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Hétérogénéité artistique : une question moderniste et/ou "post-moderniste"?

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

CLAUDE-MAURICE GAGNON

L'HÉTÉROGÉNÉITÉ ARTISTIQUE:

UNE QUESTION MODERNISTE ET/OU "POST-MODERNISTE" ?

Thèse présentée

à l’École des gradués de l’Université Laval

pour l’obtention

du grade de Philosophiae Doctor (Ph. D.)

Département d’histoire FACULTÉ DES LETTRES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

MARS 1993

(2)

Je dédie cette thèse à ARTHUR RIMBAUD, Hhomme aux semelles de vent" qui a voulu "trouver la langue", "le lieu et la formule" ...

(3)

"Si j’ai fait qu’un jour un jeune homme, ayant jeté sur ce siècle le regard panoramique d’après nous, tente de s’expliquer ce qui fût dans cette perspective ici entrouverte, et parvient à comprendre que le réalisme n’est pas un système clos, un dictionnaire de recettes, mais un VERTIGE, un DÉSIR, une PASSION, par quoi se lient et la grandeur de l’art et celle de l’homme, et la fureur de connaître et la puissance de créer... si j’ai fait seulement que quelqu’un ait entendu dans cet ensemble disparate d’écrits que je lui propose, au-delà des mots, des sujets traités, le TRAGIQUE de notre destinée... alors, j’aurai peut-être servi à quelque chose, et il se murmurera de moi, tout ce que je demande, un jour, un jour, une espèce de sympathie."

(4)

TABLE DES MATIÈRES

Résumé-synthèse ... IX Avant-propos ... XI Liste des planches ... XII Liste des tableaux ... Li Introduction ... 1

CHAPITRE 1

PARTIE 1 : L’HÉTÉROGÉNÉITÉ ARTISTIQUE A UNE HISTOIRE: DU MODERNISME AU "POST-MODERNISME" (?).

1. Les deux faces d’une même médaille: spécificité

et hétérogénéité... 11

1.1 Présentation des hypothèses ... 11

1.2 Hypothèse 1 13

1.3 Hypothèse 2 ... 15

2. La mise en scène de l’objet d’art ... 16 2.1 Présentation d’un corpus artistique hétérogène:

son contexte historique et théorique... 16 2.2 Avant-garde... 17

(5)

-2.3 Néo-avant-garde ... 20

2.4 Trans-avant-garde ... 22

2.5 Jean-Marie Martin ... 29

2.6 Michel Labbé... 32

2.7 Lucie Grégoire... 36

PARTIE 2: THÉORISER L’HÉTÉROGÉNÉITÉ ARTISTIQUE. 1. La diversité des approches théoriques ... 38

1.1 Le choix de l’éclectisme ... 38

2. La critique d’art et l’hétérogénéité... 39

2.1 Clement Greenberg: tradition et spécificité ou le refus de l’hétérogénéité ... 39

2.2 Achille Bonito-Oliva: la production linguistique de l’objet d’art comme "catastrophe" et la trans­ avant-garde comme perspective néo-maniériste du recyclage ... 46

2.3 Guy Scarpetta: vers une sémiotique de l’impureté et du Baroque actuel... 56

3. Les sciences humaines et l’hétérogénéité... 64

3.1 L’esthétique anthropologique et structuraliste de Claude Lévi-Strauss ... 64

(6)

-3.2 La sémanalyse post-structuraliste de

Julia Kristeva... 76 3.3 La sémiotique visuelle de Fernande

Saint-Martin... 84

CHAPITRE 2

PARTIE 1 : THE "SHOW" MUST GO ON

1. Richard Wagner et la théorie du GESAMTKUNSTWERK . . 100

1.1 L’interdisciplinarité du drame musical... 100 1.2 L’architecture... 106 1.3 La peinture ... 108 1.4 Musique, poésie et danse: la célébration

du mythe dans l’action dramatique... 110 1.5 Wagner "post-moderne"?... 115

PARTIE 2: READY-MADES, COLLAGES ET RELIEFS.

1. Marcel (Dieu) Duchamp: le Héros d’un siècle ... 118

1.1 Première "catastrophe": Nu descendant un escalier ... 118 1.2 Deuxième "catastrophe": le jeu iconoclaste du

ready-made... 121

(7)

-2. Collage: bris-col(l)age et/ou discontinuité de l’homogé­

néité picturale ... 126 2.1 L’éclat du fragment... 126 2.2 Aragon comme parangon (de la) critique... 128 2.3 Deux catégories de collage: "décoller de" ou

"coller à" la peinture... 131 2.4 Max Ernst à l’avant-scène du collage... 133 2.5 D’autres inventions hétérogènes ... 136

3. Des collages Merz à l’architecture du Merzbau:

la réactualisation du GESAMTKUNSTWERK... 138

3.1 L’hétérogénéité: accumulation d’un surplus et/ou

le souvenir tragique d’une perte ... 138

PARTIE 3 : DU "ALL-OVER" AU "LAND-ART".

1. L’impact des Pollock, Rauschenberg, Johns, Stella et du modernisme greenbergien sur l’entrée en scène d’une

autre "sculpture"... 142 1.1 Pollock et Greenberg VERSUS Rauschenberg et

Johns... 142 1.2 Stella: pour et contre la spécificité... 147 1.3 L’objet spécifique: Judd, Flavin, Le Witt,

Oldenburg... 152

(8)

-1.4 Fried contre la théâtralité de l’objet spéci­

fique ... 168

1.5 Rosalind Krauss: après le formalisme et la spéci­ ficité moderniste. La "sculpture" dans le champ... 172

CHAPITRE 3 PARTIE 1: JEAN-MARIE MARTIN : UN PAYSAGE POST-MODERNE. 1. Construire la représentation: hétérogénéité et intertextualité... 180

1.1 Le corpus néo-figuratif de Jean-Marie Martin ... 180

1.2 La série des Faux-Cadres et des Black Paintings... 182

1.3 La peinture néo-figurative: ses principaux enjeux... 186

1.4 Les Pavsaaes-Collacies: une critique du cadre et du support/toile ... 189

1.5 Du métissage néo-figuratif des Paysages-Collages au bricolage de l’art populaire... 191

2. Série de !: une oeuvre charnière ... 200

2.1 Hypothèses syntaxiques... 200

2.2 Hypothèses sémantiques ... 220

(9)

-PARTIE 2: MICHEL LABBÉ: LA MISE EN SCÈNE INSTALLATIVE D’ARCHÉTYPES PRIMITIVISTES.

1. Un paysage archaïque et phallique: la remontée

du refoulé ... 223

1.1 Témoins stationnaires et Tableaux-Obiets V... 223

1.2 Paysage et habitation... 227

1.3 Lances et arcs... 228

1.4 Colonnes et cornes ... 231

2. La suite "post-moderne" de l’histoire (de l’art) ... 235

2.1 Du rituel primitif à la tragédie grecque... 235

2.2 Entracte... 238

2.3 Lecture syntaxique/sémantique d’un conflit... 239

2.4 Conclure ... 245

PARTIE 3: LA FORMATION CHORÉGRAPHIQUE DE LUCIE GRÉGOIRE ET SES CHORÉGRAPHIES POST-MODERNES. 1. De Merce Cunningham à Min Tanaka... ... 246

1.1 La carte comme trace de l’intertextualité ... 246

1.2 Passage: du délire formel à la jouissance de l’émotion... 248

(10)

-1.3 Leçon du Butô... 253

1.4 Le stage ou l’explosion des frontières de l’égo... 258

1.5 Océnébra. Azur et Absolut ... 260

1.6 Océnébra: une pièce exemplaire... 261

Conclusion générale... 265

Notes... 276

Bibliographie ... 300

(11)

-

-RÉSUMÉ--Ce travail propose une réflexion sur le phénomène historique de l’hétérogénéité qui a conduit l’une des deux tendances majeures des productions artistiques du 20e siècle et qui, dans les années 1980, a été revisité d’emblée, par les artistes de l’art actuel québécois, notamment. Ce que j’ai cherché à comprendre, à partir de l’analyse synchronique d’exemples ou de fragments pertinents de cette histoire (Wagner, Duchamp, Ernst, Schwitters, Oldenburg (...), Jean-Marie Martin, Michel Labbé, Lucie Grégoire), c’est ni plus ni moins, comment cette tendance hétérogène s’est articulée, organisée, affirmée et poursuivie jusque dans l’art d’aujourd’hui, en un projet systématique s’opposant à celui de la spécificité qui a orienté l’autre axe dominant de cette histoire de l’art.

