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Parade : les influences cubistes sur la composition musicale d'Erik Satie

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Academic year: 2021

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(1)

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PARADE: LES INFLUENCES CUBISTES SUR LA COMPOSITION MUSICALE D'ERIK SATIE -par Jacinthe Harbec Département de théorie - '

.

" Faculté de Musique ,

Université ~cGill, Montréal Juillet" 1987

\

.-r.

;

,

Thèse présentée à la Faculté des études supérieures et dé recherche . \ en vue de l' obtention du grade de

.-Ma!tT)ise en Arts {M. A.)

@' Jacinthe Haz:beC',- 1987

..

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(2)

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,

..

RÉSUMÉ / /

Le ballet

p~rade

est le résultat d'ùne

.

syni;.h~sé créative

----"

entre ses trois auteurs: Cocteau, Satie et Picasso. C'est, a

.

priori,. la présence de ce dernier qui val~t ~ l'oeuvre sa

spécificit& cubiste.

"Cette thèse trace la voie du cubisme dans l'oeuvre au-delà

.

- de la facture gvidente -du peintre dans les ~écors et le$

costumes. Et l'auteur 1 en n'omettant aucun paramètre

artistiquer se concentre sur ~'aspect musical Jdu ballet "~n

dressant une an~yse exhaustive' de la composition de Satie.

" 0

C~tte ana~yse démontre la relation entre les caractéristiquen

i.

\ formelles et esthétiques du cubi sme" et

d'écriture utilisées dans ~a musique de Parade.

les techniques

Pour satisfaire au postulat, l'auteur applique divers

procédés d'analyse musica'le formelle, stylist~que ,

., ·harmonique, sehenkérienne, motivique - lesquels participent à

la • reconnaissance d'éléments cubistes. L'architecture

pyramidale, la juxtaposition cubiste de deux styles différen~, .

la fragmenta tion de la" forme, sont en partie ces

caractéristiq~s

communes au cubisme deoPicasso et

àr'

,euvre

Parade-de Satie.

Bref, une recherche rnultidisc~plinaire est présentée où

,

-l'auteur met en lumière les différentes facettes de la relation théqrie-art-histoire .

(3)

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• o / .' " ABSTRACT, o

)

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___

The -ballet'~ Parade ~s~ the resul t of a ~reati ve synthesis

~IVing three authors: Cocteau, Satie and 'Picasso. The·work was recogrüzed as cubist primarily on the basis of the

-painter's participation.

element~ ~

in

.

the cubi;'t 1 ~ ..

,This thesis. researches

.' " Parade

\ beyond their obvious presence·~n the painter's realization'of sets and costumes . While this, study embraces aIl, artistic parameters, the author concentrates on the musicalocomponent of the ballet with an exhaustive analysis of Satie's composition. This analysis relates the composition~l techniques exhibited in Parade to the formaI and aesthetic characteristics of cubism.

In order to satisfy the postulate, the music is studied through severar

J \ .. ana~ytical processes: formaI, sty~istic,

harmonic, schenkerian and motiv1c analyses interact towardsJthe

1

recognition of cubist elements. The pyramidal architecture,

l

t~uxtaposition

of two different styles, the

fragmentation~of

...

form, are sorne of the characteristics common ta the Picasso's

l ,

cubism and Satie's Parade.

Briefly then, the author presents a multidisciplinary research that highlights different manifestations of the theory-art-history relationship.

(4)

...

.

.

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.

Il' va sans dire que mener à

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.

,

bien une tâche' commé cettê

\

.

thèse

il'

est possible qu'avec le soutieff'llde confrères, consoeurs

et amis (es), toUs aussi: dévoués les uns que les autres. AU.S5i

parmi ces collaborat;eurs- dont

l'atavisme et le professionnalisme n'ont jamais fait défaut, j'aimerais saluer:

"

.Janet Schmalfeldt pour sa direction et son soutien;

Vincent Warren et Ornella Volta pour les renseignements

~ournis respectivement sur le ballet et sur Erik Sati~i

- Alan M. GillmoF pour m'avoir gracieupement ouvert so~

manuscrit sur la biographie de Satiei

.,

- 'Nicole Dubreuil-Blondin pour son .expertise en histoire de l'art;

Dihne Beaulieu et Pierre Côté pour le graphisme et la photo; Marie-Thérèse Mesureur et Lis~ Côté pour leur critique syntaxique et grammaticale;

Nathalie Boisvert et Leora Zirnrner pour leur habilité en traductio9 .

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ,- LA GENÈSE

of

'PARADE

PARTIE 1 - LE CUBISME ET SON INFLUENCE CHAPITRE 1 - L'ÉVOLUTION DU CUBISME

"

•. ! . • • • • • 21

1.1- Période de preparàtion, dite "cézannienne"

(l907-1909).~.

23 1."2- Période analytiq,ue (1909-1912) •••

1.3- Période syn~hétique (1912-1914).

a

1~-

Période ;inale, dite "ingresque" (1914-1917) • CHhPITRE II - EXTENSION DU CUBISME AUX AUTRES FORMES D'ART:

L'ACHEMINEMENT VERS UN ART MULTIDISCIPLINAIRE 2.1- Répercussion du cubisme en littérature

.

.

. .

2.2- A propos du tract Le Coq et 11 Arlequin

'-.

..

\

. . .

- '

.

2.3- Érik Satie, l'artiste éclectique . • . CHAPITRE III - PARADE: BALLET REALISTE EN UN TABLEAU

3.1- Le scénario

.

.

,

.

.

.

.

.

3.2- Du cubi sme sur sc~ne

. . . . .

.

. . .

.

..

PARTIE II - L'INFLUENCE CUBISTE SUR LA MUSIQUE DE PARADE

-INTRODUCTION • • • • • • • • • • •

..

CHAPITRE IV - L'ARCHITECTURE DE LA COM~OSprION •• ,. CHAP 1 TRE V- - • L'ANALYSE DE LA PART Il ION

.

.

,

• , .. j.

.

.

.

.

.

.

. .

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.

29

37

44

'52 59

62

73 '73 84 97 101 116'

) -5.1- Choral: Introduction-aux procédés technigues de l'oeuvre. 118

5.2- Ride~u Rouge et Manager: une juxtaposition cubiste . • .

5.3-

P~st~digitateur

Chinois:

~une

construction fragmentaire. - CHAPITRE VI - LES

E~ÉMENTS

CUBISTEhE LA

PARTIlI~~L

,.

CONCLUSION - SCANDALE·OU EVOLUTION.

138

164

190 21b l i t • 0 ,

(6)

J'

0

\

RÉFÉR~NCES ET NOTES' EXPLICATIVES

.

-

. .

• •

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.

ANNEXE 1 Peinture cubiste , .'.

.

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·

·

·

·

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',/t'

·

ANNEXE 2 - Lettre,. mus; que et fOnT1e

.

~

·

• •

· · . ·

ANNE'XE

3

Éléments scénograph1 qu'es"'de Parade par Pi cassa "

~

· . . .

ANNEXE 4 - Partition" musicale: 'Erik Satie, Choral de Parade

, , <.>. •

B~BL:IOGRAPHIE

• • • • • • • • • • • • • •

~.

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267

271

280

283

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(7)

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.:"" .. , . :INTllObUCT:ION LA GENÈSE DE

P~E

-', \!J

(

..

..

