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Insertion ou désertion professionnelle : étude de trajectoires professionnelles de jeunes enseignantes et enseignants québécois

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Insertion ou désertion professionnelle

Étude de trajectoires professionnelles de jeunes enseignantes et

enseignants québécois

Mémoire

Caroline Jeanson

Maîtrise en sociologie

Maître ès arts (M. A.)

Québec, Canada

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Résumé

De plus en plus de chercheurs dans le domaine de l'éducation constatent que les premières années de pratique en enseignement au Québec sont ardues, et s'inquiètent de la désertion prématurée de certains enseignants novices. Le présent mémoire vise à mieux comprendre cette période névralgique d'insertion dans la carrière enseignante et à repérer les facteurs pouvant inciter les novices à rester ou à quitter ce champ professionnel durant ces années cruciales. Pour ce faire, la désertion enseignante y est non pas uniquement considérée comme un aboutissement possible de la période d'insertion dans le métier, mais bien comme un processus à part entière, le pendant inverse de cette insertion. Par l'analyse en profondeur de vingt-deux trajectoires professionnelles de jeunes enseignants ayant persévéré dans la profession (onze trajectoires) ou ayant choisi de se réorienter pendant leurs premières années de pratique (onze trajectoires), nous avons observé les interrelations dominantes entre les facteurs propres aux individus et les facteurs propres aux structures du monde enseignant qui conditionnent le choix de poursuivre ou de quitter la profession. On constate que, dans bien des cas, l'identité de l'acteur exerce un rôle prépondérant, alors que dans d'autres, des éléments du contexte influencent davantage les décisions des nouveaux enseignants. Néanmoins, tous les facteurs en cause présentent des éléments relevant tant de la dynamique des acteurs que de celle des structures.

Six types de dynamiques ont été repérés, lesquels indiquent que maints éléments constitutifs de l'identité de l'individu -p a r exemple, le choix de carrière et le réalisme des attentes nourries en cours de formation, le degré de compatibilité sentie avec les mandats ou la structure éducationnels en place, la façon d'être et d'agir durant les expériences d'enseignement, ainsi que l'importance relative accordée au travail enseignant au regard des autres sphères de la vie (la famille notamment)- jouent un rôle important dans la décision de certains répondants de poursuivre ou d'abandonner leur projet professionnel. En ce qui concerne les structures du monde du travail enseignant, les paramètres de l'emploi (durée d'accès à un statut stable), du travail (conditions de pratique, charges de travail, mandats, nature des groupes) et du milieu (notamment le soutien institutionnel et celui des collègues) influencent également le choix des enseignants de persévérer ou de cesser d'enseigner.

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Abstract

More and more, researchers in the field of education are acknowledging the hard times that constitute the early years of teaching practice in Québec, and worry about premature leaves of novice teachers. The research here presented seeks to offer a better understanding of this crucial moment of integration in the teaching profession, and to examine the determinants that can influence novices to persevere or to abandon this professional field. To do so, attrition of novice teachers is not only considered as a probable outcome of the insertion process, but as a process on its own, the opposite equivalent of this insertion. By thorough analysis of twenty-two professional trajectories of beginning teachers who have persevered in teaching (eleven trajectories), as well as novices who have chosen to redirect their career during their first in-service years (eleven trajectories), we observed the dominant interrelations between factors inherent to individuals and factors belonging to the education system as a structure that influence the choice to continue or to quit teaching. W e found that in many cases, interactions are further driven by individual elements whereas in some other cases, elements of the context, which are independent of the social players, appeared to be the leading force of the decision process. Nevertheless, all the factors involved in the decision-making of the novices we met implied dynamics inherent to both actors and structures.

Six types of interrelations have emerged from the study. They show that many elements pertaining to the identity of young teachers, such as career choice and realism of expectations created before and often maintained during pre-service training, the degree of adequacy felt between the novice on one hand and the mandates and the structural organization of education on the other hand, the ways of being and reacting during the early teaching experiences, and the relative importance attached to the field of work versus other fields of life (especially family and children), play important roles in the decision process of some participants regarding their professional teaching project. Concerning the elements of context, employment parameters (time needed to get a stable status), work parameters (working conditions, workloads, mandates, composition of the class) and environment parameters (particularly support received from other staff and principal) also have a noticeable influence on the choices made by the subjects interviewed in regards to continuing in the teaching profession, or leaving it.

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Tables des matières

RÉSUMÉ...III Ab s t r a c t...v Ta b l e s d e s m a t i è r e s...v ii Lis t e d e s t a b l e a u x, f ig u r e s, e n c a d r é s e t a n n e x e s...x i Re m e r c i e m e n t s...x v INTRODUCTION GÉNÉRALE... 1

CHAPITRE I. L’ÉVOLUTION DE L’ÉDUCATION ET DE L’ENSEIGNEMENT AU QUÉBEC : UNE MISE EN CONTEXTE... 5

Le MODÈLE TRADITIONNEL : HÉGÉMONIE CATHOLIQUE...6

Le s Tr e n t e Gl o r ie u s e s (1 9 4 5 -1 9 7 5 )...9

L ’époque duplessiste... 10

La Révolution tranquille... 11

Le s DÉCENNIES 1 9 8 0 -1 9 9 0 : CRISES é t a t iq u e e t f i n a n c i è r e... 15

Le 2 1e SIÈCLE : RECHERCHE DE QUALITÉ... 19

Co n c l u s i o n... 23

CHAPITRE II. LES PREMIÈRES ANNÉES DE PRATIQUE DES ENSEIGNANTS QUÉBÉCOIS : ENTRE INSERTION ET DÉSERTION... 25

L ’in s e r t io n p r o f e s s io n n e l l e e n s e i g n a n t e...25

Vers une définition...25

L’approche m ultidim ensionnelle de M ukam urera... 26

Q ui est là ? ... 27 L’id en tité ... 28 E ntrez!... 31 L’e m p lo i...31 Trajectoire typique... 31 Perspectives et ac c è s...32 Le travail... 34 Le m ilieu... 36

Les résu ltats...37

R éussite... 37

D ifficultés...38

La d é s e r t io n p r o f e s s io n n e l l e e n s e i g n a n t e...39

Vers une définition...39

Le pendant inverse de l’in sertio n ... 39

Un problème réel?... 40

Les c h iffres...40

Les conséquences... 41

Q ui est là ? ...43

Ceux qui quittent, ce qu’ils qu itten t...43

Vous nous quittez. déjà! Pourquoi?...44

Les raisons év o q u ées... 44

Les causes trouvées...47

Organisation : Ingersoll... 47

Précarité : Gingras et M ukam urera... 48

M ilieu pathogène : G renier... 51

Adaptation : C atto n ar...52

Lucidité : K arsenti & al...52

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CHAPITRE III. LA THÉORIE ET LA MÉTH ODE...57

La t h é o r i e... 57

Cadrage théorique général : à l ’intersection des acteurs et des structures... 57

Cadrage théorique spécifique : gestes d ’attachement et de détachement comme objet d ’étude... 59

Raffinement de la question de départ : la sous-question...60

Cadrage conceptuel : l ’identité et le parcours...60

L’id en tité...61

Soi com m e personne enseignante...63

Soi com m e professionnel enseignant... 67

Soi com m e in d iv id u ... 69 Le parcours... 69 L ’e m p lo i...70 Le travail... 71 Le m ilieu...72 La m é t h o d e...74 Collecte de données...74 Participants...74

