’imprévisibilité et les nombreuses limitations induites par la condition de douleur chronique amènent l’individu à devoir composer avec plusieurs états émotionnels ou physiques négatifs, donc composer avec de la détresse (Tang, Goodchild, Hester & Salkovskis, 2010; Gatchel, Peng, Peters, Fuchs & Turk, 2007). Face à une situation de détresse, un individu qui tolère plus difficilement les états émotionnels ou physiques négatifs aura tendance à avoir des pensées et des comportements inadaptés (Zvolensky, Vujanovic, Bernstein & Leyro, 2010). L’impact de la tolérance à la détresse sur l’expérience de la douleur chronique pourrait donc être relativement direct via les comportements d’évitements et l’augmentation de la détresse (McHugh, Weiss, Cornelius, Martel, Jamison & Edwards, 2016). Il pourrait aussi, potentiellement, se faire en favorisant des cognitions dysfonctionnelles plus spécifiques à l’expérience de la douleur qui sont, à leur tour, associées à des douleurs plus intenses et incapacitantes (Emami, Woodcock, Swanson, Kapphahn & Pulvers, 2016). Une forme bien documentée de cognitions dysfonctionnelles en lien avec la douleur est la dramatisation (Sullivan, Bishop & Pivink, 1995). De plus, une faible tolérance à la détresse émotionnelle est associée à plus de pensées dysfonctionnelles ainsi qu’à une douleur de plus grande intensité (Emami, Woodcock, Swanson, Kapphahn & Pulvers, 2016).

1.4. Dramatisation de la douleur

La dramatisation de la douleur a un effet sur l’intensité de la douleur ainsi que sur l’interprétation des conséquences qui y sont associées (Sullivan, Thorn, Haythornthwaite, Keefe, Martin, Bradley & Lefebvre, 2001; Pulvers & Hood, 2013). Plus précisément, elle réfère à l’exagération des sensations douloureuses, aux préoccupations constantes sur son état de santé et au sentiment

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d’impuissance face à sa situation (Sullivan, Bishop & Pivink, 1995). Des séjours de plus longue durée à l’hôpital (Gil, Abrams, Philips & Williams, 1992), des visites plus fréquentes chez des professionnels de la santé (Gil, Thompson, Keith, Tota-Faucette, Noll & Kinney, 1993), une augmentation de la détresse psychologique, la présence de stratégies d’adaptation inefficaces, une plus grande invalidité (Kadimpati, Zale, Hooten, Ditre & Warner, 2015), une douleur plus intense ainsi qu’une plus grande probabilité d’échec du traitement utilisé (Burns, Ritvo, Ferguson, Clarke, Seltzer & Katz, 2015) sont observées chez les personnes qui dramatisent leur douleur (Sullivan, Thorn, Haythornthwaite, Keefe, Martin, Bradley & Lefebvre, 2001; Pulvers & Hood, 2013). Ainsi, la dramatisation de la douleur vient moduler l’expérience de la douleur chronique (Sullivan, Bishop & Pivink, 1995).

Sachant que les pensées dramatiques peuvent avoir un effet sur l’expérience de la douleur chronique, il serait important de comprendre l’apport que de telles pensées peuvent avoir dans l’association entre la tolérance à la détresse et l’expérience de la douleur chronique (Pulvers & Hood, 2013). Par déduction, si un individu tolère plus difficilement la détresse émotionnelle et somatique causée par sa douleur chronique, il devrait la percevoir comme étant plus grave et aura plus de difficulté à accomplir ses tâches de la vie quotidienne.

1.6 Synthèse

La douleur chronique est une condition complexe et lourde de conséquences. Les personnes qui en souffrent doivent faire face à plusieurs états émotionnels ou physiques négatifs. C’est pourquoi la tolérance à la détresse modulerait l’expérience de la douleur chronique. Or, la présence de pensées dramatiques pourrait expliquer, du moins en partie, une éventuelle association entre la tolérance à la détresse et l’expérience de la douleur chronique. En effet, le lien entre la dramatisation de la douleur et l’expérience de la douleur chronique est très bien documenté. Ainsi, ce projet de recherche pourrait permettre de mettre en lumière un lien possible entre la tolérance à la détresse et l’expérience de douleur chronique, ce qui permettrait d’ouvrir de nouvelles pistes d’interventions.

