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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Idée de nature et nature des idées dans la médiation des savoirs scientifiques

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IDÉE DE NATURE ET NATURE DES IDÉES DANS LA

MÉDIATION DES SAVOIRS SCIENTIFIQUES

Étude de films fixes à la lumière du paradigme médiationniste

Jean-Guy CAUMEIL, MCF STAPS,

IUFM UCB Lyon 1, Saint-Etienne, France. Responsable de la spécialité « Médiation des savoirs en milieux éducatifs » du master MESFC. Le laboratoire qui accueille l’équipe d’encadrement de la spécialité est le CRIS EA 647 lyon1 dans sa composante « dynamique professionnelle ».

Lydie ATMANE, Samia BENAINI

Master 2 MESFC, IUFM UCBL1, UJM Jean Monnet, Saint-Etienne, France.

Mots-clefs : médiation, artéfacts culturels, sciences, éducation, films fixes

Résumé : Au-delà de la nature comme donnée immédiate, existe-t-il une idée de nature qui ne soit pas le produit de la pensée de l’homme ? Probablement que non. Alors, l’idée de nature ne renvoie pas à la nature mais aux instruments artificiels (aux artefacts) que l’homme élabore dans sa pensée pour concevoir, et non plus simplement, percevoir la nature. Il est de la nature de l’homme de produire des idées de nature. L’article illustre comment le paradigme de la triple médiation en éducation permet d’analyser des pratiques pédagogiques dans les domaines des sciences et de l’EPS.

Abstract : Beyond nature as an immediate data, in there any idea of nature that wouldn’t be man’s production? thought? Probably not. Then, the idea of nature doesn’t refer to nature but to the artificial instruments (called artefacts) that man creates in his mind in order to conceive, and not only perceive nature. It's in human nature to produce ideas of nature. The article illustrates how the paradigm of « the triple mediation » is used to analyze educational practices in the disciplines of sciences and sport.

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INTRODUCTION

Pour certains la pédagogie est un art, pour d'autres c’est un bricolage, nous la posons comme une rationalité.

L'activité pédagogique ressort d'une complexité qui s’origine à la médiation des savoirs, et pas simplement à la transmission des savoirs. S’appuyant sur une clinique de l'apprentissage le pédagogue observe pour la comprendre la résistance du sujet au projet que l'on forme pour lui. Pour cela il questionne les fonctions et les dispositions naturelles de l’élève dont la psychologie du développement nous donne des modèles élémentaires et universaux. De même qu’il interprète les interactions culturelles et sociales, qui déterminent le développement des fonctions psychiques supérieures et les caractéristiques de l'activité du sujet dans le monde auquel il se confronte. Le lecteur reconnaitra dans cette approche les grandes lignes de la théorie historico-sociale de Vygotski (1962).

Les études en pédagogie se trouvent donc à la croisée de recherches, de savoirs et de méthodes visant à établir des données générales et des recherches a contrario singulières visant à comprendre les mécanismes inter-individuels et intra-individuels d’incorporation des artefacts d’une culture dans un temps donné1. Le trait distinctif des méthodologies pédagogiques est qu'elles éclairent la clinique (l'observation du sujet en acte) grâce à des modèles généraux, qui n'ont pas forcément été construits dans ce but. Cet écueil méthodologique, certains y voient peut-être même une contradiction contreproductive, doit être posé comme modèle méthodologique. Comment un modèle général «éclaire» un cas particulier ? Nous ne voyons pas dans cette question une incongruité mais au contraire une conjoncture à penser.

L’idée de nature est plurivoque et renvoie à des conceptions différentes, selon la culture de référence, la formation disciplinaire, les croyances, etc. Il y a donc des idées de nature qui révèlent des rapports culturels particuliers à une donnée tangible et stable. Toutefois en nous appuyant sur les concepts de la triple Médiation en Éducation et en Formation (TMÉ) (Caumeil, 2011) nous

1 L’artefact n’est pas une formule présentant autrement ce que d’autres appellent « la construction des savoirs par l’élève ». Il s’agit pour nous d’une toute autre conception ; nous concevons l’artefact à la manière de Wartofsky (1979, 204) « comme étant des objectivations des besoins et des intentions humaines ; c’est-à-dire comme déjà investis d’un contenu cognitif et affectif. L’outil est appréhendé à la fois dans son utilisation, et dans sa production, dans une perspective instrumentale, comme quelque chose destiné à être fait pour et employé selon un certain but ». « Etre fait pour » renvoie pour nous à l’art de faire et « employé selon un certain but » à ce que nous appelons des faits de l’art. L’artefact est un ensemble complexe qui dépasse par exemple un « contenu d’enseignement » et qui est composé :