Outils et méthodes de collectes de données... 76

Fiche de renseignem ents... 76

Tableau des expériences d’enseignem ent... 77

Entretien sem i-dirigé...77

Analyse des données...79

Stratégies d’analyse...80

Co n c l u s i o n... 81

CHAPITRE IV. TRAJECTOIRES ET CHOIX PROFESSIONNELS DES JEUNES ENSEIGNANTS RENCONTRÉS : ATTACHEMENT OU DÉTACHEMENT... 83

Le s j e u n e s t r a v a il l e u r s r e n c o n t r é s... 83

Profils socio-démographique et professionnel...83

Croisem ent de variables avec le sexe...86

Autres données croisées... 86

Gestes d ’attachement et de détachement... 87

Le u r h i s t o ir e... 88

Choisir : prem ier geste d ’attachement.. .de détachement...89

M o tifs... 89

Prise de d écision...90

A tten tes... 92

Choix en cours de cheminement...94

A ttachem ent...94

Persévérer malgré : quand le cœur fait continuer...94

R ester m algré : quand la raison fait con tin uer...96

R evenir : quand on est rap p elé ... 97

D étachem ent...98

D outer : quand le contexte nous m alm èn e... 99

R efuser ou briser un contrat : quand les conditions sont rid icu les...100

Consulter ou être contraint d’arrêter : quand le travail nous pousse à b ou t...101

A rrêter de travailler tem porairem ent : quand on pense que c’est fini... 103

Choix « définitifs » ... 105

Rester : quand on y trouve son com pte... 105

S atisfait...105

Inébranlable... 107

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A ju sté ... 108

Quitter : quand on trouve son com pte ailleurs... 109

É m ancipé...109

A nachronique...110

Insatisfait... 111

Co n c l u s i o n... 114

CHAPITRE V. SYNTHÈSE ET DISCUSSION DES RÉSULTATS : RÔLES DU PARCOURS ET DE L’IDENTITÉ DANS LES TRAJECTOIRES D’INSERTION ET DE DÉSERTION RENCONTRÉES ...117 Rô l e s d e s a x e s e t d i m e n s i o n s...117 Parcours... 118 Identité...121 Re t o u r s u r l e s d if f é r e n t e s p e r s p e c t iv e s t h é o r i q u e s...125 Dim e n s io n s d o m i n a n t e s d e s g e s t e s e t c h o ix p r o f e s s i o n n e l s... 131 La c o m p l e x e in t e r d é p e n d a n c e e n t r e a c t e u r s e t c o n t e x t e s : Ve r s u n e c o m p r é h e n s io n HOLISTIQUE DES TRAJECTOIRES D’INSERTION ET DE DÉSERTION PROFESSIONNELLE ENSEIGNANTE... 135

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Liste des tableaux, figures, encadrés et annexes

Ta b l e a u 1 : Niv e a u d'é t u d e s e t o c c u p a t io n p r in c i p a l e d e s p è r e s e t d e s m è r e s d e s f u t u r s ENSEIGNANTS QUÉBÉCOIS1 (2 0 1 1 -2 0 1 2 )...28 Ta b l e a u 2 : Pr é v is io n s d e r e c r u t e m e n t d e p e r s o n n e l e n s e ig n a n t q u a l if ié d e 2 0 0 2 -2 0 0 3 À 2 0 1 7 -2 0 1 8 a u Qu é b e c ( 2 0 0 4 ) ...33 Ta b l e a u 3: Co n d it io n s l i é e s à l'e m p l o i d e je u n e s d ip l ô m é s i e n e n s e ig n e m e n t a u s e c o n d a ir e d u r a n t LEUR PREMIÈRE ANNÉE DE PRATIQUE DANS LE SYSTÈME SCOLAIRE QUÉBÉCOIS (1 9 9 8 -1 9 9 9 )...3 4 Ta b l e a u 4: No m b r e d'é c o l e s, d e d e g r é s e t d e m a t iè r e s e n s e ig n é e s a in s i q u'a d é q u a t i o n e n t r e c e s MATIÈRES ET LA FORMATION INITIALE DE DE JEUNES DIPLÔMÉSi EN ENSEIGNEMENT AU SECONDAIRE DURANT LEUR PREMIÈRE ANNÉE DE PRATIQUE DANS LE SYSTÈME SCOLAIRE QUÉBÉCOIS...35

Ta b l e a u 5: Pr in c i p a l m o t if d'a b a n d o n o u d e r e m is e e n q u e s t io n d e l a c a r r iè r e c h e z d e s ENSEIGNANTS 1 QUÉBÉCOIS, POURCENTAGE SELON LE STATUT D’EMPLOI ( 2 0 0 5 ) ... 46

Ta b l e a u 6: Fa c t e u r s d o m i n a n t s o u c o n t r ib u t o ir e s in f l u e n ç a n t d e m a n iè r e s ig n if ic a t i v e l e s GESTES ET CHOIX PROFESSIONNELS FAITS DURANT LES TRAJECTOIRES D’INSERTION ET DE DÉSERTION DES JEUNES ENSEIGNANTS RENCONTRÉS... 132

Fig u r e 1 : Fo r m a t io n in it ia l e e t s e n t im e n t d e s a t is f a c t io n e t d e p r é p a r a t io n d e s f u t u r s ENSEIGNANTS QUÉBÉCOISi (2 0 1 1 -2 0 1 2 )...29

Fig u r e 2: In t é r ê t e t im p o r t a n c e a c c o r d é s à l'e n s e ig n e m e n t p a r l e s f u t u r s e n s e ig n a n t s q u é b é c o i s i ET LEUR PERCEPTION DE LA RECONNAISSANCE MANIFESTÉE PAR LA SOCIÉTÉ À L’ÉGARD DE L’ENSEIGNEMENT ET DES ENSEIGNANTS (2 0 1 1 -2 0 1 2 )... 30

Fig u r e 3 : Ar t ic u l a t io n e n t r e l e s d i f f é r e n t e s d im e n s io n s d e l’in s e r t io n p r o f e s s io n n e l l e ENSEIGNANTE ET RÔLE D’UN CONTEXTE PÉDAGOGIQUE STABLE DANS CE PROCESSUS... 49

Fig u r e 4 : Ar t ic u l a t io n e n t r e l e s d i f f é r e n t e s d im e n s io n s d e l’in s e r t io n p r o f e s s io n n e l l e ENSEIGNANTE ET RÔLE D’UN CONTEXTE PÉDAGOGIQUE INSTABLE DANS CE PROCESSUS... 49

En c a d r é 1 : Ax e s, d i m e n s io n s, c o m p o s a n t e s e t in d ic a t e u r s a y a n t s e r v i à o p é r a t i o n n a l is e r l e s TRAJECTOIRES PROFESSIONNELLES D'INSERTION ET DE DÉSERTION DES JEUNES ENSEIGNANTS QUÉBÉCOIS RENCONTRÉS...62 En c a d r é 2: Pr o f il d e s v i n g t-d e u x p a r t i c ip a n t s r e n c o n t r é s...84 An n e x e 1 : Ca l e n d r i e r d'im p l a n t a t io n d u Pr o g r a m m e d e f o r m a t io n d e l'é c o l e q u é b é c o i s e... 149 An n e x e 2 : Fic h e d e r e n s e i g n e m e n t s...151 An n e x e 3: Ta b l e a u d e s e x p é r i e n c e s d'e n s e ig n e m e n t...153 An n e x e 4: Fo r m u l a ir e d e c o n s e n t e m e n t... 155 An n e x e 5 : Éb a u c h e d e t r a je c t o ir e p r o f e s s io n n e l l e (P 1 7 )...159 An n e x e 6: Sc h é m a d'e n t r e v u e...161

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A Alice, Adèle et les autres... pour que vous

nous éleviez un peu plus encore.

