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Imagité [image_magie_agité]

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Academic year: 2021

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(1)

LUC A. CHARETTE

IM A G IT É [ i m a g e _ m a g i e _ a g i t é ]

Mémoire

présenté

à la Faculté des études supérieures

de l’Université Laval

pour l’obtention

du grade de maître ès arts (M.A.)

f

Ecole des arts visuels

Faculté d’aménagement, d’architecture et des arts visuels

UNIVERSITÉ LAVAL

MAI 2003

(2)

RÉSUMÉ

La réflexion présentée dans ce mémoire de maîtrise en arts visuels vise à mettre en contexte ma pratique artistique la plus actuelle. Ce mémoire accompagne une exposition intitulée IMAGITÉ

[ im age_m agie_agité ], une œuvre installative in situ présentée à la Galerie d ’art de l’Université de Moncton.

Ce mémoire contextualise et qualifie mon processus de création en tant qu'artiste visuel produisant dans le domaine de l'intermédia. C'est de mon approche artistique dont il est question, de ma pensée la plus récente vis-à-vis de mon art élaboré à l'aide d'éléments du monde médiatique et des nouvelles (ainsi que; les plus anciennes) technologies des communications. Dans ma production hybride j ’explore les

espaces réels (installations) — visuels (imagerie) — virtuels (Internet), par l'entremise de questionnements en rapport avec le concept du temps, les systèmes de langages, l’identité et la représentation.

L ’objet de mon expression, comme on sera en mesure de le constater par la lecture de ce mémoire, reflète un caractère qui se situe davantage dans le domaine de la poésie urbaine.

Francine Chaîné Directrice de recherche Luc A. C harette

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AVANT-PROPOS

Dans la société en général le terme artiste est souvent assujetti à des qualificatifs d'ordre purement technique. Venons-en tout de suite aux faits, je n'ai pas de dextérité manuelle autre que pour la

menuiserie et la charpenterie. Depuis mon enfance, je n'ai jamais développé d'adresses pour le dessin, la peinture ou le modelage. Je ne suis pas doué dans ces domaines et, sans doute par manque d'intérêts, je n'ai jamais entrepris de développer ces habiletés au cours de ma vie.

J'ai reçu ma première caméra, en cadeau, à l'âge de huit ans ; j'ai filmé en 8mm des scènes de la vie familiale à l'aide de la Yaschica de mon père, dès l'âge de dix ans. Ayant fait partie de la première génération à avoir bénéficié de la télévision câblée à domicile, j'ai vu les Beatles interprétant I Want to

Hold Your Hand, un dimanche soir de février 1964, au E d Sullivan Show ; l'assassinat, en différé, du

président américain J. F. Kennedy lors d'un défilé dans une décapotable ; et l’astronaute Neil Armstrong en train de sautiller sur la lune : The Eagle has landed... One small step fo r man, one giant leap fo r

mankind... 10-4! Youston. La T.V., à l'époque, agitait le monde et notre imaginaire enfantin ! Les

jeunes garçons, en plus de vouloir être pompiers et policiers, pouvaient dès lors aspirer à devenir astronautes et entreprendre des voyages inter-galaxies.

Je suis né dans le centre-ville d'une petite municipalité1 et j'ai passé mon enfance parmi les étalages de produits d'une pharmacie Rexall, bien avant l'ère des Shoppers Drug Mart, des Jean Coutu et du fameux

Ah! Ha!... Familiprix2. Très jeune, j'ai eu accès, dans ce milieu pharmaceutique de l'époque, à toutes

les revues américaines publiées durant les années 1950 et 1960. Au départ, ne sachant pas lire l’anglais, ce sont surtout les images glacées des magazines qui captaient mon attention.

Je fais état de mes antécédents de façon à exposer les influences précoces des médias dans mon propre devenir d ’artiste visuel. Comme on sera en mesure de le constater à la lecture de ce mémoire, j'utilise non seulement les médias comme outils de production artistique, mais j'emploie également le corpus visuel du monde médiatique en tant que matière première pour l’élaboration de mes œuvres.

L'approche utilisée pour la rédaction de ce mémoire s'inspire grandement d'une affirmation de Michel Foucault : « Quand on demande ce qu'un livre est pour lui, il répond : c'est une boîte à outils? » Le présent texte a donc pour tâche de munir le lecteur des outils nécessaires à l’examen de mon travail artistique et ne vise aucunement à interpréter ce dernier. Ma production est stratifiée et agit à plusieurs niveaux. Donc, libre à tous d'imaginer et de faire naître, à partir de mes réalisations, des Signes et des

Sens additionnels à ceux que j'indique !

Le contenu de ce mémoire est, pour une bonne part et à bien des égards, le fruit d'un travail de

collaboration. Mes remerciements vont d'abord à madame Johann Vallerand, pour avoir, entre autres, fait renaître en moi le goût de poursuivre ma formation universitaire en arts visuels et d'entreprendre des études de deuxième cycle dans ce domaine.

J'exprime ma très sincère gratitude à ma professeure et directrice de recherche, madame Francine Chaîné, pour son professionnalisme, son support, sa collaboration et son attention particulière à la bonne conduite de mon cheminement. Son respect, son encouragement et son enthousiasme ont

grandement contribué à clarifier ma pensée, facilitant la mise en place de mes idées et la rédaction de ce

1 - Edmundston, au Nouveau-Brunswick, à proximité de la frontière du Québec et longeant celle de l’État du Maine. 2 - Slogan publicitaire très en vogue au Québec au moment de la rédaction de ce mémoire.

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mémoire. Le fait que nos pères respectifs étaient pharmaciens a certainement contribué à la présence de notre aura phénoménologie.

J ’ai l’honneur d ’avoir bénéficié des remarques et conseils de madame Jocelyne Alloucherie,

récipiendaire du Prix Paul-Émile-Borduas (2002), ainsi que ceux de monsieur Herménégilde Chiasson, bénéficiaire du Prix d ’excellence4 (2003), qui ont agi en tant qu’évaluateurs. Je tiens à remercier sincèrement ces deux artistes dont j ’estime grandement les réalisations, pour avoir accepté notre invitation.

Je suis reconnaissant envers mes autres professeurs de l'École des arts visuels de l’Université Laval, avec lesquels j ’ai suivi les séminaires de deuxième cycle : messieurs Marcel Jean, David Naylor et Bernard Paquet ; également envers les étudiantes et les étudiants, mes collègues du programme de maîtrise en arts visuels, avec qui les échanges au cours de l’année académique ont toujours été sincères et respectueux.

J ’aimerais aussi remercier lTJniversité de Moncton, mon aima mater, plus spécifiquement monsieur Truong Vo Van et madame Lucille Collette, respectivement vice-recteur à l'enseignement et à la

recherche et vice-rectrice à l'administration et aux ressources humaines, pour le congé d'études et l'appui financier qu'ils m'ont accordés. Merci également à monsieur André Lapointe, ami et professeur au Département des arts visuels de l'Université de Moncton, pour avoir accepté de diriger la Galerie d'art de l'Université de Moncton durant mon absence.

Merci à Christian Charette, mon fils unique et mon technicien en informatique hors pair. Merci à monsieur Robert Saucier, artiste, professeur à l’Ecole des arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal, ami et maître d'œuvre de la robotique. Merci également au Conseil des arts du Nouveau-Brunswick pour son soutien financier au cours de la dernière décennie.

4 - Le Prix d ’excellence, offert par la province du Nouveau-Brunswick, est l’équivalent du Prix Paul-Émile-Borduas, remis par la province de Québec.

