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Laurent Theis, 2003, Les tribulations du signe = dans la moulinette de la bonne réponse

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Academic year: 2021

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ES TRIBULATIONS DU SIGNE

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DANS LA MOULINETTE DE LA BONNE R"PONSE

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Imprim! sur les presses de l"Universit! du Qu!bec # Trois$Rivi%res Les tribulations du signe +!gal,dans la moulinette de la bonne r!ponse

-Math%se.

Dans le titre le mot !gal plac! entre crochets remplace le signe /0

Pr!sent! # l"origine comme th%se -de doctorat de l"auteur1Universit! de Sherbrooke.& 2334 sous le titre : 5tude du d!veloppement de la compr!hension du signe +!gal,chez des enfants de premi%re ann!e du primaire0

Comprend des r!f0 bibliogr0 ISBN 2$(22()3$'3$6

'0 Math!matiques $ Notation $ 5tude et enseignement -Primaire.0 20 Math!matiques $ Notation0 I0 Titre0 II0 Collection0

QA*'0T** 2337 4)20)82 C2337$(*3326$7

! 5ditions Bande Didactique& 2337

Conception : Pierre Huard et les 5ditions Bande Didactique D!p9t l!gal : 2337

Biblioth%que nationale du Qu!bec Biblioth%que nationale du Canada ISBN 2$(22()3$'3$6

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DANS LA MOULINETTE DE LA BONNE R5PONSE

Publication d’une thèse intitulée à l’origine Étude du développement de la compréhension du signe = chez des enfants de première année du primaire. Thèse présentée en 2003 à la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke en vue de l’obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph. D.) en Education.

Cette thèse s’est méritée le prix Dieter Lunkenbein 2004 ex-aequo décerné par l’Association Mathématique du Québec à la meilleure thèse en didactique des mathématiques

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Sylvain Bourdon Président du jury Nicole Nantais Directrice de recherche Bernard Héraud Co-directeur de recherche Philippe Jonnaert Évaluateur externe Hassane Squalli Évaluateur externe

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier particulièrement Nicole Nantais, ma directrice de recherche. Sans sa franchise, sa disponibilité exceptionnelle, ses encouragements et son encadrement judicieux et compétent, je n’aurais pu mener à terme cette recherche.

Mes remerciements s’adressent également à Bernard Héraud, mon co-directeur de recherche. Tout au long des cinq dernières années, son regard objectif sur mon travail, ses commentaires pertinents et son sens de l’humour ont grandement facilité la poursuite de cette recherche.

Merci également à Philippe Jonnaert, qui a participé au démarrage de ce projet et qui a accepté de faire partie du comité d’évaluation comme membre du jury externe, ainsi qu’à Hassane Squalli, autre membre du jury externe.

Cette recherche n’aurait évidemment pas été possible sans les enfants qui ont accepté de se faire poser de nombreuses questions et de leur enseignante qui m’a ouvert les portes de sa classe. Je les remercie chaleureusement de leur contribution.

Je suis particulièrement reconnaissant envers les membres de ma famille : à Julie, qui m’a toujours encouragé dans les moments les plus difficiles, et à mes parents, et surtout mon père, qui a passé de nombreuses soirées à réviser, avec assiduité et patience, les premières versions de ce document.

Finalement, je remercie le Ministère de la Culture, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche du Luxembourg pour le soutien financier qu’il m’a apporté.

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SOMMAIRE

En apprenant le nombre et les premières opérations arithmétiques durant la première année d’études du primaire, de nombreux élèves ont des difficultés à comprendre le signe =. Une grande majorité de ces enfants considère ce symbole, non pas comme un indicateur d’une relation d’égalité et d’équivalence, mais comme un opérateur après lequel il faut écrire une réponse à l’opération qui le précède. Cette représentation, renforcée par la présence prédominante d’équations de structure "a + b = __" dans les manuels de mathématiques, engendre principalement deux types de difficultés : (1) ces enfants n’acceptent souvent pas des égalités non conventionnelles et (2), ils ne sont pas en mesure de compléter correctement des équations qui ne correspondent pas à la structure "a + b = __".

Dans la présente recherche, dont l’objectif principal était de décrire le processus de compréhension du signe = auprès d’élèves de première année du primaire, nous avons enseigné ce symbole à trois enfants dans le cadre d’une expérimentation didactique. Au début de la collecte de données, onze enfants d’une classe de première année de la ville de Luxembourg ont été soumis à un prétest, afin d’évaluer leur compréhension du signe = et de sélectionner trois participants. Par la suite, un enseignement individuel sur le signe = a été dispensé à ces trois enfants.

Plusieurs principes ont servi à l’élaboration des activités d’enseignement. Tout d’abord, les activités s’appuient sur une analyse conceptuelle des relations d’équivalence et d’égalité à l’aide du modèle de Bergeron et Herscovics (1988). Ensuite, lors de l’élaboration des activités d’enseignement, nous avons essayé d’établir un lien entre l’écriture mathématique et la représentation concrète. Dans ce cadre, deux types de représentations ont été considérés, à savoir la comparaison et l’inclusion. Finalement, nous avons travaillé avec les enfants à la fois l’évaluation d’égalités et la détermination d’une inconnue dans une équation. Un post-test, proposant des tâches de nature similaire à celles du prétest, nous a permis de vérifier l’étendue des apprentissages réalisés par les trois participants.

Au cours de notre expérimentation, nous avons pu constater qu’au départ, l’ensemble des enfants auxquels nous avons soumis le prétest considéraient le

(7)

conception erronée avait des répercussions importantes sur le travail avec des structures additives.

À la fin de notre séquence d’enseignement, les trois enfants ont progressé dans leur compréhension du signe =, dont deux enfants de manière importante. Malgré ces progrès, l’apprentissage du signe = constitue un puissant obstacle cognitif : nous avons pu constater chez tous les enfants, à des degrés différents, des tendances à revenir vers une conception du signe = comme opérateur, principalement dans des situations nouvelles. De même, deux des trois enfants n’ont déjà plus obtenu les mêmes performances dans le post-test que vers la fin de la séquence d’enseignement et ce, quelques jours seulement après la fin de l’enseignement du signe =.

Nous avons également pu dégager l’importance d’une compréhension procédurale bien développée pour pouvoir cheminer de manière significative et durable dans l’apprentissage du signe =. Deux indices nous amènent à ce constat. D’abord, l’enfant dont la compréhension procédurale de l’équivalence et de l’égalité était faible n’a pas réussi à construire une compréhension solide du signe = comme indicateur de relation. Ensuite, c’est la diversité des structures additives employées par deux enfants qui leur a permis de progresser de façon durable dans leur compréhension du signe =.

(8)

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 : PROBLEMATIQUE ... 5

1. ÉQUIVALENCE, ÉQUIPOTENCE ET ÉGALITÉ... 5

1.1. Définition ... 5

1.2. Significations attribuées sur le plan didactique au symbole ‘=’... 8

2. DE LA PENSÉE FIGURATIVE À LA PENSÉE OPÉRATOIRE ... 9

3. DES ENFANTS NON OPÉRATOIRES POUR LES OPÉRATIONS DE BASE...11

3.1. Les conceptions erronées et leurs conséquences...12

3.1.1. Le signe "=" comme incitation à fournir une réponse... 12

3.1.2. Origine et évolution des conceptions erronées sur les relations d’équivalence et d’égalité ... 15

3.1.3 Influence des conceptions erronées des enfants sur le traitement des opérations ... 19

3.2. Difficultés de compréhension de la relation d’inclusion...20

3.3. Difficultés des enfants de passer des opérations concrètes au langage formel...22

3.4. La compréhension de la conservation de l’inéquivalence et de l’équivalence...24

3.5. Des difficultés avec la réversibilité des opérations...25

3.6. Introduction précoce du symbole d’égalité ...27

4. QUESTIONS DE RECHERCHE ET OBJECTIFS...29

CHAPITRE 2 : CADRE CONCEPTUEL ... 31

1. LE MODÈLE EN STADES DE PIAGET, APPLIQUÉ À L’ÉQUIVALENCE ET L’ÉGALITÉ...32

2. LES MODÈLES DE COMPRÉHENSION GÉNÉRALISTES...33

2.1. Le modèle de Sierpinska (1995) ...33

2.2. Le modèle de Bergeron et Herscovics (1988)...36

2.3. Critères pour le choix d’un modèle de compréhension...38

2.3.1. Un modèle opérationnel... 38

2.3.2. Un modèle stable ... 39

2.4. Choix du modèle de compréhension ...40

3. LA CLASSIFICATION DES STRUCTURES ADDITIVES DE VERGNAUD...41

4. ANALYSE CONCEPTUELLE DES RELATIONS D’ÉQUIVALENCE ET D’ÉGALITÉ...45

4.1. Les différences entre les paliers logico-physique et logico-mathématique...46

4.1.1. Compréhension de l’équivalence de collections sur le plan logico-physique... 46

4.1.2. Compréhension de l’égalité sur le plan logico-mathématique... 47

4.2. Les critères de compréhension retenus pour les différents modes de compréhension ...49

(9)