~

On dit d'une parade qu'il s , agit, entre autres, d~un

-étalage que l'on fait d'uner chose afin de ~e faire valoir-.(l) En ·ce sens, le ballet réaliste présent.ê pour la première fois au Théâtre du Châtelet le 18 mai 1917 a' atteint parfaitement

.".

l' obj ecti f du .. faire valoir", ,car il suscita de , la part du milieu artistique parisien toute une gamme de réactions allant_ du commentaire dithyrambique aux

.

critiqve~ fulgurantes. Il est vrai que depuis la déc.laration de guerre de 19l4, s'était instauré en France avec la fermeture de certain's . théâtres un clima t d' austéri té artistiqu~e, ~ couvre-feu culturel qui f i t de Parade un événement haut en couleur sur le foqd morne et gris

\ Q

de ces années. \

(

Parade est né de la plume de Jean Cocteau (1889-~963) .(2) Ses connalssances variées de plusieurs modes ,d'expression artistique pré~estinèFent Cocteau â exploiter un domaine daris lequel évolueraie~t en interaction différentes disciplines. Ainsi, outre sa maîtrise de l'écriture, Cocteau par ses

antécédenls~

familiaux connaissait la musique et pratiquait

aussi la peint~re. C'est avec ce regard averti qu'il assista â la première des Ballet.;> russes â Paris le 19 mai 1909. Quel ne fut pas son émerveillement de ~oir que Sergei Pavlovitch Diaghllev (1872~1929), â ce moment directeure de la '~roupJ,

( 1

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(8)

(

...

,

• 0

donnait au spectacle une orientation conforme

a

ses propres

(

ambitions. Il importait à Diaghilev que le tl'clvl\il dl! éhorégraphe 1 composl teur 1 des.sinateur et librcttisté se combi n;\

harmonieusement" pour former un "tout. Le décor et les costumes

o

étaient conçus de façon à ce qu'ils se fusio-nnen.l:: l es CO~3 tUl1\e:c,

"

faisaient' partie intégrante du décor. De plus la comp"911 Le d(>~-;

"Ballets russes avait la réputation . ~1e créa tiOlW . riches en couleurs ~t se distinqu~i t p:lr

i~a teur. Aussi l'intérêt de Cocteau vis-J-v j.s de

1

cl troupe

russe le poussa g ~ouloir

s'y

intégrer.

Cocteau dut fail"'~ appel à une in terrnf2da il (-; 1 lv1i::; id ~;(.t't:

(1872-l950).r Celle-cl, amie intime de Cocteau c~t de- [)Ldqltllc~v,

1/

étai t renommée dans le milieu artistique pOli r :~on rnécr-~nél L.

Dans cet esprit, elle essaya de susciter chez. l' j rnfJr(~::;(u: i 0 un

intérêt pour les artistes français. C'est en 191~; (lll(~ Cocteau,

alors âgé"de vingt-trois ans, se voit offrir sa pl(,rnH~rr..~ chancr;

..---de travailler pour l ' illustre

co~pagnie

de danE:;e dl': Di tlijhil(!'1

sur le ballet

'.

'--"

Dieu bleu créé par

collaboration~avec Reynaldo Hahn. Mais ce ballet LO':;plL(~ d'IIIl(:

légende hindoue .ne suscita auèune passion auprè!J dl! pubU c. Le

prince russe Di'aghilev se voit dans' l ' obLujaLon

d'acculer au mur le .. prince frivole" - Coct0a u - et l(..!:; rJ<l ro 1 (:!~.

prononcées ne laissèrent sans aucun doute dans l'esprlt do \

Cocteau qui saisit la perche à pleines malns:

[

...

] j'attendrai que. tu m'étonnes" 1 lui auralt dit

Diaghilev. (3)

..

(9)

.-,

\4

c

3

l '

Pendant que l~e j,eune poète" se S9ns,acra à lIa recherche de la formule .. éton.na~te", Misia' découvrit Erik )3atie (1866-1925) par la compositton Trois Morceaux en forme de poire (composée

en 1903, publiée en 1911). Cette o~uvre meubla diverses

réunions mondaines parisiennes interprétée, par S~tie lui-même

" en compagnie de Ricardo Viftes\ Aussi cette amante des arts eut

l'idée, peu de temps avant la déclaration de la guerre, (4) de

présenter le composi tee- auprès de

d'encourager celui-ci à commander un

Diaghilev dans

ballet à Satie.

le but Ce/fut

encore une fois au son des Trois Morceaux en forme de poire 9ue

le premier contact se réalisa. La réaction posi t i ve de

) Diaghilev à la musigue de Satie ne fut ternie que par

.'

l'~claternent de la guerre.

--Quelques mois avant cette rencontre, Cocteau, de son côté,

8 -,

travaillait sur un nouveau' projet: David.(5) L'actioh de David

se déroulait à l'entrée d'une baraque foraine dans l'ambiance

I.:?

du cirque. L'argument de Cocteau se résume ~ ces lignes:

/

"

.

Un acrobate f2rait l a ' parade du David grand

spectacLe supposé donné à l'intérieur; un clown qui

devint ensuite une boîte, pastiche théâtral du

phonographe forain, formule moderne du mas9ue

antique, chanterait par un porte-voix les prouesses

de David et supplierait le public de pénétrer pour

voIr le spect~~le intérieur. (6)

c

Pour s'assurer l acceptation de ~iaghilev au ballet, le

poète devait trouver: en tant que compositeùr, un artiste qui

î

J

savait laisser sa marque. Le nom de Satie ne figurai± pas

encore parmi ses connaissanc;s. A ce moment, Cocteau, encore

sous l'effet de surprise du Sacre du printemps (1913), proposa

(10)

J

-

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...

)

~ \ , o 4

partition musicale. Cocteau de~ait dès lors susciter l'enthousiasme de Stravinsky. -JCe n'était pas chose fai te cùr le cornposi teur reçut l'idée du projet(7) avec tièdeur. Premièrement, Stravinsky avait mal perçu le thème au ballet David en y voyant une sorte d'exégèse biblique, sujet qu'il

o

évitait. Et deuxièment, l'aspect du clown et de la "boîte, ce pastiche théâtral" possédait une connota tian trop étroi te ,Ivec son propre' ballet petrouchka (1911). Mais Cocteau, pour" le moins opiniâtre, persista toujours dans la création d'un

\

ballet, persuadé' qu'il sui vai t la bonne voie et que seul le temps et son acharnement viendraient â bout du prince 'dc~

, • . 0 Ballets russes.

Depuis la première du Sacre du printe~s, i l détena i t déj à

~

quelques indices. f" Il Y remarqua d'abord un décalage avec le

présent courant esthétique.

Toute réflexion faite, Le S-acre est encore une .. oeuvre fauve" une oeuvre fau;le organ lsee. Gaugui-n et, Matisse s'inclinent devant 'lui. Mais si le retard de ~a musique sur la peinture empôchail nécessairement Le Sacre d'être en coîncidence avec. d'autres inquiétudes, il n'en apportai t pas moins lH'le

Il

dynamite indispensable. (8) \

\

Cocteau ne tarda pas à constater cet ecart esthétiqlJc avec

J...,;

au~ience:

.. , passons dans la salle. Elle .:-st comble. Il Y a là, pour un oeH exercé, tous le::: matériaux d'un sCë;ndale: public mondain, âécolleté, harnaché de perles, d'aigrettes, de plumes d'autiruchei côte à côte avec les fracs et les tulles ...

Il- convient de . noter ici une particula~i té de notre sa.JJ.e: l'absence, sauf deux ou trois exceptions, des jeunes peintres et de leurs' maît.res. Absence motivée, je le sus beaucoup- après, pour les

(11)

.'

~. ,

\

\

5

"

uns par leur ignorance de ces pompes OÙ)D~rghil:~ n: les invitait pas, pour les autres, par

Jf

preJuge

mondain. (9)

..

.

De ce constat de deux clans artistiques fermés, Cocteâu conçut enfin la stratégie: amener la peinture moderne au théâtre.

, ,

Déj à, lors-de la- conception de David au printe~ps 1914 f i l

--

.

~ ,

avait été mis en contact"avec un des peintres cubistes, Albert Gleizes (1881-1953). (10) D'ailleurs -Cocteau, ins~stant à réaliser lui-même les décors de ce balret, s'inspira des

~

p~intures d~ Gleizes pour sa création. L'oubli du David fut

facili té -par F'élaboration d'un projet cocteau-Gleizes

,

intitulé: Songe d'une nuit d'été, une adaptation française ,

.

