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Le Theme d'amour dans Les Eygletiere

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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LE THEME DE L' AMOOR DANS LES EYGLETIERE

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Department of French Language and Literature Master of Arts

VACCARO, Giacomo

LE THEME DE L'AMOUR DANS LES EYGLETIERE

RESUME

La première partie présente Lev Aslanovitch Tarassov,

p~us }:::onnu sous le nom d 'Henri Troyat, et ~on oeuvre. Objet de

1 c

la seconde partie de notre travail, Les Eygletière est un roman

psyc~ologique et de moeurs à

la

fois. L'auteur nous montre une famille parisienne con~emporaine dont les membres veulent évi-ter le scandale de leurs passions amoureuses. Malgré les

efforts de Madeleine, la conscience-témoin du roman, cette ehar-pente sociale s'effondre.

Sur ce fond bourgeois· et hypocrite, apparaissent cinq ~

types d'amour occ~dental: l'amour heureux, simple et spontané, où domine l'élan du coeur;

1 ~ l ' ,

l'amour don juanesque où le désir exacerbé,se heurte ... à l'absurde et conduit à la mort;- l'amour

,

voluptueux\, amoral mais sincère; l'amour marqué par le chris-,~

tianisme, avec les déchirèrnents de la consci~nce religieuse

,

-et de la chair; et enfin l'amour-passion, résurgence de la '

~\ ... "" ...

tragédie tristanienne. ....

..

(3)

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,

Chez Henri Troyat,' le po~te s~ble vouloix- prendre le' pas sur le romancier, mais se bute à l,ao::dure réalité de J:a

vie. Aussi, dans Les, .. • ..:n __ • Eygleti~re, le mal danine le (bien confiné

.;

au monde o~irique.

.

~.

En appendice figurent la pibliographie complète de cet écrivain et un relevé quasi-exhaustif des artîcles écrits sur lui ou sur son oeuvre.

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Department of French Language and Literature 'Master of Arts

VACCARO, Giacomo

LE TflEME DE LI AMOUR DANS LES EYGLETIERE

ABSTRACT

The first section of this thesis p~sents the/life and work of Lev Aslanovitch Tarassov, better known as Henri Troyat. The subject of the

is a novel of both

second part of this work, Les Eygleti~re,

Psyc~ogical

and social' interest. The 0 autho~ portrays a conternporary pari~ian ~amily whose ~~bers

attempt to avoid the scandaIs occasioned by their love affairs •

.

In spite of the efforts of Madeleine, the novells perceptive narrator, the social scaffoldery desintegrates.

From this hypocritical background, spring five types of western lo~e: joyous love, simpl~ and spontaneous, dam-inated by lightness of heart; "Don JUan" love in which excessive des ire turns to absurdity and leads to death, voluptuous love, amoral but sincere: love marked by

Chris-v

~ianity, implying perpetual struggle between the conscience and the flesh; and finally passionate love, the return of the tragedy of Tristan.

(5)

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With Henri Troyat, the poet se~s to ov~rtake the

• ' b

~O~list, but, as the fac:~

further, in Les Eygletière,

oe life do not work that way,

.

evil daminates good , which is

[ l

confined to the 'world of dreams.

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The ; th.e complete bibll.oqraphy of

thi:s author

appe~::: ~ontain

and a &l'Qpt at an exhaustive listing of articles ,written about hint or his work.

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LE THEME DE LI AMOUR DANS LES EYGLSTIERE

by'

VACCARO, Giacomo

.,.

__ '1'~~siS'

Su bmit :ted. to'

the Faculty of Graduate Studies and Research McGill University

in partial fulfilment of .t~e requirements _ for the .. degree of

Master of Arts

l" Depa.r'bnent of Fre11-ch Lan9.~age

and Li terature . August 19'73

1 /

1

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Vaccaro •. GfacOIIO : 1974

J' ' .

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(7)

..

* TABLE DES MATIERES

+NTRODUCTION •

. .

.

