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Services automatisés de référencement d’images en ligne et droit d’auteur : approche franco-canadienne

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Academic year: 2021

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(1)

© Alexandra Amisador, 2020

Services automatisés de référencement d’images en

ligne et droit d’auteur – approche franco-canadienne

Mémoire

Maîtrise en droit - avec mémoire

Alexandra Amisador

Université Laval

Québec, Canada

Maître en droit (LL. M.)

et

Université Paris-Saclay

Cachan,France

Master (M.)

(2)

i

Services automatisés de référencement d’images en ligne et droit

d’auteur – approche franco-canadienne

Mémoire

Cheminement bi-diplômant - Propriété intellectuelle fondamentale

et technologies numériques

Alexandra Amisador

Sous la direction de :

Georges Azzaria, Université Laval

(3)

ii

Résumé

En France, les articles L. 136-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle ont prévu un mécanisme de gestion collective obligatoire applicable à la recherche et au référencement des œuvres d'art plastiques, graphiques ou photographiques. Sans décret d’application, le mécanisme n’a pas été mis en œuvre. Les doutes étaient, en effet, nombreux quant à la conformité du mécanisme au droit européen.

La récente directive 2019/790 et son article 12 permettant l’octroi de licences collectives ayant un effet étendu apportent de nouvelles clés de réflexion dans le cadre des utilisations d’œuvres en masse. Ils pourraient rendre conformes les articles L. 136-1 et suivants. Sorti le 7 février 2020, un rapport1 du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique2 propose une modification législative des articles L. 136-1 et suivants actuels. La mesure phare est le remplacement de la gestion collective obligatoire par un mécanisme de licence collective étendue3.

Au Canada, la réforme de 2012 de la Loi sur le droit d’auteur a abouti, entre autres, à une exonération de responsabilité pour les outils de repérage. Mais, récemment, les questions de responsabilité des intermédiaires techniques, de partage de la valeur et de licence collective étendues se sont fait entendre à la Chambre des communes du Canada lors de l’examen prévu de la Loi sur le droit d’auteur.

Le mémoire revient sur la question de l’opposabilité du droit d’auteur dans le contexte des services automatisés de référencement d’images en France et au Canada. L’épineuse question d’un éventuel retour à l’opposabilité du droit d’auteur en France et au Canada est ensuite abordée. Ce retour à l’opposabilité du droit est envisagé dans le mémoire par le biais de la reconnaissance d’un enjeu de partage de la valeur et de la mise en œuvre d’un mécanisme de licence collective étendue.

1 Pierre Sirinelli et Sarah Dormont, Services automatisés de référencement d’images - Rapport et proposition de

modification législative, CSPLA, 2020.

2 Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) est un organe consultatif placé auprès du ministre de la Culture.

3 La licence étendue a pour particularité de s'appliquer aux titulaires de droits qui n'ont pas autorisé l'organisme de gestion collective à les représenter.

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iii

Table des matières

Résumé ... ii

Avertissement ... v

Remerciements ... vi

Introduction ... 1

Chapitre préliminaire ... 11

Chapitre 1 : Un cadre juridique ambigu quant à l’opposabilité des droits d’auteur aux services automatisés de référencement d’images ... 16

A- La qualification juridique incertaine des services automatisés de référencement d’images en tant qu’intermédiaires techniques ... 16

1- Un régime exonératoire voulu par les législateurs ... 17

a- une responsabilité atténuée en droit français ... 17

b- une responsabilité spéciale en droit canadien ... 21

2- Un rattachement parfois artificiel aux services automatisés de référencement d’images ... 25

a- La difficile admission des services automatisés de référencement d’images comme intermédiaires techniques en droit français ... 26

b- La portée méconnue d’une exonération de responsabilité conditionnée en droit canadien ... 31

B- La difficile appréhension de l’ensemble des actes d’exploitation d’œuvres opérés par les services automatisés de référencement d’images ... 34

1- Les insuffisances de la technique de l’hyperlien ... 34

a- La diversité des actes d’exploitation ... 35

b- La complexe mise en œuvre du droit d’auteur ... 41

2- Les incidences de l’utilisation équitable en droit canadien ... 44

a- Le modèle de fair use canadien renouvelé en 2012 ... 44

b- Le modèle appliqué aux services automatisés ... 46

Chapitre 2 - Le retour éventuel de l’opposabilité des droits d’auteur aux services automatisés de référencement d’images ... 53

A- Le respect d’un principe de partage de la valeur par les services automatisés de référencement d’images ... 53

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iv

a- Les fondements civilistes et éthiques ... 53

b- Les fondements issus des règles de propriété intellectuelle ... 57

2- L’adoption d’un nouveau droit à rémunération ... 60

a- La victoire française des titulaires de droit ... 60

b- La possibilité d'une transposition en droit canadien ... 68

B- Le recours à la licence collective étendue ... 78

1- La pertinence du mécanisme ... 78

a- Une réponse à la question de l’autorisation des titulaires de droit ... 78

b- Une insertion de la solution dans le paysage juridique canadien ... 83

2- La conformité au droit du mécanisme ... 87

a- Les exigences supranationales et nationales pour la conformité de l’opt-out ... 87

b- Les modifications techniques nécessaires aux législations actuelles ... 94

Conclusion ... 99

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v

Avertissement

La crise sanitaire actuelle a eu des répercussions sur la rédaction de ce mémoire en droit comparé. J’ai d’abord pris la décision de quitter le Québec pour rentrer en France.

La fermeture des bibliothèques universitaires au Québec et en France durant plusieurs mois m’a également contrainte à adopter de nouvelles stratégies de travail tant d’un point de vue organisationnel que documentaire. L’accès aux sources pertinentes a été, en effet, réduit considérablement en particulier pendant le confinement.

Les ouvrages de référence en droit canadien comme celui de Normand Tamaro4 ou les ouvrages

généraux en droit d’auteur français comme le traité d’André Lucas5 seront donc absents de

l’étude. Dans ces circonstances exceptionnelles, j’ai eu recours à de nombreuses reprises aux services de Google Livres6. Malgré cela, sur certaines problématiques précises, les sources en version papier consultables en bibliothèque ont manqué à ma rédaction. Cela a été le cas pour la réflexion au Canada à propos de la licence collective étendue7. Pour ce qui est des questions évoquées dans le mémoire autour du partage de la valeur, l’achat du livre numérique A qui profite le clic8 a été déterminant. Enfin, le Guide McGill9 en version papier n’a pas été consulté dans le cadre du mémoire.

4 Normand Tamaro, Loi sur le droit d’auteur : texte annoté, 11e éd., Toronto, Carswell, 2019.

Dans une moindre mesure, d’autres ouvrages ont manqué à ma réflexion : Mistrale Goudreau, Intellectual property

law in Canada, 2e éd., Alphen aan den Rijn, The Netherlands, Kluwer Law International, 2015 ; Elizabeth Frances Judge et Daniel J. Gervais, Intellectual property : the law in Canada, 2e éd, Toronto, Carswell, 2011.

5 André Lucas, Agnès Lucas-Schloetter et Carine Bernault, Traité de la propriété littéraire et artistique, Lexis Nexis, 5e éd., 2017.

6 A mon sens, l’utilisation de Google Livres et des autres services Google est indispensable à l’accès à l’information de nos jours. Cela n’empêche néanmoins pas un respect des règles de droit d’auteur de leur part. 7 Ysolde Gendreau, An Emerging Intellectual Property Paradigm: Perspectives from Canada, Edward Elgar Publishing Ltd, 2008.

Daniel J. Gervais, Collective Management of Copyright and Related Rights, Kluwer Law International, 2015. 8 Valérie-Laure Benabou et Judith Rochfeld, A qui profite le clic? Le partage de la valeur à l’ère numérique, Odile Jacob, coll Corpus, Paris, 2016.