.. ,,11 t.na-moderne" du Midsummer' Night' s Dream de Shakespeare. cette production devait être présentée au Cirque Médrano de Montmartre avec la figuration des fr~res Fra~ellini. L'essence du scénario reposait sur la transfiguration de la' vie

o

quotidienne en un univers fo;-ain', , voire fantastique'.

~

Selon Conrad DeBold, l'Qeuvre lui offrait de.gràndes possibilités ,;à-'-iron\e ét de parad,oxe: "Le passage, .des paysans du monde réel

/ à un autre mande s'effectue aussitôt que les personnages

franchis~ent le cercl~ magique de ~a piste."(ll)

L'ensemble du ' spectacle devait se dérouler au son d'un pot-pourri de

mUSiqUe~

représentatives

dU'90ût'fr&bça~s' s~us

la

...

direc~ion d'Edgar Varèse (1885-1935).(12) Il semblerait que c'est à ce

~rnier

que

revi~nt

la

pater~ité ~ro,j~t.

Il avait vaguement paJticipé à la reprise de A Midsummer Night's Dream à Berlin dans une production de Max Reinhardt; ceci dut

p \ ,

.

1 - i 1 1 ï

(12)

..

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6 '\

stimuler ses amis à créer une version strictement française.

Le projet promettait d'autant plus que Gabr"'iel Astruc

CI )

(imprésario de Diaghilev' avant la guerre) "accepta de se charger

de l'organisation artistique. Gleizes s'attaqua aux ëiécors et

costumes tandis que Cocteau s~occupa à rédiger une

transcription adaptée à l'atmosphère foraine. _ Une piste de

c~~~ue

remplacerait le plateau de théâtre on évolueraient les

célèbres clowns. En plus, la fo~me narrative conventionnelle

~

du théâtre se transformerait en une série de vignettes isolées

----et indépendantes semblables aux numéros de cirque.

Au sujet des' oeuvres musicales au programme! on pensa

notamment aux Gymnopédies(13) d'Erik Satie et diverses aut~es

pièces de Debussy, Schmitt, Sûrement Stravinsky, informé par Roussel, r V e l Varèse lui-même et' Florent que l'on

songeait à utiliser une de ses compositions dans ce spectacJe,

Satie, qui ne prêchait que pour la nouveauté, décida d'écrire

les Cinq grimaces pour_, "le songe d'une nuit d'été", (14 )

terminées le 2 avril 1915. Nous n en connaissons pas les

motifs, -mais, les Cinq grimaces ne -.,. parvinrent jamais aux

organisateurs. (lS) De sorte que lors des répétitions de l'été

1915, l'orchestre jouait toujours les Gymnopéaie~"

, '.

Cocteau tenait fermement à la participation ,~usicale de

Satie et de pLus en pLus s'intéressait ~ ce m~iq~e personnage

dont il entendait parler dans le milieu artistique. Aussi une

a

rencontre lui semblait maintenant indispensable. Pour réaliser

ce désir,'il demanda l'aide de Valentiriè Gross (la future

!

(13)

(

,

~

7

...

épouse de Jean Hugo). Il savait l'admiration de cette artiste pour le musicien excentrique. (16) Elle fit connaître à Satie les intentions de Cocteau. Cette rencontre eut, lieu le ,18

\

octobre 1915 à l'appartement de rvalentine Gross en c9mpagnie d' Astruc. Evidemment, l ' éch,ange se mainten?i t autour du S'ange. Une deuxième rencontre sous les, mêmes auspices fut prévue ~our

le 29 novembre 1915 en prenant soin de ne pas inviter Astruc. '

t>

A ].a surprïse de Valentine, C,?cteaJL n'aborda même pas le Songe mais épilogua sur un autre projet dont les idées directrices se

r~pproch~ient de près de celles de David. Aussi pour q~elques

raisons~elatives à un manque de matériel ou' à une annulation

de la direction du Cirque Médrano, on n'entèndit plus pârler du

-- .,

"

.

Songe.

L'échec de ce projet touc~a très peu Cocteau, d'autant plus gu'il-en é~ait insatisfait. Il cherchait quelque chose de

c'

0

plus original et de .plus moderne. Il était ae plus convaiRcu 'que cette période de guerre favorisait la nouveauté à Paris .

• c

- Aussi ne cessa-t-il de croire à une autre réalisation avec les Ballets russes.

Sans mot dire sur le réfus de St_ravinsky pour David" » Cocteau demanda la collaboration de Satie dans un esprit qu'il décrit lui-même en c.es termes: "Je' me suis cogné contre ~gor ep. , marchant sans le sav.oir vers SÇitie H • • ( 17) Il ne croyait p-a~ si

o

bien dire, car effectivement sans , le savoir i l visait

juste en s'adressant au HVelvet GentlemànH.(18) Au cours de 1916, revint à l'esprit de Diaghilev l'idée d'un ballet par

(

(14)

....

\ /

:)

~ \ - 0 /' /

\

..

8

Satie et a:e~t, pourrait-on dire, au même moment que jaillit

l'éclair de génie chez Cocteau en entendant à son tO(lr les

Trois Morceaux en forme de poire. Il disait:

L'idée m'en ~st venu~ . pendant une permission

"d'avril 1915 [sic, pour 1916] (j'étais alors aux

armées), en écoutant,Satie jouer à quatre mains avec

Vines ses Morceaux en forme de poire.

Une sorte de télépathie nous inspira

déslr de collaboration. (19)

,

,ens~mble un

f:>

Car depuis la précédente rencontre (automne. 1915) avec .. Satie,

t , d' b l '

d'~

. l ' - h ' . d

ses occupa ~ons' am aU anc~er- e guerr~ empec a~ent e

développer davantage son nouveau projet. Un congé en avril lui

permit alors de se consàcrer à sa dernière inspiration de façon

à préciser, ses intentions. 1

Le mot "pclrade" s' assoyie maintenant à ,.son idée. Il

l'~nscrit sur la couverture d'un d~ ses carnets de notes, suivi

d' une définition ~uisée dans leo dictionnaire Larousse: "Scène

burlesque, jouée à la porte d'un théâtre ~orain pour attirer le

monde. "(20) monter avec , ,

La ressemblancë) au projet

Stravinsky est

i~déniable.

"

David qu'il 'voulait

De même, le thème du

" '

c~rque du Songe d'une nuit ~'été se maintient.

- -

'!-Satie accueilljt le projet avec enthousiasme mais demeura

sceptique à l'idée des Trois Morceaux 'en forme de poire comme

trame sonore. (21) Aussi le 1er mai 1916, Cocteau posta une

l~asse de notes indiquant les lign~s directrices du spectacle

et ,de chacun d~s personnages:. le prestidigitateur Chinois, la

Petite Fille Américaine; et l'Acrobate (originalement, °il n'y

avait qti'~n acrobate). Selon l'auteur:

(15)

(

,

D

9

Ces_ indications n'avaient rien d'humoristique.

Elles insistaient au contraire sur·le pr~ongement

. des personnages, sur le verso de "tlotre baraque

foraine. Le Chinois y était capable de torturer des

missionnaires, la Petite Fille de sombrer sur lé

Titanié, l'Acrobate d'être en· confidence avec les

anges. ( 22) '"

Dans .cette ébauéhe de proj et", il précisa que la musique

formerai t un magma où elle se mêlerait et s'opposerait - à de

. f

simples son~ ~t des paroles. Dês la réception de cette liasse

de notes'C,Satie accusa réception à Cocteau lui démontrant sa

satisfaction.