Claude-Maurice Gagnon

(12)

RÉSUMÉ-SYNTHÈSE

La problématique de cette thèse concerne le phénomène historique de l’hétérogénéité artistique tel qu’il se manifeste dans les productions "catastrophes" des artistes de l’avant-, de la néo- et de la trans-avant-garde qui se sont opposés à la doxa puriste et évolutionniste de la spécificité conduisant la tradition des Beaux-Arts.

Dans cette perspective, j’ai montré, par l’analyse de corpus pertinents - composés d’objets artistiques hétérogènes ne correspondant plus aux classifications taxinomiques dictées par les lois strictes de la spécificité -, comment les artistes qui ont pris part à ce bouleversement idéologique ont su imposer une rupture dans l’ordre du langage, déstabilisant ainsi tous les acquis et préjugés -de goût et de talent- ancrés dans la tradition et constituer un nouveau code ouvert à tous les métissages, intégrant le rapport trans-culturel à la culture populaire, de même qu’au non-art.

Partant de là, j’ai donc pensé le phénomène historique de l’hétérogénéité artistique comme la base d’une révolution trans-linguistique ayant pris forme sous le modernisme et j’ai associé les constructions artistiques impures que cette révolution engendre à l’attitude "post-moderne". Ainsi, la notion imprécise de "post-moderne" connoterait ici non pas un moment historique après le modernisme, mais révélerait, à l’intérieur même du modernisme un de ces deux axes limitrophes, soit celui de l’hétérogénéité, l’autre étant celui de la spécificité.

(13)

-D’une part, cette thèse propose une (re)construction historique du phénomène de l'hétérogénéité artistique: ainsi, j’ai analysé, du côté de l’avant-garde, le drame musical de Wagner, les "ready-made" de Duchamp, les collages de Max Ernst et l’art MERZ de Schwitters; du côté de la néo­ avant-garde, les tableaux-objets de Rauschenberg et de Johns et les "objets spécifiques" de Judd, Stella, Flavin, Le Witt, Oldenburg; enfin, du côté de la trans-avant-garde québécoise, les tableaux-objets de Jean-Marie Martin, les installations de Michel Labbé et la danse-théâtre de Lucie Grégoire. D’autre part, elle offre une contribution au développement d’une sémiotique de l’hétérogénéité en prenant son ancrage théorique dans la référence à l’anthropologie esthétique de Claude Lévi-Strauss, à la sémanalyse de Julia Kristeva et à la sémiotique visuelle de Fernande Saint-Martin; de même qu’elle s’inspire du point de vue de la critique, des propositions de Clément Greenberg, Achille Bonito-Oliva et de Guy Scarpetta.

Ceci dit, pour l’essentiel, cette thèse questionne comment s’ordonnent, s’agencent, se bricolent et/ou s’édifient, dans la logique "post-moderne" du modernisme, les constructions artistiques hétérogènes qui marquent ou ponctuent une part oubliée de l’histoire de l’art.

(14)

-AVANT-PROPOS

Au terme de ce travail, je veux exprimer toute ma gratitude à Marie Carani pour la confiance intellectuelle et l’intérêt profond qu’elle a su témoigner constamment envers ma recherche. Je veux aussi la remercier pour avoir encouragé ma démarche de critique d’art actuel. Ceci dit, je souhaite ardemment que nos intérêts communs pour les questions théoriques posées par l'art contemporain nous permettent, dans le futur, d’être à nouveau réunis.

Je remercie aussi l’Université du Québec à Chicoutimi de m’avoir accordé, en tant que chargé de cours, une bourse de perfectionnement long afin de terminer la rédaction de cette thèse.

Enfin, je veux adresser toute ma reconnaissance à Jean-François qui a supporté avec tant de patience et d’ouverture la vie et les angoisses d’un intellectuel passionné par le monde de l’art et qui aussi a su devenir l’ami des artistes. Jean-François je te remercie pour tout et surtout pour ta présence irremplaçable.

(15)

-LISTE DES PLANCHES

PI. 1 The Last Painting (Jean-Marie Martin)

PI. 2 Sans titre (Faux-Cadres) (Jean-Marie Martin) PI. 3 Série de! (Jean-Marie Martin)

PI. 4 Boating in Wellfleet (Jean-Marie Martin) PI. 5 Fischinq in Mountauk (Jean-Marie Martin) PI. 6 Painting in Quoque (Jean-Marie Martin)

PI. 7 Ethnie Types no 15 and no 72 (Julian Schnabel) PI. 8 Étagère murale (Anonyme)

PI. 9 Je ne suis pas nécessairement catholique (Jean-Marie Martin) PI. 10 Vache (Marguerite Mougeot-Raby)

PI. 11 Coucher de soleil (Jean-Marie Martin) PI. 12 La soirée de danse (René Lavoie)

PI. 13 Meuh, Meuh Power (Jean-Marie Martin) PI. 14 Le monde (Joe Sleep)

PI. 15 L’Étoile (Jean-Marie Martin)

PI. 16 Courtepointe de mariage (Mary Morris) PI. 17 Pee-Wee (George Cokayne)

PI. 18 Hunting in Québec (Jean-Marie Martin)

(16)

-PI. 19 According to what (Jasper Johns) PI. 20 Watchman (Jasper Johns)

PI. 21 Painting with Ruler and Grey (Jasper Johns)

PI. 22 In Memory of mv feelings - Frank O’Hara (Jasper Johns) PI. 23 4 the News (Jasper Johns)

PI. 24 Fool’s House (Jasper Johns) PI. 25 Joueur de hockey (Sam Spencer) PI. 26 Antioue Frame (Jean-Marie Martin) PI. 27 Témoins stationnaires (Michel Labbé) PI. 28 Tableaux/Obiets V (Michel Labbé)

PI. 29 Témoins stationnaires et Tableaux/Obiets V (Michel Labbé) PL 30 Installation/lntérieur (Michel Labbé)

Installation/Surface (Michel Labbé) Tableaux/Obiets I (Michel Labbé) PI. 31 Côté cour/côté jardin (Michel Labbé) PI. 32 Tableau composite I (Michel Labbé) PI. 33 Tableau composite 2 (Michel Labbé) PI. 34 Installation / Intérieur (Michel Labbé) PI. 35 Installation / Surface (Michel Labbé) PL 36 Extrait de Océnébra (Lucie Grégoire)

(17)

-PI. 37 Extrait de Océnébra (Lucie Grégoire) PI. 38 Extrait de Océnébra (Lucie Grégoire) PI. 39 Extrait de Océnébra (Lucie Grégoire) PI. 40 Extrait de Océnébra (Lucie Grégoire)

(18)

-(PI. 1) Jean-Marie Martin, The Last Painting, acrylique sur caoutchouc / / 70 X90 cm, 1977.

(PI. 2) Jean-Marie Martin, Sans titre (Faux-Cadres), acrylique, bois, objets divers / 90 x90 cm, 1977.

(19)

-T

A

X

(PI. 3) Jean-Marie Martin, Série del, acrylique sur velours et bois / 140 x 192 cm, 1985.

(20)

X

<

(PI. 4) Jean-Marie Martin, Boating in Wellfleet, acrylique sur velours, bois et objets de plastique / 61" x 82", 1987.

(21)

(PI. 5) Jean-Marie Martin, Fisching in Mountauk, acrylique sur elours, bois, cadres de bois, chromo et poissons de plastique / 87" x 95", 1987.

(22)

-(PI. 6) Jean-Marie Martin, Painting in Quoque, acrylique sur velours, bois, cadres de bois, toile / 60" x 89", 1987.

(23)

(PI. 7) Julian Schnabel, Ethnic Types no 15 and no 72. huile, cuir animal et pâte à modeler sur velours / 274 x 305 cm, 1984.

(24)

-(PI. 8) Anonyme, Étagère murale bois peint / 78.5 x 32.5 x 20 cm, XIX' siècle (Trois-Rivières).

(25)

(PI. 9) Jean-Marie Martin, Je ne suis pas nécessairement catholique, acrylique sur velours, bois / 4’ x 4’, 1983.