4.2.3. La compréhension abstraite ... 56

4.2.4. La compréhension formelle... 61

CHAPITRE 3 : METHODOLOGIE ... 65

1. UNE MÉTHODOLOGIE QUALITATIVE ...65

1.1. L’analyse d’erreurs ...66

1.2. L’entrevue clinique ...67

1.3. L’expérimentation didactique ...68

1.3.1. Bref historique ... 69

1.3.2. Choix de l’expérimentation didactique ... 71

2. DEVIS EXPÉRIMENTAL ...73

2.1. Élaboration de la séquence d’enseignement ...73

2.2. Recherche préliminaire dans les salles de classe...73

2.3. Construction d’hypothèses ...74

2.4. Prétest pour évaluer et sélectionner les participants ...75

2.5. Expérimentation de la séquence d’enseignement...76

2.5.1. Les modalités du déroulement de l’expérimentation didactique... 76

2.5.2. Le double rôle d’intervenant et de chercheur... 77

2.5.3. L’enregistrement de toutes les séances d’expérimentation... 79

2.5.4. La mise en place d’un plan d’intervention détaillé... 80

2.6. L’apport et l’expérimentation des modifications ...80

2.7. Le post-test...81

3. MODALITÉS DE L’ANALYSE DES DONNÉES...82

4. ÉCHANTILLONNAGE ...83

4.1. Les modalités de l’échantillonnage ...83

4.2. Le niveau d’enseignement...85

4.3. Description du milieu d’expérimentation...86

5.CONSIDÉRATIONS DÉONTOLOGIQUES...87

6. PROTOCOLE DE RECHERCHE...88

CHAPITRE 4 : SEQUENCE D’ENSEIGNEMENT... 91

1. LE PRÉTEST...91

1.1. Généralités ...91

1.2. Activités du prétest...93

1.2.1. Évaluation de la co mpréhension formelle... 93

1.2.2. Évaluation de la compréhension abstraite... 98

1.2.3. Évaluation de la compréhension procédurale... 100

2. SÉQUENCE D’ENSEIGNEMENT DU SIGNE =...104

2.1. Principes de la séquence...104

2.1.1. Traitement conjoint de la situation concrète et du langage mathématique... 105

2.1.2. Différents contextes de représentation concrète... 106

(10)

2.2. Types d’activités ...113

2.2.1. La structure générale de la séquence d’enseignement ... 113

2.2.2. Le début de l’apprentissage du signe = ... 117

3. LE POST-TEST ...124

3.1. Les objectifs poursuivis par le post-test ...124

3.2. Le contenu du post-test...124

3.3. Les modalités du post-test...125

CHAPITRE 5 : ANALYSE DES RESULTATS... 127

1. DESCRIPTION DE TROIS ÉTUDES DE CAS ...127

2. ANALYSE SOUS FORME DE RÉCIT...128

LE CAS DE CAROLINE... 129

CONCEPTION COMME OPÉRATEUR LORS DU PRÉTEST...129

ÉVOLUTION DE LA COMPRÉHENSION DU SIGNE = PENDANT LA SÉQUENCE D’ENSEIGNEMENT...132

1. Réactions à l’explication du signe = ...132

2. Retour fréquent des mêmes erreurs que celles observées lors du prétest ...134

2.1. Retour vers l’ancienne conception du signe = ... 134

2.2. Caractéristiques de l’erreur... 138

3. Recours fréquent à des stratégies erronées ...141

3.1. Les difficultés liées à une compréhension procédurale insuffisante... 141

3.2. Les difficultés liées à une mauvaise compréhension du signe = ... 146

4. Effort cognitif élevé...149

4.1. Difficultés à se détacher de la forme d’une égalité... 149

4.2. Difficile gestion simultanée de l’écrit et de la situation concrète... 151

5. Difficulté à établir un lien entre la situation concrète et l’écriture...152

5.1. Relative facilité avec des structures moins complexes ... 152

5.2. Difficultés importantes lors du traitement de situations plus complexes ... 154

6. Apprentissages lents et précédés par plusieurs erreurs ...156

PROGRÈS DU PRÉTEST AU POST-TEST ...157

1. Compréhension formelle incomplète...157

2. Difficultés importantes en ce qui a trait à la compréhension procédurale ...159

LE CAS DE MELISSA ... 161

CONCEPTION COMME OPÉRATEUR LORS DU PRÉTEST ...161

PROGRESSION DANS LA COMPRÉHENSION DU SIGNE = PENDANT LA SÉQUENCE D’ENSEIGNEMENT...164

1. Réactions à l’explication du signe = ...164

2. Retour vers l’ancienne conception du signe =...165

2.1. Deux formes d’erreur différentes... 165

2.2. Caractéristiques de l’erreur... 168

(11)

3.2. Liens entre l’écriture et la situation concrète facilement établis ... 179

COMPRÉHENSION LORS DU POST-TEST ...183

LE CAS DE MATHIEU... 187

UTILISATION COMME OPÉRATEUR LORS DU PRÉTEST...187

ÉVOLUTION VERS UNE CONCEPTION PLUS ADÉQUATE AU COURS DE LA SÉQUENCE D’ENSEIGNEMENT...189

1. Réactions à l’explication du signe = ...189

2. Retour vers l’ancienne conception...190

2.1. Portrait de l’erreur... 190

2.2. Particularités ... 194

2.3. Compréhension vers la fin de la séquence... 196

ÉLÉMENTS FAVORISANT LA PERFORMANCE DE MATHIEU...197

1. Lien concret-écriture ...197

1.1. Absence de lien au début de la séquence d’enseignement... 198

1.2. Relative facilité de relier une situation de comparaison à l’écriture correspondante ... 199

1.3. Établissement du lien dans des situations d’inclusion... 200

1.4. Gestion simultanée de l’aspect concret et formel... 202

2. Utilisation de stratégies variées ...203

2.1. Recours au total présent des deux côtés du signe =... 203

2.2. Manipulation du matériel concret ... 204

2.3. Double dénombrement et stratégies additives simples ... 206

2.4. Maîtrise de la commutativité de l’addition ... 207

RÉGRESSION DANS LE CADRE DU POST-TEST...208

CHAPITRE 6 : DISCUSSION DES RESULTATS ... 211

COMPRÉHENSION GÉNÉRALISÉE DU SIGNE = COMME OPÉRATEUR LORS DU PRÉTEST ...211

1. Différents degrés de compréhension ...211

2. Incidences de la mauvaise compréhension du signe =...213

3. Causes de la conception erronée du signe = ...214

UN OBSTACLE COGNITIF IMPORTANT ...215

1. Passage d’une signification du signe = à une autre ...216

2. Retour vers une conception du signe = comme opérateur ...217

2.1. Lecture à l’envers ... 217

2.2. Transformation de l’égalité en "a + b = c" ... 218

2.3. Apparition de l’erreur dans des situations nouvelles... 220

2.4. Indicateur de la compréhension des enfants... 220

3. Faible rétention lors du post-test...221

IMPORTANCE D’UNE COMPRÉHENSION PROCÉDURALE ADÉQUATE...224

1. Une compréhension adéquate comme prérequis pour la modification de la conception du signe = ? ...224

(12)

