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Essai sur l'économie et les sociétés du Languedoc de l'âge du Fer

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01929943

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01929943

Preprint submitted on 21 Nov 2018

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Essai sur l’économie et les sociétés du Languedoc de

l’âge du Fer

Colette Mollex

To cite this version:

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ESSAI SUR L’ÉCONOMIE ET LES SOCIÉTÉS

DU LANGUEDOC DE L’ÂGE DU FER

_______

 

Essai  sur  les  transformations  économiques  et  sociales  du  Languedoc  protohistorique  à   partir  de  données  archéologiques  recueillies  sur  les   sites   et  des  tableaux  de  comptage   d'amphores   et   de   structures   de   stockage   pris   comme   indicateurs   des   échanges   commerciaux.   Présentation   historique   depuis   l'introduction   du   commerce   fin   VIIe   s.   jusqu'à  la  colonisation  romaine  en  116  av.  n.  é.    Approche  d’anthropologie  économique   sous  l’angle  de  la  théorie  marxiste.    

 

Essay   on   the   economy   of   protohistoric   period   in   Languedoc,   on   the   basis   of   archaeological   data   collected   on   sites   and   based   on   count   values   of   amphoras   and   storage   regarded   as   trade   indicators.   Essay   to   draw   an   historic   weft   since   the   introduction  of  the  trade  until  the  Roman  colonization.  Anthropologic  interpretation  of   the   events   that   approaches

  the   economic   questions   under   the   angle   of   the  

Marxist  theory.  

___  

 

 

Colette  MOLLEX  

 

_____  

 

 

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EXERGUE

« Le passé ne peut être raconté que comme il est réellement et non comme il a été, car le récit du passé est un acte social, qui se situe dans le présent, accompli par des hommes d’aujourd’hui et affectant le système social d’aujourd’hui »

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INTRODUCTION

Le Languedoc protohistorique s’étendait du littoral du Golfe du Lion jusqu’aux contreforts montagneux de l’arrière-pays. Descendant par paliers vers la mer depuis les massifs granitiques du Massif central ou les plateaux calcaires des garrigues, il a bénéficié d’un étagement climatique et d’une variété géologique qui ont favorisé des productions agricoles et des activités artisanales diversifiées. Sept fleuves (fig.1) et une côte au cordon littoral encore discontinu ont facilité les échanges avec les commerçants méditerranéens.

L’espace du Languedoc protohistorique a été recouvert par la Province en 118 avant notre ère puis intégré dans la Narbonnaise romaine jusqu’en 415 après notre ère. Il a ensuite été occupé par le second royaume wisigoth autour de sa capitale Toulouse (Ve-VIIIe s.), puis administré par les Francs (VIIIe-XIIIe s.) et rattaché au royaume de France (XIIIe siècle) sous le nom de Bas Languedoc méditerranéen. De nos jours, la région appelée jusqu’à peu le Languedoc-Roussillon recouvrait quasiment l’ancien Languedoc protohistorique dont la continuité a été assurée par cet « empilement » successif de territoires.

Le nom de « Septimanie », sous la plume des évêques Sidoine Apollinaire (Ve siècle) et Grégoire de Tours (VIe siècle), désigne la Narbonnaise sous domination wisigothe et renvoie aux sept évêchés d’Agde, Béziers, Lodève, Maguelone, Nîmes, Toulouse, Uzès. Cette appellation, de la part des auteurs, répond à la volonté d’affirmer la christianisation du Languedoc, mais la reprise de ce nom par l’ancien président de région Georges Frêche reste plus énigmatique.

L’histoire du Languedoc protohistorique prend racine au Néolithique. La production salicole et une technologie métallurgique avancée intègrent le Languedoc néolithique dans les circuits à longue distance. Ainsi retrouve-t-on des haches polies en éclogite des Alpes et des lames en silex du Grand-Pressigny jusque dans un petit village du Montpelliérais de la commune des Matelles, dans l’aven Papillon (fouilles de P. Pannoux, 1950), ou de longues lames et poignards en silex et des perles en verre dans les grottes sépulcrales néolithiques de La Clape près de Gruissan (Chartrain, Labriffe 2008, 410). Depuis l’extrême fin du IVe millénaire, le rôle précurseur du Languedoc dans le traitement du minerai de cuivre par procédés pyrométallurgiques place le secteur cuprifère de Cabrières (Hérault) parmi les premiers pôles métallurgiques d’Europe occidentale (Carozza, Marcigny 2007,77). Les sites

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du Puech Haut à Paulhan (Carozza 2005) et de Roquemengarde à Saint-Pons-de-Mauchiens (Guilaine 1990-1991), dans la vallée de l’Hérault, témoignent de ce prestigieux Chalcolithique.

En revanche, à l’âge du Bronze, au moment de l’extension du trafic égéo-mycénien vers l’Ouest à la recherche de l’étain au XIIe siècle, le Languedoc est « mis à l’écart du courant sud-méditerranéo-atlantique du Bronze final II-III » (Guilaine, Py 2000, 426) et se retrouve isolé des grands circuits commerciaux, tant pour l’étain que pour l’ambre qui emprunte les voies alpines. Néanmoins, en dépit de cet isolement, quelques indices montrent qu’il a poursuivi son développement. La poussée démographique, dont on observe le reflux au début du premier âge du Fer (Garcia, Vital 2006, 73), a laissé de vastes nécropoles à la charnière du Bronze final IIIb et du VIIe siècle à Agde, à Mailhac, et Pézenas (cf. notices de sites). Ces lieux consacrés à la mémoire des morts, dont le quadrillage en îlots et rues révèle une gestion raisonnée de l’espace, pourraient peut-être évoquer une forme précoce de sédentarisation (Guilaine, Py, ibid.). Les habitats au Bronze final (IXe-VIIIe s.) commencent à s’installer le long des grands axes de communication et à occuper des places en hauteur (Garcia, Vital, ibid. 71), donnant naissance pour la plupart d’entre eux aux futurs villages de l’âge du Fer. Mais cette amorce de changement connaît une formidable accélération au « tournant de la fin du VIIe et début du VIe siècle avec l’ouverture du Languedoc au commerce méditerranéen… où tout change » (Guilaine, Py 2000, 427).

Ce tournant qui inaugure la séquence historique de l’âge du Fer, résulte de l’essor du commerce en Méditerranée centrale en relation avec le dynamisme des sociétés agricoles du Languedoc. Cette période, des environs 600 à 100 avant notre ère, s’étend du premier âge du fer à la création de la Province en 118. Progressivement, le Languedoc au contact du système commercial méditerranéen, intègre « l’écozone méditerranéenne grecque et romaine » (Cunliffe 1993, 16) qui le rend dépendant économiquement et tributaire politiquement des bouleversements en Méditerranée.

L’irruption du commerce a entraîné le changement d’économie du Languedoc et rend donc centrale la question économique pour la compréhension de la période.

« L’essai sur l’économie et les sociétés du Languedoc de l’âge du Fer » s’inscrit dans cette recherche et poursuit une voie déjà ouverte par des chercheurs travaillant sur le Languedoc protohistorique. Cette transformation économique a eu un coût social, aussi le parti-pris adopté dans cet Essai a-t-il été de se placer du point de vue des populations locales.

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Sur le plan de la méthode, ce travail s’appuie sur 102 documents archéologiques commentés (Annexes), issus de comptes-rendus de fouilles, de monographies ou de publications. Ce corpus ne contient que des décomptes d’amphores parce que « ces conteneurs sont les seuls objets à refléter un commerce qui comptât réellement » (Morel 1983, 556). Les données brutes rassemblées dans des tableaux récapitulatifs permettent de comparer l’activité commerciale des différents sites et ont servi à élaborer des synthèses régionales à partir des sites majoritaires.

Enfin, pour ouvrir à une vision plus générale, j’ai interrogé ces résultats à la lumière d’une réflexion archéologique élargie aux investigations pluridisciplinaires. Je me suis référée aux travaux d’anthropologues (Bonté-Isard, Clastres, Godelier, Lemonier, Mauss, Malinowsky, Meillassoux, Polanyi, Testart), à ceux d’économistes (Beitone, Bresson, Mandel, Marx, Maucourant, Pébarthe) ou de chercheurs sur les sociétés précapitalistes (Bihr). J’en ai appelé aux recherches des historiens (Braudel, Cunliffe, Wallerstein) dont celles d’un spécialiste de l’Antiquité (Finley). J’ai emprunté aux colloques sur l’Antiquité : « l’Économie antique » (Roman 2008) ou les « crises et croissances des Mondes anciens » (Chankowsky dir., 2013), parce qu’ils traitent de faits contemporains de ceux de l’âge du Fer en Languedoc que les populations ont sans doute connus, voire subis.

L’appel à ces sources variées débouche sur une lecture transversale qui tend à une interprétation globale et historique des événements.

La démarche suivie n’est pas celle des spécialistes de la période, amenés à nourrir constamment la documentation de référence et la réflexion.

Elle tente, à partir de la mobilisation de sources choisies, de comprendre le processus historique à l’œuvre à ce moment charnière de l’émergence des économies « modernes » et des rapports sociaux qui s’enracinent dans l’Antiquité.

