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tion incontrôlable C'est le fil d'Ariane de l'intervention.

J'éveille un insaissable. J'adhère au "Tao". C'est qu'il y a

toujours quelque chose à penser, à faire et à laisser faire, à modifier,

mais jamais à finir. C'est un peu comme une théorie de l'insatisfaction

qui me conduit. Mais une insatisfaction positive qui ne se lasse pas de

continuer.

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J'espère que j'éveille l'idée d'un grand tout unique où l'homme ne craint pas de se dire Homme-Dieu-Dieu-Homme. Mais, s'il est une image que j'espère comprise et aimée, c'est celle de la créativité. Je crois qu'à l'intérieur même de la famille écologique que j'essaie de faire naître, la créativité est comprise comme étant l'essentiel de mon message. Mais cela ne se saisit pas, cela se sent. Il s'agit donc d'un cheminement vers une prise de conscience, donc d'une réalisation de Soi. Et ainsi les personnes engagées dans un auto-dépassement qui bousculent les frontières de la sécu- rité quotidienne pourront arriver selon leur niveau de développement à saisir plus facilement le message, ou du moins à percevoir les ondes que j'émets. U s'agit là d'une question d'identité, et d'expériences paro- xystiques.

Cl) Maslow emploie ce terme pour exprimer certaines espëriences commettant les personnes dans un état de paroxisme (joie intense - tristesse - illumination) et qui provoque un changement profond chez la personne.

Mais c'est quoi pour moi la créativité? Je veux l'éveiller, mais comme il s'agit d'une notion abstraite des capacités humaines, il n'existe donc pas de modèles de créativité. U y a certes des méthodes incitatives à l'acte créateur, mais chaque homme doit créer ses modèles, et par là même les renouveler sans, cesse. Dans sa plus simple expression, la créati- vité, c'est avant tout une réflexion personnelle dans laquelle le créateur engage ses sens, ses émotions, son imagination et son désir immuable de projeter toute son âme et son intimité dans le produit qu'il recherche. La créativité est un acte d'engagement et d'insatisfaction à la re- cherche du plaisir. Le plaisir d'aimer et de s'aimer, de peindre et d'é- crire, le plaisir permanent de se renouveler.

Un état créatif veut dépasser les modèles, et ne jamais en produire. C'est la recherche de l'intelligence et de la pensée fluide. C'est la recherche de l'insaisissable...

La créativité est une activité émotionnelle qui dépasse les limites du rationnel et de la sécurité intellectuelle. Elle s'inscrit dans un cheminement sensoriel et évolutif d'une personnalité au travers des bloca- ges psychologiques et sociaux qui tentent de retenir son évasion par la projection mentale de la folie. Qui n'a pas pu créer craint la folie. Et pourtant, ce qu'on appelle péjorativement la folie, n'est qu'un état d'âme, une force indomptable de la nature humaine, qui ne fait qu'exprimer un engagement, une idée qui conduit le cerveau humain dans l'extension et l'utilisation de tous ses pouvoirs et capacités.

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Combien d'heureux "fous" cette terre a-t-elle connus? Einstein, Chopin, Picasso, de Vinci ont su chacun, dans leur folie créatrice, dépasser le sëdentarisme intellectuel, les craintes et les modèles de leur époque, et conduire leur pensée et leur cerveau au-delà de ce qu'on leur avait imaginé de diableries et de mystères. U s ont espéré l'avenir en ne s'occu- pant que du présent de leurs intuitions et de leurs sensations. U s ont dépassé le seuil temporel du temps et en artisan du cosmos, ils ont su mettre au monde le lendemain. Un lendemain encore présent pour chacun de nous. C'est çà l'éternité, c'est la conscience sans anticipation. A quand l'école pour demain?

L'école pour demain n'existe pas. Si elle existait, elle serait subversive aux yeux du système. Au Québec, il la faudrait d'abord non confessionnelle. Il lui faudrait ensuite enseigner le chômage, le syndi- calisme, la politique, les multi-nationales, le sexe, la drogue, le suicide, la fraude fiscale, et toutes les autres composantes de notre réalité sociale présente. En bref, tout ce que la vie contemporaine réserve à la sortie de l'école, pour le meilleur ou pour le pire. Et voilà le problème. Le con- servatisme refuse la réalité présente. On veut de la discipline dans nos écoles, mais quelle est la réalité de cette discipline au foyer? On vou- drait revenir à l'école silencieuse et ordonnée des années cinquante, mais saurions-nous bannir la télévision de nos salons? L'école est un lieu d'ac- quisition des connaissances. Et la télévision, et les journaux, et la radio n'interviennent-ils pas eux aussi dans la transmission des connais- sances? Bref, notre école est artificielle, elle craint la vie, elle fuit le réel et le naturel.