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TABLE DES MATIÈRES

Résumé Avant-propos Table des matières

Liste des tableaux, figures et illustrations 01 - INTRODUCTION

02 - APPORT DU LITTÉRAIRE

021 - Concernant le langage, les mots et les écritures

022 - Concernant la structure hiérarchique de mon processus de création 023 - Concernant le poétique (et non la poétique)

03 - APPORT DE L’AUTOFICTION 031 - Concernant le ‘Je’

032 - Concernant la ‘Métamorphose’ et le ‘Clonage’ 033 - Concernant la ‘Personnification’ et !‘Autoficteur’ 04 - APPORT DES DIFFÉRENTES FORMES DE LANGAGE

041 - Quelques exemples de langages du genre visuel, n° 1 042 - Quelques exemples de langages du genre visuel, n° 2 043 - Quelques exemples de langages du genre visuel, n° 3 044 — Quelques exemples de langages du genre visuel, n° 4 045 - Quelques exemples de langages du genre visuel, n° 5 046 - Quelques exemples de langages du genre visuel, n° 6 047 - Quelques exemples de langages du genre gestuel, n° 1 048 - Quelques exemples de langages du genre gestuel, n° 2 05 - CONCERNANT LE CONCEPT DU TEMPS

051 - Le concept du temps

052 - La temporalité présente en arts visuels et en arts médiatiques 06 - CONCERNANT LES MODULES DE L’EXPOSITION IMAGITÉ

061 - L’axe de recherche vidéo performance 062 - L’axe de recherche a rt numérique 063 - L’axe de recherche installation 0 7 -CONCLUSION

08-BIBLIOGRAPHIE 09 -ANNEXES

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LISTE DES TABLEAUX, FIGURES ET ILLUSTRATIONS

1. Signe linguistique 10

2. Quelques exemples des langages du genre visuel, n° 1 24

3. Quelques exemples des langages du genre visuel, n° 2 25

4. Quelques exemples des langages du genre visuel, n° 3 26

5. Quelques exemples des langages du genre visuel, n° 4 27

6. Quelques exemples des langages du genre visuel, n° 5 28

7. Quelques exemples des langages du genre visuel, n° 6 29

8. Deux exemples d ’applications possibles à l’aide d’images en provenance du langage

du genre visuel : études pour caissons lumineux, avec audio 31

9. Quelques exemples des langages du genre gestuel, n° 1 33

10. Quelques exemples des langages du genre gestuel, n° 2 34

11. Quelques exemples des langages du genre auditif 35

12. Alphabets phonétiques et sémaphore (drapeaux) 36

13. Le titre de l’exposition IMAGITÉ à l’aide des drapeaux maritimes 36

14. Deux exemples d ’applications possibles à l’aide d’images en provenance du langage

du genre gestuel : bandes vidéo, boucles avec ou sans audio 37

15. Illustration d’une page HTML 38

16. Illustration de codage HTML 38

17. Autres options visuelles possibles à l’aide des polices de caractère ASCII 39

18. Annexe 091 Découverte récente concernant le concept du temps 65

19. Annexe 092 Installation ESPACE - TEMPS 66

20. Annexe 093 Art Web. Tandis qu ’ils dansaient... 67

21. Annexe 094 Structure hiérarchique de mon processus installatif (diagramme n° 1) 69 22. Annexe 095 Structure hiérarchique de mon processus installatif (diagramme n° 2) 70 23. Annexe 096 Tableau des termes utilisés par les auteurs pour désigner l’installation 71

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01 ־ INTRODUCTION

« How does the artist, in a predominantly middle-class urban environment characterized by deluges of all too often undifferentiated information, produce? How can the artist dig beneath the glut of information, social myths and imagery to glimpse and record personal insights? »

Robert Milthorp5

M a conception de l’a rt — L'art est une simulation, un produit manufacturé qui engendre des réactions dans nos vies. Il peut prendre toutes sortes de formes et être n'importe quoi. Il peut être superficiel et ludique, ou imposant et prétentieux ; il peut être distant, à l'écart, ou indifférent, énigmatique ou

didactique ; il peut tout simplement être. Il peut, à la rigueur, enseigner et encourager ; je présume qu'à l’opposé il peut également décourager. Il peut être étrange et silencieux au point tel que même son créateur ne sait pas, à priori, de quoi il s'agit. L'art peut plaire, apaiser ou attaquer. Il peut être

alarmant, si l'on tombe dessus par hasard, sans aucune préparation. Il n'a rien à voir avec la moralité et n'a rien à faire avec le goût. Il n'a ni obligation, ni responsabilité. Il n'a même pas besoin d'être

tangible.

Liberté totale ! Voilà ce que je supporte et revendique par rapport à la création. Toutefois, comprenons

nous bien dès le départ, cela ne veut pas nécessairement dire que je suis un défenseur du Anything Goes. Liberté de création ? Oui. Création d’œuvres ? Je crois que le temps seul sera en mesure de le

démontrer puisque “oeuvre” ne prend pas forme nécessairement lors de sa genèse.

F aire et, en faisant, se faire (Nietzsche) — On dit communément que « le tout » s’avère être autre chose que la somme des éléments qui le composent. Or, je considère que chacune des composantes d'une installation, qui selon ma perception est une mise en scène, prend vie et s'affirme pour autant qu'elle baigne dans l'atmosphère qui émane de l'ensemble des pièces qui constituent une installation particulière. Une nouvelle signification découle alors de ce que les parties deviennent contagieuses et elle est confirmée par le fait que je produis des ensembles de créations (bodies o f works), c'est-à-dire des unités modulaires, des fragments, qui se regroupent dans différentes installations ayant chacune un titre spécifique. Dans ce contexte, il se peut fort bien qu'un module fragmentaire — c'est-à-dire un objet sculptural, une performance, une animation numérique participative, une trame sonore, une bande

vidéo, un photomontage — faisant partie d'une installation spécifique se retrouve également, par la suite, dans une nouvelle installation. La citation suivante résume parfaitement bien ce que je viens d ’élaborer : « Qui se contente des pétales, un à un, ne perçoit guère de fleur et, a fortiori, de bouquet6 ». Les bouquets que je propose à titre d ’installations s’avèrent être des exercices de dissémination de significations puisque nous y retrouvons cette caractéristique des textes littéraires7, ici remplacés par

5 - MILTHORP, Robert (1987). Texte accompagnant l'exposition Signalled. Sighted Marked, en vue de l'obtention d'une maîtrise en beaux-arts, Université de Calgary, p. 1.

6 - MARTIN, Jean-Clet. « Le régime plastique des arts », Magazine littéraire, n° 414, (novembre 2002), p. 21.

7 - DELEUZE, Gilles et GUATTARI, Félix. Op. cit., pp. 10-11 : « Un livre n 'a [...]pas d ’objet. En tant qu 'agencement, il

est seulement lui-même en connexion avec d ’autres agencements, par rapport à d ’autres corps sans organes. On ne demandera jamais ce que vêtit dire un livre, signifié ou signifiant, on ne cherchera rien à comprendre dans un livre, on se demandera avec quoi il fonctionne, en connexion de quoi ilfait ou non passer des intensités, dans quelles multiplicités il introduit et métamorphose la sienne, avec quels corps sans organes il fait lui-même comerger le sien. Un livre n ’existe que par le dehors et au-de hors. Ainsi, un livre étant lui-même une petite machine, dam quel rapport à son tour mesurable cette

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des modules, dont les éléments en déplacement (i.e. les mots) sont l’animation numérique, la bande vidéo, l'action/performance, le document textuel, etc. Ces éléments en déplacement peuvent être reliés à d'autres modules ou à d'autres fragments (d’autres mots) en vertu d'une signification commune (le paragraphe). Est-il nécessaire de rappeler ici que rien ne peut se comprendre sans association ou comparaison ?

Mes créations artistiques sont presque entièrement acheiropoiete, c’est-à-dire « non faite[s] de main

d'homme8 ». J ’utilise presque uniquement des outils médiatiques9 pour produire des modules que

j ’insère dans des créations installatives. Le projet principal dont il est question ici s’inscrit dans une démarche entreprise il y a près de vingt-cinq ans puisqu’une première installation inter-médias que j ’ai présentée en 198110 regroupait, entre autres, une performance, une projection de diapositives, une bande vidéo et des bandes audio.

A l’image de ma p ratique — A l’image de ma pratique, ce mémoire est fragmenté et réunit deux éléments : 1) un document textuel qui formule et articule ce qui est en cause dans cette oeuvre ; 2) un document visuel, en l’occurrence un carnet de bord sous la forme d’un cédérom qui révèle, par

l’entremise d ’une approche poïétique, le trajet : processus et fonctionnement interne de cette production artistique.

En ce qui a tra it au contenu — Dans la partie 02 du document textuel intitulée Apport du littéraire, je présente une démarche artistique au regard de l’installation dont la mise en forme s’inspire

essentiellement du langage et, plus spécifiquement, de la structure du texte littéraire. Dans la partie 03 intitulée Apport de V a u to fic tio n ,élabore notamment la notion du ‘Je’ en tant que matière à sujet (personnification). Dans la partie 04 intitulée Apport des différentes form es de langages, je me risque à décrire et à présenter schématiquement plusieurs formes de langage qui offrent des aspects particuliers pour la formation d’un corpus dans lequel je suis en mesure de puiser pour produire les éléments poétiques, c ’est-à-dire les modules. Dans la partie 05 intitulée Concernant le concept du temps, je présente des notions de temporalité, plus précisément en rapport avec les arts visuels et les arts

médiatiques. Dans la partie 06 intitulée Concernant les modules de l'exposition Imagité, je donne une description des éléments poétiques modulaires présentés dans l’installation (pour ne pas dire les éléments poétiques modulaires présentés dans l ’œuvre, puisque j ’estime que seule l’installation elle- même peut, à ce stade, revendiquer éventuellement cette appellation).