Elle chercehe à expliciter des comportements humains qui paraisent si éloignés et si proches des nôtres en leur appliquant une grille universelle de lecture qui se réfère à la pensée marxiste.

Elle repose sur un enchaînement d’hypothèses logiques fondées sur les présomptions archéologiques. L’emploi du présent de narration procure une lecture directe qui ne doit pas faire oublier qu’il s’agit de de projections logiques et raisonnées non attestées directement.

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LISTE DES SITES

COMMUNES LIEUX-DITS DOCUMENTS

(pages)

NOTICES

1. AGDE (34) Rue Perben 1-2-3 142 p.143 2. ARLES (13) Jardin d’Hiver 4 144 p.145 3. AUMES (34) Pioch-du-Télégraphe 5-6-7-8 146 p.147 4. BEAUCAIRE (30) La Redoute 9-10 148 p.149 5. BESSAN (34) La Monédière 11-12-13-14 150 p.151 6. BÉZIERS (34) Place de la Madeleine 15-16-17 152 p.153 7. CALVISSON (30) La Liquière 18-19 154 p.155 8. CESSENON-SUR-ORB (34) Fourquos Esquinos 20 156 p.157 9. CLERMONT-L’HÉRAULT (34) La Ramasse 21 158 p.159 10. DURBAN (11) Le Calla 22-23 160 p.161 11. ESPEYRAN (30) L’Argentière 24-25-26 162 p.163 12. FLORENSAC (34) Montjoui 27-28 164 p.165 13. GAILHAN (30) Plan de la Tour 29-30-31 166 p.167 14. LATTES (34) Saint-Sauveur 32 à 38 168-169 p.170-171 15. LAUDUN (30) Camp César 39-40 172 p.173 16. LE CAILAR (30) Place de la Saint-Jean 41-42 174 p.175 17. MAILHAC (11) Le Cayla 43-44-45 176 p.177 18. MARGUERITTES (30) Peyrouse 46 178 p.179 19. MARGUERITTES (30) Roquecourbe 47 178 p.180 20. MAUGUIO (34) Tonnerre I, La Rallongue 48 181 p.182

21. MÈZE (34) Les Pénitents 49 183 p.184 22. MURVIEL-LES-BÉZIERS (34) Le Mus 50 185 p.186 23. NAGES-ET-SOLORGUES(30) Les Castels 51 187 p.188 24. NARBONNE (11) Montlaurès 52-53-54 189 p.190 25. NÎMES (30) Le Mont Cavalier 55-56-57 191 p.192 26. NISSAN-LEZ-ENSÉRUNE (34) Ensérune 58-59-60 193 p.194-195 27. PERPIGNAN (66) Ruscino 61 à 70 196-197 p.198

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28. PEYRIAC-DE-MER (11) Le Moulin 71-72 199 p.200 29. PÉZENAS (34) Saint-Siméon 73-74 201 p.202 30. PIGNAN (34) Les Gardies 75 203 p.204 31. POUSSAN (34) Puech Gayès 76 205 p.206 32. ST. BONNET-DU-GARD (30) Le Marduel 77 à 87

207-208-209

p.210-211

33. ST. DIONISY (30) La Roque de Viou 88-89 212 p.213 34. ST. THIBÉRY (34) Le Fort 90 214 p.215 35. SALLES-D’AUDE (11) La Moulinasse 91-92-93 216 p.217 36. SALSES-LE-CHÂTEAU (66) Le Port 94 218 p.219 37. SIGEAN (11) Pech Maho 95-96-97-98 220-221 p.222 38. VILLETELLE (34) Ambrussum 99-100-101 223 p.224 39. VILLEVIEILLE (30) 102 225 p.226

LISTE DES FIGURES

FIGURES PAGES Fig.1 p.8 Fig.2 p.20 Fig.3 p.37 Fig.4 p.49 Fig.5 p.59 Fig.6,7 p.60 Fig.8 p.62 Fig.9, 10, 11, 12 p.63 Fig.13, 14 p.64 Fig.15a, 15b p.65 Fig.16 p.68 Fig.17 p.81 Fig.18 p.101 Fig.19 p.111 Fig.20 p.124

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CARTE DES SITES

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PARTIE I

INTÉGRATION DANS LES COURANTS

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Les amphores contenues en habitat se différencient des objets retrouvés en milieu funéraire, assimilés à des « objets de prestige » (Hérubel, Gailledrat 2006, 159), provenant sans doute de cadeaux offerts par les marchands méditerranéens lors de leurs premiers contacts avec les populations locales du Languedoc.

Á l’inverse, les quantités importantes d’amphores mises au jour sur les sites sont l’expression d’un phénomène nouveau, d’un commerce pratiqué à grande échelle depuis l’extrême fin du VIIe siècle avant notre ère, autour du Golfe du Lion, dans le triangle du Bas Rhône et le Bassin audois.

Ce commerce, par son ampleur, se distingue des arrivages précédents dont les pièces en petit nombre témoignent d’échanges peu soutenus : quelques amphores grecques et ioniennes à Perpignan (Marichal et al. 2003, 86, fig.85) et Pignan (Raynaud, Roux 1983, 48), un peu « d’amphores ioniennes ou de type de Chios » à Mauguio (Py 1985, 74), et une amphore phénico-andalouse au Traversant à Mailhac (Gailledrat, Taffanel 2002, 244).

Par comparaison, la profusion d’amphores étrusques, massaliètes, ibériques, italiques, rend compte d’une « logique de diffusion massive » (Hérubel, Gailledrat, ibid., 163).

Quatre courants commerciaux, en provenance d’Étrurie, de Marseille, de la Péninsule ibérique et plus tard d’Italie, se sont partagé le commerce en Méditerranée occidentale prenant en charge l’énorme marché du vin à destination des indigènes.

Ces courants ont collaboré au développement économique du Languedoc en exerçant un stimulus sur des sociétés en évolution. Chacun, à des moments particuliers et sur des modes différents, a imprimé sa marque.

L’activité commerciale, portée par ces différents courants, constitue la phase initiale du processus d’intégration du Languedoc dans le monde méditerranéen.

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1. LE COURANT ÉTRUSQUE

L’activité d’échange, initiée fin VIIe siècle et début VIe siècle par les marchands des cités étrusques méridionales de Caere (Cerveteri) et Vulci, s’est développée inégalement entre les parties orientale et occidentale du Languedoc, entre les établissements du littoral et ceux de l’arrière-pays.

Le commerce du vin étrusque, concurrencé à partir des années 525 par le commerce du vin massaliète, résiste sous diverses formes, mais finit par subir un revers puisque les amphores étrusques s’effacent des sites languedociens à la fin du Ve siècle et disparaissent définitivement au IVe siècle (Py 1984, 265, doc.37).

AIRE DU COMMERCE ÉTRUSQUE

La zone recélant des amphores étrusques est très vaste, elle recouvre la plaine littorale s’étendant de la rive droite du Rhône jusqu’à Perpignan et s’enfonce dans les terres « comme les doigts d’un gant » le long des fleuves côtiers : Vistre, Vidourle, Lez, Hérault, Orb, Têt (fig.2).

Bien qu’aucun lieu de débarquement n’ait encore pu être clairement identifié jusqu’à ce jour, les concentrations d’amphores étrusques autour de l’étang de Mauguio et de celui de Thau y suggèrent de possibles points de livraison, confirmant l’arrivée du vin étrusque par bateaux. L’ancienneté des amphores dans le triangle du Bas Rhône (Beaucaire, Marguerittes) suggère que des commerçants étrusques intervenaient déjà dans cette région avant l’arrivée des Phocéens à Marseille aux environs de 600 avant notre ère.

Les amphores contenues en petites quantités sont « attestées », celles retrouvées en nombre suffisant ont été « comptabilisées » par les archéologues dans des tableaux de comptage, en nombre de fragments (NFr), en nombre d’individus (NMI) ou en nombre de bords (NBd).

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AMPHORES ATTESTÉES

Les plus anciens fragments d’amphores étrusques, de la fin du VIIe siècle, proviennent de La Redoute à Beaucaire (Michelozzi, Py 1975, 5), de Roquecourbe à Marguerittes (Py 1977, 34), de Mauguio (Py 1985, 72), ou des nombreux sites du Bassin audois (Hérubel, Gailledrat, 2006, 160).

Les autres amphores étrusques datent des débuts du VIe siècle à Agde (Nickels 1995, 60), au Cros à Caunes-en-Minervois (Hérubel, Gailledrat, 2006, 163), à Montfau à Magalas « autour de 580 » (Bacou 1982, 73), au Cayla à Mailhac (Hérubel, Gailledrat, ibid.).