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Remerciements

Ce sont les expériences et les rencontres de toute une vie qui m'ont amenée à rédiger ce mémoire. Je tiens d'abord à remercier M. Daniel Mercure, mon directeur de mémoire, de sa grande disponibilité, sa tranquille patience et sa générosité non comptée. Grâce à son acuité d'analyse, son professionnalisme et son esprit de concision, j'ai eu l'heure juste à tout moment et je lui suis des plus reconnaissantes d'avoir été un formidable aiguilleur pour moi au cours de ce long voyage intellectuel.

Je remercie par ailleurs d'autres grands sociologues ayant nourri mes réflexions durant ce travail -Jean-Jacques Simard pour m'avoir montré la marche du Québec et Andrée Fortin pour m'avoir enrichie de ses idées durant l'élaboration de ma problématique-, ainsi que tous les chercheurs de qualité intéressés à la condition enseignante -notamm ent Mme Joséphine Mukamurera qui a tracé la voie de la compréhension du phénomène des premières années en enseignement que j'ai décidé d'étudier.

Plus encore, je pense à M. Riggs, Mme Savard, M. Sylvestre et M. Sansregret qui, à d'autres époques de ma longue scolarisation, ont su m'aider à mettre en relief le potentiel que je portais en moi. Merci aussi à mes aînés qui m'ont transmis des outils essentiels à la réalisation de ce travail : papa pour ton esprit analytique et maman pour ta grande humilité; tous les deux pour votre sens du travail bien fait et de l'effort, pour votre amour.

Je remercie par ailleurs tous les gens sans qui ce projet n'aurait concrètement pu être accompli : les vingt-deux participants qui ont si généreusement partagé leur expérience; tous ceux qui m'ont lestée à plusieurs moments de mon rôle de mère afin que je puisse endosser davantage celui de chercheuse (encore une fois mes parents, Guylaine, tante Mimi, et les autres); mes lecteurs, tante Hélène, McCabe et Josiane, qui ont pris le temps de me lire et d'amener les critiques nécessaires à l'avancement et à l'amélioration du mémoire; et à tous ceux qui m'ont encouragée en cours de route, amis et famille.

Finalement, c'est à ma petite famille que je réserve mes derniers élans de reconnaissance et d'amour. Je remercie du fond du cœur mon partenaire de vie, Olivier, sans qui je ne serais pas autant épanouie d'avoir consacré ce temps à découvrir cette passion profonde pour la recherche. En aucun moment il n'a douté de mes compétences ou de la faisabilité de ce projet, et je l'en remercie. Merci également de son écoute inconditionnelle et patiente, et de sa simple présence. Et puis, merci à Alice, à Adèle et à bébé à venir de m'avoir accompagnée durant ce périple. Peut-être avez-vous au passage appris inconsciemment une foule de choses, mais sachez que c'est moi qui grandis le plus à votre contact. Si la recherche m'amène dans la réflexion et le monde des idées, vous me ramenez infatigablement et bienveillamment sur terre, à la source et aux racines, et je vous remercie et vous aime pour cela.

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Introduction générale

« Pratiquer la sociologie sérieusement, sans trop se prendre au sérieux. »

H.S. Becker, cité dans Delas & Milly, 2005, p. 384 Le système d'éducation québécois est à l'heure actuelle le théâtre de nombreux enjeux et interrogations de fond. On se demande comment intéresser davantage les jeunes et réduire le décrochage scolaire; on se questionne sur les façons les plus optimales d'intégrer le plus grand nombre d'enfants en classes régulières tout en distribuant les différentes ressources afférentes à cette intégration de la manière la plus optimale possible; on débat même encore de ce que devrait être les mandats éducatifs, de ce que l'école devrait transmettre ou non aux futures générations, laissant par ailleurs transparaître un débat social plus profond quant aux orientations que souhaite se donner le Québec entier. Au cœur du système scolaire, il y a le personnel et plus particulièrement les enseignants, intervenants de première ligne dans l'éducation des jeunes Québécois, qui vivent au quotidien avec les effets de ces remises en question majeures, et des refontes et réformes qui traversent l'école québécoise. Leurs comportements semblent à maints égards être la manifestation de l'état d'instabilité, voire de désorganisation, dans lequel paraît être plongé le système : congés pris pour « santé mentale », arrêts de travail, burnouts, réductions volontaires de tâche, réorientations de carrière (souvent de plus en plus tôt).

Le présent mémoire porte sur cette dernière manifestation, soit sur le phénomène des premières années de pratique en enseignement. Le décrochage enseignant, plus encore celui des novices, apparaît aux chercheurs et intéressés du domaine de l'éducation de plus en plus préoccupant. Nous avons nous aussi choisi de nous y arrêter. Étudié depuis quelques décennies d'abord en termes de corrélation entre données socio- démographiques d'écoles et d'individus et de taux de roulement ou de désaffection de personnel, il a également été abordé à partir des témoignages des jeunes déserteurs eux-mêmes. Plus récemment, les auteurs ont cherché à comprendre si et comment certains aménagements structurels de la profession et du milieu scolaire pouvaient influencer ces décisions d'abandon. Finalement, certains chercheurs ont tenté de voir si l'interaction entre l'individu et ces mêmes structures n'auraient pas quelque chose à y voir. C'est là que nous nous positionnons : à la rencontre du jeune enseignant et du milieu enseignant, alors qu'il y fait ses premières armes. Nous partons de la définition retenue par Mukamurera en conclusion de sa thèse de doctorat pour décrire les premières années de pratique : « un projet constamment négocié, révisé en fonction des transactions entre les acteurs et les contextes » (1998, p. 375). Selon nous, l'issu de cette négociation peut être la persévérance ou l'abandon du projet professionnel d'enseigner. Ainsi, deux processus, deux trames narratives s'esquissent : celle de rester dans le domaine ou celle de le quitter. Nous avons dans la présente recherche tenter de cerner, dans l'un et l'autre de ces processus, les différentes interactions entre les facteurs propres à l'individu et les

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facteurs propres aux structures dans lesquelles ils évoluent et qui mènent ainsi soit à s'insérer pour de bon en enseignement, soit à déserter pour de bon le milieu.

Pour ce faire, nous avons rencontré vingt-deux jeunes participants, tous ayant été enseignants dans le milieu scolaire québécois : onze d'entre eux étaient toujours en fonction en tant qu'enseignant alors que les onze autres avaient fait le choix de se réorienter. Nous avons cherché, à partir des informations recueillies, notamment lors d'entretiens avec eux, à retracer la trame décisionnelle qui les avait menés à prendre l'une ou l'autre des avenues. Le présent mémoire présente les fruits de cette recherche.