1.3. Évolution de la compréhension procédurale... 227

1.4. Pertinence de l’enseignement du signe = ... 227

2. Enseignement efficace du signe = dans certaines conditions ...228

2.1. Compréhension procédurale adéquate, mais de niveau différent... 229

2.2. Stratégies additives variées ... 230

LIEN ENTRE UNE ÉGALITÉ ET SA REPRÉSENTATION CONCRÈTE...236

1. Degré de difficulté différent ...237

1.1. Lien dans des structures additives simples... 237

1.2. Lien dans des structures additives plus complexes... 239

2. Gestion simultanée de l’écriture et la représentation concrète...241

CHAPITRE 7 : CONCLUSION ... 245

RÉSUMÉ DE LA RECHERCHE ...245

RÉSULTATS MAJEURS...246

1. Erreurs des enfants en début de première année ...246

2. Progression de la compréhension du signe = dès la première année d’études ...248

3. Caractéristiques de l’apprentissage du signe =...250

IMPLICATIONS DIDACTIQUES...251

1. Pas d’apprentissage du signe = sans enseignement explicite...252

2. Confrontation des enfants à leur conception erronée ...252

3. Illustration des égalités par une représentation concrète...254

4. Conditions nécessaires à l’enseignement du signe = ...256

LIMITES DE LA RECHERCHE ET RETOMBÉES ...259

1. Limites ...260

2. Retombées ...261

BIBLIOGRAPHIE... 263

(13)

Tableau 1 Les activités reliées à l’enseignement des structures de type "a + b = c" et "a = b + c"………...…...142 Tableau 2 Les activités reliées à l’enseignement des structures "a + b = c + d"

(14)

Figure 1 Le modèle de compréhension de Bergeron et Herscovics (1988)…..…43

Figure 2 Représentation sous forme d’inclusion d’une égalité de type "a + b = c" ………..………...……..129

Figure 3 Représentation sous forme de comparaison de "a + b = c" ……...…130

(15)

INTRODUCTION

Dans le cadre des premiers apprentissages des mathématiques, les relations d’équivalence et d’égalité sont des éléments clés autour desquels les élèves articulent différentes constructions à propos des premiers apprentissages numériques. En apprenant les concepts numériques de base1 en première année de l’école primaire, les élèves sont rapidement confrontés à des comparaisons de collections et d’équipotence de collections, donc intuitivement à des notions d’égalité et d’équivalence. Un peu plus tard, en découvrant les premières opérations arithmétiques2, l’équivalence et l’égalité jouent de nouveau un rôle important, notamment dans l’écriture formelle de ces opérations. Ainsi, les équations qui représentent ces opérations s’articulent autour de la relation d’égalité, car, pour qu’elles soient valables, il faut que la même quantité soit représentée des deux côtés du signe =. Ce principe est d’une importance primordiale, puisqu’il s’applique à tous les domaines mathématiques, que ce soit en arithmétique, en algèbre ou en géométrie. L’élève y sera donc confronté tout au long de sa carrière scolaire, et ce même jusqu’à l’université.

Pourtant, l’intérêt consacré jusqu’à présent à l’égalité et à l’équivalence en recherche et en enseignement ne correspond pas nécessairement à leur importance dans l’apprentissage des mathématiques. D’abord, la plupart des enseignants auxquels nous avons parlé de notre recherche semblent ignorer que la compréhension du signe = peut être une source importante de difficultés. Cette impression a d’ailleurs été soulignée par Falkner, Levi et Carpenter (1999), qui ont fait face à l’étonnement des enseignants à qui ils ont proposé d’investiguer la compréhension du signe = de leurs élèves. Ensuite, dans le milieu scientifique, les recherches qui se sont intéressées aux modalités du processus de compréhension de ces relations sont relativement rares. De même, dans les plans d’études du primaire et dans les manuels scolaires, peu d’importance est accordée à ces relations. Or, comme l’ont montré plusieurs études3, de nombreux élèves du primaire ont une

1 Il s’agit ici de concepts comme la conservation quantitative, la conservation qualitative ou encore la sériation. 2 Habituellement, les premières opérations sont découvertes à travers les premières structures additives.

Celles-ci nécessitent la maîtrise, notamment de l’équivalence quantitative et des opérations ensemblistes telle la réunion d’ensembles disjoints.

3 Entre autres Denmark (1976), Behr, Erlwanger et Nichols (1980), Kieran, (1981) et Baroody et Ginsburg

(16)

représentation erronée de l’équivalence et de l’égalité. Cette difficulté persiste souvent jusqu’au secondaire, et l’on peut même encore la constater auprès d’étudiants universitaires.

Nous avons été nous-même témoin de ces difficultés en participant, il y a quelques années, à un projet de recherche qui nous amenait à enseigner les premières notions numériques à des enfants de première année du primaire en difficultés graves d’apprentissage. Dans le cadre d’une des activités, nous nous sommes rendu compte, à notre grande surprise, que la majorité des enfants affirmait, avec une grande conviction, que le signe = sert à séparer une question de la réponse.

Cette conception avait des répercussions importantes sur la performance de ces enfants en mathématiques. Les élèves qui considéraient le symbole d’égalité comme opérateur, c’est-à-dire comme incitateur à fournir une réponse, n’étaient pas en mesure de résoudre correctement certains types d’additions. Ces enfants ignoraient complètement la signification des différents symboles lorsqu’ils étaient en présence d’une équation du type "a=b+__". Par exemple, lorsqu’ils devaient compléter "5 = 2 + __", ils étaient persuadés que l’inconnue correspondait à 7, qui est la somme des deux autres nombres présents dans l’équation. Les difficultés vécues par ces enfants nous ont amené à investiguer plus en profondeur les processus de compréhension qui entrent en jeu lors de l’apprentissage du signe = et des relations d’équivalence et d’égalité qui le sous-tendent.

Dans le cadre de la problématique, nous établissons d’abord la distinction entre les relations d’équivalence, d’égalité et d’équipotence. Par la suite, nous décrivons les conceptions erronées véhiculées par un grand nombre d’élèves au sujet de ces relations et les implications pour les premiers apprentissages mathématiques.

Une deuxième partie fait état de notre cadre conceptuel et des résultats d’une analyse conceptuelle du signe = et des relations d’équivalence et d’égalité qui les sous-tendent.

(17)

En ce qui concerne la méthodologie utilisée, nous justifions d’abord le choix d’une expérimentation didactique comme méthode de recherche. Ensuite, nous précisons le type d’expérimentation, et finalement, nous décrivons les modalités selon lesquelles se sont effectuées la collecte de données et les analyses.

La séquence d’enseignement que nous avons construite en prenant appui sur l’analyse conceptuelle du signe = et des relations d’équivalence et d’égalité sera expliquée en quatrième partie.

La présentation des résultats, en cinquième partie, inclut la description des résultats obtenus lors de la collecte de données. Nous y décrivons l’évolution de la compréhension du signe = des enfants tout au long de l’expérimentation.

Finalement, la discussion des résultats sert à établir une synthèse des principaux résultats obtenus à l’issue de la présente recherche. De même, des pistes à poursuivre dans d’autres recherches sont dégagées.

(18)
(19)

CHAPITRE 1

PROBLÉMATIQUE

1. ÉQUIVALENCE, ÉQUIPOTENCE ET ÉGALITÉ

1.1. Définition

Dans le langage courant, les termes “ équivalent ”, “ équipotent ” et “ égal ” sont souvent utilisés pour désigner une même chose : la même taille, la même apparence ou la même quantité d’objets. D’ailleurs, dans un contexte d’enseignement, on se sert souvent du terme "égalité", mais on parle rarement d’équipotence ou d’équivalence. Pourtant, des différences fondamentales existent entre ces trois relations, qui correspondent toutes à une équivalence : l’équipotence représente un cas particulier de l’équivalence, et l’égalité est un cas particulier de l’équipotence.