Elles sont attestées tout au long du VIe siècle au Jardin d’Hiver à Arles « entre 540-530 » (Arcelin 1995, 33), au Pioch du Télégraphe à Aumes (Bussière, Feugère 1989, 87), à Béziers (Hérubel, Gailledrat, 2006, 165), à Carcassonne « traces d’amphores étrusques à partir de 550 » (Rancoule, Solier 1972, 142), à Castelnau-le-Lez (Arnal, Majurel, Prades 1964, 407), à la Cougourlude près de Lattes (Daveau, Py 2015), à Notre-Dame-de-Consolation à Fabrezan, (Hérubel 2000, 94) et à Nissan-lez-Ensérune (Hérubel, Gailledrat 2006, 164). Dans la Moyenne Vallée de l’Hérault, elles apparaissent avec les amphores massaliètes après 550, sur quatorze sites (Garcia 1993a, 176) « sans jamais représenter plus de la moitié du matériel amphorique mis au jour sur les habitats » (ibid., 177). Celles du couloir audois à Villasavary (l’Agréable) et à Villeneuve-la-Comptal (Roc du nord) se situent dans la fourchette chronologique comprise entre 525 et 425 (Hérubel, Gailledrat, ibid., 168).

Au Ve siècle, on trouve des amphores étrusques à l’Ermitage d’Alès « massaliètes et étrusques » (Dedet, Salles 1981, 56), à La Ramasse à Clermont-l’Hérault « une vingtaine d’amphores étrusques et massaliètes » (Garcia 1993a, 35), à Gaujac « amphores entre 425-390 » (Charmasson 1981, 83) et Saint-Côme-et-Maruéjols à Mauressip « fin Ve et début IVe siècle » avant notre ère (Py F. et Py M. 1974, 155).

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AMPHORES COMPTABILISÉES (tableau récapitulatif)

(doc.103)

SITES

(Départements) TA : taux moyens d’amphores en NFr,NMI, NBd DOCUMENTS (cf. Annexes) ou Sources littéraires TE : taux moyens

d’échanges DOCUMENTS (cf. Annexes) ou Sources littéraires 1. Agde (34) 560-520 : 69,26% 520-480 : 25,53% 480-460 : 11,32% 460-425 : 5,26% 1-2 84% 22,48% 24,76% 29,08% (calculés) 1-2 2. Arles (13) Jardin d’Hiver 500-475 : 12% (Arcelin 2008 : 110) (NMI) : 17% 4 3. Beaucaire (30) La Redoute 525-500 : 34,4% 500-400 : 1% 9 10 11,9% 28,5% (Dedet et al., 1978, 74) 4. Bessan (34) La Monédière 600-575 : 85,5% 575-540 : 62% 540-520 : 20% 520-500 : 14% 500-475 : 9% moy.(IIIa+IIIb) 475-425 : 7,5% 11 18% 23% 60% 93% ± 75% 77,5% 11 5. Béziers (34) Place de la Madeleine 500-400 : 11,10% 500-400 : 8% 400-300 : ± 5% 15 16 17 42,02% 32% 15 (Ugolini,Olive 2004, 65) 6. Calvisson (30) La Liquière 625-600 : 100% 600-575 : 94% 575-550 : 80% 18 ±10% 19 (Py 1990, 66, fig.30) 57 (Py 1990, 65, fig.29) 7.Cessenon-Orb(34) Fourquos Esquinos 525-475 : ±12% 20 8. Durban (11) Le Calla 525-450 : 20% 22 3,60% 22 9. Espeyran (30) L’Argentière 525-475 : 4,7% 475-425 : 1,6% 425-400 : 0,1% 24 500-450 : de 55% à 65% 26 10. Florensac (34) Montjoui 525-475 : 28,86% (NMI) : 33,93% 28 32,16% (NMI) :16,05% 28 11. Gailhan (30) Plan de la Tour 525-500 : 36,36% 500-475 : 5,8% 475-450 : 3,69% 29 30% à 50% 50% à 25% 31C 12. Lattes (34) 525-500 : ± 82% 32A 38

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Saint-Sauveur 500-475 : 60% 475-450 : ± 30% 450-425 : ± 17% 425-300 : <1% 83% 53,5% 56,6% 51,4% à 62,6% 13. Laudun (30) Camp César 500-400 : 12,14% (NMI) : 22,22% 39 6,83% (NMI) : 3,67% 39 14. Le Cailar (30) Place Saint-Jean 500-475 : 14,93% 475-450 :15,90% 450-425 : 3,48% 425-400 : 0,28% 41 20,68% 48,65% 69,41% 82,47% 41 15. Mailhac (11) Le Cayla 575-450 : 18,2% (NMI) 450-325 : ± 2% (NFr) 43 44 de 7% à 15% 33% à 45% (Gailledrat, Rouillard 2003, 404) (Gailledrat, Solier 2004, 422) 16. Marguerittes(30) Peyrouse 525-450 : 1,14% 46 35,5% 46 17. Mauguio (34) Tonnerre La Rallongue 625-600 : 100% 600-575 : 96% 575-550 : ±75% 550-525 : ±55% 48 ±10% 57 18. Mèze (34)

Les Pénitents 500-300 : 1,07% (NMI) : 0% 49 29,18% (NMI) :23,16% 49 19. Murviel-Béziers (34) Le Mus 500-375 : ± 21% (NMI) : ± 23% 50 20. MVH (34) Moyenne Vallée de l’Hérault 550-500 :23 à34% 500-450 :10 à23% 450-400 : 7% (Garcia 1993a,177) : 21. Narbonne (11) Montlaurès 525-500 : 7,83% (NMI) : 100% 500-400 : 4,88% vers 475 : 1,16% (NMI) : 4,76% 52 53 54 21,58% (NMI) :2,08% 19,94% 63,62% (NMI) : 19% 52 53 54 22. Nîmes (30) Mont Cavalier 525-450 : 14,98% vers 400 : 0,4% 55 56 34,97% 43% 55 56 23. Perpignan (66) Ruscino 600-575 : 75% (NMI) : 71,43% 550-525 : 0,19% (NMI) : 100% 525-500 : 1,43% (NMI) : 16,67% 61 63 64 1,39% (NMI) : 4,67% 0,19% (NMI) : 1,49% 5,69% (NMI) : 5,66% 61 63 64

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15 500-475 : 1,73% (NMI) : 20% 65 23,72% (NMI) : 7,69% 65 24. Pézenas (34) Saint-Siméon 525-475 : ± 2% (NMI) : ± 50% 500-400 : ± 18% (NMI) : ± 40% 73 74 25. Pignan (34) Les Gardies 550-500 : 39,74% 500-450 : 13,59% 450-400 : 6,28% 75 28,71% 38,9% 30,82% (Raynaud, Roux 1983, 48, note35) 26. Poussan (34) Puech Gayès 550-475 : ± 78% 76 27. St.Bonnet-du-Gard (30) Le Marduel 625-550 : 100% (NBd) : 100% vers 525 : 8,40% (NBd) : 19,05% 525-450 : 7,92% 450-440 : 2,37% (NBd) : 7,69% 400-375 : 0,09% 375-300 : 0,22% 77 78 79 80 81 82 1,60% (NBd) : 2,96% 15,13 (NBd) : 18,75% 23,41% 22,4% (NBd) : 12,13% 15, 71% 13,51% 77 78 79 80 81 82 28.Sallesd’Aude (11) La Moulinasse 550-525 : 73,33% ±510-490 :28,12% (calculé) 91 92 3,72% 25,6% 91 92 29. Sigean (11)

Pech Maho 540-510 : 11,9% (NMI) : 28,5% 510-450 : 4,3% (NMI) : 13,5% 95 96 25,6% (NMI) :13% 37% (NMI) : 20,4% 97 98 30. Villetelle (34) Ambrussum vers 250 : 2,44% 99 9,51% 99 31. Villevieille (30) 525-450 : 12,73% 102 10,55% 102

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LES SITES MAJORITAIRES

Définition

Quand un site ne possède qu’une seule catégorie d’amphores, celles-ci sont évidemment majoritaires. Ainsi le site de Perpignan (Ruscino) de 600 à 575 (doc.61) et de 550 à 525 (doc.63) ou celui de Saint-Bonnet-du-Gard de 625 à 550 (doc.77) sont des sites étrusques majoritaires, malgré d’infimes quantités, puisque le taux d’échange est <1% à Perpignan et de 1,6% à Saint Bonnet (doc.105, p.18). Ils sont majoritaires par défaut.

Quand les importations se diversifient (les amphores massaliètes se mêlant aux étrusques au VIe siècle), le critère de distinction revient à sélectionner la catégorie d’amphores la plus importante pour connaître quel est le courant commercial dominant et pour répartir les sites entre eux. Un site majoritaire est un site contenant une catégorie d’amphores en majorité qui dépasse ou avoisine les 50% : Agde est un site majoritaire étrusque entre 560-520 mais Arles ne l’est pas (doc.103, p.13).

Ainsi défini, le site majoritaire sert d’étalon de mesure commun pour comparer les sites entre eux et les différents courants commerciaux entre eux. Ce raisonnement à partir d’ensembles majoritaires, par approximation, permet de dégager les grandes lignes de force en action.

Huit sites majoritaires, sur 31 sites étrusques, se tiennent en Languedoc oriental et deux en Languedoc occidental (doc.104).

