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Déterminants des niveaux sériques d'interleukine-6 chez les patients avec un cancer de la sphère oto-rhino-laryngologique

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Academic year: 2021

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(1)

Déterminants des niveaux sériques d’interleukine-6

chez les patients avec un cancer de la sphère

oto-rhino-laryngologique

Mémoire

Sylvine Carrondo Cottin

Maîtrise en épidémiologie - épidémiologie clinique - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

(2)

Déterminants des niveaux sériques d’interleukine-6 chez les

patients avec un cancer de la sphère

oto-rhino-laryngologique

Mémoire

Sylvine Carrondo Cottin

Sous la direction de :

Isabelle Bairati, MD, PhD

(3)

Résumé

Contexte Des travaux antérieurs ont montré que l'interleukine-6 circulante (IL-6) était un facteur

prédicteur significatif de la survenue de seconds cancers primaires (SCP) chez les patients atteints d'un cancer de la sphère oto-rhino-laryngologique (ORL).

Objectif Le but de cette étude était d'identifier les facteurs associés aux niveaux sériques d'IL-6 chez

les patients atteints de cancer ORL de stade I-II.

Méthodes Cette étude a été réalisée dans le cadre d'un essai de chimioprévention de phase III. Un

échantillon de sérum a été obtenu avant tout traitement auprès de 527 des 540 patients présentant un cancer ORL recrutés pour participer à l'essai clinique. L'IL-6 a été mesurée par immunométrie chimioluminescente. Les caractéristiques sociodémographiques et cliniques des patients, leurs habitudes de vie et les caractéristiques de leur tumeur ont été évaluées. Les facteurs indépendamment associés aux niveaux sériques d'IL-6 ont été identifiés en utilisant un modèle de régression linéaire multiple.

Résultats La concentration médiane d'IL-6 dans le sérum était de 3,1 ng/L (intervalle interquartile :

2,20-4,40). L'analyse multivariée a permis d’identifier huit facteurs significativement associés à l'IL-6 (P ≤ 0,05) : l’âge, le sexe, le statut matrimonial, l’indice de masse corporelle, le tabagisme, l’indice de comorbidités, le score de performance de Karnofsky et le site tumoral. Chez les fumeurs, les taux sériques d'IL-6 augmentaient de façon dose-dépendante avec la durée du tabagisme (p de tendance = 0,03) et avec le nombre de paquets-années consommés (p de tendance = 0,03).

Conclusion Ces résultats ont montré que plusieurs facteurs de risque standards de SCP sont aussi

associés aux taux circulants d'IL-6. Ceci suggère que l'effet de ces facteurs sur la survenue de SCP pourrait être médié par un processus inflammatoire. De plus, nous avons montré une relation dose-réponse avec la quantité ou la durée du tabagisme, suggérant un rôle causal du tabac dans la production d'IL-6.

(4)

Abstract

Background In a previous work, we reported that circulating interleukin-6 (IL-6) significantly improves

outcome prediction for second primary cancer (SPC) in head and neck cancer (HNC) patients.

Objective The purpose of this study was to identify factors associated with IL-6 serum levels in patients

with stage I or II HNC.

Methods This study was conducted as part of a phase III chemoprevention trial. A pretreatment serum

sample was obtained from 527 of the 540 HNC patients recruited in the trial. IL-6 was measured on an Immulite analyzer with chemiluminescent immunometric assay (Siemens Diagnostics). Patients’ socio-demographic and medical characteristics, lifestyle habits and cancer characteristics were evaluated before radiation therapy. Factors independently associated with IL-6 levels were identified using the multiple linear regression.

Results The median of IL-6 serum level was 3.1 ng/L (Interquartile range: 2.20-4.40). In the multivariate

analysis, eight factors were significantly associated with IL-6 (P ≤ 0.05): age, sex, marital status, body mass index (BMI), smoking, comorbidity index, Karnofsky performance status, and cancer site. In cigarette smokers, IL-6 serum levels increased with longer durations of cigarette smoking (p-value for trend = 0.03) and with the number of pack-years consumed (p-value for trend = 0.03).

Conclusion These results showed that several standard risk factors of SPC, such as age, BMI and

smoking status, are associated with circulating IL-6 levels. This suggests that the effect of these factors on the occurrence of SPC might be mediated by an inflammatory process. Moreover, we have shown a dose-response relationship with the quantity smoked or the duration of smoking suggesting a causal role of tobacco in IL-6 production.

(5)

Table des matières

RÉSUMÉ III

ABSTRACT IV

TABLE DES MATIÈRES V

LISTE DES TABLEAUX VII

LISTE DES FIGURES VIII

ABRÉVIATIONS IX

REMERCIEMENTS X

AVANT- PROPOS XI

INTRODUCTION 1

CHAPITRE 1 : REVUE DE LA LITTERATURE 2

1.1. LE CANCER OTO-RHINO-LARYNGOLOGIQUE (ORL) 2

1.1.1. ÉPIDÉMIOLOGIE 2

1.1.1.1. INCIDENCE DES CANCERS ORL 2

1.1.1.2. SURVIE DES PATIENTS AVEC UN CANCER ORL 2

1.1.2. ÉTIOLOGIE DES CANCERS ORL 3

1.1.2.1. TABAC 3

1.1.2.2. ALCOOL 4

1.1.2.3. VIRUS DU PAPILLOME HUMAIN 5

1.1.2.4. AUTRES FACTEURS DE RISQUE 6

1.1.3. RECIDIVE 7

1.1.4. SECONDS CANCERS PRIMAIRES (SCP) 7

1.1.5. FACTEURS PRONOSTIQUES DE SCP, DE RECIDIVE ET DE DECES 8

1.1.5.1. ÂGE LORS DU PREMIER DIAGNOSTIC DE CANCER 8

1.1.5.2. GENRE 9

1.1.5.3. PREDISPOSITIONS GENETIQUES 9

1.1.5.4. TRAITEMENTS PAR RADIOTHERAPIE DES CANCERS ORL 10

1.1.5.5. HABITUDES DE VIE 10

1.1.5.6. FACTEURS INFECTIEUX 10

1.1.5.7. INTERLEUKINE-6(IL-6) 11

1.2. L’INTERLEUKINE-6 11

1.2.1. MÉCANISME D’ACTION 11

(6)

CHAPITRE 2 : OBJECTIFS 15 CHAPITRE 3 : ARTICLE 16 3.1. TITRE EN FRANÇAIS 16 3.2. RÉSUMÉ 16 3.3. TITRE EN ANGLAIS 17 3.4. ABSTRACT 17 3.5. INTRODUCTION 18

3.6. MATERIALS AND METHODS 18

3.6.1. STUDY POPULATION 18

3.6.2. BASELINE DATA COLLECTION 19

3.6.3. IL-6 MEASUREMENT 19

3.6.4. STATISTICS 19

3.7. RESULTS 20

3.8. DISCUSSION 29

CHAPITRE 4 : DISCUSSION 32

4.1. DISCUSSION COMPLÉMENTAIRE À L’ARTICLE 32

4.1.1. ASSOCIATION ENTRE INTERLEUKIN-6 ET COMORBIDITES 32

4.1.2. ASSOCIATION ENTRE INTERLEUKIN-6 ET SOMMEIL 32

4.2. FORCES ET FAIBLESSES DE L’ÉTUDE 33

4.2.1. DEVIS D’ÉTUDE 33

4.2.2. SÉLECTION DES PARTICIPANTS À L’ÉTUDE 33

4.2.3. QUALITÉ DES DONNÉES 34

4.2.4. PRISE EN COMPTE DES FACTEURS POTENTIELLEMENT CONFONDANTS 34

4.2.5. PUISSANCE 34

4.2.6. GÉNÉRALISATION 35

4.3. PERSPECTIVES DE RECHERCHE 35

CONCLUSION 37

BIBLIOGRAPHIE 38

ANNEXE 1 – QUESTIONNAIRE GÉNÉRAL ET D’HABITUDES DE VIE STRUCTURÉ 50

(7)

Liste des tableaux

Table 1. Sociodemographic, clinical and health behavior characteristics of patients with head and neck cancer (N = 527). ... 21 Table 2. Associations between selected factors and IL-6 serum levels (N = 527). ... 24 Table 3. Factors independently associated with IL-6 serum levels in the multivariate linear regression and in the bootstrapping regression model (N = 527). ... 26 Table 4. Multivariate analyses showing lifetime cigarette consumption variables associated with IL-6 serum levels (N = 527). ... 28

(8)

Liste des figures

Figure 1. Mécanisme d’action de l’Interleukine-6 (tiré de Reihmane et al. 2013). [112] ... 12 Figure 2. Possibles relations entre le tabac, IL-6 et l’apparition de seconds cancers primaires. ... 35

(9)

Abréviations

g/j grammes par jour

IC 95% Intervalle de confiance à 95% IL-6 Interleukine-6

IMC Indice de masse corporelle ng/L Nanogrammes par litre ORL Oto-rhino-laryngologique

RC Rapport de cote (Odds ratio - OR) RR Risque relatif (Relative risk – RR)

RRI Rapport de risque instantané (Hazard ratio - HR) SCP Second cancer primaire

SEER Surveillance, Epidemiology, and End Results VPH Virus du papillome humain

(10)

Remerciements

Je remercie en premier lieu ma directrice de recherche, Dre Isabelle Bairati, pour m’avoir permis ce retour aux études et m’avoir fourni un encadrement hors pair. Je suis très reconnaissante de la patience dont elle a fait preuve, de la confiance qu’elle m’a accordée et je souligne son professionnalisme resté sans faille malgré les épreuves. J’ai appris énormément à ses côtés.