1.7 Objectifs du mémoire

L’objectif principal de ce projet de recherche est de déterminer si la tolérance à la détresse, définie comme étant la combinaison de la tolérance à l’ambiguïté, la tolérance à l’incertitude, la tolérance à l’inconfort, la tolérance à la détresse émotionnelle et la tolérance à la frustration, est associée à l’intensité de la douleur chronique d’une part et à l’interférence de la douleur sur le

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fonctionnement quotidien d’autre part. L’objectif secondaire de ce projet de recherche est d’évaluer si la dramatisation de la douleur est un médiateur de la relation entre la tolérance à la détresse et l’expérience de la douleur chronique, définie par l’intensité de la douleur et l’interférence de la douleur sur le fonctionnement quotidien.

En guise d’hypothèse, il est attendu que des degrés plus faibles de tolérance à l’ambiguïté, de tolérance à l’incertitude, de tolérance à l’inconfort, de tolérance à la détresse émotionnelle et de tolérance à la frustration, qui réfèrent à une faible tolérance à la détresse, prédisent une intensité de la douleur plus élevée ainsi qu’une plus grande interférence de la douleur sur le fonctionnement quotidien (Tang, Goodchild, Hester & Salkovskis, 2010; Asmundson, Peluso, Carleton, Collimore & Welch, 2011; Zvolensky, Vujanovic, Bernsteind & Leyro, 2010). Il est également attendu que la dramatisation de la douleur soit un médiateur de l’association entre la tolérance à la détresse et l’expérience de la douleur chronique (Turner, Jensen, Warms & Cardenas, 2002; Emami, Woodcock, Swanson, Kapphahn & Pulvers, 2016; McHugh, Kneeland, Jamision & Weiss 2019).

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Chapitre 2 : L’effet de la tolérance à la détresse sur

l’expérience de la douleur chronique

Andréanne Trépanier1,2, Stéphane Turcotte2 & Guillaume Foldes-Busque1,2

1 École de Psychologie, Université Laval, Québec, Canada

2 Centre de Recherche du Centre intégré de santé et de service sociaux Chaudière-Appalaches, Lévis,

Québec, Canada

Andréanne Trépanier École de psychologie

Faculté des Sciences sociales 2325, rue des Bibliothèques Québec, Québec

G1V 0A6

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12

2.1. Résumé

Objectifs : La présente étude vise à documenter les associations entre la tolérance à la

détresse et l’intensité ainsi que l’interférence de la douleur auprès de participants atteints de douleur chronique depuis au moins 3 mois. Si ces associations sont avérées, elle évaluera le potentiel rôle médiateur de la dramatisation de la douleur dans l’association entre la tolérance à la détresse et l’expérience de la douleur chronique. Méthode : Un échantillon de 80 participants a été recruté par l’envoi d’un courriel aux étudiants et membres du personnel de l’Université Laval. L’ensemble des données a été recueilli par une batterie de questionnaires auto-rapportés. Résultats : Les résultats illustrent que seule la tolérance à la détresse émotionnelle est indépendamment associée à l’expérience de la douleur. Elle explique 10 % de la variance du niveau d’intensité de la douleur (ß = -0,60 95% IC -1,02 - -0,19, t (78) = -2,91, p < 0,01) et 15 % du niveau d’interférence de la douleur sur le fonctionnement quotidien (ß = -0,97 95% IC -1,49 - -0,45, t (78) = -3,71, p < 0,01). Aucun effet de médiation de la dramatisation de la douleur n’a été observé. Conclusions : La tolérance à la détresse émotionnelle semble être un facteur psychologique d’intérêt qui influence l’intensité de la douleur et le fonctionnement quotidien. L’absence de relation de médiation pourrait s’expliquer par la variance partagée de la tolérance à la détresse émotionnelle et de la dramatisation de la douleur. Toutefois, la relation entre la tolérance à la détresse émotionnelle, l’expérience de la douleur chronique et la dramatisation de la douleur doit être approfondie.

Mots-clés : tolérance à la détresse, douleur chronique, intensité de la douleur, interférence de la

