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LE LANGUEDOC PROTOHISTORIQUE : UN PAYS ÉMERGENT

LES ÉVOLUTIONS SOCIALES ET POLITIQUES

III. LE LANGUEDOC PROTOHISTORIQUE : UN PAYS ÉMERGENT

L’histoire est évolutive et ne se répète pas. Elle offre simplement des situations qui parfois évoquent des ressemblances. Le rapprochement entre le Languedoc de l’âge du Fer et les pays émergents actuels relève de ce domaine des similitudes. Il n’établit pas pour autant une comparaison entre l’intégration d’une région périphérique dans « un fragment de l’univers » (Braudel 1979, déjà cité) et l’absorption de zones entières dans la mondialisation contemporaine.

Dans la postface de « La production des Grands Hommes », Maurice Godelier revisite trente ans plus tard la société Baruya qu’il a commencé d’étudier en 1967 (Godelier 1996). Il observe que les Baruya auxquels l’ONU a donné le statut de nation indépendante en 1975 ont abandonné leurs valeurs traditionnelles, dont celle fondamentale pour eux de devenir un « Grand Homme » par l’art de la guerre. Les Baruya, aimantés par l’argent, bien qu’ils ne l’utilisent pas et le placent sur un livret de caisse d’épargne, se sont néanmoins rapidement convertis à l’économie marchande (ibid., 363).

Ce constat sur la marchandisation rapide des esprits, alerte aussi sur la disparition des sociétés primitives et le tarissement des apports directs de l’ethnologie à l’archéologie, qui va devoir encore élargir davantage ses investigations en direction de l’antrhropologie sociale, comme l’histoire, l’économie, la politique, la littérature...

Dans ce champ de recherche la littérature, même romancée, présente une tranche de vie de la société et offre un reflet de la réalité à un moment précis. Dans ce sens, la littérature africaine francophone actuelle, me paraît pouvoir devenir un bon relais. Les écrivains africains, qui fabriquent leur présent, ressentent encore pour l’instant l’obligation de transmettre et de fixer par écrit l’héritage de leur civilisation orale, comme l’a hautement revendiqué Hampâté Bâ, à la tribune de l’ONU en 1962. Cette écriture apparue majoritairement après la seconde guerre mondiale, retranscrit le passé lointain des sociétés primitives depuis leur genèse, depuis les dieux des cosmogonies des différentes ethnies en réincarnant des croyances enfouies et perpétuées par l’oralité. Cette littérature procure nombre de renseignements sur les sociétés antérieures au colonialisme.

Les sources littéraires, plus encore que les données ethnologiques, sont à lire avec du recul et à manier avec précaution, mais des modes d’organisation politique et sociale, de développement économique inégal et des changements des mentalités, offrent des ressemblances avec des formes de notre passé ou du moins avec celles de notre passé « imaginé » (Wallerstein, exergue).

L’organisation politique

La chefferie africaine est une division territoriale autochtone antérieure à l’administration coloniale qui en a repris le nom et l’usage. Elle se présente comme une entité politique à part entière : «Avant d’arriver à cette localité, on devait passer à Gouban où résidait Karibou Sawali, demi-frère puîné de Brildji et prétendant légitime à la succession de la chefferie de Witou » (Bâ 1992, 170). C’est ici : « une chefferie Mossi du cercle de Kandougourou » (Bâ 1994, 228), ou « Que feras-tu à Togobala ? La chefferie est morte. Togobala est fini, c’est un village en ruine » (Kourouma, 1970, 181).

Les chefferies entretiennent entre elles des rapports hiérarchiques qui s’expriment par une gradation des titres : « le chef de cette principauté peul, Idrissa Ouidi Sidibé, était l’un des plus grands et des plus réputés parmi les chefs indigènes de Haute-Volta. En importance, il venait immédiatement après le Moro Naba, empereur des Mossis » (Bâ 1994, 232-233). Á l’inverse, certaines chefferies fonctionnent sans lien hiérarchique. Quelques chefs africains sans pouvoir, à l’image des chefs amérindiens de P. Clastres ou mélanésiens de M. Shalins, sont au service de leur communauté et ne dépendent que du jugement collectif : « Notre chef ne sait pas commander, il a envoyé des hommes combattre sans préparation et nous voilà vaincus. Malheur, Bizena (le dieu) aide-nous ! Le chef semble avoir compris toute la machination. Il marche seul, abandonné, déserté. Il ne parle pas, ne prend même pas sa propre défense, il écoute tête baissée » (Dongala 1987, 41).

