Le phénomène de battement
Samuel Rochetin
Jeudi 30 mai 2019
Résumé
Le but de cet article est d’expliquer le phénomène de battement inter-venant notamment lors de l’accord d’un clavecin.
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Hypothèses de départ
L’étude des cordes vibrantes et des ondes sonores dans les fluides mènent à l’équation de d’Alembert. Dans le cadre d’une propagation selon un axe (Ox), il existe des solutions de cette équation de la forme s(x, t) = u(x) cos(ωt + ϕ), où u est une fonction décroissante de x.
Considérons un accordeur de clavecin cherchant à accorder deux cordes à la même fréquence. L’accordeur étant supposé immobile par rapport au clavecin et la distance entre deux cordes étant négligeable devant la distance d’une corde à une oreille de l’accordeur, nous pouvons supposer u constante égale à A (comme amplitude) lors de l’accord du clavecin. Quitte à ajuster le déphasage du cosinus, nous pouvons supposer A > 0.
Il y a deux cordes donc nous superposons deux signaux : A1cos(ω1t +
ϕ1) et A2cos(ω2t + ϕ2). L’équation de d’Alembert étant linéaire, la
somme de ces deux signaux est aussi solution donc nous sommes amenés à étudier le signal s(t) = A1cos(ω1t + ϕ1) + A2cos(ω2t + ϕ2).
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Somme de deux signaux sinusoïdaux
2.1
Cas où les amplitudes sont égales
Ce cas simple nous mettra sur la voie d’une formule plus générale pour le cas où les amplitudes sont quelconques. Tout repose sur la formule trigonométrique de transformation de somme de cosinus en produit.
s(t) = A cos(ω1t + ϕ1) + A cos(ω2t + ϕ2) = A(cos(ω1t + ϕ1) + cos(ω2t + ϕ2)) = 2A cosω1− ω2 2 t + ϕ1− ϕ2 2 cosω1+ ω2 2 t + ϕ1+ ϕ2 2 = 2A cos(∆ωt + ∆ϕ) cos(ωmt + ϕm) 1
En posant : ∆ω =ω1− ω2 2 ∆ϕ =ϕ1− ϕ2 2 ωm= ω1+ ω2 2 ϕm= ϕ1+ ϕ2 2
2.2
Cas où les amplitudes sont quelconques
Le système précédent est équivalent à : ω1= ωm+ ∆ω ω2= ωm− ∆ω ϕ1= ϕm+ ∆ϕ ϕ2= ϕm− ∆ϕ
Cette fois, tout repose sur les formules trigonométriques d’addition.
s(t) = A1cos(ω1t + ϕ1) + A2cos(ω2t + ϕ2)) = A1cos(∆ωt + ∆ϕ + ωmt + ϕm) + A2cos(−(∆ωt + ∆ϕ) + ωmt + ϕm)) = A1(cos(∆ωt + ∆ϕ) cos(ωmt + ϕm) − sin(∆ωt + ∆ϕ) sin(ωmt + ϕm)) + A2(cos(∆ωt + ∆ϕ) cos(ωmt + ϕm) + sin(∆ωt + ∆ϕ) sin(ωmt + ϕm)) = (A1+ A2) cos(∆ωt + ∆ϕ) cos(ωmt + ϕm) + (A1− A2) sin(∆ωt + ∆ϕ) sin(ωmt + ϕm)
Si A1= A2, nous retrouvons l’expression de la sous-section précédente.
2.3
Interprétation physique
Aussi séduisantes soient-elles d’un point de vue pédagogique, ces deux formules ne permettent pas d’expliquer le phénomène de battement : certes, dans le premier cas, assez réducteur, on peut reconnaître un produit de cosinus et se figurer une sinusoïde modulée en amplitude par une autre de fréquence plus basse, mais dans le second, on ne peut rien reconnaître. Pourtant, dans le second cas, plus général, le phénomène de battement peut encore être observé. Nous devons donc utiliser un outil mathématique plus précis : l’expression (positive) de l’amplitude qui nous intéresse véri-tablement est celle que nous étudions dans la section suivante.
3
Amplitude complexe
L’amplitude complexe concerne les ondes sinusoïdales : dans ce cas, c’est une grandeur qui ne dépend pas du temps. Ici, nous généralisons cette notion à la somme de deux ondes sinusoïdales, ce qui va permettre d’expliquer le phénomène de battement puisque l’amplitude va dépendre du temps.
s(t) = A1cos(ω1t + ϕ1) + A2cos(ω2t + ϕ2)
= <(A1exp(i(ω1t + ϕ1)) + A2exp(i(ω2t + ϕ2)))
= |z1+ z2| cos(arg(z1+ z2)) En posant : ( z1= A1exp(i(ω1t + ϕ1)) z2= A2exp(i(ω2t + ϕ2)) Or : |z1+ z2| = p (z1+ z2)(z1+ z2) =p|z1|2+ |z2|2+ 2<(z1z2) = q A2 1+ A22+ 2A1A2cos(∆ωt + ∆ϕ)
Le terme cos(arg(z1+ z2)) ne s’exprime pas simplement mais cela ne
nous empêche pas de pouvoir expliquer le phénomène de battement.
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Explication du phénomène de battement
4.1
Observation expérimentale
Lorsque l’accordeur accorde une corde du clavecin, il pince simulta-nément deux cordes : une corde de référence déjà accordée et la corde à accorder. Lorsque les deux fréquences de vibration sont très proches, le phénomène de battement se produit et l’accordeur cherche à ralentir puis supprimer ce phénomène en augmentant ou diminuant la tension de la corde et donc sa fréquence de vibration. Lorsqu’il y parvient, cela signifie que les deux cordes vibrent à la même fréquence, autrement dit que la corde est accordée.
4.2
Interprétation physique
L’accordeur cherche à obtenir ∆ω = 0, c’est-à-dire 2π∆f = 0. Lorsque ∆ω 6= 0 et |∆ω| ωm, alors il y a modulation d’amplitude et la courbe
représentative de t 7→ pA2
1+ A22+ 2A1A2cos(2(∆ωt + ∆ϕ)) est
l’enve-loppe de la courbe représentative de t 7→ s(t).
Figure 1 – En noir le signal, en rouge l’amplitude modulée
5
Rôle du déphasage
5.1
Extrema de l’amplitude
Une fois que les deux cordes vibrent à la même fréquence, l’amplitude du signal est constante égale à pA2
1+ A22+ 2A1A2cos(2∆ϕ). Pourtant,
en sommant deux signaux d’amplitudes respectives A1 et A2 vibrant à la
même fréquence, nous nous attendrions plutôt à une amplitude résultante de A1+ A2. Cette différence est due au déphasage entre les deux signaux.
Examinons l’argument du cosinus.
L’amplitude est maximale pour ∆ϕ ≡ 0 (mod 2π). Dans ce cas, elle vaut bien A1+ A2 (identité remarquable et valeur absolue d’un nombre
positif).
L’amplitude est minimale pour ∆ϕ ≡ π
2 (mod 2π) et vaut |A1− A2|. Cela correspond à des signaux en opposition de phase puisque ϕ1 et ϕ2
diffèrent de π modulo 2π. Nous remarquons immédiatement que dans le cas de deux signaux d’amplitudes égales, l’amplitude résultante est nulle donc le signal résultat est aussi nul. On dit qu’il y a interférence destructive.
5.2
En pratique
Lorsque le claveciniste joue, nous pouvons considérer que les deux cordes sont pincées simultanément et que le déphasage est nul. L’am-plitude résultante est donc maximale. C’est d’ailleurs pour cela que l’ac-couplement des claviers permet de jouer plus fort.