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2.2. Introduction

Au Canada, la prévalence de la douleur chronique ne cesse d’augmenter et atteint maintenant 21 % (Shupler, Kramer, Cragg, Jutzeler & Whitehurst, 2019). La douleur chronique est une condition de santé complexe et imprévisible qui s’accompagne de lourdes conséquences (Patel, Chang, Monhammed, Raman-Wilms, Jurcic, Khan & Sproule, 2016; Herr, 2011). Les limitations physiques (Moulin, Clark, Speedchley & Morley-Forster, 2002), l’isolement social (Gatchel, Peng, Peters, Fuchs & Turk, 2007; Korff & al, 2005) et la réorganisation des rôles au sein de la cellule familiale (Moulin, Clark, Speechley & Morley-Forster, 2002) sont des exemples de conséquences de la douleur chronique. Il est difficile pour la personne atteinte de prévoir quels seront les impacts de sa douleur puis quand et comment ils vont se manifester (Gatchel, Peng, Peters, Fuchs & Turk, 2007). Face à l’imprévisibilité de sa condition, il est possible qu’elle compose avec une multitude d’états émotionnels ou physiques négatifs (Tang, Goodchild, Hester & Salkovskis, 2010). À force d’être exposée à ces états négatifs, la personne pourrait ressentir plus de détresse et donc évaluer son expérience de douleur comme étant davantage pénible et angoissante (Tang, Goodchild, Hester & Salkovskis, 2010). C’est pourquoi la capacité à tolérer la détresse, qui apparaît comme un concept important, pourrait expliquer les variations individuelles de l’expérience de la douleur chronique, telles que l’intensité de la douleur et l’incapacité fonctionnelle (Asmundson, Peluso, Carleton, Collimore & Welch, 2011).

Zvolensky, Vujanovic, Bernstein et Leyro (2010) définissent la tolérance à la détresse comme étant la capacité à résister à des états émotionnels ou physiques aversifs. Plus précisément, lorsqu’elle est face à la détresse, la personne qui la tolère plus difficilement risque d’y réagir de façon plus inadaptée. Elle peut ainsi tenter d’éviter les émotions négatives et les états aversifs associés à de telles situations. Ces auteurs conceptualisent la tolérance à la détresse comme la combinaison de la tolérance à l’ambiguïté (c’est-à-dire, la capacité à tolérer des situations ou des stimulus compliqués, étranges ou vagues (Furnham & Ribchester, 1995; Leyro, Zvolensky & Bernstein, 2010)), la tolérance à l’incertitude (c’est-à-dire, la capacité à accepter qu’un événement négatif puisse se produire (Freeston, Rhéaume, Letarte, Dugas & Ladouceur, 1994)), la tolérance à l’inconfort (c’est-à-dire, aux sensations physiques désagréables (Wagener & Blairy, 2015)), la tolérance à la détresse émotionnelle (p. ex. l’anxiété, la tristesse (Simons & Gaher, 2005)) et la tolérance à la frustration (Zvolensky, Vujanovic, Bernstein & Leyro, 2010). À ce jour, seuls les niveaux de tolérance à l’incertitude et de tolérance à la détresse émotionnelle ont été étudiés en contexte de douleur. Dans les deux cas, un faible niveau de tolérance est associé à une douleur plus intense (Trépanier & Cormier, 2017;

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Sturgeon, Dixon, Darnall & Mackey, 2015 ; McHugh, Weiss, Cornelius, Martel, Jamison & Edwards, 2016). Toutefois, seule l’intolérance à l’incertitude a été associée aux conséquences de la douleur sur le fonctionnement quotidien (Trépanier & Cormier, 2017).

En somme, la nature, l’imprévisibilité et les conséquences de la douleur chronique amènent la personne atteinte à composer avec plusieurs états émotionnels ou physiques aversifs (Tang, Goodchild, Hester & Salkovskis, 2010; Gatchel, Peng, Peters, Fuchs & Turk, 2007). Ainsi, la capacité à tolérer la détresse pourrait influencer l’expérience de douleur chronique. Cet effet pourrait, au moins en partie, être expliqué par une éventuelle association avec les pensées dramatiques liées à la douleur. La dramatisation de la douleur, qui concerne les pensées en lien avec l’exagération de son expérience de douleur, est en effet un facteur déterminant dans la perception de la douleur et ses conséquences (Sullivan, Bishop & Pivink, 1995; Sullivan, Thorn, Haythornthwaite, Keefe, Martin, Bradley & Lefebvre, 2001; Pulvers & Hood, 2013).

L’objectif principal de cette étude est de déterminer si la tolérance à la détresse conceptualisée comme étant la combinaison de la tolérance à l’ambiguïté, la tolérance à l’incertitude, la tolérance à l’inconfort, la tolérance à la détresse émotionnelle et la tolérance à la frustration, est associée à l’intensité de la douleur en premier lieu et à l’interférence de la douleur sur le fonctionnement quotidien en second lieu. Le second objectif consiste à vérifier si la dramatisation de la douleur est un médiateur de l’éventuelle association entre la tolérance à la détresse et l’expérience de douleur chronique. De ce fait, il est attendu que des niveaux plus faibles de tolérance à l’ambiguïté, de tolérance à l’incertitude, de tolérance à l’inconfort, de tolérance à la détresse émotionnelle et de tolérance à la frustration, donc de tolérance à la détresse, soient observés (Asmundson, Peluso, Carleton, Collimore & Welch, 2011). Ainsi, une plus faible tolérance à la détresse prédirait une intensité de la douleur plus élevée et une plus grande interférence de la douleur sur le fonctionnement quotidien (Tang, Goodchild, Hester & Salkovskis, 2010; Asmundson, Peluso, Carleton, Collimore & Welch, 2011; Zvolensky, Vujanovic, Bernsteind & Leyro, 2010). De plus, il est attendu que la dramatisation de la douleur soit un médiateur de l’association entre la tolérance à la détresse et l’expérience de la douleur chronique (Turner, Jensen, Warms & Cardenas, 2002; Emami, Woodcock, Swanson, Kapphahn & Pulvers, 2016; McHugh, Kneeland, Jamision & Weiss 2019).