Dans le premier chapitre, nous avons cru bon de présenter l'évolution de l'éducation et de l'enseignement au Québec. Par souci de mettre l'objet de notre étude dans son contexte d'émergence, nous trouvions essentiel d'expliquer non seulement les paramètres contemporains du système d'éducation québécois et de la profession enseignante, mais également le chemin parcouru pour arriver à la situation actuelle. De plus, cette mise en contexte ne pouvait être faite sans y inclure une certaine présentation de la marche parallèle de la société elle- même. L'éducation étant un service public et donc, à la fois la réaction et la proposition aux besoins exprimés par une société, il apparaissait difficile de bien comprendre ce qu'était devenu le réseau scolaire québécois sans peindre cette évolution sur le tableau de fond qu'est la société québécoise. Une fois ce décor campé dans le premier chapitre, nous exposons au deuxième chapitre la problématique actuelle des premières années de pratique en enseignement au Québec, en prenant soin de délimiter tant les paramètres de l'insertion professionnelle, menant à la pérennité en enseignement, que ceux de la désertion professionnelle, aboutissant à un départ de la profession. C'est basé sur cette problématique que nous expliquons au troisième chapitre comment nous avons abordé la sélection et le recrutement des participants, de même que la collecte et l'analyse des données recueillies. Ce chapitre présente par ailleurs tous les outils ayant servi tant à amasser les données traitées, que ceux ayant servi à la fois à préparer ce travail de terrain et son analyse subséquente. Le chapitre suivant, le quatrième, expose les résultats à plat provenant de la collecte des informations. Nous tentons dans ce chapitre de faire ressortir ces interactions entre contextes et acteurs dont nous parlions précédemment et qui sont selon nous constitutives des trames décisionnelles des jeunes enseignants. Finalement, le cinquième et dernier chapitre synthétise les résultats et offre une réponse, à partir des constats émergeant de notre échantillon, au pourquoi de la désertion ou de la persévérance des novices de l'enseignement1. Plus encore, ce chapitre expose les facteurs individuels et structurels qui, dans les cas rencontrés durant la recherche, sont ressortis comme influençant de manière déterminante, ou à tout le moins contribuant de façon significative, aux décisions professionnelles des jeunes enseignants. Nous concluons par ailleurs ce chapitre en même temps que le présent mémoire en analysant ce qui nous est apparu être une complexe interdépendance non seulement

1 La taille de l'échantillon retenu ne permettant pas la représentativité, les conclusions ne sauraient être généralisées sans certaines précautions, toutefois, elles nous apparaissent porteuses, pertinentes et valables pour les cas ici traités.

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entre les enseignants novices et le système scolaire, mais également entre ces individus et cette structure, et la situation et l'évolution de la société québécoise et de l'éducation, référant ainsi au premier chapitre et bouclant l'étude de la manifestation choisie de l'état actuel du réseau scolaire, soit le phénomène des premières années de pratique en enseignement au Québec.

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Chapitre I. L’évolution de l’éducation et de

l’enseignement au Québec : une mise en contexte

Quivy et Campenhoudt, dans leur méthode pour aborder les phénomènes sociaux, expliquent qu'il faut, « [...] lorsqu'on étudie des opinions, des représentations ou des pratiques, éviter de les étudier pour elles-mêmes, comme si elles tombaient du ciel » et veiller à « les resituer dans leur contexte socio-historique, tenter de saisir leur genèse et leurs fonctions, montrer comment elles sont liées à des positions sociales, à des rapports de force et à des intérêts spécifiques » (2006, p. 83). Nous nous proposons donc en premier lieu de parcourir l'évolution du Québec et de son système d'éducation d'hier à aujourd'hui. Nous jugeons important de présenter le contexte dans lequel l'éducation et l'enseignement ont pris forme au sein de la société québécoise à travers l'histoire de celle-ci. Nous sommes consciente que la lecture ici offerte n'est qu'une interprétation, parfois raccourcie, des événements socio-historiques et que d'autres perspectives théoriques auraient mené à des avenues différentes. Par souci de concision, nous avons tenté d'aller à l'essentiel et comprenons que cela a parfois pu causer des généralisations. Nous nous efforcerons d'être le plus nuancée possible, mais il convient de garder à l'esprit que l'histoire est beaucoup plus complexe que ce que nous en retenons. Néanmoins, la perspective que nous partageons contribue selon nous à poser une distance salutaire face aux données recueillies présentées plus loin.

Le découpage des époques de cette mise en contexte s'inspire de Claude Lessard et Maurice Tardif qui, dans leur ouvrage de 1996 intitulé La profession enseignante au Québec, 1945-1990 : Histoire, structures, système,

devenu référence dans le domaine, divisent eux-mêmes leur travail en trois temps. Ils circonscrivent les années ainsi annoncées dans le titre de leur livre en couvrant d'abord la période de la fin de la seconde grande guerre au rapport Parent, puis celle allant de la Révolution tranquille jusqu'à la fin des années 1970. Ils terminent par la décennie 1980, marquée par la précarité de l'enseignement et les crises financière et étatique. Nous ajouterons un prologue au découpage de ces auteurs en reculant jusqu'au début du 20e siècle : portrait d'un modèle traditionnel sous hégémonie catholique. Puis, nous réunirons leurs deux premières divisions sous l'appellation des Trente Glorieuses, lesquelles seront scindées en deux périodes : l'époque duplessiste et la Révolution tranquille. Finalement, nous conserverons la tranche des années 1980, la prolongerons jusque vers la fin des années 1990, puis y ajouterons une période nouvelle -é ta t des lieux de la réforme professionnalisante du tournant du millénaire.

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Le modèle traditionnel : hégémonie catholique

« [...] il ne fait pas de doute que la délégation principale [de la fonction enseignante] vient de l'Église. C'est elle qui cherche à définir, contrôler et médiatiser la demande sociale en matière d'éducation. »

(Lessard & Tardif, 1996, p. 90) Le discours populaire aime à faire de la Révolution tranquille la figure de proue, voire le point de départ de la modernisation du Québec. Toutefois, les choses ne surviennent pas momentanément et pour que le virage des années 1960 ait lieu, il a fallu que des événements y concourent et qu'un contexte se mette en place plusieurs années auparavant. Commençons donc d'abord par un bref aperçu de la situation dans la province de Québec au tournant du vingtième siècle.

À cette époque, c'est le modèle traditionnel canadien-français qui prévaut. Avant de décrire l'éducation dans ce modèle, rappelons qu'une de ses raisons d'être, ou à tout le moins la contribution qu'il a apporté, a été le maintien et la cohésion d'un peuple -le s Canadiens-français catholiques- dans un pays conquis et dirigé depuis longtemps par une autre peuple -le s anglais protestants. Sans présenter tous les détails de cette position minoritaire vécue à l'époque, il nous apparaît pertinent de souligner que le repli sur soi a constitué l'un des modes de défense privilégiés. Ainsi, sous l'aile protectrice de l'Église catholique, dans la campagne éloignée, au sein des familles qu'on faisait nombreuses, dans une langue de Molière figée en un accent devenu depuis longtemps désuet sur le vieux continent, les Canadiens-français semblent s'être repliés. Le sociologue André Siegfried, étant venu observer le pays, explique bien dans son livre de 1907, Le Canada : Les deux races, le rôle protecteur qu'il perçoit joué par l'Église :

[...] il ne semble pas que le grand courant des idées modernes ait jusqu'à présent entamé, chez eux, le roc de la foi catholique [...] exaltant la beauté du sacrifice, la valeur de la restriction et les vertus de la famille. [...] La dispersion et l'absorption sont les deux dangers qui menacent sans cesse l'unité de notre race du Canada. C'est pourquoi l'Église, dont la pensée profonde est de maintenir français les Canadiens pour les maintenir catholiques, a compris immédiatement que l'isolement était la première sauvegarde d'une individualité menacée de tous côtés, par l'environnement du Nouveau-Monde. (cité par Simard, 1999, pp. 46-47)

Ce « Nouveau-Monde » est esquissé par toutes ces « autres » cultures qui prônent de plus en plus un libéralisme, une libre pensée, une certaine ouverture sur un monde de possibles (Simard, 1999). Face à ces idéologies étrangères, le traditionnel modèle patriarcal dans lequel Dieu (et) le père est tout puissant apparaît donc salvateur à plusieurs. La parole du seigneur ainsi que tous ceux qui l'incarnent -c h e f de famille, pape, curé, maire, docteur, premier ministre, évêque- est d'or, comme le silence obéissant de ceux qui s'y soumettent, souvent avec une résilience bienveillante.

