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Délivré par L’UNIVERSITE PAUL SABATIER – TOULOUSE III
Spécialité : GENIE CIVIL
JURY
M. Jean-Michel TORRENTI Président du jury
Mme Véronique BAROGHEL-BOUNY Rapporteur
M. Ahmed LOUKILI Rapporteur
Mme Ginette ARLIGUIE Examinateur
M. François CUSSIGH Examinateur
M. Frédéric DUPRAT Examinateur
M. Patrick ROUGEAU Examinateur
M. Alain SELLIER Examinateur
Ecole doctorale : Mécanique, Energétique, Génie civil et Procédés
Unité de recherche : Laboratoire Matériaux et Durabilité des Constructions
Directeur de Thèse : Ginette ARLIGUIE
Présentée et soutenue par Nicolas HYVERT
Le 10 Avril 2009
Application de l’approche probabiliste à la
durabilité des produits préfabriqués en béton
Remerciements
Ce travail de thèse a été effectué au Centre d’Etudes et de Recherches de l’Industrie du Béton en partenariat avec le Laboratoire Matériaux et Durabilité des Construction de Toulouse.
Je souhaite exprimer mes remerciements …
… à mes directeurs de thèse, Ginette Arliguie, Frédéric Duprat, Patrick Rougeau et Alain Sellier, qui chacun dans sa spécialité m’a énormément apporté, conseillé et aidé, et sans qui tout cela n’aurait pas été possible. Merci plus particulièrement à Alain et Frédéric pour m’avoir fait découvrir le monde de la modélisation, un aspect de la recherche que je ne connaissais pas, pour m’avoir également soutenu, encouragé et rassuré durant les derniers mois de la thèse, contribuant à l’aboutissement de ce travail. Merci à Patrick de m’avoir accueilli au sein de l’équipe Matériaux du CERIB, d’avoir suivi de près l’ensemble des travaux expérimentaux, et tout simplement de m’avoir fait confiance durant ces années passées au CERIB. Travailler avec vous durant ces trois années a été un réel plaisir et j’espère sincèrement que nos chemins se croiseront à nouveau dans le futur pour collaborer.
… au CERIB qui a élaboré et financé ce projet, et plus particulièrement Edmond Collot, ancien Directeur Général, pour avoir montré de l’intérêt à ce travail et m’avoir donné les moyens pour le réaliser.
… à Ginette Arliguie, directrice du laboratoire lorsque j’ai commencé ma thèse, et Gilles Escadeillas, directeur actuel, pour m’avoir accueilli au sein du LMDC pendant ces trois années de thèse.
… au LCPC de Paris, et notamment Mickael Thiery, pour avoir réalisé une partie de la campagne expérimentale, me permettant ainsi d’avoir une gamme complète de résultats expérimentaux.
… à Véronique Baroghel-Bouny et Ahmed Loukili pour avoir accepté d’être rapporteurs de ce mémoire de thèse et pour leurs commentaires constructifs vis-à-vis des travaux effectués. Je remercie également François Cussigh d’avoir examiné ce mémoire ainsi que Jean-Michel Torrenti d’avoir accepté de présider mon jury de thèse.
… aux membres de l’équipe Matériaux du CERIB pour ces années passées ensemble. Je souhaite particulièrement remercier Claude Badoz, Nicolas Flahault, Philippe Francisco, Carole Mauro, Catherine Morin, Patrick Sercol et Christophe Toussaint. Merci pour votre aide, pour votre soutient et pour le temps que vous m’avez consacré.
… à l’ensemble des membres du LMDC pour leur accueil et leur enthousiasme lors de mes déplacements ponctuels sur Toulouse. Merci en particulier à Simone Julien du service Chimie pour son aide précieuse lors des essais réalisés au LMDC.
… à l’ensemble des doctorants avec qui j’ai partagé ces trois années. Plus particulièrement, je souhaite remercier Samir, Jérôme, Pauline, Paco, Youcef et Guillaume. Que ce soit au laboratoire ou en dehors, mes multiples venues sur Toulouse ont toutes été un vrai plaisir en votre compagnie. Merci pour votre bonne humeur, vos encouragements et surtout pour votre organisation de mon pot d’après soutenance. Vous m’avez vraiment épaté ! Merci également à vous pour les heures passées à discuter de tout et de rien (surtout de rien), pour les débats passionnés et pour avoir fait découvrir au petit parisien que je suis cette belle ville rose qu’est Toulouse. J’espère bien vous revoir rapidement ! Bonne continuation à vous tous.
… à mes amis de Paris et de Toulouse, notamment Cyrille, Betty, Bourriquet, Emile, Cécile, Emeline, Jérôme, Nicolas et Thomas pour m’avoir écouté dans les moments plus ou moins faciles et pour m’avoir encouragé jusqu’à la fin, même à distance, dans cette aventure.
… à Guy pour avoir su me rassurer dans les instants de doutes et de stress, jusqu’à la veille de ma soutenance. Merci à toi également pour m’avoir fait simplement oublier les tracas de la thèse lorsqu’ils devenaient trop importants. Merci de m’avoir supporté pendant la rédaction de ce mémoire et la préparation de la soutenance, de m’avoir redonné le courage et la confiance qu’il me manquait pour affronter ces derniers mois difficiles. Ton aide précieuse restera à jamais gravé dans ma mémoire.
… à mes grands-parents et mes parents enfin, pour m’avoir toujours soutenu et encouragé, pour m’avoir toujours aidé dans mes choix et avoir cru en moi. Merci en particulier à mes parents d’avoir toujours été présent à mes côtés, notamment le jour de ma soutenance. Désolé d’ailleurs si vous n’avez pas tout compris ce jour là … Merci pour tout ce que vous avez fait depuis bientôt 30 ans et pour tout ce que vous continuerez à faire. Vous trouverez dans ce document le produit des efforts qu’en tous temps vous m’avez aidé à accomplir.