J’adresse mes remerciements aux membres de mon jury, les Drs Pierre Douville et Michel Prud’Homme, pour s’être rendus disponibles et avoir accepté d’ajouter la révision de mon mémoire à leur emploi du temps déjà chargé.

Outre le mémoire, je suis fière que mes travaux aient conduit à la publication d’un article scientifique, Je remercie donc mes co-auteurs, Stéphane Turcotte, Dr Pierre Douville, Dr François Meyer et Dre Isabelle Bairati, pour leur implication dans ce beau travail.

Cette maîtrise n’aurait pu se réaliser sans l’appui de mes employeurs, les neurochirurgiens du CHU de Québec - Hôpital de l’Enfant-Jésus, qui m’ont fortement encouragée et appuyée dans cette démarche.

Merci à David pour le soutien et la disponibilité sans faille.

Enfin, une mention spéciale à mes proches pour leur support, leurs encouragements, ainsi que leur indulgence et leur compréhension face à mes absences et mes longues heures de travail.

(11)

Avant- propos

Ce mémoire comporte un article inséré ayant pour titre « Predictors of circulating interleukin-6 levels in head and neck cancer patients. » qui a fait l'objet d'une publication scientifique dans la revue Cancers of the Head & Neck en mai 2018 (Cottin SC, Turcotte S, Douville P, Meyer F, Bairati I. Predictors of circulating INTERLEUKIN-6 levels in head and neck cancer patients. Cancers of the head & neck. 2018;3:1. doi:10.1186/s41199-018-0029-5).

Liste des auteurs de l'article :

Sylvine Carrondo Cottin1,2, Stéphane Turcotte1,2, Pierre Douville1,2,3, François Meyer1,2,3, Isabelle

Bairati1,2,3

Affiliations des auteurs de l'article :

1 Centre de recherche en cancérologie de l’Université Laval, Québec, QC, Canada 2 Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval, Québec, QC, Canada 3Faculté de médecine, Université Laval, Québec, QC, Canada

Contribution des auteurs de l'article :

L'auteur principal est Sylvine Carrondo Cottin, PhD, qui a élaboré le protocole pour le projet de recherche en collaboration avec les Drs Isabelle Bairati et François Meyer. Elle a supervisé les analyses statistiques réalisées par Stéphane Turcotte et elle a interprété les données en collaboration avec l’équipe de recherche. Sylvine a été en charge de disséminer les résultats de cette recherche dans plusieurs congrès régionaux et nationaux. Elle a eu la responsabilité de rédiger un article scientifique qui a été accepté dans une revue scientifique avec comité de pairs.

Dr Isabelle Bairati est professeure titulaire au département de chirurgie de la Faculté de médecine de l’Université Laval et elle a agi en tant que directrice de recherche dans le cadre de ces travaux de maîtrise en épidémiologie clinique. Elle a été le chercheur principal de l'essai clinique auquel cette étude est rattachée et dans le cadre duquel les données utilisées dans le présent mémoire ont été collectées. Dr Isabelle Bairati a supervisé le projet de maîtrise de sa conception jusqu'à la rédaction de l'article et du mémoire.

Dr Pierre Douville est professeur de clinique en biochimie. Il a participé à titre de co-chercheur à l’essai clinique de chimioprévention dont sont issues les données. Il a procédé au dosage de l’IL-6 dans les échantillons et a révisé l’article scientifique.

Dr François Meyer est professeur titulaire au département de médecine sociale et préventive de la Faculté de médecine de l’Université Laval. Il a participé à titre de co-chercheur à l’essai clinique dont sont tirées les données. Il a participé à l’élaboration du protocole du projet dont fait l’objet ce mémoire et il a participé à la révision de l’article scientifique.

Stéphane Turcotte est biostatisticien et a procédé à l’analyse statistique des données ainsi qu’à la révision de l’article scientifique.

(12)

Le contenu de ce mémoire a été présenté en partie lors de congrès ou journées scientifiques : - Bairati I., Carrondo Cottin S., Talbot D., Douville P., Meyer F. Relationships between serum interleukin-6, tobacco consumption and the occurrence of second primary cancers in head and neck cancer patients. American Society of Clinical Oncology annual meeting. 1-5 juin 2018, Chicago, États-Unis.

- Cottin S., Talbot D., Turcotte S., Meyer F., Bairati I. Déterminants de la concentration sérique de l’interleukine-6 chez les patients atteints de cancer de la sphère ORL. Journée annuelle de la recherche du Département de chirurgie, 6 mai 2016, Québec.

- Cottin S., Turcotte S., Meyer F., Bairati I. Déterminants de la concentration sérique de l’interleukine-6 chez les patients atteints de cancer de la sphère ORL. Journées de la recherche en santé de la Faculté de médecine, 25-26 mai 2016, Québec.

- Cottin S., Turcotte S., Meyer F., Bairati I. Factors influencing interleukin-6 serum levels in patients with head and neck cancer. Conférence canadienne sur la recherche sur le cancer, Montréal, 8-10 novembre 2015.

(13)

Introduction

Le cancer de la sphère oto-rhino-laryngologique (ORL) est le 7ème cancer le plus fréquent dans le monde avec une incidence annuelle de 15 pour 100 000 personnes [1]. Au Canada, on estime que plus de 4 300 personnes développeront un cancer ORL chaque année et que près de 1 610 d’entre elles en décèderont [2]. Grâce aux progrès de la détection précoce, entre 40 et 50% des patients sont diagnostiqués à des stades I ou II et les tumeurs de stades précoces présentent un taux de survie à 5 ans de plus de 60% [2]. Bien que le contrôle loco-régional des tumeurs ORL de bas grade ait grandement amélioré la survie des patients, le pronostic est souvent compromis par la survenue de seconds cancers primaires (SCP) [3, 4].

L’interleukine-6 (IL-6), une cytokine inflammatoire synthétisée par de nombreuses cellules immunitaires et non-immunitaires dont les cellules tumorales, se lie à un récepteur membranaire ou soluble afin de former un complexe avec le récepteur de transduction de signal gp130 [5]. Cette interaction conduit à l’activation de nombreuses voies de signalisation impliquées notamment dans la régulation de la réponse immunitaire de divers organes et systèmes. Plus récemment, l’IL-6 a été décrite dans l’activation de voies de signalisation jouant un rôle dans la régulation de la prolifération, la survie et l’invasion des cellules cancéreuses [6]. Plus spécifiquement, l’IL-6 induit la tumorigénèse et la prolifération des cellules tumorales [7, 8], l’angiogénèse et la migration cellulaire [9, 10] et régule l’interaction entre les cellules tumorales et le stroma [11]. Des niveaux élevés d’IL-6 ont été observés dans plusieurs tumeurs solides [12]. Plus particulièrement, de fortes concentrations d’IL-6 circulante ont été mesurées chez des patients atteints de cancer ORL comparativement à des sujets contrôles [13, 14]. De plus, nous avons rapporté dans des travaux antérieurs menés chez 540 patients atteints de cancers ORL de stade I-II, que des niveaux élevés d’IL-6 sérique avant traitement étaient associés avec la survenue de SCP [15]. Une étude de cohorte réalisée sur 444 patients atteints de cancer ORL de tout stade a montré une association entre des niveaux élevés d’IL-6 circulante avant traitement et le risque de récidive, ainsi qu’avec un mauvais pronostic [16].

Le tabagisme et la forte consommation d’alcool sont les principaux facteurs de risque des cancers ORL [17]. La littérature rapporte également une augmentation de la survenue des SCP chez les patients fumeurs [18]. De plus, certaines études ont noté une association significative entre les niveaux élevés d’IL-6 dans le sérum et le tabac [19, 20]. Récemment, une étude transversale conduite au moment du diagnostic chez des patients atteints de cancer ORL a montré que certaines habitudes de vie telles que la consommation de tabac ou les troubles du sommeil étaient associées avec les taux sériques d’IL-6 [21].

L’objectif de la présente étude était donc d’identifier les déterminants associés avec les concentrations d’IL-6 circulante chez des patients atteints de cancer ORL de stade I et II.