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En fait, on est encore à l'époque dans des solidarités que Durkheim qualifierait de mécaniques, où le collectif a naturellement préséance sur les parties de celui-ci2. Bien que ce modèle ait attiré les foudres de certains durant et, bien davantage, après son existence, il semble avoir rempli son mandat de garder la race canadienne- française vivante. Autant les Québécois le décrient, autant ils peuvent y être inconsciemment attachés parce qu'il leur a permis de survivre d'abord, puis d'exister ensuite. Par ailleurs, bien qu'allant sans doute en s'atténuant de générations en générations, il serait naïf de croire que les traces de cet instinct de survivance, de cette résilience obligée, de cet impératif de travail à la dure, mais aussi de ce sentiment de conquis, de soumis, de « né pour un petit pain », ont entièrement disparues aujourd'hui. On serait plutôt tenté de croire qu'ils ont été transmis d'une façon ou d'une autre dans certaines familles, ou dans le folklore même de la conscience du peuple québécois. Nous le mentionnons ici afin de le garder à l'esprit pour la suite des choses.

L'éducation de l'époque, quant à elle, sert la protection du peuple en formant de bons catholiques. Sa forme, malgré quelques ondes de changement, restera plutôt figée jusqu'après les grandes guerres. Dans le modèle traditionnel, religieux, agraire, rural, patriarcal et de survivance, le système scolaire se décline en quatre dichotomies selon Lessard et Tardif (1996)3 : laïcs-religieux, hommes-femmes, primaire-classique (ou public- privé) et rural-urbain. Au tournant du siècle, pratiquement 80% du personnel enseignant est féminin et plus de 42% , religieux; la cléricalisation du personnel enseignant atteint son sommet en 1940, hommes et femmes d'église égalant presque laïcs, avec 49,2% des effectifs4. Si les écoles primaires, sous les commissions scolaires locales (communes ou confessionnelles), offrent gratuitement une base d'enseignement public aux masses, la fréquentation scolaire n'est ni constante ni durable pour plusieurs jeunes, et encore loin d'être universelle. Il en est de même au secondaire, où la fréquentation est encore moins répandue5. Cette dernière se fait notamment dans les collèges classiques dirigés par des ordres religieux. Le cours classique y est payant, privé et présent dans certains endroits seulement, donc peu accessible, sinon aux élites. Dans le primaire rural, l'institutrice - jeune femme non-mariée- enseigne à un seul groupe d'élèves hétérogène; dans le primaire urbain, les écoles plus grosses ont plus de classes qui sont plus homogènes et l'administration y est un peu mieux élaborée. La branche professionnelle y est également développée pour répondre aux besoins de l'industrialisation et former

2 En référence aux deux grands types sociétaux qu'identifie Durkheim : les sociétés différenciées (disons modernes), à solidarités de type organique où chacun, spécialisé, contribue à la cohésion de l'ensemble; les sociétés non différenciées (plutôt traditionnelles), à solidarités de type mécanique où l'homogénéité des parties et la fusion entière de leur conscience individuelle à celle du tout assure la cohésion du collectif (Durkheim expliqué dans Martuccelli, 1999).

3 Les informations présentées dans ce paragraphe proviennent toutes de l'ouvrage de Lessard et Tardif (1996).

4 Données tirées de la thèse de doctorat de Thivierge (1981) intitulée « L'institutrice rurale au Québec :1900-1965 », citées par Lessard et Tardif (1996, p. 82).

5 En 1950, soit bien après la période qui nous concerne, « la durée moyenne des études ne dépassait pas huit ans [et] près de la moitié des jeunes (43%) de quatorze ans mettaient fin à leurs études » (extrait d'un rapport publié en 1988 par le Conseil supérieur de l'éducation vingt-cinq ans après le Rapport Parent, cité dans Lessard et Tardif, 1996, p. 43).

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aux métiers6. Dans le secondaire ru ra l.il n'y a pas de secondaire rural, il n'y a que l'exil vers les grands centres, si on peut se le permettre.

Bref, les jeunes Canadiens-français fréquentent l'école primaire quand ils le peuvent et le temps qu'ils peuvent, puis le secondaire est destiné aux privilégiés. En même temps, on se débrouille très bien avec les rudiments de la lecture, de l'écriture et du calcul. Tout s'apprend « sur le tas » ou se passe entre générations du même sexe. Pour plusieurs, est-il besoin de le rappeler, la survie demeure la préoccupation première. Il en résulte que dans les campagnes, on n'accorde pas priorité à la scolarisation, préférant garder la force de travail aux champs et à la ferme durant les belles saisons; de manière similaire, dans les villes, les enfants rapportent plus à l'usine que sur les bancs d'école.

Par ailleurs, bien que les laïcs travaillent en enseignement, le religieux est au cœur de la gestion de l'éducation. Les institutrices relèvent de l'inspecteur, des commissaires et surtout du curé, les séminaires sont tenus par des congrégations religieuses et les manuels7 à partir desquels on forme les maîtres s'inspirent de la pédagogie catholique française (Thibaut, 1996). Néanmoins, Lessard et Tardif nuancent le rôle de l'État à l'époque :

[...] l'idéologie religieuse traditionnelle imprégnait l'ensemble des actions. Mais il serait abusif de considérer le système scolaire québécois traditionnel comme étant, sur le plan formel, uniquement une affaire de l'Église et, par suite, d'affirmer que l'État est totalement absent du domaine. En fait, les deux acteurs se sont partagé le champ de l'éducation, et l'État n'a pu assurer une certaine présence que dans la mesure où il acceptait la prépondérance de l'Église. (Lessard & Tardif, 1996, p. 91)

Si cette présence dans la forme du système se voulait « essentiellement supplétive » (ibid., p. 90), la présence de l'État en éducation était acquise et n'allait que s'intensifier avec les années. Outre le soutien financier qu'il offrait au système scolaire, des instances publiques existaient, des lois8 étaient votées concernant l'éducation, des maîtres étaient formés dans les écoles normales de l'État et on commençait à tenter d'organiser les commissions scolaires qui existaient depuis longtemps déjà (ibid. et Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec (CREEPQ), 1963-1966).

Quant à la profession enseignante, après le sommet religieux de 1940, elle entame sa laïcisation définitive, parallèlement à sa lente syndicalisation, celle-là débutée dans les années 1930. De plus, le corps enseignant - institutrices généralement plus scolarisées9 que les parents de leurs élèves et membres du clergé, crème de la société- jouit d'un certain statut, ne serait-ce que dans la figure d'autorité et de religiosité qu'il symbolise

6 Il existe également des écoles de métiers de niveau primaire (Lessard & Tardif, 1996).

7 Successivement, celui de Magnan entre 1906 et 1916 et celui de Mgr François-Xavier Ross de 1916 à 1948 (Thibaut, 1996). 8 La plus notoire de ces lois est sans aucun doute celle concernant la fréquentation scolaire obligatoire, passée par le gouvernement Godbout en 1943, entre deux règnes duplessistes, obligeant les six- quatorze ans à aller à l'école (CREEPQ, 1963-1966 et Durocher, 1999).

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(Lessard & Tardif, 1996). Du côté des méthodes, si Magnan, dans son manuel pédagogique utilisé jusqu'en 1916, prônait une conception du maître omniscient et de l'élève gobant les connaissances, déjà Mgr Ross, qui lui succède, consacre un cinquième de son manuel à la psychologie de l'enfant, des idées qui seront adoptées dans les écoles normales pour de bon dès 1935 (Thibaut, 1996).

Ce n'est pas que le système scolaire et ses curricula qui présentent un début d'ouverture en ce début de 20e siècle, c'est toute la province aux solidarités mécaniques de la famille, du village et de la foi, qui manifeste le désir de se « déployer ». L'industrialisation, l'urbanisation, la poussée des classes moyennes, la consommation de masse alimentée par la publicité montante, l'espoir de mobilité sociale, l'interventionnisme étatique, les débuts de revendications des élites d'abord, du peuple ensuite, sont autant de remous qui se manifesteront alors (Lessard & Tardif, 1996 et Simard, 1999) et qui feront que le peuple prendra conscience que la génuflexion est peut-être, finalement, une position qu'il est temps de revoir.