Table des matières
Table des matières ... 5
Résumé ... 7
Abstract ... 9
Introduction générale... 11
Chapitre 1 : Connaissances préliminaires – Etat de l’art... 15
A. Introduction ... 16
B. Généralités sur le ciment hydraté ... 16
B.1. Les constituants des ciments ... 17
B.2. Les différents types de ciment ... 18
B.3. L’hydratation du ciment et son mécanisme ... 21
B.4. Les produits d’hydratation... 22
B.5. Les réactions pouzzolaniques ... 23
B.6. La structure de la pâte de ciment ... 23
B.7. Le traitement thermique ... 25
C. La carbonatation ... 32
C.1. Phénoménologie chimique ... 33
C.2. Facteurs influents liés au matériau ... 35
C.3. Facteurs influents liés au process de fabrication ... 37
C.4. Facteurs influents liés au milieu environnant ... 41
C.5. Modélisation de la carbonatation... 43
D. La pénétration des chlorures... 61
D.1. Phénoménologie chimique ... 61
D.2. Facteurs influents liés au matériau ... 66
D.3. Facteurs influents liés au process de fabrication ... 69
D.4. Facteurs influents liés au milieu environnant... 69
D.5. Modélisation de la pénétration des chlorures ... 72
E. L'approche probabiliste... 82
E.1. Contexte et objectifs ... 82
E.2. La théorie de la fiabilité... 86
E.3. Les méthodes d'évaluation des probabilités... 89
E.4. Contexte normatif et fiabilité... 90
E.5. Conclusion ... 95
F. Conclusions ... 96
Chapitre 2 : Résultats expérimentaux ... 97
A. Objectifs ... 98
B. Etude phénoménologique de la carbonatation... 98
B.1. Matériaux de l’étude... 98
B.2. Caractérisation des résistances mécaniques ... 100
B.4. Suivi de la progression de la carbonatation et des masses... 102
B.5. Evolution des propriétés de transfert ... 105
B.6. Evolution de la microstructure ... 114
B.7. Conclusions ... 120
C. Etude des process de l’industrie du béton – Effet d’un traitement thermique... 121
C.1. Caractéristiques de l’étude ... 121
C.2. Essais de carbonatation accélérée en laboratoire... 123
C.3. Conclusions ... 124
D. Collecte des données et d’éléments issus d’usines ... 124
D.1. Usine A... 125
D.2. Usine B... 127
D.3. Usine C... 129
D.4. Conclusions ... 131
Chapitre 3 : Elaboration du modèle de carbonatation ... 133
A. Introduction ... 134
B. Elaboration du modèle à partir des caractéristiques liées à la phénoménologie de la carbonatation... 134
B.1. Limite des modèles élémentaires... 134
B.2. Interprétation des expérimentations... 137
B.3. Modèle proposé ... 139
B.4. Calage du modèle simplifié ... 142
C. Détermination du coefficient de diffusion D0CO2 pour des bétons... 145
C.1. Premier cas : D0CO2 est déterminé à partir de la résistance à la compression du béton ... 146
C.2. Second cas : D0CO2 est déterminé à partir du résultat d’un essai de carbonatation accélérée 148 D. Autres facteurs ... 148
D.1. Prise en compte du traitement thermique ... 149
D.2. Prise en compte de la cure... 151
D.3. Prise en compte des conditions environnementales ... 152
E. Expression générale du modèle simplifié ... 153
F. Détermination de l’état limite de durabilité... 153
G. Conclusions... 154
Chapitre 4 : Applications probabilistes... 157
A. Introduction ... 158
B. Cas de l’Eurocode 2 pour le dimensionnement probabiliste ... 160
B.1. Caractéristiques de l’étude ... 160
B.2. Calculs ... 162
B.3. Remarques relatives à la compatibilité entre l’Eurocode 2 et l’approche fiabiliste ... 163
C. Mesure de la fiabilité pour les bétons réalisés en usines suivant le dimensionnement de l’Eurocode 2... 163
C.1. Caractéristiques de l’étude ... 163
C.2. Calculs ... 165
C.3. Conclusions ... 166
D. Dimensionnement de l’enrobage à fiabilité constante... 166
D.1. Caractéristiques de l’étude ... 166
D.2. Calculs... 167
D.3. Conclusions ... 168
E. Conclusions ... 169
Conclusions générales et perspectives ... 171
Références bibliographiques ... 175
Résumé
La carbonatation atmosphérique est un des facteurs les plus importants pour la durabilité du béton armé. Elle correspond à la diffusion du CO2 de l’atmosphère dans les pores du béton et à la dissolution
des hydrates, notamment la portlandite Ca(OH)2, qui joue un rôle de tampon sur le pH. Lorsque la
portlandite a été entièrement consommée, ou qu’elle n’est plus accessible, le pH chute à une valeur inférieure à 9. Ceci peut conduire à la corrosion des aciers du béton armé qui ne sont passivés et protégés qu’en milieu fortement basique.
L’objectif de la thèse est de fournir une modélisation probabiliste physico-chimique de la carbonatation, prenant en compte les spécificités des process industriels et susceptible d’être utilisée pour un dimensionnement probabiliste des ouvrages. Une campagne d’essais a été menée afin de proposer une modélisation de la carbonatation pratique à utiliser en industrie. A partir de la nature du ciment, de la composition du béton, des caractéristiques du traitement thermique et de la cure, et d’au moins un essai de carbonatation (ou à défaut à partir de la résistance à la compression), le modèle de carbonatation élaboré permet d’estimer les profondeurs carbonatées pour différentes pressions partielles de dioxyde de carbone et de calculer l’indice de fiabilité correspondant.
Enfin, une application de la méthodologie probabiliste montre la possibilité d’intégrer le dimensionnement probabiliste dans le contexte normatif pour optimiser la durabilité des produits préfabriqués.
Mots-clefs : carbonatation, mortiers, bétons, pression partielle de dioxyde de carbone, portlandite, carbonate de calcium, modélisation, durabilité, process industriels, traitement thermique, cure, dimensionnement probabiliste.
Abstract
Atmospheric carbonation is one of the most significant degradation factors for the durability of reinforced concrete structures. Carbonation relates to the diffusion of CO2 in the atmosphere through
the concrete pores and to the dissolution of the hydrates, especially the portlandite, which supplies the reserve of concrete basicity. When portlandite is totally consumed, the pH value decreases to a value less than 9. It corresponds to the conditions allowing the corrosion of the reinforced bars which are protected only under a high pH level.
The aim of this work is to carry out a probabilistic physico-chemical modelling of carbonation, taking into account the industrial requirements and being easy to utilize in a probabilistic design of the concrete cover. A wide experimental campaign was conducted in order to propose a practical model of carbonation for its efficient usage in the industry of precast concrete. From the cement nature, the concrete composition, the curing and thermal treatment characteristics, and one carbonation test (or at least the compressive strength), the model can determine the carbonated thickness for different pressures of CO2. Further, it allows the reliability index with respect to the initiation of corrosion to be
estimated thanks to a link with a probabilistic algorithm.
Following the scheme of checking the reliability level as recommended by the European regulation Eurocodes for structural design, the benefit of a probabilistic approach in the durability design of a concrete structure has been then emphasized.
Keywords : carbonation, mortar, concrete, content of carbon dioxide, portlandite, calcium carbonate, modelling, durability, industrial process, thermal treatment, curing, probabilistic design.
Introduction générale
La maîtrise et l’optimisation de la durabilité constituent un enjeu particulièrement important pour les ouvrages et donc les produits préfabriqués en béton. Les exigences relatives à la durabilité des produits préfabriqués destinés aux structures sont définies dans les normes de produits qui s’appuient sur la norme NF EN 13369, les Eurocodes et la norme NF EN 206-1. Les risques provoqués par les conditions extérieures sont ordonnés en classes d’exposition. Celles relatives aux risques de corrosion des armatures correspondent aux classes liées à la carbonatation, à la présence de chlorures et aux environnements marins. Pour des raisons de temps et de complexité des essais, nous nous sommes principalement focalisés sur la carbonatation.
La carbonatation traduit l’action de la diffusion du CO2 dans les pores du béton et les réactions
consécutives de dissolution/précipitation avec les hydrates, notamment de la portlandite Ca(OH)2 qui
joue un rôle de tampon sur le pH. Lorsque la portlandite a été entièrement consommée, ou qu’elle n’est plus accessible, le pH chute à une valeur inférieure à 9, amorçant ainsi la dépassivation des aciers. La carbonatation peut également avoir un aspect bénéfique dans la mesure où les microcristaux de carbonate de calcium CaCO3 qui se forment à partir des hydrates obturent partiellement les pores
du béton. Cela peut donc permettre d’augmenter la résistance du béton à la diffusion d’agents agressifs.
La façon la plus logique de prédire la durée de vie des ouvrages consiste à évaluer la durée de la phase nécessaire à l’initiation de la corrosion. En ce qui concerne la corrosion induite par la carbonatation, il s’agit de définir le temps nécessaire pour qu’il y ait amorçage de la dépassivation des armatures par l’action du dioxyde de carbone. Cependant, il est important de remarquer que cette démarche est qualifiée de sécuritaire étant donné que l’initiation de la corrosion ne conduit pas à la mise en danger immédiate de l’ouvrage.
A ce jour, la plupart des modèles prédictifs de la durabilité sont de type déterministe [81], [84]. Cependant, pour mieux appréhender le dimensionnement des structures en béton, les approches probabilistes commencent à être utilisées. Il est vraisemblable qu’à moyen terme, les textes normatifs s’appuieront encore davantage sur des modèles probabilistes de durabilité pour fixer des spécifications sur les obligations de moyen et de performance. C’est dans ce contexte que cette étude a été élaborée par le Centre d’Etudes et de Recherches de l’Industrie du Béton, en partenariat avec le Laboratoire Matériaux et Durabilité des Constructions.
