• Aucun résultat trouvé

"Organisme-environnement" : un processus et une expérience d'intervention sur soi-même

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager ""Organisme-environnement" : un processus et une expérience d'intervention sur soi-même"

Copied!
106
0
0

Texte intégral

(1)

U L

/979

FACULTE DES SCIENCES DE L'EDUCATION

THESE

PRESENTEE

A L'ECOLE DES GRADUES

DE L'UNIVERSITE LAVAL

POUR L'OBTENTION

DU GRADE DE MAITRE ES ARTS (M.A.)

PAR

PAUL PICHARD

BACHELIER ES SCIENCES

DE L'UNIVERSITE D'OTTAWA

"ORGANISME — ENVIRONNEMENT"

i

UN PROCESSUS ET UNE EXPERIENCE D'INTERVENTION

SUR SOI - MEME

FEVRIER 1979

\ 1"KES mes I

^SvS

"Z<

(2)
(3)

Comme le disait si bien Christiane Rochefort dans son essai Journal de Printemps: "Il n'existe que deux méthodes pour écrire: la première, faire un plan et se mettre à table, la deuxième, plonger. En fait, il n'y a qu'une méthode c'est la première. La deuxième n'existe pas. De fait, elle est complètement folle, et c'est ce que je fais."

Et moi aussi...

Est-ce de l'audace ou de la folie que d'écrire une thèse sans plan précis au préalable n'ayant comme seule référence que la spontanéité de son vécu quotidien? J'admets volontiers que la formule a l'allure d'un roman. Mais ne serait-ce pas là dans cette allure personnelle, que dort tout bonnement et naïvement une théorie de l'intelligence créatrice et personnelle dont on s'épuise de thèse en thèse à prouver de l'extérieur de soi-même la présence et les possibilités.

Je n'ai ni plus ni moins d'audace que d'autres. Mais c'est d'être moi-même que d'oser... Ici, je n'ai pas voulu me limiter à une seule unité de ma connaissance; mais plutôt offrir l'ensemble de mes connais-sances .

C'est ma manière d'écrire, c'est ma manière de penser, c'est ma manière de communiquer. C'est l'expression de ma vérité du moment. Ce n'est pas celle des autres. Il n'y a ni concession ni prudence. Je me suis nourri de l'originalité de ma pensée. J'ai voulu m'impliquer dans le quotidien de ma réflexion au risque même de me blesser. Je me suis

(4)

retrouvé à mi-chemin entre l'orgueil et l'humilité. J'ai voulu sentir ce que j'écrivais, ce que j'avançais. Je n'ai rien voulu d'extérieur à moi-même. Je cherchais un laboratoire, un rat expérimental, je me suis apprivoisé. Prétentieux pour d'aucuns, humble pour d'autres, qu'importe, l'essentiel est qu'ensemble nous en tirions quelques réflexions person-nelles. Lisez cette thèse (ou cette expérience) comme un roman, c'est le seul conseil que je vous donne. Plongez dans ce fleuve de vie, ce peut-être le vôtre, et laissez-vous porter par le courant.

Déjà vous aurez l'originalité d'être un lecteur différent. C'est ce que j'espère pour moi et pour les autres:

(5)

Page

AVANT-PROPOS ili

TABLE DES MATIERES v

INTRODUCTION I

Chapitre

I. AUTO-ANALYSE

Première auto-analyse, par perception générale 8 Deuxième auto-analyse, par interventions spécifiques. 13

Troisième auto-analyse, comment je vis ce que je

fais 17 Quatrième auto-analyse, comment je pense que

j'inter-viens 20 Conclusion d'un portrait ou le profil caché d'une

intervention 22

II. LE STATIQUE ET L'EMERGENCE DE L'INTERVENTION

Emission et réception du message 26

Le plaisir 27 L'insécurité 30 Le bien-fondé de l'intervention 38 La créativité 41 La solitude 45 La pensée primitive 47 Solitude et collectivité 51 La confiance 55 La subjectivité 59 Les programmes 61

(6)

vi

Page

III. INTERVENTIONS PRATIQUEES EN MILIEU PLEIN AIR

1- Philippe le macadam 65 2- Les filles du marais 67 3- Les gouttes d'eau 70

4- L'iglou 72 5- Un enfant dans la nuit 74

6- Une nuit sous les étoiles 76

7- Johanne 79

IV. LA PENSEE ECOLOGIQUE COMME VOIE D'HARMONIE ET DE SAGESSE

Sur la voie d'une pensée écologique 81

Une approche synthétique 86

CONCLUSION

Une expérience de la réalité "Organisme-Environnement".... 90

(7)
(8)

INTRODUCTION

L'allure et la subjectivité qui ont dominé cet écrit m'ont conduit après un certain temps à l'évidence de l'hypothèse que j'allais poser et autour de laquelle allaient graviter pendant huit mois toutes mes interro-gations.

J'ai traité "d'interventions" pédagogiques. Et, c'est de la relation cachée de cette intervention à laquelle je me suis arrêté. Je me suis questionné sur le comment et le pourquoi de cette intervention et de ses conséquences inévitables chez les autres et sur moi-même, puisque le rat, c'est Moi.

J'ai posé l'hypothèse suivante:

"Les interventions que je pose sont en correspondance avec

celles que je m'impose."

Je vous invite à la lecture d'un processus. C'est de ma manière d'être et d'agir qu'il s'agit. J'explique comment je vis, comment je pense et nécessairement comment j'agis. C'est mon style que je présente. Et par dessus tout, mon laisser-aller et mes résistances par le biais du processus d'analyse.

Je ne pouvais traiter d'un sujet aussi délicat et imprévisible que celui de l'intervention sans m'impliquer... Pour moi c'eut été frôlé l'indécence intellectuelle que de traiter de l'intervention des autres pour me retirer en douce dans le monde trop sécurisant de la théorie sans

(9)

Si j'explique comment je pense, j'ai conséquemment écrit sur un rythme évolutif. C'est sur une hypothèse en marche que je me suis fixé. Il n'y a jamais eu d'immobilité. J'ai choisi un processus en mouvement et au fil des jours et des expériences pour tenter d'éclaircir et me prouver à moi-même, que ce que je pose, je me l'impose.

De toute évidence, c'est de moi que je parle, de mon travail, de mon environnement, de l'espace social que j'occupe, de celui que je pénètre par l'indiscrétion de l'intervention. C'est mon monde sensoriel, mes craintes, mes audaces, mes connaissances que je livre en expérience dans le monde com-plexe des relations humaines. Malgré les interventions et les

interrela-tions des environnements qui agissent sur moi, je demeure une personne seule et différente face à des personnes seules et différentes. Et les conditions de mes agirs obéissent à mon vécu. Je ne saurais m'en libérer, puisque c'est le sens même de ma liberté et de ma réalité. En conséquence, mes exigences et mes plaisirs, ceux que je cherche pour moi-même, je les

chercherai chez les autres.

Le style est fluide, comme il en va de la pensée, des idées et des mots. On écrit comme on est, le contraire serait de la prostitution.

Quand même, sous le couvert d'un nuage, je me suis efforcé de demeurer pragmatique.

Si cela choque, tant mieux. C'est que deux réalités cachées viennent de se rencontrer. C'est-à-dire le parcours de l'inconscient de deux indi-vidus en présence d'une même situation et d'eux-mêmes. C'est donc, la

vo-lonté aidant, le cheminement vers une prise de conscience réciproque. C'est d'ailleurs ce dont il est traité ici. C'est ce que j'ai cherché à atteindre, c'est-à-dire ce cheminement qui ne se voit pas.

Comme le dit Maslow, "C'est le fait de vivre dans l'attention à tou-tes les dimensions de l'existence, qui est la meilleure préparation à la croissance." L'intervention doit donc s'accorder à la réalité

(10)

gique d'un organisme dans son existence présente et en relation avec tous les faits et gestes qui rendent cette existence réelle. Car il n'y a pas de devenir sans présent, ni de réelle croissance du Soi sans conscience. L'intervention au travers de son geste doit s'appliquer au sens de la vie

tout en abdiquant les opposés du bon ou du mauvais et de par la fusion des dichotomies, engendrer la relation créatrice, maîtresse incontestée de l'unité et de l'équilibre psychique donnant sur la voie de la réalisation du Soi et de la Conscience spirituelle.