D’autres chefferies, secondées par des intermédiaires conciliants, pratiquent la collusion avec le colonisateur : « Enfin, lorsque le calme reviendra dans ce beau pays, une conférence plénière se tiendra afin de discuter de l’avenir politique et économique du territoire. Et les indigènes évolués se confondirent en remerciements comme cela se fait entre gens civilisés et promirent de raisonner la population. Ils sortirent tous dans la cour pour une dernière poignée de main » (Dongala 1987, 205).

L’organisation sociale

L’organisation sociale perpétue des modèles hérités « de sociétés encastrées dans les rapports sociaux et les liens de parenté » (Polanyi déjà cité). Ainsi : « Confier son enfant à un tiers était alors une coutume très fréquente dans nos pays, elle subsiste encore, mais tend à diminuer en raison des conditions sociales et économiques » (Bâ, ibid., 295).

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Ou encore : « Son successeur qui fut couronné en 1906 garda mon oncle marabout auprès de lui et augmenta ses prérogatives. Il ajouta à son prestige en lui donnant une de ses soeurs en mariage » (Bâ 1994, 113).

L’ensemble de l’organisation sociale, immergée dans la culture orale, privilégie la parole : « Il avait oublié la réalité du pouvoir dans son pays, dans cette Afrique où l’acte et la parole ne sont que les côtés d’une même chose, où l’on condamne un homme aussi sévèrement pour l’opinion qu’il a exprimée que pour l’acte qu’il a commis. Oui, il avait oublié qu’ici la parole n’était pas gratuite comme en Occident. Sinon, aurions-nous bâti toute une civilisation sans écriture ? » (Dongala 1973, 125). Cette importance accordée à la parole, donc à la parole donnée, me fait revenir sur la suspicion que j’avais à propos de la solidité des engagements oraux passés entre les chefs locaux du Languedoc et les commerçants étrangers.

Un développement économique inégal

Certains faits relatent des traits d’archaïsme. Un événement daté des années 1933 montre, malgré l’emprise coloniale, que l’usage de l’argent n’est pas encore bien répandu en Haute-Volta (actuel Burkina Faso) : « Je donnais au palefrenier cinq cents cauris, ces petits coquillages blancs décoratifs qui servaient encore de monnaie à l’époque » (Bâ 1994, 86). Un chef local, suspicieux à l’endroit de la monnaie et préférant revenir aux contreparties en nature pour payer son tribut au colonisateur, répond au commandant de cercle : « Si le commandant veut que je lui règle l’impôt que je dois à la France en chameaux, autruches, bœufs, moutons, chèvres, mil, riz, beurre de vache ou même captifs, je peux le faire. Mais s’il exige que je lui donne les galettes qu’il me montre là et qui sont cuites en France, alors c’est qu’il veut la bagarre. » (ibid., 211).

Un autre trait d’archaïsme apparaît dans l’usage maintenu et renouvelé du principe de redistribution. Un chef de Côte d’Ivoire, dans le but de gagner les faveurs de sa communauté (en vue d’une élection) convie tous les membres de sa population à un grand rassemblement et un immense banquet : « La veille des élections, Béma organisa un grand festin sur la place du marché pour tous ceux qui dans leur vie n’avaient jamais, une seule fois encore, mangé à leur faim, c’est-à-dire pratiquement nous tous. Il nous offrit d’avaler du riz bien cuit et pimenté aux oignons et soumara, de déchirer de la viande avec nos canines. Nous nous sommes ballonnés au point que nos ventres ont retenti comme la peau de tam-tam bien tendue et longuement chauffée ; la générosité ne troubla point, ne changea en rien à nos décisions : nous n’avons jamais eu la reconnaissance du ventre » (Kourouma 1990, 236).