Le principal objectif de ce travail est de fournir une modélisation probabiliste physico-chimique de la carbonatation prenant en compte les spécificités des process industriels et susceptible d’être utilisée pour un dimensionnement probabiliste des ouvrages. Ce travail comporte deux aspects : le premier est la mise au point d’un modèle fiable de carbonatation permettant l’intégration des résultats expérimentaux usuels (essais de carbonatation accéléré, essais de résistance mécanique, ...), l’autre est la mise en œuvre du modèle en contexte probabiliste pour dimensionner l’enrobage des armatures.
Actuellement, les résultats des essais de carbonatation à hautes pressions partielles de CO2 permettent
de caractériser la résistance à la carbonatation du béton mais ne permettent pas d’en prédire la cinétique de carbonatation pour la pression partielle de dioxyde de carbone atmosphérique (de l’ordre de 0,03 % de la pression atmosphérique). De plus, l’extrapolation des profondeurs carbonatées à pression partielle atmosphérique, à partir des résultats d’essais à hautes pressions et en utilisant les modèles analytiques usuels, n’est généralement pas satisfaisante. Par ailleurs, les rares modèles complexes demeurent à ce jour peu adaptés aux besoins de l’industrie, car ils reposent souvent sur la détermination d’un nombre important de paramètres et ne prennent pas en considération la spécificité des process industriels.
Il a donc paru intéressant de proposer un niveau de modélisation intermédiaire néanmoins réaliste vis à vis des phénomènes rencontrés, en particulier le passage entre les pressions partielles utilisées en essais accélérés et la pression partielle naturelle et suffisamment robuste et pratique pour être utilisée dans le contexte industriel. A partir de la nature du ciment, de la composition du béton, des caractéristiques du traitement thermique et de la cure, d’un essai de carbonatation ou de la résistance à la compression, le modèle de carbonatation élaboré permet ainsi d’estimer les profondeurs carbonatées à partir d’indicateurs de durabilité accessibles et cela, pour différentes pressions partielles de dioxyde de carbone.
Ce mémoire comporte quatre chapitres.
Le premier chapitre est consacré à une revue bibliographique des connaissances nécessaires à la mise en place de l’étude expérimentale et de la méthode probabiliste.
Le chapitre 2 est dédié à la présentation des résultats du programme expérimental conduit lors de la thèse. Dans un premier temps, la phénoménologie de la carbonatation est étudiée. On traite des résultats expérimentaux obtenus sur des mortiers lors des essais de carbonatation accélérée. Puis l’influence d’un traitement thermique représentatif de ceux utilisés dans l’industrie de la préfabrication est analysée. Enfin, une campagne d'essais réalisée à partir d’échantillons issus de différentes usines de la préfabrication permet d’obtenir des résultats liés au milieu industriel.
Le modèle de carbonatation est ensuite présenté dans le chapitre 3. Les résultats expérimentaux obtenus dans le chapitre 2 sont repris dans ce chapitre afin de proposer une modélisation simplifiée de la carbonatation. Ainsi, à partir de la nature du ciment, de la composition du béton et de la résistance à la compression ou d’au moins un essai de carbonatation, le modèle proposé permet d’estimer les profondeurs carbonatées pour différentes pressions partielles de dioxyde de carbone. Ce modèle comprend deux facteurs liés aux process (le traitement thermique et la cure) et un facteur lié aux conditions environnementales d’exploitation (vie de l’ouvrage).
Enfin, le dernier chapitre est consacré à l’application de la méthodologie probabiliste. Ce chapitre montre comment l’approche probabiliste peut être utilisée pour dimensionner un enrobage en intégrant les informations relatives au matériau, non seulement en termes de valeur moyenne des paramètres du modèle, mais aussi en termes de variabilité aléatoire de ces paramètres. Ce chapitre comporte également une analyse des normes utilisées actuellement, en particulier l’Eurocode 2. Il se termine par une proposition concrète : intégrer la possibilité de dimensionnement probabiliste dans les textes normatifs pour améliorer le niveau de sécurité vis-à-vis des problèmes de durabilité, et tirer ainsi mieux partie des spécificités des matériaux et des process de fabrication.
Chapitre 1
Connaissances préliminaires – Etat de l’art
Sommaire
A. Introduction ... 16
B. Généralités sur le ciment hydraté ... 16
B.1. Les constituants des ciments ... 17
B.2. Les différents types de ciment ... 18
B.3. L’hydratation du ciment et son mécanisme ... 21
B.4. Les produits d’hydratation... 22
B.5. Les réactions pouzzolaniques ... 23
B.6. La structure de la pâte de ciment ... 23
B.7. Le traitement thermique ... 25
C. La carbonatation ... 32
C.1. Phénoménologie chimique ... 33
C.2. Facteurs influents liés au matériau ... 35
C.3. Facteurs influents liés au process de fabrication ... 37
C.4. Facteurs influents liés au milieu environnant ... 41
C.5. Modélisation de la carbonatation... 43
D. La pénétration des chlorures... 61
D.1. Phénoménologie chimique ... 61
D.2. Facteurs influents liés au matériau ... 66
D.3. Facteurs influents liés au process de fabrication ... 69
D.4. Facteurs influents liés au milieu environnant... 69
D.5. Modélisation de la pénétration des chlorures ... 72
E. L'approche probabiliste... 82
E.1. Contexte et objectifs ... 82
E.2. La théorie de la fiabilité... 86
E.3. Les méthodes d'évaluation des probabilités... 89
E.4. Contexte normatif et fiabilité... 90
E.5. Conclusion ... 95
A. Introduction
Cette thèse constitue une étape dans la mise en place par le CERIB d’une méthodologie probabiliste globale pour le dimensionnement de l’enrobage des produits préfabriqués en béton. Initialement, nous avions l’ambition de traiter trois causes de dépassivation : la carbonatation, la pénétration des chlorures et la lixiviation. Pour des raisons de temps et de complexité des essais, nous nous sommes principalement focalisés sur la carbonatation. La lixiviation n’a finalement pas été abordée, quant à la diffusion des chlorures en contexte probabiliste, elle a été abordée parallèlement à cette thèse dans celle de DEBY [118]. Le modèle qu’il a proposé sera ultérieurement intégré dans la méthodologie globale du CERIB. Pour cette raison, une partie de la présente bibliographie (Partie D) intègre le problème de la diffusion des chlorures. Le modèle de diffusion de chlorures de Deby comme le modèle que nous serons amenés à proposer dans le chapitre 3 reposent tous deux sur une bonne connaissance de la physicochimie du béton et du degré d’hydratation, c’est pourquoi la première partie de la bibliographie est consacrée à la chimie du ciment hydraté. La seconde est consacrée au principal objet d’étude de cette thèse : la carbonatation. La dernière est consacrée aux approches fiabilistes.
B. Généralités sur le ciment hydraté
Les ciments anhydres sont en général composés de clinker et de gypse auxquels on peut ajouter éventuellement des additions minérales telles que les fillers, les cendres volantes, les laitiers ou la fumée de silice pour en améliorer les propriétés. Le clinker, riche en silicates et en aluminates de calcium, est obtenu par cuisson à 1450 °C d’un mélange intime d’argile ou de marne et de calcaire finement broyés.
L’ajout d’eau au mélange anhydre entraîne la formation d’une pâte de ciment, milieu poreux constitué de phases solides anhydres et hydratées et d’une solution interstitielle remplissant en partie les pores. Du fait des caractéristiques qu’ils développent après hydratation (forte résistance mécanique), de leur faible coût et de leur simplicité d’utilisation, les matériaux cimentaires sont très souvent mis en œuvre comme matériaux de structure des ouvrages de génie civil et des bâtiments.
Les quatre principaux constituants du clinker sont les suivants :
- le silicate tricalcique : 3CaO.SiO2 (C3S) 50 à 70 %
- le silicate bicalcique : 2CaO.SiO2 (C2S) 15 à 30 %
- l’aluminate tricalcique : 3CaO.Al2O3 (C3A) 5 à 10 %
Une notation cimentière a été établie pour simplifier l’écriture des phases solides. Les équivalences sont les suivantes :
CaO = C SiO2 = S Al2O3 = A Fe2O3 = F SO3 = s H2O = H
B.1. Les constituants des ciments
Le ciment est un liant hydraulique constitué de différents matériaux. On distingue les constituants principaux et les constituants secondaires [1].