(7)

vi

En définitive, la crise sanitaire a été, pour ma part, source de difficultés multiples, où le soutien de mes directeurs de recherche a toujours été bienvenu.

Remerciements

Je tiens avant tout à remercier Madame le Professeur Alexandra Bensamoun et Monsieur le Professeur Georges Azzaria, d’avoir accepté de diriger mon mémoire, de m’avoir accompagnée dans ces circonstances exceptionnelles en m’apportant leurs conseils, en m’accordant de leur temps et en faisant preuve de bienveillance.

J’aimerais également remercier Madame Sarah Dormont et Monsieur Bernard Guérin pour leurs précieuses indications.

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1

Introduction

Depuis la fin des années 90 et le développement planétaire d’Internet, les moteurs de recherche Web et leurs services de référencement sont devenus indispensables. Ils répondent aux besoins d’accès à l’information des internautes étant donné leur rôle clé dans la localisation de contenus dans la masse significative d’informations disponibles en ligne. L’encadrement juridique des moteurs de recherche est donc un enjeu crucial.

Le moteur de recherche permet d’identifier des contenus et d’orienter l’usager10, grâce à des liens hypertextes qui connectent sa recherche avec une liste de résultats pertinents. La technique de référencement11 repose classiquement sur plusieurs étapes. Le crawling, d’abord, correspond à la collecte de ressources qui va nourrir le moteur de recherche. Elle est effectuée automatiquement par des robots d’indexation qui parcourent les sites Web à intervalles réguliers. Ces robots, en suivant les liens hypertextes, relient les sites entre eux pour découvrir de nouvelles adresses (URL). Puis, vient l’étape de l’indexation qui consiste en l'extraction des mots considérés comme significatifs du corpus à explorer. Les contenus indexés seront ensuite classés. Cette étape dite du ranking a permis à Google de devenir le leader des moteurs de recherche avec notamment des parts de marchés de 84 à 94% en 2019 en France et au Canada de 92% pour Google bien devant Bing, Yahoo ou Qwant12. À la suite d’une requête, enfin, le moteur offre une présentation de ses résultats sous forme de liste de liens hypertextes.

Ces actes peuvent porter sur des œuvres protégées en principe par le droit d’auteur. Le référencement interroge alors la propriété intellectuelle en cas de reprise de contenus protégés ou de fourniture d’un accès à ce contenu en l’absence d’autorisation du titulaire de droits d’auteur.

10 Le mode d’interrogation du moteur de recherche est classiquement le mot clé. Cependant, d’autres modes d’interrogation existent comme la soumission d’une image ou l’interrogation en langage naturel.

11 Les ressources référencées sur les moteurs de recherche sont variées. Il peut s’agir de pages Web mais également d’images, de vidéos …

12 Gs.Statcounter, « Search Engine Market Share Canada » (2019), en ligne : <https://gs.statcounter.com/search-engine-market-share/all/canada/2019>.

Opinion Act, « Parts de Marché des Moteurs de Recherche dans le monde » (2020), en ligne : Opinion Act <https://www.opinionact.com/ressources/seo-content-marketing/parts-de-marche-des-moteurs-de-recherche-dans-le-monde>.

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2

Les services automatisés de référencement d’images en ligne se distinguent du modèle classique des moteurs de recherche offrant des références textuelles sur la page de présentation puisque le résultat auquel a accès l’internaute est directement le contenu référencé : l’image. Le droit d’auteur13 est susceptible de s’appliquer lorsque l’image référencée est une œuvre protégée au

sens du droit d’auteur. Le terme « image » s’entend, dans ce mémoire, comme les photographies d'œuvres d'arts plastiques, graphiques ou photographiques mais aussi comme les photographies et les créations numériques visuelles en tant qu’œuvres.

Des milliards de reproductions d’œuvres de grande qualité c’est-à-dire dotées d’un nombre important de pixels sont retrouvées dans les services de référencement d’images. Les moteurs proposent aux internautes des filtres permettant de sélectionner notamment la taille de l’image et donc sa qualité finale. De plus, elles peuvent être très facilement récupérées, imprimées par les internautes en quelques clics, une pratique préjudiciable pour les revenus des artistes qui bouscule la logique traditionnelle de circulation des œuvres.

Dès que l’usager inscrit sa requête dans le moteur de recherche, des millions de résultats apparaissent sur ce que l’on appelle le mur d’images dont les vignettes, visibles par les internautes, sont stockées dans les serveurs des moteurs de recherche. Un clic sur une de ces vignettes amène vers un panneau intermédiaire d’où il est possible d’extraire l’image sans quitter la page Web. Le panneau intermédiaire affiche, en réalité, par le biais de la technique du

framing, le contenu du site tiers référencé.

Les services automatisés de référencement d’images sont donc susceptibles d'être entendus comme des utilisations d’œuvres effectuées sans l’autorisation et sans rémunération des auteurs, ce qui contreviendrait au droit de reproduction et de communication au public, composantes du droit d’auteur. Ainsi, les actes portant sur des œuvres comprises dans le domaine public ou libres de droit, telles que les œuvres sous creative commons, ne sont pas des violations du droit d’auteur.

En France comme au Canada, le droit a eu des difficultés à appréhender et à responsabiliser les moteurs de recherche.

13 En France, l’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle nous apprend que le droit d’auteur désigne les prérogatives morales et patrimoniales accordées à un auteur sur son œuvre, en outre c’est un droit de propriété incorporelle exclusif. Au Canada, d’après l’article 3(1) de la Loi sur le droit d’auteur, le droit d’auteur sur l’œuvre est le droit exclusif pour l’auteur d’effectuer ou d’autoriser une série d’actes. Les droits moraux sont visés aux articles 14.1(1) et 17.1(1) de la Loi.

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3

La Loi sur la confiance dans l’environnement numérique du 21 juin 200414, transposition de la

directive e-commerce du 8 juin 200015, fixe un régime de responsabilité allégé pour les intermédiaires techniques comme les hébergeurs mais ne mentionne pas les moteurs de recherche.

Au Canada, la loi de modernisation de la Loi sur le droit d’auteur de 201216 instaure une

exonération de responsabilité, à l’article 41.27, qui limite la responsabilité des fournisseurs d’« outils de repérage » numériques en cas de violations au moyen de ces outils. Les ayants droit ne pourront recourir qu’à des injonctions.

Il apparaît que le droit est parfois « mal à l’aise avec ces nouveaux rapports économiques complexes qui tricotent un maillage inédit de gratuité apparente et de gains commerciaux, de posture altruiste et de but lucratif »17. Il y a comme une reconnaissance implicite du rôle des moteurs de recherche qui développent des outils de recherche. L’éclatement géographique des agents rajoute de la difficulté. Si les États-Unis regroupent le siège de la plupart des grands acteurs du numérique, le Web est mondial, ce qui complexifie la mise en œuvre du droit international privé. Dans l’affaire SAIF, en première instance18, le tribunal avait ainsi appliqué

des principes de fair use américain pour des faits dont le dommage a lieu en France en dépit de la règle du dommage en droit international privé. En appel19, cette application du droit américain est rejetée. Effectivement, la loi du lieu du dommage doit s’appliquer en cas de proximité manifestement plus étroite avec le litige20.

Les acteurs d’Internet se cachent derrière ces modèles de gratuité apparente. Mais en réalité, leurs modèles d’affaires se fondent sur la publicité et la monétisation des données personnelles collectées à l’occasion de transactions21. Les moteurs de recherche ne font pas exception et leur

14 Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique [LCEN].

15 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur [Directive e-commerce].