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2.3. Méthodologie

2.3.1. Devis de recherche et considération éthique

Cette étude de cohorte transversale a été évaluée et approuvée par le comité d’éthique de la recherche du CISSS Chaudière-Appalaches (2019-528).

2.3.2. Participants

L’échantillon se compose d’étudiants et d’employés de l’Université Laval. Ils ont été recrutés par l’envoi d’un courriel venant de la liste d’envoi électronique de l’établissement. Ce courriel comprenait une brève description de l’étude, les critères d’inclusions, les coordonnées de la personne à contacter pour obtenir des renseignements supplémentaires ainsi que l’hyperlien vers le feuillet d’information et de consentement, suivi de la batterie de questionnaires. À la fin des questionnaires, les participants avaient l’option de s’inscrire au tirage d’une tablette électronique d’une valeur de 597 $ canadien. Pour être admissibles à l’étude, les participants devaient être âgés de 18 ans ou plus et souffrir de douleur chronique, soit une douleur qui persiste depuis trois mois ou plus. Les participants qui ont omis de remplir l’un des huit questionnaires ont été exclus du projet de recherche.

2.3.3. Mesures

2.3.3.1. Caractéristiques sociodémographiques et de la douleur

Ce questionnaire portait sur les caractéristiques sociodémographiques du participant et sur la durée de la douleur (3 mois ou moins et durée en mois), sa localisation, les circonstances entourant son apparition ainsi que le diagnostic associé lorsqu’applicable.

2.3.3.2. Intensité et interférence de la douleur

L’adaptation française validée du Brief Pain Inventory (Cleeland & Ryan, 1994; Poundja, Fikretoglu, Guay & Brunet, 2007) a été utilisée. La première partie du questionnaire est composée de quatre items qui évaluent l’intensité de la douleur sur une échelle de 0 « Pas de douleur » à 10 « Douleur la plus horrible que vous puissiez imaginer ». La deuxième partie du questionnaire comprend 10 items qui évaluent l’impact de la douleur sur le fonctionnement quotidien du participant (échelle de 0 « N’interfère pas » à 10 « Interfère complètement »). Les scores d’intensité et d’interférence sont codés selon trois niveaux de sévérité, faible (0-4), modéré (5-6) et sévère (7-10) (Serlin, Mendoza, Nakamura, Edwards & Cleeland, 1995). La consistance interne de la première (α = 0,85) et de la seconde partie (α = 0,88) de la version originale ainsi que de la première (α = 0,86) et de la seconde

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partie (α = 0,90) l’adaptation française sont excellente (Tan, Jensen, Thornby & Shanti, 2004; Poundja, Fikretoglu, Guay & Brunet, 2007; Serlin, Mendoza, Nakamura, Edwards & Cleeland, 1995).

2.3.3.3. Dramatisation de la douleur

L’adaptation validée pour la population canadienne de langue française du Pain Catastrophizing Scale (French, Noël, Vigneau, French, Cyr & Evans, 2005; Sullivan, Bishop & Pivik, 1995) comprend 13 items. Un score élevé à cette échelle est indicateur d’un degré élevé de dramatisation de la douleur. La consistance interne de la version originale (α = 0,87) et de l’adaptation canadienne-française (α = 0,91) de cette échelle sont excellente (Sullivan, Bishop & Pivik, 1995; French, Noël, Vigneau, French, Cyr & Evans, 2005).

2.3.3.4. Composantes de la tolérance à la détresse

Tolérance à l’ambiguïté

Le degré de tolérance à l’ambiguïté a été évalué grâce à l’adaptation française de l’Ambiguity

Tolerance Scale (MacDonald, 1970) obtenue par la méthode de double traduction inversée (Vallerand,

1989). Cette échelle de type vrai ou faux est composée de 20 items (Haslam, Rothschild & Ernst, 2002). Un score élevé indique un haut niveau de tolérance à l’ambiguïté (MacDonald, 1970). La consistance interne de la version originale (α = 0,68 à 0,75) est satisfaisante (MacDonald, 1970; Haslam, Rothschild & Ernst, 2002).