Dans le deuxième élément constituant ce mémoire, soit dans le document visuel, je présente un Carnet

de bord. Plus coloré, dynamique et interactif que le document textuel, il documente et illustre le

processus de création des unités présentées dans l’installation dite mise en scène. Développé sporadiquement, il faut le dire, sur une période s'étendant sur huit mois et structuré sous forme de rhizome, le carnet de bord rend compte du parcours et du trajet du projet, des réflexions et des idées accumulées, en tenant compte des axes de recherche retenus et développés aussi bien que ceux oubliés ou écartés.

8 - LEYDIER, Richard. « Les éclats photographiques de François Rouan », Art Press, n° 286, (janvier 2003), p. 38. 9 - Photographies, images digitales, vidéos digitales, montages audio, animations numériques, écrans aux luminodiodes, projecteurs numériques, ordinateur, cédéroms, téléphones, télécopieurs, Internet, journaux et périodiques, technologies de l’imagerie commerciale et autres médiums publicitaires.

10 - Un compte rendu de cette installation a été publié par André Thérriault dans L ’Évangéline (Moncton), 25 septembre 1981, p. 17; voir l'annexe n° 092.

(9)

02 - APPORT DU LITTÉRAIRE

La langue découpe le inonde

Notre manière de parler et le choix de mots que nous utilisons pour exprimer nos pensées sont conditionnés par le contexte social, c’est-à-dire par la situation dans laquelle nous nous trouvons, par les traits qui caractérisent nos interlocuteurs. Nous parlons à l’intérieur d’un cadre, d’une convention, d’un consensus11. Ainsi, il serait maladroit de parler d’un film d’auteur en utilisant le langage et le style utilisés pour décrire un match de hockey. Les multiples façons de parler, à l'intérieur d'une variété linguistique donnée, sont souvent appelées registres et se traduisent généralement par des variations d'ordre lexical et phonétique.

« Les niveaux de langue précisent les registres divers en fonction des locuteurs et des contextes d ’utilisation. [Dans la langue nous retrouvons les registres] littéraire, familier, populaire, vulgaire. »n

021 — C oncernant le langage, les mots et les écritures — Dans mon esprit, la condition décrite précédemment pourrait aussi s’appliquer au domaine de l’art actuel puisque ce dernier fonctionne également à l’intérieur de registres même si, à la rigueur, et cela reste à établir, les arts ne sont pas, a priori, considérés nécessairement comme un langage. Anne Cauquelin signale que « les avancées de la

linguistique [...] ont donné l ’idée que l'onpouvait appliquer le modèle linguistique aux œuvres d'art. Ne s'agit-ilpas, avec l'art, d ’un langage ? 13 ». En tant que langage nous relatons souvent qu’« une

image vaut mille mots » ; une difficulté réside toutefois dans le fait que les arts semblent, pour certains, être contraints à l’interdépendance de l’interprétation. Cauquelin nous éclaire également à ce sujet :

« Mais ici le langage - s ’il existe bien comme langage, et il faudra le démontrer - n ’est pas pris dans l'optique de cette parole dialoguant à qui l'interprétation est nécessaire pour lui donner sens, mais dans celle d'un système qu'il s'agit de décrire en le ramenant à ses éléments constitutifs les plus simples. 14 »

Les éléments constitutifs simples seraient donc à la base d ’un pareil protocole langagier. Selon

Ferdinand de Saussure, « la langue, le plus complexe et le plus répandu des systèmes d'expression, est

aussi le plus caractéristique de tous ; en ce sens la linguistique peut devenir le patron général de toute sémiologie15, bien que la langue ne soit qu'un système particulier.16 » J ’analyse tout d’abord le

11 ־ SAUSSURE, Ferdinand de (1982). Cours de linguistique générale, édition critique préparée par Tullio de Mauro, 3e éd., Paris, Payot, p. 10; édition originale, 1915 : « La collectivité est nécessaire pour établir des valeurs dont l'unique raison

d ’être est dans l ’usage et le consentement général. »

12 ־ De VILLERS, Marie-Éva (1988). Multidictionnaire des difficidtés de la lange fratiçaise, Montréal, Éditions Québec/Amérique, p. xvi.

13 - CAUQUELIN, Anne (1998). Les théories de l'art, Paris, Presses universitaire de France, Que sais-je ?, n° 3353, p. 81. 14 - CAUQUELIN, Anne. Ibid. Cette affirmation traitant de la nature de l’art comme langage est également soutenue par Claude Lévi-Strauss : « Si la peinture mérite d'être appelée un langage, c 'est pour autant que, comme tout langage, elle

consiste en un code spécial dont les termes sont engendrés par combinaison d ’unités moins nombreuses et relevant elles- mêmes d'un code plus général.» (LÉVI-STRAUSS, Claude (1964). Le cru et le cuit, Paris, Pion, p. 28).

15 - La sémiologie est la partie de la linguistique qui étudie les signes. 16 - SAUSSURE, Ferdinand de. Op. cit., p. 101.

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langage afin d ’être en mesure de reconnaître les unités de base (i.e. les éléments constitutifs les plus simples). Je tenterai d’établir la relation avec les arts visuels par la suite.

Selon les chercheurs Laura Ann Petitto, du Département de psychologie de l’Université McGill, et Robert Zatorre, neuropsychologue de l’Institut neurologique de Montréal, « la partie de notre cerveau

qui interprète les mots et les syllabes servirait aussi à décoder le langage des signes [gestuels], [...]o n croyait depuis longtemps que cette région du cerveau, située dans l'hémisphère gauche près de

l ’oreille, ne servait qu ’à interpréter les sons. 17 »

C ’est un fait reconnu que lorsque nous communiquons par l’entremise de la parole, nous échangeons des signes entre interlocuteurs. Comprenons bien qu’il s’agit ici non pas de signes visuels mais bien de signes auditifs que nous appelons, dans le présent contexte, signes linguistiques. Qu’en est-il

exactement de ces signes linguistiques ?

La n atu re du signe linguistique — Pour Ferdinand de Saussure « l ’unité linguistique est une chose

doublerait du rapprochement de deux termes. [...] les termes impliqués dans le signe linguistique sont tous deux psychiques et sont unis dans notre cerveau par le lien de l'association. [ ...] L e signe

linguistique unit non une chose et un nom, mais un concept et une image acoustique. 18 »

Pour les besoins de la cause le signe linguistique ou le signe verbal est représenté par la figure adjacente qui illustre comment ces deux éléments sont intimement unis et s’interpellent l’un et l’autre.

Une particularité est à noter cependant concernant l’apport véritable de Saussure en cette matière. Roman Jakobson souligne « la prétendue

nouveauté de l ’interprétation par Ferdinand de Saussure du signe, en particulier du signe verbal, comme unité indissoluble de deux

constituants - le signifiant et le signifié - alors que cette conception, aussi bien que la terminologie dans laquelle elle s'exprimait, était entièrement reprise de la théorie stoïcienne, vieille de douze cents ans.19 » Jakobson poursuit en disant que « cette doctrine considérait le signe (sêmeion) comme une entité constituée par la relation entre le signifiant (sêmainon) et le signifié (sëmainomenon) . 20 »

Ceci dit, je poursuis ma réflexion. Le signe linguistique ou verbal, toujours selon Saussure, possède également deux caractères primordiaux qui sont : a) premier principe : Le signe linguistique est

arbitraire, et b) deuxième principe : Le caractère linéaire du signifiant.

A) - Premier principe : Le signe linguistique est arbitraire. « L'idée de « soeur » [morphème] n 'est liée

par aucun rapport intérieur avec la suite de sons s - ô - r [phonèmes] qui lui sert de signifiant, il

17 - SIMARD, Anne-Marie (1997). « Une découverte surprenante sur le langage », Québec Science : Cybersciences : La

science et la technologie pour tous. [En ligne] http://www.cybersciences.cOm/cyber/3.0/n495.asp (Page consultée le 19

janvier 2003).