• d’un artefact culturel qui renvoie à une adaptation artificielle (outil, technique, forme langagière, opération, etc.) conçue par l’homme dans un temps et dans une culture spécifiques pour répondre aux problèmes qu’il rencontre dans son rapport au monde. Dans ce sens, l’artefact ne peut se concevoir que dans sa dimension historico-culturelle et selon sa portée artefactuelle. Autrement dit, l’araire par exemple n’est plus un artefact, aujourd’hui dans les plaines de la Beauce, car sa portée artefactuelle est nulle, l’araire devient alors un objet (éventuellement patrimonial pour le collectionneur) ;

• d’un artefact cognitif que Norman (1988) définit comme « un outil artificiel conçu pour conserver, exposer et traiter l’information dans le but de satisfaire une fonction représentationnelle » ;

• d’une étiquette conceptuelle, nom ou discours associé ; • et qui revêt de surcroit une dimension affective et conative.

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considérons la nature comme une « œuvre » au sens anthropologique du terme. C’est-à-dire comme une production humaine située produisant et en même temps résultant d’un ensemble d’artéfacts. Le but de cet article est de montrer en quoi l’idée de nature peut relever d’un ensemble d’artefacts qui nourrissent la pluralité de ces idées. Nous nous appuierons pour cela sur le fonds de films fixes de l’IUFM de Lyon 1, et tenterons de répondre à la question suivante : dans quelles mesures ces supports pédagogiques véhiculent-ils des idées de nature ?

Les films fixes2 ne sont pas à proprement parler des films. Du moins tel qu’on entend généralement le terme, c’est-à-dire des supports d’enregistrement donnant l’illusion du mouvement. Ils se composent de séries de photographies, ou de dessins, qui sont projetés séquentiellement comme lors d’un diaporama par exemple. Il serait alors préférable de qualifier ces supports pédagogiques de films à images fixes, chaque image, photographie ou dessin, revêtant un intérêt spécifique non lié, à proprement parler, à un scénario. Il s’agit donc d’interpréter (du point de vue des contenus et des pratiques induites telles que nous pouvons les imaginer) une sélection d’images mettant en jeu des éléments structurants de l’idée de nature (abstraite du média et en acte pour les pratiques). Ces éléments sont des signes, des outils et des normes, tels que notre modèle des artefacts les présente. Par ailleurs, la mise en pratique pédagogique des artefacts en situation de classe (à laquelle nous n’avons accès que par approximations) nécessite des arts de faire (des techniques, des procédés, des protocoles), et par ailleurs des faits de l’art, i.e. des productions d’élèves concrètes socialement reconnues.

LECADRETHEORIQUE

Le cadre théorique proposé est la théorie épistémo-anthropologique (Caumeil, 2000, 2006). Cette théorie rappelle que tout acte de transmission de culture, dans l’école et dans les lieux dévolus à cette fonction, est porteur d’une éducation par le savoir. En effet, deux autres sphères éducatives interagissent avec l’école. La sphère familiale qui est celle des solidarités, des traditions et des croyances ; et la sphère sociale qui est celle des affiliations, des reconnaissances et des adhésions. En ce sens, l’éducation scolaire (étendue à tous les lieux de transmission culturelle) est spécifique et

2 L’utilisation de l’image dans une perspective pédagogique n’est pas récente. Pour ce qui concerne notre histoire c’est Ferdinand Buisson qui systématise le recours à l’image pour répondre à l’effet de massification que l’obligation scolaire générait. Reprenant l’ancienne technologie des lanternes magiques, la projection lumineuse à visée éducative colonise très rapidement l’école dès la fin du XIXè siècle. Mais c’est après la première guerre mondiale que la pédagogie par l’image se développe, en même temps que le besoin de communiquer, de découvrir, de partager,… et de consommer. Dans les années 1915-1918 la marque Banania - comme d’autres d’ailleurs, Michelin, LU, Les Lainières du Nord… par exemple – va développer son célèbre visuel à tête de sénégalais. Les « bats. d’af. » bénéficiaient d’une forte côte d’estime auprès du public et la marque construira, à partir de l’image du sympathique tirailleur buvant une tasse de chocolat, une stratégie de communication faisant d’elle le leader du marché. La marque deviendra un partenaire quasi incontournable des Offices du Cinéma Educateur puisqu’une grande partie des films fixes « à l’usage de l’enseignement » sera financée par elle.