Cette redistribution rappelle des situations connues à l’âge du Fer, parmi lesquelles celle du fameux cratère de Vix contenant 1100 litres capables d’abreuver 4500 personnes, ou celle d’un roi arverne du Ier siècle avant notre ère jetant des pièces d’or depuis son char, anecdote contée par Poseidonios d’Apamée (Olivier, 2017, 42). On peut justement se demander si ces exemples de redistribution étaient empreints des mêmes arrières pensées politiques que celles fomentées par ce chef de Côte d’Ivoire ?

Un des traits les plus saillants de la modernité se manifeste par l’urbanisation et l’excroissance des villes, qui ont transformé définitivement les manières de vivre et les façons de penser des habitants : « On disait que c’était une cité immense avec des gens de toutes races, de toutes ethnies et qu’on pouvait y disparaître aussi facilement qu’un grain de riz sur une plage de sable » (Dongala 1987, 126).

La ville est le refuge des paysans sans terre et de tous les pauvres : « Il ne lui restait plus qu’un endroit où aller, cette grande ville (Brazzaville) qui était devenue la capitale de l’État, bâtie par les étrangers (ibid.).

En même temps, la ville est aussi un lieu de perdition et de perversion de toutes les valeurs : « Les grands vols et la grande délinquance ne commenceront à apparaître qu’avec la généralisation de l’argent et la pénétration de la civilisation moderne, et de préférence dans les grandes villes » (Bâ 1994, 334).

Le phénomène urbain, porteur d’avenir mais aux effets contradictoires, plonge ses racines dans l’exode rural et l’appauvrissement continu des producteurs : « Chaque fois que l’année avait été mauvaise et les récoltes insuffisantes, les chefs de famille nécessiteux étaient obligés d’emprunter l’argent de l’impôt auprès des gens aisés qui acceptaient de leur prêter en échange d’une garantie sûre : ces pères de famille engageaient donc chez les prêteurs leurs enfants en âge de travailler, jusqu’à ce qu’ils soient en état de rembourser leur dette » (Bâ 1994, 335). Ce constat fait penser à « l’esclavage pour dette » de la Grèce antique, laisse imaginer les désastres causés par les crises du IVe siècle dans les campagnes de Gaule méridionale et le dénuement de ceux qui sont venus grossir la population des villes, dont celle de Marseille.

Outre l’emmêlement d’éléments archaïques et modernes, le développement économique inégal sous dépendance institutionnalise la relégation des indigènes à un rang inférieur : « quand ils iront manifester devant la maison du gouverneur pour dénoncer l’exploitation dont ils sont victimes… on leur montrera un papier jauni. Ils liront que leurs aïeux ont bien cédé la

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souveraineté du pays, qu’ils ont accepté par ce bout de papier de fournir un kilo d’ivoire pour un kilo de sel, de faire des journées de travail non rémunérées, de livrer une quantité mensuelle de caoutchouc et ainsi de suite, bref qu’ils ont accepté, soit par ignorance, soit par cupidité, cet échange inégal qui restera longtemps la marque de leurs relations avec le pays de ces étrangers » (Dongala 1987, 79-80).

Des comportements de colonisés

La plupart des chefs, comme on l’a vu pour ceux de l’âge du Fer en Languedoc, affichent leur pouvoir en étalant leur richesse avec ostentation : « L’Eze Wosu d’Omokachi était peut- être le plus richement paré. Les couleurs de son pagne étaient éblouissantes. Une femme déclara que le pagne de Wosu constituerait aisément la dot d’au moins quatre futures épouses » (Amadi 1993, 114).

Ils imitent les comportements du colonisateur en les caricaturant et les adaptant à leur convenance : « C’était le prince Lolo qui arrivait, entouré par ses courtisans et ses griots, tous à cheval, et suivi par une garde aussi armée que pour aller à l’attaque d’une fortification ennemie » (Bâ 1994, 89).

Ils reproduisent la hiérarchie du système colonial pour un profit à court terme sans en mesurer les effets de division à long terme. Hampâté Bâ signale l’attitude arrogante des dirigeants des trois villes sénégalaises récompensées par la France pour la bravoure de leurs tirailleurs à la guerre de 1914-1918 : « Ainsi par un phénomène plus ou moins consacré par l’histoire, les auxiliaires des conquérants se considéraient comme des conquérants eux- mêmes » (Bâ, ibid., 111).