(14)

Chapitre 1 : Revue de la littérature

1.1. Le cancer oto-rhino-laryngologique (ORL)

1.1.1. Épidémiologie

1.1.1.1. Incidence des cancers ORL

Les cancers épidermoïdes de la sphère oto-rhino-laryngologique (ORL), ou carcinomes à cellules squameuses de la tête et du cou, incluent les cancers de la cavité orale (comprenant les lèvres, la cavité nasale et les glandes salivaires), du pharynx et du larynx. Ils représentent près de 90% des cancers du tractus aérodigestif supérieur. Les cancers ORL sont placés au 6ème et au 8ème rang des

cancers les plus fréquents dans le monde chez l’homme et la femme, respectivement, avec un taux d’incidence de 14,3 pour 100 000 chez les hommes et 4,4 pour 100 000 chez les femmes [22]. D’après les statistiques de l’Organisation Mondiale de la Santé, certaines zones géographiques présentent un taux d’incidence plus élevé de cancer ORL, telles que la Mélanésie (22,9 pour 100 000 hommes et 16 pour 100 000 femmes), l’Asie du Sud, l’Europe de l’Est et certains pays de l’ancien bloc soviétique [23].

Bien qu’en augmentation chez les femmes dans certaines régions du monde [24], le cancer ORL reste plus fréquent chez les hommes [23]. Cette répartition s’explique essentiellement par un déséquilibre entre les sexes quant à l’exposition aux principaux facteurs de risque tels que la consommation abusive d’alcool.

Si l’âge médian rapporté dans les statistiques américaines est de 62 ans [25], l’âge moyen à la présentation se situe généralement dans les décennies 70-80. L’apparition est cependant plus précoce dans les pays d’Asie puisqu’elle survient en moyenne entre 50 et 60 ans. La tendance semble même indiquer une apparition de ces tumeurs dans des populations de plus en plus jeunes, notamment dans les pays en voie de développement [26]. Ces changements seraient liés à l’augmentation de l’incidence des cancers ORL associés au virus du papillome humain (VPH) [27]. Des 85 000 cas de cancers de l’oropharynx diagnostiqués dans le monde en 2008, près de 22 000 étaient attribuables à l’infection par le VPH [28].

Chaque année au Canada, ce type de cancer représente 3 à 4% des nouveaux diagnostics de cancer [29]. Globalement, plus de 4300 canadiens développent un cancer ORL chaque année [30]. Plus spécifiquement, les tumeurs du larynx qui comprennent les carcinomes sous-glottiques, glottiques et supra-glottiques, ont fait l’objet de 1150 nouveaux cas (970 hommes et 180 femmes) au Canada en 2017 et 345 dans la province de Québec [29]. Soit un taux d’incidence de 5,1 et 0,8 cas pour 100 000 personnes chez les hommes et les femmes, respectivement.

1.1.1.2. Survie des patients avec un cancer ORL

La survie des patients diagnostiqués pour un cancer ORL est fortement influencée par la localisation de la tumeur et par son stade. Aux États-Unis, les données du SEER (Surveillance, Epidemiology, and

(15)

End Results) montrent que l’espérance de vie des patients ayant présenté un cancer ORL est diminuée de 6,5 ans en comparaison avec la population générale [31]. Au Canada, chaque année près de 1 610 personnes meurent des suites d’un cancer ORL [30].

Avec les progrès des techniques diagnostiques, 40 à 50% des cancers ORL sont détectés au stade I ou II et les cancers ORL de stade précoce présentent un meilleur pronostic avec une survie globale à 5 ans de plus de 60% [2].

La survie à 5 ans des tumeurs de l’oropharynx, quant à elle, est de 36% au Canada. Aux États-Unis, les cancers localisés de stade I et II présentent une meilleure survie à 5 ans (83,7%) que les tumeurs de stade III et IV régionaux (65%). Le pronostic le plus sombre est attribué aux tumeurs disséminées avec une survie à 5 ans de 39,1% [32].

Le taux de mortalité standardisé selon l’âge, du cancer du larynx était estimé à 0,7 pour 100 000 personnes aux États-Unis en 2012 [23]. La survie globale à 5 ans des patients diagnostiqués pour un cancer du larynx est de l’ordre de 60% [33]. Le stade de la tumeur est un facteur pronostique important dans le cancer du larynx. Alors que la survie à 5 ans des patients atteints de tumeurs de stade I est estimée à 84%, celle-ci se réduit à 52 et 36% pour les stades II et IV, respectivement [34]. Chez les patients présentant une récidive du cancer du larynx, la survie à 5 ans est de 34% [33].

Globalement, les patients atteints de cancers localisés au niveau glottique ont une meilleure survie (90% pour les tumeurs de stade I) comparativement aux patients atteints de cancers supra- ou sous-glottiques (59% et 65%, respectivement) [34]. La survie globale médiane est de l’ordre de 7,9 ans pour les personnes présentant un cancer glottique, alors qu’elle se réduit à 5,1 et 3,0 respectivement pour les tumeurs sous- et supra-glottiques [33].

1.1.2. Étiologie des cancers ORL

Les principaux facteurs de risque des cancers ORL sont le tabac sous toutes ses formes, la mastication du bétel (principalement en Inde et en Asie), la forte consommation d’alcool et les déficits alimentaires en micronutriments. Plusieurs études montrent d’ailleurs une relation dose-réponse entre le niveau d’exposition à ces facteurs et le risque de développer un cancer ORL [17, 35-37]. Les données récentes montrent que le virus du VPH serait également un facteur de risque de cancer ORL [27].

1.1.2.1. Tabac

Le tabac est identifié comme la principale cause modifiable de mort prématurée à travers le monde [38]. Le nombre de décès en 2020 suite à une affection liée au tabac est estimé à 10 millions dont 70% dans les pays développés. Aux États-Unis, 480 000 décès par an sont estimés être dus à la cigarette ou à l’exposition secondaire à la fumée de cigarette [39].

La fumée du tabac contient plus de 70 carcinogènes notamment les dérivés de la nicotine et les composés hydrocarbonés aromatiques polycycliques [40]. Plus particulièrement, la concentration en nitrosamines spécifiques du tabac tels que le 4-(methylnitrosamino)-1-(3-pyridyl)-1-butanone (NNK) est en constante augmentation dans les cigarettes, et la présence de biomarqueurs carcinogènes s’en trouve également augmentée chez les Canadiens [41]. Ces carcinogènes causent un stress oxydatif

(16)

aux tissus, entraînant ainsi des cascades de réactions qui conduisent notamment à la production d’adduits à l’ADN et à la transformation des cellules en cellules tumorales [42].


Le tabac est le principal facteur de risque de développement des cancers ORL [43]. Une étude du International Head and Neck Cancer Epidemiolgy Consortium ayant compilé les résultats de 15 études cas-témoins (10 244 cas de cancers ORL et 15 227 témoins) a montré que le tabac était un facteur de risque associé au cancer ORL avec un rapport de cotes (RC) de 2,13 (intervalle de confiance, IC 95% : 1,52-2,98) pour les personnes ayant déjà fumé en comparaison avec celles n’ayant jamais fumé [17]. De plus, ce même consortium international a rapporté dans une méta-analyse que l’arrêt de la consommation de tabac réduisait de façon importante le risque de développer un cancer ORL, comparativement aux individus qui continuent à fumer (RC = 0,70 ; IC 95% : 0,61-0,81) [44]. Cependant, l’arrêt de la consommation tabagique devait être de plus de 20 ans pour retrouver un risque équivalent aux non-fumeurs lorsque comparés aux fumeurs.

En 2014, l’étude cas-cohorte néerlandaise, The Netherlands Cohort Study, a rapporté que 395 cas de cancers ORL étaient survenus après un suivi de 17,3 ans parmi 120 852 participants issus de la population générale. Les fumeurs avaient un rapport de taux d’incidence de cancer ORL de 4,49 (IC 95% : 3,11-6,48) [45]. Cette étude montrait que l’effet du tabac variait selon la localisation du cancer ORL puisque les rapports de risque étaient de 2,11 (IC 95% : 1,23-3,62) pour les cancers de la cavité orale, 8,53 (IC 95% : 3,38-21,55) pour les cancers de l’hypo-/oropharynx et 8,07 (IC 95% : 3,94-16,54) pour les cancers du larynx.

1.1.2.2. Alcool

L’éthanol et son premier métabolite, l’acétaldéhyde, est reconnu comme un agent carcinogène chez l’être humain [46]. L’acétaldéhyde interfère avec la synthèse d’ADN et les mécanismes de réparation, induisant ainsi des mutations pouvant conduire à la transformation des cellules [47]. De plus, ce métabolite peut se lier directement à certaines protéines telles que des enzymes de réparation ou de méthylation provoquant des altérations structurelles et fonctionnelles.