J'ai réfléchi et écrit en silence, en solitude et en complicité avec le temps présent, en accord avec mes intuitions et mes sens. J'ai dû étein-dre le passé, éloigner l'avenir et, en mouvement sur moi-même, fixer sur la seule éternité possible, le présent. Il n'y a eu de rigidité que dans l'effort d'écrire sur moi-même et dans la discipline de m'imposer un

rythme quotidien. Le reste fut un laisser-aller, une confiance en moi, un plaisir de plonger dans l'inconnu de chaque page à venir. Je me suis enrichi de mon ignorance, cumulant mes connaissances dans le vide pour m'apercevoir que l'envers du néant était la vraie réalité quotidienne, l'essence et la nature de ma personne. Je veux dire par là que le vide n'est qu'une impression de néant alors qu'en réalité il est la source de

toute connaissance. Il suffit de croire dans l'insécurité, de lui donner la forme d'une fontaine d'où jaillissent toutes les possibilités. C'est la seule vraie sécurité, celle qui ne se voit pas.

A rompre avec toutes les normes, j'ai occasionnellement eu peur. Mais c'est du passé que j'ai eu peur, car les normes appartiennent au

passé. M'étant fixé au présent, chaque jour, chaque matin, chaque soirée passés à écrire m'ont progressivement conduit vers l'exploit d'être moi-même avec toute la conscience, la concentration et l'habileté qu'il faut à l'archer pour atteindre la cible.

Les interventions que je pose sont en regard de celles que je m'im-pose. Si j'influence par mes actions, je m'influence également. A la condition d'être conscient. C'est ce que j'ai tenté ici. Je me suis auto—analysé. J'ai bousculé la gêne, l'inhibition, mon égo. Je me suis cerné. Et c'est au rythme des jours que je me suis parlé, que je me suis

(11)

ne cherchant jamais à comprendre ce que j'allais dire. Aucune hésitation, le premier mot qui voyait le jour était couché sur le papier. Bon ou pas bon, voilà une interrogation qui m'était interdite. Si je n'avais rien à dire, alors j'écrivais que je n'avais rien à dire. Ce furent en général les soirées les plus productrices. Grammaire, syntaxe, rien de cela ne devait m'arrêter. Je me suis abstenu de lire afin que personne ne m'influen-ce. Foncer, foncer au rythme de la plume et de la main. Les mots suivaient la plume, les idées s'attachaient aux mots. Suivant l'expérience et la vérité de ma conscience, la logique croissait d'elle-même.

Il m'a fallu quatre auto-analyses avant de voir apparaître claire-ment le portrait que prendrait cet événeclaire-ment nocturne que d'écrire tous les soirs. Elles se sont déroulées de la façon suivante:

1ère auto-analyse

Une perception générale sans aucune situation précise. 2ème auto-analyse

Visualisation d'une bande vidéo enregistrée lors d'une réunion que je présidais.

3ème auto-analyse

Comment je vis ce que je fais. 4ème auto-analyse

Comment je pense que j'interviens.

Après sept jours, j'étais lancé. J'ai tenu ce rythme pendant huit mois au gré de ma disposition et de mes émotions. C'aurait pu être la peinture, la danse, la musique ou d'autres choses encore qui auraient pu me servir de médium. Cela dépend des talents, des goûts, somme toute des

individus. Moi, j'étais à l'aise avec le crayon.

(12)

J'étais emporté, sans norme, sans contrainte dans un processus créateur. Sans résistance, sans copie, sans combat mais rien d'autre qu'un laisser-aller dans un acte de foi dans le développement de mon potentiel et de ma personne tout entière. Dans un seul mouvement de ma pensée, l'intégration de mes connaissances et le vécu de mes expériences se sont fusionnés en une poésie, sublime et indispensable forme de l'homme intégral.

Je voulais vivre une expérience de créativité. Je ne voulais pas expliquer ou tenter d'expliquer une méthode créatrice. J'ai dû alors partir de rien, sinon de moi-même. Et cela a donné ce que vous lisez présentement.

Il m'aura fallu quatre saisons pour l'écrire. C'est qu'à chacune d'elle je fus différent. N'y a-t-il pas quatre grands courants

d'interven-tions? Mais, je ne suis qu'un sur ces quatre chemins. C'est ce que j'essaie ici de démontrer.

Et s'il arrive que l'on se rencontre toi et moi, il y a alors un Toi et Moi.

La réflexion fut personnelle, elle l'est toujours; mais l'hypothèse, avec un peu d'effort, peut s'adresser à chaque intervenant.

(13)
(14)

PREMIERE AUTO - ANALYSE

Perception générale Aucune situation précise

L'image que l'on a de soi, n'est pas nécessairement celle que les autres ont de nous. Je n'affirme rien de nouveau. Bien d'autres l'ont déjà dit et remarqué avant moi. Mais, je me demande combien parmi ceux-ci se sont réellement donné la peine d'y réfléchir profondément. Combien même parmi les plus talentueux ont déjà osé pénétrer derrière le miroir

et se regarder en face. Combien ont déjà su se le dire, se parler, se critiquer. Je pense que beaucoup l'ont écrit, mais que peu, même parmi ceux-ci ont su le vivre... avec l'authenticité qu'il faut pour le transmettre.

Qu'est-ce que je connais de Piaget, de Hegel, Rostand ou Marx...? Je puis lire et étudier leurs fascinantes théories. Mais ils ne m'ont jamais transmis ou exprimé comment eux vivaient leur pédagogie, leur science, leur politique. Je crois que s'ils avaient su se regarder vivre et évoluer, ils auraient eu plus à nous exprimer qu'à nous dire. Il y a là je pense une bien grande différence. Car la signification vivante du vécu est dans l'être.

(15)

oublier autrui, ne négligeons pas de nous parler. Alors, je dois me parler. Et si je me parle, je dois m'écouter. Ne pas m'écouter parler, mais m'écouter vivre... N'est-ce pas là une des assises des plus

impor-tantes dans toute communication? Savoir écouter. Ne pas chercher la réplique alors que l'autre n'a pas encore terminé de s'exprimer. Comment puis-je prétendre avoir compris autrui alors que lorsqu'il me parlait encore, je me parlais à moi? C'est un non sens.

Mais tu vois, tu te parles pendant que ton propre miroir t'adresse la parole. Même avec soi-même on ne s'écoute pas. Pas étonnant qu'on ne se comprenne pas. Et ne pas s'écouter c'est se fuir. Mais fuir pourquoi? A-t-on idée d'avoir si peur de soi-même? Alors, regarde-toi bien. T'as pas si mauvaise gueule, t'as pas si mauvaise mine...

Oui, regarde les yeux. C'est là qu'il faut regarder. Ce n'est pas écrit dans le ciel comme dans la chanson, mais dans les yeux. Les poètes, ces troubadours de la sensibilité, il y a longtemps qu'ils le chantent. Mais, encore une fois, te revoilà chez les autres. Qu'attends-tu pour te regarder? Peut-être es-tu poète toi aussi et que les nuages te distraient.

Enfin, tu accroches. Enfin, une première perception de toi-même. Ce qu'il a fallu en placer des mots pour y arriver. Mais je comprends, car s'avouer une pareille âme aujourd'hui, c'est un peu se sentir comme le dernier brin d'herbe sur le macadam.

Mais, attention, la vie est un vaste manège et l'arrivée n'est toujours qu'un nouveau départ. C'est peut-être une raison pour laquelle on est toujours aussi loin de soi-même, tout en y étant toujours si près. C'est un peu comme le chien qui court après sa queue...

Si tu me demandais comment je me sens, je te dirais que je me sens comme un soleil. Celui du soleil levant, ou celui du soleil couchant. Comme tu vois, malgré la distance parcourue, c'est toujours le même. Faut être poète pour écrire une chose pareille. En tout cas, voici toujours une première affirmation sur moi. Faudrait toutefois aller y voir de plus près.

(16)

10

Mais un soleil, pourquoi? Parce que c'est beau un lever de soleil et qu'un coucher de soleil c'est également beau. C'est une journée bien heureuse et bien remplie. Pourtant, il y en a tous les jours et presque personne ne les remarque. C'est que pour les remarquer, il faut les écouter. Mais, vois-tu, qui prends le temps d'écouter qui aujourd'hui?