.

.

.

.

.

. . .

... INTRODUCTION première Partie

.

L' HOMME ET L'OEUVRE

. .

.

. .

1 Deuxième Partie 1 ,

ETUDE DE L'AMOUR DANS LES EYGLETIERE

.

,

. . .

Chapitre premier - DANIEL OU L' AMOOR HEUREUX • • • •

l'

- PHILIPPE OU LE DES IR ExACERBE

Chap,itre II " 1. lie jouisseur. .' • • • 2. L'attrait du défendu.

.

.

.

.

3. La sexual;té névrosée

.

.

.

. .

.

Pag~ ln-5 20 27 40 41 45-49

Chapitre III - ALEXANDRE KOZLOV .00 L'AMANT AMORAL... 53

-Chapitre.IV

:1

1. Le 'fluide charmeur d 'lü'exandre. ' ..

2. te joueur opportuniste. • • " 3. Le pragmatiste l).onnete. • " • • • • •

.

-

.

FRANCOISE 00 L'AMBIVALENCE DE L' AMOOR • '. • • • •

.

.

.

1. L'amour pl atonique.:- • • • . , . • • • • • 2. Patrick le cérébral • •

. .

.

.

.

3. Alexandre'Xozlov ou l'impossible innocence de Françoi e. • • • • • • • • • i i 54 60 64 71 73 BO 85

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(8)

/

c CONCLUSION

.

.

. . . .

.

.

. .

. '. . .

.

.

. .

121 BIBLIOGRAPHIE. • • .. • • • • • • • • • • • • • • • • • 139 /, APPENDICE

A. B~b1iographie d'Hen~i Troyat

.

.

B. Bibliograp~ie sur Henri Troya~ • C. poème de jeunesse d'Henri Troyat

(

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.

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l' , t

. .

. .

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...

150 157 174 ~ '

..

, , , .' ... 'l.~.'

(9)

INTRODUCTION

Présenter Lev Aslanovitch Tarassov, plus connu sous le pseudonyme ~'Henri Troyat, et son oeuvre, sur lesquels si péu a été écrit, ,nous -a'paru dlun intérêt, capital. La pre-mière patbie, ~e nous leur avons consacrée, est le r~sultat

1

d'une laborieuse recherche, car aucun'e étude il 1 ensemble nia

, encore été faite, ,ni sur la" biographie, ni sur -la bihliog.raphie de cet écrivain. Il nous a donc fallu rassembler des, rensei-, gnements épars. Nous tenons

.

à remercier Henri Troyat d lavoir

bien voulu vérifier lui-même la documentation biographique et bib·liographique.

/

c "

Nous avons placé en Appendice A, la bibliographie co~

pIète d'Henri Troyat. L'Appendice B est un relevé quasi

,"

exhaustif des articles écrits sur l'ecrivain ou sur.soh oeuvre. A l'Appendice C se trouve, reproduit int~raleme~t, le poème composé par Henri Troyat dans son adolescence, et publié en , ,

1938, à l'époque où le Prix Goncourt lui est décer~ •. ~

N 1 aurions-nouS' pas quelque peu trahi Henri Troyat, si

nous l'avions présenté sans faire mention de ses parents et de ..

(10)

"

• 2

ses grands-parents: liMes pàrents m' ont tellement pa'rlé de leur' passé, tellement parlé de leur vie en Russie autrefois: je les

interrogeais tellement à ce sujet, je leur demandais tellement

1

de détails • Il ' Peut-être nous aurait-il m~e fallu en

parler davantage. Ces souvenirs familiaux deviennent merveil-leqx à la suite de la rév,olution bolchévique. Cette tragédie, qui marque l'auteur dès l'enfance, joue un rOle essentiel dans sa pensée et son oeuvre. rI en tire une leçon de sagesse qui,

2 J

"dépassant la tentation de l'évangéliste anarchiste", <èst résu-mée par cette phrase profonde: "Si 1 'honune savait à que).