16 Loi sur le droit d'auteur, LRC 1985, c C-42.

17 Valérie-Laure Benabou et Judith Rochfeld, dir, À qui profite le clic ? Le partage de la valeur à l’ère numérique, Olive Jacob, coll Corpus, Paris, 2016, à la p 25.

18 TGI Paris, 3e ch. 1re sect., 20 mai 2008, SAIF c/ Stés Google France et Google Inc., n° 05/12117, JCP E 2009, 1108.

19CA Paris, 26 janv. 2011, Pôle 5, 1re ch., n° 08-134.23, SAIF c/ Google, EDPI, 2011, n° 4 p. 7, obs. A. Lucas ; Rev. Lamy dr. immat. 2011, n° 70, obs. J. Lacker pp. 20-23, D. 2011, chron. p. 2363.

20 La Cour écarte la règle du fait générateur en statuant : « qu'il ne peut être retenu que le rattachement au territoire français serait insuffisant au seul motif que les faits reprochés trouvent pour l'essentiel leur origine hors de France, étant observé qu'il n'est pas réellement contesté que la loi du lieu du dommage est susceptible de s'appliquer en cas de proximité manifestement plus étroite avec le litige ».

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développement économique est exponentiel. Si en 2015, Google avait un chiffre d'affaires de 74,5 milliards de dollars américains et un bénéfice d'exploitation de 23,4 milliards, en 2019 le chiffre d’affaires de l’entreprise est passé à 160 milliards de dollars, dont 134,81 milliards de dollars uniquement pour les revenus publicitaires et le bénéfice d’exploitation est passé à 34 milliards22.

La création de la valeur dans l’environnement numérique vient d’une masse de données personnelles, d’œuvres, d’informations, de contributions, valeur qui est difficilement mobilisable par chaque producteur et qui devient source de richesse uniquement lorsque ces données sont détectées, hiérarchisées, présentées23. La valeur se construit donc entre une production éparpillée et l’attention des destinataires24. C’est ainsi que l’on peut expliquer la

difficile intervention du droit pour établir ou rétablir un équilibre des intérêts en présence25. Les questions de partage de la valeur sont de plus en plus entendues dans l’espace public à mesure que les GAFAM proposent de nouvelles manières de partager et de consommer l’art et la culture, abaissant les barrières du coût et des distances, en impliquant peu les premiers concernés, les artistes eux-mêmes26.

Or, même si l’usager ne paye pas l’accès aux moteurs de recherche, ces derniers dégagent une valeur du fait de leurs services. Dans un souci de justice, il est plus que nécessaire qu’une rémunération soit donnée aux auteurs qui ont bien souvent un statut précaire. En effet, pour les défenseurs du droit d’auteur, on ne peut accepter que des tiers aient accès et exploitent des œuvres protégées par le droit d’auteur sans qu’ils en payent la contrepartie. Ces services offerts par les moteurs de recherche s’apparentent, en pratique, à ceux des banques d’images, à la différence que ces premiers ne payent pas de droits d’auteur, ce qui porte préjudice à l’activité légale des banques d’images. Les éditeurs de site subissent également un préjudice. En effet,

22 Thierry Maillard, « Le(s) statut(s) des moteurs de recherche » [2016] Dalloz IP/IT 4, à la p 177. Alphabet, « 2019 Annual Report » (2019), en ligne :

<https://abc.xyz/investor/static/pdf/2019_alphabet_annual_report.pdf?cache=c3a4858>.

The Wall Street Journal, « GOOG | Alphabet Inc. Cl C Annual Income Statement - WSJ » (2019), en ligne : <https://www.wsj.com/market-data/quotes/GOOG/financials/annual/income-statement>.

23 Valérie-Laure Benabou et Judith Rochfeld, dir, À qui profite le clic ? Le partage de la valeur à l’ère numérique, Olive Jacob, coll Corpus, Paris, 2016.

24 Ibid. 25 Ibid.

26 CARFAC, « Les artistes et les grandes entreprises de technologie : une mise en garde› CARFAC» (2020), en ligne : <https://www.carfac.ca/fr/news/2008/01/21/les-artistes-visuels-et-le-droit-dauteur/>.

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avec la technique du framing, l’internaute n’a plus besoin de passer par ce site et reste donc sur le moteur de recherche.

Comme souligne Thierry Maillard en 2016, actuel directeur juridique de l'ADAGP, la société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques :

« On ne peut toutefois se satisfaire qu'un acteur comme Google exploite une banque d'images sans verser la moindre rémunération aux auteurs. […] En réalité, Google Images ne se distingue en rien d'une banque d'images... si ce n'est que la valeur générée n'est en aucune manière partagée avec les auteurs de ces images. »27

Si Google pouvait se réfugier derrière l’exception de mémoire cache, en France, appelée également caching ou antémémoire dans SAIF c/ Google28, l’invocation de cette exception a été rejetée par la Cour de cassation ultérieurement dans l’affaire Aufeminin.com29. Pour la Cour d’appel de Paris, dans SAIF c/ Google « la reproduction provisoire permettant la circulation rapide de l'information à destination de l'internaute et partant le bon fonctionnement technique du procédé (affichage rapide) constitue par son utilité une partie intégrante et essentielle d'un moteur de recherche d'images sur internet et doit être tolérée en tant que telle »30. La Cour de

cassation est revenue sur cette qualification de cache dans cette autre affaire Aufeminin.com concernant encore Google Images. L’exception de mise en cache est écartée au motif que « [les sociétés Google] avaient procédé à la réduction de la photographie litigieuse sous forme de vignette et que celle-ci demeurait stockée sur le site de Google Images, où elle pouvait faire l'objet d'un agrandissement, au-delà et indépendamment des strictes nécessités d'une transmission »31. La Cour de cassation qualifie néanmoins Google Images dans la position d’un hébergeur au sens de l’article 6-1-2 de la loi LCEN « en considération de la nature du service fourni et des faits incriminés, a, conformément à l’article 12 du code de procédure civile ». La loi dite Création du 7 juillet 201632 en France prévoyait, aux articles L. 136-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, une rémunération pour les auteurs et leurs ayants droit en

27 Thierry Maillard, « Le(s) statut(s) des moteurs de recherche » [2016] Dalloz IP/IT 4, à la p 177. 28 CA Paris, 26 janvier 2011, SAIF c. Google France, n° RG 80/13423.

29 Cass civ 1re, 12 juillet 2012, n°11-15165 et 11-15188, Aufeminin.com c/ Google France. Bulletin 2012, I, n° 162 Propr. intell. 2012, p. 405, obs. A. Lucas, D. 2012, p. 2075

30 CA Paris, 26 janvier 2011, SAIF c. Google France, n° RG 80/13423, à la p 8.

31 Cass civ 1re, 12 juillet 2012, n°11-15165 et 11-15188, Aufeminin.com c/ Google France, à la hauteur du troisième moyen.

32 Loi n° 925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, 2016-925, 7 juillet 2016.

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passant par la gestion collective obligatoire, comme il est prévu pour la reprographie, sans possibilité d’opt-out33. Des sociétés de gestion collective agréées par le ministre chargé de la culture auraient conclu des conventions avec les moteurs autorisant et prévoyant une rémunération assise sur les recettes de l'exploitation ou à défaut évaluée forfaitairement. L’objectif était de permettre l’autorisation de l’exploitation des œuvres tout en assurant une rémunération pour les auteurs et les ayants droit en prenant en compte le traitement en masse d’œuvres par les moteurs de recherche d’images. Le contrat de gré à gré n’est, en l’espèce, pas envisageable sur une aussi grande échelle.