Tolérance à l’incertitude

La version originale canadienne-française de l’Échelle d’intolérance à l’incertitude (Dugas, Schwartz & Francis, 2004; Freeston, Rhéaume, Letarte, Dugas & Ladouceur, 1994) a permis d’évaluer le degré d’intolérance à l’incertitude du participant (Dugas, Schwartz & Francis, 2004). Cette échelle de 27 items est cotée par des échelles de Likert à 5 points (Freestone, Rhéaume, Letarte, Dugas & Ladouceur, 1994). Un haut score indique un fort niveau d’intolérance à l’incertitude. La consistance interne (α = 0,91) de cette échelle est excellente (Freestone, Rhéaume, Letarte, Dugas & Ladouceur, 1994).

Tolérance à l’inconfort

Cette composante de la tolérance à la détresse a été évaluée par l’adaptation française du

Discomfort Intolerance Scale (Wagener & Blairy, 2015; Schmidt, Richey & Fitzpatrick, 2004). Cette

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indique un fort niveau d’intolérance à l’inconfort. La consistance interne de la version originale (α = 0,70) et de l’adaptation française (α = 0,90) de cette échelle sont bonne (Schmidt, Richey & Fitzpatrick, 2004); Wagener & Blairy, 2015).

Tolérance à la détresse émotionnelle

L’adaptation française du Distress Tolerance Scale a été utilisée pour mesurer la tolérance à la détresse émotionnelle (Wagener & Blairy, 2015; Simons & Gaher, 2005). Cette échelle de 15 items évalue la capacité de résister à un inconfort émotionnel grâce à des échelles de Likert à 5 points. Un haut score indique un haut niveau de tolérance à la détresse émotionnelle (Wagener & Blairy, 2015). La consistance interne de la version originale (α = 0,70 à 0,82) et de l’adaptation française (α = 0,93) de l’échelle sont excellente (Simons & Gaher, 2005; Wagener & Blairy, 2015).

Tolérance à la frustration

L’adaptation française du Frustration Discomfort Scale (Chamayou, Tsenova, Gonthier, Blatier & Yahyaoui, 2016; Harrington, 2005) a permis d’évaluer l’intensité de quatre domaines de croyances d’intolérance à la frustration, soit l’intolérance aux émotions inconfortables, l’intolérance aux contraintes, l’intolérance à l’insatisfaction et à l’injustice et l’intolérance à l’échec. L’adaptation française de cette échelle comprend 23 items, comparativement à la version originale qui contient 28 items. Les items sont côtés sur des échelles de Likert en 5 points. Un score élevé indique un haut degré d’intolérance à la frustration. La consistance interne de la version originale (α = 0,94) et de l’adaptation française (α = 0,86) de cet outil sont excellente (Chamayou, Tsenova, Gonthier, Blatier & Yahyaoui, 2016).

2.3.4. Analyses

Des statistiques descriptives ont permis de dresser le profil psychosocial des participants de l’étude et de faire ressortir les caractéristiques de l’échantillon. Pour favoriser l’harmonisation entre les différentes mesures, les scores globaux de l’Échelle d’intolérance à l’incertitude, de l’Échelle de l’intolérance à l’inconfort physique et de l’Échelle de la frustration et d’inconfort ont été inversés afin d’obtenir des scores de tolérance à l’incertitude (EII-I), de tolérance à l’inconfort (DIS-I) et de tolérance à la frustration (FDS-I). L’association entre ces scores ainsi que celui du PCS-CF a ensuite été explorée à l’aide de coefficients de corrélation de Pearson.

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Une première régression linéaire multiple avec une sélection pas-à-pas descendante a été réalisée pour évaluer l’association entre les cinq composantes de la tolérance à la détresse (tolérance à l’ambiguïté, tolérance à l’incertitude, tolérance à l’inconfort, tolérance à la détresse émotionnelle et tolérance à la frustration) et l’Échelle d’intensité de la douleur du BPI. Cette analyse a ensuite été répétée avec le score de l’Échelle d’interférence du BPI comme variable dépendante. Aucun problème de multicolinéarité n’a été observé entre les cinq composantes de la tolérance à la détresse puisqu’aucune corrélation supérieure à 0,90 n’a été observée. Ces analyses ont été exécutées à l’aide de la version 25 du logiciel IBM SPSS Statistics (IMB Corp, Armonk, NY).