Depuis la fin des années 1980, une consommation excessive d’alcool a notamment été décrite comme un facteur de risque accru de cancer ORL [17].

Une méta-analyse de 28 études incluant plus de 13 800 cas de cancers ORL a rapporté une augmentation du risque de développer un cancer ORL en fonction de la dose d’alcool consommée chaque jour : le rapport de risque (RR) était de 1,29 (IC 95% : 1,06-1,57) pour une consommation inférieure ou égale à 12,5 g d’alcool par jour, RR de 2,67 (IC 95% : 2,05-3,48) pour les consommateurs modérés (12,6 à 59,9 g par jour) et RR de 6,63 (IC 95% : 5,02-8,74) pour ceux rapportant une consommation supérieure ou égale à 50 g par jour [37]. Plus récemment, une grande étude de cohorte menée aux Pays-Bas sur 120 852 participants a montré un rapport de taux d’incidence de cancers ORL de 2,74 (IC 95% : 1,85-4,06) pour les consommateurs d’une quantité supérieure ou égale à 30 g d’éthanol par jour, comparativement à ceux ne consommant pas d’alcool [45], ce qui corrobore les résultats de la méta-analyse.

Une consommation élevée d’alcool est souvent combinée au tabagisme et une forte interaction a été décrite entre ces deux facteurs de risque [45, 48]. The Netherlands Cohort Study rapporte un rapport

(17)

de taux d’incidence de cancer ORL de 8,28 (IC 95% : 3,98-17,22) en comparant les participants consommant quotidiennement au moins 30 g d’éthanol et fumant au moins 20 cigarettes aux participants n’ayant jamais fumé et ne consommant pas d’alcool [45], alors que les RR sont de 2,97 (IC 95% : 0,78-11,40) chez les grands buveurs ( 30 g/j) et non-fumeurs et de 2,78 (IC 95% : 1,18-6,54) chez les grands fumeurs ( 20 cigarettes par jour) et les non buveurs.

1.1.2.3. Virus du papillome humain

Ces quinze dernières années, le virus du papillome humain (VPH) s’est imposé aux côtés du tabac et de l’alcool comme l’une des principales causes du cancer ORL [49, 50]. L’activité carcinogène du VPH, qui s’exerce par le biais des oncoprotéines virales en particulier E6 et E7, a été décrite principalement dans les cas de cancer de l’utérus [51, 52]. VPH-E7 est une phosphoprotéine essentiellement nucléaire dont le rôle prédominant est de maintenir la réplication des cellules épithéliales différentiées afin de permettre la réplication du génome viral [52]. VPH-E7 se lie à la protéine du rétinoblastome (pRB), provoquant ainsi son inactivation, bloquant de ce fait son activité suppresseur de tumeur. L’oncoprotéine VPH-E6 possède quant à elle la capacité de se lier à la protéine p53, induisant sa dégradation protéosomale provoquant ainsi une altération de la régulation de la prolifération et de la différentiation cellulaire [51]. L’activité de ces deux oncoprotéines du sous-type de virus VPH-16 a notamment été établie dans les modèles in vitro de cancers ORL [53].

Le taux d’incidence des cancers de l’oropharynx reconnus pour être associés au VPH a augmenté drastiquement avec le temps. Au Canada, une augmentation significative du taux d’incidence des cancers de l’oropharynx de 1,6 pour 100 000 à 2,6 pour 100 000 a été observée à partir des données du registre des cancers pour les années 1992 et 2009, alors que le taux d’incidence standardisé des cancers ORL a diminué de 1992 à 1998 (pourcentage annuel de changement de -3,0; p < 0,01) et est resté stable jusqu’en 2009 [54]. L’analyse des données de trois centres de cancérologie de Toronto, Calgary et Edmonton (n=1052), a montré un taux d’incidence des cancers de l’oropharynx positifs au VPH de type 16 passant de 61,8% en 2000 à 76,4% en 2012 [55].

Une revue systématique portant sur près de 12 163 spécimens de carcinomes à cellules squameuses de la tête et du cou dans 60 études provenant de 44 pays, a montré que l’ADN de VPH était détecté dans environ un tiers des cas [56]. Une prévalence accrue est rapportée chez les patients atteints de cancers de l’oropharynx [45,8% (IC 95% : 38,9-52,9)] comparativement à ceux diagnostiqués pour des cancers de la cavité orale [24,2 % (IC 95% : 18,7-30,2)] ou du larynx [22,1 (IC 95% : 16,4-28,3)]. Une étude portant sur 3 680 échantillons de pathologie de cancers ORL provenant de 29 pays d’Europe, d’Afrique, d’Asie et d’Amérique a montré une prévalence de 5,7% dans les cancers du larynx [57]. Parmi les nombreux sous-types, le VPH-16 se retrouve dans la majorité des cancers ORL [56-58]. La séropositivité au VPH est un facteur pronostique important pour les cancers ORL. Une analyse post-hoc des cas de cancers de l’oropharynx de stade III-IV randomisés dans l’étude menée par le Groupe de Radio-Oncologie (RTOG 0129) comparant la combinaison de deux régimes de radiothérapie combinés au cisplatine, a montré que les patients présentant une tumeur positive au VPH de type 16 avaient une meilleure survie à 3 ans que les patients avec une tumeur négative au VPH (82,4% vs. 57,1%; P < 0.001) [59]. Après ajustement pour les principaux facteurs de risque du cancer de l’oropharynx, les patients séropositifs au VPH présentaient une réduction de 58% du risque de décès (rapport de risque instantané, RRI : 0,42; IC 95% : 0,27-0,66) par rapport à ceux qui étaient

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négatifs au VPH. Bien que peu d’études aient évalué spécifiquement la valeur pronostique du VPH dans les cancers du larynx, il semble que la survie des patients avec un cancer du larynx ne soit pas associée au statut VPH [60, 61].

Le pronostic favorable des tumeurs positives au VPH s’expliquerait notamment par une meilleure sensibilité de ces tumeurs à la chimiothérapie d’induction, aux radiations, et à la radiosensibilisation induite par la chimiothérapie [62].

1.1.2.4. Autres facteurs de risque

Une importante étude de cohorte (NIH-AARP Diet and Health study) portant sur 494 967 individus âgés de 50 à 71 ans issus de la population générale de 6 états et 2 régions métropolitaines des États-Unis, recrutés en 1995-1996 et suivis jusqu’en 2006 a montré qu’une diète non seulement riche en fruits et en légumes mais également diversifiée, pouvait réduire le risque de cancer ORL [63]. L’analyse des 1 868 cas de cancer ORL s’étant développés au cours de la période de suivi, a mis en évidence que les patients ayant un meilleur score de régime méditerranéen présentaient un risque plus faible de développer un cancer ORL après ajustement pour l’âge, la race ou groupe ethnique, le tabagisme, la consommation d’alcool, le niveau d’éducation, l’indice de masse corporelle, l’activité physique, le niveau d’activité quotidienne et l’apport énergétique total (chez les hommes, RRI = 0,80; IC 95% : 0,64-1,01 / chez les femmes, RRI = 0,42; IC 95% : 0,24-0,74). De plus, la tendance était significative, indiquant une relation dose-réponse entre le score de régime méditerranéen et le risque de développer un cancer ORL.

Une étude cas-témoins menée en Suisse et en Italie incluant 527 patients atteints d’un cancer du larynx et 1 297 témoins provenant des mêmes hôpitaux (présentant des conditions aigues, non néoplasiques et non reliées au tabac, à l’alcool ou à la diète), appariés pour l’âge, le sexe et le lieu de résidence, a mis en évidence une association inverse entre une consommation diversifiée de fruits ou de légumes et le risque de cancer du larynx [64]. Les individus consommant au moins 6 fruits différents au moins une fois par semaine présentaient un risque plus faible que ceux en consommant moins de 3 (rapport de cotes, RC ajusté pour l’âge, le sexe, le site de l’étude, le niveau d’éducation, le tabagisme, l’alcool, et l’apport énergétique = 0,40; IC 95% : 0,27-0,59). Les patients consommant au moins 7 légumes différents au moins une fois par semaine avaient un risque plus faible que ceux en consommant moins de 4 (RC ajusté = 0,41; IC 95% : 0,28-0,59). Cependant, une association positive a été observée pour la consommation de viande puisque les patients consommant au moins 6 types de viandes différentes au moins une fois par semaine présentaient un risque accru de cancer ORL lorsque comparés à ceux en consommant moins de 3 (RC ajusté = 1,67, IC 95% : 1,11-2,50).

Certaines expositions professionnelles à des solvants se sont montrées associées à un risque accru de cancer ORL. Le risque de cancer du larynx semble ainsi être augmenté chez les travailleurs exposés au perchloréthylène (RC : 3,86; IC 95% = 1,30-11,48; pour ceux exposés aux plus fortes doses) [65] ou aux hydrocarbures polycycliques aromatiques [66].