Sa~ie n'était pas le seul collaborateur à qui Cocteau

\

songeait. Son idée de spectacle moderne à double thématique de

cirque et de vie quotidienne qu'il mqrissa~t depuis le montag~

"

âu Songe d'une nuit d'été déclencha à ce mo~ent même une

l

1

fervente envie de rencontrer le che~, de ~file ~es cubistes)

Pablo Picasso (lS81-1973l.

(l

Il essayait aussi depuis mars 1915

..

de matérialiser ce ,désir par l ' intermédia,ire de Varèse. Ce

n'est gu' à la fin de l'automne de cette même année que le

musicien l'introduisit à ?icasso, ·sa rencontre capita1e".(23)

,

A sa seconde visite à Picasso, Cocteau - pour rendre

hommage au répertoire de la période bleue du peintre - porta un

if

,

costume d'arlequin. Cette extravagance amusa picasso et permit

de poser les jalons d'une amitié entre lui et ce maître.

Pendant , sa permission, i l ,vit plusieurs fois le peintre de ,

sorte que le 1er mai 1916, Cocteau pos4 chez ~icasso.(24)

Puisq\ie cette dateo coïncidait avec l'envoi des liasses de n{;)tes·

à Satie, nous pouvons _supposer què Cqc~~au profita de

tr

L

(16)

-.'

\

1 0 ~ il l , ! -10

l'occasion pour expos~r au p~intre son nouveau projet de ballet et sa volont€ de le voir s'y joindre. Il devinait que-Picasso possédait le <'potentiel à repverser les idées de tout "monstre sacré" .

..

Mais tout n'€t4it pas gagn€.

.

-,

~ En plus de convertir Diaghilev à la peinture moderne, i l fa~lait persuader ce cubiste à venir travailler pour les ballets. Car le mouvement en géh€ral manifestait un m€pris de cette activité artistique, p la dénonçant comme un divertissement prétentieux et bourgeois.

-La foire et ~e cirque convenaient mieuxraux idéaux cubistes. Plusieurs c1~constances firent en sorte que le projet attira,:le peintre espagnol. En' effet, Cocteau lui présenta- le projet au moment où Picasso s'ennuyait en ~ raison de l'absence de- plusieurs ar~istes

politiques précipités.

~

l'intéressa car ,depuis

\

-peind~e des arlequins.

abs~nce - causée par les événem~nts

En outre, le , quelque -temps, Finalement, étant sujet en il s'était e lui-même i b remis à

ami d'Erik Satie, i l lui plaisait de connaître sa participation. Aussi, avant de

,

s'engager définitivement, i l paraîtrait que lors de promençdes nocturnes avec ,- Satie., Picasso l'entretenait de _ longues discus<sions sur le projet. (25) Il ~mporta~ . ' t pour \ 1 e 'pe~ntre '

qu'il soit son propre maître dans ses créations, et c'est la

y

raison pour laquelle i l demanda une période de réflex~on.

Entre temps, i l fallait convaincre Diaghilev du po~entiel

. de l'a~t "picassien" au bailet. -Ainsi à la fin ~u m

15

de mai

-, .-,1916-, (26)" Diaghilev consentit à venir à P,aris

(17)

(

\ ~

..

"

r

(

11

l

• 0

Picasso en prêsence de Cocteau et Satie. Même si l'atelier du

peintre provoqua un effet ·sinist~e· sur l'il1lpr&sariQ, il

.

sembla intéressé au projet.(27)

- Le 24 aoOt 1916, u~e bonne nouvelle arriva chez valeptine

Gross: "Picasso fait

~arade

avec Nous pouvons

i~aginer l'enthousiasm~ avec laqaelle Satie et Cocteau lui

G"

envoyèrent ce message. Le peintre cubiste avait enfin pris sa

d~cision. Si la collaboration de Picasso suscita une telle

jQie a,~près des deux auteurs initia-ux,

,

-

i l n'en fut pas de même

des artistes de Montmartre et Montparnasse. VOir un des leurs

participer aux Ballets russes était,suffisant pour ~éclencher

une confrontation. face à cette querelle idéologique, Cocteau ,

parla de paraqe comme étant "la plus grande bata~lle de la

guerre ~l explique en quoi elle consistait:

Il n'y avait pas de gauche ni de droite politique;

i l n'y avait qu'une gauche~et une droite de l'art, et

nous étions dans le patriotisme de l'art.(29)

... et tout à-coup le patriotisme de l:art a pris une

intensité extraordinaire, parce ~ue le patriotisme

tout court avait en quelque sorte aêbarrassé la ville

de ces intellectuels de surface. . Nous étions

partagés entre ce. spectacle et celui des bombes et du

feu d'artifice, mais il est de toute évidence que __

notre véritable cbmbat était à Paris, à

Montparnasse. (30)

Laisser le patriotisme d'art pour aller travailler aux

1 ...

Ballets russes, comme scandale, on ne pouvai t faire mieux .•

Aussi Picasso fut cocnsidéré pa,r les puristes du cubisme traître

à leur art. De son côté" Cocteau se félicitait d'avoir

entraîné Picasso sur les planches.

<> " li 1 -1 1 i 1

!

(18)

...

,

, 1

.i!J4>

Ce qui me· regarde, c'est Picasso décorateur d0,

théâtre. Je l'ai entraîné là. Son entourage ne

~oulait pas croire qu'il me suivrait. Une dictature

pesait sur Montmartre et Montparnasse. On traversait

la période austêre du cubisme. Les objets qui

peuvent tenitt sur 4ne table de café, la gui tare

espagno~e, étaient les seuls plaisirs permis.

peindre un décor, surlJ:>ut au Ballet Russe (cette

jeunesse dévote ~ignorait S~rawinsky [sic]), c'était

un crime.(31) .

---Mais puisque le 'mzov ent était plut"ôt ,disloqué çlepuis 1 ù

.

..

déplara'tion de la g r're, lé '" peintre ne se 1 lil.18Sil. (hW

influencer, ne se sentant pas vraiment visé. cè 'lit' il ,11111 L t

cherche,r au théâtre consistait, non pas à rechercher l'aspect

accessoire, mais plutôt à amener une voie nouvelle cl 1'ùrl.

pictu!al en y intercalant les paramêtres espace et temps,

Picasso avait toujours été.le 'maître absolu dans [)d

pratique d'art, et ce n'était pas dans son tempérament de se

p].ier aux exigences d ',une équipe de, travail. Or i l possédaLt:

_ses propres idées sur l,~ scénario, .et le caractè!e fondarnenta l

du ballet, tel que Cocteau l'avait conçu, se trouva modifif: â

l'aspect occ~lte, détaché du monde, le peintre préfera la

thématiqu(~ réaliste par la fU'sion des éléments caractéristiques

'du spectacle de boulevard.

Un autre aspect de la version originale déplaisait à

Picasso: le désir d'intercaler des bribes de ph~ases chantées

'II

ou déclamées dans un haut-parleur introduisant

l'atmosphère du prochain numéro:

Après chaque numéro de Music-Hall, une ~oix

anonyme, sortant d'un trou amplificateur, chantait

une phrase type, résumant les perspectives du

personnage. ( 32) i

o

(19)

.

,

(

13

Picasso n'aimait pas l~idée d~ haut-parleur et suggéra tout d'abord de person~ifier cette voix anonyme par trdis Managers géants qui rivaliseraient par une réclame acharnée pour leur n~méro respectif.

Lorsque Picasso nous montra ses esquisses, nous comprîmes l'intérêt d'opposer à trois chromos [personnages humains], des personnages inhumain"s, surhumains, qui deviendraient en somme la fausse réalité scénique jusqu'à réduire les dariseurs réel~ à des mesures de fantoches. ( 33)

J

Cette transformatiop du livret séduisit Satie ce qui eut pour effet d'entretenir la vicissitude entre- les auteurs. D'une pa~t, Cocteau se sentait menacé dans son rôle,(34) tandis que Satie, de son côtér craignait la réaction du po~te à la

transformation en mieux du livret par Picasso. (35) Il se sentit tout de même obligé de prévenir Cocteau, (36) qui oomprit

~ ... . t

tres Vl. e que les idées géniales du peintre amélioreraient de

toute évidence le ballet. Finalement l'équipe s'entendit pour travailler à une nouvelle ve'r~ion.