18 - SAUSSURE, Ferdinand de. Op. cit., p. 98. Dans cet ouvrage l'éditeur note : « Ce terme d'image acoustique paraîtra

peut-être trop étroit, puisqu'à côté de la représentation des sons d'un mot il y a aussi celle de son articulation, l'image musculaire de l'acte phonatoire. Mais pour F. de Saussure la langue est essentiellement un dépôt, une chose reçue du dehors (voir p. 30). L'image acoustique est par excellence la représentation naturelle du mot en tant que fa it de langue virtuel, en dehors de toute réalisation de la parole. L'aspect moteur peut donc être sous-entendu ou en tout cas n'occuper qu'une place subordonnée par rapport à l'image acoustique. »

19 - JAKOBSON, Roman. « À la recherche de l’essence du langage », Diogène, n° 51, (juillet-septembre 1965), p. 22. 20 - JAKOBSON, Roman. Ibid.

Signe linguistique

(entité psychique à 2 faces)

I

CONCEPT (signifié) IMAGE ACOUSTIQUE (signifiant)

i

(11)

7 1

pourrait être aussi bien représenté p a r n ’importe quelle autre. » Il nous faut reconnaître d ’emblée

les différences entre les langues et l’existence même de langues différentes. Par exemple, le signifié

b o eu f a pour signifiant b - ô - f en langue française et o - k - s en langue anglaise.

En guise de note, le terme symbole a souvent été utilisé pour désigner le signe linguistique. Or, le symbole a pour caractère de n ’être jamais tout à fait arbitraire puisqu’il n ’est pas vide. Il existe un rudiment de lien naturel entre le signifiant et le signifié22. N ’étant pas complètement intégral, le

symbole ne peut donc pas être utilisé pour remplacer le signe linguistique. Concernant le mot arbitraire, « il ne doit pas donner l ’idée que le signifiant dépend du libre choix du sujet parlant puisqu ’il n 'est pas au pouvoir de l ’individu de rien changer à un signe une fo is établi dans un groupe

linguistique.23 » Le signifiant « est immotivé, c 'est-à-dire arbitraire p a r rapport au signifié, avec lequel il n ’a aucune attache naturelle dans la réalité. 24 »

B) - Deuxième principe : Le caractère linéaire du signifiant. Étant de nature auditive, le signifiant se déploie dans le temps et il emprunte des propriétés temporelles : « a) il représente une étendue, et b)

cette étendue est mesurable dans une seule dimension : c 'est une ligne25 ». Contrairement aux

signifiants visuels tels les signaux maritimes, etc., « qui peuvent offrir des complications simultanées

sur plusieurs dimensions, les signifiants acoustiques ne disposent que de la ligne du temps ; leurs éléments se présentent l'un après l'autre ; ils form ent une chaîne. 6 » Lorsque j ’articule la phrase Nous sommes tous des êtres ambulants vers la mort, les mots sont saisis l’un après l’autre, dans une

temporalité linéaire. Notons que la linéarité s’avère également importante par rapport à la réflexion que je porterai par la suite sur le concept du temps en relation avec les arts médiatiques.

R apports en tre term es linguistiques — Les caractéristiques du terme linguistique soulèvent toutefois quelques interrogations. Une constatation préliminaire serait que la détermination exacte de ce qu’est un mot est assujetti à la compréhension d ’un ou d ’autres mot(s). Pour les besoins de la cause élaborons un petit je u des mots (et non pas un je u de mots... ;־). Prenons comme point de départ pour l’analyse la définition du terme langage.

Définition : Langage n. m. Expression de la pensée à l’aide de signes vocaux (parole) ou de signes graphiques (écriture)27.

Pour en arriver à comprendre exactement la signification du terme langage nous devons, au préalable, connaître les significations des six autres mots suivants : (1) expression, (2) pensée, (3) aide, (4) signe, (5) parole, (6) écriture.

21 - SAUSSURE, Ferdinand de. Op. cit., p. 100.

22 ־ SAUSSURE, Ferdinand de. Op. cit., p. 101 : « Le symbole de la justice, la balance, ne pourrait pas être remplacé par

n 'importe quoi, un char, par exemple. »

23 - SAUSSURE, Ferdinand de. Ibid. 24 - SAUSSURE, Ferdinand de. Ibid. 25 ־ SAUSSURE, Ferdinand de. Ibid. 26 - SAUSSURE, Ferdinand de. Ibid..

27 ־ Pour les besoins de la cause toutes les définitions proviennent du même ouvrage : De VILLERS, Marie-Éva (1988).

(12)

(1) Définition : Expression n. f. Mot ou groupe de mots. (2) Définition : Pensée n. f.

Faculté de penser. Idée. (3) Définition : Aide n. f.

Appui, assistance. (4) Définition : Signe n. m.

Indice, marque qui sert à représenter, à indiquer une chose. Geste. (5) Définition : Parole n. f.

Faculté d’exprimer la pensée par les mots. (6) Définition : Écriture n. f.

Représentation des mots au moyen de signes.

Et ainsi de suite... Pour parfaire la compréhension des six termes qui définissent le mot langage, nous devons, à nouveau, connaître la signification d ’un autre groupe de mots. À première vue il me semble28 qu’au départ, toute forme de langage nécessite préalablement l’apprentissage d’un code spécifique au langage utilisé, sinon il nous est pratiquement impossible d’entrer en communication avec les autres. Dans ce contexte, supporter l’idée que les arts sont un langage sous-entendrait donc d ’admettre cette nécessité préalable de l ’apprentissage d ’un code spécifique au langage artistique. Qui plus est, cette idée sous-entendrait également la nécessité de tenir compte des différents registres présents à l’intérieur même du langage spécifique29.

Une deuxième constatation : Comment un enfant aveugle de naissance est-t-il en mesure d ’associer, dans le signe linguistique, l’image acoustique et le concept tels qu’ils sont déterminés par la collectivité, le signifiant et le signifié tels qu’ils sont dénotés et fixés par l ’usage commun ? En d ’autres termes, disons qu’un nouveau né, non-voyant, qui n ’a jamais vu un arbre dans la nature, n ’est pas en mesure d’acquérir un signe linguistique en accord avec celui de la collectivité. Même si nous devons reconnaître ici que le toucher doit, effectivement, prendre une part importante dans la fabrication des signes linguistiques pour ce groupe d ’individus, qu’advient-t־il des signes qui sont composés de signifiants non tangibles ? Je pense à des signes linguistiques comme perspective ou nuage par exemple.

Mon intention n ’est pas d ’effectuer une étude linguistique mais plutôt de faire ressortir certaines notions inhérentes au langage. Le but de cette mise en situation doit servir uniquement à contextualiser le terme langage, dans son ensemble, en tant que processus d ’échange entre communicants.

C oncernant la com m unication — Une chose demeure certaine : les arts, s’ils ne sont pas

nécessairement langages, communiquent toutefois et, selon Beaudrillard, « la communication, ce n 'est

pas du parler, c 'est du faire-parler. L ’information n ’est pas du savoir, c ’est du faire-savoir. L ’auxiliaire « fa ire » indique qu ’il s ’agit d ’une opération, non d ’une action. Dans la publicité, la propagande, il ne s ’agit pas de croire, mais de faire-croire. La participation n 'est pas une form e

28 ־ H s’agit d’une réflexion de ma part qui reste à être étudiée et démontrée dans une recherche ultérieure.

29 - Registres déjà établis dans le domaine de l’esthétique : art contemporain, art actuel, peinture, installation, vidéo,

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sociale active ni spontanée, elle est toujours induite p a r une sorte de machinerie ou de machination, c 'est un faire-agir, comme l ’animation et autres choses semblables. 30 »

En parallèle, il s ’avère intéressant d ’identifier la communion de l ’art comme étant un mécanisme d ’un faire-agir et d ’identifier l’œuvre d ’art en tant qu’instigatrice d ’actions : contemplation, expérience, interprétation et discours, etc. Cette communication s’élabore à plusieurs niveaux dans le domaine des arts visuels. Je suis convaincu, par exemple, que l’artiste professionnel nourrit le discours esthétique par l’entremise de ses créations et que ce discours, par la suite, influence la production des artistes de la génération montante qui à leur tour, par synergie, alimenteront l ’élaboration de discours subséquents. A moins, bien sûr, qu’avec le temps s’opère une disjonction et que le discours esthétique lui-même en arrive un jour à être reconnu comme une forme affranchie de création artistique. Dans pareille sphère d ’activité, l’œuvre d ’art, telle que nous la concevons aujourd’hui, perdrait son statut et agirait

uniquement à titre d ’élément subalterne. L’emphase mise aujourd’hui sur le discours entourant l’œuvre d ’art incite à prédire ce genre de développement tout à fait plausible à mon esprit.