(26)

X

X

III

(PI. 10) Marguerite Mougeot-Raby,

Vache, peinture sur contreplaqué / 244 x 181 cm, 1967.

(27)

(PI. 11 ) Jean-Marie Martin, Coucher de soleil, acrylique sur velours et bois / 62" x 74", 1984.

(28)

X

X

V

(PI. 12) René Lavoie, La soirée de danse, bois peint / 93,5 x 48,5 x 30 cm, début du siècle.

(29)

(PI. 13) Jean-Marie Martin, Meuh, Meuh Power, acrylique sur toile, cadre de bois / 4’ x 4’, 1983

(30)

(PI. 14) Joe Sleep, Le monde, peinture et encre sur panneau / 182,5 x 122,5 cm, vers 1970.

(31)

•4

M

(PI. 15) Jean-Marie Martin, L’Étoile, acrylique sur velours, cadre de bois /

3’ x 4’, 1984.

(32)

(PI. 16) Mary Morris, Courtepointe de mariage, coton et lin / 200 x 185 cm, 1825.

(33)

-(PI. 17) George Cockayne, Pee- Wee, bois peint et douilles de carabine / 29,5 x 28,5 cm, vers 1930.

(34)

X

X

X

I

I

V -/ - —--- "'MIUII, i IUI IUI IM

in Québec, acrylique sur velours et bois, cadres de bois, toile et oiseau de plastique, chromo/41"x 100", 1987.

(35)

X

X

X

II

(PI. 19) Jasper Johns, According to what, huile sur toile avec objets et moulage / 223,5 x 487,7 cm, 1964.

(36)

(PI. 20) Jasper Johns, Watchman. huile sur bois avec objets et moulage / 215,9 x 153 cm, 1964.

(37)

-(PI. 21) Jasper Johns, Painting with Ruler and "Grey", huile et collage sur toile et objets/81,3x81,3 cm, 1960.

(38)

-(PI. 22) Jasper Johns, In Memory of my feelings - Frank O’Hara, huile sur toile et collage d’objets / 101,6 x

152,4 cm, 1961.

(39)

(PI. 23) Jasper Johns, 4 The News, encaustique et collage sur toile d'objets /161,1 x 127,6 cm, 1962.

(40)

-(PI. 24) Jasper Johns, Fool’s House, huile sur toile et collage d'objets / 81,2 x 91,4 cm, 1962.

(41)

-(PI. 25) Sam Spencer, Joueur de hockey, bois peint /29x 23 x4 cm, 1978.

(42)

-X

X

X

IX

(PI. 26) Jean-Marie Martin, Antique. Frame, acrylique sur velours et bois, cadre de bois, miroir / 57" x 89",

(43)

(PI. 27) Michel Labbé, Témoins stationnaires, 1988.

(44)

X

li

(PI. 28) Michel Labbé, Tableaux- Objets V, 1988.

(45)

(PI. 29) Michel Labbé, Témoins stationnaires, 1988; Tableaux- Objets^, 1988. '

(46)

(PI. 30) Michel Labbé, Installation- Intérieur, 1986; Installation-Surface, 1982; Tableaux/Objets I, 1986.

(47)

-(PI. 31) Michel Labbé, Côté cour côté jardin, techniques mixtes, 1982- 86.

(48)

-(PI. 32) Michel Labbé, Tableau composite 1.

(49)

(PI. 33) Michel Labbé, Tableau composite P

(50)

(PI. 34) Michel Labbé, Installation- Intérieur, matériaux mixtes, 1988.

(51)

-(PI. 35) Michel Labbé, Installation- Surface. acrylique, émail et bois sur aggloméré synthétique, 1982.

(52)

(PI. 36) Lucie Grégoire, Extrait de Océnébra, photographie de Edmond de Lorimier.

(53)

-(PI. 37) Lucie Grégoire, Extrait de Océnébra, photographie de Edmond de Lorimier.

(54)

(PI. 38) Lucie Grégoire, Extrait de Océnébra, photographie de Edmond de Lorimier.

(55)

(PI. 39) Lucie Grégoire, Extrait de Océnébra, photographie de Edmond de Lorimier.

(56)

(PI. 40) Lucie Grégoire, Extrait de Océnébra, photographie de Edmond de Lorimier.

(57)

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 Série de! (segmentation du plan pictural

en huit régions) ... 203

Tableau 2 Série de! (différenciation des régions et

des sous-régions) . . . ... 203

(58)
(59)

Ce travail propose une réflexion sur le phénomène de l’hétérogénéité qui a conduit l’une des deux tendances majeures des productions artistiques du XXe siècle et qui, dans les années quatre-vingts, a été revisité, d’emblée, par les artistes de l’art actuel québécois, notamment. Dit autrement, ce que j’ai cherché à comprendre, à partir de l’analyse synchronique d’exemples ou de fragments pertinents de cette histoire -et non dans une perspective encyclopédiste, évolutionniste ou platement diachronique de celle-ci-, c’est, ni plus ni moins, comment cette tendance hétérogène s’est articulée, organisée, affirmée et poursuivie jusque dans l’art d’aujourd’hui, en un projet systématique, s’opposant à celui de la spécificité moderniste qui a orienté rigidement l’autre axe dominant de cette production artistique. Ce faisant, j’ai voulu, en quelque sorte, actualiser, dans le champ scientifique de l’histoire de l’art, une problématique que cette discipline avait plus ou moins laissée en plan, ou, à laquelle elle avait résisté, au profit d’un discours apologétique sur la tradition artistique et conséquemment sur la pureté des Beaux-Arts.

Dans ce contexte, la pertinence du sujet de cette thèse réside dans sa (re)lecture critique de quelques expérimentations artistiques inter- et trans­ disciplinaires qui, à partir du GESAMTKUNSTWERK de Richard Wagner,

(60)

-jusqu’aux propositions néo-baroques de Jean-Marie Martin, Michel Labbé et Lucie Grégoire, en passant par les ready-mades iconoclastes de Duchamp, les collages dadaïstes et surréalistes de Schwitters et Ernst et la succession des investigations néo-avant-gardistes américaines dont les tableaux-objets de Rauschenberg et Johns, les objets spécifiques de Stella, Judd, Flavin, Le Witt, Oldenburg, de même que les interventions installatives et/ou environnementalistes du land-art et du earth-work, donnent lieu, par la combinaison des codes linguistiques et syntaxiques, à des corpus artistiques hybrides, tout à fait inclassifiables du point de vue des catégories disciplinaires dictées par les lois spécifiques du modernisme, lesquelles lois ont littéralement cherché à évacuer ou à refouler les acquis hétérogènes de ces expérimentations. Dans ce sens, il ne s’agit pas ici d’inventer de nouvelles catégories taxonomiques pour enfermer ces productions hétérogènes -ce serait, inévitablement, tomber dans le piège de la spécificité-, mais plutôt de cerner comment ces métissages s’ordonnent, s’agencent, se bricolent et/ou s’édifient dans la logique syncrétique dite "post-moderne".

Partant de là, je pose donc que le modernisme artistique s’est constitué autour de deux axes idéologiques profondément antinomiques, soit celui de

(61)

-la spécificité et de l’hétérogénéité, lesquels ont é-laboré leurs propres stXtégies linguistiques et syntaxiques d’énonciation, le premier ayant opté pour la pureté des disciplines et l’épuration maximale de leurs codes spécifiques; le second, pour le croisement systématique des disciplines et le mixage foncièrement débridé et impur de leurs langages respectifs, favorisant même la disparition des disciplines. Ainsi, nous serions toujours dans le modernisme et ce que l’on qualifie, dans la littérature critique ou théorique, depuis les années soixante-dix, d’attitude "post-moderne" me semblerait renvoyer au phénomène de l’hétérogénéité: ceci dit, Wagner participerait tout autant de l’attitude "post-moderne" que (Dieu) Duchamp, Schwitters et Ernst, Rauschenberg, Johns, Stella, Judd, Flavin, Le Witt, Oldenburg, Jean-Marie Martin, Michel Labbé et Lucie Grégoire, dans la mesure où l’attitude "post-moderne" se manifeste, à l’intérieur du modernisme, comme une de ses limites historiques et idéologiques, l’autre étant celle, quasiment disparue, de la spécificité.