B.1.1. les constituants principaux
On distingue sept grandes classes de constituants principaux :
- le clinker Portland :
Il est obtenu par calcination d’un mélange fixé avec précision de matières premières contenant des éléments couramment exprimés en oxydes CaO, SiO2, Al2O3, Fe2O3. Le clinker Portland est constitué
d’au moins deux tiers en masse de silicates de calcium, de pratiquement un tiers en masse de phases contenant de l’aluminium et du fer, ainsi que d’autres composants en très faibles quantités.
- le laitier granulé de haut fourneau :
Il est obtenu par refroidissement rapide du laitier fondu provenant de la fusion du minerai de fer dans un haut fourneau. Il contient au moins deux tiers en masse de laitier vitreux et présente des propriétés hydrauliques après avoir subi une activation convenable.
- les matériaux pouzzolaniques :
Ce sont des substances naturelles siliceuses ou silico-alumineuses, ou une combinaison de celles-ci. Les matériaux pouzzolaniques ne constituent pas par eux-mêmes des liants hydrauliques. Cependant, lorsqu’ils sont finement broyés, ils réagissent à température ambiante, en présence d’eau, avec l’hydroxyde de calcium dissous pour former des composés de silicates de calcium et d’aluminates de calcium générateurs de résistance.
- les cendres volantes :
Elles sont obtenues par précipitation électrostatique ou mécanique de particules pulvérulentes contenues dans les fumées des chaudières alimentées au charbon pulvérisé. Les cendres volantes peuvent être de nature siliceuse ou calcique. Les premières ont des propriétés pouzzolaniques, les secondes peuvent avoir en plus des propriétés hydrauliques.
- le schiste calciné :
Il est produit dans un four spécial à une température d’environ 800 °C. Il contient des phases du clinker (silicate bicalcique et aluminate monocalcique) ainsi que des oxydes réagissant de façon pouzzolanique (SiO2). Le schiste calciné finement broyé présente, outre des propriétés
pouzzolaniques, des propriétés fortement hydrauliques.
- le calcaire :
Le calcaire est une roche sédimentaire composée en grande partie ou entièrement de carbonate de calcium (CaCO3).
- la fumée de silice :
Elle provient de la réduction de quartz de grande pureté par du charbon dans des fours à arc électrique utilisés pour la production de silicium et d’alliages ferrosilicium. Elle est formée de particules sphériques contenant au moins 85 % en masse de silice amorphe.
B.1.2. Les constituants secondaires
Les constituants secondaires peuvent être des matériaux minéraux naturels ou des matériaux minéraux dérivés du processus de fabrication du clinker ou des constituants principaux, sauf s’ils sont déjà inclus en tant que constituants principaux du ciment.
Ils permettent d’améliorer les propriétés physiques des ciments. Ils peuvent être inertes ou présenter des propriétés faiblement hydrauliques, hydrauliques latentes ou pouzzolaniques. De plus, ces constituants ne doivent pas accroître sensiblement la demande en eau du ciment, ni diminuer la résistance du béton ou du mortier à la détérioration et la protection des armatures contre la corrosion.
B.2. Les différents types de ciment
La normalisation des ciments (NF EN 197-1) distingue cinq types de ciments courants :
les ciments portlands : CEM I
les ciments portlands composés : CEM II
On distingue deux catégories de CEM II :
- les CEM II/A qui contiennent plus de 80 % de clinker et moins de 20 % de constituants secondaires ;
- les CEM II/B dont les valeurs sont respectivement plus de 65 % de clinker et moins de 35 % de constituants secondaires.
les ciments de hauts fourneaux : CEM III
Ces ciments sont subdivisés en trois catégories selon leur teneur en laitier : les CEM III/A (de 36 à 65 % de laitier), les CEM III/B (de 66 à 80 % de laitier) et les CEM III/C (de 81 à 95 % de laitier).
Le reste des constituants est du clinker avec éventuellement un filler dans la limite de 5 % de l'ensemble des constituants.
les ciments pouzzolaniques : CEM IV
On distingue également deux catégories :
- les CEM IV/A qui contiennent plus de 65 à 90 % de clinker ; - les CEM IV/B dont la valeur est de 45 à 64 % de clinker.
Le reste des constituants sont des ajouts pouzzolaniques avec éventuellement un filler dans la limite de 5 %. Les ajouts pouzzolaniques peuvent être des fumées de silice, des pouzzolanes naturelles et des cendres volantes siliceuses.
les ciments au laitier et aux cendres : CEM V
Ils sont subdivisés en deux catégories selon leur teneur en laitier de haut fourneau et de pouzzolanes naturelles ou de cendres volantes siliceuses : les CEM V/A (de 18 à 30 %) et les CEM V/B (de 31 à 50 %).
Tableau 1.1 : Caractéristiques des 27 produits de la famille des ciments courants [1].
Compte tenu de l'influence prépondérante du ciment sur les propriétés des bétons, son choix doit faire l'objet d'une réflexion approfondie. La sélection d'un ciment doit se faire par comparaison des caractéristiques réelles des ciments utilisables en fonction des objectifs recherchés. Les caractéristiques importantes à analyser et à comparer peuvent être les suivantes : teneur en clinker, résistance mécanique à 2 jours et à 28 jours, finesse (surface massique), …
B.3. L’hydratation du ciment et son mécanisme
Les principaux hydrates, formés par réaction entre l’eau et les constituants du ciment, sont les silicates de calcium hydratés (C-S-H), l’hydroxyde de calcium (ou portlandite ; CH), l’ettringite (C3A.3Cs.H32)
et le monosulfoaluminate de calcium hydraté (C3A.Cs.H12). Les principales réactions d’hydratation des
ciments sont résumées dans la liste suivante :
Phases anhydres Phases hydratées
C3S → C-S-H + CH
C2S → C-S-H + CH
C3A → C2AH8 + C4AH13 + C3AH6
C3A + gypse → C3A.3Cs.H32 + C3A.Cs.H12 + C4AH13
C4AF → C2(A,F).H8 + C4(A,F)H13 + C3(A,F)H6
C4AF + gypse → C3(A,F).3Cs.H32 + C3(A,F).Cs.H12 + C4(A,F)H13
L’hydratation du C3S et du C3A se produit rapidement et n’évolue pratiquement plus après 28 jours.
En revanche, le C2S et le C4AF s’hydratent pendant plusieurs mois, voire plusieurs années.
L’hydratation du ciment anhydre dépend donc essentiellement, dans les premiers temps, de celles du C3S et du C3A. Les hydrates majoritaires sont les C-S-H et la portlandite qui, à terme, représentent
environ respectivement 70 % et 20 % des produits d’hydratation (pourcentage massique) pour un ciment CEM I. Les hydrates minoritaires, tels que l’ettringite et le monosulfoaluminate de calcium, représentent les 10 % restants.
D’une manière générale, le mécanisme d’hydratation des différents types de ciment est identique à celui du ciment CEM I. Il se base sur la formation d’hydrates à partir de solutions sursaturées. Cet état métastable résulte de l’importante différence de solubilité existante entre le produit anhydre et les produits issus de l’hydratation. La réaction se poursuit jusqu’à épuisement des réactifs du fait que lorsque les hydrates sont en équilibre avec la solution, celle-ci devient sous-saturée par rapport aux réactifs anhydres et que ces derniers continuent à passer en solution [2].
Cependant, la vitesse et l’intensité de la réaction d’hydratation constituent la différence entre l’hydratation du ciment CEM I et celle des autres ciments.