Tout d’abord, l’équivalence est définie en mathématiques comme toute relation à la fois réflexive, transitive et symétrique. Ces trois propriétés peuvent être expliquées à l’aide de l’exemple de la relation « vient du même pays que. » En effet, cette relation est réflexive puisqu’une personne X vient toujours du même pays qu’elle-même.

Cette relation, comme toute équivalence, est également transitive. En effet, si une personne X vient du même pays qu’une personne Y, et que cette personne Y vient du même pays qu’une personne Z, alors la personne X vient du même pays que la personne Z.

Finalement, la troisième propriété de cette relation est la symétrie, qui est également présente dans notre exemple. Ainsi, si la personne X vient du même pays que la personne Y, alors la personne Y vient du même pays que la personne X.

La relation d’équivalence s’applique ainsi à toutes sortes de relations, pourvu qu’elles soient symétriques, réflexives et transitives. Le contexte mathématique dans

(20)

lequel l’équivalence est le plus souvent utilisée au primaire est celui de la relation “ a le même nombre d’éléments ” ou “ a le même cardinal que ”. On parle alors d’équivalence quantitative.

L’équivalence pouvant être utilisée dans une multitude de contextes, ces derniers doivent être précisés. En effet, deux collections de jetons peuvent être équivalentes, parce qu’elles suivent la relation "sont de la même couleur" ou parce qu’elles ont "le même nombre d’éléments". Il est par conséquent nécessaire de préciser ici s’il s’agit d’une équivalence qualitative, impliquant le critère de la couleur, ou d’une équivalence quantitative.

L’équipotence est une relation d’équivalence particulière. Elle équivaut à la

notion d’équivalence quantitative4 : deux ensembles finis sont équipotents lorsqu’ils ont le même nombre d’éléments. C’est pourquoi, Habran et Linsigh (1979) utilisent le critère de la présence d’une bijection entre deux ensembles pour définir une relation d’équipotence. Dans cette relation, c’est le nombre d’éléments des ensembles qui est déterminant : « Un nombre n est la propriété commune à tous les ensembles équipotents comprenant chacun n éléments. » Ainsi, tous les ensembles comprenant le même nombre d’éléments sont équipotents. Bien sûr, comme l’équipotence est aussi une relation d’équivalence, elle vérifie les propriétés de symétrie, de réflexivité et de transitivité.

La notion d’égalité est un cas particulier de l’équipotence. Sur le plan ensembliste, il ne suffit plus que deux ensembles aient le même nombre d’éléments, mais ces éléments doivent, en plus, être exactement les mêmes. Ainsi, Habran et Linsigh (1979, p. 209) expliquent qu’on parle d’égalité entre deux ensembles « si, et seulement si, tout élément de A appartient à B et tout élément de B appartient à A. » Il est donc absolument nécessaire que les deux ensembles contiennent les mêmes éléments. Tout en étant identiques, les mêmes objets physiques doivent être présents dans les deux ensembles. Ceci constitue une différence essentielle par rapport à la relation d’équivalence. En effet, une équivalence doit être réflexive, transitive et symétrique, mais les ensembles en question ne contiennent pas nécessairement les mêmes objets physiques. Une égalité entre deux ensembles

4 Dans la suite de notre thèse, nous allons utiliser le terme d’"équivalence" pour désigner la relation

(21)

correspond par conséquent à une équivalence quantitative qui répond au critère de la présence des mêmes objets dans les ensembles en question.

C’est également dans ce sens qu’on peut expliquer la signification stricte du symbole “ = ” (égal), utilisé si souvent en mathématiques. Ce symbole indique une relation d’égalité, puisque, selon Habran et Linsigh (1979, p. 209), il signifie que « placé entre deux termes, (…), ces deux termes désignent un seul et même objet. » Dans le cas de la symbolisation mathématique, ces objets sont des nombres, qui, par définition, désignent la propriété commune de tous les ensembles ayant le même cardinal. Le même objet mathématique, ici le même nombre, est donc représenté des deux côtés du symbole d’égalité.

Nous supposons qu’une des difficultés qu’éprouvent les enfants lorsqu’ils apprennent le signe = réside dans le fait qu’une égalité, au plan formel, peut représenter au plan concret soit une équivalence, soit une égalité. En effet, l’égalité "5 + 3 = 8" peut correspondre à une situation, dans laquelle un enfant avait au départ 5 billes, en a gagné 3 pendant une partie, et en possède maintenant 8. Dans ce cas, on peut également parler d’une égalité au niveau concret, car les 8 billes que l’enfant possède maintenant sont physiquement les mêmes que la réunion des 5 billes qu’il avait au départ et des 3 billes qu’il a gagnées. Par contre, la même égalité pourrait aussi représenter une équivalence au plan concret. Ce serait le cas de deux enfants qui comparent le nombre de billes qu’ils possèdent : un enfant a 5 billes dans sa main droite et 3 billes dans sa main gauche, et l’autre enfant a 8 billes. Dans ce cas, "5 + 3 = 8" ne représente pas une égalité au niveau concret, mais uniquement une équivalence quantitative ou équipotence : les 5 et 3 billes du premier enfant ne sont pas physiquement identiques aux 8 billes du deuxième enfant. Malgré cette différence, on est en présence d’une égalité dans les deux cas au niveau du langage formel, les expressions des deux côtés du signe "=" représentant exactement le même nombre. D’ailleurs l’écriture symbolique de l’égalité "a + b = c" ne permet pas à elle seule de distinguer si on se trouve dans un contexte de réunion ou de comparaison.

Nous n’avons pas trouvé dans les recherches des indices qui permettraient d’affirmer avec certitude que la différence entre l’équivalence et l’égalité influence les difficultés que de nombreux élèves vivent lorsqu’ils apprennent le signe =.

(22)

Cependant, comme nous allons le voir ultérieurement, l’analyse de nos données révèle que cette différence peut être un des facteurs qui intervient dans la compréhension du signe = et des relations d’équivalence et d’égalité qui le sous-tendent.

1.2. Significations attribuées sur le plan didactique au symbole ‘=’

Des équations qui s’articulent autour du symbole d’égalité peuvent, au-delà d’une relation d’équivalence quantitative, avoir plusieurs autres significations sur le plan didactique. Ainsi, Baroody et Ginsburg (1983) soulignent que, dans une égalité du type "a + b = c", est représentée une combinaison de deux nombres pour en obtenir un troisième. De façon analogue, des égalités du type "a = b + c" indiqueraient le fractionnement d’un nombre en deux nombres différents. Il en résulte l’attribution d’un sens d’opérateur au signe = : « In a strictly mathematical sense, "equals" in 4 + 3 = 7 has only a relational meaning. Psychologically, there is another sense in which the "equals" sign cannot be divorced from the operator view » (p. 210).

Vance (1992) soutient qu’une relation d’équivalence peut indiquer différents noms pour un même nombre. Ceci peut être vrai pour les nombres rationnels, où par exemple 0,4 est une autre dénomination pour 2/5, mais aussi dans des équations qui comprennent des opérations. Ainsi, “ 3+4 ” serait, d’un point de vue mathématique, une autre dénomination pour “ 5+2 ”, alors que les deux représentent le nombre 7.