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se mesure par l’impact des savoirs formels (ou informels) sur la personne qui apprend, d’où la dénomination de la théorie d’épistémo-anthropologie.

Cette théorie partage avec l’anthropologie culturelle le fait qu’il est de la nature de l’homme d’être culturel, i.e. de s’inscrire dans une histoire qu’il écrit en même temps qu’il la vit au travers de lieux et d’objets de culture qu’il perçoit comme autant de symboles de son humanité. La culture sature, et détermine, le cours de nos vies mais s’impose rarement à notre pensée conscience (Herskovits, 1950).

Elle partage avec l’anthropologie cognitive située (qui est une branche en cours de constitution de l’anthropologie culturelle) le fait que l’homme se comprend dans la situation et dans la culture (Sperber et Wilson, 1986, Theureau, 2004). Si bien que les fonctions psychologiques et psycholinguistiques sont situées, en contexte. Dès lors il faut poser que la cognition n’est pas le simple produit de l’activité cérébrale mais qu’elle est distribuée dans la situation.

Elle partage enfin avec l’anthropologie clinique (Gagnepain, 1990) ou théorie de la médiation, le fait que ce qui constitue l’homme en tant qu’être rationnel n’est pas un donné immédiat mais le résultat médiatisé d’un processus dialectique d’abstraction dont l’anthropologie doit mettre à jour les contradictions.

En cohérence avec l’étude des situations d’éducation par le savoir, cette théorie s’ancre sur les apports des théories de la cognition et des théories du développement. Les travaux des théoriciens et psychologues soviétiques (Léontiev, Vygotski)3, représentent l’interface entre ces champs théoriques singuliers mais convergents. La théorie de l'activité postule que la conscience est distincte de l'activité cérébrale et qu’elle n'est pas un ensemble discret d'actes cognitifs désincarnés (desembodied) telles que la prise de décision ou la classification. La théorie de l'activité situe la conscience dans la pratique quotidienne et affirme que les actions sont toujours insérées dans une matrice sociale composée d'individus et d'artefacts (Léontiev, 1972). Vygotski (Mind in Society) raisonnait dans le même sens en parlant de l'internalisation de systèmes de symboles culturels. Ainsi, toutes les fonctions psychiques supérieures, dans le développement culturel d'un enfant, se manifestent dans un premier temps sur un plan interpsychologique puis sur un plan intrapsychologique. Ainsi, comme l'esprit fonctionne au travers d’artefacts, son travail ne peut être lié inconditionnellement et exclusivement au cerveau ni à l'individu ; il devrait être perçu comme distribué dans les artefacts liés au contexte (inspiration du courant de la cognition distribuée). Lesdits artefacts lient les individus et les actions d'une manière perméable, changeante et évènementielle. Ainsi, la prise en compte du contexte et de l'artefact pour la compréhension de

3 Ce qui m’a le plus surpris lorsque j’ai entrepris de définir un paradigme pour la théorie épistémo-anthropologique c’est la portée actuelle des travaux de la psychologie instrumentale ; i.e. la puissance des concepts formés avant la second guerre mondiale du point de vue de leur résonance avec les théories cognitives actuelles dites critiques (Varela, 1989) (enaction, cognition distribuée, cognition située).

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l'activité et de l'interaction collective est le caractère fondamental de la théorie de l'activité. L'objet de cette théorie est plutôt les systèmes complexes de la coopération - du moins de l'interaction - plus que les individus. Alors que certaines approches privilégient la représentation externe, la théorie de l'activité accorde une importance majeure à l'internalisation (embodied) des artefacts et aux processus de médiation.

Le paradigme (Kuhn, 1983) de la théorie épistémo-anthropologique est la triple médiation en éducation (TMÉ). Le modèle de la triple médiation s’appuie sur les concepts de Vygotski [la double médiation, incarnée et symbolique (grâce à la médiation d’un tiers le sujet incorpore plus facilement les concepts, les instruments artificiels, les symboles, etc., ce que nous regroupons dans la catégorie des artefacts), la zone de développement proximal (avec une visée d’apprentissage cohérente cependant) et le langage (grâce à l’outil majeur du développement qu’est le langage)]. Ainsi que sur les concepts de la théorie de l’activité et tout particulièrement celui d’artefact (Léontiev, 1972). Le postulat de cette théorie est que le sujet incorpore des artefacts issus de sa culture, dans un processus historique et dans une dynamique de double présentation de ces instruments artificielles au plan inter puis intra- psychique. La médiation incarnée renvoie à l’activité de facilitation de l’incorporation des médiateurs symboliques (les artefacts qui influencent le rapport au monde du sujet) qu’assume le maitre lorsqu’il rentre en interaction pédagogique avec son élève.