022 — C oncernant la stru ctu re hiérarchique de mon processus de création — La référence à la langue et, par surcroît plus spécifique, la référence au littéraire, est un aspect majeur de ma recherche artistique. Du point de vue formel, je m ’intéresse plus particulièrement aux différentes formes de langages31 telles les signes, les icônes, les symboles, les indices, les gestes, les codes, les mots, les logos et l’imagerie publicitaire que j ’assemble et que je traite d ’une manière poétique. À l’aide d ’outils médiatiques, je réalise des modules fragmentaires (i.e. vidéos performances, animations numériques, bandes audio numériques, photomontages — c ’est-à-dire encore des unités “logiciels” (software) qui sont présentées par la suite dans des installations, ou plutôt des mises en scène, par l’entremise de modules tridimensionnels de ma propre fabrication (i.e. bornes interactives, caissons lumineux et autres constructions sculpturales — les unités “matériels” (hardware) qui sont réalisées à !,aide d ’outils plus traditionnels. Comme « dans un état de langue, tout repose sur les rapports32 » entre les unités

modulaires ou les fragments présentés.

Ma pratique de l’installation remonte, j ’en ai fait état précédemment, au début des années 1980.

Depuis, mes mises en scène ont été structurées de plus en plus comme un ouvrage littéraire, dans le sens où chacune agence et renferme différents fragments (« La littérature est un agencement, elle n'a rien à

voir avec de l ’idéologie33 »). L’approche formelle se voit parallèlement à celle d’un roman, de style

classique, faut-il l’admettre34. Nous retrouvons dans mes mises en scène des segments modulaires qui s’apparentent soit à un titre principal, soit à des sous-titres, des chapitres, des paragraphes, des phrases, des mots ou un alphabet. À l’égal d’un roman spécifique s’intégrant dans une collection d’ouvrages littéraires, de même une de mes mises en scène peut fort bien faire partie d’un ensemble particulier d ’installations.

30 - BAUDRILLARD, Jean (1990). La transparence du mal, Essai sur les phénomènes extrêmes, Paris, Éditions Galilée, (coll. L ’espace critique), p. 53.

31 - Le corpus des différents langages utilisés dans ma production : code Morse, alphabet phonétique, alphabet naval et sémaphore, hiéroglyphes, pictogrammes et autres écritures, icônes, symboles et indices, langage des signes et autres langages gestuels, sigles et acronymes, signalétique et autres langages urbains, Internet et langages de programmation, logogrammes (logotypes) ainsi que l’imagerie publicitaire.

32 - SAUSSURE, Ferdinand de. Op. cit., p. 170.

33 - DELEUZE, Gilles et GUATTARI, Félix. Op. cit., pp. 11-12.

34 - Le livre de Jerzy Andrzejewski (Varsovie 1909 - id. 1983), Les portes du paradis, fait d’une seule phrase ininterrompue, ne peut nullement, ici, servir de comparaison.

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C oncernant la locution mise en scène — L’utilisation de la locution mise en scène pour qualifier mon travail est réfléchie et ne résulte pas d’un simple choix stylistique littéraire. J ’emploie mise en scène de façon à définir plus adéquatement mon approche à l’intérieur du terme installation lui-même, que je trouve trop généraliste. En effet, le mot installation pour désigner « la pratique adoptée pa r la majorité

[des artistes en arts visuels] reste inqualifiable ou difficilement qualifiée35 ». Dans la multitude des

attributs utilisés pour signaler ou désigner les formes composites et hybrides de l’installation,

l’expression mise en scène elle même, en tant que locution utilisée par les auteurs, n’est pas répertoriée (plus d ’une centaine de propositions sont mentionnées par Anne Bérubé dans un texte traitant de la question de l’installation36 — voir l’annexe n° 096). Nous retrouvons néanmoins dans L ,installation :

pistes et territoires, à l’index des notions de qualification37, plus de quatre-vingt-quinze références à mise en scène. En voici une en date de 1982 à titre d ’exemple :

007 (Article non signé). « Barbara Steinman : Installation », Cahiers des arts visuels au Québec, n 14, été 1982, p. 44.

Communiqué concernant l’exposition Installation de Barbara Steinman présentée au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke du 21 février au 21 mars 1982.

Pour Installation (1982), Barbara Steinman a créé, autour de l’indifférence et de l’anonymat, une mise en scène composée d’un lit d’hôpital, de voiles gonflées par le vent, d’une série de diapositives et d’une petite lumière de nuit.

a.m. : Barbara Steinman n. : mise en scène

Dans cet ouvrage, des références à l’usage du terme mise en scène sont également signalées dans des documents datés de 1988 (renvois 022,029,033,035), 1990 (068,073,076), 1991 (079,080,081,082, 094), 1992(104, 109, 116), 1993(125, 129), 1994(144, 151, 155) et 1995 (72 renvois). Fait à noter, l’ouvrage ne couvre que la période de 1975 à 1995 et, avec soixante-douze renvois en 1995, nous

pouvons parier que l’utilisation de l’expression mise en scène est encore aujourd’hui omniprésente dans les textes d ’interprétation des œuvres installatives.

Qui dit mise en scène suppose également théâtralité :

« Ainsi Thierry de Duve définit-il étroitement l'installationpar la nécessaire théâtralité qui découle de son ancrage au lieu : [Le spectateur] n ’est pas seulement face à un objet, il est incorporé à une situation dans laquelle il fa it pièce au même titre que l ’objet. Cette mise en situation a d ’ailleurs reçu un nom dans le jargon artistique : installation. Une installation n 'est pas un environnement [...] elle n ’estpas davantage un objet disposé de sorte à être mis en

valeur par son contexte. Elle est l ’établissement d ’un ensemble singulier de relations spatiales entre l ’objet et l ’espace architectural, qui force le spectateur à se voir comme faisant partie de la situation créée? »

35 ־ BÉRUBÉ, Anne et COTTON, Sylvie (1997). « Inviter à déambuler, parcourir, fureter », dans BÉRUBÉ, Anne et COTTON, Sylvie (1997). L'installation :pistes et territoires, Montréal, Centre des arts actuels Skol, p. 8.

36 - BÉRUBE, Anne (1997). « L’installation au Québec 1975-1995 : vingt ans de discours sur la pratique », dans BÉRUBÉ, Anne et COTTON, Sylvie (1997). Op. cit., p. 116.

37 - BÉRUBÉ, Anne et COTTON, Sylvie (1997). Op. cit., p. 250.

38 - De DUVE, Thierry (1987). « Performance ici et maintenant : l’art minimal, un plaidoyer pour un nouveau théâtre »,

Essais datés 1, Paris, Éditions de la Différence, p. 181; citation par Patrice Loubier dans BÉRUBÉ, Anne et COTTON,

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Cette notion de déambulation du spectateur à !’intérieur de l’œuvre afin d ’obtenir le “bon point de vue” a toutefois succombée durant les deux dernières décennies avec la transformation de la pratique

installative. Dans L ’installation : au-delà de l'in situ39, Chantai Boulanger a démontré en 1986 « que le

rapport pragmatique au lieu d ’accueil [...] a fa it place à une dimension nettement plus sémantique ou syntaxique, dans laquelle l'œuvre signifie surtout p a r elle-même, par le je u interne de ses

composantes.40 » L’enjeu de la pratique installative n ’est plus de proposer au regard du spectateur

l’expérimentation sensorielle des lieux mais « la construction de microcosmes où priment les charges

référentielle et connotative41 ».

Le je u interne des composantes que je viens de faire ressortir qualifie adéquatement bien mon approche artistique à l’aide de mes mises en scène, l’installation pouvant être formée de « deux ou plusieurs

éléments se combinant pour constituer une œuvre unique42 » ou encore, selon les termes de Sylvie

Parent,

« chaque élément renvoyant à un médium particulier compose avec les autres, dans sa concrétude de chose. Par leur coprésence, les divers éléments symboliques de l ’œuvre s ’opacifient mutuellement, de sorte que si l ’installation comprend des peintures, photos, sculptures, vidéos, ou tout autre objet symbolique créant un “espace dans l ’espace’’, celui-ci sera reconnu par le sujet, mais l ’objet vaudra aussi en tant qu ’objet, en tant que sculpture. » 43

C ’est surtout la caractéristique indépendance des objets (i.e. les modules, les œuvres) qui m ’interpelle dans ce qui semble être le processus installatif actuel. Une sorte d ’œuvre à l’intérieur même de l’œuvre prend position et s’affirme.