Voilà donc, pour l’essentiel, ce que cette thèse sur l’hétérogénéité cherche à défendre. Pour ce faire, j’ai construit mom argumentation à partir de trois chapitres. Le premier établit la problématique et pointe les hypothèses tel que je viens de les décrire succinctement dans les lignes plus haut; j’y

(62)

-formule aussi une recontextualisation du corpus artistique qui me servira, tant du côté de l’avant-, de la néo- et de la trans-avant-garde, d’exemples pertinents et que j’ai nommé précédemment; toujours dans le même chapitre, le lecteur trouvera une présentation inter-disciplinaire et éclectique des diverses approches théoriques qui m’ont servi à théoriser le phénomène de l’hétérogénéité artistique: soit, du côté de la théorie et/ou de la critique d’art, les propositions de Clement Greenberg (spécificité moderniste), Achille Bonito-Oliva (les notions de catastrophe et de trans-avant-garde) et Guy Scarpetta (modélisation transversale de l’impureté post-moderne); et du côté des sciences humaines, principalement pour leurs contributions à l’analyse sémantique du discours artistique, l’esthétique anthropologique et structuraliste de Claude Lévi-Strauss (les notions de bricolage et de modèle réduit), la sémanalyse post-structuraliste de Julia Kristeva (du texte à l’intertextualité), de même que la sémiotique visuelle de Fernande Saint- Martin pour son modèle structuraliste d’analyse syntaxique. Devant la pluralité de ces approches, le lecteur comprendra que ma construction théorique de l’hétérogénéité ne repose pas sur l’application mécaniste d’un modèle unique, fixe et stable, mais qu’elle s’élabore elle-même, comme les oeuvres artistiques hétérogènes dont elle parle, dans une attitude "post­ moderne" ouverte à la citation, à la récupération et au recyclage de

(63)

-5-fragments théoriques pertinents, telle une métathéorie ou règne l’intertextualité.

Le deuxième chapitre regroupe une série d’analyses de pratiques et d’objets artistiques hétérogènes, procédant, sous le modernisme, de cette attitude "post-moderne", soit par le biais de l’inter-disciplinarité, c’est le cas notamment de la théorie du GESAMTKUNSTEWERK développée et appliquée par Richard Wagner à l’oeuvre d’art totale du drame musical; soit par l’abolition systématique des frontières disciplinaires et la négation de l’art rétinien dominé par les jugements de valeurs naturalisant que sont celui du goût et du beau, c’est précisément le cas du ready-made duchampien; ou encore, soit par l’axe de la trans-disciplinarité, tels les collages et reliefs cubistes et post-cubistes, dont ceux de Kurt Schwitters et de Max Ernst. Dans cette perspective trans-disciplinaire y sont également relus, conséquemment à l’attitude "post-moderne", les corpus de la néo-avant- garde américaine qui, dans leur crise de rejet, des diktats greenbergiens, brisent tous les codes de la spécificité et tentent, d’une part, à partir de la leçon de Duchamp, de marier l’art et la vie, soit l’objet artistique et anartistique et, d’autre part, à partir de la leçon des collages et reliefs cubistes, de fondre la bi et latridimensionnalité en des "objets spécifiques"

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-- pour reprendre les mots de Donald Judd -- comme ceux de Rauschenberg, Johns, Judd, Flavin, Le Witt, Oldenburg. Ce chapitre ce termine par une analyse du discours formaliste de Michael Fried, lequel s’oppose à la théâtralité des "objets spécifiques" et comprend négativement ce rapport au théâtre comme le déclin, la déchéance même des arts visuels modernistes, ainsi que par une réflexion sur la définition élargie que Rosalind Krauss donne de la sculpture, plus spécifiquement celle qui concerne les productions post-minimalistes qui ont succédé aux "objets spécifiques".

Dans le troisième chapitre, j’aborde, de front, trois différents types de productions artistiques hétérogènes, réalisés par des artistes québécois, dans les années quatre-vingt et s’inscrivant soit du côté de la pratique mixte du tableau-objet (Jean-Marie Martin), de l’installation (Michel Labbé) et de la danse-théâtre (Lucie Grégoire). L’analyse de chacun de ces corpus, qui fonctionnent tous à l’usage de la citation et du fragment, s’est élaborée autour de deux axes fondamentaux, c’est-à-dire la reconstruction de l’intertextualité et de l’organisation syntaxique, reprenant ainsi les propositions théoriques développées, plus particulièrement, dans les théories sémiotiques kristévéenne et saint-martinienne. De plus, il s’agissait également de montrer au lecteur, suite aux contributions scarpettiennes sur

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-7-l’impureté post-moderne, que ces productions trans-disçiplinaires affirment leur rapport trans-historique à l’histoire de l’art par le recyclage de motifs et de styles déjà vus dans celles de l’avant- et de la néo-avant-garde (recyclage qui garantit l’hyper-actualité de ces démarches et qui de fait correspond à des opérations sémiotiques de transcodage), de même qu’elles développent des stratégies discursives trans-culturelles, dans la mesure où elles récupèrent aussi l’objet arbitraire, issu de la culture de consommation de masse, ou, encore, réactualisent, dans un esprit néo­ primitiviste, des mythologies anciennes qui ont marqué le théâtre de l’histoire de l’humanité.

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"Tout s’est fait en nous parce que nous sommes nous, toujours nous, et pas une minute les mêmes."

Diderot2

"Nous cessons de chercher les ressemblances, nous nous consacrons par­ dessus tout aux différences et parmi les différences à celles qui sont les plus accentuées, non seulement parce qu’elles sont les plus frappantes, mais parce qu’elles sont les plus instructives".

Poincaré3

"Fiction d’un individu (quelque M. Teste à l’envers) qui abolirait en lui les barrières, les classes, les exclusions, non par syncrétisme, mais par simple débarras de ce vieux spectre: la contradiction logique: qui mélangerait tous les langages, fussent-ils réputés incompatibles; qui supporterait, muet, toutes les accusations d’illogisme, d’infidélité; qui resterait impassible devant l’ironie socratique (amener l’autre au suprême opprobe: se contredire) et la terreur légale (combien de preuves pénales fondées sur une psychologie de l’unité!). Cet homme serait l’abjection de notre société: les tribunaux, l’école, l’asile, la conversion, en feraient un étranger: qui supporte sans honte la contradiction? Or, ce contre-héros existe: c’est le lecteur de texte, dans le moment où il prend son plaisir. Alors le vieux mythe biblique se retourne, la confusion des langues n’est plus une punition, le sujet accède à la jouissance par la cohabitation des langages, oui travaillent côte à côte: le texte de plaisir, c’est Babel heureuse".

Roland Barthes4

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-PARTIE I

L’HÉTÉROGÉNÉITÉ ARTISTIQUE A UNE HISTOIRE: DU MODERNISME AU "POST-MODERNISME" (?).

1. Les deux faces d’une même médaille: spécificité et hétérogénéité

1.1 Présentation des hypothèses

Le modernisme a donné lieu à l’affrontement de deux idéologies adverses qui ont orienté les manifestations artistiques des avant-gardes historiques. L’une a privilégié, par une entreprise dogmatique et apologétique, la purification des arts en général et la spécificité de la peinture en particulier (ex. impressionnisme, suprématisme, abstraction géométrique, expression­ nisme abstrait, etc.). Tandis que l’autre a opté pour le décloisonnement, ou mieux, la suppression totale des genres, et a envisagé l'objet artistique dans son rapprochement avec l’objet arbitraire (ex. dadaïsme, constructivisme, bauhaus, etc.) et/ou avec l’objet exotique associé au primitivisme, soit aux

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-cultures lointaines, folkloriques ou populaires (fauvisme, expressionnisme, cubisme, surréalisme, etc.), exposant son mépris des règles de la spécificité et sa "fonction déviante".

Ainsi, cette "autre face de l’art"5 a jeté les bases d’un discours artistique causant, dans la logique d’une "intervention-catastrophe"6 , une explosion langagière, qui visait à rompre avec tout projet de pureté et/ou avec tout langage codifié par la tradition artistique. Il fallait inventer en dehors de toutes les voies tracées; subvertir tous les procédés connus; s’approprier les formes sauvages de l’art tribal, ethnique et populaire, afin de contredire la suprématie des pratiques du "dessin-dessin", de la "peinture-peinture", de la "gravure-gravure", de la "sculpture-sculpture" et de Tarchitecture- architecture", etc., et d’entrer dans l’ère des collages, des tableaux-objets, des sculptures-assemblages, des "ready-made", etc., où l’on célèbre, depuis lors, la fête du transcodage.

