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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Les musées scientifiques : un lieu d'éducation aux yeux des familles ? Étude de cas : la galerie de Paléontologie du Muséum National d'Histoire Naturelle

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXV, 2003

LES MUSÉES SCIENTIFIQUES :

UN LIEU D’ÉDUCATION AUX YEUX DES FAMILLES ?

ÉTUDE DE CAS : LA GALERIE DE PALÉONTOLOGIE

DU MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE

Anne JONCHERY

Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris

MOTS-CLÉS : MUSÉES DE SCIENCES – PUBLIC FAMILIAL – ÉDUCATION – MOTIVATIONS

RÉSUMÉ : A travers 40 entretiens avec des familles visitant la Galerie de Paléontologie, nous avons analysé les motivations éducatives de leur visite. Le musée de sciences apparaît détenteur d’un potentiel éducatif pluriel, comme lieu d’apprentissage cognitif, comme lieu d’éveil, et comme lieu d’éducation muséale. Ces motivations recouvrent des enjeux de reproduction sociale et de construction identitaire de l’enfant, lesquels inscrivent la visite comme une modalité d’accomplissement des fonctions de la famille contemporaine.

ABSTRACT : 40 interviews with families who visited the Gallery of Paleontology have enable us to analyze their educational motivations. The science museum is not seen just as a place of cognitive learning but also as a place of awakening and museum education. Behind these motivations many things are at stake such as social reproduction and the construction of the child’s identity, which are the functions of contemporary family.

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1. INTRODUCTION

D’après une enquête récente menée dans 101 musées français (Mironer, 2001), les musées de sciences et techniques sont les plus fréquentés en famille. Si les groupes familiaux avec enfants de moins de 15 ans les visitent davantage que les autres musées, ils représentent aussi la majorité de leur public, soit 51 % des visiteurs. Pourquoi cet attrait des familles pour ce type de musées ? S’expliquerait-il par le caractère éducatif des musées de sciences ? En effet, ces musées ont historiquement développé des spécificités éducatives dans leurs expositions (Eidelman et Van-Praët, 2000, p. 4-5). En outre, la famille contemporaine assure, sociologiquement, des fonctions éducatives de diverses natures (Singly, 2003). L’une, traditionnelle, est la fonction de reproduction sociale : il s’agit de maintenir voire d’améliorer la position de la famille dans l’espace social, d’une génération à l’autre. Si auparavant la famille transmettait aisément son capital social, aujourd’hui, dans un mode de reproduction à composante scolaire (Singly, 1993), elle doit développer des stratégies éducatives visant la réussite scolaire. L’autre fonction de la famille, plus récente, est celle de l’épanouissement de l’enfant, du développement de son identité personnelle. Quels liens existe-t-il entre la visite de musées scientifiques et ces fonctions ?

A l’aide de ces questionnements, nous nous sommes interrogés sur l’existence de motivations éducatives lors de la visite familiale. Nous avons cherché d’abord à dégager des types de motivations éducatives, puis à saisir leurs enjeux. L’analyse présentée ici se limitera à cette catégorie de motivations. Cependant, la visite en famille apparaît comme une expérience globale et multiple, animée par des dynamiques variées, mêlant des dimensions affectives, éducatives, de partage et de plaisir.

Méthodologiquement, nous avons réalisé des entretiens auprès de 40 groupes familiaux1 venus visiter la Galerie de Paléontologie et Anatomie Comparée du Muséum National d’Histoire Naturelle. Enregistrés, les entretiens2 se déroulaient avant la visite – afin de recueillir les attentes et intentions initiales – avec l’ensemble du groupe familial, même si la parole de l’adulte se trouvait privilégiée en raison du jeune âge des enfants. Dans le cadre d’une approche qualitative, il s’agit de mettre à jour si des objectifs éducatifs participent à la démarche des visiteurs en famille, cherchant à dégager des phénomènes sans évaluer leur représentativité.