Dès lors, le terme mise peut être utilisé adéquatement, étant défini premièrement comme l’action de placer quelque chose, quelqu'un dans un lieu particulier, dans une position particulière (mise en

bouteilles, en sac ; mise à l'endroit, à l'envers ; mise à la porte) ; deuxièmement comme l’action de

faire passer quelque chose dans un nouvel état ou une nouvelle situation, son résultat (mise en gerbe, en

tas ; mise en veilleuse, en état de marche ; mise en form e : ensemble des opérations permettant d'obtenir

un produit de forme donnée (par déformation plastique, enlèvement de matière, assemblage d'éléments différents, etc.) ; troisièmement comme l’action d'organiser, de disposer selon un certain ordre, pour une certaine finalité (mise en ordre, mise en page(s) : assemblage, d'après la maquette, des divers éléments de texte et d'illustration d'un livre, d'un journal, etc., pour obtenir des pages montées en vue de

l'impression; mise au point : opération qui consiste, dans un instrument d'optique, à rendre l'image nette; assemblage, mise en place et réglage d'éléments mécaniques ou électriques) ; quatrièmement comme l’action de donner l'impulsion initiale à une opération ou à un mécanisme en vue de les faire fonctionner

(mise en chantier ; mise en service : opération par laquelle une installation, une machine neuve, etc., est

utilisée pour la première fois en service normal) ; cinquièmement comme l’action de faire apparaître d'une certaine manière (mise en évidence, en lumière) ; et finalement, en ce qui nous concerne plus spécifiquement, comme l’action d ’une réalisation scénique ou cinématographique d'une œuvre lyrique

39 ־ BOULANGER, Chantai. « L’installation : au-delà de l’in situ », Parachute, n° 42, (mars-mai 1986), p. 16.

40 - LOUBIER, Patrice. « L ’idée d’installation : essai sur une constellation précaire », dans BÉRUBÉ, Anne et COTTON,

Sylvie (1997). Op. cit., p. 25.

41 - BOULANGER, Chantai. Op. cit., p. 16.

42 - JOHNSTONE, Lesley. « Installation: The Invention of Context », p. 48; citation dans BÉRUBÉ, Anne et COTTON,

Sylvie (1997). Op. cit., p. 32.

43 - PARENT, Sylvie. « L ’installation et le sujet », p. 30; citation dans BÉRUBÉ, Anne et COTTON, Sylvie (1997). Op. cit.,

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ou dramatique, d'un scénario, ou en d ’autres termes la présentation dramatique et arrangée d'un événement (mise en scène).

Le mot scène, à son tour, pourrait également faire l’objet de notre attention. Tenons-nous en toutefois au strict minimum. Il s’agit d ’un lieu où se passe une action quelconque, d ’un lieu où s'exerce une activité humaine (Un nouveau venu sur la scène politique), d ’un spectacle ou d ’une action auxquels on assiste en simple spectateur.

L’utilisation de la locution mise en scène, en tant que qualificatif de ma pratique de l’installation, s’avère être totalement adéquate. A bien y réfléchir, l’expression mise en arène pourrait aussi être adoptée, si l’on concevait une installation comme une aire où se déroulent les jeu x ou bien comme un

espace public où s'affrontent des courants d'idées.

Cette manière de percevoir et de développer une installation a été influencée, je crois, par l’environnement muséologique dans lequel j ’ai baigné de 1979 à 1987. Étant à l’embauche du

ministère des Ressources historiques et culturelles du Nouveau-Brunswick alors en tant que designer et technicien des expositions et, par la suite, en tant qu’assistant-conservateur, j ’ai été appelé à concevoir et développer différentes expositions thématiques et didactiques pour des musées ethnologiques de la province. L’approche en muséologie consiste essentiellement à contextualiser un artefact d ’après un scénario rédigé préalablement (storyline). Les objets, en vue de l’exposition thématique, sont

recherchés, amassés, regroupés, catégorisés ; leurs présentations s’inscrivant généralement dans une hiérarchie afin d ’en faciliter l’interprétation. L’exposition conçue dans son ensemble devient une sorte de mise en scène des artefacts, artefacts qui, d ’une certaine manière, jouent des rôles en tant qu’acteurs. Pareilles expériences de travail et pareil état d’esprit ont certainement contribué, à l’époque, à affiner le concept de mon système installatif dans le domaine des arts visuels.

Description de ma stru ctu re hiérarchique de l’installation — À ce stade, j ’estime qu’une description de la structure hiérarchique de mon approche de l’installation s’impose (voir également les annexes 094 et 095) :

• Au prem ier niveau, les matières premières (c’est-à-dire les images, les mots, les sons, les gestes, les idées et les objets trouvés) qui sont pour moi les éléments qui composent

l’alphabet ;

• Au deuxième niveau, les créations réalisées à l’aide des éléments précédents (c’est-à-dire une composition 2D, une composition 3D, une bande audio, une phrase, une

action/performance) qui sont pour moi les composantes équivalentes aux mots ; • Au troisièm e niveau, les créations réalisées à l’aide des composantes précédentes

(association des composantes, c’est-à-dire une composition 2D avec une bande audio et/ou une phrase, etc.) qui sont pour moi les unités représentatives des phrases ;

• Au quatrièm e niveau, les compositions réalisées à l’aide des unités précédentes qui sont pour moi les regroupements équivalents aux paragraphes ;

• Au cinquièm e niveau, les associations des regroupements précédents qui donnent les modules qui sont comparables aux chapitres ;

• Au sixième niveau, l’association des modules précédents qui finalement me donne le thème. qui lui est parallèle au titre d’un ouvrage ou d ’un roman littéraire.

En résumé, cette ossature hiérarchique se définit ainsi : dans la création littéraire, d’une part, on retrouve les sections 1 = alphabet, 2 = mots, 3 = phrases, 4 = paragraphes, 5 = chapitres, 6 = titre ; dans

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mon processus de création, d ’autre part, on retrouve des subdivisions équivalentes : 1 = éléments, 2 = composantes, 3 = unités, 4 = regroupements, 5 = modules, 6 = thème.

Cette structure, telle que décrite par rapport au processus de création dont je viens de rendre compte, sert uniquement à compartimenter les ensembles et elle ne devrait pas donner l’impression que je favorise une approche narrative de l’installation. Elle permet, tout au plus, d ’assurer une certaine autonomie des modules à l’intérieur de cette installation. Ce qui fait que l’installation, en tant que mise

en scène, devient, dans son entité, une œuvre singulière, composée par l’entremise d’une multitude

d ’œuvres. Le tout, assurément, s’avère être autre chose que la somme des éléments qui le composent et, dans pareille approche, c ’est le trajet qui détermine les propriétés de la configuration finale de la mise en scène. C ’est essentiellement, comme l’a fait ressortir Paul Klee, « la marche à la form e qui prévaut

sur le but terminal, sur la fin du trajet. 44 »

023 — C oncernant le poétique (et non la poétique) — Selon Étienne Souriau, LA poétique, c ’est-à- dire la poïésie, qui soit dit en passant est un terme de Paul Valéry, est une réflexion sur le faire de l’art, tandis que LE poétique est une catégorie esthétique45. Mon intérêt dans le présent contexte porte certes sur le poétique, mais c ’est surtout la poésie, en tant qu’attribut de la sensibilité, qui retient davantage mon attention. La poésie se définit comme l’art de combiner les sonorités, les rythmes, les mots d’une langue pour évoquer des images, suggérer des sensations, des émotions.

