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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Ces machines qui imitent l'homme au Musée des Arts et Métiers

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXVI, 2004

CES MACHINES QUI IMITENT L’HOMME

AU MUSÉE DES ARTS ET MÉTIERS

Khadem BOURAS, Bertrand COUSIN Musée des arts et métiers, Paris

MOTS-CLÉS : MUSÉE – MACHINE – HISTOIRE DES TECHNIQUES – AUTOMATE

RÉSUMÉ : Dans l’univers contemporain des machines, les automates transforment, assemblent ou produisent, incorporant ainsi des gestes et des savoir-faire humains. En d’autres termes, l’outil et la machine imitent l’homme et apparaissent souvent comme des prolongements de la main, du corps, des sens, voire de l’esprit. Au travers d’objets présentés dans les collections du Musée des arts et métiers, plusieurs aspects de cet « anthropomimétisme » sont ici abordés.

ABSTRACT : In the contemporary realm of machines, automatons transform, gather or produce. They thus embody human gesture and know-how. In other words, tools and machines imitate man and can often be seen as a continuation of his hand, body, senses and even his mind.

Through selected objects from the collections of the Musée des arts et métiers, aspects of this « anthropomimetism » are presented in this paper.

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1. INTRODUCTION

Robots, automates, machines-outils sont de la même famille : celle des êtres artificiels créés par l’homme pour le seconder ou l’imiter. En effet, souvent les machines transforment, assemblent ou produisent en « incorporant » des gestes et des savoir-faire humains. Aussi, l’objet de cette communication est de montrer, à partir d’une sélection d’objets puisés dans les collections du Musée des arts et métiers, comment l’outil ou la machine peuvent apparaître comme un prolongement de la main, des sens, de l’esprit ou du corps dans son ensemble.

2. LA MACHINE, PROLONGEMENT DE LA MAIN

Tout d’abord, regardons comment et pourquoi dans certains cas la machine qui imite l’homme s’approprie la gestuelle technique de la main, reléguant cette dernière à un simple facteur déclenchant.

2.1 La mule-jenny, un dispositif de filature mécanique

Le phénomène est par exemple tout à fait lisible sur des dispositifs de filature mécanique où la machine, d’abord proposée pour répondre à une optimisation quantitative et qualitative, va assez fidèlement reproduire la procédure mise en œuvre dans la filature manuelle.

Si l’on décompose les actions élémentaires qui permettent de transformer la fibre végétale ou animale en bobine de fil, on observe l’étirage de la fibre, sa torsion pour la transformer en fil et enfin l’enroulement du fil pour former la bobine. En somme, trois opérations où les mains, en tant que simples dispositifs musculaires, enrichies d’un processus opératoire, s’avèrent suffisantes. Prendre la mèche de fibres, l’étirer puis la rouler entre ses mains ne nécessitent pas l’usage de l’instrument. Et cet enchaînement manuel fut certainement mis en œuvre par les premières fileuses de la préhistoire, leurs mains étant alors à la fois outil et geste technique (Leroi Gourhan, 1964). Lorsque l’instrument apparaît, d’abord le fuseau, ensuite le rouet, il annexe peu à peu ce système de fonctions outil/geste technique originellement dévolues à la main. Si la filature gagne en qualité, huit à dix fileuses sont nécessaires pour fournir l’activité d’un seul tisserand ; une anomalie de rapport qui s’accentue lorsque l’industrie textile anglaise atteint au cours du XVIIIe siècle sa période manufacturière. C’est dans ce contexte qu’en 1779, Samuel Crompton, propose un dispositif de filature complètement mécanisé, la mule-jenny.

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mobile. En reculant le chariot, l’ouvrier déclenche quasi-simultanément l’étirage - assuré par le mouvement de recul- et la torsion de la fibre - provoquée par la rotation des broches sur elles-mêmes. Ensuite, l’ouvrier abaisse une traverse et ramène le chariot vers la partie fixe permettant ainsi au fil de s’enrouler autour des broches pour former les bobines. Avec la mule-jenny, le transfert des compétences gestuelles de la main vers la machine est accompli et multiplié. Le processus est désormais programmé dans la mécanique. Et avec elle l’ouvrier peut maintenant filer en une journée plus de fils de belle qualité que 200 fileurs manuels (Daumas, 1968).