Nonobstant les timides manifestations d'un désir de changement, l'Église, avec tout ce qu'elle a de contrôlant, mais aussi de protecteur et de cohésif, veille au grain sur le statu quo. Dans ce contexte, l'éducation demeurera ce qu'elle a été depuis longtemps : plus ou moins affaire d'État parce que très contrôlée par la religion, organisée en cellules multiples et isolées, peu accessible au secondaire et peu fréquentée au primaire, peu priorisée par les masses populaires et réservée à l'élite. Les mandats premiers demeureront de former de vaillants et fidèles citoyens catholiques; les enseignants, quant à eux, en seront les dépositaires avec l'Église.

Les Trente Glorieuses (1945-1975)

« [...] dans un pays où l'on vit avec un retard de deux révolutions et demie : horloge d'Amérique, heure du Moyen-Âge. »

(Desbiens, alias le Frère Untel, 1960, p. 14)

Les années d'avant-guerre constituaient donc le début de la mise en place de ce qui allait mener à la Révolution tranquille, dans des va-et-vient incertains, des avancées timides et des replis rassurants. Pour illustrer ce lien étroit à la tradition qu'ont longtemps nourri les Canadiens-français, Simard parle du « syndrome de l'élastique ». Il dépeint cette « image des Canadiens-français si longtemps attachés, comme par une bande élastique de plus en plus étirée par les tendances contemporaines [...], à certaines habitudes du cœur manifestement détonantes dans le contexte nord-américain » (1999, p. 64). Le contexte ambiant invitait indubitablement la province au progrès et à l'ouverture, mais quelque chose semblait la retenir. Il prendrait encore quelques temps à ce qu'elle se lance dans la modernité, mais les années 1950 allaient faire se cristalliser plusieurs possibilités qui allaient l'y mener : l'élastique allait finir par céder et les « Québécois français [allaient être] brusquement projetés vers

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l'avant, dans le vide » (Simard, 1999, p. 64). Voici donc les Trente Glorieuses, cette période où le Québec et son système d'éducation sont advenus, dans leur acception modernisée.

L'époque duplessiste

« The dress rehearsal for the reforms of the 1960s was staged in the preceding decade despite it being a time when the traditional ideology retained its legitimacy and the province remained in the firm grip of an autocratic government under Maurice Duplessis. »

(Magnuson, 1980, p. 102) Les années d'après-guerre constituent l'accélération des changements entamés précédemment et conséquemment, l'entre-deux ultime entre le modèle traditionnel de survivance et le modèle moderne émergent qui fera « venir au monde » les Québécois. Tout de même, le « frein » catholique à la modernisation est encore bien enfoncé à l'époque (Durocher, 1999) et allié à l'Église, le gouvernement de Duplessis prônant la tradition semble essayer d'y ajouter le poids qu'il peut, entre autres en intervenant (ou pas) dans l'instruction. Magnuson (1980) indique que dans les années 1950, l'obstacle premier aux réformes en éducation était le gouvernement Duplessis, celui-ci étant distributeur, à sa large discrétion, des argents aux établissements d'enseignement10. Une telle coalition, entre un État conservateur et une Église encore forte n'allait pas se désagréger d'un coup.

En analysant le discours de Duplessis, Bourque et Duschatel (1988) montrent toutefois la dichotomie entre conservatisme et progrès qui y est présente : bien qu'attachés à la tradition, les propos tenus par Duplessis présentent de nombreuses bourgeoisies11 et les actions menées par son gouvernement orientent la province en plein cœur de la société de consommation. Les auteurs relativisent ainsi la fameuse « grande noirceur » et résument l'inévitable de l'époque : « Le projet de rester traditionnel et progressif ne saurait dès lors paraître plus illusoire, car l'on ne peut dem eurer "progressif" sans mourir (progressivement!) au traditionalisme. »

(ibid., p. 346).

C'est donc l'atteinte du point de non-retour12. Malgré les agendas conservateurs que peuvent nourrir l'Union nationale, l'Église ou une partie du peuple, le monde va de l'avant et l'élastique glisse des doigts de ceux qui le tiennent. À cette époque, l'industrialisation et l'urbanisation, articulées sous la forme du compromis fordiste, ont normalisé le salariat autour duquel s'érigent graduellement toutes les protections sociales. La classe moyenne, ayant ainsi accédé à la consommation de masse, s'agrandit et, voyant son niveau de vie rehaussé, revendique

10 Souvent, le vote des paroisses déterminait de la reconduction ou de la disparition de leur financement étatique. L'Université Laval quant à elle, s'est vue retirer la moitié de ses prestations annuelles lorsque les membres de sa Faculté des sciences sociales ont tenu des propos désapprouvant les politiques d'Union nationale (Magnuson, 1980).

11 Dans leur analyse du discours, des termes tels que progrès, propriété, justice, individualisme, autonomie-liberté, etc. sont liées à des valeurs bourgeoises (Bourque & Duschatel, 1988).

12 Les informations qui suivent dans le paragraphe sont un amalgame des propos des auteurs suivants : Bourque & Duschatel, 1988, Durocher, 1999, Linteau, 1999, Magnuson, 1980, Simard, 1999, Thériault, 1999 et Mercure & Vultur, 2010.

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de meilleures possibilités pour ses enfants, notamment via l'instruction. Par ailleurs, les discours modernes infusent la province de toute part. La Déclaration universelle des droits de l'homme jette les premiers jalons d'une société de droit au service de l'individu; la femme s'émancipe, les travailleurs se syndicalisent, les jeunes ne veulent plus nécessairement faire comme leurs parents. Les idées keynésiennes s'installent et apparaissent légitimées par les crises et les guerres vécues depuis le début du siècle et durant lesquelles l'interventionnisme étatique s'est installé. Bref, les modèles traditionnels apparaissent dépassés et cette « distance entre une société qui avait toutes les caractéristiques d'une société moderne [...] et une représentation identitaire exaltant le caractère rural, traditionnel et catholique devenait de moins en moins acceptable » (Thériault, 1999, p. 129). Le processus de modernisation est enclenché et ce, tant au niveau de la société que de l'éducation.

De ce côté, les auteurs expliquent que, conscients des possibilités qu'offre l'éducation, les syndicats, les commissions scolaires et les parents réclament une amélioration des opportunités pour les masses par l'accès à une instruction de qualité, adaptée aux nouvelles réalités sociales et économiques (Lessard & Tardif, 1996, Magnuson, 1980). Ils revendiquent entre autres la gratuité scolaire à tous les niveaux et l'augmentation de l'âge de la fréquentation scolaire obligatoire. On voit durant la décennie les premiers changements importants dans les inscriptions scolaires au secondaire, lesquelles font plus que doubler entre 1951-52 et 1959-60, passant de 104 000 à 233 000 (Magnuson, 1980, p. 116). Côté qualité, pour la première fois en 1953, la formation des maîtres s'articule autour d'établissements responsables, de normes définies, d'une approche spécifique, bref, elle se formalise (Gauthier & Mellouki, 2005). Quant au reste, les tendances de laïcisation, de pédagogie nouvelle, de syndicalisation (quoique freinée par le gouvernement de l'époque) continuent d'aller de l'avant, parallèlement au statut de l'enseignant, dorénavant considéré non plus comme une vocation, mais comme un métier (Lessard & Tardif, 1996)13. Avec ces nouveaux critères tant quantitatifs que qualitatifs, le système scolaire en place peine à suivre la cadence (Magnuson, 1980), le changement apparaît imminent.