La ministre chargée de la Culture, Audrey Azoulay, avait alors dit à propos des enjeux juridiques économiques et sociaux justifiant la Loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine :

Il y avait en effet urgence à adapter et moderniser un ensemble de dispositifs relatifs aux droits d'auteur afin de tenir compte des nouveaux usages du numérique, aux exigences de transparence de la gestion des droits et de meilleure répartition de la valeur entre les différents acteurs qui assurent la diffusion des œuvres sur internet. Et en même temps, la nécessité de réaffirmer le droit d'auteur comme pilier du financement de la création, donc de le préserver tout en l'adaptant.34

La solution inscrite aux articles L. 136-1 à L. 136-4 de la Code de la propriété intellectuelle est restée ineffective. Le Conseil d’État n’a pas pris de décret d’application, du fait de doutes quant à sa conformité au droit européen. En effet, l’arrêt Soulier et Doke de la CJUE35 a déjà censuré

la France pour un système de gestion collective obligatoire concernant les livres indisponibles, communément appelé dispositif ReLire,36 du fait de l’absence d’une mise en place d’une information préalable, effective et individualisée en l’absence d’une exception prévue par les textes européens alors même qu’un double système d’opt-out avait été mis en place.

33 L’opt-out est la possibilité de sortir du système de gestion collective.

L’opt-out s’oppose à l’opt-in imposant le respect d’une autorisation préalable avant de gérer des droits d’auteur. Dans le cadre de la gestion collective, la logique d’opt-in veut que la société de gestion puisse gérer seulement les droits de ses membres. L’opt-out modifie cette dynamique et permet uniquement aux titulaires de droit de se retirer de la gestion collective s’ils en manifestent la volonté. En l’absence de volonté contraire au système d’opt-out, ils sont comptabilisés comme faisant partie de cet accord.

34 Audrey Azoulay, « Loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine : Interview de Madame Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication » (2017) Dalloz IP/IT 188, à la p 188.

35 CJUE, 16 novembre 2016, Soulier et Doke aff. C-301/15, D. 2017. 84, obs. F. Macrez.

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Mais la solution française renaît de ses cendres dans un rapport du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique37, instance consultative du ministère de la Culture38 datant du 7 février 2020. Une modification législative est alors proposée, il s’agit de la licence collective à effet étendue. L’effet étendu signifie que la licence délivrée par une société de gestion collective au nom de ses membres octroie un effet étendu à tous les titulaires de droits non-membres relevant de la même catégorie. La licence collective étendue couvre donc non seulement l’utilisation des œuvres des répertoires des organismes avec lesquels les accords ont été passés mais également l’utilisation d’œuvres de même nature d’artistes non-membres. L’insertion du mécanisme liciterait donc l’activité des moteurs de recherche, sur le territoire français, tout en permettant un accès aux œuvres. Dans le respect du droit d’auteur, des mesures de publicité ont été prévues pour avertir tous les créateurs éventuellement concernés de l’extension de la licence conclue de sorte que les auteurs qui ne voudraient pas entrer dans le système puissent manifester une volonté contraire39. Quelques mois auparavant, la directive 2019/790 sur le droit

d’auteur et les droits voisins dans le marché numérique a prévu dans son article 12 l’octroi de licences collectives ayant un effet étendu « lorsque l'obtention d'autorisations auprès des titulaires de droits sur une base individuelle s'avère habituellement onéreuse et difficile à mettre en œuvre »40.

Au Canada, en 2003, le ministère du Patrimoine canadien publie une étude du professeur Daniel Gervais sur l’application d’un régime de licences étendues en droit canadien41. L’étude n’a pas

abouti à une insertion du mécanisme en droit canadien. Le « point de bascule dans l’histoire du droit d’auteur canadien »42 est en 2012, année de la réforme législative du droit d’auteur et de

la sortie de cinq décisions de la Cour Suprême en droit d’auteur. Si la notion de communication au public a été modifiée pour intégrer les atteintes par télécommunication à l’article 2.4(1.1) de la nouvelle loi, la réforme se caractérise par ses nombreux ajouts d’exceptions au droit d’auteur.

37 Sirinelli & Dormont, supra note 1.

38 Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) est une instance consultative chargée de conseiller le ministère de la Culture en matière de propriété littéraire et artistique. Le Conseil se réunit en séance plénière deux fois par an pour débattre de l’actualité en propriété littéraire et artistique et se fait présenter des rapports rédigés par des personnalités qualifiés du Conseil. Selon le président du CSPLA Olivier Japiot, l’organe consultatif « veut ainsi constituer à la fois un observatoire et une force de proposition pour assurer la protection et le développement de[s] auteurs et de[s]artistes ». (Olivier Japiot, « Les missions du CSPLA » (2020) 1:55 Observatoire des politiques culturelles 40).

39 Sirinelli & Dormont, supra note 1. 40 Directive 2019/790, art. 12.2.

41 Daniel J Gervais, Application d’un régime de licence collective étendue en droit canadien: principes et questions

relatives à la mise en oeuvre, Étude établie pour le ministère du Patrimoine canadien , 2003.

42 Georges Azzaria, « Un tournant pour le droit d’auteur canadien » (2017) 25:3‑25 Les Cahiers de propriété intellectuelle, à la p 7.

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La notion d’utilisation équitable inscrite à l’article 29 a été élargie aux fins d’éducation, de parodie et de satire. Une exception sans mécanisme de rémunération a été créée pour les contenus générés par l’utilisateur, une nouveauté sans précédent dans le monde à l’article 29.21. Une exception aux fins privées a été ajoutée à l’article 29.22, alors que l’arrêt Alberta (Éducation) 43 reconnaît l’utilisation équitable aux fins « d’étude privée » pour les enseignants. Dans le cadre de l’examen quinquennal de la Loi sur le droit d’auteur, le 13 décembre 2017, la Chambre des communes a désigné le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie pour procéder à cet examen44. Celui-ci a désigné le Comité permanent du Patrimoine canadien afin qu’il « conduise une étude des modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs, qui portera notamment sur la gestion du droit d’auteur et les difficultés et possibilités découlant des nouveaux points d’accès au contenu créatif »45. Les deux rapports

sortis en mai et juin 2019 donnent de nombreuses recommandations allant dans le sens d’un meilleur partage de la valeur. Ainsi, le Comité permanent du Patrimoine canadien s’intéresse à « la famine que vivent les industries culturelles »46 et assure qu’une réforme est urgente et

indispensable.

L’ensemble de ces éléments permet alors de centrer notre réflexion autour de la problématique suivante : est-il pertinent de recourir à un encadrement législatif des services automatisés

de référencement des images en utilisant le mécanisme de la licence collective étendue en France et au Canada ?

Les questions de recherche sont les suivantes : en quoi le référencement d’images en ligne entre-t-il dans le champ du droit d’auteur en France et au Canada ?en quoi le référencement d’images en ligne entre-t-il dans la logique de partage de la valeur en France et au Canada ? en quoi le recours à la licence étendue est-il utile et judicieux dans le cadre du référencement en France et au Canada ? la solution française est-elle transposable au Canada ? en quoi la licence collective étendue respecte-t-elle le droit en France et au Canada ?

La méthodologie choisie est celle du droit comparé entre ces deux pays, elle permettra de répondre à nos objectifs de recherche qui sont la compréhension des positions françaises et canadiennes en matière de services de référencement d’images tant du point de vue de

43 Alberta (Éducation) c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), [2012] 2012 CSC 37. 44 Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie, Examen prévu par la loi de la Loi sur le droit d’auteur, (2019).