2.2 La machine à tailler les limes

On retrouve cette idée de rendement qualitatif et quantitatif amélioré avec la machine à tailler les limes au milieu du XVIIIe siècle. C’est ici encore l’utilisateur qui impose la cadence et sa main qui déclenche le mécanisme en tournant une manivelle. Le mouvement d’une came qui soulève et relâche alternativement un marteau va permettre à un ciseau de graver les entailles sur la lime en cours de fabrication. Ce mécanisme de percussion est associé à un déplacement de la lime sous le burin, ce qui permet de faire des stries parfaitement régulières.

Cette machine fait donc les mêmes gestes de modelage de la matière que le corps humain seul, mais de façon quasi-automatique. On peut d’ailleurs considérer qu’on a dans cette machine, incorporé, délégué ou transféré des gestes humains dans un non-humain (Latour, 1993).

2.3 Le servomoteur de Farcot

Daté de 1868 et imaginé au départ pour actionner le gouvernail des gros navires, ce dispositif d’asservissement est l’ancêtre des directions assistées de nos automobiles. L’automate devient ici l’esclave qui assiste le conducteur et multiplie sa puissance. Quand l’utilisateur déplace une poignée, il actionne en fait un tiroir de distribution de vapeur. Cette énergie considérable libérée dans une des deux chambres du cylindre va déplacer le piston relié au lourd gouvernail. Le

servomoteur est donc à la fois un système d’asservissement et un amplificateur de puissance

(Jacomy, 2002) ; puissance que le corps humain isolé n’est pas capable de fournir.

3. L’OBJET TECHNIQUE, PROLONGEMENT SENSORIEL

Nous allons aborder deux exemples d’objets techniques qui peuvent être considérés comme un prolongement des sens de l’homme, et en particulier de la vision.

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3.1 La lunette astronomique

L’idée d’assembler deux lentilles pour en faire une lunette est généralement attribuée au constructeur d’optique hollandais Hans Lippershey (1570-1619). Au début du XVIIe siècle, il conçoit un tube en carton muni d’une lentille concave du côté de l’œil et d’une lentille convexe à l’autre extrémité. Ce n’est alors qu’un objet de curiosité pour les marins, les intellectuels ou les militaires. La lunette devient un véritable instrument scientifique avec Galilée qui, vers 1608, aura l’idée géniale de s’en servir pour pointer la Lune et nous donner les premiers dessins de notre satellite (Jacomy, 2002). En même temps que cet instrument naît donc une nouvelle science consacrée à l’observation de l’univers. La lunette astronomique permet à Galilée de voir ces objets lointains que nul homme n’a encore vus. Elle aura très vite beaucoup de succès et son pouvoir grossissant sera très vite utilisé pour une autre fonction : l’observation cette fois des objets très petits.

3.2 Le microscope

En effet, en modifiant les caractéristiques optiques des lentilles et leur écartement, la lunette d’approche puis la lunette astronomique vont donner naissance au microscope composé (Jacomy, 2002). Comme pour observer l’espace très lointain, on va cette fois explorer la matière très proche, et là aussi découvrir un nouveau monde : celui de l’infiniment petit. L’Anglais Robert Hooke publiera l’ouvrage Micrographia en 1665 où l’on trouve par exemple des gravures de l’anatomie du pou ou de l’œil de la mouche, effectuées à partir d’observations au microscope composé.

Avec la lunette astronomique ou le microscope, on retrouve effectivement cette idée de prolongement des sens de l’homme (ici la vision), incorporé dans ces instruments.

4. L’INTELLIGENCE DANS LA MACHINE ?

Les objets abordés ci-dessus en tant que prolongement de la main ou des sens de l’homme sont cependant dotés de facultés intellectuelles limitées, voire inexistantes. La machine à calculer de Blaise Pascal (1642) constitue à cet égard une évolution remarquable. Son innovation majeure paraît aujourd’hui assez élémentaire : elle additionne et soustrait en effectuant automatiquement la retenue grâce à un système mécanique. Pour la première fois, l’esprit est libéré d’un processus intellectuel de calcul mental répétitif et fastidieux : le report des retenues (Marguin, 1993). On fournit une information à la machine sous la forme d’une suite de chiffres, elle les traite en

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de chiffres. On peut donc considérer que la machine à calculer de Pascal est quelque part le premier exemple de processeur d’information, et par là même l’un des lointains ancêtres de notre ordinateur.