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1.1.3. Récidive

L’analyse des données issues du registre des cancers du SEER portant sur 35 958 patients diagnostiqués pour un cancer ORL non métastatique recrutés entre 1992 et 2005 pour un suivi moyen de 7,7 ans, montre que la récidive reste la principale cause de décès avec des taux de mortalité pour l’ensemble de la cohorte de 6% à 5 ans et de près de 12% à 10 ans [67]. Le risque de récidive est accru pour les patients diagnostiqués en premier lieu avec des cancers de l’hypopharynx (RRI = 1,82; IC 95% : 1,59-2,09), du nasopharynx (RRI = 1,64; IC 95% : 1,42-1,90) et de la cavité orale (RRI = 1,42; IC 95% : 1,29-1,57) comparativement aux cancers du larynx.

1.1.4. Seconds cancers primaires (SCP)

L’amélioration des techniques de dépistage et des protocoles de traitement permet une amélioration globale de la survie des patients. Il en résulte une proportion croissante d’individus survivants du cancer, mais à risque de développer un second cancer primaire (SCP).

Les lignes directrices actuelles mises en place pour le suivi des patients ayant été traités pour un cancer ORL insistent sur la détection précoce des récidives et des seconds cancers dans les premières années suivant le traitement [68, 69]. Cependant il n’existe pas de consensus, les protocoles variant selon les pays et le suivi à plus long terme semblant épars.

Selon le National Cancer Institute, un SCP est défini comme une nouvelle tumeur primitive infiltrante chez un individu ayant déjà été atteint par un cancer et qui n’est ni une métastase, ni une récidive, ni un cancer multifocal ou multicentrique. Ces tumeurs présentent donc un diagnostic histologique et/ou clonal différent de la tumeur initiale, ou se développent au niveau d’un site différent de la tumeur initiale, ou se développent sur le même site plus de 5 ans après le premier diagnostic. Un SCP est qualifié de métasynchrone s’il se développe plus de 6 mois après le diagnostic initial; s’il est plus précoce, il s’agit d’un SCP synchrone [70].

Cette problématique concerne essentiellement les cancers dits de bon pronostic ou de pronostic intermédiaire, donc les tumeurs de bas grade ou de stade précoce. L’analyse des données de neufs registres de cancers des États-Unis participant au programme SEER et incluant 2 millions de survivants du cancer (dont 76 000 survivants à 20 ans) indique une proportion de 9,1% des individus ayant développé un second cancer [70].

Dans le cas de la muqueuse des voies aérodigestives, la localisation des secondes tumeurs supporte la théorie du champ de cancérisation caractérisée par une dissémination des anomalies histopathologiques au-delà du site tumoral [71, 72]. Cette théorie implique que de larges surfaces de la muqueuse soient affectées par l’exposition aux carcinogènes et qu’il en résulte une zone pré-maligne étendue qui peut donner naissance à de multiples tumeurs primaires indépendantes [73]. Ce processus est d’autant plus présent dans les tumeurs plus spécifiquement associées au tabac telles que les tumeurs du larynx [74, 75].

Les patients traités pour un cancer ORL présentent un risque accru de survenue d’un SCP, 10 à 30 % d’entre eux vont développer un SCP selon le site et le stade du cancer primaire initial, ce qui nuit gravement à leur pronostic [76]. Une étude de cohorte multicentrique internationale reposant sur 13

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registres de cancers en Europe, au Canada, en Australie et à Singapour, incluant 99 257 patients ayant été diagnostiqués pour un premier cancer ORL, a rapporté 10 826 cas de seconds cancers (10,9%) pour une durée moyenne de suivi de 4,9 ans [77]. L’analyse des données du SEER entre 1973 et 2008 a recensé un taux de SCP de 11,7% chez les patients traités pour un cancer ORL [74]. Les sites les plus fréquents de SCP sont le tractus aérodigestif supérieur, le poumon et l’œsophage [67, 74, 78]. L’étude de Morris et al. (2011) [79] recensant 75 087 cas de cancers ORL entre 1975 et 2006 grâce au programme SEER, a montré que 33% des SCP étaient détectés au niveau des poumons et 22,6% dans la sphère aéro-digestive.

Dans le contexte du cancer ORL de stade précoce, les SCP ont été décrits comme étant la principale cause de mortalité à long terme [80]. La survie médiane des patients après un diagnostic de SCP est de l’ordre d’une année, avec une survie à 5 ans de 16% [81]. Il semble cependant que les SCP métasynchrones présentent une meilleure survie à 5 ans que les SCP synchrones (26% versus 12%, respectivement) [82]. Bien que cette différence se retrouve également dans les tumeurs localisées au niveau de la cavité orale et du larynx, la survie à 5 ans est supérieure chez les patients atteints de ce type de tumeurs puisqu’elle est de 45% pour les tumeurs métasynchrones et de 70% pour les synchrones [83]. La survie à 5 ans des patients présentant un SCP à la suite d’un diagnostic de cancer glottique précoce traité par radiothérapie seule est significativement réduite comparativement aux patients sans SCP (68% et 88%, respectivement) [84]. Une différence similaire a été mise en évidence par Franchin et al. concernant la survie à 10 ans des patients diagnostiqués pour un premier cancer du larynx précoce (32% pour ceux présentant un SCP, vs 77% pour ceux n’en présentant pas) [85].

1.1.5. Facteurs pronostiques de SCP, de récidive et de décès 1.1.5.1. Âge lors du premier diagnostic de cancer

Tous types de cancers confondus, plus l’âge au diagnostic est jeune, plus le risque de développer un SCP est élevé. Une étude du National Cancer Institute reposant sur les données du SEER incluant 2 millions de patients atteints de cancers et suivis de 1973 à 2000, a montré un ratio observé/attendu de 2,9 pour les patients diagnostiqués entre 18 et 29 ans et de 1,1 pour les patients diagnostiqués entre 60 et 69 ans [70].

Cependant, dans les cas de cancers ORL, l’âge au diagnostic du cancer initial présente des résultats contradictoires. Une étude de cohorte norvégienne portant sur 2 063 patients traités pour un cancer primaire ORL a montré un taux d’incidence de SCP de 19% chez les patients âgés de moins de 66 ans au diagnostic, comparativement aux patients plus vieux qui présentaient un taux d’incidence de 15% (P = 0,022) [81]. À contrario, une étude rétrospective menée en Corée sur 937 cas de cancer primaire ORL a montré un risque accru de SCP chez les patients âgés de plus de 60 ans avec un risque relatif instantané de 1,69 (IC 95% : 1,21-2,36), lorsque comparé aux patients plus jeunes [86]. La même tendance a été observée dans l’analyse rétrospective de 20 074 cas de cancers du larynx issus de la base de données du SEER [87]. L’étude basée sur 13 registres de cancer de Bosetti et al. (2011) [88] rapporte quant à elle une absence d’influence de l’âge sur le risque de SCP. Une étude longitudinale menée en Norvège sur 1 616 patients traités pour un cancer primaire du larynx (69,7% des cas étaient localisés au niveau glottique) entre 1983 et 2010 a montré que le fait d’être âgé de plus de 60 ans, de consommer de l’alcool et d’avoir un stade T3-T4 N2+ étaient les facteurs d’un pronostic défavorable chez les patients présentant un cancer glottique [33]. Dans une étude basée sur les

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données du SEER portant sur 35 958 patients atteints d’un cancer ORL non métastatique recrutés entre 1992 et 2005 et ayant une survie d’au moins 3 ans, Baxi et al. (2014) [67] ont montré que l’âge ( 70 ans, RRI = 1,62; IC 95%: 1,46-1,80 vs < 50 ans) ainsi que la race (noirs, RRI = 1,31; IC 95% : 1,19-1,45 vs blancs) semblaient associés avec un risque accru de décès par cancer ORL.

Dans notre cohorte constituée principalement de patients présentant un cancer glottique, nous avons observé que l’âge (en continu) était associé significativement aux décès (RRI = 1,07; IC 95% : 1,05-1,09) [15]. De même, les patients les plus âgés augmentaient leur risque de développer un SCP (RRI = 5,37; IC 95% : 2,64-10,94).

1.1.5.2. Genre

Une étude prospective portant sur un registre comptant près de 60 000 cas diagnostiqués pour un cancer primaire de la sphère ORL entre 1961 et 1998en Angleterre a rapporté un taux d’incidence standardisé de développer un SCP de 1,14 (IC 95% : 1,09-1,19) chez les hommes et de 1,34 (IC 95% : 1,24-1,44) chez les femmes [89]. Cependant, plusieurs autres auteurs n’ont pas identifié de différence significative entre les sexes [81, 86].

1.1.5.3. Prédispositions génétiques

Plusieurs mutations ou polymorphismes génétiques au niveau de sites impliqués particulièrement dans la régulation du cycle cellulaire, de l’apoptose ou de la réparation de l’ADN, ont été impliqués dans le risque de développer des SCP suite au cancer ORL.