Il faut un nouvel environnement à l'école. Un environnement qui s'alimente de l'extérieur et où la classe, dans son intérieur, produit la synthèse des informations recueillies par les voies de l'exploration et de l'exploitation. La maîtrise des connaissance, elle, se concrétisera par l'expérimentation partagée avec de tierces personnes, et l'individua- lisation que chacun en fera.

A une époque où tous les jours en vingt minutes le monde entier pénètre dans chaque foyer à l'heure des informations quotidiennes, il est inconcevable que l'école ne soit pas plus pluraliste.

Quand l'école saura-t-elle permettre à chaque enfant de découvrir sa propre foi par l'évolution de ses propres expériences? Quand l'école saura-t-elle s'enrichir de toutes les personnalités différentes qui la fré- quentent? Quand acceptera-t-elle la qualité des contrastes qui permettent à une personne de s'affirmer dans l'institution même qui l'encadre? Ce devrait pourtant être là la voie normale de la réussite. A quand ce jour?

Le jour où le changement ne fera plus peur, le jour où le changement sera compris comme partie intégrante du présent et non comme une anticipa- tion nébuleuse et mystérieuse du futur, le jour où les personnes n'auront plus peur d'avoir peur.

Mais on a peur de quoi? Et pourtant. La vraie raison d'avoir peur, l'insécurité quotidienne et la dépendance quotidienne dans laquelle notre civilisation et notre époque nous ont placés personne ne la voit. Chaque jour des bombardiers armés munis de bombes 100 fois plus fortes que celle d'Hiroshima se promènent dans le ciel au-dessus de nos têtes. Une erreur humaine, une folie humaine, une erreur mécanique et c'est l'apocalypse qui se déchaîne. Chaque jour, des centaines de personnes meurent en sécu- rité au volant de leur automobile. Une panne d'électricité peut paralyser un pays, un fou armé peut terroriser une ville entière. Des pseudo alchi- mistes jouent avec l'atome comme des jongleurs dans un cirque. Qui s'in- quiète des retombées nucléaires et des effets incertains des micro-ondes? Certains coins de la terre sont si pollués, qu'en ces endroits, une mère ne peut pas allaiter son enfant sans risque de lui communiquer une forte

teneur de plomb dans son organisme.

Nous avons atteint un tel degré d'insensibilité qu'on ne peut pas le dire et le laisser s'exprimer à l'école. C'est ça la peur de l'école ouverte, c'est la peur de la réalité. Si cette école apprenait la réalité aux enfants et qu'elle leur permettrait ainsi de se resensibiliser, le

monde risquerait d'être meilleur. Les systèmes politiques s'assoupliraient, les industries sportives deviendraient participantes, les dualités religieu- ses s'estomperaient. La dominance et la hiérarchie risqueraient de ne plus être la norme du succès. Et chaque individu pourrait alors apprendre

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Les règles de grammaire, les fautes d'orthographe ne sont que des prétextes d'une dimension cachée de la société. Le contrôle. Elle aussi intervient auprès des individus. Elle encadre avec plus de précision et de subtilité que n'importe lequel des meilleurs enseignants. Mais à

l'inverse de l'enseignant, elle ouvre à l'infini, égarant ainsi l'individu dans un choix si complexe qu'il ne sait plus choisir avec discernement. U est assimilé par l'offre à un tel point qu'il ne choisit plus, mais bien au contraire il est choisi.

Dans ce système de désintégration sociale, l'école est devenue malgré elle le milieu d'apprentissage aux pré-requis de la consommation.

Dans la mesure où l'on voudra la renaissance de l'humanité et que l'on acceptera dans le système scolaire plus que des tentatives mais des engagements et une volonté à vouloir changer aux risques mêmes de la subversion, je devrai compter sur mon individualité et ma différence pour assumer ce que je vis. C'est la seule manière existentielle à notre dis- position pour éviter l'affrontement entre la société et l'homme. Autre- ment ce pourrait n'être qu'un combat inégal.

La Solitude fut mon refuge. Voilà maintenant trois mois que je suis seul au coeur de ma démarche. J'ai accentué et insisté tout au cours de cette saison sur ma capacité divergente de pensée. Et je n'ai eu que mé- caniquement à laisser aller ma plume au fil des idées sans tenter de les contrôler de quelque manière que ce soit. C'est-à-dire exprimer toute idée me venant à l'esprit sans nécessairement anticiper sur ce que serait la conclusion. Ce qui fut au départ un peu difficile, tout insecure que nous sommes à nous craindre nous-mêmes. Mais au fil des jours et des pages, j'ai pu contrôler cette anticipation et cette crainte de ne pas savoir pour finalement atteindre au plaisir devant l'insécurité de ma pensée. C'est un peu comme une boîte à surprises. On en arrive à savoir qu'il y a quelque chose dans la boîte (tête) mais on n'en connaît ni l'allure, ni la forme.