Les analyses de médiation ont permis d’évaluer l’effet de la dramatisation de la douleur sur les relations significatives obtenues lors des précédentes régressions. Ce type d’analyse permet de distinguer ce qui est attribué à la tolérance à la détresse (effet direct de la variable indépendante sur la variable dépendante) et ce qui est attribué à l’intervention de la dramatisation de la douleur (effet indirect de la variable indépendante sur la variable dépendante en passant par une variable médiatrice). Ainsi, la médiation peut être partielle lorsque les deux effets sont significatifs ou complète lorsque seul l’effet indirect est observé. Ces analyses ont été effectuées à l’aide de la version 8 du logiciel Mplus (Muthén & Muthén, Los Angeles, CA).

2.4. Résultats

2.4.1. Caractéristiques de l’échantillon

Bien que l’échantillon final comprenne 80 participants, seul 79 d’entre eux ont répondu aux questions sociodémographiques. Ainsi, les participants sont majoritairement des étudiants (57 %) et des femmes (76,3 %) dont l’âge moyen est de 33,09 ans (écart-type (ÉT) 12,87). L’intensité moyenne de leur douleur est de 3,93/10 (ÉT 1,60) depuis 7,18 ans (médiane 5; étendu 39,75), en moyenne. Les principaux diagnostics médicaux rapportés sont l’arthrite et d’autres syndromes généralisés (27,5 %) ainsi que les tendinites (7,5 %). Toutefois, près du tiers des participants ne connaissent pas la cause de leur douleur (30 %). Voir tableau 1 pour le détail.

2.4.2. Tolérance à la détresse et douleur

Le tableau 2 détaille les résultats aux mesures de tolérance à la détresse ainsi que leur inter corrélations. Seul le score à l’échelle de tolérance à la détresse émotionnelle du DTS (r = -0,31; p < 0,01) était significativement corrélé avec le score d’intensité de la douleur du BPI (voir tableau 2 pour

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le détail). Le modèle de régression final comprend uniquement le niveau de tolérance à la détresse émotionnelle (ß = -0,60 95% (IC) -1,02 - -0,19, t (78) = -2,91, p < 0,01). Celui-ci explique 10 % de la variance dans le niveau d’intensité de la douleur (tableau 3).

Comme décrit au tableau 2, le score de tolérance à l’incertitude du EII-I (r = -0,25; p < 0,05) et le score de tolérance à la détresse émotionnelle du DTS (r = -0,39; p < 0,01) étaient significativement corrélés avec le score d’interférence de la douleur du BPI. Un modèle qui comprend uniquement le niveau de tolérance à la détresse émotionnelle (ß = -0,97 95% IC -1,49 - -0,45, t (78) = -3,71, p < 0,01) a été obtenu. Celui-ci explique 15 % de la variance du score d’interférence de la douleur sur le fonctionnement quotidien (tableau 4).

2.4.3. Dramatisation, tolérance à la détresse et douleur

Comme illustré à la figure 1, seul un effet direct de la tolérance à la détresse émotionnelle sur la dramatisation de la douleur (ß = 0,37, p < 0,01) a été identifié. Toutefois, aucun effet direct (ß = -0,01, p = 0,82) et indirect (ß = -0,07, p = 0,10) de la tolérance à la détresse émotionnelle sur l’intensité de la douleur n’ont été identifiés.

Une situation similaire a été observée dans l’association entre la tolérance à la détresse émotionnelle et l’interférence de la douleur. Le seul effet significatif identifié est l’effet direct de la tolérance à la détresse émotionnelle sur la dramatisation de la douleur (ß = -0,37, p < 0,01; Figure 2).

2.5. Discussion

Cette étude visait à documenter l’association entre la tolérance à la détresse et l’intensité de la douleur, d’abord, puis l’interférence de la douleur sur le fonctionnement quotidien, ensuite. Elle avait aussi comme objectif d’évaluer l’effet médiateur de la dramatisation de la douleur dans l’association entre la tolérance à la détresse et l’expérience de la douleur chronique, décrit en termes d’intensité de la douleur et d’interférence de la douleur sur le fonctionnement quotidien.