Une étude ayant génotypé 150 patients atteints de cancer ORL précoce en évaluant 9 645 polymorphismes d’un seul nucléotide (Single-nucleotide polymorphisms – SNPs) dans 998 gènes associés au cancer, a identifié 6 polymorphismes chromosomiques associés à une augmentation de la récidive ou au développement d’un second cancer [90]. Le variant le plus significatif localisé sur le gène MKI67 (impliqué dans la prolifération cellulaire) était associé à une augmentation du risque de SCP/récidive de 2,65 (IC 95%: 1,72-4,11). Une étude de cohorte portant sur 1 292 patients avec cancer initial ORL a montré que les variants génétiques de p27 et p21, deux protéines de régulation du cycle cellulaire, augmentaient le risque de SCP [91].

Des travaux antérieurs menés sur la même cohorte que notre étude, ont montré une association significative entre deux mutations et la survie [92]. La mutation A49G du gène de la protéine 4, associée aux lymphocytes T cytotoxiques et impliquée dans la réponse immunitaire, a montré une réduction de la survie en comparaison au type sauvage (RRI ajusté de 1,32; IC 95% : 1,1-1,6). La mutation Arg339Gln de la protéine X-ray repair complementaing defective repair in Chinese hamster cells 1 impliquée dans les mécanismes de réparation de l’ADN a montré également un risque de décès accru comparativement à la protéine sauvage (RRI ajusté de 1,28; IC 95% : 1,05-1,57).

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1.1.5.4. Traitements par radiothérapie des cancers ORL

Gao et al. (2003) [87] rapportent dans leur analyse des données du registre SEER (1973-1996) une association significative entre le traitement de radiothérapie pour le premier cancer et un risque augmenté de SCP (RR = 1,10; IC 95% : 1,02-1,18). Cette association se trouvait d’autant plus importante pour les SCP localisés au niveau des poumons (RR = 1,18; IC 95% : 1,05-1.33). En revanche, d’autres analyses portant sur les données issues du SEER montrent que le traitement par radiothérapie est associé à une diminution de l’incidence des SCP chez les patients diagnostiqués pour un cancer primaire de la sphère ORL entre 1973 et 1997 [93]. L’incidence à 15 ans de SCP était de 7,7% dans le groupe traité par radiothérapie et de 10,5% dans le groupe non traité (RRI = 0,71; IC95% : 0,65-0,79).

1.1.5.5. Habitudes de vie

La forte consommation de tabac et l’abus d’alcool sont particulièrement associés à la survenue de nouvelles tumeurs chez les patients préalablement traités pour un cancer ORL [75, 94].

Une méta-analyse ayant évalué l’effet dose-réponse de l’alcool a montré que le risque d’un second cancer des voies aérodigestives supérieures augmentait de 9% pour chaque augmentation de 10 grammes d’alcool ingérés par jour [94]. Une étude de cohorte menée à New-York sur 1 257 patients traités pour un cancer de la cavité orale ou du larynx a montré que la consommation de tabac et d’alcool étaient les seuls facteurs prédictifs indépendants de développement de SCP [83]. Les fumeurs présentaient un risque 5 fois plus élevé que les non-fumeurs de développer un SCP (RR = 5,2; IC 95% : 1,3-22). Les consommateurs excessifs d’alcool présentaient quant à eux un risque deux fois plus élevé que les non consommateurs (RR = 2,1; IC 95% : 1,4-3,3). De plus, les patients ni fumeurs ni buveurs présentaient un taux de survie sans maladie à 5 ans supérieur aux consommateurs (98% vs 90%, p = 0,01).

Le risque de développer un SCP est d’autant plus important que les patients poursuivent leur consommation après le traitement. Une étude cas-témoins comprenant 257 cas de cancer primaire ORL a montré un risque multiplié par 11 pour les patients qui maintenaient leur consommation excessive de tabac (> 20 cigarettes par jour) comparativement à ceux qui ne fumaient pas (RC = 10,9; IC 95% : 2,1-54) [95]. Ce risque se trouvait multiplié par 4 pour ceux qui continuaient à consommer de l’alcool et par 11 pour ceux qui maintenaient une forte consommation combinée d’alcool et de tabac ( 10 cigarettes par jour et  50 g d’alcool par jour).

Une étude de cohorte portant sur 542 patients diagnostiqués avec un cancer ORL a montré qu’un indice de masse corporelle élevé ( 25 kg/m2) était associé à des taux plus faibles de récidive (RRI:

0,65; IC 95% : 0,49-0,85) et de mortalité (RRI: 0,70; IC 95% : 0,52-0,95) [96].

1.1.5.6. Facteurs infectieux

Les patients présentant une tumeur positive au VPH auraient un risque réduit de développer un second cancer primaire comparativement aux patients avec tumeur négative au VPH [97, 98]. Une étude de cohorte américaine portant sur 182 cas incidents de cancers ORL recrutés entre 1995 et 2003 dont 80

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positifs au VPH-16 suivis pendant une durée médiane de 104 mois a montré que les patients atteints de cancers ORL positifs au VPH avaient un taux de SCP inférieur à celui des patients avec cancers ORL négatifs au VPH (5,6% versus 14,6%, p=0,051) [97]. Une étude de cohorte récente portant sur 412 patients atteints de cancer de l’oropharynx dont 57 positifs au VPH a rapporté une survie à 5 ans sans SCP de 57% chez les patients séronégatifs et de 89% chez les séropositifs (P < 0.001) [98].

1.1.5.7. Interleukine-6 (IL-6)

L’interleukine-6 (IL-6) a été décrite comme étant impliquée dans de nombreux processus tumoraux et se retrouve en forte concentration dans le sérum ou le tissu tumoral de la majorité des cancers dont le cancer colorectal [99], le cancer du sein [100], de la prostate [101, 102], de l’ovaire [56], du pancréas [103], du poumon [104], du rein [105], de l’utérus [106] et le cancer ORL [13].

Dans les cancers ORL, de hauts niveaux d’IL-6 ont été associés à des risques accrus de récidive et de mortalité [16]. Duffy et al. ont montré dans une cohorte de 444 patients atteints de cancer ORL, que des concentrations élevées d’IL-6 avant traitement étaient associées de façon significative avec la récidive (RRI = 1,32; IC 95% : 1,11-1,58) [16]. Dans cette même cohorte, le niveau d’IL-6 a été rapporté comme étant un facteur pronostique d’une survie plus courte (RRI = 1,22; IC 95% CI : 1,02-1,46). Nous avons également montré dans une étude antérieure, menée dans la même cohorte que notre étude, que l’IL-6 était un facteur pronostique indépendant des SCP chez les patients traités initialement pour un cancer ORL de stade précoce (RRI = 2,68; IC 95% : 1,49-4,08 pour le quatrième quartile comparé au premier quartile) [15]. Des taux élevés d’IL-6 ont également été trouvés associés à une augmentation de la mortalité par seconds cancers (RRI = 4,55; IC 95% : 2,01-10,29; dernier quartile versus premier quartile).

1.2. L’interleukine-6

1.2.1. Mécanisme d’action

L’IL-6 est une cytokine impliquée dans de nombreux processus physiologiques tels que la régulation immunitaire, l’hématopoïèse et l’inflammation [107]. L’IL-6 est produite par une grande variété de types cellulaires incluant les lymphocytes T et B, les macrophages, les fibroblastes, les cellules stromales de la moelle osseuse, de même que de nombreuses cellules tumorales [108]. Chez les individus sains, la concentration moyenne d’IL-6 dans le sang est de l’ordre de 1 pg/mL [109].

L’IL-6 appartient à une grande famille de cytokines pro-inflammatoires agissant par le biais d’un récepteur commun, gp130 (

). L’IL-6 se lie au récepteur IL-6R, induisant ainsi la dimérisation de gp130 et l’activation de deux voies de signalisation principales : celle de la famille des protéines kinases Janus (JAKs) et la voie des protéines kinases activées par des mitogènes (Ras-MAPK). Les JAKs assurent la phosphorylation de gp130, conduisant notamment au recrutement et à l’activation des facteurs de transcription STAT3 et STAT1 [110].

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La protéine transmembranaire gp130 est exprimée dans toutes les cellules de l’organisme, alors que le récepteur IL-6R se retrouve exclusivement dans les hépatocytes, les neutrophiles, les monocytes et les lymphocytes T CD4+ [111]. Cependant, le récepteur d’IL-6 peut également se retrouver sous forme soluble dans la matrice extracellulaire permettant ainsi à IL-6 d’agir sur tous les types cellulaires y compris ceux dépourvus d’IL-6R membranaire [112].