Suivant les traces des avant-gardes historiques, insoumises aux diktats de l’idéologie de la pureté, les artistes de la néo- et de la trans-avant-garde se sont systématiquement prononcés en faveur de la création d’une "esthétique de l’interaction des arts"7, en promouvant la construction d’oeuvres

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-hétérogènes qui revalorisent les métissages de matériaux, de techniques, de formes, de références historiques et culturelles, comme c’est le cas dans l’art actuel québécois, notamment.

1.2 Hypothèse I

A partir d’un corpus regroupant des oeuvres de l’avant-garde, de la néo- et de la trans-avant-garde dont, en particulier, celles réalisées, dans les années 1980-1990, par les artistes québécois Lucie Grégoire, Michel Labbé, et Jean-Marie Martin, mon hypothèse fondamentale consiste à poser que le phénomème de l’hétérogénéité associé, d’emblée, aux pratiques et productions dites "post-modernes", ne leur est pas exclusif, mais qu’il constitue, en fait, un phénomène artistique, historique et récurrent, un leitmotiv de l’histoire de l’art du XXe siècle.

Dans ce sens, il me semble que l’hétérogénéité des objets artistiques de l’avant-, de la néo- et de la trans-avant-garde, soit garantie, d’une part, par la combinaison de leurs dimensions trans-historiques, trans-culturelles, transdisciplinaires et trans-linguistiques; et que, d’autre part, cette systématisation des métissages ait favorisé l’affirmation de l’hyper-matérialité

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-et de la polysémie de leurs constructions syntaxiques/sémantiques respec­ tives, ainsi que leur inscription dans l’axe néo-baroque.

Conséquemment, par une telle position, je considère 1) que l’hétérogénéité se définit par les aspects trans-historiques, trans-culturels, transdisciplinaires et trans-linguistiques d’un objet artistique hyper-matériel, marqué par sa tendance au baroque; 2) qu’elle constitue un phénomène ayant traversé toute l’histoire de l’art contemporain, depuis l’avènement de l’avant-garde jusqu’à celui de la trans-avant-garde; et 3) que les productions hétérogènes de la trans-avant-garde -québécoise- ne sont pas en rupture avec celles produites dans la pratique délinquante de l’avant-et de la néo-avant-garde, mais qu’elles s’y réfèrent dans l’esprit d’une filiation critique, conscientes des richesses du legs artistique de leurs aînés -de la scène internationale- et des possibilités de transformer cette multitude de données par le jeu fascinant de la citation, enfin délivrées du joug castrant et aliénant de l’invention à tout prix.

S’il est évident que cette hypothèse aborde le phénomène de l’hétérogénéité en tant que phénomène historique, elle l’envisage, aussi, comme pratique sémiotique transformative, procédant, par des opérations de transcodage,

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-à des permutations incessantes (je veux dire qui peuvent être sans limite) d’éléments signifiants, issus de codes linguistiques distincts et dont la jonction intertextuelle participe d’un travail syntaxique/sémantique de la langue (soit, un "travail de différenciation, stratification et confrontation"8 des divers éléments puisés dans des langages distincts), qui permet la résurgence de la pluralité de la signifiance du texte visuel -hétérogène- vu comme "productivité", selon la sémanalyse de Julia Kristeva9.

Somme toute, il faut donc comprendre que cette hypothèse première conduit à l’édification d’une modélisation de l’hétérogénéité, à partir du corpus identifié (que je décris plus loin), laquelle oblige une mise en relation inter­ textuelle de l’art actuel québécois avec les productions marquantes que l’histoire de l’art associe aux avant-gardes, aux néo-avant-gardes et aux autres trans-avant-gardes de la scène internationale, le texte de l’Histoire et celui de la Culture.

1.3 Hypothèse II

Or, cette première hypothèse en sous-tend une seconde que je formule ainsi. Cette récurrence historique du phénomène de l’hétérogénéité qui

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15-caractérise autant les productions de l’avant-, de la néo- et de la trans- avant-garde, m’amène à me demander si nous avons bel et bien quitté le modernisme et si la notion très imprécise de "post-moderne" ne connoterait pas strictement les limites historiques du modernisme, soit sa phase terminale, laquelle serait marquée par la citation, le repli et/ou le "retour de" opérant, dans le sens psychanalytique du terme, à la manière du "retour du refoulé", comme l'a suggéré Guy Scarpetta10.

2. La mise en scène de l’obiet d’art

2.1 Présentation d’un corpus artistique hétérogène: son contexte historique et théorique

Les démarches et/ou objets artistiques sélectionnés dans la constitution de cette problématique sur l’hétérogénéité témoignent, à titre d’exemple, d’une reconsidération idéologique et épistémologique de la nature linguistique de l’objet d’art et de sa fonction énonciative dans sa relation au social, dans ce sens où la pratique textuelle est indissociable des autres pratiques sociales signifiantes. De fait, ce qui me paraît être dénoncé par l’hétérogénéité de

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-ces démarches et/ou objets artistiques, c’est, ni plus ni moins, le refus des cloisonnements et des catégorisations linguistiques ascétiques, formellement homogènes: soit, ce refus d’une construction visuelle du "réel” fondée sur une psychologie de l’unité -comme le souligne Barthes dans la citation mise en exergue au début de ce chapitre-, laquelle, par sa stricte utilisation épurée des codes d’un langage spécifique, nierait l’hétérogénéisation et la baroquisation globale de la scène sociale conditionnée par la cohabitation et la traversée des langages et de leurs signes11.

Je présente ici les objets artistiques qui participent de mon corpus. Cette présentation tient compte du contexte historique et théorique dans lequel chacun d’eux se situe, soit du côté de l’avant-, de la néo, ou de la trans- avant-garde.

2.2 Avant-garde

La conjonction des différents codes artistiques et culturels qui dirige le phénomène de l’hétérogénéité et participe de la transformation des dimensions syntaxiques/sémantiques du langage visuel, du début du XXe

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-siècle, coïncide avec la modification radicale des structures sociales, du mode de production économique et des mentalités.

Conséquemment, les novations linguistiques hétérogènes de l’avant-garde sont indissociables des valeurs ambiguës et contradictoires qui traversent l’ensemble des autres productions du texte social: soit, les valeurs liées à l’invention, au progrès, à la puissance transformatrice de la machine, de la technologie et de la science; de même que celles véhiculées par la conquête coloniale, le mythe du paradis perdu, celui de l’exotisme et du primitivisme qui rapprochent symboliquement l’homme de l’état de nature, tandis que le règne de la machine et celui de l’objet par le biais de la production et de la consommation de masse magnifient l’éloge de la culture et des distinctions sociales. Par l’hétérogéniété de leurs productions visuelles, les artistes de l’avant-garde placent l’objet industriel et/ou l’objet tribal, le mythe du progrès et/ou celui de l’Histoire, au coeur même de leurs préoccupations symboliques, syntaxiques et sémantiques: ainsi, ce qu’ils cherchent à exprimer, dans la violence de leur rupture linguistique avec la tradition, c’est la violence même du changement social, la déchirure causée

par le passage d’une scène à l’autre.

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-Du point de vue de la conception de l’hétérogénéité inhérente aux productions de l'avant-garde, j’ai choisi d’analyser les démarches et/ou objets artistiques les plus marquants, c’est-à-dire ceux que la néo- et la trans-avant-garde n’ont pas cessé de citer et qui, pour cette raison, constituent, selon Bonito-Oliva, des "catastrophes réussies"12. Soit, cette notion de synthèse des arts, développée dans la théorie du GESAMTKUNSTWERK de Richard Wagner, visant à reproduire dans "l’oeuvre d’art totale", qui relève du drame, une "image vivante de la nature"13; les "ready-made" de Marcel Duchamp, lesquels conçus dans une perspective proto-conceptualiste, détournent les objets du quotidien de leur fonction utilitaire et les élèvent ainsi au rang d’objets d’art dans une optique anti-art; les collages et/ou reliefs post-cubistes c’est-à-dire, dadaïstes et sur­ réalistes (Kurt Schwitters, Marx Ernst) qui transposent, dans leurs construc­ tions composites, les codes de la bi- et de la tridimensionnalité, misent sur le brouillage des frontières peinture/sculpture/architecture, provoquent une déstabilisation des rapports de la mise en espace et permettent, par le biais de l’assemblage, l’affirmation de l’hétérogénéité des matériaux et des procédés.