pro-l'

r

digieux concours de circonstances il doit ses rarès heures de tranquillité, s'il entrevoyait la faiblesse de ses protections

i a../

contre le malheur, il tirerait de chaque seconde tout le suc de plaisir qu'elle peut lui donner et chérirait ses proches, cha-que jour 1 conune si 1 demaiJl, ils al1ai.l.t disparattre. ,,3

, '

"

,

lEntrevue au Sel de la semaine, Radio-Canada, Montréal,

1967. C'est nous qui ~oulignons. '

2pierre-Henri Simon, Diagnostic des Lettres Françaises Con~emporaines (Bruxelles: La Renaissance du Livre, 1966), pp. 260-266.

3Henri Troyat, La Gloire des vaincus ," '1"ome III de ~ Lumière des justes (paris: Flammarion, 1961), p. 119 •

,..

(11)

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" 3

Le" lecteur d 'Henr i Troyat retrQuve les--.délices

enfanti-_ enfanti-_ I~~

. \ ct

nes du récit et de l'aventure. A l'origine, le roman troyatien ne correspond qu'à la définition la plus simple du genre: c'est une histoire, un récit, un conte, rien de plus que le fruit de l'imagination. L'auteur avope lui-même: , l . 1 "Je revendique le privilège singulier de n'être qu'un monsieur qui aime raconter

2

des histoi~es"; mais, après quelques années, Troyat enrichit son oeuvré d'intentions nouvelles au contact des ma1tres de la

l~ttérature russe; l'écriture répond alors à un besoin intime

beaucoup plus

pr~tond,

plus

secr~~.

Troyat, "Slave par le fond

et Franc;ais par la forme", 3 n'a pas utilisé Pf3s dons d'écrivain

"

..

.

dans la seule expression du roman; ses biographies, ses nou-velles, ses pièc~ de théat~e, ses récits de voyage, ses repor-tages, ses articles mettent en évidence des pr,éoccu~tions

;

esthétiques, morales, sociales autres que le seul désir de .\ lb. "raconter d~s histoires".

\ "

lc~mme

Boccace, qui s'avoue franchement et simplement conteur.

2Henr i Troyat, Henri Troyat (Paris: Plon, 1952),

p. 6.

3G H' l.gg l.IlS , , "Les Conrad français", Nouvelles

(12)

L'

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4 r;. , c'

Nous nous propo~ons d'analyser dans la trilogie des Eygletière, un thème qui n'a ni agè, ni pa~ie, le compagnon de

" <> 1

route d'une humanité éternelle: l'amour, .' be~ceau du bonheur,

2 ~ , ('j

ruisseau de la vie, torrent de la mort.· Ce sera l'objet de la

seconde partie de notre travail.

~

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IllOn m' a demandé souvent quel était le personnage

pr incipal, q~ mon roman. Je n' ai jamais var ié dans ma réponse: ce personnage, c lest le temps. C. que j lai voulu exprimer en quelques milliers de pages, c'est le ,recommencement des amours, des angoisses, des passions politiques, des erreurs, des fati-gues, 'des, joies et des peines, d'une génération à l'autre. Chacun 'croit être le pr~ier'à vivre une expérience, et il est,

le millième, interprète d'un rOle, vieux éOll1llle 1$ monde. Il 0

Sainte Russie, (Paris: Gr~sset, 19S6)~ p.o22., C'est nous qui

s~ulignons. "

o

2voir la note 3 de·la pate 2 de notre travail.

.

.

(13)

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Première partie L 'HOMME ET L 'OEUVRE / --

.

..

.

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(14)

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Eka tér inodarl

.