Et un soleil, c'est chaud même en hiver. Il faut de la chaleur pour parler. Et puis, il faut un foyer permanent pour écouter. Un foyer avec de faibles braises qui ne brûlent pas, qui ne font pas peur, mais qui dégagent juste ce qu'il faut pour réchauffer et sécuriser pendant les mauvais jours gris et de tempête.

Tu n'es pas un charisme, Paul. D'ailleurs, je ne saurais qu'en faire. Cela monopolise trop. C'est trop possessif un charisme. Il entraîne à la dépendance. Au contraire, je pense qu'avec toi, il faut

toujours aller voir sous les cendres. C'est là que la chaleur se trouve. Peut-être que des fois tu pourrais faire un effort et souffler toi-même sur les cendres... Mais, d'un autre côté, après trente ans, ce serait peut-être jouer à l'incendiaire. Et peut-être que, de l'autre côté du miroir, en agissant ainsi, ça ne serait plus toi. Dans le fond, ce que

tu aimes, c'est que l'on te découvre avec un peu d'efforts de la même manière que tu aimes découvrir les autres. Pour toi, tout est question

de sensibilité et de perception. L'erreur est permise. Les conférences, les gestes inutiles, le mesurable pour toi c'est faussé d'avance ou sujet à interprétations.

Ca ne paraît pas, mais tu as la tête dure. Et tu as des idées à toi bien arrêtées. Oui, des idées et des valeurs en constante évolution. C'est bien différent de l'idéal qui, lui, est fixe et sans retour. Des mouches plein la tête et ça bourdonne de vivacité. Remarque que ça ne se voit pas tellement quand tu parles. D'ailleurs, tu parles peu. Mais, on oublie que les yeux parlent. Le problème là-dedans c'est qu'il n'y a que ceux qui connaissent le langage "yeux et sens" qui peuvent comprendre. Et c'est malheureux parce que tu laisses échapper du monde. C'est peut-être qu'on est pas fait pour le comprendre alors. Les enfants, eux, ils comprennent, pas besoin de dessins. Leurs sens, ils les ont encore, eux.

(17)

Mais les adultes... Il n'y a que ceux qui ont su conserver leur coeur d'enfant qui peuvent comprendre. Et c'est une espèce rare.

Mais, dis-moi, quand tu leur parles à eux, les autres, tu leur dis quoi? En général je ne leur dis rien, je m'exprime. Et j'espère que eux trouveront ce qu'ils ont à dire. Parfois, j'avoue que j'ai bien l'impres-sion de ne pas être compris. J'ai toujours dit que le désir crée l'homme et forme le génie et que la sensibilisation précède la connaissance. C'est peut-être trop savant ou trop simpliste. C'est peut-être ça mon problème. En fait, c'est pas un problème, pas pour moi, en tout cas, puisque moi je me comprends. Mais cela devient un problème collectif le jour- où la relation, le contact entre eux et moi ne se créent pas, mais s'imposent par la force des événements.

Là, c'est mon cauchemar. Je deviens le spécialiste, de qui on attend un tas de réponses... et de qui on va espérer tous les résultats.

Je dois dire que j'en suis particulièrement froissé à l'occasion. As-tu vu la bibliothèque de Paul? En ski, il est plus fort que "Bat Man", un athlète, le vrai portrait de son père.

Et pourtant, et pourtant, ce n'est pas faux; mais ne m'a-t-on jamais remarqué cueillir une fleur... ou un grain de sable...?

Cela m'embête cette perception des gens... Et, j'en suis certain, cela, parfois, restreint la communication parce qu'elle demeure superfi-cielle .

Je suis certain que des fois, et assez souvent, les adultes me reprochent de ne pas leur donner suffisamment de réponses. Je les insé-curise et j'y prends goût. Je crois même que selon ma perception des gens, moins je donnerai de réponses, plus je sentirai que ces personnes ont la capacité créatrice de trouver leurs propres réponses.

Pour moi, l'intervention doit cheminer vers et par la créativité et les sens. Cela n'est pas compris de tout le monde. D'ailleurs, c'est un long cheminement sur le chemin de la vie. Mais il faut toutefois

(18)

12

essayer. Ne pas se donner la peine, c'est un affront à l'intelligence. Je crois en la non-directivité. Je m'en qualifie moi-même. J'ai horreur de commander. C'est la force des faibles que de commander. Je préfère être des forts.

L'ambiguïté de mon personnage, c'est que je suis un marginal et que çà ne se voit pas. Là-dessus, j'induis en erreur. Je ne la cherche pas cette marginalité, mais je l'atteints parce qu'elle est en moi latente. Elle seule peut me permettre d'être et d'atteindre ce que je suis vrai-ment. Elle est mon imperméabilité aux stéréotypes. Je n'en demande pas autant aux autres, mais mes interventions tendent à conscientiser les différentes individualités en présence.

J'ose espérer qu'on me perçoit pour ce que je suis... Un être en devenir. Je n'en suis pas encore certain. Cela entretient mon insé-curité. Et j'y tiens à mon inséinsé-curité. Elle me fait grandir, vieillir et évoluer. Comment pourrais-je m'en passer? Comment pourrais-je me contenter d'être sûr de moi? J'arrêterais alors de penser... alors de vivre.

Et les autres, ils la voient cette insécurité. J'en suis certain. Mais ce qu'ils identifient pour une faiblesse est en réalité ma plus

grande force. Cette insécurité, elle les anime. J'y puise mon imagina-tion, j'y alimente mon intelligence et j'y sculpte mes messages.

J'en suis certain. Pour plusieurs, je leur parais indifférent. Pas à tous, mais à plusieurs. Mais que veux-tu? Ceux qui de moi atten-dent une performance mesurable et comparative attendront encore bien longtemps. Moi, j'ai une individualité à bâtir et à offrir. Si nos chemins se croisent, tant mieux, mais s'ils bifurquent, c'est qu'ils s'en vont ailleurs.

(19)

Interventions spécifiques avec quatre (4) adultes enregistrées sur bande vidéo

Sais-tu, mon vieux, que tu as vieilli? Oh! pas tellement, mais juste assez pour qu'on puisse lire une certaine expérience de la vie sur ton front. Mais ça ne te va pas si mal ces quelques rides... même que cela renforce le personnage. Une certaine assurance, quoi...

Mais, toujours calme, vif, prompt, une nervosité apparente, mais calme, tu demeures posé. Là-dessus, tu n'as pas changé. Je dirais même que cela donne une allure plus réfléchie qu'autrefois. Cela renforce le caractère. Pas nécessairement plus sérieux, mais moins absent, moins égaré qu'autrefois. Tu es plus attentif aux autres. Je crois que la différence est là.

Tes mains, ce qu'elles en parlent un coup. Comme chef d'orchestre, on n'aurait pas fait mieux. Je m'en doutais, mais à le voir, c'est éton-nant. Je me demande l'effet que ça peut avoir sur le discours? Les autres, est-ce qu'ils comprennent par les mains ou par les mots? Cela doit certainement capter l'attention, ou du moins renforcir quelques mots.

(20)

14

Mais ce qui me frappe le plus, c'est la voix. Elle colle ou ne colle pas avec le personnage? Je n'en sais rien. Choquante, non. Cap-tivante, pas davantage. Une bonne variation d'intonation, une bonne dic-tion, assez soignée d'ailleurs, bon vocabulaire. Tout ça, ça va. Mais le timbre de voix, je n'arrive pas à m'y faire lorsque je l'écoute. C'est pas déplaisant, mais il y a quelque chose qui m'agace. Qui m'agace dans le sens que je n'arrive pas à m'entendre. Je me demande si je me recon-naîtrais sans me voir? Il faudrait que j'en prenne conscience un jour. Mais, enfin, il semble bien que personne ne se soit endormi à m'entendre.

C'est toujours ça de gagné.

Mais, je me suis étonné sur un point. Il me semble que je regarde beaucoup autour de moi lorsque je parle. Peut-être n'étions-nous pas assez nombreux autour de la table et que la situation était facilitante à cet égard. Mais, quand même. J'ai l'impression quand même d'avoir changé la-dessus. Je m'étonne de l'attention que j'ai portée aux autres. Serait-ce que ton personnage se socialise? Mais, j'ai parlé des yeux, il y a quelques jours. L'expérience permet-elle de mieux voir dans les autres? Ou tout au moins de mieux sentir...?