Figure 1. Mécanisme d’action de l’Interleukine-6 (tiré de Reihmane et al. 2013). [113]

Ses activités anti-inflammatoires s’exerceraient par le biais de sa liaison au récepteur IL-6R membranaire, alors que son rôle pro-inflammatoire découlerait de sa liaison à la forme soluble du récepteur [113]. De nombreuses études in vivo ont montré, dans des modèles de maladies auto-immunes ou de cancers, que l’inflammation pouvait être bloquée par une inhibition de la trans-signalisation d’IL-6 sur son récepteur [114-116].

Les rôles de l’IL-6 semblent nombreux, notamment au niveau du système de reproduction où elle serait impliquée dans le processus de tolérance immunitaire [117]. Au niveau du système nerveux central, IL-6 joue un rôle dans la signalisation intercellulaire, la coordination des réponses neuro-immunes, la protection des neurones, la différentiation, la croissance et la survie neuronale [118].

L’IL-6 est l’un des facteurs reliant l’inflammation chronique au cancer [119]. Les principales sources d’IL-6 dans le micro-environnement tumoral sont les cellules tumorales elles-mêmes, les macrophages associés aux tumeurs, les cellules suppressives d’origine myéloïde, les lymphocytes T CD4+ et les fibroblastes [115, 120, 121]. Que la source soit paracrine ou autocrine, la sécrétion d’IL-6 crée un environnement favorable à la tumorigénèse en favorisant la prolifération cellulaire, inhibant l’apoptose des cellules tumorales et stimulant l’angiogénèse et la métastase. Les voies de signalisation induites par IL-6 activent des médiateurs de la prolifération cellulaire tels que STAT-3, qui sont hautement régulés en conditions homéostatiques [122, 123]. L’activation de STAT-3 dépendante de la trans-signalisation d’IL-6, conduit à la progression tumorale en favorisant la transcription de gènes cibles incluant des cyclines régulatrices du cycle cellulaire, des proto-oncogènes tel que c-myc, des régulateurs de la transcription tels que c-Fos ou des régulateurs métaboliques. IL-6, par le biais de

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l’activation du facteur de transcription NF-B, exerce une activité pro-inflammatoire en activant notamment l’expression du gène de l’oxyde nitrique synthétase [124]. Cette enzyme est impliquée dans de nombreux changements cellulaires conduisant à la tumorigénèse tels que la transformation cellulaire, l’angiogénèse et la métastase [125].

1.2.2. Les déterminants de l’interleukine-6 circulante

Dans la littérature, IL-6 a été associée aux caractéristiques socio-démographiques (l’âge, le sexe, le statut marital), aux habitudes de vie (surpoids/obésité, tabac, alcool), aux comorbidités, ainsi qu’aux caractéristiques de la maladie cancéreuse (stade, site du cancer). Tous ces facteurs ont été discutés dans la discussion de l’article, à la lumière des études les plus pertinentes. De ce fait, afin d’éviter une redondance, ils ne seront pas présentés en détail dans cette section.

À notre connaissance, une seule étude a rapporté dans la littérature des résultats portant sur les déterminants d’IL-6 chez les patients avec cancer ORL [21]. Cette étude transversale, comparable à la nôtre, publiée par une équipe de l’Université du Michigan en 2013 et portant sur un groupe de 407 patients diagnostiqués pour un cancer ORL de tout stade a montré que l’âge ( = 0,118; SE : 0,056; p = 0,035) et le stade tumoral ( = 0,222; SE : 0,055; p < 0,001) étaient associés aux niveaux sériques élevés d’IL-6. Parmi les habitudes de vie, seuls la consommation de tabac ( = 0,497; SE : 0,188; p = 0,009 et  = 0,448; SE : 0,163 : p = 0,006 pour les fumeurs et anciens fumeurs, respectivement) et le manque de sommeil ( = -0,071; SE : 0,027; p = 0,010) étaient des facteurs indépendants de concentrations élevées d’IL-6. Ces dernières années, l’hypothèse selon laquelle l’alimentation aurait un rôle à jouer sur le profil inflammatoire des individus a fait l’objet de nombreuses études [126]. Plus spécifiquement dans les cas de cancers ORL, une étude transversale menée sur 160 patients diagnostiqués et ayant complété un questionnaire de fréquence alimentaire a montré que plus l’alimentation était diversifiée, plus les niveaux d’IL-6 étaient faibles (RC = 0,41; IC 95% : 0,16-1,04 et RC = 0,16; IC 95% : 0,06-0,45 pour le 2ème et le 4ème quartile, respectivement, comparativement au 1er

quartile) [127].

Plusieurs autres déterminants potentiels d’IL-6 ont été identifiés au sein de populations générales. Une étude de cohorte ayant collecté la consommation d’alcool de 8 209 fonctionnaires britanniques sur une période de 10 ans a montré à la suite d’une période de suivi de 12 ans que les non buveurs ainsi que les grands buveurs présentaient des concentrations plus élevées d’IL-6 (0,099 ng/mL et 0,109 ng/mL, respectivement), comparativement aux buveurs modérés et après ajustement pour l’âge, le sexe, l’ethnie, la maladie coronarienne, le diabète de type 2, la position socio-économique, le statut tabagique, l’activité physique, le régime alimentaire et l’IMC [128]. Une étude transversale menée en Suisse sur 6 085 habitants de Lausanne âgées de 35 à 75 ans a montré que les grands buveurs (14 verres et plus par semaine) présentaient de plus hauts niveaux d’IL-6 (médiane = 1,70 pg/mL; Intervalle interquartile : 0,83-4,39) comparativement aux non buveurs (médiane = 1,47 pg/mL; Intervalle interquartile : 0,70-43,41), petits buveurs (1 à 6 verres par semaine) (médiane = 1,41 pg/mL; Intervalle interquartile : 0,70-3,32) et buveurs modérés (7 à 13 verres par semaine) (médiane = 1,42 pg/mL; Intervalle interquartile : 0,66-3,19), valeur-p entre les groupes < 0,01 [129]. Cependant cette association n’était plus significative après ajustement pour le sexe, l’âge, l’IMC, le tour de taille, le tabac, l’activité physique, la marche, l’utilisation d’anti-inflammatoires ou de statines, et les comorbidités.

(26)

La concentration d’IL-6 se trouve augmentée de façon transitoire à la suite de l’exercice physique. Une élévation du niveau d’ARN messager d’IL-6 peut être détectée dans les 30 minutes qui suivent l’exercice et peut être augmentée jusqu’à 100 fois à la fin d’une séance d’exercice [130]. Il semblerait que la production d’IL-6 lors de l’activité physique soit assurée principalement par les fibres musculaires [131]. Cependant, l’activité physique régulière est associée à des niveaux plus faibles d’IL-6 à l’état de repos [132]. Selon certains auteurs, l’effet de l’activité physique sur les niveaux d’IL-d’IL-6 serait essentiellement indirecte via la composition corporelle [133].

Une étude de cohorte portant sur 285 adolescents (moyenne d’âge de 13 ans au recrutement) de Minneapolis suivis pendant 2 ans dont l’objectif était de mesurer l’association entre certains anti-oxydants et des marqueurs de l’inflammation, a montré une corrélation inverse entre la quantité de  -carotène consommé et la concentration sérique d’IL-6 (coefficient de corrélation de Spearman : -0,15; p  0,05; après ajustement pour l’âge, le sexe, la race, le stade de puberté, l’énergie consommée et l’IMC) [134]. Des résultats comparables ont été rapportés dans une étude transversale portant sur 564 enfants d’âge scolaire (9-12 ans) en Espagne [135]. En analyse multivariée, seule la concentration sérique d’IL-6 s’était trouvée associée à la concentration plasmatique de -carotène après ajustement pour l’âge, la consommation d’énergie, les triglycérides, le genre, l’IMC, l’activité physique, la consommation de -carotène, l’énergie lipidique et le niveau de cholestérol (=-0,505; SE : 0,078; p <0,001).

(27)

Chapitre 2 : Objectifs

L’objectif de cette étude était d’identifier les déterminants associés aux niveaux sériques d’IL-6 chez les patients atteints de cancer ORL de stade I-II.

Un objectif additionnel était d’évaluer s’il existait une association dose-réponse entre la consommation tabagique au cours de la vie et les niveaux sériques d’IL-6.

(28)

Chapitre 3 : Article

3.1. Titre en français

Prédicteurs des niveaux d’interleukine-6 circulante chez les patients atteints de cancers de la sphère ORL.

3.2. Résumé

Contexte

L'interleukine-6 circulante (IL-6) est un facteur prédicteur de second cancer primaire (SCP) chez les patients atteints d'un cancer ORL. Cette étude visait à identifier les facteurs associés aux niveaux sériques d'IL-6 chez les patients atteints de cancer ORL.