45 Comité permanent du Patrimoine canadien, « Paradigmes changeants », Mai 2019, à la p 5. 46 Ibid. à la p 72.

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l’opposabilité du droit d’auteur que de l’application de la licence étendue et des possibilités d’amélioration des régimes de droit d’auteur. L’intérêt de cette méthodologie au sein du mémoire est de « permettre, par contraste, de mieux comprendre son droit national, de découvrir ses originalités ainsi que ses lacunes »47. Traditionnellement, le droit comparé s’attache à améliorer le droit national par l’importation de modèles juridiques étrangers.48

Le droit d’auteur en France et au Canada est divergent sur de nombreux points, d’où l’intérêt particulier de l’étude comparée. Certains des éléments les plus marquants de ces différences seront relevés dans un chapitre préliminaire. Une courte étude générale des systèmes de droit d’auteur français et canadien se propose d’être une première clé de compréhension de ces régimes. Elle fonde également la nécessité d’une étude de la transposition des solutions françaises49 au Canada mais montre paradoxalement les défis de la résolution de cette question de recherche50. Enfin, elle explique que nous devions passer par une rédaction compartimentée dans certaines parties puisque les systèmes ne conçoivent pas de la même manière tant du point de vue de l’opposabilité du droit d’auteur que de la gestion collective.

Une recherche exégétique de l’intention du législateur aura une place particulière dans le mémoire. Ainsi, l’approche interne sera utilisée pour savoir ce que veut dire le droit d’auteur en France comme au Canada. Les théories plus modernes de l’interprétation seront également utiles pour apprécier les perspectives d’une évolution des systèmes de droit d’auteur. L’approche externe sera également utilisée, par le biais du concept de partage de la valeur, afin d’étudier les causes et les conséquences des différentes transformations du droit d’auteur. Dans un point liminaire, le mémoire se penchera sur les dynamiques qui sous-tendent le droit d’auteur en France et au Canada à l’origine de deux droits différents obligeant par moment à une réflexion totalement compartimentée (Chapitre préliminaire).

Après avoir démontré le cadre juridique ambigu quant à l’opposabilité des droits d’auteur aux services automatisés de référencement d’images (Chapitre 1), il conviendra de rechercher un retour de l’opposabilité des droits d’auteur aux services automatisés de référencement d’images (Chapitre 2). Ce retour éventuel de l’opposabilité s’envisage par la mise en œuvre de deux solutions. D’abord, le respect d’un principe de partage de la valeur par les services automatisés

47 Boris Barraud, « Le droit comparé », dans La recherche juridique – Sciences et pensées du droit, coll. Logiques juridiques, Paris, L’Harmattan, 2016, à la p 97.

48 Ibid.

49 Il serait question d’un rééquilibrage des intérêts des auteurs et des utilisateurs à l’heure où les GAFAM jouent un rôle prédominant dans la circulation des œuvres sur Internet.

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de référencement est indispensable à l’admission de l’opposabilité du droit d’auteur. Ensuite, le recours à la licence collective étendue est le mécanisme opportun dans le contexte de services automatisés de référencement d’images.

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Chapitre préliminaire

Le droit d’auteur à la française et le copyright canadien partagent de nombreuses similitudes et notamment des fondements communs néanmoins les règles de droit d’auteur des deux pays diffèrent sur de nombreux points. En effet, les deux systèmes ne se perçoivent pas de la même façon. Entre théories utilitaristes et théories personnalistes51, le droit d’auteur a toujours cherché

l’équilibre entre auteurs, exploitants et utilisateurs. Le développement d’Internet a provoqué de nombreuses mutations dans nos modes de consommation culturelles qui se répercutent dans le droit d’auteur des deux côtés de l’Atlantique. Cela a été une véritable révolution pour le droit d’auteur autant que l’a été la Révolution française pour le droit d’auteur. L’histoire récente montre toutefois que la France et l’Union européenne sont intervenues législativement afin de répondre aux questions de partage de la valeur.

Il a fallu attendre le XVIIIe siècle en Europe pour qu’un droit exclusif soit accordé aux créateurs. La théorie de l’individualisme juridique, avec la théorie du droit naturel de John Locke, la théorisation de l’individualisme esthétique, avec la valorisation de l’originalité, la volonté de créateurs de vivre de leur plume ou encore l’essor d’un public lettré ont participé au développement du droit d’auteur52.

Le caractère personnaliste du droit d’auteur en France est symbolisé par la création du concept de droit moral au XIXe. Comme l’indique l’article L. 121-1 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle, le droit moral est attaché à la personne de l’auteur. Il est présenté comme un droit de la personnalité doté d’un caractère extrapatrimonial et individualiste. L’alinéa suivant précise qu’il est « perpétuel, inaliénable et imprescriptible ». Le Canada est, quant à lui, le premier pays du monde copyright à avoir intégré le droit moral bien que la législation du Canada en droit d’auteur de 192153 soit inspirée de la législation impériale anglaise de 1911.

Les lois canadiennes se caractérisent, effectivement, par « la volonté de consacrer un droit centré autour de la personne de l'auteur, ce qui reste une émanation des structures civilistes du droit de propriété et un droit définitivement dynamique, orienté vers sa fonction économique, ce qui reprend les théories soutenant le concept de monopole »54. Au Canada, les réformes de

51 Voir la partie sur les fondements issus des règles de propriété intellectuelle.

52 Laurent Pfister, « Brève histoire du droit d’auteur » (2020) N°55:1 L’Observatoire, à la p 9. 53 Cette législation est entrée en vigueur trois ans plus tard.

54 Pierre-Emmanuel Moyse, « La nature du droit d'auteur : droit de propriété ou monopole ? » (1998) 43 McGill L.J. 507, au para 110.

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droit d’auteur sont soutenues par le ministère de l’Industrie et le ministère du Patrimoine canadien, démontrant la dualité du droit d’auteur canadien et l’importance d’une vision économique du droit d’auteur.

Depuis l’arrêt Théberge du 28 mars 200255, la Cour suprême du Canada a rendu plusieurs décisions qui ont bouleversé les fondations du droit d’auteur canadien. Les juges dans Théberge ont statué que le transfert de pigments d’une affiche à une toile ne reproduit pas l’œuvre sous-jacente56. Il est rappelé que la politique générale de la Loi sur le droit d’auteur impose un équilibre entre la promotion, dans l’intérêt du public, de la création et de la diffusion des œuvres et l’obtention d’une juste récompense pour le créateur ou, plus précisément, l’assurance que personne d’autre que le créateur ne pourra s’approprier les bénéfices qui pourraient être générés57.

Mais ce constat est tout de suite circonscrit puisqu’il est ajouté ensuite :

On atteint le juste équilibre entre les objectifs de politique générale, dont ceux qui précèdent, non seulement en reconnaissant les droits du créateur, mais aussi en accordant l’importance qu’il convient à la nature limitée de ces droits. D’un point de vue grossièrement économique, il serait tout aussi inefficace de trop rétribuer les artistes et les auteurs pour le droit de reproduction qu’il serait nuisible de ne pas les rétribuer suffisamment. Une fois qu’une copie autorisée d’une œuvre est vendue à un membre du public, il appartient généralement à l’acheteur, et non à l’auteur, de décider du sort de celle-ci58.

Pour supporter cette vision du droit d’auteur, de nombreuses exceptions ont été rajoutées en 2012. Le projet de loi C-11 a introduit près d’une quarantaine d’exceptions, faisant passer le total d’exceptions à environ 8559. En France, le droit d’auteur se voit par opposition comme un

droit plus fermé avec une liste d’exceptions en principe strictement limitées.