La Révolution tranquille

« Given the sweeping educational changes of the 1960s, few would mistake Quebec schools at the end of the decade for those of ten years earlier. The reforms has fundamentally altered the character and pattern of education, changing it from a decentralized, church- dominated system serving an elite to a centralized, state-controlled one catering to a mass population. »

(Magnuson, 1980, p. 114)

13 Ces auteurs ajoutent d'ailleurs que les femmes finissent par faire accepter le fait de conserver leur droit d'enseigner même une fois mariée, comme quoi le marché du travail est résolument ouvert à celles-ci, et que leur rôles et statuts sociaux sont en pleine mouvance.

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C'est suite à ces années d'effervescence contenue que l'élastique fini par céder : suite à la mort de Duplessis, les libéraux clament : « Maîtres chez nous! »14 Le tournant de la décennie 1960 se présente comme le départ d'un grand rattrapage (Linteau, 1999) de dix ans où tout s'institutionnalise, s'étatise, se démocratise, se laïcise et où tous et chacun s'émancipent et s'individualisent ou du moins, ont dorénavant les possibilités de le faire.

Ces années constituent donc l'érection rapide de l'État-providence, la supplantation des solidarités mécaniques par les solidarités organiques, et du même souffle, le catalyseur du procès d'individuation qui culminera plus tard, dans les années 1980 (Thériault, 1999). C'est à cette époque que les gens intègrent profondément l'idée de possibilités d'une part, et des droits individuels d'autre part. Ceux qui grandissent ou naissent à cette époque n'ont plus à se soucier autant de leur survie; ils peuvent désormais aspirer à mieux pour eux et pour leurs enfants (Simard, 1999). Les Canadiens-français entrent sur la scène économique et se libèrent du joug politique et religieux, les femmes s'approprient le pouvoir sur leur corps, leur rôle et leurs occupations (initiant par ailleurs un transfert de certaines responsabilités de la famille à la société, au système d'éducation), les travailleurs via les syndicats exigent (et obtiennent) des conditions matérielles décentes, les jeunes sortent du chemin tracé par leurs parents (Durocher, 1999, Linteau, 1999, Simard, 1999 et Thériault, 1999).

S'il est vrai que c'est une époque d'abondance et d'ouverture, il n'en demeure pas moins que la pénétration de tout cela reste inégale et que la généralisation doit être faite avec prudence. De plus, si tout paraissait possible aux jeunes générations, l'idée de survivance leur avait été transmise et elle se traduisait par la nécessité de travailler fort, de se sortir, encore une fois, de sa situation pour aller vers mieux. L'impératif de survivre migrait désormais vers celui de trouver un lien d'emploi stable, assurant la sauvegarde du ménage. C'était l'époque d'une mobilité sociale générale soit, mais aussi travaillée. Pas que du type idéalisé de l'homme qui lance son affaire et devient riche et prospère, mais aussi de celui qui sort d'une vie plus misérable connue dans sa jeunesse en se trouvant un emploi à l'usine et devenant propriétaire, ou encore en s'ouvrant un petit commerce en ville dans le but de permettre à ses enfants de faire des études post-secondaires. Si cela pouvait constituer une avancée significative par rapport à la génération d'avant, ça demeurait directif dans la linéarité et restreint dans le choix : on allait à l'école le temps qu'on pouvait se le permettre et après, c'était le travail (celui qu'on arrivait à se trouver ou à se créer) pour le reste de notre vie, la plupart du temps chez le même employeur. Encore une fois, nous apportons ces précisions puisque les jeunes enseignants d'aujourd'hui sont les descendants et héritiers des valeurs et des façons d'aborder le travail de certains de ces jeunes d'alors.

Du côté de l'éducation, elle est à cette époque officiellement transférée des mains de l'Église à celles de l'État, à l'instar de moult autres choses (Magnuson, 1980 et Thériault, 1999). Plus encore, on s'entend pour dire qu'elle devient alors vecteur de changement social, une porte par laquelle le peuple canadien-français va se

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réapproprier le pouvoir, s'affirmer, reconquérir l'économie (Linteau, 1999). L'éducation, par sa démocratisation, laisse miroiter la possibilité d'élever le collectif en même temps que l'individu. En éducation également on peut parler d'un rattrapage, ou plus encore, d'un échafaudage. On fait pratiquement tabula rasa et on (re)crée. En 1961, le gouvernement Lesage met d'abord en application la Grande Charte de l'éducation, une série de lois élaborées pour palier aux maux pointés du doigt en attendant d'effectuer des opérations de plus grande envergure (Magnuson, 1980). Cette charte démocratise davantage l'éducation15, mais surtout, mène à la Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec, mieux connue sous le nom de la Commission Parent. On mandate alors cette commission d'étudier l'état du système scolaire et les besoins de la population, et d'émettre des recommandations. C'est ce qu'elle fera entre 1961 et 1966, durant et après quoi, nombre des prescriptions du Rapport Parent seront administrées16. À tous les niveaux et de toutes les façons, la face du système d'éducation québécois sera changée.

Pour l'époque, l'ambition n'était pas mince. On érigeait un système public sur plusieurs niveaux, accessible à tous (voire gratuit) et s'étendant sur le vaste territoire provincial; un système qui serait géré au final par un seul ministère duquel répondraient moult délégués : concepteurs de programmes, administrateurs et gestionnaires de services publics, commissaires, directions d'établissement, personnel scolaire. Pour créer tout cela, on s'inspire à l'époque des modèles de gestion existant déjà au privé, c'est-à-dire du taylorisme, ou comme Payeur (1993) nuance, d'un quasi-taylorisme dans le domaine public de l'éducation. La logique bureaucratique et centralisée prédomine et tout est formalisé, procéduralisé et régulé le plus possible (ibid, Carpentier-Roy, 1992 et Gather Thurler & Maulini, 2007). Concrètement, le travail est divisé verticalement entre décideurs politiques, concepteurs, administrateurs et exécutants, ainsi qu'horizontalement, au sein de chacun de ces mêmes groupes. En résulte une structure scolaire fortement compartimentée. À l'étage d'en-dessous, on classe tout : le personnel selon ses qualifications et ses tâches; les élèves selon leur âge et leurs aptitudes académiques; les classes selon le niveau et la matière; les activités pédagogiques selon les objectifs et les sujets; les établissements selon leur territoire, leur créneau et leur niveau respectifs; les commissions scolaires selon leur allégeance religieuse (langue) et leur région. Exit la maîtresse et l'école de rang. Gather Thurler et Maulini (2007) parlent du modèle egg-crate, qui se donne à voir jusque dans l'architecture même des édifices scolaires. Il y a les boîtes d'œufs (les écoles) divisées en compartiments (les classes) dans lesquels on place un œuf (l'enseignant et ses élèves). Le système scolaire complet s'emboîte et se voisine ainsi, mais jamais ne se juxtapose. De plus, on calcule tout : temps de travail, budgets, effectifs, ratios. Dans cette organisation du travail,

15 Entre autres, elle abolit les frais de scolarité au secondaire, élève l'âge de fréquentation scolaire obligatoire à quinze ans, augmente les dépenses partout en éducation et donne le droit de vote aux parents aux élections scolaires (Magnuson, 1980).

16 Création du Ministère de l'éducation (1964), des polyvalentes, des Cégeps (1967) et du réseau universitaire public du Québec UQ (1969), réforme du parcours scolaire, révision de la pédagogie vers une approche centrée sur l'élève, lente sécularisation du système scolaire, réforme de la formation des maîtres et passage de celle-ci des écoles normales aux universités, réorganisation des commissions scolaires, investissements massifs en éducation, etc. (Durocher, 1999, Lessard & Tardif, 1996 et Magnuson, 1980).