Saenz-Ludlow et Walgamuth (1998), pour leur part, se réfèrent à Freudenthal (1983) pour distinguer cinq différentes significations du symbole d’égalité. Premièrement, dans des équations du type “ a + b = __ ” ou “ a + __ = c ”, le symbole d’égalité indiquerait pour ces auteurs une commande de trouver le résultat. Une deuxième signification permettrait de désigner l’équivalence des résultats de deux opérations, comme c’est par exemple le cas dans l’égalité “ 14 ÷ 3 = 42 ÷ 9 ”. Troisièmement, le symbole d’égalité permet de souligner l’équivalence de fractions, comme dans l’égalité 1/2 = 2/4. La quatrième

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signification énumérée par ces chercheurs rejoint celle de Vance (1992) décrite dans le paragraphe précédent. Le symbole d’égalité servirait à introduire différents symboles ou différentes écritures pour désigner un même nombre. Finalement, la cinquième signification apparaît par exemple dans l’égalité “ a + b = b + a ” et désigne la relation de commutativité qui est vraie pour tous les nombres a et b, quelle que soit la valeur numérique qu’on leur assigne.

Cette dernière signification permet aussi de souligner l’importance du symbole d’égalité pour la compréhension des propriétés des différentes opérations arithmétiques de base. En effet, comme dans l’exemple précédent portant sur la commutativité de l’addition, celles-ci indiquent des relations qui sont vraies, quelles que soient les valeurs numériques utilisées. Une conception adéquate du signe "=" comme indicateur d’une relation d’équivalence est donc primordiale pour pouvoir comprendre ces propriétés.

Dans la section précédente, nous avons pu constater que les opérations et leurs propriétés sont étroitement liées à la relation d’équivalence. Or, comme nous allons le montrer plus tard, un grand nombre d’enfants conçoivent le signe = uniquement comme opérateur, et ne comprennent pas sa signification relationnelle, ce qui ne reste pas sans conséquence sur leur compréhension des opérations arithmétiques de base.

2. DE LA PENSÉE FIGURATIVE À LA PENSÉE OPÉRATOIRE

Les notions de pensée figurative et de pensée opératoire, qui ont initialement été introduites par Piaget, désignent deux aspects différents de la pensée. Selon Dolle et Bellano (1989, p. 66), la pensée figurative vise la perception d’états et implique souvent l’image mentale. La pensée opératoire, par contre, est représentée par des transformations, physiques ou mentales, qui sont apportées à ces états. Par conséquent, « la pensée opératoire transforme des états pour en produire d’autres. » (Dolle et Bellano, 1989, p. 67)

La distinction entre une pensée figurative et une pensée opératoire est particulièrement importante lorsqu’il s’agit d’apprendre des opérations mathématiques, puisque ces dernières impliquent des transformations d’états. Ainsi,

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lors de l’application d’une opération, un état initial est transformé selon la nature de l’opération effectuée. En général, ces transformations sont réversibles. L’addition d’un certain nombre à un autre nombre peut être annulée par la soustraction du même nombre de la somme obtenue.

Pour appréhender ces transformations, la pensée figurative n’est d’aucun secours, puisqu’elle permet uniquement la description des états, mais pas des processus qui les ont transformés. Ici, même l’évocation exclusive des états antérieurs à la transformation n’est pas utile, puisqu’elle ne prend pas en compte les processus ayant mené à l’état final.

Toujours selon Dolle et Bellano (1989), uniquement la pensée opératoire est en mesure de fournir la raison des transformations effectuées et de les annuler, mentalement ou physiquement. Ainsi, un enfant qui fait preuve d’une pensée opératoire face à une transformation ne se limite pas exclusivement à décrire l’état initial, mais il raisonne sur les transformations ayant conduit à l’état final, tout en étant capable d’inverser les transformations apportées. La réversibilité, mentale ou physique, d’une opération constitue par conséquent l’un des plus puissants indicateurs d’une pensée opératoire pour un concept donné chez un individu.

Dans ce cadre, Dolle et Bellano (1989) donnent l’exemple de la conservation de quantités continues pour expliquer la pensée opératoire et la pensée figurative. Ainsi, un enfant, qui affirme qu’une boule de pâte à modeler est devenue plus grande ou plus petite après avoir modifié sa forme fait preuve de pensée figurative. Il en est de même pour un enfant qui, constatant l’équivalence des deux boules, fait uniquement référence à des critères de perception ou évoque simplement l’état antérieur. Par contre, les enfants qui s’appuient sur la réversibilité, c’est-à-dire la retransformation de l’état final à l’état initial, font preuve d’une pensée opératoire.

Bien sûr, la transition d’une pensée figurative à une pensée opératoire se fait graduellement. De même, le diagnostic de pensée opératoire ou figurative ne s’applique qu’à un concept déterminé à la fois. Ainsi, un enfant peut faire preuve de pensée opératoire pour un type de transformations, tout en étant figuratif pour une autre notion. Un individu ne peut donc pas être opératoire ou figuratif en général, mais ces modes de pensée s’appliquent chaque fois à des concepts précis.

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Cependant, Dolle et Bellano (1989) soulignent que la situation devient plus inquiétante, lorsque des enfants se sont installés presque exclusivement dans des modes de pensée figurative. On est alors en présence d’enfants “ qui n’apprennent pas ”, parce qu’ils n’ont pas suffisamment construit la réalité.

3. DES ENFANTS NON OPÉRATOIRES POUR LES OPÉRATIONS DE BASE

Dans la partie suivante, qui constitue la section principale de la problématique de recherche, nous allons faire état de notre analyse de la littérature qui vise, d’une part, à dégager les représentations erronées des enfants à propos des relations d’équivalence et d’égalité et, d’autre part, à déterminer à quel point une compréhension déficiente de la relation d’équivalence peut empêcher des apprenants de développer une pensée opératoire lors de l’apprentissage des opérations de base.

Notre argumentation s’articulera autour de six volets :

1) l’état des difficultés liées à une représentation erronée que beaucoup d’élèves du primaire et du secondaire se font à propos de la relation d’équivalence et la description de l’impact de ces erreurs sur l’apprentissage des opérations de base,

2) l’analyse des relations qui existent entre un manque de compréhension de la relation partie-tout et des difficultés relatives à l’aspect formel de l’équivalence,

3) les difficultés des enfants de passer des opérations concrètes au langage formel,

4) l’influence de la compréhension de la conservation de l’équivalence des opérations qui suit la compréhension de la conservation de l’inéquivalence entre des collections ou des opérations,

5) la présence de pensée figurative chez des enfants qui ont une compréhension incomplète ou déficiente de l’équivalence,

6) la discussion sur la possibilité qu’ont les enfants de comprendre entièrement la relation d’équivalence dès le début de leur scolarisation à l’école primaire.

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3.1. Les conceptions erronées et leurs conséquences

Cette section, qui traite des conceptions erronées que beaucoup d’enfants entretiennent au sujet des relations d’équivalence et d’égalité, comprend trois parties : dans la première, nous allons décrire les conceptions les plus répandues, dans la deuxième, nous allons tenter d’établir un lien avec l’absence d’enseignement explicite de ces relations et, dans la troisième partie, nous montrerons l’impact de ces conceptions erronées sur l’utilisation des opérations de base.

3.1.1. Le signe "=" comme incitation à fournir une réponse

L’équivalence, nous l’avons vu, est une relation bien définie en mathématiques, qui se caractérise par les trois propriétés que nous avons décrites antérieurement. Néanmoins, comme le soulignent Davis et Hersh (1981, cités par Saenz-Ludlow et Walgamuth, 1998, p. 154), « alors que les règles du calcul devraient être aussi précises que l’action d’une calculatrice, les règles de l’interprétation ne peuvent pas être plus précises que la communication d’idées entre humains. »

Conformément à ce constat, la représentation mentale que de nombreux élèves ont de l’équivalence et de l’égalité est inadéquate. À travers les recherches que nous avons analysées, la même conception erronée revient régulièrement sous des formes différentes, que ce soit auprès d’élèves de l’école primaire, du secondaire, du collège ou même de l’université : Grand nombre de ces étudiants considèrent le symbole d’égalité, non comme un symbole relationnel, mais comme un opérateur ou une incitation à fournir une réponse.