Ainsi, l’hydratation du laitier d’un ciment au laitier (CEM III) nécessite la présence d’un agent chimique qu’on appelle « activant » ou activateur. Il peut être une base forte (chaux, soude), ou un sel d’alcalin d’acide faible (carbonate, aluminate ou métasilicate de sodium), ou encore un sulfate tel que le gypse ou l’anhydrite. Physiquement, la réaction d’hydratation se manifeste par un épaississement plus lent des produits d’hydratation autour des grains anhydres et un développement plus faible des
résistances [3,4,5,6,7,8]. De plus, la pâte de ciment durcie présente une morphologie structurale plus dense et des hydrates moins perméables [9,10,11].
B.4. Les produits d’hydratation
B.4.1. La portlandite ou hydroxyde de calcium
La portlandite, issue de l’excès de calcium dans l’hydratation du C3S et du C2S, cristallise sous forme
de plaquettes hexagonales empilées entre les grains de ciment partiellement hydratés. Sa formule chimique est Ca(OH)2. La taille des cristaux varie de quelques microns à quelques centaines de
microns.
B.4.2. Les silicates de calcium hydratés (C-S-H)
Les C-S-H sont à l’origine des principales propriétés de la pâte de ciment durcie, notamment de sa résistance mécanique. BRUNAUER et GREENBERG [12] décrivent la réaction d’hydratation du C3S
par la formule générale suivante :
2C3S + 6H → C3S2H3 + 3CH (1.1)
Les formules stœchiométriques des C-S-H sont cependant variées et multiples au sein d’une même pâte de ciment, même si celle apparaissant dans l’équation (1.1) est dominante.
Les C-S-H sont des entités cristallines présentant un ordre à courte distance. Cette caractéristique, déduite des diagrammes de diffraction X, a pu être imagée par microscopie à force atomique et a révélé des tailles de particules de l’ordre de 60*30*5 nm [13]. Les C-S-H présentent une structure en feuillet dérivée de celle d’un autre silicate de calcium hydraté naturel : la tobermorite [14]. Le feuillet est constitué d’une couche d’ions calcium intercalée entre des chaînes linéaires de silicates. La longueur des chaînes silicatées varie avec la concentration en hydroxyde de calcium. Quand cette concentration est faible, les chaînes sont longues (de l’ordre du pentamètre). Lorsque la concentration est importante, les silicates sont essentiellement sous forme de dimère [15,16,17].
Les C-S-H recouvrent progressivement les grains de ciment anhydres et remplissent peu à peu l’espace intergranulaire. Ces hydrates sont considérés comme la véritable « colle » de la pâte de ciment durcie.
De plus, les C-S-H étant mécaniquement très résistants, une de leurs propriétés essentielle est de permettre la formation d’une matrice résistante.
B.4.3. Les aluminates et sulfo-aluminates de calcium
L’hydratation du C3A entraîne en premier lieu la formation d’un gel [18] puis la cristallisation
d’aluminates de calcium hydratés. La précipitation immédiate de ces aluminates bloquerait l’hydratation des autres constituants du clinker, et notamment du C3S, si l’on n’ajoutait pas du gypse
pour réguler la prise.
L’hydratation du C3A en présence de gypse conduit à la formation d’un trisulfoaluminate de calcium
hydraté plus communément appelé ettringite C3A.3Cs.H32, d’un monosulfoaluminate de calcium
hydraté C3A.Cs.H12, et d’un aluminate de calcium C4AH13. L’ettringite recouvre dans un premier
temps les grains de ciment anhydres, puis se dissout pour finalement recristalliser sous forme d’aiguilles hexagonales. Le sulfoaluminate de calcium et l’aluminate se présentent quant à eux en plaquettes hexagonales.
B.4.4. Les aluminoferrites
L’aluminoferrite tétracalcique C4AF donne, par réaction avec l’eau, les mêmes types d’hydrate que le
C3A. Leurs formules chimiques s’obtiennent par substitution totale ou partielle de l’aluminium par le
fer.
B.5. Les réactions pouzzolaniques
Certaines additions, comme les cendres volantes, les laitiers de hauts fourneaux ou encore la fumée de silice, peuvent être de type pouzzolane. Les pouzzolanes sont des matières silico-alumineuses naturelles ou artificielles riches en silice et ayant une granulométrie fine. Elles ont la capacité de se dissoudre lentement dans la solution interstitielle des matériaux cimentaires et de réagir avec la portlandite pour former des silicates de calcium hydratés insolubles. Les réactions se produisant peuvent se schématiser de la manière suivante :
C2S + C3S → CH + C-S-H (produits d’hydratation du ciment) (1.2)
Pouzzolanes → S + A (1.3)
S + A + CH → C-S-H + CAH (1.4)
La portlandite est donc consommée au profit des C-S-H. Les réactions pouzzolaniques se caractérisent par une densification de la matrice et donc par un accroissement des résistances mécaniques.
B.6. La structure de la pâte de ciment
La pâte de ciment durcie est un milieu poreux dans lequel coexistent des phases solides anhydres et hydratées, et une solution interstitielle à pH basique remplissant plus ou moins abondamment les pores suivant le degré d’humidité du milieu environnant.
B.6.1. Les différents types de pore
VERBECK et HELMUTH [19] ont montré, par des essais de porosimétrie au mercure, que la distribution de la porosité de la pâte de ciment présente deux pics bien distincts dont la position varie légèrement suivant les caractéristiques du mélange (figure 1.1).
Diamètre de pores (Å)
Figure 1.1 : Courbes de distribution de la porosité pour les pâtes de ciment à divers E/C [19].
Ces pics correspondent à deux catégories de pores dans la pâte de ciment hydratée :
- les pores capillaires qui sont des pores de grands diamètres (supérieur à 10 nm) et dont la dimension augmente avec le rapport E/C. Ils sont les vestiges de l’espace intergranulaire de la pâte fraîche. Leur taille varie avec le degré d’hydratation de cette dernière. Ainsi, à un âge donné, le volume global de ces capillaires augmente avec le rapport E/C. A l’inverse, pour un E/C donné, il diminue avec l’âge ;
- les pores des C-S-H qui sont des pores de faibles diamètres (inférieur à 10 nm). Ils sont une caractéristique intrinsèque des hydrates et dépendent peu du rapport E/C [20].
L’existence de ces différents pores dans la pâte de ciment hydratée explique en partie la variabilité de la résistance mécanique. En effet, un béton dont la taille des pores ou la porosité est faible confère une résistance mécanique importante et réciproquement.
B.6.2. Bilan volumique de l’hydratation
L’hydratation entraîne une diminution du volume absolu total : le volume des hydrates formés est inférieur à la somme des volumes initiaux des anhydres et de l’eau (contraction Le Chatelier). Lorsque
∆
V
/∆
l’hydratation est totale, cette contraction est de l’ordre de 25 % du volume d’eau liée chimiquement [21].
B.7. Le traitement thermique
L’apport d’une énergie thermique au cours de la prise du béton permet d’accélérer son durcissement. Par ailleurs, les réactions d'hydratation, donc de durcissement, des bétons sont exothermiques. La chaleur ainsi dégagée est appelée chaleur d'hydratation. Elle est variable selon la nature du ciment et est très influencée par la température initiale du béton ainsi que par la présence éventuelle d'un adjuvant.
Il suffit donc d'élever la température du béton pour provoquer une accélération de son durcissement. Ce couplage thermomécanique, souvent appelé thermo-activation est mis à profit dans de nombreuses usines de préfabrication.
B.7.1. Généralités [22]
B.7.1.1. Règles de l’art pour la réalisation des traitements thermiques en
usine
La nécessité de réduire la durée d'immobilisation des moyens de production et d'augmenter le nombre de fabrications journalières fait que l’on peut être amené en usines à accélérer, au moyen d'un apport extérieur de chaleur, les différentes réactions chimiques intervenant dans le processus de durcissement du béton.