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TAUX MOYENS D’AMPHORES (TA) (doc.104)

Durée

La fourchette chronologique des amphores étrusques majoritaires recouvre une période totale de 150 ans (625-475) qui se déroule en trois phases. La phase ascendante (six sites) dure 75 ans (625-550), celle d’expansion maximale (sept sites) couvre 25 ans (550-525), celle du déclin (cinq sites) s’étend sur 50 ans (525-475).

La période montante (625-550) s’appuie sur un site lagunaire (Mauguio), trois ports fluviaux (Agde, Bessan, Perpignan) et deux habitats dans l’arrière-pays (Calvisson, Saint-Bonnet-du-Gard).

L’expansion maximale (550-525) repose sur un port lagunaire (Mauguio), cinq ports fluviaux (Agde, Bessan, Perpignan, Poussan, Salles-d’Aude), un site terrestre (Pignan) à proximité de la mer et du grand axe est-ouest, qui pourrait être « la Voie héracléenne ». La période de reflux (525-475) atteint Mauguio et Salles-d’Aude en 525, Agde en 520, Pignan en 500. Les sites de Perpignan et Poussan possèdent une majorité d’amphores jusqu’en 475.

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Cette évolution en trois temps, achevée par la disparition des amphores étrusques, s’observe en Languedoc occidental avec la date butoir de 425 (Gailledrat, Hérubel 2006, 167) et en Languedoc oriental avec la date butoir de 400 (Py 1984, 265, doc.37).

TAUX D’ÉCHANGES

(doc.105)

Volume des échanges

Le chiffre du volume des échanges mesure les capacités commerciales d’un site et par conséquent son degré d’implication dans les circuits méditerranéens.

Trois sites possèdent un volume d’échange en dessous de 5% : Perpignan, Saint-Bonnet-du-Gard, Salles-d’Aude. Ceux de Calvisson et Mauguio, autour de 10%, se situent dans la moyenne générale de la région nîmoise (Py 1990, 65, fig.29A, doc.57). Les sites de Bessan,

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19

Pignan, Poussan montrent une importante activité d’échange située entre 20% et 30%. Les forts taux d’Agde et de Lattes, autour de 80%, détachent ces deux ports du reste de la région et semblent les placer dans les hautes sphères du grand commerce maritime : peut-être les débuts de leur entrée dans la « ceinture méditerranéenne » manquant entre l’Italie et l’Espagne dont parle I. Finley ? (Finley, 1975, 34).

Ces différences de volumes d’échanges entre les sites mettent en évidence le décalage qui existe entre « l’hinterland » et la plaine côtière, même si l’emplacement littoral n’assure pas obligatoirement le succès comme le montre l’exemple de Ruscino à Perpignan qui échange très peu de 600 à 550 (Marichal et al., 2003, 118). Outre ces écarts de chiffres, le plus gros questionnement à propos des résultats du commerce étrusque réside dans l’existence d’un « trou » entre 30% et 80%, et dans l’explication à lui apporter.

Les taux très élevés d’amphores des deux ports d’Agde et Lattes, qui indiquent peut-être leur appartenance naissante à la ceinture méditerranéenne, montrent que le commerce étrusque semble alors travailler au renforcement de sa plateforme maritime, voire à son élargissement, pour sans doute se maintenir dans la compétition méditerranéenne et résister à la concurrence massaliète.

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BILAN : DES RÉSULTATS CONTRASTÉS

LES AVANCÉES

L’avantage de la primeur

L’antériorité du commerce étrusque paraît difficilement contestable puisque les amphores accompagnées de vases en bucchero nero constituent les premiers objets d’importation massive en Languedoc. Cette antériorité semble encore moins à démontrer quand ces vestiges se trouvent dans la couche directement supérieure à celle du Bronze final comme cela se vérifie à Mauguio (Py 1985, 51) et à Saint-Bonnet-du-Gard (Py, Raynaud 1982, 6).

Les commerçants étrusques ont été les premiers à réactiver d’anciens circuits en empruntant dès 575 le couloir d’entre les deux Mers (Hérubel, Gailledrat 2006, 163, fig.2) qui est l’antique route de l’étain, ou en abandonnant des tessons à Beaucaire au VIIe siècle (Michelozzi, Py 1975, 5) au passage de la Voie héracléenne que P. Lévêque situe à l’âge du Bronze (Lévêque 1992, 384).

Un stimulus externe

La théorie d’un « stimulus externe » extirpant les indigènes de leur barbarie et leur apportant la « civilisation » est une vision unilatérale battue en brèche.

L’urbanisation du Languedoc en contemporanéité avec l’introduction du commerce incite davantage à penser que ces deux événements ont agi en interaction. La demande crée par les agglomérations en Gaule méridionale a stimulé la production vinicole en Étrurie et le développement du commerce a stimulé l’activité économique en Languedoc. Le commerce étrusque a sans doute joué un rôle d’accélérateur mais pas celui de déclencheur au sein des sociétés locales. Ce commerce étrusque occupe simplement une place qui se situe au début d’un processus qui va aller grandissant.

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DES STRATÉGIES OFFENSIVES

L’extension vers l’Ouest

Le commerce étrusque dans sa première période (625-550) possède l’exclusivité des échanges à Calvisson, Mauguio, Perpignan, Saint-Bonnet-du-Gard (doc.103). La remise en cause de ce monopole par les commerçants massaliètes à partir des années 550 entraîne une chute spectaculaire des amphores d’Étrurie, sauf à Perpignan (550-525), Pignan (550-500), Poussan (550-475) et Salles-d’Aude (550-525) où elles restent majoritaires (doc. 104). Il en découle que l’on peut se demander si les commerçants étrusques perdant du terrain à l’Est du Languedoc n’ont pas tenté de compenser leurs pertes en se déplaçant vers l’Ouest. Le décalage d’un quart de siècle entre les deux parties du Languedoc pourrait alors s’interpréter comme une réponse à retardement pour contrer la concurrence massaliète plutôt que comme une avancée « au fur et à mesure que s’ouvraient les marchés gaulois d’est en ouest » (Py 1974, 203) : d’autant que cette initiative vers l’Ouest s’est soldée par un échec.

C’est dans ce contexte de perte d’influence du commerce étrusque, de concurrence exacerbée avec Marseille, de tensions en Méditerranée entre les Grecs et la coalition étrusco-carthaginoise (bataille d’Alalia vers 540-535), qu’il faut poser la question du port de Lattes autour de 525-500.

La création de Lattes

La construction d’une cité en pierre, ceinte d’un rempart, se détache de la tradition locale des maisons bâties sur poteaux de bois comme celles du site voisin et un moment contemporain de La Cougourlude (Daveau, Py 2015). La présence d’une communauté étrusque dans un quartier (lot 27) de Lattes (Lebeaupin, Séjalon 2008), un volume d’échanges de 83% (Gailledrat 2010, doc.38) très supérieur à ceux de tous les autres sites du Languedoc à la même époque, sont autant d’éléments qui érigent Lattes en cas particulier.

Quelles fonctions ce comptoir a-t-il remplies? Il a pu servir de port d’escale aux commerçants étrusques afin de leur faciliter l’accès aux marchés qui s’éloignaient à l’Ouest, être un point de fixation visant à perturber et affaiblir le trafic maritime grec entre Marseille et Agde, ou faire partie de la riposte étrusco-carthaginois pour conserver le contrôle en Méditerranée occidentale menacé par l’agressivité mercantile des Phocéens ? Dans ces deux derniers cas, l’enjeu principal devenait « l’emporion » d’Agde : soit pour l’absorber dans la sphère du commerce étrusque, soit à défaut pour tenter de l’affaiblir. Ainsi le ralentissement des échanges entre 480-425 à Agde (Garcia, Marchand 1995, doc.3) pourrait être un des

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signes de la compétition entre Étrusques et Grecs ? Les commerçants étrusques ont échoué dans la « prise » d’Agde, mais force est de constater que ce plan était le bon puisque que les Massaliètes l’ont adopté ensuite : « la prise de Lattes en 475 leur a permis de créer la colonie d’Agathé cinquante ans plus tard » (Janin, Py 2012, 149).

La création de Lattes a sans doute été une tentative de riposte des commerçants étrusques pour contrer l’offensive massaliète, mais cette initiative n’a cependant pas suffi à endiguer leur recul.

Pourtant, il apparaît que l’existence du port de Lattes a surtout servi les intérêts étrusques puisque après 475 (date supposée de la brutale installation massaliète) le taux d’échange n’a cessé de décliner malgré une acmé massaliète à 62,6% (Gailledrat 2010, doc.38). Il ressort que Lattes commerçant avec l’Étrurie est plus florissante que Lattes commerçant avec Marseille, et que d’Étrusques en Grecs et Romains le port a régulièrement perdu de son importance (ibid.).

DES RECULS

Une faiblesse

Les écarts de volumes d’échange entre les sites signent la principale faiblesse du commerce étrusque. Cette défaillance ne peut pas être imputée qu’à l’hinterland puisque des ports fluvio-littoraux (Perpignan, Salles d’Aude) affichent aussi des résultats médiocres (doc.105). Les taux d’échanges de l’ensemble des sites, exceptés ceux d’Agde et Lattes autour de 80%, n’excèdent jamais 30% (ibid.).