* * *

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-2.3 Néo-avant-aarde

Face aux productions de la néo-avant-garde, mon point de départ théorique consiste en une analyse du discours formaliste de Clement Greenberg, lequel en privilégiant la pureté et la spécificité des différents arts, a soutenu la pratique picturale des artistes avant-gardistes de l'expressionnisme abstrait et a été fortement contesté, pour ne pas dire systématiquement rejeté, par les artistes proto-pop, pop, ceux de l’art minimal, conceptuel et du land-art.

Partant de là, il s’agit surtout de montrer comment cette réception négative des théories greenbergiennes, par les artistes de la néo-avant-garde, correspond, après le succès de la peinture gestuelle et subjective de l’expressionnisme abstrait, à la construction hétérogène et "objective" d’objets artistiques qui 1) réactualisent les expérimentations des avant- gardes européennes; 2) ironisent la facture expressionniste; 3) s’inspirent, par une réflexion hyper-conceptualiste, de la banalité de l’univers quotidien, des stéréotypes et des valeurs conformistes de la société américaine; 4) réintègrent la représentation iconographique dans une peinture hyper-réaliste et "froide", dont les éléments iconiques sont spatialement organisés par des

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-procédés de répétition, variation et/ou permutation, comme les mouvements et gestes dans la danse formaliste, les sons dans la musique répétitive et sérielle, les formes géométriques élémentaires dans l’art minimal, (etc.); 5) mixent les codes de la bi- et de la tridimensionnalité; 6) procèdent à la mise en espace d’environnements et/ou d’installations dans lesquels les domaines de la peinture, de la sculpture et de l’architecture sont décloisonnés; 7) choisissent les formes les plus conventionnelles, les plus neutres, les plus primaires; 8) ou encore mettent l’accent sur la conception plutôt que sur la réalisation de l’objet artistique -lequel, comme l’objet arbitraire du "ready­ made", est usiné en industrie-produisant, ainsi, une théorie de l’art, ou mieux, un art théorique axé sur la dématérialisation même de son langage qui paradoxalement est hétérogène.

De fait, il s’agit de pointer, par l’analyse des démarches et/ou objets artistiques de Robert Rauschenberg, Jasper Johns, Claes Oldenburg, Frank Stella, Dan Flavin, Sol Le Witt, Donald Judd, Cari André, Robert Morris, de même que par celles des textes critiques de Donald Judd14, Rosalind Krauss15 et Michael Fried16, comment cette entropie générale du système de l’art des années soixante témoigne des dimensions trans-historiques,

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-trans-culturelles, trans-disciplinaires et trans-linguistiques qui ont dirigé les productions artistiques.

* * *

2.4 Trans-avant-aarde

Dans un premier temps, ma position sur l’essence hétérogène de l’art actuel, celui relevant de la trans-avant-garde, s’articule, principalement, autour des contributions critiques d’Achille Bonito-Oliva et de Guy Scarpetta, lesquelles se sont imposées, dans les années 1980, dans les contextes culturels de l’Europe, des États-Unis et du Québec et abordent, de front, les questions que pose la trans-avant-garde dans son rapport à l’avant- et à la néo-avant- garde.

Une focalisation sur ces approches théoriques/critiques distinctes, mais qui se rejoignent sur l’ensemble, permettra de comprendre la trans-avant-garde dans sa relation nomade à l’Histoire, donnant lieu à un art débarrassé de la coercition du nouveau et s’adonnant à une pratique systématique de

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-l’opulence et du "patchwork" (Bonito-Oliva)17, et de justifier son parti-pris pour le Baroque, l’artifice et l’impureté (Scarpetta)18. Toutefois, si la notion d’impureté proposée par Guy Scarpetta semble indissociable de la signification même de la notion d’hétérogénéité, elle n’en constitue pas pour autant un synonyme. Ainsi -et cela contribue à l'originalité de mon point de vue: sa démarcation et/ou sa distinction-, l’hétérogénéité n’est pas abordée ici comme un phénomène philosophique marquant la tendance généralisée de l’art actuel -ce qui est le cas dans les propositions de Scarpetta-, mais plutôt comme un phénomène sémiotique procédant d’une logique concrète de construction qui permet, au sein d’un même système visuel, l’articulation d’une pluralité d’éléments linguistiques disparates, associés, sans lois ni contraintes, dans l’intention de transformer l’ordre des choses, l’ordre des agencements, l’ordre des discours, par une activité de permutations insolites, tel un méta-langage.

Approché dans ses fondements sémiotiques, dont l’hétérogénéité est un des mécanismes syntaxiques gérant l’hyper-matérialité et la polysémie du discours visuel, l’art de la trans-avant-garde est perçu, dans cette thèse, comme un processus de transformation, parmi d’autres. Car, à quoi renvoie la notion d’hétérogénéité, sinon à un objet (et/ou à un système) bigarré,

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-structuré d’éléments variés et dissemblables, lesquels ne sont pas tant réunis entre eux par un rapport de négation que par un rapport de distinction et/ou d’altérité et s’articulent dans une organisation spatiale qui cherche à mettre en abîme les évidences et les certitudes et incite à la rencontre des différences.

Conséquemment, si la notion d’hétérogénéité me semble susceptible de contenir ou d’englober les dimensions trans-historiques,trans-disciplinaires et trans-linguistiques qui traversent la construction des oeuvres hybrides de l’art actuel québécois, elle me paraît également pouvoir entretenir un rapport sémantique de connivence avec les notions de "bricolage" et de "modèle réduit", développés par Claude Lévi-Strauss, dans La Pensée sauvage19, et l’organisation syntaxique des oeuvres de la trans-avant-garde québécoise retenues dans ce corpus.

Ceci dit, puisque le point essentiel de cette thèse consiste en une mise en relation de l’art actuel québécois avec les productions marquantes de l’art européen et américain de l’avant-, de la néo- et des autres trans-avant- gardes de la scène internationale, et que la construction syntaxique/séman­ tique de ces objets est axée sur la valorisaiton de la citation et du fragment

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-(soit le choix et l’emprunt des styles, des formes et motifs de l’histoire de l’art envisagés, ici, comme des "ready-made"), ainsi que sur le transcodage et l’assemblage des éléments visuels cités (lesquels se trouvent réorganisés dans un nouveau contexte, totalement hétérogène, sous-tendu par une pratique du "patchwork" et favorisant, à l’excès, le nomadisme des formes et des sens), mon analyse de la dimension trans-historique de ce corpus, s’élaborera dans une optique sémiotique de l’inter-textualité et essaiera de pointer la provenance des emprunts, de même que de cerner et d’expliquer dans une perspective de la sémiotique visuelle, les opérations syntaxiques de transcodage sous-jacentes à l’usage de la citation.

Pour ce faire, il s’agit de montrer comment l’art actuel québécois a su récupérer, par l’usage de la citation et du fragment, différents codes linguistiques issus de l’histoire de l’art qu’il a ensuite transcodés, transposés .et transformés dans une prodution artistique trans-historique. D’autre part, à l’instar des avant-gardes historiques - je prends ici l’exemple de Manet et de son Olympia, et des néo-avant-gardes, je pense maintenant à Andy Warhol et ses Boîtes B ri llo - je veux également préciser que l’art actuel québécois, dans sa référence immédiate au registre du "majeur" (soit, la culture d’élite, celle des musées, des galeries, des universités, des revues

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-spécialisées en art, etc), n’a pas nié la culture du "mineur" (soit, à l’opposé, l’art populaire et/ou le bricolage, le folklore, le kitsch, la culture industrielle, etc). Bien au contraire, les artistes québécois des années 1980-1990 voyagent librement d’une culture à l’autre dans l’idée de transgresser les hiérarchies et d’établir, par le biais de l’ironie, des modalités de correspondances et/ou des corrélations linguistiques transculturelles.