Enfin, les populations confrontées à une civilisation qu’elles ressentent comme plus avancée et qui les domine économiquement éprouvent un grand trouble, que même l’acculturation ne semble pas résoudre : « Partagés entre nos désirs de posséder la culture de nos colonisateurs et de redevenir nous-mêmes, nous ne savions plus qui nous étions » (Dongala 1973, 235).

Il faut entendre ce traumatisme, et sans doute par récurrence le transposer aux populations du Languedoc confrontées à une situation assez similaire.

CONCLUSION

Le cœur de l’activité commerciale, à l’âge du Fer en Languedoc, se tient en Méditerranée dans l’espace de « l’économie-monde archaïque ».

Dès l’extrême fin du VIIe siècle et au début du VIe siècle, les courants commerciaux en provenance des cités étrusques méridionales, de Grande-Grèce, de Marseille ou des régions ibériques, sillonnent le bassin occidental méditerranéen.

Les accords qui réglementent l’emporía autour des années 550-530 avant notre ère découpent la Méditerranée en plusieurs zones commerciales réparties entre les puissances maritimes du moment. Ce découpage accorde la Ligurie et une partie du Languedoc au commerce massaliète et laisse aux courants phénico-ibériques la portion depuis la rive droite de l’Hérault jusqu’en Espagne.

Ces deux forces dominantes en Languedoc, après l’effacement du commerce étrusque, sont en compétition et imposent l’hégémonie dans leur zone en intensifiant leurs échanges commerciaux et en les stabilisant par des implantations communautaires. Chaque courant stimule l’économie et laisse son empreinte culturelle dans la région au travers de productions céramiques, de graffitis ou d’écritures différentes. Mais la concurrence vivace entre ces deux aires économiques ne faiblit jamais et trouve son prolongement dans les accords de Marseille avec Rome contre Carthage en 340 avant notre ère. L’explication de cette alliance par la rivalité politico-économique entre Grecs et Carthaginois semble avantageusement remplacer la légende qui veut que les Phocéens se sentent redevables envers Rome depuis l’accueil généreux de Tarquin l’Ancien, alors roi de la ville (616-578).

L’ouverture du Languedoc au commerce représente l’étape préliminaire de son intégration dans le système méditerranéen et le prélude à toutes les transformations qui ont suivi.

La multiplication des circuits de redistribution des marchandises a augmenté les voies de comunication, tissé un maillage du territoire qui a favorisé la propagation rapide du nouveau mode économique. Les commerçants méditerranéens ont mis l’économie du Languedoc en adéquation avec celle en vigueur en Méditerranée, accélérant ainsi son caractère marchand. Les contreparties en nature ont joué le rôle de monnaies marchandises et donné naissance à un type d’échange basé sur le donnant-donnant et une hiérarchie des objets. Ces échanges de type marchand (Bonte, Izard), commencent à se monétiser en Languedoc à partir du IIIe

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siècle avant notre ère, évoluant jusqu’à l’orée d’une économie moderne institutionalisée par la monnaie.

La notion de monnaies marchandises remet en cause une des théories de l’économie classique qui veut que l’homme se soit toujours adonné au troc et que la monnaie soit apparue pour le faciliter. D’autres économistes qui réfutent cette vision de l’homme en appellent à l’anthropologie et à Polanyi pour qui l’économie des sociétés primitives est encastrée dans les rapports sociaux et les liens de parenté, gouvernée par de multiples formes de dettes qui excluent le troc sinon en période de pénurie. D’ailleurs les exemples de troc recencés par les anthropologues renvoient principalement à un code d’honneur pratiqué entre chefs et à des échanges chargés de valeurs rituelles et cérémonielles (Malinowsky, Mauss).