La communication, ce n'est pas le fil conducteur. Mais la rencontre, le contact qui émanent de ce fil. Plus que le contact, c'est la volonté d'établir le contact. Et plus précisément les deux volontés, car nous devons au moins être deux. Le contact établi, nous devons alors assimi-ler nos résistances. Voir même les annihiassimi-ler. Faute de quoi nous péné-trons dans le monde des polémiques et des affrontements. La communication avec autrui qui résiste ne peut exister. Aussi, dans cet état d'esprit, avant de rompre le contact, il faut comme dans les arts martiaux orientaux faire soi de l'attaque de l'autre. Il ne faut pas y résister, mais

l'assimiler dans un mouvement global et lui retourner sa propre résistance et non la nôtre, car elle ne doit pas faire partie du discours. Etre animateur, c'est être un maître en judo. L'animateur ne peut forcer, ne peut résister. Tout au plus tenir en équilibre, savoir déséquilibrer par l'assimilation des gestes d'autrui.

Mais, je suis rendu très loin. Je ne me souviens plus à quel moment je t'ai quitté.

(21)

Je parlais de fil conducteur. Mais je l'ai égaré, je reviendrai à un autre moment. Je dois réfléchir un instant.

Alors, t'as suffisamment réfléchi? Sur moi, cela t'ëtonne...? Pas du tout. On est ici pour ça.

A bien me regarder et m'écouter,' je me rends compte que je suis très près de moi. Ou plus précisément, j'évite, ou je fais bien attention de distinguer quand je parle de moi. C'est très important, je crois. Car les "ON DIT" sont en général très nébuleux et même si "ON" exclut la personne qui parle, cela ne dit pas à quel moment elle s'exclut du

discours.

Tu sais, tu m'as réellement impressionné autour de la table. Je parle de cette écoute réfléchie des autres que tu possèdes. J'y saisis-sais un réel effort d'écoute et de réflexion à l'endroit des interventions des autres. J'avoue que je n'ai pas encore rencontré quelqu'un de suffi-samment impatient pour avoir raison de ma patience. Mais, attention, il ne faudrait pas toutefois discourir sur le ridicule parce que à ce

moment-là, mon appareil critique réagirait. Les données qui mettent en branle mon esprit rejettent le minime et l'insignifiant. D'ailleurs, on ne gagne

rien à s'alimenter de ridicule. Au contraire, on s'empoisonne l'esprit et on entretient les polémiques.

Mais, revenons-en à l'essentiel ou au pré-requis de l'animateur. Savoir écouter. Laisser s'exprimer. Comme l'art, l'expression doit être libre. C'est la seule manière de grandir et d'évoluer. On doit critiquer, on doit analyser, mais on ne peut être coercitif. L'incitatif est l'orai-son de l'animateur.

(22)

16

Mais, le souci de la précision t'anime. Pas dans les détails, mais dans le cadre du discours. Tes interventions exigent des autres une pré-cision dans le discours autour de la table. Tu aimes voir un circuit

évolutif dans le raisonnement et l'agir. Ainsi, tu proposes les synthèses. Mais ta grande préoccupation, c'est le fond des choses. Et, ma foi, tu

es nerveux tant et aussi longtemps que ce fond n'a pas été touché. Tu as tendance d'ailleurs à orienter tes interventions vers la conscientisation de cet état d'esprit. Peut-on appeler ça du dirigisme? Je ne pense pas. Disons seulement que j'assume une bonne circulation des idées, et que je tente d'éviter les embouteillages et surtout les accrochages malheureux. Parce qu'il en existe des accrochages heureux... Oui, ceux-là mêmes qui conduisent au fond des événements et des raisonnements. Ceux-là, il

faut les laisser venir, voire même les provoquer. Mais dans une situation évolutive, où tous les chauffeurs ont suffisamment d'expérience pour

s'en tirer sans mal.

Si je résumais tes interventions à cette table, je les énumérerais comme suit:

1. Elles exigeaient (ou incitaient à) une précision de la dis-cussion.

2. Elles exigeaient (ou incitaient à) une précision des étapes de l'agir.

3. Elles proposaient sous forme de synthèse.

4. Elles étaient indicatives sur l'allure de l'agir. 5. Elles conseillaient sur des points précis.

(23)

Comment je vis ce que je fais...

De l'étonnante recherche de Piaget, je n'ai retenu que six mots: "Tout geste correspond à un besoin." J'ai donc arrêté de penser aux ré-ponses pour m'interroger sur les questions.

Paul Valéry m'impressionna par cette citation: "L'esprit va dans son travail, de son désordre à son oeuvre." J'ai alors arrêté de crain-dre la confusion et l'insécurité, car ils sont les débuts de la clarté. Soulages, pour sa part, consolida mes agirs: "C'est ce que je fais qui m'apprend ce que je cherche." N'est-ce pas là le plus bel incitatif à l'effort et à la recherche de soi-même?

Ceci pour conclure que nous sommes ce que d'autres ont pu espérer. Ou que la somme de nos connaissances est le fruit du cumul du temps et de ceux qui nous ont précédés. La vie est un vaste ëco-système. Se situer hors de cet éco-système par voie d'autorité, c'est nier 1'inter-relation des hommes et se vouer à une mort certaine. Pas une mort physi-que, mais une mort psychique et spirituelle. Accepter la dépendance d'autorité, c'est nier et refuser la communication comme source

(24)

d'alimen-18

tation évolutive et partagée de l'intelligence humaine.

Ce que je fais n'a pas de fin en soi. Ce que je fais s'inscrit dans une philosophie organique de la vie. Seule la mort peut arrêter ce que je fais, sans prétendre qu'elle arrêtera mon esprit.

Ainsi, quand j'anime, je vis un infini. Et tous les autres égale-ment. Aussi, je ne suis jamais sûr d'être certain. Ainsi, seul

l'échan-ge entre nous pourra assurer une certaine permanence d'équilibre et d'en-tendement. Notre complémentarité cellulaire pourra former la chaîne

communicative et assurer le fonctionnement croissant et évolutif à la fois de chacun des individus comme du groupe lui-même.

Dans une situation d'animation, c'est le processus de recherche qui importe. L'animateur et les membres du groupe doivent arriver à mettre ensemble chacun des éléments de réponses qu'ils possèdent. Dans

ce processus, je me sens comme une pièce du casse-tête. Peut-être une pièce maîtresse, mais une pièce tout de même. J'aime sentir les gens comme des artisans, qui, de mouvements en mouvements, d'idées en idées, pourront ensemble signer un tableau jamais terminé.

J'aime me sentir intégré au groupe. Si je n'y arrive pas, je suis déçu. Dans le contexte de 1'inter-relation, je ne peux pas me situer en dehors du groupe, même si j'y suis étranger. Dans une pensée écologique, il n'existe pas de corps étranger tant et aussi longtemps que l'on res-pecte l'équilibre des forces. Par ce raisonnement de mon esprit, la pro-blématique du groupe doit également devenir ma propro-blématique. Je m'intè-gre au groupe, j'essaie de participer et de vibrer à leurs émotions. Le corps étranger alors n'existe plus, la communication s'installe, la fran-chise domine, la libre expression s'articule. C'est à ce moment que l'intervention prend son sens. Elle devient organique, car elle est correspondante aux besoins exprimés par les individus. Elle abandonne sa mécanique institutionnelle, ses jugements et ses interprétations. Elle atteint la transparence de la fluidité. Elle coule de la montagne à la mer. Elle se qualifie alors de non intervention... et, ma foi, c'est la plus difficile de toutes les interventions.

(25)

A ce moment-là, je ne me sens plus nécessaire au groupe ou à l'in-dividu. C'est la prise en charge conscientisêe et responsable du groupe ou de l'individu par lui-même. C'est la renaissance. Le temps vient désormais de se liquéfier. Moi, je ne fais que continuer vers où le cou-rant m'emporte, en prenant garde aux êcueils. Comme une descente de riviè-re en canot, je ne lutte pas contriviè-re le courant et les rapides. Je sais les utiliser à mes fins. On ne se bat pas contre la nature, on y participe. Autrement, c'est se battre contre soi-même. C'est de l'incivilité.