En tant que forme, la poésie lyrique semble devenir de plus en plus d ’actualité dans les productions artistiques récentes et je crois que mes projets d'art réseau et autres créations numériques animées, que je qualifie de poèmes numériques46 (ou poésie électronique47), sont des trajets visuels, sonores et

interactifs qui s'associent à cette tendance. Il s’agit surtout de tentatives de création d'expériences sensibles, appréhendées dans l'espace et dans le temps, donc se manifestant à la conscience, par

l'entremise de la réalité virtuelle et d ’une certaine configuration d ’interactivité. J ’utilise consciemment l’expression “certaine configuration d ’interactivité” puisque grâce à la précision de Jean-Pierre Balpe, je constate que nous avons effectivement à départager différents genres d ’interactivité :

« on parlera d'interactivité chaque fo is que l'utilisation d'un programme informatique fera appel à l'intervention constante d'un utilisateur humain. En ce sens interactif s'oppose à automatique. Il y a interactivité, non seulement parce que le lecteur agit sur ses parcours de lectures qu'ils soient, ou non, totalement prédéterminés p a r les concepteurs mais parce que, pa r ses parcours, pa r ses réponses aux demandes de l'ordinateur, il peut mettre en oeuvre des variations textuelles

(interventions directes pa r réponse à des questions; interventions indirectes p a r calculs du système à partir de n'importe quelle action du lecteur sur l'ordinateur...), et parce qu'il peut modifier le déroulement des textes qu'il est en train de lire, ou leur contenu. L'information, quel

44 - KLEE, Paul (1973). Théorie de l'art moderne, trad. établie par Pierre-Henri Gonthier, Paris, Denoël/Gonthier, (coll. Médiations).

45 - SOURIAU, Étienne (1990). Vocabulaire d ’esthétique, publié sous la direction d’Anne Souriau, Paris, Presses universitaires de France.

46 - À l’instar de la tradition aujourd’hui séculaire du cinéma d’avant-garde français, fortement influencée par les écrits de

Louis Delluc (1890-1924) qui en appelait à un cinéma « pur », l’égal d’« un poème symphonique fondé sur des images » (RUSH, Michael (2000). Les nouveaux médias dans l ’art, Paris, Thames & Hudson, p. 19).

47 - DOYON, Yves. « La question de l’art vidéo », ESSE arts + opinions, n° 46, (automne 2002), p. 21 : « J ’emprunte ce

terme à Marc Mercier, directeur des Instants vidéo de Manosque, qui écrivait ce préambule du programme du 6e Festival international Art vidéo de Casablanca : « J ’ai de plus en plus de mal à employer le mot « art » tant celui-ci est aujourd’hui noyé dans un océan de confusion [...] Pour désigner plus justement « l ’art vidéo [art numérique] », je préfère parler de « poésie électronique » en ce sens que la poésie est toujours le surgissement d ’une parole singulière et forcément désintéressée. »

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que soit le signifiant qui la transmet, n'étant p a s définitivement matérialisée sur les supports d'enregistrement des systèmes, reste ouverte à des transformations répondant aux diverses sollicitations du lecteur qui la parcourt. I l s'agit là d'une modification importante du rapport à la lecture. Dans un système interactif efficace, il est tout à fa it concevable qu'un lecteur, à la recherche d'informations, ne rencontre jamais, en fonction des spécificités immédiates de sa demande ou de ses réactions, les mêmes données informatives. 4 »

« Oublie la lecture ! Regarde /49 »

Donnez à voir. — Oublie la lecture ! Regarde [les mots] ! En procédant par appropriation et

adaptation, cette citation devient d ’autant plus cohérente à ce chapitre. Oublie la lecture ! Regarde les

mots ! : ces termes illustrent et qualifient à la fois mon intérêt et ma pratique. Mon objectif dans le

domaine du poétique étant de « proposer au spectateur/participant des expériences poétiques

apparentées à la contemplation d ’un tableau, mais interactives.50 » Par poésie numérique, j ’entends

une forme d ’expression caractérisée par une utilisation harmonieuse des sons et des rythmes du langage, ainsi que par une richesse d'images, prenant forme et transmis à l’aide des technologies numériques. Notons par surcroît que selon ma conception, les poèmes numériques, en tant qu’entité, réunissent les animations numériques, les vidéos numériques, de même que les pièces audio numériques. Pour

employer un terme propre à l’informatique, les poèmes numériques tiennent lieu de logiciels {software), par opposition aux modules tridimensionnels (hardware) que j ’utilise pour leur insuffler vie dans une mise en scène :

« Car le média électronique, en interposant entre l'artiste et son œuvre le travail de la machine, introduit une distance entre le geste et l'expression. De même que le tracé du dessin s'y

décompose en pixels, le corps de l'artiste, comme sa personne, semblent s'y désincarner, s'y absenter. Et pourtant, paradoxalement, plusieurs artistes du Web ont su faire de ce lieu - plutôt de ce non-lieu qu'est l'Internet - un espace privilégié à la fo is pour l'expression personnelle, la communication et la communion avec le spectateur/visiteur en même temps qu'un lieu de questionnement et d'appropriation du média lui-même. C'est que le Web, au contraire de l'art

“traditionnel”, est avant toute chose un “média ” au sens fo rt du mot, c'est-à-dire un canal de communication entre les mondes, intérieurs et extérieurs, réels et virtuels, ceux des internautes comme ceux des artistes. 51 »

L ’essence poétique — Un poème multimédia interactif « présente un regroupement de documents dont

la facture et les liens sont assujettis à l ’expression personnelle52 ». Le raisonnement logique des

48 - BALPE, Jean-Pierre (1990). Hyperdocuments Hypertextes Hypermédias, Paris, France, Eyrolles; aussi dans POISSANT, Louise (sous la direction de) (1996). Dictionnaire des arts médiatiques, Montréal, Groupe de recherche en arts médiatiques, Université du Québec à Montréal. [En ligne] http://www.comm.uqam.ca/%7EGRAM/frames/comm.html (Page consultée le 15 octobre 2001).

49 - Johannes Molzahn cité par KRAUSS, Rosalind (1990). Le photographique. Pour une théorie des écarts, Paris, Macula, p. 198 : « L'image photographique sera une des armes les plus efficaces contre l ’intellectualisation, contre la mécanisation

de l ’esprit. Oublie la lecture ! Regarde ! Telle sera la devise de l ’éducation. Oublie la lecture ! Regarde ! Telle sera la ligne de conduite fondamentale de la presse. »

50 - RUSH, Michael. Op. cit., p. 203.

51 - BOIVERT, Anne-Marie (2002). Commissaire aux arts électroniques. ESTHéTIQUE = éTHIQUE, Montréal, 3e Biennale de Montréal, Centre international d'art contemporain, p. 20. [En ligne] http://www.ciac.ca/no_16/entree.html (Page consultée le 7 octobre 2002).

52 - PAQUIN, Louis-Claude. Rhétorique du multimédia interactif. Document d’accompagnement du cours COM524Q, Université du Québec à Montréal. [En ligne] http://www.comm.uqam.ca/~LTI/rhetorique/lecon6p6.html (Page consultée le

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rapports et des liens est secondaire. Place aux truchements de l’imaginaire, de la plasticité et de la richesse sémantique des documents : « L ’interactivité prend la form e d ’une quête sémantique;

l ’utilisateur explore les multiples plans de signification. L ’utilisateur participe du foisonnement sémantique par les trajectoires singulières qu ’il emprunte.53 »

Mes intérêts actuels et mes questionnements récents sont rattachés, j ’en ai déjà fait mention d ’ailleurs, à cette esthétique poétique et participative. Comme nous le verrons ultérieurement à la section 04

intitulée Apport des langages, j ’utilise l’imagerie véhiculée par la culture de masse ainsi que les composantes retrouvées dans les différentes sortes de langages. Les mots, les signes, les signes

gestuels, l’imagerie publicitaire, les symboles, les icônes, la signalétique urbaine et navale, entre autres, constituent le corpus dans lequel je puise pour effectuer mes créations. Plus spécifiquement, je réalise des regroupements d'images, d'écrits et de clips audio qui sont, à mon avis, au carrefour du poème et du slogan publicitaire :

« E-poetry - electronic poetry, digital poetry - in my view is poetry which is generated with electronic, digital tools. There have appeared différent notions over the last few years. Some o f them are: Anim atedPoetry (visualpoetry using animated letter-signs); Hypertext (Based) Poetry (hypertextual, traditional text-basedpoetry); Code Poetry (generated by computer- programs, using computer languages); and Multi-Media-Poetry or Mixed-Media-Poetry (with a fusion o f word, picture, and sound) . 54 »

Nous sommes quotidiennement bombardés par des logos, des images, des textes et autres publicités dans notre vie. J ’essaie “d ’illustrer” mes associations cognitives d ’images et de phénomènes, comment “ma raison” fait des alliances et raisonne par rapport aux médias de masse, par rapport à notre paysage visuel pollué. Je porte une attention particulière à la fugacité des expériences quotidiennes et les tendances chaotiques véhiculées par le biais des propos de mes projets d’arts numériques les plus récents proviennent de notre environnement immédiat, de notre vie quotidienne et de son constant bombardement d ’informations. Ces tendances s’articulent autour de la constatation suivante : nous avons à faire face quotidiennement à différents événements ou phénomènes inattendus, heureux ou malheureux, disparates, et le seul lien qui regroupe les objets de ces expériences vient du fait que ces phénomènes sont survenus dans une période ou à une date précise dans la vie d'un individu.