Dans la figure précédente, nous appelons médialité, l’usage que fait le maitre de supports pédagogiques (ceux qu’il peut créer et ceux qu’il utilise et qui sont créés par d’autres) afin de mener à bien son activité de médiation incarnée. A partir de ce modèle et de cette sélection de films nous avons abouti aux analyses suivantes.

La recherche, dont nous présentons une synthèse des résultats, illustre un des outils de la TMÉ, les

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double entrée. Horizontalement, les éléments conceptuels de la notion d’artefact. Et, verticalement, les ordres de rationalité que mobilise l’artefact.

ANALYSEDESFILMSFIXES

La filiation humaniste : l’éducation des sens

Nous percevons dans cette conception de la pédagogie l’influence des pédagogues humanistes des XVIème et XVIIème siècles, en particulier l’influence de Comenius4. « On doit présenter toutes

choses, autant qu’il se peut faire, au sens qui leur corresponde : que l’élève apprenne à connaître les choses visibles par la vue, les sons par l’ouïe, les odeurs par l’odorat, les choses sapides par le goût, les choses tangibles par le toucher ». Comenius pose comme point de départ à tout

apprentissage le rapport naturel, sensible, de l’élève au monde. Dans sa Grande Didactique, ce rapport s’apparente à une injonction morale et pédagogique (« on doit ») partir des sens pour viser une connaissance encyclopédique et totale. La formation de l’humanité en l’homme passe ainsi par une formation des sens.

4 Comenius, Jean Amos. La grande didactique. trad. intégrale M. F. Bosquet-Frigout, D. Saget B. Jolibert, Klincksieck, Paris, 1992. Nous proposons un extrait du texte que Jean Piaget a consacré à Comenius « Jan Amos COMENIUS (1592_1670) tiré de Perspectives (UNESCO, Bureau international d'éducation), vol. XXIII, n° 1/2, 1993, p. 175-99.©UNESCO: Bureau international d'éducation, 1999. « Peu importe à cet égard que la conception génétique de l’éducation proposée par Comenius et que ses idées sur

le développement mental aient été solidaires d’idées néoplatoniciennes sur le «retour» des êtres, ou soient issues de toute autre source philosophique : l’essentiel est que, situant cette remontée au niveau du travail humain et en parallélisme avec les processus formateurs de la nature, Comenius ait soulevé ainsi une série de problèmes nouveaux pour son siècle : celui du développement mental, celui des fondements psychologiques des méthodes didactiques, celui des relations entre l’école et la société et de la nécessité d’organiser ou même de réglementer les programmes et les cadres administratifs de l’enseignement, celui enfin d’une organisation internationale de la recherche et de l’éducation. »

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L’idée de nature dans les films d’éducation physique et sportive

Connaissance d’hygiène, sport et santé

Dans cette image on observe un groupe de coureurs vêtus de la même manière, ayant une posture identique. Le but de la projection d’une telle image est d’induire une identification avec ces corps. La santé est associée au culte du corps perceptible à travers la notion d’harmonie. La légende de l’image, « Chacun peut

obtenir un corps harmonieusement développé », en

témoigne. L’harmonie renvoie à de justes proportions : l’idée de nature est donc portée vers un idéal. Cette unification (le beau) flirte avec l’uniformisation dans la mesure où les différences naturelles tendent à être effacées au profit de la santé. Santé et beauté sont donc ici associées.

Le modèle antique

Dans la statuaire grecque, les corps représentés sont idéalisés : lisses, sans marque de souffrance physique, le lanceur de disque réalise le mouvement avec facilité. Tout se passe comme si l’artiste nous mettait en présence d’une idée platonicienne de la beauté, où le Beau, le Bien, et le Vrai s’équivalent. Ce canon de beauté grecque, n’est pas juste une perfection physique, mais la beauté du corps révèle la beauté de l’Idée. En ce sens, par l’éducation physique et sportive, il ne s’agit pas uniquement de perfectionner son corps, mais aussi de développer son esprit. Autrement dit, l’enseignant présentant cette image à ses élèves lance un appel à la pensée.