Ainsi, Behr, Erlwanger et Nichols (1980, p. 13) soulignent que la plupart des enfants du primaire qui ont été interrogés au cours de leur recherche sont d’avis que le symbole d’égalité les incite à fournir la réponse à l’opération qui le précède. Baroody et Ginsburg (1983, p. 199), ainsi que Vance (1998, p. 282) vont dans la même direction, en constatant que le symbole d’égalité est considéré comme signal d’écrire une réponse. Face à ces résultats, on peut dès lors se questionner sur la pertinence de l’enseignement qui a été dispensé à ces enfants en matière de relations d’équivalence et d’égalité.

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Une compréhension lacunaire du symbole d’égalité ne semble pas avoir d’influence sur la résolution d’équations du type “ a + b = __ ”, dans lesquelles le signe d’égalité précède effectivement l’inconnue. Behr, Erlwanger et Nichols (1976, p. 2) ont constaté qu’une grande majorité des enfants est en mesure de résoudre des équations de ce type.

La même conception erronée apparaît lorsque les participants aux différentes recherches sont confrontés à des égalités moins conventionnelles. Denmark et al. (1976, p. 1), entre autres, soutiennent que de nombreux enfants n’acceptent pas des écritures du type “ a = a ”. Confrontés à ce type d’équivalence, de nombreux élèves la transforment en une égalité du type “ a + 0 = a ”. Ils la modifient donc de façon à pouvoir l’adapter au schéma de la question qui précède et de la réponse qui suit le symbole d’égalité.

Dans ce cadre, Behr, Erlwanger et Nichols (1980) distinguent entre des « égalités d’action », qui comprennent une opération et qui représentent l’action d’addition dans un contexte concret, et les autres égalités5, qui ne contiennent aucune opération ou plusieurs opérations des deux côtés du symbole d’égalité. Un certain nombre d’élèves semblent donc uniquement accepter des « égalités d’action » en modifiant celles qui ne comportent pas d’opérations, afin de les transformer en « égalités d’action ».

Des difficultés peuvent également apparaître lorsque les enfants font face à des équations du type “ __ = a + b ”. Behr, Erlwanger et Nichols (1980) soutiennent que, dans ce cas, certains enfants inversent le sens de la lecture. Lue de droite à gauche, l’équation est transformée en “ b + a = ___ ”; on retrouve ainsi la conception de la réponse qui suit la question. Cette stratégie est également mentionnée par Lindvall et Ibarra (1980), lorsqu’ils affirment que, dans des équations de ce type, les enfants ont tendance à d’abord regarder l’opération, pour ensuite dégager la solution.

Bien sûr, on pourrait penser ici que les enfants qui ont recours à cette stratégie d’inversion comprennent d’une certaine manière la symétrie de la relation

5 Une égalité du type a + b = c est un exemple d’une égalité d’action tandis que des égalités comme a = b ou

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d’équivalence et de la commutativité de l’addition. Cependant, Behr, Erlwanger et Nichols (1980) soutiennent que les mêmes enfants ont, devant des tâches similaires, tendance à ignorer tout simplement la signification des symboles employés. Par exemple, une des élèves interrogées par ces auteurs inversait, selon les cas, la lecture ou ignorait le sens des symboles impliqués dans l’équation, en transformant "__ = a + b" en "__ + a = b". Nous pouvons donc supposer qu’il s’agit ici d’une mauvaise compréhension du signe d’égalité et non d’une application consciente et justifiée de certaines propriétés de la relation d’équivalence.

Cette hypothèse est confirmée par les difficultés que ces enfants ont lors de la résolution d’autres équations. Ainsi, confrontés à des équations du type "a + b = __ + d", la stratégie utilisée précédemment, qui visait à faire rentrer l’opération dans le schéma d’action des enfants, ne fonctionne plus. Kieran (1981) en conclut que les enfants des premières années du primaire ne sont pas en mesure de résoudre ces tâches de façon adéquate et les refusent en affirmant que ce sont des écritures non acceptables.

Denmark et al. (1976) soulignent que, souvent, les opérations des deux côtés du symbole d’égalité sont considérées comme deux problèmes séparés. En suivant la logique des élèves, les égalités du type "a + b = c + d" ne sont par conséquent pas acceptables, puisqu’on est confronté à deux questions auxquelles aucune réponse n’est donnée. Selon cet auteur, de nombreux enfants transforment des équations comme "2 + 4 = __ + 2" en "2 + 4 = 6 + 2", de manière à ce que la “ réponse ” à la “ question ” "4 + 2" suive directement le symbole d’égalité. D’ailleurs, Saenz-Ludlow et Walgamuth (1998) ont remarqué exactement le même phénomène dans le cadre de leur recherche. Shoecraft (1989) va dans la même direction, en mentionnant que les participants à sa recherche séparent les égalités du type "a + b = c + d" en deux égalités différentes. Ainsi, un de ses élèves a transformé "2 + 7 = 4 + 5" en "2 + 7 = 9" et "4 + 5 = 9", pour obtenir ainsi de nouveau le schéma “ question - réponse ”. Bien sûr, il peut être utile de recourir au total présent des deux côtés pour évaluer une égalité de type "a + b = c + d", mais dans ce cas, l’enfant ne s’est plus préoccupé de l’égalité complète qui lui avait été fournie au départ. Un autre élève écrit, face à la même question, l’égalité suivante : "2 + 7 + 4 + 5 = 18", le signe d’égalité étant de nouveau suivi d’une réponse à une question. Conformément à Saenz-Ludlow et Walgamuth (1998), ces enfants ont donc tendance à utiliser le symbole d’égalité

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pour séparer les différentes opérations, au lieu d’exprimer une équivalence quantitative. Finalement, Falkner, Levi et Carpenter (1999) ont constaté que, parmi 145 élèves de sixième année du primaire, aucun n’était capable de résoudre correctement l’équation "8 + 4 = x + 5". Tous les enfants interrogés ont fourni une réponse qui permet de conclure qu’ils conçoivent le signe = comme opérateur. D’ailleurs, ces auteurs ont observé exactement le même phénomène lorsque l’équation en question a été posée à une classe de deuxième année du primaire.

Face à ces constats établis par plusieurs chercheurs différents, il faut cependant souligner que des processus plus évolués sont nécessaires pour comprendre des équations du type "a + b = __ + d" que pour celles du type "a + b = __". Alors que les enfants auront probablement peu de difficultés à représenter concrètement la seconde équation, il est moins évident de trouver un exemple concret qui illustre une équation du type "a + b = __ + d". D’ailleurs, dans l’élaboration de notre séquence d’enseignement, nous devrons tenir compte de cette particularité et tenter de trouver des contextes significatifs pour les enfants, qui permettent de solutionner de telles équations.

3.1.2. Origine et évolution des conceptions erronées sur les relations d’équivalence et d’égalité

Les difficultés auxquelles sont confrontés les élèves ne surprennent pas, si on sait que les relations d’équivalence et d’égalité, et surtout leur aspect symbolique, font rarement l’objet d’un enseignement explicite. Plusieurs causes peuvent expliquer la représentation du symbole d’égalité comme opérateur. Weaver (1982, p. 60) constate que, dans beaucoup de manuels de mathématiques de l’école primaire, aucun effort n’est fourni pour expliciter la symbolisation des opérations. De même, les seules opérations proposées sont du type "a + b = __", le symbole d’égalité précédant effectivement la "réponse" à fournir.

L’aspect formel des opérations et le symbole d’égalité sont introduits, selon Labinowicz (1985), par la plupart des enseignants pendant le premier mois de la première année du primaire. Très souvent, cette introduction est effectuée de manière arbitraire, sans que les élèves aient le temps de construire des représentations adéquates de ces symboles. En plus, et Saenz-Ludlow et Walgamuth

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(1998) ne manquent pas de le souligner, la compréhension de l’équivalence est un long processus. Par conséquent, il serait tout simplement irréaliste de penser que les enfants peuvent apprendre d’un coup les différentes significations et propriétés de cette relation.