1 Notre échantillon comporte 40 groupes familiaux, chacun composé d’au moins un adulte et un enfant âgé de 3 à 12

ans. D’après une enquête quantitative menée à la Galerie de Paléontologie, les familles présentant des liens de parenté directe constituent 8 groupes familiaux sur 10. Nous avons privilégié ce lien de parenté : 35 groupes se composent de parents et d’enfants et 5 groupes contiennent des liens de parenté indirecte (grand-parents, oncle, tante…). Dans le cadre de cette communication, il ne nous était pas possible de présenter les tendances hypothétiques issues des croisements des motivations éducatives avec les caractéristiques des familles (leur origine sociale etc.).

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2. LES MOTIVATIONS EDUCATIVES DES FAMILLES

Des motivations éducatives apparaissent dans les discours de 36 familles sur 40. Elles se déclinent sous trois aspects, dévoilant des attentes et des représentations différentes. La Galerie de Paléontologie est envisagée comme un lieu d’apprentissage cognitif, un lieu de découverte et d’éveil, un lieu d’éducation muséale. Il s’agit de décrire ces différentes motivations éducatives, non exclusives les unes des autres, et d’examiner leurs enjeux à la lumière des fonctions familiales. 2.1 Le musée de sciences : lieu d’apprentissage cognitif

Dans 25 familles, la visite est motivée par un apprentissage scientifique des enfants. Ces familles perçoivent la visite comme un moment éducatif où peut s’élaborer un apprentissage cognitif, souvent présenté par les parents comme un enrichissement quantitatif de connaissances.

« P – Ah oui moi c’est un aspect un peu pédagogique tout en restant ludique […] moi je veux que mes enfants reviennent avec plus de… plus de connaissances que lors de leur départ quoi. » (n°4)

Pour 10 familles, la Galerie de Paléontologie présente des spécificités éducatives fondées sur la perception concrète des spécimens. Ces parents articulent leurs discours autour de cette connaissance issue de la confrontation à la matérialité de l’objet exposé, et la comparent à la connaissance diffusée par d’autres médias tels le livre, la télévision, voire l’école.

« M – Et pourquoi le musée de la paléontologie c’est que je trouve c’est bien qu’ils voient des choses concrètes quand ils font des choses à l’école que ce soit en histoire ou n’importe quoi c’est bien d’avoir un support visuel à rapprocher… que ce soit pas simplement l’école… quelque chose que l’instituteur enseigne mais que ce soit quelque chose qui puisse être lié parce que eux aussi ont vu et que ça leur évoque quelque chose de concret… c’est pas quelque chose qui est complètement livresque mais c’est une connaissance qui est… pas du terrain parce qu’on pourra jamais leur donner mais au moins une approche des choses concrètes. » (n°1)

Dans 9 familles, les parents développent les processus d’apprentissage à l’œuvre pour leurs enfants et s’attribuent des rôles différents : certains se positionnent comme transmetteurs, médiateurs du contenu ; d’autres s’effacent et soulignent l’autonomie nécessaire de l’enfant, privilégiant sa relation directe à l’exposition ; d’autres enfin évoquent la coéducation, l’échange d’informations entre adultes et enfants et un apprentissage rendu collectif.

« M – Il y a toutes les hypothèses qu’ils peuvent émettre et puis les réponses qu’ils peuvent y apporter déjà d’eux-mêmes et puis des renseignements qu’ils peuvent prendre dans… dans la visite […] en essayant nous de nous effacer et d’être là si jamais il y a des questions, quoi. » (n°26)

Ces différentes postures que s’attribue le parent correspondent aux types d’apprentissages familiaux observés lors de la visite en famille, notamment par Hilke (1989), lequel distingue des stratégies

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personnelles d’apprentissage et des stratégies de coopération. Cette réflexivité des parents sur leurs pratiques montre combien la motivation d’apprentissage renferme des enjeux importants.

L’enjeu majeur lié à cette motivation est la réussite scolaire de l’enfant. D’une part, la visite s’inscrit explicitement dans une logique de renforcement des savoirs scolaires :

« Et qu’est-ce qui vous a donné envie de visiter cette galerie ?