Je vis ce que je fais d'humeur égale. C'est un trait de mon caractère. Mais avec acharnement et engagement. Je ne permets pas à mon esprit de se promener avec facilité sur les expériences antécédentes. Je ne fais que rarement deux fois la même chose. La routine me lasse. Mes interventions, je les vis comme étant toujours un soir de première. Avec le trac, suffisamment de nervosité et d'insécurité pour avoir confiance en moi. Pour chaque nouvelle intervention, chaque personne nouvelle,

chaque nouveau groupe, voici un instant de vie nouveau. Comment pourrait-il en être autrement, puisqu'pourrait-il s'agit de gens différents et que les cir-constances, elles aussi, ne sont que rarement les mêmes?

J'ai toutefois la sensation d'être épié... C'est la rançon de l'animateur. Je suis dangereux. Je désarçonne l'autorité. Je re-donne priorité à l'homme sur le système. Je vis parfois une situation parado-xale. Si le temps travaille pour moi, je travaille contre mon temps. Car, je sais très bien que ce n'est que dans un avenir encore lointain que

j'aurai eu raison. Que voulez-vous, je ne puis cesser de grandir. Je hais la médiocrité. Même s'il existe un droit à la paresse; je n'en veux pas comme loisir.

Avec les enfants, c'est un peu la même chose. Mais, c'est moins compliqué. Ils vivent, je vis, nous partageons. J'interviens à partir de leurs rêves, de leur imagination, et surtout de leur spontanéité. Je les regarde, je les observe, j'apprends d'eux, et je les aide à développer leurs découvertes. U s parlent par leurs sens, il suffit de répondre dans le même langage. La syntaxe: amour et affection, et la grammaire: souri^ res et respect.

(26)

QUATRIEME AUTO - ANALYSE

Comment je pense que j'interviens

Je pense que j'interviens assez silencieusement. C'est-à-dire que l'ensemble de mes interventions ne sont jamais ni tout-à-fait des questions, ni tout-à-fait des réponses. Surtout pas des réponses...

Je laisse parler beaucoup, tant que le discours est orienté. J'in-terromps quand on s'égare trop. Mais, même dans ces circonstances, je laisse faire quand je sens qu'il s'agit d'un besoin de s'exprimer, même se cela désordonné l'échange entre les gens.

Je suis rarement très direct. Je l'ai déjà expliqué d'ailleurs. J'écris souvent lorsque je parle. Je fais même les deux à la fois. Je schématise énormément.

Si, dans mes interventions, je coupe la parole, c'est qu'à ce mo-ment de l'échange les gens ont atteint le fond des choses. Peut-être qu'alors je m'emballe et que j'influence assez directement. Mais assez souvent j'ai conscience de cet état de fait. Ces interventions subites sont lancées de façon à demeurer sur un débat de fond. U y a un moment où je n'accepte plus les divergences d'idées, surtout lorsqu'elles se

(27)

présentent comme étant trop des problématiques personnelles qui viennent bousculer l'idée maîtresse du discours.

Mais, de façon générale, je laisse construire. J'interviens pour une prise en charge de l'individu ou du groupe. J'insiste beaucoup sur

1'individualisation.

J'essaie, je le crois, d'équilibrer mes interventions entre l'infor-mation, le conseil et la proposition. Les trois doivent former une

puis-sance pyramidale énergétique capable d'intégrer la personne ou le groupe dans un équilibre et une judicieuse perspective de ses possibilités.

Mes interventions ne donnent rien, sinon une provocation à l'effort, à l'interrogation, à la recherche. Je ne suis pas gratuit. J'écoute, mais je ne distribue pas. Je ne donne qu'au moment où le contact est

établi. C'est-à-dire au moment où par cheminements parallèles ou simul-tanés, nous nous comprenons, dans le temps et dans l'esprit.

Mes interventions conduisent à des chemins parallèles. On doit cheminer l'un à côté de l'autre et non les-uns devant les autres.

(28)

CONCLUSION D'UN PORTRAIT

Le Profil caché d'une Intervention

Sans être négatif ou positif, bon ou mauvais, une conclusion s'impo-se. Mais, attention, on ne conclut pas pour finir; mais pour mieux re-commencer, ou plutôt pour mieux continuer. L'intervention est un vent de passage, chaud ou froid selon les circonstances et les climats, favora-bles ou non.

Mais laisse-moi te dire que ce qui me soustend, ce qui m'anime et me ré-anime de jour en jour n'a rien de saisissable. C'est un peu

comme un nuage qui se {orme et se déforme

selon les vents et les ciels qu'il parcourt.

Tu crois le toucher Tu crois le saisir

Mais ce n'est déjà plus le même. Et pourtant

(29)

Je fais du ciel et de la terre

Mon berceau mon village

Des eaux mon fleuve

De chaque brin d'herbe

Un espoir

De folie et d'amour.

Je ne lutte pas

Entre le bien

Et le mal.

Je vis

Dans l'harmonie

Du jour

Et de la nuit.

J'ëchaffaude

Sur un tout.

Je construis avec

Les différences.

La vie doit

Etre

Souple et

Flexible.

Comme un roseau battu

Aux vents des orages

U ne casse pas

Il fléchit se redresse

Se balance se courbe s'esquive.

La tempête passée

Le vent

S'est essoufflé

(30)

C H A P IT R E 2

L E S T A T I Q U E ET L'E M E R G E.H.C E

D E L'I N T E R V E N T I 0 N

(31)

EMISSION ET RECEPTION DU MESSAGE

Les gestes, les regards, l'environnement, la tonalité, le silence sont des enveloppes extérieures qui camouflent l'intervention. Elles peuvent être utilisées à bou ou mauvais escient. Utilisées dans un mou-vement unique, les yeux et les mains sont dans le même moumou-vement, la to-nalité et le silence dans la même expression, et l'allure du personnage se marie avec l'environnement. Ce sont plus que des constances de paroles et de gestes, mais des renforcements du langage. Mais nous sommes à

ce stade-ci dans une relation assez égocentrique, où il n'y a comme préoccupation que l'émission.

Mais l'intervention ne saurait se satisfaire d'une émission faci-litante sans s'adjoindre tout naturellement une réception identique.

C'est le principe des vases communiquants. Ce qui m'amène à croire que la constance de l'émission devrait se retrouver dans la réception que je fais de l'émission d'autrui. Dans cette hypothèse, l'intervention péda-gogique jusqu'à maintenant personnalisée et personnalisante de l'inter-venèmant devient à deux dimensions, sous le cadre de 1'inter-relation. Nous sommes à la jonction de l'altruisme-égoisme.

Je ne dois plus alors me regarder moi, mais savoir aussi observer les autres. Ou plus précisément ne plus me regarder seul.

Je ne saurais plus alors par le courant de 1'inter-relation, me soustraire à une conception organique et environnementale de la pédagogie et des interventions qui s'y rattachent. L'écologie est la dimension cachée de la vie naturelle. Le lien ne se saisit jamais. U se

(32)

concrë-26

tise éternellement et quotidiennement au rythme des jours et de l'éner-gie qui l'alimente. Jamais fixe, toujours en mouvement, tout comme l'homme, seule son entité en est la preuve. C'est pourquoi il est tou-jours plus facile de mécaniser et de fixer les approches plutôt que de laisser aller la fluidité de l'expression qui, comme un maillon indivi-duel, va inévitablement souder les relations nécessaires à l'entende-ment.

L'homme craint l'attente et l'insécurité. C'est pourquoi il lui faut toujours un but, un objectif précis, une assurance contre l'imprévu et la spontanéité. L'inconnu lui fait peur. Il lui faudrait se raison-ner, réfléchir et pire encore, savoir attendre l'autre. Dans cette

atti-tude, l'émission n'est pas proportionnelle avec la réception. Elle se veut à sens unique, elle est égocentrique. Elle n'a pas de constance, ni dans l'appel, ni dans l'écoute. L'inter-relation n'existe pas. Il y a fossé entre les esprits en communication. Le message se déchire avant d'arriver.

L'intervention dans son émission doit donc être envisagée en regard de ce qu'est la personne à rejoindre et non en regard de ce que l'on voudrait qu'elle soit ou de ce que l'on s'imagine qu'elle est. Toute intervention actionnée par un besoin de compensation se voue lamen-tablement à un refus de la réception parce qu'au départ il y a anticipa-tion et défense. U y a donc absence de plaisir à intervenir et à rela-tionner parce qu'il y a angoisse à se sentir seul.

Moi, je prends plaisir à intervenir, parce que je prends plaisir à écouter.