Comment expliquer ce hiatus entre 30% et 80% ? Sans doute les lieux de distribution ne sont-ils pas assez nombreux, sans doute y a-t-il un manque de réseaux locaux pour prendre en charge la diffusion des amphores, sans doute le commerce étrusque a-t-il souffert d’une logistique insuffisante à cause de problèmes politiques internes en Étrurie. Peut-être la zone d’intervention est-elle devenue trop vaste, d’autant que l’allié carthaginois est affairé ailleurs (Ibiza). Mais ces irrégularités indiquent surtout que le commerce étrusque n’a pas pénétré profondément en Languedoc et qu’il n’a pas maillé le territoire comme le fera plus tard le commerce massaliète.

Cette situation traduit une forme d’extériorité du commerce étrusque, qui plaide en faveur de la thèse d’un commerce directement initié par les cités étrusques : « Il y a eu à un

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certain moment un commerce étrusque parce qu’il y a eu une volonté économique de certaines cités d’Étrurie méridionale, Cerveteri, Vulci » (Gras 1985, 159).

Le déclin

L’effacement des amphores étrusques en Languedoc (425-400) marque la fin du monopole du vin en provenance d’Étrurie, mais ne signifie pas la fin d’un commerce étrusque doté d’un étonnant ressort. Ce dernier est capable de reconversion vers d’autres productions (céramiques peintes, objets métalliques) et de stratégies de contournement par la vallée de la Loire pour écouler ces produits quand l’Isthme est bouché par les Massaliètes (Gailledrat 2006, 170).

La fin du commerce du vin étrusque se traduit par le passage de certains sites dans l’orbite ibérique dont Perpignan ou Salles-d’Aude, et par le glissement des autres dans la sphère massaliète (doc.106)

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25 CONCLUSION

Il paraît insuffisant d’expliquer la disparition du vin étrusque en Languedoc par de seules raisons écologiques : un tarissement des récoltes en Étrurie qui justifierait du développement de la viticulture à Marseille (Bats 2003, 25). De toutes les façons, il faudrait ajouter à cette explication les causes politiques et économiques qui ont perturbé le fonctionnement des cités étrusques à cette époque.

La fin de la monarchie étrusque à Rome et l’instauration de la République romaine en 509, le passage aux républiques aristocratiques (VIe siècle) accompagné d’instabilité et parfois de retours à la royauté comme à Véies (IVe siècle), provoquent des antagonismes entre les cités (Etienne 2010, 207-208). Parallèlement, l’avancée de Rome dans sa conquête de la Péninsule fait perdre aux Étrusques le contrôle de l’Italie à la fin Ve siècle et celui de la Campanie elle-même au IVe siècle.

Le coût économique de ces défaites se traduit par l’incapacité des commerçants étrusques à fournir une offre à la hauteur de la demande, par l’impossibilité de faire face à la hausse crée par la prolifération des agglomérations en Languedoc.

Les commerçants massaliètes, à l’affût, ont profité de cette faiblesse pour ravir le marché aux Tyrrhéniens et imposer leur vin. De plus, dans cette compétition, Marseille a disposé d’atouts en sa faveur.

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2. LE COURANT MASSALIÈTE

Les plus anciennes amphores, retrouvées dans les premières couches de la Liquière (Py, 1984) et la Font du Coucou à Calvisson (Py, Tendille 1975a) ou à Villevieille (Py, Tendille 1975b), proviennent de Grande-Grèce. Elles ont improprement été attribuées à Marseille et donc injustement appelées « ionio-massaliètes ». En réalité, les amphores « massaliètes » sont issues des ateliers de Marseille et ses environs, ateliers qui ont fabriqué « du deuxième quart du VIe siècle jusqu’à 150 avant notre ère » (Clavel-Lévêque 1977, 22) au moins cinq types différents d’amphores plus ou moins micacées (Py et al., Dicocer 2, chap.6). Ces conteneurs ont servi à l’exportation du vin de Marseille qui a constitué une des activités principales de la Cité et représenté une part importante de la richesse des commerçants de la ville.

En Languedoc, le commerce massaliète a joui d’une longévité de « quatre siècles » (Py 1978b) et d’énormes volumes d’échanges, comme à Lattes où « 249 000 fragments représentent des dizaines de milliers de conteneurs et des milliers d’hectolitres de vin » (Py 2009, 286).

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AIRE DU COMMERCE MASSALIÈTE

Les relevés d’amphores effectués sur trente-six habitats dessinent les contours de l’aire commerciale massaliète, dont on voit qu’elle recouvre entièrement la zone occupée précédemment par le commerce étrusque : les trente et un sites qui contenaient des amphores d’Étrurie (doc.103) livrent maintenant des amphores de Marseille. L’intégration du Languedoc dans les circuits commerciaux se poursuit et s’amplifie avec la création de nouvelles agglomérations (doc.106). L’habitat se densifie, se développe le long des cours d’eau et remonte en amont des fleuves, se concentre dans la plaine littorale (fig.3), indiquant une activité commerciale soutenue, des échanges maritimes plus fréquents et réguliers depuis Marseille tout proche.

AMPHORES ATTESTÉES

On retrouve des tessons d’amphores massaliètes à Alès (Dedet, Salles 1981, 56), à Aumes (Bussière, Feugère 1989, 87), dans douze sites de la Moyenne Vallée de l’Hérault aux VIe-Ve s. (Garcia 1990, 112) et dans onze autres sites aux IIIe-Ier s. av. n. è. (ibid., 114).

AMPHORES COMPTABILISÉES (tableau récapitulatif) (doc.106) SITES (Départements) TA : taux moyens d’amphores en NFr, NMI, NBd DOCUMENTS (cf. Annexes) ou Sources littéraires TE : taux moyens d’échanges DOCUMENTS (cf. Annexes) ou Sources littéraires 1. Agde (34) 560-520 :0,43% 520-480 : 57,45 480-460 : 84,91 460-425 : 94,74 425-380 : 99% 400-350 : 97% 350-300 : 97% 300-200 : 79% 200-150 : 73% 1-2 84% (calculés) 22,4% 24,7% 29,08% 81,28% 80,49% 34,03% 39,09% 41,36% (calculés) 1-2

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2. Arles (13) Le Jardin Hiver 500-375 : 17% (Arcelin1995, 334) 425-175 « Domination du commerce marseillais» (Arcelin 2008, 111) 500-375 : 17% (Arcelin 1995, 334) 475-180 : de 17% à 15% (NMI) 4 3. Beaucaire (30) La Redoute 525-500 :65,5% 450-400 :98,9% 9 10 11,9% 28,5% 9 10 4. Bessan (34) La Monédière 600-575 : 13,5 575-540 : 32% 540-520 : 78,5 520-500 : 76% 500-475 : 49,75% (moy.IIIa/IIIb) 475-425 : 79% 11 18% 23% 60% 93% 78,5% (moy. IIIa+IIIb) 77,5% 11 5. Béziers (34) Place Madeleine 500-400: 44,16% (centre ville) 500-400 : 54% 400-300 : 35-60% 15 16 17 42,02% 15 6. Cessenon-sur-Orb(34)

Fourquos Esquinos 525-475 : ±65% (NMI) : ±55% 20 7. Clermont-L’Hérault (34) La Ramasse 510-480 : 85% 450-400 : 98,5 400-350 : 100% 350-300 : 100% 21 3% 8,20% 4% 1,90% 21 8. Durban (11) Le Calla 525-450 : 80% 450-350 : 35,40% 22 23 3,60% 17,57% (calculé) 22 23 9. Espeyran (30) L’Argentière 525-475 : 90,6% 475-425 : 97,1% 425-400 : 97,9% 400-300 : 100% 300-200 : 94,3% 200-100 : 51,5% 24 de 50% à 60% ± 60% > 60% ± 60% ± 55% de ±50% à 20% 26 10. Florensac (34)

Montjoui 525-475: 54,90% (NMI) : 53,57% 28 32,16% (NMI) : 16,05% 28 11. Gailhan (30) Le Plan de la Tour v.525-500: 63,63% v. 500-475 :94,19% v.475-450 :96,30% v.400-350 :100% v.325-275 : 100% 29 de ±30 à 50% de ±50% à 25% ±15% ±5% 31

(30)

29 12. Lattes (34) Saint-Sauveur 525-500 : 18% 500-475 :±39% 475-450 :±77% 450-425 :±79% 425-400 :± 90% 400-375 :±98% 375-350 :±99% 350-325 : ±99,9 325-300 : ±99,9 300-275 : ±99,9 275-250 :±99% 250-225 :±99,5% 225-200 :±96% 200-175 :±78% 175-150 :± 38% 150-50 :(moy.) ±5% 33 83% 53,5% 56,5% 51,4% 51,8% 45,3% 47,7% 62,6% 54,4% 43,8% 47,5% 32,6% 27,3% 25% 38 13. Laudun (30) Camp César 500-400: 87,86% (NMI) : 77,78% 100-50 : 0,61% (NMI) : 5,56% 39 40 6,83% (NMI) :3,67% 16,80% (NMI) : 7,83% 39 40 14. Le Cailar (30) Place de la Saint-Jean 500-475 :65,67% 475-450 :80,52% 450-425 :91,09% 425-400 :99,58% 41 20,68% 48,65% 69,41% 82,47% 41 15. Mailhac (11) Le Cayla 575-450 : 20,5% (NMI) 450-325 : 8% (NFr) 43 44 (Gailledrat, Rouillard 2003, 404) (Gailledrat, Solier 2004, 422) 16. Marguerittes (30) Peyrouse 17. Marguerittes Roquecourbe 525-450: 94,74% 525-450: 100% 46 47 35,5% 8,78% 46 47 18. Mèze (34)