En général, un cycle de traitement thermique comporte quatre phases (figure 1.2), définies chacune par un couple durée-température ou bien par une vitesse :
- la phase de prétraitement (avant t1) :
Cette phase est destinée à procurer au béton une cohésion suffisante pour qu'il puisse absorber les efforts internes occasionnés par la dilatation thermique de ses constituants, en particulier de l'eau et de l'air, au moment de l'élévation de la température. Ainsi, la période de prétraitement doit être d'autant plus longue que la vitesse de montée en température de la phase qui va lui succéder est élevée.
- la phase de montée en température (t1 à t2) :
Elle est caractérisée par une vitesse de montée vm définie de la manière suivante :
1 2 0 p m t t
T
T
v
−
−=
(1.5)- la phase de maintien à la température de palier (t2 à t3) :
La durée et la température de cette phase, au cours de laquelle le processus de durcissement du béton amorcé lors de la phase précédente se poursuit, dépendent de la maturité acquise par le béton à la fin de la phase de montée en température, du nombre de fabrications journalières et de la résistance que l'on cherche à obtenir.
- la phase de refroidissement (t3 à t4) :
Cette phase se caractérise par la vitesse vr suivante :
3 4 0 p r t t
T
T
v
=
−
− (1.6)avec TP la température de début de refroidissement et T0 la température de fin de refroidissement.
Dans cette phase, bien que le béton soit plus résistant, donc plus apte à résister aux efforts, on doit veiller à ce que le refroidissement s'effectue de façon homogène.
Figure 1.2 : Forme générale d’un cycle thermique.
B.7.1.2. Les différentes techniques de chauffage
Actuellement, il existe deux techniques de chauffage pour réaliser un traitement thermique :
- le chauffage du béton avant sa mise en place :
Cette technique consiste à réaliser un préchauffage du béton ou de ses constituants (eau, granulats) afin de pouvoir ensuite profiter de l'élévation de température. En général, on ne dépasse pas 30 °C en sortie de malaxeur ou 40 °C en sortie de benne chauffante. Les techniques les plus courantes sont les suivantes : le chauffage des granulats, le chauffage de l'eau de gâchage, le chauffage par injection de vapeur et le chauffage du béton par effet joule.
vm vr T0 Tp T (°C) t1 t2 t3 t4 temps (heures)
- le chauffage du béton après sa mise en place :
Cette technique est la plus utilisée. On distingue le chauffage par les moules (les moules transmettent la chaleur au béton par conduction thermique), le chauffage à la vapeur et le chauffage dans des chambres ou des cellules de durcissement (ce chauffage est le plus souvent réalisé dans des chambres ou cellules fixes, à l'intérieur desquelles les produits sont stockés).
B.7.1.3. Âge équivalent et courbe de durcissement de référence
Le concept d'âge équivalent reflète l'état d'avancement des réactions d'hydratation du ciment et du degré de durcissement du béton.
Par définition, l'âge équivalent d'un durcissement quelconque, noté Ae, est égal à la durée de durcissement à 20 °C permettant d'obtenir la même résistance mécanique.
Le calcul de l'âge équivalent est basé sur l'application de la loi d'Arrhenius [22] à l'ensemble des réactions de durcissement du ciment. Cette application permet d'effectuer le calcul de l'âge équivalent pour toutes les températures, y compris celles inférieures à 20 °C.
L'âge équivalent d'un cycle de durcissement quelconque (figure 1.3) est obtenu en découpant le cycle des températures en tranches verticales de largeur ∆t, généralement d'une heure chacune. Pour chacun de ces intervalles, on détermine ensuite la température moyenne θ et le coefficient K correspondant à cette température. Enfin, on réalise la somme des produits de chaque intervalle de temps ∆t par le coefficient K.
A noter que les valeurs des coefficients K sont calculées à partir d’une formule basée sur la loi d’Arrhenius.
Figure 1.3 : Exemple de cycle de traitement thermique : poutres précontraintes, une rotation par jour [22]
Pour connaître la résistance obtenue après un traitement thermique donné, il faut également déterminer la courbe de durcissement de référence du béton considéré. Cette courbe est construite à partir des valeurs obtenues par des essais mécaniques réalisés sur des éprouvettes durcies dans des conditions proches de 20 °C, à des échéances suffisamment espacées (par exemple 1, 2, 3, 5 et 28 jours). On
reporte ensuite la valeur de l'âge équivalent correspondant au durcissement ou au traitement thermique.
B.7.2. Influence du traitement thermique sur l’hydratation des ciments
B.7.2.1. Effets sur la cinétique d’hydratation
Intrinsèquement, les matériaux cimentaires sont eux-mêmes une source de chaleur. En effet, les réactions d’hydratation produites lors du mélange du ciment avec l’eau sont largement exothermiques. Cependant, l’apport d’une chaleur extérieure par traitement thermique accélère ces réactions d’hydratation. Certaines études [23,24] montrent que l’hydratation des C3S et du ciment Portland est
proportionnelle à la température du béton frais (figures 1.4 et 1.5).
Figure 1.4 : Evolution de la chaleur d’hydratation des C3S
en fonction de la température extérieure [23].
Figure 1.5 : Evolution de la chaleur d’hydratation d’un ciment Portland en fonction de la température extérieure [24].
On constate que la chaleur d’hydratation augmente significativement lorsque la température est supérieure à 25 °C. Ainsi, les réactions d’hydratation entre le ciment et l’eau sont d’autant plus rapides que les températures du traitement thermique sont élevées. Les temps de prise sont réduits d’autant. Une étude de MATHER [25] montre également que l’accélération de la réaction d’hydratation peut parfois conduire à une demande en eau plus élevée.
B.7.2.2. Effets sur la résistance mécanique
Le traitement thermique permet d’augmenter la résistance mécanique du béton au jeune âge. De nombreuses études montrent que cette tendance s’inverse à 28 jours et au delà [26,27,28,29]. La figure 1.6 montre qu’à une température élevée, le traitement thermique accélère la prise de résistance mécanique du béton au jeune âge mais est néfaste pour les résistances mécaniques atteintes plus tardivement. Cet effet se constate de manière plus prononcée lorsque le béton est soumis à des températures élevées immédiatement après sa mise en place (figure 1.7).
KJELLSEN et DETWILER [28] montrent également que, pour des mortiers à base de ciment Portland (rapport E/C égal à 0,5) étuvés à 50 °C, la perte de résistance mécanique aux âges avancés est d’environ 17 % par rapport aux mêmes mortiers étuvés à 20 °C.
Figure 1.6 : Effet de la température sur la résistance mécanique d’un béton à base de ciment Portland [29].
Figure 1.7 : Effets d’un traitement thermique de 2 heures sur la résistance mécanique [27].
B.7.2.3. Effets sur la microstructure
L’accélération de l’hydratation du ciment par l’étuvage s’accompagne généralement d’une microstructure plus grossière de la pâte hydratée. PANE [30] montre que le degré d’hydratation des pâtes de ciment Portland est plus élevé lorsque les températures d’étuvage sont plus faibles. Une explication de ce phénomène est proposée par VERBECK et HELMUTH [28] : aux faibles températures, les éléments chimiques peuvent diffuser dans la matrice cimentaire et précipitent uniformément alors qu’aux températures élevées, l’accélération des réactions d’hydratation est telle que la plupart des produits d’hydratation s’agglomèrent près des grains de ciment et ne remplissent pas l’espace interstitiel.
Plusieurs études [31,32,33] confirment ces résultats en montrant une augmentation de la perméabilité avec la température d’étuvage, pour des pâtes de ciment (figure 1.8).
Figure 1.8 : Effets de la température sur la perméabilité des pâtes de ciment [33].
En étudiant les pâtes de ciment hydratées à 5 °C, 20 °C et 50 °C (figure 1.9), KJELLSEN et al. [34] concluent qu’une augmentation de la température d’étuvage provoque par ailleurs une augmentation
de la porosité. La figure 1.10 [35] montre également qu’avec l’augmentation de la température, la distribution de la dimension des pores se resserre et, dans le même temps, que la position du rayon maximum n’évolue quasiment pas.
Figure 1.9 : Distributions de tailles de pores cumulées pour une pâte de ciment Portland hydratée à 5, 20 et 50 °C [34].