Mais, ce qui m'étonne le plus c'est l'aisance, ou le glissement avec lequel je me suis désintégré du groupe de travail avec lequel je m'étais joint au départ. En effet, nous étions quatre à nous pencher sur le même intérêt. Soit l'intervention. Nous avions conclu de travailler en sous- équipes de deux et de nous rencontrer occasionnellement afin d'échanger sur nos démarches et sur le résultat de nos recherches. L'intérêt nous avait réunis, l'intérêt nous a séparés. Sans heurt, sans préjugé, sans discorde, tout naturellement, comme si cela devait arriver tout bonne- ment. Et je me suis retrouvé engagé dans mon expérience en la personna- lisant davantage tous les soirs. Ainsi, les quelques hypothèses communes du départ ont tôt fait de se désintégrer par l'allure très égocentrique de la réflexion que je m'impose. Mais, cette allure est trop personnelle,

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trop impliquante pour assurer une réciprocité d'échange. Tout au plus le groupe fut-il une date, une heure, un rendez-vous qui rappelait ou ramenait à la mémoire la présence de tierces personnes ayant elles aussi des préoc-

cupations semblables aux miennes. Mais dont les moyens et les méthodes différaient. C'était somme toute la réalité de la classe quotidienne, et l'interrogation opportune sur le comment faire pour se comprendre avec toutes nos différences.

Quand l'hiver aura remplacé l'automne, j'aurai écrit quelque deux cent pages au rythme de la chute des feuilles. J'ai été à même de consta- ter en toute évidence la force de ce talent d'écrire. C'est une prise de conscience sur une capacité personnelle d'exploitation. J'aime écrire et je l'ai réalisé d'autant plus que j'ai écrit sans objectif précis selon le rythme que mon organisme transmettait à ma main.

J'ai réalisé jusqu'où l'étonnante fascination de la Solitude pouvait m'entraîner. Si j'examine de près ce que j'ai écrit jusqu'à maintenant, j'en conclus que j' ai exprimé des positions et des engagements très per- sonnels que je n'aurais peut-être pas affirmé en dehors de mon contexte d'écriture; celui de ma solitude. J'ai également émis des hypothèses qui demandent certes à être développées davantage; mais l'essentiel est que j'aie su les poser. Certaines conclusions que j'ai apportées sont fort originales et même embarrassantes pour moi. Mais elles sont la manifesta- tion de certaines intuitions qui ne demandent qu'à voir le jour de la réalité pour le plus grand bien de mon évolution personnelle et de mon déterminisme. Elles sont des avenues possibles dans l'orientation d'une recherche personnelle qui, à long terme, le jour où elles seront à point, pourraient avoir des conséquences importantes sur mon avenir.

La pensée primitive, cet irrationnel voyage aux confins du subcons- cient, est la seule possibilité d'amener l'expression de l'âme dans sa plus authentique version. Brute, sans détour, l'extrémité des racines encore fuyante de l'inconscient, elle m'aide à rompre les tentations de verser dans le monde facilitant de l'institution, de la société et de la

norme. C'est pénible de vouloir être différent ou plutôt que de respecter sa différence. C'est pourquoi il faut respecter l'individualité dans le groupe. La solidarité n'est qu'un état collectif passager devant conduire à la différence des membres. Et c'est par cette pensée primitive où les connaissances sont encore à l'état sauvage et intuitif que la Solitude

prend son sens et sa grandeur voire même son extension vers la collectivité. Il faut grandir en soi d'abord, intervenir sur soi et avec les autres après. L'altruisme n'est possible que par l'égoïsme. U s doivent se fondre un Un.

A ce stade-ci de ma démarche, je dois encore résister à la pensée secondaire. Car je sens que je n'ai pas encore tout dit. Mais la solitude est toujours tiraillée par le rationnel, par l'ordre et le systématique. Il me faut résister et être moi-même. Je n'ai pas encore, à ce stade-ci, besoin des autres et de leurs connaissances. Ma peinture n'est pas termi- née. Je dois dire non à la norme qui m'assaille chaque soir et en cet instant précis pour m'inciter à écrire comme tout le monde. "Pourquoi te compliques-tu la vie ainsi, Paul?" Mais pour être différent, parce que je le suis. Au contraire, ce me serait trop facile d'être pareil.