(33)

LE PLAISIR

Le plaisir de vivre, d'une manière assez primitive, peut se tra-duire par la satisfaction biologique de notre organisme à bien manger, à caresser, à sentir l'air pur ou le parfum d'un champ de fleurs, à s'émerveiller de la beauté de la mer ou de la montagne, ou à se laisser bercer compl4$amment sur un air de Mozart ou de Chopin. Nos cinq sens alimentent notre affectivité et nos émotions. Le plaisir de vivre c'est toucher, voir, entendre, goûter et sentir. Ils sont la source de nos connaissances et de notre intellect.

Trop longtemps oublié et ignoré, le plaisir d'apprendre prend une toute autre valeur, maintenant qu'une personne autonome peut s'exprimer dans ses sensations, à travers ses perceptions et ce, dans un système

(ou une civilisation) qui, jusqu'à maintenant, pour des raisons d'unicité et de jansénisme, condamnait le plaisir comme voie d'expression, d'appren-tissage, de recherche, de découverte et de créativité.

Le plaisir peut conduire à la performance. Pourquoi l'avoir craint si longtemps, ou l'avoir opposé au travail? Sans plaisir, il n'existe pas d'appétit, d'oeuvre d'art, de littérature ou de perfor-mance sportive. Sans plaisir, je m'ennuie, et j'ennuie les autres.

Suis-je authentique, est-ce que j'aime ce que je fais? Si j'ai du plaisir à le faire, il y a de fortes chances que le fasse bien.

Et la manifestation satisfaisante d'un état d'être se fait par le sourire. Le sourire est une expression du plaisir. J'ai eu du

(34)

28

plaisir à vous rencontrer. J'ai le plaisir de vous annoncer... J'ai le plaisir de vous présenter. Nous avons le plaisir d'avoir parmi nous... C'est avec plaisir que... Quel plaisir j'ai ressenti... On a eu un plaisir fou... Nous avons bu avec plaisir... Quel plaisir fou tu me fais... Voilà autant d'expressions quotidiennes dites et redites de-puis toujours.

Plus qu'un état psychologique, elles expriment une condition biolo-gique de l'organisme. Et cet état de plaisir s'accompagne inévitablement d'une condition d'entrain, de production, de réalisation, et même à

l'extrême de performance.

Un athlète ne peut accomplir de performance sportive s'il n'a pas de plaisir à faire ce qu'il fait. On dira même qu'il en jouit... Un artiste ne peut entretenir un public s'il n'a pas de plaisir à le faire. Le plaisir ne conduit-il pas jusqu'à la performance erotique? La

sexuali-té ne doit-elle pas se vivre dans l'amour et dans le plaisir?

Le plaisir possède cette curieuse caractéristique d'être dans un processus d'apprentissage, à la fois le début (l'exploration) et le

summum dans toute sa complexité créatrice (créativité). Le plaisir prend son essence dans le jeu exploratoire, et son sens dans la jouissance de créer.

L'intervention est un jeu par sa complexité, par les déplacements multiples de ses innombrables variables. Elle est un jeu jamais terminé,

toujours nouveau, dont l'esprit se trouve très souvent alimenté par les impondérables bien plus souvent que par le mesurable. Mais, si j'ai le plaisir d'écrire ce soir, c'est que je sens que j'apprends quelque

chose, que je suis en train de créer quelque chose, ne serait-ce que des mots. Ce plaisir me motive. Il entraîne mon crayon sur ce papier. Les mots et les idées courent d'eux-mêmes. C'est ça écrire. J'ai du plaisir à le faire. Je sens le mouvement de ma réflexion, comme je peux sentir la neige sous mes skis, et mon corps lutter quand je m'enivre de vitesse sur les pentes.

(35)

Rien ne sert de chercher, il faut d'abord faire... et le faire avec plaisir.

(36)

L'INSECURITE

Normalisant ou non—normalisant

A ce stade-ci de ma réflexion et de mon élan littéraire, je suis angoissé, inquiet, insecure. Je me sens tiraillé par un appel au systé-matique. J'hésite et je résiste temporairement à mon élan initial de

laisser aller. Je cède même à la tentation d'être plus "objectif". Je vais jusqu'à mettre en doute l'allure et le style que je me suis permis jusqu'à maintenant. Je m'incite à être plus scientifique, plus rationnel, plus froid, plus distancé de mes expériences. Je trouve même pour un instant mon audace trop audacieuse. Je m'invite à me sentir coupable de cette allure non normalisante. Je m'agresse. Et j'irai jusqu'à me con-vaincre du besoin de ce questionnaire que je construis à contre coeur bien plus pour les autres que pour moi-même. Je suis victime d'une indiscrétion sociale sur le parcours de mon cheminement personnel dans ce que je crois être ma voie. Ce sont tous ces livres, tous ces auteurs, tous ces profes-seurs qui m'assaillent et me pointent du doigt.

Pendant plusieurs nuits, mon évasion sera pénible. Je serai tenté par les livres, par les connaissances des autres, par la facilité des méthodes. Et j'écrirai ce questionnaire qui viendra briser le rythme de mon élan et de ma poésie dans laquelle je cerne normalement mes

(37)

con-elusions, évidences cachées entre les lignes. Ce ne sont pas les mots qui donnent un sens aux idées, mais les idées qui donnent un sens aux mots.

Mais pour moi ce sera pendant un certain temps le conflit intérieur de la norme et je ferai de la mathématique avec des mots.

Ai-je du plaisir quand...? Voici un questionnaire que vous pren-drez peut-être plaisir à remplir. Moi pas. Je n'ai pas eu de plaisir à l'écrire parce que je ne fus pas moi-même en l'écrivant. J'étais angois-sé de répondre à d'autre. J'aurais pourtant su l'exprimer autrement si je n'avais pas cédé aux extérieurs. U faut suivre sa voie, sa conscience, son intériorité quand on intervient sur soi-même.

Je ne regrette ni ne condamne l'intervention normalisante au profit de la non-normalisante, car il existe des circonstances, des étapes du développement, où l'on accepte de céder certaines responsabilités à d'au-tres plus expérimentés. Chez les enfants, entre aud'au-tres, il y a un âge où ceux-ci transfèrent leurs responsabilités. Mais dans un développement mature, autonome, libre, il n'est pas normal d'agir ainsi. C'est un signe évident d'aliénation.

En fin de compte, je crois que cette transition passagère entre l'audace de l'indépendance et l'hésitation de la sécurité est la manifes-tation d'un équilibre qui vient intégrer les polarités qui se dessinaient entre le bien ou le mal de l'une ou de l'autre intervention. Nous

pourrions finalement déduire que l'audace et l'hésitation sont deux symptômes différents d'une même fièvre: l'envie de réussir.

(38)

QUESTIONNAIRE

Ai-je du plaisir quand?

Je parle à 100 personnes Je parle à 20 personnes Je parle à 1 personne J'écris un essai J'écris de l'information J'écris de la poésie

Je corrige des examens Je corrige un essai Je corrige une dictée

J'enseigne à 100 personnes J'enseigne à 20 personnes J'enseigne à 1 personne

J'invite des inconnus

J'invite des amis

(39)

J'indispose 20 personnes

J'indispose 1 personne

J'imagine un voyage

J'imagine une fantaisie

J'imagine une rencontre

(40)

34

J'invite les deux à la fois

Je refuse un mandat Je refuse une tâche Je refuse un rôle

J'incite à parler J'incite à réfléchir J'incite à écrire

J'élabore un programme J'élabore une idée J'élabore une théorie

J'anime une école J'anime un stage J'anime une classe

Je dirige une école Je dirige une classe Je dirige un groupe

Je propose une idée Je propose une solution Je propose un problème

(41)

Je présente quelle image? (Emission d'un message)

1. J'aime utiliser un vocabulaire assez riche.

2. J'aime utiliser une diction et une tonalité agréable.

3. J'aime être précis et concis dans un vocabulaire assez riche. 4. Je n'aime pas crier.

5. Je n'aime pas parler trop longtemps. 6. J'aime utiliser des gestes sobres.

7. J'aime utiliser mes mains pour accompagner mes mots. 8. J'aime paraître physiquement assez fort.

9. J'aime me sentir souple.

10. Je n'aime pas les gestes brutaux et brusques. 11. Je n'aime pas être placide.

12. J'aime les habillements simples, propres et dégagés.

13. J'aime les symboles et la poésie dans l'expression que j'emploie. 14. J'aime me créer un environnement riche et personnalisé.