Figure 1.10 : Distributions de tailles de pores d’une pâte de ciment Portland hydratée à différentes température [35].
B.7.2.4. Effets sur les produits d’hydratation
Le traitement thermique a une influence sur les différents produits d’hydratation du ciment : les silicates de calcium hydratés, l’hydroxyde de calcium et les aluminates de calcium.
- les C-S-H :
La température influence à la fois la morphologie et la composition des C-S-H. Une récente étude [36] sur la diffraction de neutron à petits angles (SANS) indique que l’hydratation à 20 °C d’une pâte de ciment forme des gels de C-S-H dont la structure est de faible densité. Par contre, si cette pâte de ciment est étuvée à 60 °C, la structure du gel est de densité plus élevée.
- la portlandite :
Une plus grande proportion de portlandite est formée aux températures élevées [37]. Dans ce cas, la portlandite se trouve sous forme de paquets de forte densité, contrairement à la morphologie de type lamellaire plus ordinaire que l’on retrouve dans les conditions ambiantes.
- les aluminates de calcium :
L’augmentation de la température réduit le domaine de stabilité de l’ettringite, ce qui correspond à une solubilité de l’ettringite plus importante [38,39].
L’alcalinité de la solution interstitielle peut également modifier la stabilité de l’ettringite. D’une manière générale, une augmentation de la concentration de sodium diminue la solubilité du calcium et augmente la quantité de sulfate qui est nécessaire pour la stabilité de l’ettringite. [38]
C. La carbonatation
Le vieillissement naturel du béton s'accompagne d'une carbonatation plus ou moins importante. Ce phénomène bien connu a pour origine la faible quantité de gaz carbonique contenue dans l'air, qui est en moyenne de 0,03 %.
Le taux de CO2 est principalement régulé par la biomasse terrestre et par le bicarbonate de calcium
Ca(HCO3)2 contenu dans l'eau des océans [40]. Toutefois, cette teneur peut être influencée par des
facteurs perturbateurs tels que la température, la pression atmosphérique et le milieu d'exposition. Par exemple, il a été détecté des seuils de concentration en dioxyde de carbone pouvant atteindre 0,2 % dans les zones urbaines [41].
Pour réagir avec les hydrates de la pâte de ciment, le gaz carbonique doit être combiné à l'eau sous la forme d'acide carbonique. La carbonatation se déroule en trois phases :
- 1ère phase : diffusion du gaz carbonique dans la texture du béton ; - 2ème phase : réaction de l'anhydride carbonique avec l'eau ;
- 3ème phase : réaction de l'acide carbonique formé avec les constituants hydratés du ciment.
Les réactions de carbonatation sont en général assez lentes. Leur cinétique peut être accélérée en augmentant la concentration en gaz carbonique de l'atmosphère environnant le béton et en maintenant une humidité relative proche de 65 % : ceci correspond aux conditions de réalisation des essais de carbonatation accélérée.
C.1. Phénoménologie chimique
C.1.1. Formation de l'acide carbonique
Le dioxyde de carbone gazeux (noté ici CO2) peut réagir avec l'eau pour former l'acide carbonique
H2CO3, appelé aussi dioxyde de carbone dissous :
CO2 + H2O ↔ H2CO3 (1.7)
Dans l'eau, l'acide carbonique est une molécule extrêmement instable. Elle se comporte comme un diacide : H2CO3 ↔ HCO3 + H+ (1.8) avec ] CO [H ] ].[H [HCO K 3 2 3 + −
= et pK= 6,35 (constante d'équilibre à 25 °C de la réaction (1.8)).
HCO3 ↔ CO3 + H+ (1.9) avec ] [HCO ] ].[H [CO K 3 2 3 − + −
= et pK= 10,33 (constante d'équilibre à 25 °C de la réaction (1.9)).
Les constantes d'équilibre K augmentent avec la température.
C.1.2. Carbonatation des hydrates dans un béton
C.1.2.1. La portlandite (CH)
L'hydroxyde de calcium (notée Ca(OH)2) réagit de manière irréversible avec l'acide carbonique pour
former un sel insoluble, la calcite, selon les réactions suivantes :
Ca(OH)2 → Ca2+ + 2OH- (1.10)
Ca2+ + CO3
→ CaCO3 (1.11)
Dans le cadre d'une approche simplifiée, le mécanisme réactionnel de carbonatation de Ca(OH)2 est
synthétisé par la réaction chimique hétérogène suivante :
Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3 + H2O (1.12)
Bien que plus pratique, cette formulation présente l'inconvénient de masquer toutes les étapes intermédiaires du mécanisme. En revanche, elle a l'avantage d'indiquer que la carbonatation de la portlandite s'accompagne globalement d'une libération d'eau de structure.
DHEILLY et TUDO [42] ont développé un modèle d'hydratation et de carbonatation de la portlandite. Sous l'action de l'eau, la chaux anhydre dans le ciment subit une attaque nucléophile, ce qui permet la formation de cristaux de portlandite. La portlandite formée adsorbe de l'eau, en fonction de la pression et de la température de la solution aqueuse environnante. Ceci permet la dissolution de la portlandite en ions Ca2+ et OH- et la transformation du dioxyde de carbone gazeux en ions CO3
2-, ce qui conduit à la précipitation de cristaux de calcite autour des grains. A ce phénomène s'ajoute celui de la diffusion du dioxyde de carbone à travers cette enveloppe de calcite. Les cristaux de calcite formés ont une porosité faible. Ils vont donc progressivement isoler la portlandite et la chaux restante, réduisant ainsi la réaction de carbonatation.
C.1.2.2. Les silicates de calcium (C-S-H)
La plupart des auteurs a observé que la carbonatation des silicates de calcium hydratés et de la portlandite est simultanée. Les essais de carbonatation sur pâte de ciment hydratée puis broyée montre que les grains de CH et de C-S-H se recouvrent d’une couche de carbonate de calcium qui ralentit la dégradation de ces hydrates. Ainsi, DÜNSTER et al. [43] montrent, qu’à faible humidité relative, la portlandite est toujours présente après 80 jours de carbonatation et que l’avancement de la réaction est sensible à la granulométrie des grains. GROOVES et al. [44] suggèrent que la structure des C-S-H est conservée malgré leur décalcification, ce qui pourrait être à l’origine de la conservation des propriétés mécaniques des pâtes carbonatées.
L'attaque chimique des C-S-H (notés ici CaO.SiO2.nH2O) par le dioxyde de carbone s'effectue selon la
réaction (1.13).
H2CO3 + CaO.SiO2.nH2O ↔ CaCO3 + SiO2.nH2O + H2O (1.13)
La dégradation des silicates de calcium hydratés s'accompagne d'une perte d'eau de structure et donne naissance à un matériau siliceux hydraté amorphe [45,46,47].
Des études relatives à la carbonatation des silicates de calcium montrent que les C-S-H de rapport C/S plus faible se carbonatent plus rapidement [48]. Les différentes phases cristallines des carbonates de calcium (vatérite, aragonite et calcite) sont fréquemment détectées.
C.1.2.3. Les aluminates
Ils sont présents sous la forme de trois composés (C3AH6, C2AH8, C4AH13) et sont sensibles à la
carbonatation. Des études (notamment SAUMAN et LACH [49]) montrent qu'ils donnent naissance à des carbonates de calcium, un gel d'alumine (Al(OH)3) et de l'eau.
C.1.2.4. Les autres constituants des matériaux cimentaires
Une étude sur la carbonatation de pâtes de ciment hydratées riches en ettringite (à partir de ciment riche en sulfoaluminate de calcium anhydre) a mis en évidence la capacité de l’ettringite à tamponner le milieu par substitution des sulfates du monosulfoaluminate par les carbonates [50].