En dépit des querelles de coulisse dont le,' but inavoué fut la lutte pour le pouvoir, le pr~jet avançait bon train. Diaghilev invita l'équipe à venir le rencontrer chez lui le 7 octobre 1916. Il profita de l'occasion pour leur présenter Léonide Massine (1895-1979) qu'il destinait à Parade à titre de chorégraphe et danseur. Cette visite ravit tous. les convives et particulièrement Cocteau. (37)

Satie travaillait toujours assidûment à sa partition,(38)

o

.,

de sorte que le 12 décembre (1916), i l présenta à Valentine un' avant-goût de l'oeuvre(39) et le 26 du même mois, i l lui

(20)

";1

14

\

demanda d'organiser une lecture au piano de son manuscrit. La

"

p~rtition à q4atre mains de Parade fut alors terminée. (4Q)

Q

La signature du ~ontrat ~vec les Ballets russes de Diaghilev suivit de près la phase finale de la composition,

"

musicale - Janvier 1917(41) - alors que Massine exprimait son impatience à débuter son travail. (42) Du côté du peintre, les esquisses des co~um~s et décor évoluaient auss~ allègrement. Le 17 février l'équipe, à l'exception de Satie, partit rejoindre Diaghilev et Massine à 'Rome oil la compagnie de daD~~

était installée évitant ainsi l ' o,ccupation allemande de' Paris. C'est ~ans une cave à Rome, la'cÀve Taglioni, que la version finale de Parade prit corps. Mis à part les petits accrocs entre Diaghilev et Cocteau, l'échange entre le poète,

L'

l~ peintre et le chorégraphe se réalisa dans une atmosphère des

. - y

plus excitantes. Massine savait transposer les désirs des auteurs en des pas de danse adéquats. -~octeau soulignait:

~

,

Mon rôle fut d'inventer des gestes réalistes, de " les souligner, de les ordonner, et,_ grâce à la

science de' Léonide M~ssine, de les hausser' jusqu au-style de la danse.(43)

Picasso installa son atelier dans la Via Margutta, appréciée pour sa vue superbe sur la Villa Médicis. Là

évoluaient les différentes esquisses de déco~ et costumes dont Cocteau garde un souvenir précieux:

Je n'oublierai jamais l'atelier de Rome. Une petite caisse con~enait la maquette de Parade, ses immeubles, ses arbres, sa baraque. Sur une table, en face de la Villa Médicis, Picasso peignait le Chinois, .les Managers, l'Américaine, le Cheval,

... (44)

(21)

(~

~~;~~:~:

.

~

, .

...

15

L'exécution des costumes et décor devait se faire à Rome.

Mais, pOÙE des raisons -pratiques, on réalisa les élémènts

scéniques à Paris sous la surveillance de Picasso lequel

participa' même au brossage du rideau gigantesque. (r45) La

répétition d'orchestre se tint aussi à Paris sous la direction

,,'

d'Ernest Ansermet (1883-1969). Ce n'est qu'après l'arrivée d-e

,

la compagnie dans la capitale française que la troupe d

7

danse

put travailler avec l'orchestre. Up mois p~us tard, on

,annonçait la première de Parade. (46)

," Le

1~

mai r9l7, le théâtre du Châtelet levait le rideau

sur Parade: Ballet réaliste en un~tableau, ~La scène à laquelle

le public assista se déroulait en face de l'entrée d'une

baraque foraine d'où s'élèvaient de chaque côté des édifices à

\ étages. Trois types de personnages -réels· - P~estidigitateur

\' Chinois, Petite Fille Américaine et deux Acrobates - offraient

à tour de ll-ôle un aperçu l du"~~;:numéro qu'ils présenteraient à

~'i~~érieur, -Les appuyant ou 'les confronta~t, trois terribles

M'an~~ers

..

inhumains'~

- Manager en Frac, Manager de New York (47 )

l et Manag~r à Cheval - organisaient la réclame pour essayer eux

aussi d'attirer le PUbLic, à venir voir le spectacle. Ils

p'~écutaient successivement de sorte qu'un Manager entrait en

action avant chaque boniment des personnages.

C'est dans cette atmosphère de cirque que les auteurs

affichèrent le résultat de leur réflexion sur la ·vie urbaine-,

"

Car il leur importait que ce réalisme soit ainsi transflguré.

Dans un article paru ~dans l'Excelsior le jour même de la

(22)

,

')

16

Nous souhaitons que le public considère Parade

comme une oeuvre ~ui cache des poésies sous la grosse

enveloppe du guignol. Le rire est de chez nous; i l

importe qu'on s'en souvj.enne- et qu'on le resslisci te

même aux heur.es les plus graves. C'est une arme trop

latine pour qu'on la néglige. Parade groupe le

premier orchestre d'Erik Satie, le premier décor de

pab~o Picasso, les premleres chorégr~phies cubistes

de Léonide Massine, et le premier essai pour un poète

, de .s'exprimer sans paroles. La collaboration a été

si' étroite que le rôle de chacun épouse celui de

l'autre sans empiéter srtn lui.(48)

-

.

On_ne peut nier la cohésion interdisciplinaire de Parad~.

'Cette qualité fit l'objet d'un manifeste intitulé ·'Parade' et l'Esprit nouveau· ecrlt par GUlllaume _ , ~ f 1 Apollinaire (1880-1918)

et qui accompagnait le prograrrune du spectacle: Dans c_e texte,

-Apollinaire aborde les grandes lignes de la pensée esthét:ique

du ballet.

De cette alliance nouvelle, [ ... ] i l est résult6,

dans Parade, une sorte de sur-réalisme où je vois le

.point de départ d'une série de manifestations de cet:

esprit nouveau qui, trouvan~ aujourd'hui J'occasion

de se montrer, ne manquera pas de séduire l'élite et

se promet de modifier de fond en comble les arts et

les moeurs dans l'allégresse universelle, car l~bon

sens veut qu'ils soient au moins à la hauteur des

~ 1 progrès scientifiques et industriels.

Je~n Cocteau appelle un ballet réaliste. Les

décors et les costumes cubistes de Picasso té~oignenf

du réalisme de son art.

Ce réalisme, ou ce cubisme, comme on voudra, est

ce qui a le plus profondément agité les arts durant

-les dix dernières années.(49)

",

...

----Parade ouvrait la porte â l:esthétique des années

r

, 20

époque où l'on vit apparaître chez les artistes français les

(23)

(

\

.

;

17

r

0

stigmates de l'éclectisme aqoutissant à l'hybridation de

,

chacune des pratiques dé l'art, de sorte que peintres, poè~es

et musiciens implantèrent dans leur domaine respectif des gènes

(]

puis8s à même,les autres disciplines artistiques.

1

Dep~i; env~ron 1907, le mouvement qui prédominait était le

.

cubtsme. L' influence cubiste ne tardéL pas alors' à ressurgir

dans les modes artistiques adjacents. Aussi les peintres

cubistes jo~èrent un grand rôle dans la définition \ de

l'esthétique artistique des années '20.

Parade fi t ... ~_' unanimi té sur sa valeur cubiste et sur le

fait qu'il fut la première manifestation du genre. C'est cette

contaminatlon par le cubisme de chacune des disciplines

impliquées, et pas simplement la juxtaposition mécanique da ces

dernières, qui valut à Parade cette dénomination.

Dans la littérature sur Parade, nous comptons deux

'J

ouvrages majeurs voués

l'aspect du cubisme par rppport

Parade: Richard H. Axsom(SO) élabore principalement sur

à

contribution de Picasso, et Conrad DeBold se focalise sur

l'apport de Cocteau. Ma conviction propre de l'éclectisme des

intervenants dans Parade m'amène à présenter le résultat d'une

étude qui démontre la pénétration du cubism~ sur la composition

même d'Erik.Satie: aspect à peine soulevé par les auteurs que

je viens de citer .