L’échange marchand, exercé depuis la fin du VIIe siècle en Languedoc, se distingue de toutes les autres formes d’échanges pratiquées jusque-là. Cet échange est inégalitaire parce qu’il ne se déroule pas complémentairement entre producteurs comme au temps du commerce lointain, mais entre des producteurs et les puissants marchands méditerranéens. Il l’est parce qu’il repose sur le commerce et que ce dernier tire ses profits du décalage des niveaux de vie entre les différentes zones du pourtour méditerranéen, pillant les régions pauvres au profit des plus riches (Braudel). Il l’est parce qu’en faisant prédominer la valeur d’échange sur la valeur d’usage, il établit une hiérarchie entre la marchandise et le produit, rabaisse le produit (fruit d’un travail) par rapport à la marchandise (fruit d’une spéculation) faisant primer l’intérêt financier sur le travail productif. Il l’est parce qu’il dévoie les mentalités en leur instillant la primauté de l’argent, créant un danger déjà dénoncé par Aristote au IIIe siècle avant notre ère. Cette économie marchande, dirigée par le capital marchand grec puis romain, a colonisé tout l’espace de la Méditerranée au dernier millénaire, réduisant les acteurs en simples pourvoyeurs d’un système en voie de généralisation.

L’inégalité économique a sa traduction politique et sociale. Le dénivelé social existe au sein des sociétés du Languedoc de l’âge du Fer, où l’on a vu qu’une partie de la population est utilisée comme main-d’œuvre pour le transport des marchandises, tandis que la fraction dirigeante des chefferies profite des retombées du commerce.

La caractérisation sociale et politique de la chefferie reste difficile à cerner et donne lieu à des débats de spécialistes (Testart 2005). Dans le schéma évolutionniste adopté ici, la chefferie oscille politiquement entre l’organisation tribale et la mise en place des d’éléments constitutifs d’un État archaïque.

Les chefferies du Languedoc, à la tête de petits territoires, directement soumises au capital marhand méditerranéen bien avant toutes les autres régions de Gaule, ont choisi de se soumettre et de se rallier au pouvoir dominant. Ces chefferies plus ploutocratiques qu’aristocratiques ont en définitive laissé peu de traces de leur passage, tant dans l’exhibition funéraire que dans l’édification d’ouvrages d’art.

Les événements qui se déroulent en Méditerranée ont des répercussions sur les populations locales par le fait que leur intégration dans l’activité commerciale les soumet à l’économie-monde archaïque et par le fait que la puissante et proche Marseille offre le seul débouché possible à l’écoulement de leurs productions.

Enfin les conflits entre grandes puissances pour conquérir l’hégémonie, qui se soldent par un changement de « leadership » en Méditerranée, se résument à la construction politique de l’empire (grec et romain) qui provoque d’énormes perturbations dans tout le pourtour méditerranéen. La dimension de l’empire, échelle à laquelle dorénavant se joue la partie depuis le Ve siècle avant notre ère, relègue encore plus au dernier rang les petites chefferies du Languedoc et assujettit encore davantage leurs populations.

Ce hiatus profond entre des forces disproportionnées fait penser à la position actuelle des pays « émergents », tiraillés entre l’héritage de sociétés archaïques et la pression mondiale de la « modernisation ». La littérature des pays africains, par exemple, exprime le désarroi vécu par ces populations et nous transmet par retour une vision de notre propre passé, esquissant une réponse au sentiment diffus que nous éprouvons pour nos ancêtres : si lointains mais aussi si proches.

La mutation d’une économie archaïque vers l’économie marchande à l’âge du Fer en Languedoc, à la vitesse accélérée de moins de cinq siècles, a été un épisode violent et plein d’agressivité : « le mécanisme que le mobile du gain mit en branle ne peut se comparer pour ses effets qu’à la plus violente des explosions de ferveur religieuse qu’ait connues l’histoire » (Polanyi, 1983, 70).

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NOTICE 1

Le décompte des amphores, repris par G. Marchand et D. Garcia (1995) depuis les listes d’inventaires laissées par A. Nickels, est présenté sous forme d’un tableau (doc.1) et de deux documents iconographiques visualisant les taux moyens d’importation d’amphores (doc.2) et le volume moyen des échanges (doc.3). Le (doc.1) correspond au tableau 1, p.100, les deux documents suivants correspondent aux taleaux 2 et 3 p.101 (ibid.).

Le taux d’échange jamais inférieur à 22% (doc.3) indique un site fortement impliqué dans les réseaux commerciaux depuis ses débuts. La courbe met en évidence un palier à 80% qui reflète la main mise de Marseille sur Agde et deux périodes de relatif moindre échange. La première déprise de 480 à 425 pourrait correspondre à la chute qu’on observe au passage

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