La nature opérationnelle d ’une œuvre d’art est, somme toute, de faire émerger du sens. J ’estime que ma poésie est une mise à vue de relations entre des signes dont l’objectif final consiste essentiellement à

mettre à nu l’émergence de sens.

53 -Ibid.

54 - REINER, Strasser. Currents in Electronic Literacy, Université du Texas, (automne 2001).

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03 ־ APPORT DE L’AUTOFICTION (i.e. la figure)

« Suivant un trajet psychologique complexe tracé par Nietzsche et Freud, qui assigne au sujet une place centrale dans l’histoire, le « personnel » a également été amalgamé à l’art. Ce point de vue, que prôna notamment Marcel Duchamp, situe l’artiste d’une manière inédite au cœur même de l’entreprise artistique : ne subissant plus la gravitation de la toile, il est devenu libre d’exprimer par n’importe quel moyen tout concept, que celui-ci se rapporte à l’histoire, au quotidien ou au moi. »

Michael Rush55

031 — C oncernant le ‘J e ’ — Ma manière de travailler est souvent autobiographique et reflète

inévitablement mon mode de vie. Être de race blanche, de sexe masculin, hétérosexuel, célibataire, de la génération du baby-boom, professionnel, adulte ayant des obligations et des responsabilités sociales, membre de la classe moyenne, vivant en région et faisant partie d'un groupe culturel minoritaire, tout cela engendre pour moi, à l'heure actuelle, une existence exaltée, cahoteuse, complexe, stupéfiante, à facettes multiples, en état d'auto-évaluation, de questionnement et de devenir perpétuel. Des

contradictions s'affichent entre les désirs qui m ’animent et les réalités sociales qui m’enserrent. Je présume qu'inconsciemment, c'est ce genre de vie, cette façon d'appartenir à un groupe évoluant à une période déterminée, qui se manifeste matériellement dans ma production par une superposition de couches que cause le recours obstiné à une variété de matériaux, de styles et de techniques.

La pensée postmodeme de la décennie 1980 a favorisé une redéfinition de l'auto-identité. Aujourd'hui le raisonnement de Descartes, traitant de l'existence même56, a pratiquement été abandonné et le ‘Je’ n'est plus défini comme un être pleinement conscient, autonome et cohérent. En déconstruisant la conception traditionnelle du genre humain, la pensée postmodeme a contribué à élucider davantage les raisonnements par lesquels nous avions déterminé le moi ; et ce ‘M oi’, au lieu d'être une source de conscience originale, semble plutôt être perçu actuellement comme une construction, un produit, dans le sens d'un sujet - réceptacle d'activités culturellement spécifiques et généralement inconscientes - faisant et reproduisant continuellement le monde : « The s e lf is a text - it has to be deciphered[...] the s e lf is a

project, something to be built51 ».

En ce qui a trait au contenu plus spécifique de mes diverses mises en scène, il reflète surtout la

complexité des influences et des expériences qui façonnent ce ‘M oi’: le privé et le public, le culturel et l'identité de masse, le conditionnement des sexes, la sexualité et les désirs, la violence, les relations de pouvoir physique ou moral, les croyances, la réalité et la fiction, la mémoire, la présentation et la représentation.

Une autre particularité de ce ‘M oi’ est souvent reflétée par l'engagement politique qui s'effectue par le truchement de propos aux caractéristiques socio-culturelles. Tous mes espoirs et désirs secrets — mes états de rêve, de douleur ou de chagrin — relèvent à la fois du privé et du public puisque ceux-ci sont incontestablement provoqués par l'environnement ethnologique à l'intérieur duquel j'évolue. Cons­ ciemment, je sais que je suis manipulé, comme tous, par la pression de la culture de masse qui tend

55 - RUSH, Michael (2000). Op. cit., pp. 7-8.

56 - DESCARTES, René. Méditations métaphysiques, Œuvres. Lettres, Paris, Gallimard, Méditations II, pp. 275-278 ; Méditations III, p. 284.

57 - SONTAG, Susan. Romancière, essayiste et cinéaste américaine. Auteure, entre autres, de On Photography, New York, Farrar, Strauss & Giroux, 1973; trad., La photographie, Paris, Seuil, 1979.

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généralement à domestiquer l'actualité et à nous familiariser, il faut le dire, avec des idées qui sont la plupart du temps abracadabrantes. Or, en pratiquant la déconstruction ou en tentant de réorganiser certaines données sociologiques, je constate que je ne peux faire autrement que d'être considéré comme un dissident qui résiste obstinément aux choses. En exposant mes mises en scène aux yeux de tous, j'élève une forme d'opposition à ce genre de domestication, tout en contribuant, je le souhaite, à

encourager et à stimuler la recherche de nouvelles options sociales qui provoqueront de nouveaux choix personnels. Il nous faut tenir compte dans ce contexte que l'artiste est un personnage public et je crois que celui-ci doit, effectivement, être responsable des idées et des actions qu'il véhicule par l'entremise de ses créations.

032 — C oncernant la ‘M étam orphose’ et le ‘Clonage’ — L ’idée de métamorphose remonte à la plus haute Antiquité : « Elle a été notamment développée et illustrée par le poète latin Ovide dont les récits

et les images ont nourri les artistes, poètes, peintres et sculpteurs.58 » Qui dit métamorphose dit

transformation, changement d ’une forme à l’autre, ou encore changement complet dans l’état, le caractère d’une personne, dans l’aspect des choses. Aujourd’hui, à la fois captivante et périlleuse, se profile la notion de clonage, « ultime manifestation du pouvoir de l ’homme sur une nature qui n ’a plus

de secret pour lui, mais aussi dernier avatar de son désir de surmonter en elle les form es diverses de la finitude du monde et des individus qui le composent. 59 » Vouloir se métamorphoser par magie, ou faire

son double pour échapper à la mainmise de cette mort qui nous guette continuellement, s’avère être une quête omniprésente de la condition humaine. L’humain veut vivre et la possibilité d’être un jour

immortel enclenche naturellement de sérieuses questions dans tous les domaines de la société.

033 — C oncernant la ‘Personnification’ et P ‘A utoficteur’ — Le domaine de la personnification, qui s’effectue par autofiction, s’avère être d ’une toute autre nature que la métamorphose ou le clonage. L’autoficteur doit tenir un rôle prédominant dans la personnification puisqu’un rapport d ’échanges continus est nécessaire entre les deux pôles et une sorte de relation signifiant/signifié doit être

maintenue en continuité. La métamorphose implique un passage de l’un à l’autre et, en se faisant, une situation de dualité n ’est jamais présente. De même, en théorie, le clonage humain garantirait

l’exactitude et cette copie parfaite ne serait pas en mesure de personnifier l’autre justement parce qu’ils sont tous deux identiques, donc un seul pôle en deux exemplaires. L’autoficteur s’avère donc être le seul en mesure de créer un personnage par procédé de personnification.

« De “Vautoportrait comme mise en scène” à la mise en scène de Vœuvre60 »

Utiliser son propre corps comme médium d’expression possède de nombreux avantages pour l ’artiste. Le sujet est toujours présent et, de plus, il connaît la situation, la tâche à accomplir, l’expression juste qui est requise. Utiliser son corps comme verbe assure également une continuité dans la monstration. L’autoportrait à l’aide de l’image photographique et « l ’écran médiateur (télévision, vidéo, ordinateur,

Internet) met[tent] en réseau les corps sans jam ais qu ’ils ne s ’atteignent autrement que pa r la

rhétorique des discours et de l ’image. Mentir devient le leurre même [ . . . f x ». Et c’est justement dans

cette duperie que réside le fait que toute singularité prend son sens par rapport à l’autre. Pas de copie

58 - MARCHAND, Sandra Grant (2001). Métamorphoses et clonage, Montréal, Musée d’art contemporain, p. 5. 59 - Ibid.

60 - BLISTÈNE, Bernard (1984). Boltanski, Paris, Musée national d ’art moderne, Centre Georges-Pompidou, p. 7. 61 - ANDRIEU, Bernard (2000). La nouvelle philosophie du corps, Ramonville Saint- Agne, Érès, (coll. Réponses philosophiques) p. 32.

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