Méthodes

Cette étude a été menée dans le cadre d'un essai de chimioprévention de phase III. L'IL-6 a été mesurée en utilisant l’immunométrie par chimioluminescence sur les échantillons de sérum obtenu avant traitement de 527 patients avec un cancer ORL de stade I-II. Les habitudes de vie des patients, les données sociodémographiques, cliniques et les caractéristiques des tumeurs ont été collectées avant la radiothérapie (RT). Les facteurs associés de façon indépendante aux niveaux d'IL-6 avant RT ont été identifiés en utilisant une régression linéaire multiple.

Résultats

Le taux sérique médian d'IL-6 était de 3,1 ng/L. Dans l'analyse multivariée, huit facteurs étaient significativement associés (p < 0,05) à l'IL-6 : l’âge, le sexe, le statut matrimonial, l’indice de masse corporelle, la consommation de tabac, l’indice de comorbidités, le score de Karnofsky et le site de la tumeur. La durée du tabagisme et le nombre de paquets-années consommés au cours de la vie étaient positivement associés aux taux sériques d'IL-6 selon une relation dose-réponse (valeur-p pour la tendance ≤ 0,03).

Conclusions

L'IL-6 circulante est un prédicteur fort de l'apparition de SCP chez les patients atteints d’un cancer ORL. Nous avons identifié huit facteurs associés de façon indépendante aux taux sériques d'IL-6 chez 527 patients avec un cancer ORL de stade I-II. La relation dose-réponse observée entre le tabagisme et l'IL-6 sérique suggère un rôle causal de l'exposition au tabac dans la production d'IL-6. D'autres études sont nécessaires pour établir si l'effet de l'exposition au tabac sur le cancer ORL pourrait être partiellement médiée par l'IL-6, une cytokine pro-inflammatoire.

(29)

3.3. Titre en anglais

Predictors of circulating interleukin-6 levels in head and neck cancer patients.

3.4. Abstract

Background

Circulating interleukin-6 (IL-6) improves outcome prediction for second primary cancer (SPC) in head and neck cancer (HNC) patients. This study aimed to identify factors associated with IL-6 serum levels in HNC patients.

Methods

This study was conducted as part of a phase III chemoprevention trial. IL-6 was measured using chemiluminescent immunometric assay on pretreatment serum sample obtained from 527 stage I-II HNC patients. Patients’ lifestyle habits, sociodemographic, medical and tumor characteristics were evaluated before radiation therapy (RT). Factors independently associated with IL-6 levels before RT were identified using multiple linear regression.

Results

The median IL-6 serum level was 3.1 ng/L. In the multivariate analysis, eight factors were significantly associated (p < 0.05) with IL-6: age, gender, marital status, body mass index, tobacco consumption, comorbidities, Karnofsky Performance Status and HNC site. Smoking duration and lifetime pack-years were positively associated with IL-6 serum levels in a dose-response relationship (p-value for trend ≤ 0.03).

Conclusions

Circulating IL-6 is a strong predictor of the occurrence of SPC in HNC patients. We identified eight factors independently associated with serum IL-6 levels in 527 stage I-II HNC patients.

The dose-response relationship between lifetime smoking and IL-6 serum levels suggested a causal role of tobacco exposure on IL-6 production. Further studies are needed to establish whether the effect of tobacco exposure on SPC could be partly mediated by IL-6, a pro-inflammatory cytokine.

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3.5. Introduction

Head and neck cancers (HNC) are the seventh most common cancer worldwide with an annual incidence of 15 per 100,000 [25]. Due to modern surgery and radiation therapy, locoregional control of early-stage HNC has improved to reach 50 to 95% at 5 years depending on the cancer site [22]. In particular, early-stage glottic cancer has an excellent prognosis with cause-specific survival varying between 88 and 97% at 5 years [136]. However, patients with a history of HNC are at high risk for developing second primary cancers (SPC) [79] as, within 5 years, about 20% will be diagnosed with one or more multiple primary cancers, which strongly compromises their survival.

Interleukin-6 (IL-6) is a pro-inflammatory cytokine that has been described as being involved in many tumorigenesis processes [137], particularly angiogenesis [9, 10], tumor cell migration and invasion [138] and cell growth and proliferation [106, 139]. In a recent cohort study conducted among 6545 middle-aged adults, IL-6 serum level was able to predict all-causes and cancer-related mortalities over a period of 17 years [140]. In addition, when the three promising inflammatory biomarkers (α1-acid glycoprotein, C-reactive protein and IL-6) were considered together, IL-6 was the only one that remained associated with mortality by cancer. Strong evidence from a meta-analysis also showed that higher IL-6 serum levels were associated with poor prognosis in non-small cell lung cancer patients [141]. In HNC, IL-6 was identified as a predictor of recurrence and overall survival in a cohort of 444 HNC patients, most of whom had pharyngeal and advanced cancers [16]. We also reported that higher pre-treatment IL-6 serum levels were significantly associated with the occurrence of SPC [15] and death by SPC in 527 early-stage HNC patients.

Heavy smoking and alcohol consumption are standard risk factors for HNC [45]. In addition, smoking status affects SPC risk and site [142]. Associations between IL-6 serum levels and both tobacco and alcohol consumption have been described in various populations [143, 144]. A cross-sectional study conducted on 444 HNC patients at the time of their diagnosis suggested that only two health behaviors (smoking and decreased sleep) were independently associated with IL-6 serum levels [21]. As IL-6 appears to be a valid predictor in cancer prognosis, it would be useful to further examine the effects of cumulative past exposure to various health behaviors on IL-6 serum levels. The objective of this study was to identify the predictors of IL-6 serum levels in HNC patients. In addition, we specifically examined the influence of long-term tobacco and alcohol consumption on IL-6 serum levels.

3.6. Materials and Methods

3.6.1. Study population

This study was conducted as part of a randomized controlled chemoprevention trial (NCT00169845) [145] evaluating the efficacy of α-tocopherol and β-carotene supplementation in reducing the incidence of SPC. The ethics review board of the five radiotherapy centers participating in the trial approved the protocol. All patients gave their written informed consent prior to randomization.

Eligible patients were aged 18 years and over, had received a first diagnosis of stage I or II squamous cell carcinoma of the head and neck area (tongue, gums or mouth, oropharynx, hypopharynx and larynx) and were treated by radiation therapy (RT) between October 1, 1994 and June 6, 2000 in one of five radiotherapy centers in the province of Quebec, Canada. A total of 527 patients among the 540

(31)

HNC randomized patients (97.6%) with available pretreatment serum samples were included in the analyses.

3.6.2. Baseline data collection

All the baseline data were collected before the patients were randomized in the trial and before they started their RT. Trained research nurses administered a structured general questionnaire to evaluate patients’ characteristics, including their demographic and socioeconomic data, Karnofsky Performance Status (KPS) [146] and medical history. The Charlson Comorbidity Index, a comorbidity score, was calculated based on the medical history [147]. Sleep disturbance was assessed using the item 11 of the EORTC QLQ-C30 instrument [148]. The study nurses weighed and measured the patients during the visit and asked patients about their weight at 20 years of age. Current body mass index (BMI) and BMI at 20 years of age were calculated.

A validated food frequency questionnaire [149] assessing dietary intake over the year preceding randomization was used to evaluate the self-reported consumption of beer, wine, aperitifs and spirits. A standard drink was pre-defined for beverages (beer: 1 bottle; wine: 4 ounces; aperitif: 2 ounces; spirits: 1 ounce) and 10 profiles of consumption were proposed (number of drinks per day, week or month). Average daily intake of alcohol (g per day) was then calculated. The same method was used to assess the average daily intake of alcohol over the past 10 years. In addition, a question assessed whether patients had a history of alcohol abuse.

Lifetime smoking habits were recorded for all tobacco products (cigarette, cigar, pipe, chewing) using a structured questionnaire. For all products and for all smoking periods, we assessed the mean consumption per day, week or month and the duration. In addition, age at first cigarette, time since quitting cigarette smoking and patients’ current cigarette smoking status were recorded. The number of pack-years, the duration and intensity of cigarette smoking as well as the number of years since quitting cigarette smoking were calculated.

The radiation oncologists provided detailed information on the primary tumor: precise site, dimensions and clinical stage according to the TNM classification [150].

3.6.3. IL-6 measurement

Baseline serum samples were obtained at the time of randomization before any trial intervention and before RT. Samples were kept frozen at −80°C and then thawed shortly before determination of IL-6 levels. In order to avoid any influence of the trial intervention, IL-6 was measured on baseline samples using an IMMULITE®1000 immunoassay analyzer with chemiluminescent immunometric assay (Siemens Healthcare Diagnostics).

3.6.4. Statistics

IL-6 serum level was the outcome and was treated as a continuous variable. Given the skewed distribution of IL-6, IL-6 was log transformed (natural log) for all analyses. The selected sociodemographic factors were sex, age (≤ 50, 51-60, 61-70 and > 70), marital status (not married vs. married) and household income (< $40,000 vs. ≥ $40,000). Clinical variables considered were KPS

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