Les Pénitents 500-300: 92,32% (NMI) : 100% 49 29,18% (NMI) : 23,16% 49 19. Murviel-les-Béziers (34) Le Mus 500-375 : ±52% (NMI) : ±65% 50

(31)

20. MVH (530-450) (34)

-Mourèze, les Courtinals -Plaissan, Saint-Gervais -St. Bauzille-de-la-Sylve, Puech Crochu -St. Etienne-de-Gourgas, LesRoquets 500-450 : 88% 525-500 : 60% 530-510 : 72,72% 500-450 : 85,60% 21 1,90% 9% 0,99% 0,30% 21 21. Nages (30)

Les Castels 250-225 :100% 225-200 : (moy.) 96,9% 200-175 : 97,2% vers 175 : 75% 175-150 : 42,5% vers150 (moy.) : 49,25% 150-125 : 33% vers 125 : 22,7% 51 ± 10% (région nîmoise) 57 22. Narbonne (11) Montlaurès 530-500 : 17,39% (NMI) : 0% 500-400 : 30,66% vers 475 : 17,52% (NMI) : 23,81% 52 53 54 21,58% (NMI) : 2,08% 19,94% 63,62% (NMI) : 19% 52 53 54 23. Nîmes (30)

Le Mont Cavalier 525-450 : 82,58% vers 400 : 99,5% 55 56 34,97% 43% 55 56 24. Nissan-lez-Ensérune (34) Ensérune 500-400 : ±70% (NMI) : ± 98% 350-250 : ±28% 300-200 : ± 38% (NMI) : ± 50% 58 59 60

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31 24. Perpignan (66) Ruscino 525-500 : 5,71%, (NMI) : 16,67% 500-475 : 5,45% (NMI) : 10% 475-425 : 0% 425-400 : 2,06% (NMI) : 50% 400-350 : 2,76% (NMI) : 12,50% 350-300 :11,11% (NMI) : 25% 64 65 66 67 68 69 5,69% (NMI) : 5,66% 23,72% (NMI) : 7,69% 18,95% (NMI) : 6,25% 21,64% (NMI) : 11,11% 6,47% (NMI) : 7,84% 64 65 67 68 69 25. Peyriac-de-mer (11) Le Moulin 400-300 : ± 37% 350-300 : ± 6% (NMI) 71 72 13% ou 18% Ugolini, Olive 2004, 71. Granier 2004, 161,115 26. Pézenas (34) Saint-Siméon 525-475 : ± 98% (NMI) : ± 50% 500-400 : ± 82% (NMI) : 60% 73 74 27. Pignan (34) Les Gardies 550-500 :20,50% 500-450 :67,84% 450-400 :92,83% 75 28,7% (cf. notice) 38,9% 30,82% Raynaud,Roux 1983, 48, n.35) 28. Poussan (34) Puech Gayès 550-475 : ±18% 76 29. Saint Bonnet-du-Gard (30) Le Marduel vers 525 : 87,61% (NBd) : 80,95% 525-450 :90,39% 450-440 :96,4% (NBd) : 90,77% 400-375 :99,81% 375-300 :99,69% 300-250 :99,65% 250-200 :99,09% 200-175 : 95,2% 175-125 :72,5% 125-100 :20,4% 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 15,13% (NBd) : 18,75% 23,41% 22,40% (NBd) : 12,13% 15,71% 13,51% 9% 7,98% 6,6% 7,4% 12,5% 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 30. Saint Dionisy (30) Roque de Viou 380-330 : 98,3% 330-290 : 100% 88 89 11,2% 11,1% 88 89 31. Saint-Thibéry (34) Le Fort 400-200 : 500 Fragments. ±10 individus. 90

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32. Salles-d’Aude (11) La Moulinasse 550-525 : 20% v.510-490 : 9,37% 400-350 : 34,88% 91 92 93 3,72% 25,6% 12,5% 91 92 93 33. Salses-le-Château(11) Le Port 500-400 : 3,11% 94 49,47% 94 34. Sigean (11)

Pech Maho 540-510 : 7,7% (NMI) : 18,6% 510-450 : 15,9% (NMI) : 29,4% 95 96 25,6% (NMI) : 13% 37% (NMI) : 20,4% 97 98 35. Villetelle (34) Ambrussum vers 250 : 87,80% 250-200 : 95,40% 200-150 : 68,42% 99 100 101 9,51% 9,22% 3,51% 99 100 101 36. Villevieille (30) 525-450 : 86,89% 102 10,55% 102

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LES SITES MAJORITAIRES

Le commerce massaliète qui prend la suite du commerce étrusque se pratique à une échelle très supérieure : trente établissements sur trente-six contiennent majoritairement des amphores de Marseille (doc.107), contre dix sites étrusques majoritaires sur un total de trente et un (doc.104).

TAUX D’AMPHORES (TA)

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Durée

La fourchette de temps maximum (540-100) apporte la confirmation des « quatre siècles d’Amphore massaliète» (Py 1978b). Ces quatre siècles se divisent en trois périodes : une phase de 525 à 400, une autre de 400 à 300 et une dernière après 300. La première regroupe vingt-cinq sites, la seconde douze, la troisième en comprend neuf.

D’après le document présenté ci-dessus seize sites disparaissent autour des années 400, soit par manque de documentation après cette date (Le Cailar, Peyrouse et Roquecourbe à Marguerittes, le Mont Cavalier à Nîmes) soit par basculement dans l’orbite ibérique (Durban, Nissan-lez-Ensérune). Certains sites s’effacent définitivement (Bessan, Cessenon-sur-Orb, Florensac, Murviel-les-Béziers, Pézenas, Pignan) ou connaissent de longs hiatus jusqu’à la période romaine (Beaucaire, Laudun, Mèze, Villevieille). Après les années 300, les sites de Clermont-l’Hérault, Gailhan, Peyriac-de-Mer sont définitivement abandonnés.

Cette déperdition d’habitats est une des expressions « du phénomène de crise mis en évidence aux IVe-IIe s sur les sites indigènes de la région nîmoise» (Py, Roure 2002, 211) et qui est déjà survenu en Languedoc occidental fin Ve-IVe siècles (Mazière 2004, 122). Néanmoins, ce phénomène de crise en Languedoc oriental s’accompagne des créations de Nages et Villetelle, du maintien de Saint-Bonnet-du-Gard, de la perduration des activités portuaires d’Agde et Lattes et de celles des deux ports fluviaux d’Arles et Espeyran sur le Rhône.

Une crise qui se résout au détriment des petits sites au profit des gros ressemble à une restructuration. Le temps de crise correspond sans doute à celui nécessaire au Languedoc pour s’adapter aux remaniements en cours et accomplir sa transition, en lien avec l’accélération hellénistique en Méditerranée.

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TAUX D’ÉCHANGES (TE)

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Volume des échanges

Les écarts de taux d’échanges entre les sites se répartissent en trois grandes tranches : une première entre 3,6-10%, une seconde comprise entre 10-50%, une troisième au-dessus de 50%.

Cinq sites ont une capacité d’échange inférieure ou égale à 10% : deux stagnent sous la barre de 5% (Clermont-l’Hérault, Durban) et trois autres se tiennent entre 5% et 10% (Laudun, Marguerittes-Roquecourbe, Villetelle).

La zone entre 10%-50%, concentre la majorité des sites qui se distribuent de façon presque égale : quatre habitats appartiennent à la tranche 10%-20% (Arles, Saint-Bonnet-du-Gard, Saint-Dionisy, Villevieille), trois à celle des 20%-30% (Beaucaire, Gailhan, Mèze), cinq autres sites se situent entre 30-40% (Béziers, Florensac, Marguerittes-Peyrouse, Nîmes, Peyriac-de-Mer). Le port fluvio-maritime d’Agde et le port lagunaire de Lattes possèdent une activité commerciale comprise entre 40%-50%.

La tranche supérieure à 50% est représentée par deux ports fluviaux : Espeyran sur le Rhône de 525 à 100 (Barruol, Py 1978, 92) et Le Cailar à une croisée fluvio-terrestre entre 450-350 pendant 100 ans (Roure 2010, 684). Le cas de Bessan qui possède le taux d’échange le plus élevé (Nickels 1989, 115) est à isoler puisque le site s’efface aux alentours de 425 au profit d’Agde.