.

appartenant à la p~inture tel le cubisme ne peut être abordée

sans y amener quelques pr~cisions préalables. Mon intention

(24)

....

.,

-'

...

p

18

éJ ,

n est pas d'énoncer que Satie composa une - musique cubiste, ni d'affirmer que le côté visuel de cette partition évoque une

1

)!, toil.e ,cu~iste. N'oublions pas, tout comme l'indique le ti tre

de mon étude, que le sujet met en relief l'effet d'entraînement

-\ du cupisme. AU,ssi l' obj ectif principal de cette thèse eG..t. (le démontrer c~ent Satie a su traduire musicalement certaines < ,

caractér'istiques cUbis,tes dans la composition de Parac'}e.

Pour mener à bien ce postulat, une étude sGr le cubisme s'avère indispensable et constitue l'objet du premier cllapitre de ce travail. Dans celui-ci, un regard sur l'évolution du cubisme accompagné d'illustratio'ns des tableaux de Pic<1sS0 et: de Braque est présenté. c.ette tranché de li) thÈ~se qui a pour-but d'élucider des principes et caractéristiques cubistes par

,

une démarche historique et dialectique s'inspire d' <1111:ori té.s reconnues en la matière - ~ntre autres, John Goldlng, Dougla.s Cooper et Edward IF. Fry et de quelques témoignages de l'époque, de Guillaume Apollinaire et

~

que ceux-l2t.

d'Albert Gleizes pour ne

~,

S'~l est, vrai que le cubisme a influencé l'accomplissement "des au/tres arts dans ces années du début du siècle,'- nous

e vèrrons au deuxième çhapl tre comment cette lnfluence se

~

concrétisa dans les divers domaines artistlques. Tout d' abf)rd , nous remarquerons que lés tendances littéralres talonn~rent

celles du mouvement cubiste. L'étude d'un poème d'Apolllnaire nous servira de référence en tant qu'oeuvre non-pictural~ â laquelle préfigurent des éléments cubistes. En troisième lieu

(25)

(

o

J . .

19

\

dans ce chapi~re, quelques extraits tirés du traCt Le Coq et

.

l'Arleguin de Jean Cocteau nous , initieront à l'esthétique de

'"

l'époque de Parade.

Q

l'exemple d'Erik Satie en tant qu~ musicien répondant à cette

esth&tique.

\

ces ceux premiers c~apitres constitueront l'infrastrùcture

~permettant .l~étude des influences 'cubis<t.es sur Parade.

Celle-ci s'annoncera sU chapitre trois par la discussion du

, 1

spectacle 'lu~-même. A~rès avoir donné une description du

déroulement du

cubiste dans le

,

'

ballet, i l sera question de l'application

livret de ~ôcteauï dans la scénographie dé

Picasso et dans la chorégrêl:phie de Massine. ' En raison de.

o 1

prendre un tel sujet, nous nous

l'ampleur que risquerait de

limiterons aux ~aspects les plus évidents dans chacun ( deoces

éléments du spectacle. Q

\

,

Ces trois chapitres forment là prèmière pa~tie de la thèse

,

qui

q1

0ncernent les domaines autres que la composition

musicale-... de Parade, cette démarche multid{sciplinaire s'avérant

, nécessâire; pour entreprend~e le~ ,sujet principal de la thèse.

Une étude analytiqùe de la partiti~n de Parade' sous un

.

\ reg ard cubi ste ,\ 1 \

fait l'objet de la deuxième partie regroupant

1 les trois derniers chapitres. Le quatTième trace

l'architecture dé 1 'oeu"re , .dans .. l~quelle Pa structure

C)

prra~idale, '-bien connue des cubistes, représente

1)

particularité. L'aialyse de

1:

écri ture '- musicale ap~raît au

chapitre cinq et s'effectue,en trois é~apes: la première

"

--• t ."..., -, ,

(26)

./

o

20

introdu~t les procédés techniques utilisés dans l'oeuvre;, la

deuxième illustreo la cari:l.ctéristique de la j uxtaposi tion de

\

deux styles - d'ailleurs manifeste dans les peintures

de

la

Q

dernière période cubiste de Picasso; enfin, la troisième étape abdrde Ole :ôté

fragmentair~

de la)

fo~me

musïcale démontré par, l'exemple du Prestidigitateur Chinois. Tout au long de cette analyse 'de la parti ti'bn, divers procédés son}: utilisés: l'analyse h,armonique et

< , schenkérienne élucidert 1 ',aspect

,

tradi tionnel de l' OAuvre; l'ânalyse motivique basée sur des collections de notes caractéristiques - ce qui censiste en la récurrence de motifs se reliant entre eux· par leur- contenu intervallique disti~ct ap~elé classe intervallique _ 0 s'applique

pour les parties moins traditionnelles et rehausse en même temps la qualité d'unité de l'oeuvre.

è

Le dernier chapitre offre une vue d'ensemble de

(

-l'esthétique de la partition musicale et fait le point sur notre que~tion de départ, à savoir les influences cubistes sur la composition musicale d'Erik Satiet~ans Parade.

, , • 0,

(

.II J

,

, .\ • p o

(27)

.

,

c

, ,

..

PARTIE l - -LE CUBISME

-Er!

SON INFLUENCE

- (

CHAPITRE l - L'ÉVOLUTION DU CUBZSME

)

Le cubisme veut-il simplement d,gner. du vingtième siècle

les -oeuvres des peintres qui au début se sont mis à "cubiquer" ( 1) la surface picturale de sorte que la toile se . réduis'ea-une composition "de petits cubes"? Se restreindre à cette définition mécanique .. diminuerait l' impor~a!lce de la

-dimension esthétique allouée au mouvemen,t cubiste, laquelle n'a .cessé d'in fl uencer les arti:stes de notre siècle.

Dahs sa première phase, le cubisme -fut la créùtion de deux artistes - Picasso et Braque

J

et 'connut un es~or fulgurant de

/'

1907 à 1914. Au cours. de ces années,' le -dêveloppem~nt du cubisme se scinda en trois grandes périodes:(2)

1- 'Période de préparation, dite "cézannienne" !\1907-1909) " 2- Période analytiq_ue (190/9-1912); -

/:J

"

3- Période synthétique (19l2-l914). (

Après ces A§~t premiêre~ années d' évolution, les principales découvertes et innovations étaien~ fermement fondée~ de sorte

- 1

qu'en 1914, le langage cubiste, ses tec~niques et son esthétique; était véritablement • • _ r imp~anté .

• •

Comme tout bouleversement social et culturel, la guerre

Q

immobilisi le développement du cubisme: Braque dut interrompre

..

(28)

·, ,... ~

os...--)

rnomeqtanément, sa

,

carrière; par contre,

1

\22 .

Picasso continua

d'exercer ,~on art. L'orientat~on donnée par Picasso ~ l'art

o •

. cubiste pendan,t, cette . période de 0 guerre . correspond à la

o quatrième périoo.e de mon abrégé sur le cubisme:

4- Période finale, dite :ingresqueM

(1914-1917),

o " •

Deux des plus drgnes représentants de ce mouvement ne

nous ayant laissé que peu d:écrits sur le~ts idêes et leur~

intentions, leurs tabieaûx::' .témoignent alors de leur

"

vcüonté ,

o , '

artistique. Le commentairë sur l'évolution du cubisme présenté

dans ce premier chapitre s'appuie sur des oeuvres typiqu~[i

'.> . 0

puisées dans l"e répertoire des quat;re périodes du mouvemen t.

o

En se référant à ces oeuvres reproduites à l'annexE!' 1 ,"voir pp.