GP – Parce que il a commencé le CE2 et on lui a parlé de la préhistoire.» (n°34)

D’autre part, l’apprentissage recherché constitue un investissement à mobiliser ultérieurement à l’école, comme l’exprime cette mère de famille :

« M – … qu’à l’école ils puissent ré-exploiter ce qu’ils ont vu ou… c’est un enrichissement […] un enrichissement oui tout à fait qui peut les aider dans leurs études ou même dans leurs rédactions pour avoir des idées… » (n°12)

Mais les parents envisagent aussi que cet apprentissage puisse contribuer à l’épanouissement de l’enfant, considérant la visite comme une réponse aux besoins de savoirs manifestés par l’enfant :

« M – Il est passionné par l’histoire depuis déjà deux ans… je pensais qu’en CE1 ils allaient faire des choses mais non rien… je trouve que c’est dommage donc on essaie de commencer voilà. » (n°8)

Ainsi, la motivation d’apprentissage vise à la fois la reproduction sociale, par le biais de la réussite scolaire, et l’épanouissement de l’enfant, en répondant à ses besoins de connaissances.

2.2 Le musée de sciences : lieu de découverte et d’éveil

Dans 17 familles, la découverte, l’ouverture et l’éveil des enfants motivent la visite. Cette aspiration revêt deux aspects différents. D’une part, les parents considèrent la visite comme un moment d’ouverture et d’éveil au monde : l’élargissement du champ de vision de l’enfant justifie leur visite, sans que l’objet de la découverte soit nettement défini :

« P – Donc l’idée c’est de l’amener elle pour qu’elle puisse faire des choses… qu’elle puisse… pour l’ouvrir un peu aux choses, que la journée soit bien, quoi… » (n°19)

D’autre part, certaines familles évoquent l’intention d’éveiller leur enfant à la culture, voire de développer son goût pour la culture. Cette motivation se distingue de la précédente car le contenu de l’éveil et de la découverte est ici nommé et délimité : il s’agit de la « culture ».

« P – Puis d’autre part je pense que c’est bien même s’ils captent pas tout c’est très bien de visiter ça leur ouvre l’esprit… c’est très bien […] j’ai envie qu’ils apprennent les diverses formes de notre culture… qui passent par le Muséum d’Histoire Naturelle par le musée Grévin… » (n°4)

La motivation de découverte et d’éveil recouvre des enjeux divers. Tout d’abord, cet éveil a pour but que l’enfant s’approprie la culture, que ce soit la culture générale ou bien la culture familiale – culture propre aux membres du groupe – en vue d’une intégration sociale.

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« M – [La visite est aussi motivée par] des choses qu’on a envie de lui faire passer en fait… donc on les retrouve au musée… être ensemble et puis lui faire passer des choses qui font partie de notre vie à nous… du monde dans lequel elle grandit… des choses comme ça… » (n°11)

A travers cette motivation, il peut s’agir aussi pour les parents d’inculquer ou de transmettre une attitude de curiosité, voire une démarche intellectuelle à l’enfant :

« M –…et puis donner l’envie ben tiens tu travailles sur ça ben tiens on va aller voir… donner le goût de… la curiosité… leur inculquer une certaine curiosité… aller chercher… on sait pas c’est pas grave on va aller chercher là où on peut trouver… une curiosité intellectuelle… » (n°10)

Ces deux enjeux s’intègrent dans la fonction de reproduction sociale, la visite permettant une transmission des valeurs familiales. Mais cette motivation peut aussi s’inscrire dans la fonction de construction identitaire de l’enfant. En effet, l’éveil permis par la visite pourrait l’aider à trouver sa voie, à se réaliser et à développer ses goûts personnels, le parent ne cherchant pas imposer les siens.