La licence collective étendue demande une implication importante des sociétés de gestion collective et un pouvoir de négociation important. Des minimums de représentativité de ces sociétés sont exigés pour garantir l’opportunité de la licence collective étendue. À ce titre,

55 Théberge v Galerie d’Art du Petit Champlain inc., [2002] A.C.S. 32 (CSC).

56 En l’espèce, l’artiste avait autorisé la reproduction de ses œuvres sur des articles de papeterie à un tiers qui les a ensuite revendus. L’acheteur a ensuite usé d’une technique pour prendre l’encre des articles pour les entoiler. Un des problèmes énoncés par l’artiste est que la valeur entre les articles autorisés de papeterie et les entoilages ne sont pas du même ordre de grandeur.

57 Théberge v Galerie d’Art du Petit Champlain inc., [2002] A.C.S. 32 (CSC), au point 30. 58 Ibid., au point 31.

59 Érika Bergeron-Drolet, « Les exceptions de la Loi sur le droit d’auteur : rétrospective et état des lieux » (2016) 28:2 Les Cahiers de propriété intellectuelle, à la p 3.

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l’analyse de l’environnement de gestion collective est aussi importante que l’étude des mécanismes de mise en œuvre de violation du droit d’auteur.

La gestion collective s’est développée de manière très différenciée dans le monde. Par exemple, les pays nordiques ont depuis des décennies octroyé des licences collectives étendues. En France et au Canada, l’étendue des compétences et des pouvoirs des sociétés de gestion collective diffère également selon le secteur. La gestion collective en France a subi des modifications pour s’adapter au monde du numérique. Création française de 1777 de Beaumarchais, la société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), qui existe encore, aujourd’hui, est la première de société de gestion collective. Aujourd’hui, il en existe une vingtaine. L’ADAGP a été fondée en 1953 et représente actuellement près de 170 000 auteurs de plus de 40 disciplines différentes, ce qui en fait une des plus importantes sociétés dans son domaine au monde. La Société des auteurs des arts visuels et de l'image fixe (SAIF) a été créée en 1999 à l'initiative de plusieurs organisations professionnelles du secteur de l'image fixe, elle représente 6000 adhérents. Ce sont les deux sociétés de gestion de droits qui nous intéressent dans le contexte de référencement d’images en ligne en France.

Parmi leurs missions de gestion, on retrouve la rémunération pour copie privée, le droit de reprographie, le droit de prêt en bibliothèque60 et du droit de retransmission par câble61 où la loi impose une gestion obligatoire de ces droits par une société d'auteurs.

La fonction de la gestion collective est de venir en complément ou de remplacer la gestion individuelle. La gestion collective obligatoire sert l’intérêt général et a été rendue nécessaire par les mutations des technologies de l’information et de la communication lorsque le respect du droit d’auteur ne pouvait se faire autrement. Par ailleurs, les sociétés de gestion collective ont aussi pour mission de défendre les intérêts des auteurs, de ses membres et enfin elles sont sources de financements pour la culture.

L’article 12 de la directive 2019/790 fait écho aux revendications françaises pour une gestion collective plus souple et moderne à l’instar du projet ReLire et de la loi dite Création de 2016. La gestion collective au Canada est un modèle unique qui est en crise. À première vue, ce constat peut étonner.

Le Canada a été précurseur dans le domaine de la gestion collective et le premier ressort du Commonwealth à encadrer la gestion collective autrement que par le droit de la concurrence ou

60 [CPI], art. L. 133-1 et s.

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« à mettre au point un régime intégré régissant l’ensemble des rapports entre les sociétés de gestion et ceux qui utilisent leurs répertoires ».62

En 1997, la Loi sur le droit d’auteur du Canada a été modifiée pour permettre aux Canadiens et aux Canadiennes de copier de la musique sur des supports audio vierges à des fins privées, mais depuis il existe un refus d’inclure les nouveaux modes de consommation numérique au sein de la copie privée. En raison de la chute des ventes des CDs audio, « la rémunération des artistes provenant de copies privées a diminué considérablement ; les redevances pour copie privée ont baissé de 89 % entre 2004 et 2016 »63. Le régime de la copie privée au Canada est révélateur du fait que la gestion collective ne s’est pas assez renouvelée à l’ère numérique.

Les sociétés de gestion collective au Canada rencontrent des problèmes de représentativité64. Dans le monde de l’art visuel, les sociétés de gestion et les associations d’artistes reconnues par la Loi sur le statut de l’artiste65 défendent toutes deux les intérêts des artistes. Aujourd’hui, la

SOCAN66/SODRAC67 et « Droits d’auteur - Arts Visuels » sont les deux sociétés de gestion

collective compétentes en matière d’arts visuels. Le Service des arts visuels et métiers d'art de la SODRAC assure la gestion au Canada des droits de près de 40000 créateurs d'œuvres artistiques canadiens et étrangers. Droits d’auteur – Arts Visuels représente quant à eux environ 1000 artistes visuels canadiens. Le RAAV68, une association d’artiste québécoise et le CARFAC69, fondateur de la société Droits-Auteur – Arts Visuels travaillent en partenariat « pour améliorer les conditions socio-économiques des artistes par le paiement équitable de redevances pour l'utilisation de leurs œuvres »70.

Les sociétés de gestion collective canadiennes sont dans l’ensemble fragilisées depuis les réformes de 2012 et la généralisation du fair use dans le secteur de l’éducation71.

62 Mario Bouchard, « Développements récents en droit du divertissement La gestion collective au Canada », (2011), Barreau du Québec - Service de la formation continue.

63 Comité permanent du Patrimoine canadien, Paradigmes changeants, (2019), à la p 41.

64 Comité des Sages, Culture et Communication Québec, L’environnement numérique et la problématique du droit d’auteur, entre autres, (2016), à la p 71.

Gervais, supra note 41, à la p 36.

65 Loi sur le statut de l'artiste, LC 1992, c 33.

66 Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique.

67 Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada. 68 Regroupement des artistes en arts visuels du Québec.

69 Canadian Artists’ Representation / le Front des artistes canadiens. 70 https://www.cova-daav.ca/fr/about.

71 Jean-François Caron, « Droits d’auteur : quel avenir pour les sociétés de gestion ? » [2016] 161 Lettres québécoises, à la p 16.

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Au Canada, le droit de copie privée amenant à un droit à rémunération n’existe pas pour les arts visuels et le droit de suite n’a pas été mis en place en 2012. Il faut noter que le droit de suite en France fête son centième anniversaire72.

Les techniques de mise en œuvre du droit d’auteur ainsi que les modalités d’acquisition de droits n’ont pas toujours d’équivalent semblable en France et au Canada. Dans le contexte des services automatisés de recherche d’images, ces différences de régime obligent parfois à une réflexion compartimentée. Néanmoins, les combats européens résonnent toujours au Canada et la vision économique du droit d’auteur canadien a également ses prises en France.

Le droit auteur à la française et le droit canadien présentent de nombreuses différences, malgré cela, il convient de démontrer que dans les deux situations leur cadre juridique quant à l’opposabilité des droits d’auteur aux services automatisés de référencement d’images est ambigu (Chapitre1).

72Le droit de suite a été créé en France en 1920. Voir ADAGP, « Droit de suite » , en ligne : <https://www.adagp.fr/fr/utilisateur/droit-de-suite>.

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Chapitre 1 : Un cadre juridique ambigu quant à l’opposabilité des

droits d’auteur aux services automatisés de référencement

d’images

L’admission d’une opposabilité des droits d’auteur des artistes visuels est essentielle dans l’optique d’un encadrement des activités des services automatisés de référencement d’images. Les exonérations de responsabilité pour les intermédiaires techniques ont été développées en France et au Canada depuis près de deux décennies dans un souci de développement des activités numériques.