15. Je n'aime pas les pièces froides et nues. 16. Je n'aime pas les habillements stéréotypés. 17. Je n'aime pas les automatismes.

(42)

36

J'aime quelle image? (Dans la réception d'un message)

1. J'aime qu'on me parle dans un vocabulaire assez riche.

2. J'aime qu'on me parle avec une bonne diction et une bonne tonalité. 3. J'aime qu'on soit précis et concis dans un vocabulaire assez riche. 4. Je n'aime pas qu'on me crie.

5. Je n'aime pas qu'on parle trop longtemps. 6. J'aime qu'on utilise des gestes sobres. 7. J'aime qu'on s'exprime avec des gestes. 8. J'aime une allure forte.

9. J'aime une allure souple.

10. Je n'aime pas qu'on soit brusque. 11. Je n'aime pas la placidité.

12. Je n'aime pas les allures lourdes.

13. J'aime quand on porte des vêtements modestes, simples et dégagés. 14. J'aime qu'on utilise les symboles et la poésie.

15. J'aime sentir un environnement riche et personnalisé. 16. Je n'aime pas les pièces froides et nues.

(43)

Ces affirmations ne veulent pas dire par exemple que je n'écoute-rai pas quelqu'un qui parle avec un vocabulaire moins riche que le mien

(bien qu'il s'agisse là d'une norme culturelle). Mais cela veut dire que j'ai définitivement plus de plaisir à écouter quelqu'un qui, à mon oreille, s'exprime bien. La vie est ainsi faite. Question de plaisir ou de tristesse, à nous de choisir.

Ai-je ainsi rejoint les constances entre l'émission et la réception que je signalais antécédemment?

Il y a certes cohérence entra ma disposition à l'émission et ma dis-ponibilité à la réception. Je ressens parfois, cependant, une légère indis-position par rapport au sujet d'écoute ou plus précisément à la qualité de l'expression de l'interlocuteur. Mais je crois pouvoir affirmer que je puis récupérer cette faiblesse de ma part, par l'importance que j'appor-te à l'inj'appor-telligence créatrice de l'expression et de la réflexion. Ainsi, l'éloquence à laquelle j'accorde une certaine importance se doit d'être chaudement renforcée par une profondeur d'esprit et un évident effort à la réflexion. Il est toutefois évident qu'avec de telles exigences, je

sélec-tionne quand même mes audiences.

J'en conclus, pour revenir à ma prémisse initiale, que mon oreille a un besoin évident de plaisir. Et que ce plaisir à l'écoute posera certaines exigences.

Ce n'est là le fait que d'être humain; en autant qu'il n'y ait pas trop d'hommerie... Notre sensorialitê nous dirige ainsi jusque dans nos plus intimes interventions, aussi cachées soient-elles.

(44)

LE BIEN - FONDE DE L'INTERVENTION

Une intervention, pourquoi? Mais pour mieux vivre. Pas pour chan-ger; mais pour évoluer et faire évoluer. Il n'y a pas de changement sans évolution et l'évolution est un processus qui fait appel aux plus intimes et secrètes interrogations qu'un individu se pose dans son for intérieur. Suis-je heureux? Où suis-je malheureux? On ne confie pas ces interroga-tions aux premiers venus. Suis-je bien là où je suis? La savoir et y répondre franchement, c'est faire preuve de compétence. L'intervention veut développer la compétence d'autrui en faisant appel à toutes ses ca-pacités intellectuelles. L'intervention, elle est incitative et renfor-çante. Elle met en branle, elle allume, fournit l'étincelle, surveille l'incendie, et à l'occasion, allume le feu. Bien sommairement, dans sa forme non directive, elle cherche l'intelligence, la veut voir s'exprimer et créer sous toutes ses formes. Elle est avant tout à la recherche de la réflexion par le plaisir de faire jouir l'intelligence. Elle favorise l'infini. C'est-à-dire l'évolution permanente de la pensée, où le mouve-ment est maître, et le produit prétexte à continuer.

Et moi, je suis à la recherche de quoi? De moi-même et des autres. Comment donc s'en dissocier? Mais, à travers moi et les autres, je

cherche le fondamental, ce qui anime la vie. Ce qui rend beau, sans né-cessairement paraître bien. Je cherche une prise en charge des autres par eux-mêmes. Je veux disparaître. Je veux sentir le seuil de mon

incompétence. Ce n'est qu'à ce moment-là que j'aurai atteint ma compétence. Et pour y arriver, je pratique la non-intervention. Et je n'y crois pas. L'intervention, elle est toujours présente. C'est comme l'idéologie de la non-idéologie. U n'y a pas a s'en sortir. Il y a toujours une idéologie

(45)

la cerner, disons que la non-intervention, c'est la plus difficile de

toutes les interventions. Elle fait appel à tout et à rien. Elle est

dêveloppementale, évolutive et spontanée. C'est par là même ce qu'elle

veut développer et ce que je cherche: la sagesse.

J'ai horreur qu'on me dise quoi faire et comment faire; j'ai une

pareille horreur de penser que je pourrais le dire et l'imposer aux autres.

Non que je ne crois pas à l'encadrement; au contraire. La liberté doit

être secure, car la contrainte est insecure.

Mais, dans tout ceci, je cherche l'homme. Je fais abstraction de

la matière, du moyen, de l'activité. C'est l'être et l'agir qui compte.

Je cherche la nature de l'homme, et l'homme dans la nature. C'est

pour-quoi j'ai quitté la classe... U manque quatre saisons à l'école, on ne

peut pas y danser sa vie. C'est à l'école buissonnière, que finalement,

je sème à gauche et à droite. Je laisse aux autres la récolte. Ils y

ramassent un peu de tout. Un peu de sérieux, un peu de rire, un peu

d'affection, un peu de connaissance, et un peu de folie. Et ce grain de

folie, aussi petit soit-il, a toujours été la levure de mes idées. C'est

pourquoi c'est une de mes semences préférées.

Mais, à la longue, j'éveille quoi? Je ne sais trop, mais disons que

je m'efforce de faire réfléchir sur la permanence ou la non-permanence des

choses de la vie, sur leur adaptabilité ou leur inadaptabilitê. Peut-on

crier, aimer et espérer tout en demeurant un homme? Ces trois

actions-là sont-elles possibles toutes en même temps?

Il est difficile de savoir ce que l'on éveille. Les autres sont

mieux placés pour le savoir. Enfin, ceux à qui on a affaire. Mais on a

toujours ce lien de perception qui nous vient de nos pouvoirs sensoriels,

et qui nous introduisent dans le champ des autres. C'est une

indiscré-tion incontrôlable. C'est le fil d'Ariane de l'intervenindiscré-tion.

J'éveille un insaissable. J'adhère au "Tao". C'est qu'il y a

toujours quelque chose à penser, à faire et à laisser faire, à modifier,

mais jamais à finir. C'est un peu comme une théorie de l'insatisfaction

qui me conduit. Mais une insatisfaction positive qui ne se lasse pas de

continuer.

(46)

40

J'espère que j'éveille l'idée d'un grand tout unique où l'homme ne craint pas de se dire Homme-Dieu-Dieu-Homme. Mais, s'il est une image que j'espère comprise et aimée, c'est celle de la créativité. Je crois qu'à l'intérieur même de la famille écologique que j'essaie de faire naître, la créativité est comprise comme étant l'essentiel de mon message. Mais cela ne se saisit pas, cela se sent. Il s'agit donc d'un cheminement vers une prise de conscience, donc d'une réalisation de Soi. Et ainsi les personnes engagées dans un auto-dépassement qui bousculent les frontières de la sécu-rité quotidienne pourront arriver selon leur niveau de développement à saisir plus facilement le message, ou du moins à percevoir les ondes que j'émets. U s'agit là d'une question d'identité, et d'expériences paro-xystiques.

Cl) Maslow emploie ce terme pour exprimer certaines espëriences commettant les personnes dans un état de paroxisme (joie intense tristesse -illumination) et qui provoque un changement profond chez la personne.