Les résultats ne soutiennent que partiellement l’hypothèse qui suggérait qu’une faible tolérance à la détresse, conceptualisée comme la tolérance à l’ambiguïté, la tolérance à l’incertitude, la tolérance à l’inconfort, la tolérance à la détresse émotionnelle et la tolérance à la frustration, soit associée à une douleur plus handicapante et plus intense (Tang, Goodchild, Hester & Salkovskis, 2010; Asmundson, Peluso, Carleton, Collimore & Welch, 2011; Zvolensky, Vujanovic, Bernsteind &

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Leyro, 2010). En effet, seule la tolérance à la détresse émotionnelle s’est avérée indépendamment associée à l’intensité de la douleur ainsi qu’à son interférence dans le fonctionnement quotidien. La divergence entre ces résultats et ceux d’autres études pourraient, au moins en partie, s’expliquer par l’intercorrélation observée entre les composantes de la tolérance à la détresse : le score de tolérance à l’ambiguïté puis les scores de tolérance à l’incertitude (r = 0,57; p < 0,01), de tolérance à la détresse émotionnelle (r = 0,38; p < 0,01) et de tolérance à la frustration (r = 0,47; p < 0,01); le score de tolérance à l’incertitude puis les scores de tolérance à la détresse émotionnelle (r = 0,55; p < 0,01) et de tolérance à la frustration (r = 0,66; p < 0,01); ainsi qu’entre le score de tolérance à la détresse émotionnelle et le score de tolérance à la frustration (r = 0,58; p < 0,01). Ainsi, il est possible que l’effet de ces différentes composantes de la tolérance à la détresse soit dû à leur association avec la tolérance à la détresse émotionnelle.

Le cas de la tolérance à l’inconfort est différent, car elle n’est pas associée à la tolérance à la détresse émotionnelle ni à l’expérience de la douleur. Ce résultat est en partie cohérent avec l’hypothèse de Bernstein, Zvolensky, Vujanovic et Moos (2009), qui propose que la tolérance à l’inconfort soit structurellement distincte de la tolérance à la détresse émotionnelle. Il est possible que ces deux composantes diffèrent, car la tolérance à l’inconfort concerne les sensations physiques désagréables, tandis que la tolérance à détresse émotionnelle porte sur les affects et les états émotionnels négatifs (Asmundson, Peluso, Carleton, Collimore & Welch, 2011; Bernstein, Zvolensky, Vujanovic & Moos, 2009). Il est toutefois surprenant que la tolérance à l’inconfort ne soit pas liée à l’expérience de la douleur chronique. L’échelle d’intolérance à l’inconfort physique (DIS) a été développée par Schmidt, Richey et Fitzpatrick (2006) afin de mesurer la capacité d’une personne à résister aux sensations corporelles inconfortables, mais pas nécessairement douloureuses. Dans la littérature, elle a surtout été étudiée auprès d’échantillon clinique ou non-clinique ayant des symptômes somatiques lié à l’anxiété, comme les palpitations cardiaques, les étourdissements et les sensations d’étouffement (Leyro, Zvolensky & Bernstein, 2010; Schmidt, Richey & Fitzpatrick, 2006; Bonn-Miller, Zvolensky & Bernstein, 2009; Schmidt, Richey, Cromer & Buckner, 2007). Or, dans une population atteinte de douleur chronique, il est davantage question de sensations douloureuses (Treede & al., 2015; Boulanger, Clark, Cui & Horbay, 2007). Ainsi, la tolérance à l’inconfort pourrait être plus pertinente dans un contexte de sensations associées à l’anxiété plutôt qu’à la douleur chronique.

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D’après les résultats obtenus, la tolérance à la détresse émotionnelle explique 10 % de l’intensité de la douleur et 15 % de l’interférence de la douleur sur le fonctionnement quotidien. Ces résultats sont cohérents avec ceux d’études antérieures qui proposent qu’une faible tolérance aux états émotionnels (p. ex. la colère, les états dépressifs) contribue à augmenter l’intensité de la douleur ainsi que l’incapacité qui en découle (Bruehl, Chung, Donahue & Burns, 2006; Okifiju, Turk & Curran, 1999; Wade, Price, Hamer, Schwartz & Hart, 1990; Sturgeon, Dixon, Darnall & Mackey, 2015; McHugh, Weiss, Cornelius, Martel, Jamison & Edwards, 2016). Selon l’étude de Sturgeon, Dixon, Darnall et Mackey (2015), la relation entre la tolérance à la détresse émotionnelle et la douleur chronique est influencée par certaines conséquences qui sont associées à cette condition, telle que la satisfaction sociale. Ainsi, la diminution de la satisfaction sociale prédit une plus faible tolérance aux états émotionnels négatifs qui à son tour influence l’expérience de la douleur chronique (Sturgeon, Dixon, Darnall & Mackey, 2015; Kerns, Rosenberg & Jacob, 1994; Faucett, 1994; Feldman, Downey & Schaffer-Neitz, 1999). Bref, la satisfaction sociale est une cible importante à considérer pour mettre fin à ce cercle vicieux (Sturgeon, Dixon, Darnall & Mackey, 2015; Kerns, Rosenberg & Jacob, 1994; Faucett, 1994; Feldman, Downey & Schaffer-Neitz, 1999).