« P – Oui en touchant un petit peu à tout peut-être que je sais pas ça déclenchera une vocation… peut-être que je sais pas je sais que tout ce qui est dinosaure ça l’intéresse peut-être qu’il sera paléontologue j’en sais rien… mais bon je veux pas les emmener voir uniquement des trucs qui me plaisent à moi quoi c’est pas bien ce serait pas bien… » (n°36)

2.3 Le musée de sciences : lieu d’éducation muséale

Enfin s’exprime dans les discours de 14 familles le désir d’une éducation muséale. Donner une éducation muséale aux enfants signifie familiariser l’enfant au musée, comme le souligne l’emploi des verbes « initier » et « sensibiliser », ou celui d’« acculturation » comme dans l’exemple ci-dessous, ce dernier terme révélant bien l’idée de rendre familier un domaine étranger à l’enfant.

« P – Les sensibiliser à… au concept musée aussi c’est… ça fait partie de l’acculturation… » (n°22)

Il est à noter que le musée de sciences figure comme l’institution privilégiée pour une initiation muséale, comparé au musée d’art. Pour 8 familles, la visite de la Galerie est d’ailleurs l’une des premières visites de l’enfant. Les parents attribuent au musée de sciences des qualités propres à faciliter la visite familiale : outre la connaissance préexistante de l’enfant et son l’intérêt pour les collections exposées, ce type de musée est considéré comme plus flexible et plus accessible.

« P – Les tableaux il faut plus se concentrer et bon ils bougent quand même beaucoup… il faut quand même qu’ils aient une certaine marge de manœuvre parce que dans les musées il faut pas faire de bruit… là c’est un peu plus… c’est un peu plus flexible quand même… » (n°36)

Cette motivation d’éducation muséale renferme l’enjeu d’une intégration sociale de l’enfant :

« M – Oui les emmener en famille c’est les éduquer… je veux dire si jamais on les emmène jamais au musée ils vont pas savoir ce que c’est un musée comment on se tient dans un musée…» (n°10)

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Mais cette motivation ambitionne aussi le développement d’une pratique de visite : la démarche de familiarisation au musée a pour but de créer une pratique reproductible ultérieurement par l’enfant.

« P – C’est vrai que les enfants sont pas forcément attirés par le musée… ça doit venir des parents je crois au départ […] et après ça va forcément créer une dynamique enfin j’espère que ça va porter ses fruits ! (rires) » (n°39)

Cet enjeu de l’ordre de la reproduction sociale s’inscrit dans la transmission d’un habitus, d’une pratique de distinction sociale, selon la théorie développée par Bourdieu (1969) dans le cadre des musées d’art. Dans 5 entretiens, ce modèle apparaît valide également dans les musées de sciences.

3. CONCLUSION

La visite en famille de la Galerie de Paléontologie cristallise différentes motivations éducatives. Elle révèle le potentiel éducatif pluriel, pas seulement cognitif, que les familles attribuent au musée de sciences. Ces motivations s’inscrivent dans des enjeux sociaux plus larges : le musée de sciences apparaît comme lieu possible d’accomplissement – pas nécessairement de conciliation – des fonctions de la famille contemporaine, que ce soit la fonction traditionnelle de reproduction sociale ou celle plus récente de construction identitaire de l’enfant. Au carrefour d’attentes et d’enjeux considérables, l’institution muséale scientifique se positionne ainsi au sein de démarches familiales diverses dont le caractère éducatif n’est pas négligeable.

BIBLIOGRAPHIE

BOURDIEU P., DARBEL A. (1969). L’amour de l’art. Paris : Editions de Minuit.

EIDELMAN J., VAN-PRAËT M. (2000). La muséologie des sciences et ses publics. Paris : PUF. HILKE D.D. (1989). The family as a learning System : An Observational Study of Families in Museum. In Museum Visits and Activities for Family Life Enrichment, Marriage and Family

Review, 13 (3/4), 101-129.

MIRONER L. (2001). Cent Musées à la rencontre du public. Cabestany : France Édition. SINGLY F. de (1993). Sociologie de la famille contemporaine. Paris : Nathan.

SINGLY F. de (2003). La famille individualiste face aux pratiques culturelles. In O. Donnat et P. Tolila (dir.), Le(s) public(s) de la culture, Paris : Presses de Science Po, 43-59.

Références

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