'the 'f?'" 1J

256-266), nous serons en mesure de suivre J.e développement d'un

art dont le sillon na s'esb pas ~ncor~ refermé , pour les

, artistes contemporains. L c:I .1 , !

(29)

o

(

./

23

'1'.1- :Période de préparation, dite '"cézannielÎne'" (1907-1909)

, ".

0'

Tendre vers un "réalisme de concepti,on" où le suj et est

façon plus conceptuelle\ . et différente du

.. naturalisme" constitue la pie.rre angulaire de

c.

l'expérimentation cubiste. Cette prémisse est issue en grande

partie de deux sources: primo,o de l'art de Paul Cézanne et

G

secuQdo, de' l'art nègre. Le point commun de leur expression

artistiqu~ .réside dans le dépouillement de la " forme: le monde

" €s\ représenté par des {ormes les plus simplifiées.

Dans sa prise de conscien8e du monde en tant qu'artiste,

Paul Cézanne (1839-1906) considérait la' nature comme un

réservoir de formes plastiques qu'il s'agissait d'abord de

simplifier pour leur. imprimer une plus grande torce. Dans une

lettre adressée- à Emile Bernard le 15 avril 1994, Cézanne

-écrivait:

.. Permettez-moi de vous répéter ce que je vous

disais ici: traiter la nature par le cylindre, la

sphèr~; le cône, le tout'mis en perspective, soit que

chaque côté d'un objet se dirige vers un point

central. Les lignes parallèles à l'hori~on donnent

l'étendue, soitO

une seétion. de la nature. Les

perp~diculaires à cet horizon ~donnent la

profondeur .. 1)( 3)

Cézanne met le sujet en interaction avec l'espace. Il

~ ,0 d~;eloppe

l.

e passage: technique qui par l'interpénétration des

~ ,

,

>

volumes et des -.plans relie l'avant à T"ar,rière-plan sans qu'ils

,

soient désormais séparés datis l'espace.(4) Faire disparaître

(30)

-"

la base d~ sa recherche. Pour y arriver, le peintre aixois

focalise sur l'étude des formes et le caractère bidimensionnel

de la surface pictural~. Paf un processus visuel, i l d0compose

les objets en enregistrant les formes ~rises SQus différents

angles ,de visiQn; ensuite, il .reconstruit sa composit.ion de \

façon à- ce que les forme$ s'alignent et. se fusionnent llVf'C

,

,

l'espace. La notion traditionnelle de la perspectlve s' estolllpt·

..

nêcessairement et les objets ont une apparence "torduc·.(5)

b

La 0 simplification des formes est a~ssi Ime not ion

caractéristique de l'art nègre. Par exemple dalls

représenta tio'n de l'anatomie humaine, celle-ci se réùlll t·_ <1 de'!;

figures géométriques au contour nettement. dêlimi t.é. l l ,.~; L

-fréquent de vqir un~ sorte de losange aux angles saillants aVec

un point aû centre à la place de l'oeil. ( 6 ) Cett.e

,

représen~ation en formes simples se manifeste en faisant f~ dn~·

,.

.

proportions normales qui ~xistent entre les diverses parties J

corporelles.

b

Pablo Picasso, en crêant en 1907 Les Demoiselles d'Avignon

(planch~ 1.1)- E(,xprimai t à son t.our le dêsir du dépouillemen t

. - - -...." 1

de la forme. Cet~é' oeuvre sur laquelle il fut êpilogué à qui

~'

mieux mieux, marque la transition entre les p~riodes bleue~ et

roses~ -- où se lisait l'intérêt du peintre espagnol pour le

cirque et les saltimbanques - et ~a période cubiste.

~~ 0

En examinant de près Les Demoiselles d . Avignon., nous

notons que-

.

l'influence de , l'art nègre ~ est em~nente, , . surtout

dans là manière dont Picasso traite les têtes. Les visages des

(31)

(

1

c

'.

25

deux personnages de droite et celui de gauche témoignent de

o

cette mise en contact avec la sculpture ibérique et la

sculpture africaine (consulte~ les annotations sur pl. 1.1). A

" ;

.

son tour, Picasso

.

dédaigne les proportions entre les diverses

parties du çorps: la main et le pied de la -Dem6iselle- de

gauche illustre cet aspect.

Comme pour Cézanne, on" s'aperçoif que Picasso tend à

rompre avec la perspective traditionnelle. Cette démarche a

.

pour résultat qu~ certaines composantes semblent vues oe dessus

- la table où reposent des fruits

~- alor~

que d'autres font

"

l'objet de contre-plongée ou de"projection de face - le corps

des trois femmes de gauche.

A ces corps pré?entés sous un angle de vision relativement

unique, s'oppose la ~ultiplicité des points de vue reproduite

dans chacun des visages: l'oeil de la femme de gauche est

re~résen~é'qe face sur une figure de profil tandis que le nez

des d~ux femmes suivantes est peint de profil sur un visage vu

"

.

. Cette- technique est appliquée ~ntegralement a~ ~rps

.

_.

~

de la

or

de face.

-Demoiselle" accroupie â droite. La cohérence visuelle propose

une vue des trois quarts du dos avec un aperçu de la poitrine

et de l'intérieur de la cuisse entre le bras et la jambe. Mais

1

ce qui ne répond plus au standqrd de l'oeil 'non averti, c'est

que l ' au'rtre bras et l'

aut~

jambe ont été ramenés au plan de la

toile de sorte que l'observateur y voit une s1mple vue de dos

~nt on·' aurait déplié les côtés sur la surface peinte. En

...,

(32)

l~U' t.1 t

o

0

••

26

fait, le peintre a mentalement fait le tour du modèle sélectionnant divers éléments sous des angles différents. (7)

.Les lois de la perspec-ti ve rompues dans le but de -so~~igner

traditionnelle sont afn~_

les deux dimensions, tout e~

"

détaillant la composition des objéts 'et en insistant sur ~eurs

volumes par un modelé aûssi complet que possible."(8) Finalement, l'ensemble des composanfes de la toile s'organise .de façon à' o'btenir 4pe construction convergente ce qui .devien t

particul~èrement é"<l"ident e,vec le ((::oin de la table poin t.:ll1 t Je

personnage central.

Les Demoiselles d'Avignon à peine achevé (fin 1~07),

Guillaume Apollinaire, poète français et ami intime de Pica:.:;~;o,

• présenta à celui-ci Georges Braque (1882-1963), connu à l'époqu~ comme l'un des

..

pri-ncipaux praticiens du fauvisme. L'effet de surprise provoqué par Les Demoiselles d'Avignon n empêcha pas Braque de percevoir le potentiel artist'iqu(::!

"

révolutionnaire qu'il ayait sous les ySux. Il essaya bien de piroduire une _ feuvre aussi fondàmenta..le, dira i 3-j e, mais

Ü

insatisfait du Grand ,Nu (1907) qu'il réalisa alors, il décida d'aller plus avant dans l'art de Cézanne et entreprit_au cours de l'été 1908 à l'Estaque une série de toiles. Ainsi naquirent dei toiles tout' â fait originales qu'on est en mesure de

<1 ~

considérer comme le premier ensemble vraiment cublste. (9)

\

Maisons ~ l'Estaque (pl. 1.2) représente bien cette série

"

de paysages de 1908. D'ailleurs, cette toile exposée dans la galerie de Kahnweiler, en novembre 1908, lui valUt le

(33)

(

(

\.

o 27

qualificatif de "cubes" mentionné par Louis Vauxcèlles: ,

"M. Braque est un jeune homme fort audacieux, [ .. ,] Il méprise

la forme" réduit tout, si tes et figures et maisons à, des

schémas géométriques, â des cubes,"(lO) D:ap~ès Àpollinaire,

le mot "cubes" fut . utilisé pour la premiêre fois par Henri

.'