À l’inverse du commerce étrusque dont le volume d’échange n’excède pas les 30%, sauf à Agde et Lattes (doc.105), le commerce massaliète est beaucoup plus homogène et compact. Mieux réparti et mieux implanté sur le territoire (fig.3), il semble jouer un rôle moteur dans les évolutions en cours, tout en prolongeant celles déjà survenues depuis les débuts de l’âge du Fer sous l’influence du stimulus étrusque.

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37 (fig.3)

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BILAN : UNE POSITION HÉGÉMONIQUE

Un commerce monopolistique

L’essentiel du commerce massaliète en Languedoc se déroule autour de la question de l’approvisionnement en vin : « Marseille a le monopole de la distribution du vin en Gaule méridionale jusqu’au troisième siècle » (Brun 2004, 201-202). L’hégémonie marseillaise est indubitable puisqu’elle s’impose en Languedoc sur trente sites majoritaires (doc.107).

Une politique de Cité-État

Le monopole commercial s’est instauré parce que les marchands massaliètes, après avoir procédé à l’éviction de leurs concurrents étrusques, ont été en capacité de répondre à la demande engendrée par les nombreux habitats et le développement économique du Languedoc (fig.3).

Il paraît difficile de croire que de simples entreprises individuelles ou familiales (aux intérêts divergents) aient pu se hisser à la hauteur d’un tel défi. Il semble plutôt que ce succès a nécessité une anticipation des besoins, l’organisation et la mise en place de réseaux de distribution, une programmation préalable de la production, donc a résulté d’une politique réfléchie de la Cité et du pouvoir fort des Timouques, capables d’imposer une vision globale et à long terme.

La Constitution oligarchique « modérée » ou « républicaine » des Marseillais, évoquée dans Les Politiques d’Aristote (V,6, VI 7, traduction Pellegrin 1993, 362, 437), issue de la pression exercée par une partie de l’oligarchie marchande réclamant sa part de pouvoir, s’élargit (fin IVe-IIIe siècles) à une assemblée de six cents membres méritants élus à vie : les Timouques. Néanmoins, un conseil de quinze membres, renouvelable chaque année, gère les affaires de la cité, tandis que le pouvoir exécutif demeure aux mains d’un collège de trois membres.

Une stratégie commerciale

Les fuyards de Phocée, en possession de l’écriture et d’une monnaie, nimbés d’une prestigieuse aura, ont facilement ébloui les indigènes : Gyptis, la fille du roi ségobrige Nanos, choisit comme époux le parfait inconnu, indifféremment nommé Euxénos ou Protis selon les légendes. Les commerçants phocéens, en pays barbare, ont eu l’occasion de développer sans limites leur immense talent mercantile. Expatriés à Marseille, ils ont tiré profit de leur

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installation définitive et exploité à leur avantage des distances de transport moindres pour « casser » les prix, saper la concurrence étrusque, et faire parvenir rapidement sur le marché gaulois le produit nouveau de « leurs vins parfumés » (Benoît 1980, 197).

Un esprit de conquête

Les Massaliètes, arrivés en intrus vers 600, acquièrent du crédit en usant de diplomatie : ils ne volent pas au secours des pirates phocéens de Corse, adoptent une position de neutralité dans la bataille d’Alalia (Aléria) qui oppose leurs congénères à la coalition étrusco-carthaginoise (540-535). Les victoires grecques d’Himère contre les Carthaginois (480) et de Cumes contre les Étrusques (474) leur permettent plus tard de prendre toute leur place dans le bassin méditerranéen occidental.

Dès leur arrivée, ils investissent l’axe central de communication de la Gaule (le Rhône) où l’on retrouve leurs amphores jusqu’à Lyon et en Gaule centrale. Ils acheminent le cratère de Vix en provenance de Grande-Grèce jusque près de la ville actuelle de Dijon. En Languedoc, les commerçants massaliètes remontent les fleuves et les cours d’eau (fig.3) à la recherche de ressources métallifères et dans l’intention sans doute d’établir des contacts avec les habitants du pays intérieur afin de commercer avec eux. Ils reprennent à Bessan l’avantage que les commerçants ibériques leur ravissent pendant un quart de siècle (Nickels 1989, doc.11) et investissent la vallée de l’Hérault à partir de 550. Ils s’installent à Lattes en 475 et créent ensuite une colonie à Agde en 425.

En revanche, les Massaliètes ne réussissent pas leur extension à l’Ouest malgré l’installation de communautés grecques à Peyriac-de-Mer (Ugolini, Olive 2004, 72), peut-être à Durban (Solier 1992, 352), et dans l’emporion de Sigean. Ils se heurtent à la résistance du commerce ibérique et sans doute à celle d’une population imprégnée de culture ibéro-languedocienne en Languedoc occidental. Ils ne parviennent pas à imposer leur monopole en Roussillon (malgré la proximité d’Ampurias) puisque leurs amphores sont toujours minoritaires à Perpignan (Marichal et.al, 2003) et à Salses-le-Château (Ugolini, Pezin 1993, 81). Ils n’arrivent pas davantage à forcer l’entrée de l’Isthme gaulois où le verrou de Salles d’Aude, placé d’abord sous contrôle étrusque, est ensuite investi par les courants ibériques (Passelac 1995, 180-181-182). Le vin marseillais, même s’il pénètre dans l’Isthme (amphores à Carsac) n’y est jamais majoritaire.

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En phase avec les évolutions

Le fait que les ports fluviaux d’Espeyran et du Cailar affichent des volumes d’échanges supérieurs à ceux du port fluvio-maritime d’Agde et du port lagunaire de Lattes (doc.108), jusque-là dominants, est le signe de grands changements.

La recherche de rentabilité pousse à fabriquer des bateaux de plus en plus gros pour transporter toujours plus d’amphores, mais leur gros tonnage rend problématique la navigation sur la lagune en voie d’enlisement permanent : d’où le choix vraisemblable de Mèze en milieu d’étang de Thau (Rouquette, Ugolini 1997) contre celui de Poussan en extrémité favorisé par les Étrusques (Ugolini, Olive 2004). De tels navires nécessitent aussi l’emprunt de fleuves profonds, d’où une raison supplémentaire d’emprunter le Rhône. Ces contraintes, les améliorations techniques et les progrès en batellerie ont conduit à des changements d’itinéraires.

Le développement du commerce fluvial, permettant une pénétration plus à l’intérieur des terres, s’assortit d’une augmentation des réseaux terrestres indispensables à l’acheminement des marchandises : les voies de circulation se multiplient, doublant ou triplant l’ancien tracé est-ouest par les voies parallèles de Beaucaire-Vaunage-Villevieille, Arles-Espeyran-le Cailar, Beaucaire-Nîmes-Villetelle (fig.3). Les routes terrestres se bordent d’agglomérations, de relais, collaborent à la densification de l’habitat et au maillage de plus en plus dense du territoire.

Ces évolutions conduisent à des formes de gestion socio-économiques de plus en plus complexes, contribuent à l’élévation du niveau économique et culturel des indigènes, profilant à long terme, la question d’une ouverture à la participation des élites locales à la gestion de la région.

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41 CONCLUSION

Le courant commercial massaliète a été suffisamment puissant pour répondre à la forte demande du marché indigène et suffisamment organisé pour assurer une alimentation régulière. Son emprise de « quatre siècles » sur le Languedoc repose autant sur l’esprit d’entreprise des commerçants massaliètes que sur une politique de la Cité, à variables multiples, mais toujours capable de s’adapter à toutes les situations et d’y faire face, comme Marseille le fera sur sa fin en acheminant le vin italien.

La relation entre les populations du Languedoc et le commerce massaliète, qui constitue un des principaux débouchés du marché intérieur de Marseille, revêt une forme quasi symbiotique : les économies locales sont complètement dépendantes des échanges avec Marseille, avançant ou s’effondrant comme à Arles (Arcelin 1995, doc.4, notice 2) ou à Gailhan (Dedet 1980, doc.28, notice 13). Tout semble se passer comme si Marseille qui dispose d’une chôra exiguë l’avait agrandie à son environnement indigène pour en faire le territoire de sa Cité-État.

Le stimulus externe du commerce massaliète et la dynamique interne des sociétés ont interagi dans le sens d’une intensification des échanges et d’un développement de l’urbanisation, d’une évolution des transports et d’un maillage du territoire. La restructuration au profit des sites importants, au deuxième âge du Fer en Gaule méridionale, préfigure et annonce les regroupements futurs autour de gros pôles urbains, comme celui de Nîmes, que les Romains développeront.

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3. LES COURANTS PÉNINSULAIRES IBÉRIQUES

Sous l’appellation « amphore ibérique » sont regroupées ici toutes les amphores provenant d’Espagne, dont celles dénommées « ibéro-puniques » et « puniques » dans les monographies ou publications. Pour E. Gailledrat : « il convient de récuser le terme inapproprié d’ibéro-punique qui ne possède qu’une valeur typologique, les amphores ibériques étant effectivement dérivées de modèles phénico-occidentaux des VIIe et VIe siècles » (Gailledrat 2004, 347).