Contrairement à l’hypothèse posée, la dramatisation de la douleur n’est pas un médiateur de l’association entre la tolérance à la détresse émotionnelle et l’intensité de la douleur. Une situation similaire a également été observée pour l’association entre la tolérance à la détresse émotionnelle et l’interférence de la douleur sur le fonctionnement quotidien. Lors des analyses de médiation, aucun effet direct significatif n’a été observé entre la dramatisation de la douleur et l’expérience de la douleur chronique (intensité de la douleur et interférence de la douleur sur le fonctionnement quotidien) ainsi qu’entre la tolérance à la détresse émotionnelle et l’expérience de la douleur chronique (intensité de la douleur et l’interférence de la douleur sur le fonctionnement quotidien). Le fait qu’aucun effet direct ou indirect entre la tolérance à la détresse émotionnelle et l’expérience de la douleur chronique n’ait été observé pourrait s’expliquer par la variance partagée de la tolérance à la détresse émotionnelle et de la dramatisation de la douleur. Cette hypothèse est appuyée par la corrélation observée entre les scores de dramatisation de la douleur et de tolérance à la détresse émotionnelle (r = -0,46, p < 0,01). Ces résultats sont cohérents avec ceux d’une récente étude qui suggèrent que la dramatisation serait une manifestation d’une faible tolérance à la détresse émotionnelle (Emami, Woodcock, Swanson, Kapphahn & Pulvers, 2016).

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Il est important de mentionner que l’interprétation des résultats doit tenir compte des spécificités de la population à l’étude. En effet, les participants ressentaient en moyenne une douleur de faible intensité (3,93/10; ÉT 1,60) et elle interférait faiblement avec leur fonctionnement quotidien (3,57/10; ÉT 2,08) selon le Brief Pain Inventory. Ces résultats divergent de ceux d’études antérieures s’étant intéressées aux scores d’intensité (5,5/10) et d’interférence (6,0/10) mesurés par le BPI (Cleeland & Ryan, 1994) d’une population atteinte de douleur chronique (Trépanier & Cormier, 2017; Cormier, Lavigne, Choinière & Rainville, 2015; Tan, Jensen, Thornby & Shanti, 2004). Ainsi, il semblerait que la population de la présente étude ressentait une douleur de moins grande intensité et qu’elle était moins handicapante sur le plan fonctionnel, en comparaison avec d’autres échantillons atteints de douleur chronique. Dans ce contexte, il se peut que l’effet des différentes composantes de la tolérance à la détresse et l’éventuel effet de médiation de la dramatisation de la douleur dans l’association entre la tolérance à la détresse et l’expérience de la douleur n’aient pas pu être identifiés. Pour terminer, les participants de la présente étude proviennent tous de la communauté universitaire, ce qui peut limiter la possibilité de généraliser les résultats à l’ensemble de la population souffrant de douleur chronique.

2.6. Conclusion

En conclusion, parmi les cinq composantes de la tolérance à la détresse, seul le niveau tolérance à la détresse émotionnelle est associé au niveau d’intensité et d’incapacité fonctionnelle de la douleur chronique. Toutefois, lorsque la dramatisation de la douleur est ajoutée à l’équation, le pouvoir explicatif de la tolérance à la détresse émotionnelle sur l’intensité de la douleur est diminué. Une situation similaire a également été observée avec l’interférence de la douleur sur le fonctionnement quotidien. Il apparaît donc possible que la dramatisation de la douleur soit la manifestation d’une faible tolérance à la détresse émotionnelle plutôt qu’un médiateur. Toutefois, d’autres études sont nécessaires pour éclaircir la relation entre la dramatisation de la douleur, la tolérance à la détresse émotionnelle et l’expérience de la douleur chronique.

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2.7. Références

Asmundson, G. J. G., Peluso, D. L., Carleton, R. N., Collimore, K. C., & Welch, P. G. (2011). Chronic musculoskeletal pain and related health conditions. In M. J. Zvolensky, A. Bernstein, & A. A. Vujanovic (Éds). Distress tolerance (pp.221-243). New-York: The Guilford Publications, Inc. Bardeen, J. R., Fergus, T. A., & Orcutt, H. K. (2013). Testing a hierarchical model of distress tolerance.

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