Les premiers textes sur la question ne pouvaient anticiper l’actuelle prédominance économique des GAFAM et plus particulièrement des moteurs de recherche. Le rattachement des moteurs de recherche d’images à ces régimes exonératoires est de ce fait parfois incertain (A). Le Web se compose d’un ensemble d’hyperliens. Le fonctionnement des moteurs de recherche d’images ne fait pas exception avec la technique du framing. Mais le Web permet aussi le crawling et l’indexation des images à l’origine des reproductions d’images appelés vignettes sur la page de présentation des résultats, le mur d’images. Le droit appréhende tous ces actes différemment. En droit canadien, ils pourraient même entrer dans le champ de l’utilisation équitable (B).

A- La qualification juridique incertaine des services automatisés de

référencement d’images en tant qu’intermédiaires techniques

Les législateurs de France comme du Canada, ont voulu alléger depuis des décennies la responsabilité des intermédiaires techniques, ces « tuyaux » de l’Internet sans qui la navigation en ligne serait différente. La volonté des législateurs d’instaurer un régime particulier pour les intermédiaires techniques (1) a permis le rattachement parfois artificiel des services automatisés de référencement d’images à ces régimes exonératoires (2).

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1- Un régime exonératoire voulu par les législateurs

En France, la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique a transposé les régimes de responsabilité allégée de la directive e-commerce du 8 juin 2000 (a). Au Canada, les législateurs tant québécois que fédéraux ont prévu des dispositions exonératoires concernant les outils de repérage (b).

a- une responsabilité atténuée en droit français

La directive e-commerce du 8 juin 2000 a prévu un régime allégé de responsabilité pour les intermédiaires techniques. L’objectif du texte est de permettre à certains prestataires de services de la société de l’information de bénéficier d’un régime de responsabilité favorable.

En droit européen, trois activités sont susceptibles de bénéficier d’un régime de responsabilité favorable : le simple transport, la forme de stockage dite de « caching », l’hébergement, ces règles sont énoncées respectivement aux articles 12, 13 et 14.

La directive e-commerce dans laquelle s’inscrit les articles 12 à 14 concernant les intermédiaires techniques entend contribuer au « développement des services de la société de l’information »73. L’ensemble du texte promeut le développement sans entrave du commerce

électronique dans un cadre juridique clair, prévisible et cohérent ne portant ni atteinte à la compétitivité et ni à l’innovation à l’échelle européenne74 . L’idée a été de créer un cadre juridique assurant la libre circulation des services de la société d’information et donc le principe de liberté d’expression75. L’intention du législateur européen est de lever les obstacles

juridiques au bon fonctionnement du marché intérieur telles que la divergence de législations et l’insécurité juridique car elles réduisent l’attractivité de l’exercice de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services.76

Si chaque activité participe à ce même mouvement d’irresponsabilité, leur régime n’est pas identique. On parlera de « dérogations en matière de responsabilité »77 pour les transporteurs,

73 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur [Directive e-commerce], consid. 5.

74 Directive e-commerce, consid. 60. 75 Directive e-commerce, consid. 9. 76 Directive e-commerce, consid. 5. 77 Directive e-commerce, consid. 42.

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fournisseurs d'accès et prestataires de caching et de « limitation de responsabilité »78 pour les hébergeurs.

Sont visées à l’article 12 les activités de simple transport ou plus précisément de transmission et de fourniture d’accès. Dans ce cas, le prestataire n’est pas responsable à condition qu’il ne soit pas à l'origine de la transmission, qu’il ne sélectionne pas le destinataire de la transmission et qu’il ne sélectionne et ne modifie pas les informations faisant l'objet de la transmission. Les prestataires de caching, visés à l’article 13 pourront bénéficier de la dérogation de responsabilité à condition que le prestataire ne modifie pas l'information, que le prestataire se conforme aux conditions d'accès à l'information et notamment que le prestataire n'entrave pas l'utilisation licite de la technologie, dans le but d'obtenir des données sur l'utilisation de l'information

C’est dans ce contexte que le considérant 42 dispose que :

l'activité limitée au processus technique d'exploitation et de fourniture d'un accès à un réseau de communication sur lequel les informations fournies par des tiers sont transmises ou stockées temporairement couverte par les dérogations en matière de responsabilité revêt un caractère purement technique, automatique et passif, qui implique que le prestataire de la société de l'information n'a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées.

Les activités visées tant à l’article 12 qu’à l’article 13 soit celles de transport et de fourniture d’accès et celles des prestataires de caching doivent donc avoir un rôle passif ; il n'est pas question ici d'hébergement.

Pour les prestataires d’hébergement, l’article 14 dispose uniquement que la limitation de responsabilité ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle du prestataire. La traduction jurisprudentielle de cette règle se trouve dans la décision du 23 mars 2010 AdWords. L’article 14 s’applique lorsque le prestataire « n’a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées ». La Cour de justice a donc repris le considérant 42 mais en a modifié la portée en la réduisant à des hypothèses particulières. Et ainsi, « s’il n’a pas joué un tel rôle, ledit prestataire ne peut être tenu responsable pour les données qu’il a stockées à la demande d’un annonceur à moins que,

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ayant pris connaissance du caractère illicite de ces données ou d’activités de cet annonceur, il n’ait pas promptement retiré ou rendu inaccessibles lesdites données »79.

D’autre part, les prestataires de caching, pourront bénéficier de cette dérogation à condition que :

Le prestataire agisse promptement pour retirer l'information qu'il a stockée ou pour en rendre l'accès impossible dès qu'il a effectivement connaissance du fait que l'information à l'origine de la transmission a été retirée du réseau ou du fait que l'accès à l'information a été rendu impossible, ou du fait qu'un tribunal ou une autorité administrative a ordonné de retirer l'information ou d'en rendre l'accès impossible.80

Cette nouvelle double-condition « action prompte/connaissance » se rapproche du régime de limitation de responsabilité prévue pour l’article 14 pour les hébergeurs. Ainsi, la responsabilité du prestataire ne sera engagée que dans l’hypothèse où celui-ci avait « effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites » et qu’au moment de cette connaissance « il n’avait pas agi promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible ».

Le modèle de responsabilité des intermédiaires techniques, plus particulièrement pour les hébergeurs, est « à rebours de l'évolution du droit de la responsabilité depuis plus de deux siècles »81, s’écartant grandement de la responsabilité sans faute pour risque créé ou pour

risque-profit. La faute consiste ici à ne pas intervenir rapidement pour faire cesser un dommage qui a déjà eu lieu. La faute est donc présentée « comme inévitable, voire acceptable ».82 Ainsi, la

mise en œuvre de la responsabilité de l'hébergeur fait penser à « un mécanisme à double détente »83. Premièrement, il faut « avertir le prestataire du caractère illicite du contenu et le

mettre en demeure de cesser la diffusion » et ensuite « établir sa faute en cas de persistance dans la diffusion du contenu illicite »84.

79 CJUE, 23 mars 2010, aff C-236/08, C-237/08 et C-238/08, Sté Google France c/ Louis Vuitton Malletier (Sté). [dit AdWords] D. 2010. 885, obs. C. Manara ; ibid. 1966, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny-Goy ; ibid. 2011. 908, obs. S. Durrande ; RTD eur. 2010. 939, chron. E. Treppoz.

80 Directive e-commerce, art. 13.

81 Josée-Anne Bénazéraf, « Qualification et responsabilité des sites contributifs » [2016] Dalloz IP/IT, à la p 173. 82 Ibid.

83 Luc Grynbaum, « Régime de responsabilité des moteurs de recherche : pas d’obligation de conservation des données d’identification mais un devoir de retrait du référencement des images illicites associées à une marque » (2006) 9 CCC au para 127.