Finalement, Denmark et al. (1976, p. 2) concluent que, dans un programme de mathématiques typique, les élèves n’apprennent tout simplement pas à considérer le symbole d’égalité comme synonyme d’une relation entre deux nombres.

Bien sûr, les travaux mentionnés précédemment ne sont pas tous très récents, et on pourrait penser qu’avec l’introduction de nouveaux manuels au primaire, la signification du signe = est traitée de manière plus explicite. En analysant les manuels de première et deuxième année en vigueur actuellement au Luxembourg et au Québec, on peut constater qu’une plus grande importance est accordée à l’enseignement du signe = dans certains ouvrages, mais qu’en général, cet enseignement est encore très lacunaire. Dans les manuels luxembourgeois par exemple, on traite la signification du signe = uniquement dans le contexte de comparaisons de collections, et conjointement avec les signes > et <. De même, la grande majorité des équations que les enfants ont à travailler correspondent à une structure "a + b = __". Dans les manuels québécois analysés, on retrouve une plus grande diversité d’équations dans la plupart des manuels. Cependant, pour certains auteurs, l’explication du signe = est escamotée. Ainsi, dans le manuel "Clicmaths", Bordier (2001) explique les symboles impliqués dans une égalité à l’aide de l’exemple "2 + 4 = 6", mais omet de clarifier la signification du signe =. « Voici une égalité représentant une addition: 2 + 4 = 6. 2 et 4 sont les termes. 6 est la somme des termes 2 et 4. + est le symbole de l’addition » (vol. A, p. 35). On explique donc explicitement la signification de tous les termes impliqués, sauf celle du signe =.

Ailleurs, c’est carrément une conception du signe = comme opérateur qui est transmise : Lebel (2001) explique ce symbole de la manière suivante aux enfants du premier cycle : « Le signe égal (=) ne sert pas toujours à effectuer un algorithme ou à donner une réponse mathématique. Il peut aussi servir à donner une information » (p. 92). Afin de souligner la dernière partie de l’affirmation, les auteurs de ce manuel fournissent l’exemple suivant : « Voici une suite de nombres :

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12, 13, 14, 15, 16. Les nombres pairs = 12, 14, 16. Les nombres impairs = 13, 15. » (p. 92). L’approche utilisée par Lebel (2001) est à dénoncer pour plusieurs raisons. D’abord, une telle explication renforce explicitement une conception du signe = comme opérateur chez les enfants. Ensuite, les exemples fou rnis traduisent peut-être une utilisation commune du signe =, mais qui n’est pas mathématiquement correcte, puisqu'on ne retrouve pas la représentation de la même quantité des deux côtés.

La conception d’une égalité en termes de question – réponse est également véhiculée, de manière moins flagrante par Laurence et al. (2000) dans le fasc. 11 de la collection Mosaïque. Dans une des activités, nommée "ça s’équivaut", différentes additions sont écrites. Les enfants doivent alors associer celles qui représentent le même nombre. Cependant, alors que le titre de l’activité parle en termes d’équivalence, les consignes font plutôt référence à une autre conception : « Place les jetons d’une même couleur sur les opérations qui ont le même résultat. »

La conception du signe = comme opérateur semble également être renforcée par un certain nombre d’enseignants. Ainsi, dans une vidéo éditée par Jonnaert (1994) sur l’apprentissage du nombre, on peut voir une enseignante qui travaille avec les élèves sur des égalités de type "a = b + c". Pour ce faire, l’enseignante fait séparer à ses élèves un ensemble d’objets en deux sous-ensembles, et leur demande d’écrire l’égalité correspondante. Lorsqu’un enfant propose une égalité de type "a + b = c", l’enseignante intervient pour obtenir une structure "c = a + b" : « Maintenant, peux-tu me dire le calcul en commençant par la réponse ? » Cette enseignante véhicule donc en même temps clairement une conception comme opérateur du signe =.

Les conceptions des enfants au sujet du signe = ne sont cependant pas uniquement renforcées dans un contexte scolaire. Labinowicz (1985) souligne à ce sujet que, si les équations du type "a + b = __" sont répétées dans les manuels de mathématiques, le même mode d’opération est imposé par la calculatrice. En effet, l’utilisateur entre d’abord une opération à laquelle la calculatrice fournit par la suite une réponse après le symbole d’égalité. Cette disposition pourrait donc également jouer un rôle, lorsque les enfants n’arrivent pas à construire un sens relationnel au symbole d’égalité, mais continuent à le considérer comme incitation à la réponse.

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Il est intéressant de constater que les conceptions erronées des enfants sur le signe = sont ancrées très fortement. Elles ne disparaissent pas après la première ou deuxième année d’études, mais se maintiennent souvent jusqu’au secondaire, au collège, voire à l’université. Ainsi, Behr, Erlwanger et Nichols (1976) ont constaté que des élèves de troisième et de sixième année du primaire ont tendance à croire que le symbole d’égalité est un symbole qui précède la réponse à une opération. Par ailleurs, comme le soulignent Bodin et Capponi (1996), une mauvaise conception du signe "=" a été clairement identifiée comme un des facteurs qui causent des difficultés lorsqu’il s’agit d’apprendre l’algèbre au début du secondaire.

Mevarech et Yitschak (1983), pour leur part, ont conduit une recherche sur la manière que des étudiants du collège, dont la plupart avaient déjà suivi des cours d’algèbre, de géométrie et de trigonométrie à l’école secondaire conçoivent le signe =. Suite à un test, administré à 150 étudiants et comprenant des questions à choix multiple, des équations à résoudre et des questions ouvertes, ces auteurs sont arrivés à la conclusion que, si 56 % des participants considéraient le symbole d’égalité comme symbole relationnel, 44 % étaient d’avis qu’il s’agissait d’une incitation à la réponse.

Bien sûr, auprès d’étudiants du secondaire, du collège et de l’université, les conceptions erronées deviennent apparentes dans des situations différentes par rapport à celles utilisées au primaire, mais, fondamentalement, l’erreur reste la même. Ainsi, dans le cadre des cours de didactique des mathématiques que nous avons donnés à l’Université, nous avons observé des étudiants qui résolvent une addition à deux termes comme "1025 + 315 – 223=___" en écrivant : "1025 + 315 = 1340 – 223 = 1117". Ici, le symbole d’égalité n’est donc pas utilisé comme symbole relationnel, puisque les équivalences écrites ne sont pas correctes. Par contre, ces étudiants ont fait suivre une deuxième “ question ” à la “ réponse ” à la première “ question ”. Bien sûr, l’erreur consiste en une mauvaise utilisation du symbole d’égalité, mais, sans avoir analysé les processus cognitifs de ces étudiants, il serait prématuré de conclure que ces étudiants n’ont pas compris la signification des relations d’égalité et d’équivalence.

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3.1.3 Influence des conceptions erronées des enfants sur le traitement des opérations

Dans la section précédente, nous avons montré que les difficultés liées à l’équivalence se manifestent surtout lorsque les élèves sont confrontés à la résolution d’équations qui contiennent des opérations. Dans la section suivante, nous allons montrer comment ces difficultés peuvent également influencer profondément la compréhension des opérations arithmétiques de base.

Selon Lindvall et Ibarra (1980), une représentation adéquate de l’écriture formelle est essentielle pour comprendre des opérations comme l’addition et la soustraction. Bien sûr, cette représentation adéquate implique nécessairement une compréhension du symbole d’égalité comme symbole relationnel qui indique une équivalence quantitative.

Copeland (1974) va dans la même direction lorsqu’il affirme que, pour vraiment comprendre une opération, l’enfant doit appréhender que, par exemple, "1 + 7" est une autre représentation du nombre 8. Il doit donc en même temps saisir que ces deux notions sont équivalentes.