A la base de la création, de 1'autodépassement, de la connaissance de soi, la pensée primitive, essence de ma Solitude et de ma réflexion laborieuse et sereine, m'a conduit vers la liberté de mon expérience et

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de mon expression. La contemplation, la méditation, la profondeur et le silence de chaque nuit ont illuminé de connaissances les ténèbres qui voilent la confiance en soi. Mon besoin de savoir s'est construit de jour en jour s'ëchafaudant continuellement sur mes découvertes quotidiennes.

Et, comme un Voilier Solitaire sur la mer infinie, au gré des Vents et des Tempêtes,

il s'aventure entre le cap et les récifs. Toute voile dehors il brave l'intempérie

il a de nom risques et périls il a d'allure prudence et audace. De sa voilure

il caresse les nuages de sa proue

il ouvre la mer et de son bordage embrasse les vagues. A bâbord il s'ennuie

A tribord il rit aux éclats. Le jour

il appelle le vent et file vers le large. Tandis que la nuit i l dort au tangage abrité par les étoiles Quand la mer se déchaîne

il reste fier, gaillard d'avant Met le cap vers l'anse paisible et Sur une mer encre et calme

il sait se reposer

se baigner sans l'ombre d'un vent. il aime voir le Cormoran

se poser d'une aile sur son mat Camarade solitaire

des balades infortunes et Ami des vents et des voiliers Sentinelle des tempêtes. Au large des côtes

voyageur solitaire de sa frêle voilure et de sa coque nerveuse il file au nez des cargos

La mer lui appartient il appartient à la mer Les vents sont sa route Les courants ses pays Les ports ses abris Les tempêtes ses oeuvres L'eau limpide son repos...

Ma Solitude, c'est ma compétence. Et ma conception de la compétence est de savoir si je suis à la bonne place. Une telle auto-anàlyse conduit nécessairement à cette remise en question. J'ai fait des choix concernant l'école, je les ai faits seul. C'était une prise de conscience. Mais l'école n'est que le milieu physique de certaines inter-actions. L'essen- tiel se trouve dans 1'inter-action. Dans mon style, je me sens bien. Je me sens à ma place. Même si dans le système je joue un jeu en attendant

que les règles changent pour le vrai. C'est qu'à l'école, voyez-vous... je ne suis pas seul.

J'en arrive à croire que tout en continuant de respecter le "laisser faire" et le "laisser être" chez les autres, je devrai m'exprimer davantage et laisser aller plus souvent l'inconscient de ma pensée primitive. C'est par elle que les gens se sentent attirés, parce qu'elle est différente et solitaire tout en étant solidaire d'une conscience universelle ou d'un dénominateur commun: la Vie et la Liberté.

Je réalise la cohérence de mes idées et surtout de mes prémisses. Depuis les cinq dernières années, j'ai développé un concept de vie et d'harmonie que j'ai toujours tenté de faire réfléchir. Je ne place pas l'homme au centre de l'univers, car il est une propriété biologique

comme toutes les autres. Je parle d'évolution écologique et de progression à l'horizontal. Toutefois, je situe l'homme au centre de son activité qui, elle, se place quelque part dans la nature.

J'en conclus à une maturité de mon esprit et une intégration de mon vécu. Je crois que j'ai beaucoup à dire, à exprimer et à trouver à cet effet. Aussi, je continue de le faire. Mon intervention se personnalise dans cette dimension de la vie à la recherche de l'autonomie et de

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Toute cette réflexion me convainc d'écrire encore. Avec plus de précision et de développement, cela va de soi. Mais avant de signer le

tableau, il faut le peindre. C'est ce à quoi je m'efforce depuis plusieurs semaines. Mais ce n'est là qu'un premier tableau d'une série indéterminée qu'il me faudra inévitablement assembler avant longtemps. C'est là un renforcement de moi-même auquel je dois être vigilant. Signer un peu plus souvent pour faire avancer peut-être un peu plus vite une évolution que je voudrais non seulement personnelle mais collective.

Je sens toutefois qu'après une phase très productive d'écriture, je passerai bientôt dans ma démarche par une phase tout aussi importante de lecture. Je crois que l'une ne va pas sans l'autre à la condition qu'elles soient séparées. C'est là que la pensée secondaire vient équilibrer

l'irrationnel de la pensée primitive en ce sens qu'elle me permet d'appro- fondir les connaissances accouchées de mon vécu et qu'elle me sert de tremplin dans un élan critique. Ainsi, je puis me référer dans les écrits des autres, non pour me sécuriser ou pour me faire appuyer, mais pour me permettre d'aller encore plus loin par moi-même.

Cette démarche Solitaire m'a inscrit dans un processus qui me conduit irrémédiablement au fond de moi-même avec tout ce que cela implique d'avan- tages et d'inconvénients. En travaillant tous les jours à éclaircir la vision unitaire de mon "Moi" afin de rompre avec les dualités et les oppo-