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La transposition de la directive se fait en France avec la loi du 21 juin 2004. Le régime des intermédiaires techniques est prévu aux articles 6-I-1 et 6-I-2 de cette loi. Une partie de la loi a été codifiée aux articles L. 32-3-4 et s. du Code des postes et communications électroniques. En droit français, l'article 9 de la LCEN, codifié à l'article L. 32-3-4 du code des postes et communications électroniques qui transpose ces dispositions, définit l'opérateur assurant une activité de « caching » comme étant « toute personne assurant dans le seul but de rendre plus efficace leur transmission ultérieure, une activité de stockage automatique, intermédiaire et temporaire des contenus qu'un prestataire transmet. » L'article L. 32-3-4 prévoit que, sous certaines conditions « toute personne assurant le stockage temporaire (caching) de contenus initialement mis en ligne par un tiers en vue de faciliter leur transmission ne peut voir sa responsabilité civile ou pénale engagée à raison de ces contenus ». L’irresponsabilité de ces prestataires sera subordonnée aux mêmes conditions cumulatives que dans la directive.

Désormais, aux termes de l'article L. 32-3-3 du code des postes et des communications électroniques, toute personne assurant une activité de transmission de contenus sur un réseau de communications électroniques ou de fourniture d'accès à un réseau de communications électroniques ne peut voir sa responsabilité civile ou pénale engagée à raison de ces contenus uniquement si elle est à l'origine de la demande de transmission litigieuse, si elle sélectionne le destinataire de la transmission, ou si elle sélectionne ou modifie les contenus faisant l'objet de la transmission.

Les fournisseurs d'hébergement bénéficient également, à certaines conditions, d'une limitation de responsabilité85. Une réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel a renforcé la portée de cette exonération, en subordonnant l'engagement de la responsabilité de l'hébergeur à la présence d'informations présentant un caractère « manifestement » illicite86.

Le terme « référencement » est absent de la directive e-commerce et de la LCEN, c’est pourquoi les moteurs de recherche ne sont pas expressément visés par la directive.

L’article 21 de la directive expose que tous les deux ans, la Commission présente au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social un rapport relatif à l'application de la

85 L'article 6, I. 3º) de la loi sur la confiance dans l'économie numérique prévoit ainsi que ces personnes « ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible ».

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présente directive accompagné, le cas échéant, de propositions visant à l'adapter à l'évolution juridique, technique et économique dans le domaine des services de la société de l'information. Ce rapport devra analyser en particulier la nécessité de présenter des propositions relatives à la responsabilité des fournisseurs de liens d'hypertexte et de services de moteur de recherche. Aucune révision a été effectuée, donc il n’existe pas de disposition spéciale pour les moteurs. Le considérant 18 de la directive mentionne pourtant les prestataires « qui fournissent des outils permettant la recherche, l'accès et la récupération des données » parmi les services de la société d’information. Le fait qu’aucune dérogation spécifique n’existe en matière de responsabilité est prévisible puisque la directive ne raisonne pas en catégories de service mais en fonction de l’activité. Ainsi, les exploitants de moteurs de recherche pourront bénéficier de la directive à condition que leur activité relève des articles 12 à 14.

À la différence du droit français, le droit canadien a prévu des dispositions concernant tout particulièrement les outils de repérage. (b)

b- une responsabilité spéciale en droit canadien

En 2012, la réforme de la Loi sur le droit d’auteur a créé des mesures spécifiques concernant les fournisseurs d’outils de repérage.

Le projet de loi C-11 ayant abouti en 2012 constitue « un volet important de la stratégie gouvernementale afin de stimuler l’économie numérique canadienne »87. Le ministre de l’Industrie Paradis avait alors affirmé : « La modernisation des lois sur le droit d'auteur joue un rôle essentiel dans la protection et la création d'emplois au sein de l'économie numérique du Canada, et notre gouvernement le reconnaît »88. Le ministre du Patrimoine canadien Moore

avait aussi affirmé qu’il s'agit ici du « plus grand effort de modernisation de nos lois sur le droit d'auteur depuis une décennie »89. La popularité explosive des réseaux sociaux et des nouveaux appareils numériques comme les ordinateurs tablettes, les appareils mobiles et les lecteurs de livres numériques joue un rôle prépondérant sur la circulation des œuvres90. Le droit d’auteur

87 Bergeron-Drolet, supra note 59, à la p 315.

88 Emploi et Développement social Canada, « Le gouvernement Harper respecte son engagement de moderniser les lois canadiennes sur le droit d’auteur » (29 juin 2012), en ligne :

<https://www.canada.ca/fr/nouvelles/archive/2012/06/gouvernement-harper-respecte-engagement-moderniser-lois-canadiennes-droit-auteur.html>.

89 Ibid.

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est vu ici comme un obstacle à la libre diffusion des œuvres91. Les exceptions paraissent dans ce contexte être des solutions providentielles permettant de « faire pencher la balance du côté des utilisateurs et d’empêcher que le titulaire de droit d’auteur utilise son monopole pour bloquer la circulation de ses œuvres et priver le public de l’accès à celles-ci »92.

D’après le résumé législatif du projet C-11, la responsabilité des fournisseurs réseau et des moteurs de recherche est un des grands enjeux débattus de cette loi93. C’est un thème important pour le gouvernement malgré le fait que la réforme antérieure en droit d’auteur d’envergure date des années 90. La question des moteurs de recherche n’est pas nouvelle, le projet de loi C-60 initié par le gouvernement du Canada en 2005 abordait déjà la question. Ainsi, l’article 40.3 (1) de ce projet prévoyait que « le titulaire d’un droit d’auteur sur une œuvre ou tout autre objet du droit d’auteur ne dispose que de l’injonction comme recours contre le fournisseur d’outils de repérage qui viole le droit d’auteur du fait qu’il reproduit l’œuvre ou l’autre objet ou en met une reproduction en antémémoire ». Cet article inspire grandement la version finale de l’article 41.27.

L’article 41.27 (5) définit l’outil de repérage comme « tout outil permettant de repérer l’information qui est accessible sur l’Internet ou tout autre réseau numérique ». Ces derniers sont assimilables à des moteurs de recherche.

L’article 41.27 de cette loi réduit les recours des titulaires de droit à la simple injonction contre les outils de repérage reconnus coupables de violation du droit d’auteur94.

En pratique, cet article s’apparente à une exonération de responsabilité entrant dans une logique de protection des intermédiaires techniques promue dans la Loi de 2012. L’article 31.1(1) prévoit une « absence de responsabilité des fournisseurs de services internet (FSI) pour les contenus qui circulent via leurs réseaux »95. De fait, la personne qui, dans le cadre de la prestation de services liés à l’exploitation d’Internet ou d’un autre réseau numérique, fournit des moyens permettant la télécommunication ou la reproduction d’une œuvre ou de tout autre

91 Érika Bergeron-Drolet, « Les exceptions de la Loi sur le droit d’auteur : rétrospective et état des lieux » 28:2, à la p 315.

92 Ibid. à la p 316.

93 Projet de loi C-11 : Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, 20 avr. 2012, 41-1-C11-F.

94 Ainsi, selon l’article 41.27, « dans les procédures pour violation du droit d’auteur, le titulaire du droit d’auteur ne peut obtenir qu’une injonction comme recours contre le fournisseur d’un outil de repérage en cas de détermination de responsabilité pour violation du droit d’auteur découlant de la reproduction de l’œuvre ou de l’autre objet du droit d’auteur ou de la communication de la reproduction au public par télécommunication ». 95 Nicolas Vermeys, « C-11, la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information et la responsabilité des intermédiaires techniques québécois : une dualité de régimes (in)utile(s) ? » (2017) 25:3‑25 Les Cahiers de propriété intellectuelle, à la p 1069.

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