(47)

Mais c'est quoi pour moi la créativité? Je veux l'éveiller, mais comme il s'agit d'une notion abstraite des capacités humaines, il n'existe donc pas de modèles de créativité. U y a certes des méthodes incitatives à l'acte créateur, mais chaque homme doit créer ses modèles, et par là même les renouveler sans, cesse. Dans sa plus simple expression, la créati-vité, c'est avant tout une réflexion personnelle dans laquelle le créateur engage ses sens, ses émotions, son imagination et son désir immuable de projeter toute son âme et son intimité dans le produit qu'il recherche. La créativité est un acte d'engagement et d'insatisfaction à la re-cherche du plaisir. Le plaisir d'aimer et de s'aimer, de peindre et d'é-crire, le plaisir permanent de se renouveler.

Un état créatif veut dépasser les modèles, et ne jamais en produire. C'est la recherche de l'intelligence et de la pensée fluide. C'est la recherche de l'insaisissable...

La créativité est une activité émotionnelle qui dépasse les limites du rationnel et de la sécurité intellectuelle. Elle s'inscrit dans un cheminement sensoriel et évolutif d'une personnalité au travers des bloca-ges psychologiques et sociaux qui tentent de retenir son évasion par la projection mentale de la folie. Qui n'a pas pu créer craint la folie. Et pourtant, ce qu'on appelle péjorativement la folie, n'est qu'un état d'âme, une force indomptable de la nature humaine, qui ne fait qu'exprimer un engagement, une idée qui conduit le cerveau humain dans l'extension et l'utilisation de tous ses pouvoirs et capacités.

(48)

42

Combien d'heureux "fous" cette terre a-t-elle connus? Einstein, Chopin, Picasso, de Vinci ont su chacun, dans leur folie créatrice, dépasser le sëdentarisme intellectuel, les craintes et les modèles de leur époque, et conduire leur pensée et leur cerveau au-delà de ce qu'on leur avait imaginé de diableries et de mystères. U s ont espéré l'avenir en ne s'occu-pant que du présent de leurs intuitions et de leurs sensations. U s ont dépassé le seuil temporel du temps et en artisan du cosmos, ils ont su mettre au monde le lendemain. Un lendemain encore présent pour chacun de nous. C'est çà l'éternité, c'est la conscience sans anticipation. A quand l'école pour demain?

L'école pour demain n'existe pas. Si elle existait, elle serait subversive aux yeux du système. Au Québec, il la faudrait d'abord non confessionnelle. Il lui faudrait ensuite enseigner le chômage, le syndi-calisme, la politique, les multi-nationales, le sexe, la drogue, le suicide, la fraude fiscale, et toutes les autres composantes de notre réalité sociale présente. En bref, tout ce que la vie contemporaine réserve à la sortie de l'école, pour le meilleur ou pour le pire. Et voilà le problème. Le con-servatisme refuse la réalité présente. On veut de la discipline dans nos écoles, mais quelle est la réalité de cette discipline au foyer? On vou-drait revenir à l'école silencieuse et ordonnée des années cinquante, mais saurions-nous bannir la télévision de nos salons? L'école est un lieu d'ac-quisition des connaissances. Et la télévision, et les journaux, et la radio n'interviennent-ils pas eux aussi dans la transmission des connais-sances? Bref, notre école est artificielle, elle craint la vie, elle fuit le réel et le naturel.

Il faut un nouvel environnement à l'école. Un environnement qui s'alimente de l'extérieur et où la classe, dans son intérieur, produit la synthèse des informations recueillies par les voies de l'exploration et de l'exploitation. La maîtrise des connaissance, elle, se concrétisera par l'expérimentation partagée avec de tierces personnes, et l'individua-lisation que chacun en fera.

A une époque où tous les jours en vingt minutes le monde entier pénètre dans chaque foyer à l'heure des informations quotidiennes, il est inconcevable que l'école ne soit pas plus pluraliste.

(49)

Quand l'école saura-t-elle permettre à chaque enfant de découvrir sa propre foi par l'évolution de ses propres expériences? Quand l'école saura-t-elle s'enrichir de toutes les personnalités différentes qui la fré-quentent? Quand acceptera-t-elle la qualité des contrastes qui permettent à une personne de s'affirmer dans l'institution même qui l'encadre? Ce devrait pourtant être là la voie normale de la réussite. A quand ce jour?

Le jour où le changement ne fera plus peur, le jour où le changement sera compris comme partie intégrante du présent et non comme une anticipa-tion nébuleuse et mystérieuse du futur, le jour où les personnes n'auront plus peur d'avoir peur.

Mais on a peur de quoi? Et pourtant. La vraie raison d'avoir peur, l'insécurité quotidienne et la dépendance quotidienne dans laquelle notre civilisation et notre époque nous ont placés personne ne la voit. Chaque jour des bombardiers armés munis de bombes 100 fois plus fortes que celle d'Hiroshima se promènent dans le ciel au-dessus de nos têtes. Une erreur humaine, une folie humaine, une erreur mécanique et c'est l'apocalypse qui se déchaîne. Chaque jour, des centaines de personnes meurent en sécu-rité au volant de leur automobile. Une panne d'électricité peut paralyser un pays, un fou armé peut terroriser une ville entière. Des pseudo alchi-mistes jouent avec l'atome comme des jongleurs dans un cirque. Qui s'in-quiète des retombées nucléaires et des effets incertains des micro-ondes? Certains coins de la terre sont si pollués, qu'en ces endroits, une mère ne peut pas allaiter son enfant sans risque de lui communiquer une forte

teneur de plomb dans son organisme.

Nous avons atteint un tel degré d'insensibilité qu'on ne peut pas le dire et le laisser s'exprimer à l'école. C'est ça la peur de l'école ouverte, c'est la peur de la réalité. Si cette école apprenait la réalité aux enfants et qu'elle leur permettrait ainsi de se resensibiliser, le

monde risquerait d'être meilleur. Les systèmes politiques s'assoupliraient, les industries sportives deviendraient participantes, les dualités religieu-ses s'estomperaient. La dominance et la hiérarchie risqueraient de ne plus être la norme du succès. Et chaque individu pourrait alors apprendre

(50)

44

Les règles de grammaire, les fautes d'orthographe ne sont que des prétextes d'une dimension cachée de la société. Le contrôle. Elle aussi intervient auprès des individus. Elle encadre avec plus de précision et de subtilité que n'importe lequel des meilleurs enseignants. Mais à

l'inverse de l'enseignant, elle ouvre à l'infini, égarant ainsi l'individu dans un choix si complexe qu'il ne sait plus choisir avec discernement. U est assimilé par l'offre à un tel point qu'il ne choisit plus, mais bien au contraire il est choisi.

Dans ce système de désintégration sociale, l'école est devenue malgré elle le milieu d'apprentissage aux pré-requis de la consommation.

Dans la mesure où l'on voudra la renaissance de l'humanité et que l'on acceptera dans le système scolaire plus que des tentatives mais des engagements et une volonté à vouloir changer aux risques mêmes de la subversion, je devrai compter sur mon individualité et ma différence pour assumer ce que je vis. C'est la seule manière existentielle à notre dis-position pour éviter l'affrontement entre la société et l'homme. Autre-ment ce pourrait n'être qu'un combat inégal.

Références

Documents relatifs

populaires ont eu accès à des domaines qui, jusque-là, étaient inconnus pour la plupart d’entre eux, comme par exemple visiter un musée, découvrir des lieux

Même si vous avez une grande expérience de la présentation de votre histoire, le leader en santé mentale de votre collectivité ou le formateur des présentateurs est là pour

Si, du point de vue de l’Enseignant, cette expérience a été au moins aussi enrichissante que pour les Elèves-Ingénieurs, elle s’avère être sûrement moins confortable que

1°- Tracer quelques lignes de champ électrique crée entre les deux plaques.. Que peut-on dire de

Jamais nous ne remercierons assez Freinet de nous avoir fait comprendre l'unité de la personne humaine et, par conséquent, l'unité de l' éducation... 16 la part

Je pensais que j'étais s uf- fisamment maître de cette classe (vingt- cinq années d' enseignement) pour pou- voir rétablir complètement la situation au cours du

Des enfants suffisamment malicieux pour aimer étonner, surprendre, mettre le maître en difficulté et le vaincre.. Des lutteurs acharnés au travail parce qu'on ne

Je réalise des schémas légendés et PROPRES de TOUTES les expériences que j’ai faites et j’indique les résultats:.. 4/ J’interprète et je conclus : Rédige un « petit mot »