Le terme d’amphore punique désigne exclusivement « les vases produits dans les ateliers d’Afrique du Nord du groupe Carthage-Tunis, de la baie de Cadix ou d’Ibiza » (Gailledrat 2010a, 491), dont nous ne possédons qu’un individu au Traversant à Mailhac (Gailledrat et al. 2000, 174).

Sinon, toutes les amphores ibériques du Languedoc proviennent des ateliers indigènes de la Côte andalouse (ibid.), du Pays valencien ou de Catalogne (Gailledrat 2004, 347), dont les premières importations datent du second quart ou du milieu du VIe siècle (ibid., 349) et se retrouvent au Cayla à Mailhac, à Narbonne et à Pech Maho à Sigean. À partir du Ve siècle, l’immense majorité des amphores retrouvées sur les rivages du Languedoc provient de « l’aire catalano-valencienne » (Gailledrat 2010a, 494).

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AIRE DU COMMERCE PÉNINSULAIRE IBÉRIQUE

La zone contenant des amphores ibériques s’étend de la rive droite de l’Hérault jusqu’à Perpignan. Ces amphores, très inégalement réparties entre les habitats, ont été comptées sur 21 sites (fig.4).

La très faible diffusion d’amphores ibériques sur les sites de la partie orientale du Languedoc confirme l’existence précoce d’aires commerciales bien délimitées : « à l’ouest de l’Hérault, l’apparente continuité depuis le VIIe siècle d’un courant d’échanges péninsulaires explique qu’une certaine « frontière » se dessine de part et d’autre de ce fleuve » (Gailledrat 1997, 313).

Les taux importants d’amphores ibériques à Marseille et Arles (20%-25%) du Ve siècle, non attribuables à la seule diversité du commerce emporique, sont interprétés comme une demande particulière liée aux habitudes culturelles des communautés grecques ou hellénisées en place : vin, salaisons, huiles domestiques et parfumées (Sourisseau 2004, 336).

Hormis les anciens spécimens d’Aumes (type Maña A) et de Saint-Étienne-de-Gourgas (type Maña B), issus des ateliers indigènes d’Andalousie, « la vallée de l’Hérault ne contient pas d’amphores ibériques » (Garcia 1993, 204), venant confirmer le passage de cette zone dans l’orbite massaliète au VIe siècle (Garcia 1990, 115). Le contrôle grec de cette vallée, ayant perdu le lustre qu’elle affichait au Chalcolithique, dont les taux d’échanges sont à l’étiage, a sans doute davantage servi à marquer un rapport de force qui illustre la compétition des courants commerciaux entre eux.

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AMPHORES COMPTABLISÉES (tableau récapitulatif)

(doc. 109)

SITES

(Départements) TA : taux moyens d’amphores NFr, NMI, NBd

DOCUMENTS

(Annexes). TE : moyens taux d’échanges DOCUMENTS (Annexes) ou Sources littéraires 1. Agde (34) 425-380 : 1% 400-350 : 3% 350-300 : 3% 300-200 : 7% 200-150 : 11% 1 81,28% 80,49% 34,03% 39,09% 41,36% 1 2. Bessan (34) La Monédière 600-575 : 1% 575-540 : 6% 540-520 : 1,5% 520-500 : 6,5% 500-475 :49,75% (moy. IIIa+IIIb) 475-425 : 12,5% 11 18% 23% 60% 93% 78,5% (moy. IIIa+IIIb) 77,5% 11-13 (Gailledrat, Solier 2004, 422-423 3. Béziers (34) 500-400 :34,73% 500-400 :18% (centre ville) 400-300 : ± 32% (NMI) : ± 12% 15 16 17 42,02% 32% (NMI) : 22% (Ugolini, Olive 2004 : 65) 15 4. Cessenon-Orb (34) FourquosEsquinos 525-475 :±20% (NMI) : ± 15% 20 5. Durban (11) Le Calla 450-350 :64,60% 23 17,57% (calculé) 23 6. Espeyran (30) L’Argentière 525-475 : 1,3% 475-425 : 0,3% 425-400 : 0,5% 24 500-400 :55% à 65% 26 7. Florensac (34) Montjoui 525-475 : 1,79% (NMI) 28 16,05% (NMI) 28 8. Lattes (34) Saint-Sauveur 450-425 : 0,05%(a)-0,09%(b) 34 (a-b) a= NFr b=fréquence 450-150 : moy. 45,5% 38

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45 425-400 : 0,07%(a)-0,05%(b) 400-200 : moy. <0,02% 200-125 : moy. <0,03% 125-1 (av. n. è ): moy. <0,01 calibrée 9. Le Cailar (30) Place de la Saint-Jean 500-475 : 4,48% 475-450 : 3,18% 450-425 : 0,96% 41 20,68% 48,65% 69,41% 41 10. Mailhac (11) Le Cayla 575-450 : 57,1% (NMI) 450-325 : 89% (NFr) 43 44 De 7 à 45% (Gailledrat, Rouillard 2003, 404) (Gailledrat, Solier 2004, 422) 11. Mèze (34) Les Pénitents 500-300 : 3,62% (NMI) : 0% 49 29,18% (NMI) : 23,16% 49 12.Murviel-les- Béziers (34) Le Mus 500-375 : ± 25% (NMI) : ±5% 50 13. Narbonne (11) Montlaurès 525-500 : 60% (NMI) : 0% 500-400 :56,45% vers 475 : 79,19% (NMI) : 57,14% 52 53 54 21,58% (NMI) : 2,08% 19,94% 63,62% (NMI) : 19% 52 53 54 14. Nissan-lez-Ensérune (34) Ensérune 500-400 : ± 35% (NMI) : 0% 350-250 : ± 65% 300-200 : ± 47% (NMI) : ± 50% 58 59 60 15. Perpignan (66) Ruscino 525-500 :84,29% (NMI) : 33,33% 500-475 :84,16% (NMI) : 30% 64 65 5,69% (NMI) : 5,66% 23,72% (NMI) : 7,69% 64 65

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475-425 : 100% (NMI) : 100% 425-400 :97,94% (NMI) : 50% 400-350 :93,79% (NMI) : 50% 350-300 :86,11% (NMI) : 50% 300-100 :81,82% (NMI) : 40% 66 67 68 69 70 33,73% (NMI) : 10% 18,95% (NMI) : 6,25% 21,64% (NMI) :11,11% 6,47% (NMI) : 7,84% 13,58% (NMI) : 20% 66 67 68 69 70 16.Peyriac-de-Mer (11) Le Moulin 400-300 : ± 22% 350-300 : ± 8% (NMI) 71 72 58% 18% (Ugolini, Olive 2004 :72) (Granier 2004, 161,115) 17. Pignan (34) Les Gardies 550-500 :28,45% 500-450 : 3,28% 450-400 : 0,50% 75 28,7% 38,9% 30,82% (Raynaud, Roux 1983,48) 18.St.Bonnet-Gard (30) Le Marduel 525-450 :1,21% 450-440 : 1,1% (NBd) : 1,54% 400-375 : 0,05% 300-250 : 0,09% 79 80 81 83 23,41% 22,4% 15,71% 9% 79 80 81 83 19.Salles-d’Aude (11) La Moulinasse 550-525 : 6,67% 510-490 : 62,5% (calculé) 400-350 :65,11% 91 92 93 3,72% 25,6% 12,5% 91 92 93 20. Salses-le château (11) Le Port 500-400 :93,87% 94 49,47% 94 21. Sigean (11) Pech Maho 540-510 : 71,2% (NMI) : 30,1% 510-450 : 75,6% (NMI) : 39,4% 95 96 25,6% (NMI) : 13% 37% (NMI) : 20,4% 97 98 SITES MAJORITAIRES

(48)

47

TAUX D’AMPHORES (doc.110)

Durée

Le commerce ibérique impose sa domination sur dix habitats du Languedoc occidental pendant 475 ans : de 575 jusqu’en 100 avant notre ère. Il connaît une longue phase d’expansion d’environ 180 ans (530-350), suivie d’une phase de reflux à partir de 350 à laquelle échappent quatre sites.

Certains disparaissent définitivement : Bessan, Salses-le-Château. Narbonne connaît un hiatus : « on ne retrouve pas de matériel du IIIe s. au IIe s. » (Sanchez 2014, à paraître). Les données, après 350, manquent pour Durban, Salles-d’Aude et Sigean. En revanche, après cette date, Peyriac-de-Mer (350-300) et Nissan-lez-Ensérune (350-200) passent dans l’orbite ibérique. Sur ces dix sites, seul Perpignan (Ruscino) perdure et franchit la transition des deux âges du Fer.

(49)

TAUX D’ÉCHANGES

(doc.111)

Volume des échanges

Tous les sites possèdent un taux d’échanges supérieur à 15%, procurant aux courants ibériques une assise jamais égalée ni par le commerce étrusque (doc.105) ni par le commerce massaliète (doc.108). Les taux d’échanges se situent dans la fourchette comprise entre 16,7% (Sigean) et 26% (Mailhac). Les résultats de Bessan (87%) évalués sur une période de 25ans sont à isoler (Nickels 1989, doc.11). Le resserrement des taux d’échanges autour de 20% offre l’image d’un courant commercial puissant et régulier.

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49 (fig.4)

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