5. L’ANDROÏDE, UN HOMME-MACHINE

Les automates et les androïdes (automates à figure humaine) se multiplient en Europe à partir des XVIIe et XVIIIe siècles. Puisant leurs sources dans la tradition et les recherches des mécaniciens de l’Antiquité et de la Renaissance, ils témoignent d’un courant de pensée philosophique inauguré par Descartes au XVIIe siècle ou développé par le médecin La Mettrie au XVIIIe siècle où l’on envisage le corps humain dans une conception matérialiste et mécaniste. Au XVIIIe siècle, le mécanicien Jacques Vaucanson s’inscrit parfaitement dans ce courant. Nourri des théories mécanistes expliquant le fonctionnement du corps, il se lance dans la construction de modèles. Son projet est la réalisation d’un homme artificiel. Comme liminaire, il propose dès 1738 un joueur de flûte où il reproduit les mouvements des doigts et des lèvres en y associant la gestion fine et difficile du souffle. L’année suivante, il se lance dans l’imitation physiologique de la manducation et de la digestion en fabriquant un canard qui mange, digère et rejette des excréments. L’étape suivante devait être la fabrication d’un automate parlant, la parole étant alors considérée comme l’étape ultime à franchir pour parvenir à l’homme artificiel. Mais accaparé par d’autres activités, il n’ira pas au bout de son projet.

Programmée pour jouer différents airs de musique, la joueuse n’est pas une boîte à musique. Le mécanisme contenu dans le corps de la joueuse met en mouvement ses mains, ses bras et sa tête selon un programme gestuel et musical préétabli. Ainsi, il lui permet d’imiter l’expression artistique que pourrait produire un instrumentiste en chair et en os jouant sur son tympanon, réel instrument à cordes percutées.

En général, l’« anatomie mécanique » d’un androïde musicien suit toujours le même schéma. On identifie un moteur qui entraîne un cylindre programmé (cames et picots) pour déterminer les mouvements à effectuer. Le clavier, constitué de becs mis en contact avec le cylindre, lit ensuite les informations et les transmet aux membres articulés de l’androïde. Le cylindre reste l’élément fondamental du dispositif. Sa vitesse de rotation impose le tempo musical, et comme support de la programmation, il assure aussi la commande « nerveuse et musculaire » de l’androïde puisque c’est lui qui décide du mouvement ou du repos de l’automate (Haury, 1990). La joueuse de tympanon reste une exécutante mais nous ramène à la création d’une machine aux déclinaisons prométhéennes puisque faite à l’image de l’homme.

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De cette analyse anatomique nécessaire à la réalisation d’un androïde à celle des gestes de l’artisan, il n’y a évidemment qu’un pas. Là encore, Vaucanson sera l’un des premiers à le franchir lorsqu’en 1748 il propose un prototype de métier à tisser fonctionnant comme un véritable automate. Son métier à tisser ne parvint pas à s’imposer, mais il proposait un transfert de technologie, notamment avec le cylindre à programme. Une innovation qui, incidemment, allait bientôt influencer la machine industrielle et contribuer au développement de l’ère de l’automatisme.

6. CONCLUSION

Après cette présentation de quelques machines qui imitent l’homme dans les collections du Musée des arts et métiers, plusieurs remarques peuvent être faites. Notons tout d’abord que ces objets techniques créés de toutes pièces par l’homme suivent eux aussi une évolution, plus ou moins parallèle à celle du monde vivant. Peut-être pourrait-on parler d’une sorte d’« hominisation de la machine » ? D’une part, remarquons que le mythe de l’automate n’est pas mort, même si cet être artificiel a beaucoup changé pendant ces deux ou trois derniers siècles. Aujourd’hui, ce n’est plus sous forme humaine que se cristallise le mythe comme à l’époque de Vaucanson, mais dans des fonctions à la fois incorporées dans la machine et aussi désincarnées. Ce nouvel être artificiel est éclaté. Ses membres sont à l’usine, son cerveau est entré par morceaux dans l’ordinateur et ses sens ont essaimé partout : capteurs, micros, caméras… (Jacomy, 1993).

BIBLIOGRAPHIE

DAUMAS M. (1968). Histoire générale des techniques. 3, Paris : P.U.F.

HAURY J. (1990). Le jeu instrumental des androïdes musiciens. Marsyas, 16, 10-19. JACOMY B. (2002). L’age du plip, chroniques de l’innovation technique. Paris : Seuil.

JACOMY B. (1993) Les machines qui voulaient singer l’homme. L’Âme au corps, Arts et sciences

1793-1993, exposition (Paris, Grand Palais, 1993-1994), Paris : RMN, Gallimard, Electra, 120-129.

LATOUR B. (1993). Petites leçons de sociologie des sciences. Points Sciences La Découverte. LEROI GOURHAN A. (1964). Le geste et la parole. 2, Paris : Albin Michel.

MARGUIN J. (1993). Le reporteur et la naissance du calcul mécanique. Revue du musée des arts et

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