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le personnel se spécialise en même temps qu'il s'isole dans sa petite case d'œuf (Levasseur & Tardif, 2005 et Perron, 2000), et l'une des conséquences est que sous la montagne de directives précises émises par les concepteurs, éventuellement, « l'enseignant devient bien plus un exécutant qu'un guide » (ibid., 2000, p. 7). En ce qui a trait à la profession enseignante, elle atteint à l'époque une notoriété qui durera jusqu'aux crises de 1980. La formation passant officiellement entre les mains des universités et les critères de qualification étant rehaussés de même que la durée des études, allongée17, la profession se stabilise et le statut des travailleurs de l'enseignement, constitués en syndicats forts, fait bonne figure (Magnuson, 1980). La carrière du jeune enseignant est alors linéaire, à l'instar des autres salariés de l'époque : il se forme, il se trouve un emploi dans le système scolaire québécois qui offre à l'époque nombre de possibilités (Kirsch, 2006), il y reste pour la vie. C'est d'ailleurs à cette époque que sont instituées les règles protégeant l'ancienneté et supplantant les droits de gérance des administrateurs qui prévalent encore aujourd'hui dans les commissions scolaires (ibid.).

En bref, le mandat des enseignants durant la Révolution tranquille était l'accès à l'instruction pour le plus grand nombre de jeunes Québécois18, espérant du coup améliorer le sort de la société entière. Pour ce faire, on a misé sur une formation des maîtres qui se voulait déjà professionnalisante à l'époque (Lessard & Tardif, 1996) et sur une pédagogie renouvelée, axée sur le développement de l'enfant (Magnuson, 1980). Côté organisation, on a opté pour une superstructure inspirée directement du modèle industriel privé. C'est d'ailleurs là que le bât blessera dans les décennies suivantes, et que la structure sera ébranlée. Mais avant de soulever les conséquences engendrées par la rapidité des transformations, revenons aux motifs de la Révolution tranquille, que les changements opérés durant la décennie 1960 ont servis à maints égards. Les Trente Glorieuses auront été le théâtre de la venue au monde de la société québécoise moderne et de son système d'éducation public universel. Dans un élan monumental et effréné vers l'avant, les progrès ont été colossaux et ont grandement contribué à l'atteinte des buts d'affirmation et d'émancipation des Canadiens-français, désormais Québécois. Mais pas de trêve, la terre continuait de tourner, et vite elle a amené dans ses révolutions ce Québec naissant, avec ses institutions embryonnaires.

17 En 1966, les écoles normales sont abolies et la formation remise entre les mains des facultés universitaires. Elle vise alors à faire « de vrais éducateurs » et requière des cours théoriques, des stages et deux ans de probation menant à l'obtention du brevet et s'insérant dans une vision de professionnalisation de l'enseignement (Gauthier & Mellouki, 2005 et Ndoreraho & Martineau 2006).

18 Vers la fin de cette époque, le Rapport Copex enjoint d'ailleurs le système d'éducation de favoriser une scolarisation dans un « cadre le plus normal possible » pour le plus d'élèves possibles (Rousseau, Lafortune & Bélanger, 2006, p. 18). On fait ici référence aux élèves handicapés ou en difficulté. C'est le début du principe de l'intégration scolaire, cohérent avec les idées de droits individuels et d'égalité des chances qui prennent force durant les années 1970.

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Les décennies 1980-1990: crises étatique et financière

« [C'est le] type d'organisation du travail dans lequel [le] personnel de l'éducation [...] œuvre encore aujourd'hui : leurs tâches sont minutées et parcellisées, le partage du travail est rigide, ils ont souvent l'impression de n'être que des exécutants, le pouvoir s'exerce de manière autoritaire. »

(Gagnon, 1993, p. 7, parlant du modèle tayloriste)

« L'encadrement de la tâche et les conditions de travail primaient davantage que la satisfaction des besoins des élèves. »

(Perron, 2000, p. 7, parlant de la situation de l'époque) Simard explique qu'après avoir été catapulté dans la modernité, l'atterrissage « en boucles molles » des Québécois qui essaient « autant que faire se peut, de reprendre leurs esprits déboussolés » (1999, p. 64) n'est pas évident, d'autant plus que le monde continue d'accélérer sans relâche. Rapidement, les immenses chantiers québécois des années 1960-1970 couplés à la conjoncture économique mondiale mèneront aux crises étatique et financière des années 1980, qui se répercuteront dans la décennie suivante. Dans ces années-là, on doit troquer les pelles pour des ciseaux : faute d'avoir le luxe de bâtir, on se résigne à couper (Linteau, 1999 et Simard, 1999). L'éducation ne sera pas épargnée, avec les conséquences qu'on verra.

La décennie 1980 s'ouvre sur une récession majeure19, qui amène un déséquilibre considérable entre les demandes de services des citoyens et les budgets disponibles pour y répondre (Corneau, 2008). De surcroît, cette crise financière survient à l'apogée du procès d'individuation en marche depuis plusieurs décennies (Mercure & Vultur, 2010). Après s'être fondu dans les différents collectifs qui l'ont porté à travers l'histoire, l'individu veut dorénavant faire cavalier seul, ou à tout le moins, tenir les rênes de son destin; non plus uniquement au service du tout, il souhaite que ce tout contribue réciproquement à son accomplissement personnel20. Il en va ainsi pour chacun d'une part en tant que consommateur de biens et de services, sollicitant désormais davantage tant en quantité, puisqu'il peut se le permettre, qu'en qualité, puisqu'il sait y avoir droit, et d'autre part, en tant que travailleur, ne voulant plus seulement des tâches aliénantes de simple exécutant et cherchant la réalisation de soi dans l'activité de travail, ce qui est d'autant plus vrai, il en sera question sous

19 Alors que plusieurs étaient à la gorge avec des hypothèques sur lesquels ils n'arrivaient pas même à rembourser leurs intérêts mensuels, ceux qui avaient fini de rembourser le leur -d e s gens plus âgés bien souvent- ont profité grandement de taux d'intérêts qui sont aujourd'hui de l'ordre de la lubie : en septembre 1981, le taux d'intérêt administré par les banques à charte sur les prêts hypothécaires de cinq ans atteignait un sommet de 21,75% alors qu'à pareille date, le rendement moyen d'obligations du gouvernement canadien (3 à 5 ans) était de 18,77% (taux recueillis sur le site de la Banque du Canada, 2013).

20 Si souvent ce procès d'individuation est connoté péjorativement, nous le prenons simplement pour ce qu'il est : l'avènement de l'individu et la prépondérance de ses intérêts sur ceux des collectifs dans lesquels il s'insère. Ce procès d'individuation n'entraîne pas forcément l'effondrement des solidarités collectives; pour certains, il pourrait au contraire contribuer à les renforcer en renforçant chacun des individus qui les composent (L'Écuyer, 2011).

Figure

Tableau  1: Niveau d'études et occupation principale des pères et des mères des futurs  enseignants québécois1 (2011-2012)
Figure  1: Formation initiale et sentiment de satisfaction et de préparation des futurs enseignants québécois1 (2011-2012)
Figure 2: Intérêt e t importance accordés à l'enseignement p a r ies futurs enseignants québécois1 et leur perception de la  reconnaissance m anifestée p a r la société à l'égard de l'enseignement e t des enseignants  (2011-2012)
Tableau 2: Prévisions de recrutement de personnel enseignant qualifié de 2002-2003 à 2017-2018 au Québec (2004)
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