Une idée de nature perfectible

La présentation d’un tel modèle cherche à induire des comportements mimétiques, la perfection du corps étant assimilée à un horizon à atteindre. Ainsi, la nature en l’homme, la naturalité de son corps, sont perfectibles. Cette notion de perfectibilité implique celles d’effort et de travail. S’éduquer, c’est cultiver la nature de son corps, avec ses talents et ses faiblesses. Cet humanisme est perceptible dans l’idéal républicain.

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Une idée de nature bienveillante : Le plein air

La perfectibilité de la nature en l’homme recourt également à une bonne hygiène de vie. Aux notions de beauté du corps et de l’esprit, viennent s’ajouter celle de santé physique et morale. Il convient de montrer les vertus du plein air : l’oxygénation des cellules, de l’esprit. Dès lors, la nature en l’homme se développe en contact avec la nature hors de lui. Ce rapport dialectique de l’homme à la nature se place dans la continuité du célèbre précepte de Rabelais « un esprit sain dans un corps sain ». L’éducation physique et sportive travaille davantage la nature en l’homme. Toutefois, à l’école il s’agit de réfléchir également à l’ordre de la nature en dehors de l’homme. C’est alors une nouvelle discipline qu’il convient d’aborder : l’éducation scientifique.

Idée de nature dans les films d’éducation scientifique.

Les trois états des corps

La photographie illustre les trois états des corps : liquide/l’eau, gazeux/l’air et solide/les falaises. C’est une nature ordonnée qui est concrètement montrée aux élèves. L'image montre un monde stable paisible au travers des trois états des corps.

Une idée de nature classificatoire

Le classement des racines présente une nature faisant l’objet d’opérations cognitives, à savoir une classification théorique, une analyse. La description des racines est dépassée dans la notion abstraite de

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Le protocole expérimental

De la description de la nature, puis de sa classification, l’enseignant en vient à expliquer un aspect de la démarche scientifique : l’expérimentation. Le protocole consiste à travailler sur la notion de changement d’états de la matière, ici en l’occurrence la vaporisation.

Une idée de nature symbolique

Dupont de Nemours est une société d’abord spécialisée dans la poudre noire. Elle s’est diversifiée par la suite. L’auteur de la citation opère une analogie entre la plante et la réalité proche de l’élève. Il s’agit d’un discours manifestant l’idéologie républicaine, visant le développement de la citoyenneté. L’école se fait alors le vecteur de cette idéologie, perceptible dans l’éducation scientifique. Étonnamment on trouve aussi dans cette citation les tendances d’un anthropomorphisme qui renvoie plus à la pensée magique qu’à la science

Conclusion intermédiaire.

Au terme des premières observations concernant les films fixes destinés à l’enseignement primaire, nous constatons que le nature fait l’objet des quatre types d’idées : une idée esthétique de la nature, une idée pseudo-scientifique (car nourrie de représentations imaginaires), une idée symbolique, et enfin une idée idéologique. Il n’existe donc de nature que médiée par des signes, des normes, des outils. Toutefois l’enseignant reste indispensable, il est ce médiateur incarné qu’aucune image ne remplace, dans la mesure où il est nécessaire de tisser du lien entre les images, car raisonner c’est bien mettre en rapport les choses de la nature.

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LES RÉSULTATS

L’intermédialité par les films fixes

Les analyses présentées plus haut nous permettent de donner chair au modèle de l’artefact présenté en première partie. Dès lors, nous obtenons le résultat suivant :

Certaines cases ne sont pas remplies, et montrent ainsi les limites de notre modèle.

La portée explicative du modèle

• Le modèle permet d’expliquer la pédagogique des films fixes à travers trois points d’entrée :

- Une entrée technique (quels sont les outils et instruments ?) - Une entrée sémiotique (quels système de signes est manifeste ?)

- Une entrée principielle (quels sont les lignes théoriques directives, le fil conducteur des films ?)