Si l’art actuel québécois réactulise la diversité des styles, des formes et des motifs recensés dans le grand inventaire de l’histoire de l’art et s’il assimile les codes du "majeur" et du "mineur", il me paraît également procéder à la négation des catégories artistiques traditionnelles, instituées par la culture des Beaux-Arts. De fait, il valorise le croisement des disciplines par la création d’oeuvres composites, lesquelles entraînent l’apparition d’une terminologie témoignant de cette hybridité, transdisciplinaire: tableau-objet, peinture et sculpture-installation, danse-théâtre, (etc.).

Plus précisément, ce croisement des disciplines se concrétise par la connexion artificielle des codes syntaxiques de la bi- et de la tridimensionnalité, ce qui garantit à l’oeuvre une nouvelle spécificité: soit, celle de n’être ni de la peinture, ni de la sculpture, ni de l’architecture, ni de

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-la danse, ni du théâtre (etc.), mais un amalgame de ces différentes possibilités.

Autrement dit, je pose que la spécificité de l’oeuvre d’art actuel québécois est d’être non-spécifique et exige, pour avoir lieu, d’être en relation trans­ linguistique avec au moins deux types distincts de codes artistiques, ce qui implique au moins deux types distincts de codes artistiques.

Dans cette perspective, les oeuvres qui retiennent mon attention ne sont pas interdisciplinaires, mais transdisciplinaires et trans-linguistiques: celles-ci tendant, le plus possible, à éliminer tout rapport hiérarchique entre les disciplines et les différents espaces à partir desquels elles opèrent et à se servir des codes linguistiques dans l’esprit délinquant et anti-dogmatique des métissages les plus débridés.

Au décloisonnement systématique des disciplines, s’ajoute, dans ce corpus, la présence d’objets arbitraires. Or, cette présence ne me semble pas contingente, mais plutôt profondément causée par la non-spécificité des oeuvres, lesquelles, pour la plupart, ne se réclament d’aucune discipline dominante et/ou particulière et jouxtent les codes de la bi- et de la

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-tridimensionnalité, se rapprochant ainsi de l’objet arbitraire, tout en demeurant des objets artistiques, comme l’avait proposé Donald Judd20. Donc, si l’impureté de l’objet artistique participe de sa non-spécificité, l’inclusion de l’objet arbitraire, dans sa construction, vient menacer son identité artistique -conventionnelle- et faire basculer l’oeuvre du côté du "comme si", celui "du double et de l’ambiguïté", pour reprendre les mots de Christine Buci-Glucksmann21.

Les oeuvres d’art actuel québécois, que je retiens, font le plus souvent preuve d’une hyper-matérialité qui trahit leur tendance au Baroque. Sur le plan idéologique, cette hyper-matérialité me semble, avant tout, attribuable à une approche des différentes catégories de l’Histoire (de l’art, collective et personnelle), des différents langages artistiques et des différents codes culturels marquant le "majeur" et le "mineur", comme autant de matériaux à traiter, manipuler et/ou à bricoler. D’autre part, sur le plan physique et syntaxique, cette hyper-matérialité se manifeste par les métissages trans­ disciplinaires et trans-linguistiques des codes de la bi- et/ou de la tridimen­ sionnalité, de même que par la diversité et la disparité des matériaux combinés -que ce soit des matériaux nobles, industriels, des tissus kitsch, des pièces de quincaillerie, des éléments de la nature, des rebuts et/ou des

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-objets "ready-made" allant du bibelot aux -objets de la culture technologique, comme la fleur de plastique, l’animal de faïence et l’écran cathodique, par exemple--.

2.5 Jean-Marie Martin

Après avoir terminé son baccalauréat en arts visuels de l’Université Laval (1973-1977), Jean-Marie Martin a poursuivi des études de maîtrise en peinture au Pratt Institute de New-York (1978-1981) et s’est inscrit, à partir de 1985, à des études de doctorat en peinture et dessin à la New-York University. Il vit et travaille à New-York depuis 1979 et est originaire de La Pocatière (Québec).

Si l’on examine de près l’ensemble de sa production picturale, on constate son adhésion, dans les années 1970, aux propositions formelles et radicales de l’art minimal de Stella, principalement. La démarche qu’il entreprend, dans sa première série Faux-cadres (1974-1977), est axée sur une recherche plastique rigoureusement critique de la fonction du cadre et du support dans la tradition picturale occidentale et est caractérisée tant par la

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-récupéraion et la construction de cadres picturalisés, l’intégration de matières extra-picturales servant de supports (papier adhésif, plexiglass, etc.), la négation de la représentation iconique, la valorisation de l’abstraction gestuelle et la réduction de l’intervention de la couleur.

Cette démarche minimale et conceptuelle se prolonge dans la série Black Paintings (1979-1980), laquelle regroupe d’autres assemblages hétéroclites combinant les codes de la bi- et de la tridimensionnalité, soit des tableaux- objets picturalisés par l’application d’une peinture épurée à son maximum.

Après les Black Paintings, sa production subit un temps d’arrêt et n’est reprise qu’en 1983 dans la plus totale exaspération des codes de la représentation. Dès lors, Jean-Marie Martin revendique dans la série des Pavsaoes/Collaoes (1983-1987) la réinsertion d’une image où se joue la mise en scène du paysage dans une réactualisation de l’histoire de l’art qui amène l’artiste tant du côté de l’expressionnisme abstrait que du côté du proto-pop, du pop art, de l’art populaire, du kitsch industriel et manufacturé. Donc, retour de la figuration, traitement éclaté et excessif de la couleur, construction d’hyper-cadres des plus déroutants, intégration d’objets et de supports foncièrement kitsch, irrévérencieux et insolents: en somme,

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-théâtralisation d’une représentation néo-baroque du paysage qui donne lieu à un discours sur la nature de la nature par la construction hétérogène d’un simulacre hyper-matériel du paysage.

Dans la plus récente série Simulacre de paysages (1989-1990), Jean-Marie Martin procède à la reprise des rapports au pop-art. Plus précisément, citation des procédés d’un des initiateurs de ce type de productions Robert Rauschenberg et d’un des artistes les plus représentatifs de cette tranche de l’histoire de l’art, Torn Wesselmann, par l’intégration d’objets quotidiens exerçant, dans l’oeuvre, leur fonction d’usage et venant surcoder la fétichisation du quotidien, ainsi que notre relation hyper-culturelle à la nature: ventilateur rappelant, dans le paysage pictural, le mouvement et le jeu du vent; diffusion, dans une radio, des sons de la mer et de la danse des vagues; appareil vidéo transmettant des images animées du paysage; (etc.).

J’observerai la production hétérogène de Jean-Marie Martin, depuis la série des Faux-Cadres jusqu’à celle des Pavsaqes/Collaqes. laquelle me paraît présenter une synthèse efficace des problématiques, lancées par les artistes de l’avant-, de la néo- et de la trans-avant-gardes, face à cette idée de la mort de la peinture, ainsi qu’à la célébration citationnelle des codes du

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-"mineur", soit, la référence systématique et ironique de l’artiste à l’art populaire.

2.6 Michel Labbé

Michel Labbé a poursuivi des études post-graduées à Londres, à la Byam Shaw School of Drawing and Painting (1968-1970), ainsi qu’au Pratt Institute de New-York (1980). Avant d’étudier dans le programme de maîtrise en arts visuels du Pratt Institute, il a obtenu de l’Université Laval, où il enseigne depuis 1970, un congé de perfectionnement à New-York (1978-1981). Il vit et travaille à Québec et est originaire de la Beauce (Québec).

La démarche artistique de Michel Labbé est trans-historique puisqu’elle se pose comme critique de l’autonomie et de l’autoréférentialité de la peinture, réactualisant des éléments symboliques et/ou architectoniques des cultures du passé, dont celle de l’Antiquité, et convoquant également la rigidité formelle de l’abstraction géométrique, la gestualité lyrique de l’expression­ nisme abstrait et les propositions composites de support-surface (etc.).

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-D’autre part, le traitement transdisciplinaire et trans-linguistique des codes de la bi- et de la tridimensionnalité vise précisément cette mise en abîme de la spécificité de la peinture: il privilégie la confrontation des objets et des surfaces, en pointant l’ambiguïté de leurs rapports dans une organisation spatiale mixte, où interviennent les codes de la théâtralité. Pour toutes ces raisons, la démarche artistique de Labbé s’inscrit dans la pratique hétérogène de l’installation-peinture.