Matisse(ll) lorsqu'il fit partie du jury pour la sélection des

toLles du Salon d'Automne de 1908: Matisse en parla comme une

composition de ·petits cubesu

,(12)

L'impression qui se dégage de cette oeuvre s'apparente ~ux

"cylindres· ~t aux ·cônes" dont parlait Cézanne. Les oeuvres

"

de Braque, plus que l~s tableaux de Cézanne lui-même, voient

"

.

l'application de' cett.e théorie. Car. dès la première

observation de Maisons de l'Estaque apparaissent les

\ formes

géométriques élémentaires telles que tronc d'arbre cylindrique, .' - f~uillage en losange 1 maisons cubiques aux toits côniq\les.

Tout détail est supprimé; ~e feuillage est réduit au

strict minimum et met, de ce fait même, en valeur la géométrie

Comme le précise John Golding l,on ressent que

chez Braque "les formes ne lui sont pas imposées poar ces

p

paysages particuliers, et qu'au <contraire c'est lui qui moule

les apparenc~s

,

naturelles dans son propre schéma visuel,

austère, calculé, quasi géométrique" .(13) C'est ce qu'on entend par -réalisme de conception",

La com~osition s'organise sous un canevas de verticales et

d'horizontales, coupées par des diagonales de. quarante-cinq

degrés. Les plans, en volumes simples qui en résultent se

;

(34)

...

o

,

! -/ 1 28

ch~vauchent jusqu'au bord de la toile de façon à restreindre au

minimum l'impression dè profondeur. Le relief est donc exprimé

p.ar. un -travail de cl'qi:;-s et de foncés -juxtaposés tout en

simplifiant

,

,

devenir de

la palette dè couleur: ,caractéristique qui va

plus ~n plus manifeste dans la peintur~ cubi~te à

venir.

Dans la même année~ Picasso avait aussi réalisé des

o

paysage~ mais de la Rue-des-Bois.. ~~s paysa~es, ont beaucoup

r

d'éléments en commun avec les -, toiles de l'Estaque" de Brllque .

Leurs mutuelles influences s'exerçaient par des rapports

étroits d'une amitié de plus ~n plus profonde. De cdtt:e

collaboration naquit la peinture cubiste.

L

(35)

(

(

1

\

\

1.2- ~ériode ana1Ytique (1?09~1912) ~

C'est princi~alementO par cette sorte d'analyse .. .

2 9 '

-de 'la

.

,

nature, la décomposition en vo1umes simples des objets dans l'espace, la pénétration des plans et des volumes que le cubi$me allait être abordé. ULe cubisme est avant tout un art

" '

des formes·, aurait d§clarê Picasso.(~4) Il s'agit pour les peintres de reprêsenter un sujet sans qu'il perdit la nature de

.,

ses trois dimensions sur une surface qui en bon tient deux et

ce,

en rejetaht le truchement de la perspective t~aditionnelle. L'aboutissement de leur recherche correspond à cristalliser en

une seule image le plus d'informations possibles tout en 'les

dêpouillant des détails inutiles i d ' où l'explication de ·-~J"a

simplification des formes et une reconstruction quasi

géométrique, ce qui oriente la peinture vers un art de

perception des choses

fit

plutôt qu'une simple reproduction de

...

celles-ci. uIl ne faut pas imiter ce qu on veut crêer-, dira plus tard Georges Braque. (15)

.1

C'est en peignant les ?u~ets de mémoire que l'artiste se ,conforme le mieux à la nouvelle norme esthétique. Dans sa

Cl

, façon de peindre le portrait de Fernande Olivier dans La Femme

~ pdires (pl. 1.3), Picasso ne vise pas ~ la ressemblance. C'est d'une manière presque scu1ptu~a1e empruntée à l ' a r t nègre

/

que Picasso recompose' le visage en pla~s simples. Golding le décrit en ces termes:

(36)

30

Le front est en général séparé par_ un sillon comme

souv~nt alors; deux' plans simples joignent l'orbite

creuse au front, et une sorte de disque prolonge la pommette jusqu'au coin interne de l'oeil; quant à la mâchoire, au nez, aux détails du,n~z

a

la bouche et de la bouche au menton, tout cela est nettement souligné et défini. Mais chacun de ces ·éléments devient le lieu de nouvelles subdivisions et d'infinies subti~ités déduites de l'observation directe. [ ... ] , Les formes sont subdivisées en facettes d'une façon~plus poussée que jusque-lâ, ~t

l'oeil peut librement errer d'un &lément modelé à un autre. (16)

"

..

Ceci caractérise le passage dans lequel l'espace, contrairement à ce qu'il était, est matérialisé, c'est-à-dire

...-qu'il ne possêde, plus la" particularité de "profondeur qui délimi tait les contours. Aussi le passage ~ et - cette

matêr~ali5at~on de l'espace favori~ent la conservation du

caractêre plan de la toile.

En ce qui a trait à la cristallisation en une seule image

"

de plusieurs points de vue, la figure humaine dans La Femme ~

1;'

.

.

poires est perçue en vue légêrement plongeante ou tout au plus au niveau de

dévoiler, du mâchoires. La

l'oeil, ce qur-~'empêŒhe, pas l'artiste de nous même' coup,

-ci

contre-partie du nez et des

b

1

_

o "

partie latérale du cou pivote vers l'avant et forme un, arc où se fait la j onction du cou et de la gorge .. " Bref, Picasso rass"emble en une seule projection les

informatio~ obte~ues'

de divers plans et' consolide le tout par des détails q~i permettent de .ne pas douter de sa connaisanc.e du corps humain. (17j

..

Le développement de ces principes techniques a conduit la peinture vers une représentation presque abstraite. Portrait

(37)

l

1

(

, , '\ ~ 31

~ Daniel-Henry Kahnweiler (pl. 1.4) de Pablo ~icasso, réalisé

l'année suivante (1910), témoigne de cette dé~arche.

Maintenant les peintres mettent plutôt l'emphase sur la

·structure picturale" que sur la "description du monde visuel",

En d'autr~s mots, le véritablel sujet n'est ~as Kah?weiler mais

.

~

HIe

langage formel utilisé par le peintre pour créer un .objet

esthétique, extrêmement structuré,"(18)

Dans le cas qTIi nous intéres'se, le Portrait .,~ Kahnweiler

est la ., présenta tion" ( 19) d'un homme assis les mains j oin tes

sur les genoux avec à sa droite 'une bouteille et un verre, La

tête du personnage n'est pas une "somme de divers poin~s de

vue"( mais plutôt le fait d'un "processus intellectuel" par

~lequ~

se superposent différentes faces de la tête de l'homme,

Intervient alors un autre système qui unit ces face~créant

ainsi une "structure pictura1ement intégréew .(20) Les lignes

.

directrices du corps et des membres constituent le canevas sur

lequel un quadrillage irrégulier se trace jusqu'~ bord d~ la

surface picturale suggérant plus le sujet qu'il ne le

représente. La .composition s'articule en un système comPlexe

1

/

de plans ouverts subdivisés en facettes qui s'interpénètrent et

glissent les unes dans les autres; cette série de 'facettes

communique avec l'espace à

matérialisation de l'espace par

,

différents niveaux de composition,

l'aide du le passage passage; élimine la Qi les

à savoir que tel plan se

trouve derrière ou devant d'autres plans ,vo~sins. En utilisant

le passage, Picasso met en quelque sorte , W1'objet peint en

Figure

Figure  2.1  •  l'lltite  Fille  A.érièain,
Figure  3.1  {  ,  . ~  o  ,  .  \  Figure  3.2  ,  &#34;  l  Fi9U ..  re  3.3  J  •  / a  TRP  •  Cl&gt;  •  &lt;Q  •  •
Figure  4.1  Figu:;e  4.2
Figure  5  . .  DTRP  ®  ®  ~b  @  &lt;ID  'ft  -~.  I\,;,  - ...  ...  h-:.- ':1 CL  1 / '   ~/ TRB2 'h
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