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Cette triple entrée met en jeu une production poïétique5 et praxique6. En effet, l’enseignement est

poïétique d’une part, dans la mesure où il implique un ensemble de fabrications technique,

heuristique et méthodologique, ce que nous nommons, « des arts de faire » (Caumeil, 2011). D’autre part, cette poïesis à l’œuvre, induit une véritable praxis : l’élève en se saisissant des arts de

faire, s’approprie un ensemble d’idées de nature. L’appropriation, la compréhension de la nature au

moyen des arts de faire, n’est rien d’autre qu’une transformation praxique : l’apprenant en produisant un savoir se produit lui-même. Cette production de soi recourt à des faits de l’art, i.e. la mise en pratique autonome des « arts de faire ». Ainsi, la double production poïétique et praxique rendent possible un authentique développement de la personne humaine.

Apports à la théorie générale :

Dans la mesure où le modèle établit des catégories logiques et universelles, il a une portée générale qui permet l’étude de différents sujets. Ainsi, il est possible d’analyser par exemple les dessins d’enfants7 à la lumière de ce modèle.

Toutefois, ce modèle a pour nous un intérêt surtout pédagogique et didactique : il s’agit d’interroger l’enseignement des disciplines dans les écoles.

Par ailleurs, cette analyse outillée nous a permis de corroborer l’hypothèse de la cognition distribuée : la cognition n’est pas dans la représentation du sujet mais dans la situation.

DISCUSSION

Les résultats

• Les aspects positifs de l’intermédialité par les films fixes :

Elle permet un apprentissage concret car l’élève observe sensiblement l’image. Le savoir est donc fondé sur l’empirie.

Un second intérêt consiste à amener l’élève à s’arrêter sur une image, et ainsi développer son esprit d’analyse.

Elle rend possible une prise de distance objective avec la nature. Celle-ci ne constitue pas ici un cadre de vie, mais un objet d’analyse. La mise en image instaure donc une distanciation, une objectivation, telles qu’elles sont nécessaires en sciences.

5 La poïesis : désigne en grec un « faire », une production extérieure au producteur, pour nous un fait de l’art.

6 La praxis : désigne une production de soi, une transformation intérieure du producteur, en l’occurrence ici une transformation de l’apprenant, pour nous un art de faire.

7 Cf. L’article publié aussi dans ces actes : « Interprétation de l’évolution de dessins d’élèves d’observation de la Nature via la notion de geste d’apprentissage » O. Gabriel, G. Gardet, et J-G Caumeil.

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Cette médiation induit une fascination de l’élève devant l’ordre de la nature notamment, et attise sa curiosité, son envie d’apprendre et de comprendre.

• Aspects négatifs :

Face à l’image, l’élève est passif.

La démarche est très descriptive, il n’y a pas de réelle mise en problème, de problématisation scientifique, ou encore de « situation problème ».

Une conception dynamique de l’idée de nature

Finalement, l’idée de nature ne peut être réduite à une représentation substantielle qui serait « dans la tête », pire encore « dans le cerveau ». L’idée n’a pas de contenu en soi, elle est, pour reprendre un lexique sartrien un « pour soi » c’est-à-dire un devenir, un rapport entre le sujet et l’objet. Par conséquent, l’idée de nature est mouvement qui ne cesse de se rapporter au sujet, qui ne cesse de s’anéantir pour se reconstruire, dans un va-et-vient constant : du sujet à l’objet, de l’objet au sujet. Plutôt que de parler de « représentation » de la nature, trop connoté par la psychologie, nous choisissons de parler d’une « mise en présence » de la nature au travers de ses artefacts, présence qui s’intensifie tout au long du temps, à mesure que le sujet pensant se rapporte au monde. Par conséquent, il n’existe pas de définition univoque de l’idée de nature, précisément parce que l’idée de nature n’est pas une substance, mais au contraire un creux, un vide, Sartre dirait un « néant », dans la mesure où elle est constamment en devenir comme œuvre de l’humanité. Autrement dit, nous devons nous détacher d’une conception statique de l’idée de nature, qui serait enfermée dans une représentation, une définition, au profit d’une conception dynamique : l’idée de nature est un mouvement de rencontre dans une matrice faite d’artefacts et d’individus.

CONCLUSION

Finalement, notre étude nous a permis d’approfondir la notion même de médiation et de questionner ainsi le rôle du médiateur. L’enseignant ne « transmet » pas des idées de nature, pas plus qu’il ne « possède » lui-même une représentation figée de la nature. Bien au contraire, si l’enseignant est bien un médiateur, c’est dans la mesure où il construit le rapport rationnel entre l’apprenant (le sujet) et la nature (l’objet). Ainsi, le bon médiateur s’efface au profit de la médiation elle-même, au profit de la mise en rapport rationnel entre l’élève et l’idée en mouvement.

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Références

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