D’une manière générale, la carbonatation de l'ettringite et du monosulfoaluminate de calcium produit du gypse qui est très soluble dans l'eau et très réactif. Elle peut donc conduire à des réactions secondaires. Ainsi, si les produits de carbonatation se trouvent en présence de portlandite et d'eau, il peut reformer de l'ettringite à partir des aluminates et du gypse libérés par la carbonatation. Ces hydrates sont présents en petite quantité dans les matériaux cimentaires usuels à teneurs en sulfate et/ou en aluminates modérées. Ils se carbonatent également très vite. C'est pourquoi leur carbonatation est généralement négligée dans la modélisation.
Il en est de même pour les bases présentes dans la solution interstitielle sous la forme de soude NaOH et de potasse KOH. Elles se carbonatent rapidement au contact du dioxyde de carbone dissous. La dégradation des bases alcalines par le dioxyde de carbone s'effectue selon les réactions (1.14) et (1.15). H2CO3 + 2KOH ↔ K2CO3 + 2H2O (1.14)
H2CO3 + 2NaOH ↔ Na2CO3 + 2H2O (1.15)
C.2. Facteurs influents liés au matériau
Plusieurs caractéristiques des matériaux cimentaires peuvent influer sur la cinétique de carbonatation :
C.2.1. Le dosage en ciment
La migration du dioxyde de carbone gazeux à travers la texture poreuse du béton dépend de son dosage en ciment (figure 1.11). En effet, il est observé une baisse importante des épaisseurs carbonatées mesurées lorsque la teneur en ciment du béton augmente [51,52,53]. Cette propriété s'explique par le fait que la compacité du matériau s'améliore lorsque le dosage en ciment du matériau est élevé.
Figure 1.11 : Relation entre épaisseur carbonatée et dosage en ciment [53].
C.2.2. Le rapport Eau/Ciment (E/C)
Le rapport E/C a une grande importance dans l'interconnexion du réseau poreux et donc sur la diffusivité des espèces gazeuses ou ioniques au sein du béton [54,137].
Ce rapport, qui détermine en grande partie la perméabilité, la teneur en eau et le degré d'hydratation du matériau, joue un rôle majeur dans le comportement du béton vis-à-vis de la carbonatation [55].
La figure 1.12 montre que plus le rapport E/C est élevé, plus les épaisseurs carbonatées mesurées sur les pâtes de ciment (exposées à une carbonatation naturelle durant trois ans) sont importantes.
Figure 1.12 : Influence du rapport E/C sur la carbonatation des pâtes de ciment [55].
La progression du front de carbonatation procède essentiellement des mouvements du dioxyde de carbone et de l'eau présents dans la texture poreuse. Plus le rapport E/C est élevé, plus la quantité d'eau libre susceptible de s'évaporer est importante. En partant par dessiccation ou évaporation, cette eau laisse des vides, les capillaires (Partie B), qui favorisent dans un sens la diffusion du dioxyde de
carbone à travers le réseau des pores interconnectés, et dans l'autre, le départ de l'eau libérée par la dégradation des bases alcalines de la matrice cimentaire.
L'étude de LOO et al. [56] porte sur l'influence du rapport E/C et de la teneur en ciment. Les résultats acquis (figure 1.13) conduisent à considérer que le paramètre le plus important est le rapport E/C, le dosage en ciment n'apparaissant plus que comme un paramètre de seconde importance comparativement.
Figure 1.13 : Influence du dosage en ciment et du rapport E/C sur la carbonatation des bétons [56].
C.3. Facteurs influents liés au process de fabrication
Certains facteurs influençant la carbonatation sont particuliers au domaine de la préfabrication [136]. Les principaux que nous allons détailler sont la mise en œuvre, le traitement thermique et la cure.
C.3.1. La mise en œuvre
La plupart des bétons sont constitués d'un mélange de matériaux et de grains de différentes tailles dont l'organisation et l'assemblage nécessitent un apport d'énergie extérieur : la vibration.
Cette technique de "tassement" du matériau lui confère une compacité maximale par élimination des vides d'air, optimise le remplissage des moules et agit efficacement en limitant les frottements internes des grains. Durant la mise en place du béton, une partie des granulats vient s'immobiliser contre les parois du moule. Ce desserrement local de l'empilement granulaire proche d'une paroi, appelé aussi "effet de paroi", dû aux granulats qui ne peuvent se déplacer que dans des directions sensiblement parallèles conditionne en partie la microstructure du béton de peau. En effet, au cours de la vibration, le centre des gros granulats ne peut pas s'approcher de plus près des parois du moule que de leur rayon
r. Le volume occupé par le vide entre les gros granulats près des obstacles est donc plus important que dans le béton de masse (figure 1.14). De ce fait, les zones proches des parois sont admises comme étant plus riches en particules fines [57].
Les travaux menés par SADOUKI [57] et KREIJGER [58] ont montré que l'effet de paroi est à l'origine d'une hétérogénéité structurelle en terme de résistance, de déformabilité et de retrait. Les premiers essais visant à déterminer les propriétés de la peau du béton indiquèrent une chute de 17 % du module d'élasticité dynamique en allant de l'intérieur à la surface du matériau. Parallèlement, il était observé une augmentation de la porosité estimée à 21 % [57].
Figure 1.14 : Effet de paroi au voisinage d'un coffrage [57].
Par le passé, VENUAT et ALEXANDRE [59] avaient relevé des épaisseurs carbonatées plus élevées sur les faces arasées que les faces opposées d'éprouvettes prismatiques de pâtes de ciment soumises à la carbonatation naturelle. Ils attribuèrent ce comportement à des phénomènes d'hétérogénéités du matériau sans toutefois en préciser les origines.
Il est évident que ce changement des propriétés, très brutal sur les premières couches superficielles peut jouer un rôle déterminant dans les processus de dégradation de la surface d'un béton. Selon SADOUKI [57], les zones soumises à l'effet de paroi se distinguent du béton de masse par une porosité plus élevée qui peut contribuer à une pénétration plus rapide de l'eau, du dioxyde de carbone ou d'autres agents agressifs de l'air dans le matériau, et augmenter ainsi la vitesse des réactions chimiques dans les zones surfaciques.
Par ailleurs, les travaux de MIRAGLIOTTA [81] ont montré que les effets de paroi sont à l’origine des différentes cinétiques de carbonatation des bétons, notamment entre les faces arasées et moulées.
C.3.2. Le traitement thermique
Les propriétés et le comportement du béton sont largement influencés par les traitements auxquels ils sont soumis au cours de leurs premières heures de durcissement.
Les différentes propriétés d’un traitement thermique ont été montrées dans la partie B.7. De manière générale, le traitement thermique influence la résistance mécanique du béton. Ceci est confirmé par la figure 1.15 [62].
Figure 1.15 : Evolution des résistances mécaniques d'un béton (E/C = 0,5) pour différentes températures de traitement thermique (rapport = résistance
du béton traité thermiquement pour différentes températures / résistance à 28 jours du béton mis en cure à 21 °C).
Bien que l’on connaisse bien à ce jour l’effet du traitement thermique sur la microstructure et les évolutions de propriété mécanique, l’influence de celle-ci sur la cinétique de carbonatation reste mal connue, nous reviendrons sur ce point dans notre étude expérimentale.
C.3.3. La cure
La cure désigne les conditions appliquées aux bétons pour éviter le départ prématuré ou excessif de l'eau qu'ils contiennent. Une cure permet de maintenir l'eau nécessaire à l'hydratation du ciment. Elle permet également d'éviter certains phénomènes de fissuration. Enfin, elle est nécessaire pour obtenir des performances élevées en peau des bétons, ce qui est le cas pour toutes les propriétés liées à la durabilité : protection des armatures, résistance à la pénétration des chlorures, …
L'objectif d'une cure est de conserver le béton dans des conditions climatiques telles que l’espace intergranulaire de la pâte fraîche (pores capillaires) soit au maximum rempli par les produits d'hydratation.
POWERS [60] et PATEL et al. [61] ont montré que l'hydratation du ciment était fortement réduite lorsque l'humidité relative du milieu ambiant est inférieure à 80 %. La figure 1.16 montre le degré
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