La perception du symbole d’égalité comme opérateur peut engendrer des difficultés importantes lorsqu’il s’agit d’utiliser des opérations arithmétiques de base. Ainsi, dans le cadre d’un projet de recherche auquel nous avons participé, il y a quelques années, en tant qu’assistant de recherche et qui comportait l’enseignement des premiers concepts numériques à des enfants en difficultés graves d’apprentissage, nous avons pu constater qu’une compréhension déficiente de l’équivalence peut engendrer des erreurs dans l’utilisation des opérations. Certains enfants pour lesquels le symbole d’égalité précédait la réponse de l’opération, lisaient l’équation de droite à gauche dans des additions du type "__ = b + c". Or cette stratégie, qui leur avait été suggérée par leur enseignant, constituait une difficulté quasi insurmontable lorsqu’ils étaient en face d’une soustraction du type "__ = b – c". Comme la soustraction n’est pas commutative, le sens de lecture ne peut plus être inversé et les élèves n’arrivaient plus à résoudre correctement cette opération. La tendance d’enfants de lire à l’envers des égalités de type "a = b + c" ne semble par ailleurs pas être un incident isolé. Ainsi, certains des enfants de première et deuxième année auxquels Falkner, Levi et Carpenter (1999), ont proposé l’égalité

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"7 = 3 + 4" ont spontanément utilisé cette stratégie. Une stratégie similaire a pu être observée par Carpenter et Levi (2000) dans une autre classe de première année du primaire, dans laquelle des enfants avaient à évaluer l’égalité "2 = 1 + 1".

Lindvall et Ibarra (1980) ont observé un problème analogue, avec à l’origine un manque de compréhension de la relation d’équivalence. Dans le cas concret, certains participants ne sont pas parvenus à représenter concrètement, avec des jetons, l’équation "__ - 4 = 3". En s’en tenant au schéma de la question qui précède la réponse, des élèves l’ont représentée comme étant "4 – 3 = 1". Il ne s’agit pas ici d’une réponse isolée; selon Lindvall et Ibarra (1980), presque tous les enfants qui utilisent la stratégie de lecture de droite à gauche pour l’addition l’emploient également pour la soustraction.

3.2. Difficultés de compréhension de la relation d’inclusion

La non-maîtrise de la relation d’inclusion6 joue également un rôle important dans l’acquisition de la notion d’équivalence et des opérations. La vérification de la maîtrise de la relation d’inclusion remonte à Piaget (1991), qui a proposé aux enfants une collection de perles en bois, dont la majorité étaient brunes, deux étant blanches. À la question de savoir s’il y avait plus de perles en bois ou plus de perles brunes, trois types différents de réponses ont été donnés par des enfants âgés de cinq à huit ans. Au cours du premier stade, les enfants ont considéré qu’il y avait plus de perles brunes que de perles en bois et n’arrivaient donc pas à saisir la relation d’inclusion entre ces deux ensembles. Au deuxième stade, les participants à cette recherche arrivaient à donner une réponse correcte, mais uniquement après avoir dénombré les deux ensembles. Finalement, les enfants qui se trouvaient au troisième et dernier stade étaient en mesure de résoudre le problème, en appuyant leur justification sur l’inclusion de l’ensemble de perles brunes dans celui des perles en bois.

Cette relation d’inclusion ne se limite cependant pas à des ensembles d’objets concrets, mais elle peut également être appliquée aux opérations formelles. Dans une équation du type "a + b = c", les parts "a" et "b" sont incluses dans le tout "c", et la

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somme des parts "a" et "b" est quantitativement équivalente à "c". Dans ce cadre, Van Engen et Steffe (cités par Copeland, 1974, p. 116) ont proposé une tâche d’inclusion relative à l’addition de nombres naturels à cent élèves d’une classe de première année de l’école primaire. Ces enfants devaient décider s’ils préféraient deux ensembles de respectivement deux et trois bonbons ou un ensemble de cinq bonbons. Presque la moitié des participants n’étaient pas en mesure de fournir une réponse correcte.

Piaget (1991, p. 238) a conduit une expérience similaire, ayant comme objectif « de voir si un enfant est capable de comprendre l’identité d’un tout au travers des différentes compositions additives de ses parties ». Au terme de cette expérimentation, il a su dégager les mêmes trois stades de compréhension que pour la relation d’inclusion. Dans la tâche prévue par Piaget, visant à demander aux participants s’ils préféraient avoir quatre bonbons le matin et quatre bonbons l’après-midi ou sept bonbons le matin et un bonbon l’après-midi, les enfants ont donc dû établir que les ensembles qui constituent les parts sont inclus dans le même tout. Une première catégorie d’enfants n’a pas reconnu l’équivalence quantitative entre les deux situations; ils ont justifié leur réponse la plupart du temps par la présence d’un grand sous-ensemble dans la deuxième situation. Au cours d’un deuxième stade, les enfants ont commencé par affirmer la non-équivalence des deux additions, toutefois ils ont découvert pendant la manipulation qu’il ne suffisait pas de considérer l’un ou l’autre des sous-ensembles, mais qu’il fallait tenir compte de la réunion de ces sous-ensembles. Au troisième stade finalement, les enfants étaient en mesure de décider tout de suite de l’équivalence des deux sous-ensembles, en s’appuyant sur le fait que c’est la forme de l’expression, et non la quantité qui change.

Cependant, les résultats des recherches de Piaget que nous venons de citer doivent être relativisés. En effet, il serait tout à fait possible que les enfants qui n’ont pas reconnu l’équivalence des deux ensembles aient procédé de cette façon pour des raisons autres que le fait de ne pas avoir compris la relation d’équivalence. Ainsi, d’un point de vue affectif, un enfant pourrait décider qu’il préfère avoir tout de suite

6 Sur le plan ensembliste, on dit qu’un ensemble A est inclus dans un ensemble B si tous les éléments de

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un plus grand nombre de bonbons, au lieu d’attendre l’après-midi pour en avoir une quantité considérable.

De même, les difficultés éprouvées avec l’inclusion ne sont probablement pas les seules sources d’erreurs. Comment expliquer sinon qu’une partie des élèves continue encore au collège ou même à l’université de considérer le symbole d’égalité comme incitateur à fournir une réponse, alors que le concept d’inclusion devrait être acquis depuis longtemps ?

3.3. Difficultés des enfants de passer des opérations concrètes au langage formel

Au-delà des phénomènes décrits précédemment, il semble également que de nombreux enfants éprouvent des difficultés pour passer des opérations concrètes au langage formel. Toutefois, à l’exception des travaux de Piaget (1991), les différentes recherches que nous avons analysées se sont limitées à décrire des difficultés reliées à l’aspect formel des opérations et de l’équivalence. Nous nous sommes donc posé la question de savoir si les difficultés ressenties par les enfants ne pouvaient pas se situer également au niveau du passage des opérations concrètes au langage formel.

Au cours d’une recherche sur la notation arithmétique auprès d’enfants de la première année d’études du primaire, Labinowicz (1985) a constaté qu’une majorité des enfants a tendance à ne pas avoir recours au symbole d’égalité dans leur notation. Sur 33 enfants interrogés, la majorité a su résoudre avec du matériel concret une addition simple du type "a + b = __". Quatre enfants seulement ont réussi à écrire une équation complète et correcte. En ce qui concerne les autres, ils n’ont pas utilisé le symbole d’égalité, par ailleurs ; le signe d’addition a manqué en général dans les équations.

Certaines réactions des élèves qui ont participé à la recherche de Behr, Erlwanger et Nichols (1980, p. 15) semblent également indiquer qu’une difficulté majeure se situe aussi au niveau symbolique. Après avoir été confrontés à l’égalité "4 + 1 = 2 + 3", certains participants fréquentant la deuxième année d’études ont concédé que les opérations situées des deux côtés du symbole d’égalité équivalent à

Figure

Figure 1 : Le modèle de compréhension de Bergeron et Herscovics (1988)
Figure 3 : Représentation sous forme de comparaison de &#34;a + b = c&#34;
Figure 4 : Représentations sous forme d’inclusion de &#34;4 + 2 = 3 + 3&#34;
Tableau 1 : Les activités reliées à l’enseignement des structures de type &#34;a + b = c&#34; et  &#34;a = b + c&#34;
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Références

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