Dès 1978, Labbé questionne la fonction de la peinture en découpant la surface de l’espace pictural en bandes diagonales qui se croisent. Par une telle stratégie, il contredit la dimension traditionnellement rectangulaire du tableau et participe de l’objectivation de ce dernier en le rapprochant du signe représenté ("X”), lequel, dans ce contexte, marque l’idée d’une négation même de la peinture. Dès lors, l’obliquité s’affirme comme une vectorialité dominante du texte visuel, ce qui entraîne le développement d’une structure pyramidale et/ou triangulaire de l’organisation spatiale, laquelle intègre l’objet arbitraire (on repère un moustiquaire dans Tableau/Obiet IV: 1978), tout en valorisant une pluralité d’effets de textures, d’où l’aspect hyper-matériel de l’oeuvre.

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-Le découpage de la surface picturale et l’assemblage des diagonales amènent cet artiste à repenser la peinture comme un jeu de permutations. Ainsi, dans sa série Surface ludique (1981), il peint, avec une palette réduite, des tableaux, où sont combinés des formes géométriques et des lignes gestuelles obliques. Lançant un clin d’oeil à la structure composite du triptyque, il divise ensuite ces tableaux en trois bandes de même dimension, lesquelles sont redistribuées et réunies dans un ordre différent. Ce procédé de bris-collage se présente alors comme un exercice syntaxique/sémantique de transcodage qui a lieu par des opérations de citation et de fragmentation: les premières permettant à Labbé de citer, comme dans le cas d’une mise en exergue, son propre langage et ses influences; les deuxièmes participant de la transformation du texte visuel original en segments distincts --mais, non autonomes-, dont la décon­ textualisation et la réorganisation spatiale provoquent l’affirmation d’une nouvelle structure et contribuent à la disjonction et à l’ambiguïté de la trame narrative, tout en accentuant la matérialité de l’oeuvre.

Face à la problématique de l’hétérogénéité, les installations-peintures de Michel Labbé sont évidemment d’une grande pertinence et marquent un véritable dépassement dans sa recherche artistique: elles concernent la

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-période de 1982 à 1988. Du bris-collage de l’espace pictural en triptyque, passage à la fabrication d’objets picturalisés mis en interaction avec des tableaux dans l’espace éclaté -c’est-à-dire transdisciplinaire et trans­ linguistique- du dispositif installatif.

Ici, ce qu’il faudra examiner de plus près, c’est cette fusion des codes de la peinture, de la sculpture et de l’architecture qui intervient dans la construction installative et hyper-matérielle de lieux imaginaires renvoyant, malgré une facture plastique plutôt contrôlée que débridée, à une réactualisation du passé artistique, parses références symboliques répétées aux architectures mythiques du temple et de l’habitat et à leurs colonnades décoratives; de même qu’au primitivisme artistique par la construction des armes rudimentaires du guerrier - des lances - et la représentation d’objets ambigus pouvant suggérer, entre autres, des cornes phalliques portées par les hommes lors des fêtes rituelles des phallophories.

Dans ce sens, les installations de Labbé pourraient êtres abordées dans la perspective d’une machine théâtrale métaphorique exprimant, de manière trans-historique et trans-culturelle, la nostalgie d’un passé archaïque, soit celui s’étendant du rituel primitif à la tragédie grecque et faisant resurgir, en

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-35-tant que traces de la remontée du refoulé, des signes équivoques qui trahissent la mise en branle d’un questionnement sur l’identité sexuelle masculine.

2.7 Lucie Grégoire

Jeune chorégraphe québécoise, Lucie Grégoire entreprend parallèlement à Montréal des études universitaires en anthropologie (Université de Montréal: 1974-75) et des études en danse contemporaine à l’École de Danse Nouvelle Aire (1973-75). En 1975, son choix est définitif: elle entre dans la danse, sa passion.

Partant de là, elle quitte Montréal en 1976 et se rend à New-York où elle habite jusqu’en 1979. Pendant ce temps, elle étudie chez Merce Cunningham et les membres de la Judson Church, Trisha Brown et Douglas Dunn. De 1979 à 1981, elle quitte New-York et s’installe en France où elle danse dans la Compagnie Kilina Crémona et effectue plusieurs tournées en Europe.

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-Elle revient à Montréal où elle habite jusqu’en 1985, moment où elle se rend au Japon pour participer pendant plusieurs mois à un stage intensif dirigé par Min Tanaka, fondateur du Body Weather Laboratory de Tokyo.

Lucie Grégoire a présenté ses chorégraphies à New-York et dans plusieurs villes canadiennes; elle vit et conçoit sa danse à Montréal et est originaire de Québec. De par l’enseignement des Merce Cunningham, Trisha Brown et Douglas Dunn sa pratique reprend la problématique d’une gestuelle formaliste qu’elle combine avec celle non occidentale du Butô, marquée par la danse et la philosophie du corps de Min Tanaka. Ses principales pièces chorégraphiques qui se situent dans la danse "post-moderne" sont intitulées Alverne (1981 ), Panic Time (1985), Oçénébra (1987), Azur (1988) et Absolut (1989). Les trois dernières allient le rapport à la danse et au théâtre.

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-37-PARTIE II

THÉORISER L’HÉTÉROGÉNÉITÉ ARTISTIQUE

1. La diversité des approches théoriques

1.1 Le choix de l’éclectisme

Face à l’hétérogénéité de ce corpus, regroupant des démarches et/ou des productions de l’avant-, de la néo- et de la trans-avant-gardes, les proposi­ tions critiques et théoriques que je privilégie, et dont plusieurs ont été annoncées plus haut, s’affirment comme des pratiques discursives suggérant des modèles d’observation des diverses formes du langage artistique et seront considérées, dans cette analyse, comme des avenues pertinentes de lecture, des références, participant de la structure de mon discours et du modèle que je souhaite élaborer.

Autrement dit, j’envisage la construction de mon discours et de mon modèle sémiotique de l’hétérogénéité dans la perspective ouverte de l’inter­ textualité, laquelle fonctionne à coup de renvois et de prélèvements (entendu

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-ici dans le sens de fragments) que je transforme inévitablement en les transposant par le biais de mon découpage et de mon usage interprétatif.

Ce faisant, j’abonde donc dans le sens de Julia Kristeva, pour qui "tout texte est absorption et transformation d’une multiplicité d’autres textes"22 "dont il est à la fois la relecture, l’accentuation, la condensation, le déplacement et la profondeur"23 et j’appréhende l’acte d’écriture du texte théorique comme la manifestation d’opérations de jonction(s) et de disjonction(s) idéologique(s), stylistique(s), etc., lesquelles s’énoncent comme des manifestations de reconnaissance et/ou de liaison vis-à-vis un ensemble d’autres textes qui, toujours, servent de pré-textes.

2. La critique d’art et l’hétérogénéité.

2.1 Clement Greenberg: tradition et spécificité ou le refus de l’hétérogénéité

Dans son texte "La Nouvelle sculpture"24, publié initialement en 1948, Greenberg considère la sculpture qui se fait, depuis Rodin jusqu’à celle de Gonzales et de Smith, dans l’optique de la pureté moderniste, laquelle vise

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-la séparation radicale des divers champs artistiques et est promue par une philosophie de la création misant sur l’essence de chaque discipline, leur spécificité:

"(...) une oeuvre d’art moderniste, précise-t-il, doit en principe tenter d’éviter de dépendre de toute forme d’expérience qui ne soit pas étroitement circonscrite dans la nature de son médium. Cela signifie entre autres qu’il lui faut renoncer à l’illusion et à tout rapport explicite au monde. Les arts doivent atteindre au concret et à la "pureté" en s’interdisant de traiter de ce qui ne relève pas de leur seule identité, distincte et irréductible"25.

Greenberg allait développer cette affirmation dans son article "La Peinture moderniste"26, publié en 1961, dans lequel il inscrit les bases de sa théorie moderniste et/ou ses prescriptions face à la pureté et à la spécificité des arts. Se référant à l’argumentation philosophique de Kant, qu’il nomme le "premier vrai moderniste" parce qu’il fut, dit-il, "le premier à critiquer les moyens mêmes de la critique"27, Greenberg y propose une définition du modernisme dont le fondement repose sur une approche autocritique qui valorise exclusivement la spécificité de chaque discipline: soit l’exigence que chacune d’elles a de développer ses méthodes et compétences respectives afin de produire un art épuré au maximum et délivré de toutes manifestations d’hétérogénéité28.

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