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• ?, C'était le nan d'une ville au sud de la province du Kouban. Elle s'appelle mainten~nt'Krasnodar

depuis 1920; les bolchévistes ont effacé ce nom et tout' ce qui

--rappelait le régime bnpérial. "Mais pour Henri Troyat, c'est toujours Ekatérinodar. cette~ille, don~ il est,maintes fois question dans Tant gue la terre durera, est encore animée par le souvenir du téméraire 2 docteur Abessolomoff, grand-père maternel de l'écrivain. Et, pendant que Lydie Abessolamoff,

fille du docteur, jouait lIau cirque dans la grande cour entourée d'une palissade", 3 n~n loin de là, à Armavir, 4 un jeune 'garçon, Aslan ~arassov, s'échappait de la maison familiale pour aller

lcela signifie "don de Catherine", en souvenir de Catherine ~1I, surnanmée la sémiramis du Nord, et que le monde occidental appelait la Grande, impératrice de Russie au XVIIIe siècle: c'est elle qui la fonda en 1792.

2En effet, lors de l'épidémie du choléra en 1892, les habitants d '.Ek.atérinodar accusaient les médecins d' avoir" empoi-sonné l'eau des puits. Pour leur prouver sa bonne foi, le docteur Abessolamoff avait bu un verre de cette eau soi-disant empoisonnée devant une foule sourde aux plaidoyers des méde-cins de la ville, mais sensible aux actes.

3Troy'at, Sainte Russiel p. 12.

4petite bourgade mi-arménienne, mi"'cir~asienne située dans le caucase. ~

(15)

\

7

regarder paltre de vastes trc;>upeaux de chevaux sauvages, dans ce pays d 'herbe haute où s 'étalent les plaines du Kouban. Les

Tarassoff, Russes d'origine

arméni~nne,l

y possédaient

quel-ques terres, une compagnie de chemin de fer et dl importants

~~omPtoirs

de

drap-commerce familial: 2

les Tcherkess • • •

Mais Aslan devait assurer la relève du il lui fallut donc oublier les chevaux,

Après leur mariage, Aslan Tarassoff et Lydie Abessolonoff

s 1 installèrent à Moscou. C lest là que naquit, le premier

novem-bre 1911,3 leur deuxième fils, Lev, qui deviendra vingt-quatre 4

ans plus tard, Henri,Troyat.

lArménie: en arménien'Halstan (pays des seigneurs).

Cette c~trée de l'Asie occidentale, au sud du Caucase, aux

sources de l'Euphrate et du Tigre, forma un royaume indépendant 1usqu'en 1375. Ensuite les Mongols, les Turcs, les Persans se

la disputèrent. Au XIXe siècle, elle tut divisée entre la

Turquie et la Russie. Indépendante de 1918 à 1921. Le pouvoir

soviétique s'y établit et elle devint république socialiste soviétique, membre de l'U.R.S.S.

2cavaliers à bonnet de fourrure et à tunique noire qui

initièrent Aslan au maniement du lasso, a~ prouesses équestres

et à la surveillance des chevaux. •

3Autrem~nt

dit, le quatorze novembre 1911'. En effet,

à cette épeque, le calendrier julien en usageOen Russie

retar-dait de treize jours sur le calendrier grégorien en usage dans le reste de l'Europe •

411

Lorsque je devais publier mon premier livre~ chez

Plon, mon éditeur me mit en garde contre la confusion que

' ' 9

(16)

--•

8

Confié dès l'age de trois ans à une gouvernante d'origine suisse, Lev apprend le français en même temps que le russe.

Il jouit en enfant de la vie fastueuse et insouciante des

bour-

"-geois moscovites. Mais pas longtemps: en février 1917, éclate l'insurrection bolchévique issue du mécontentement social gran-dissant et de la première guerre mondiale. Les Tarassoff vont alors fuir Moscou, traverser la -Ru~sie en zig-zâg et se réfu-gier dans leur vaste propriété du Caucase: mais ils doivent bientôt s'en éloigner et,tout abandonner sur place: la Révo-lution d'octobre et les décrets bolchéviques· sonnent le glas de la bourgeoisie en l'accusant de comploter l'asservissement de ses compatriotes. C'en est fait du bonheur de la famille

"

Tarassoff: c'est l'inévitable exode. Effrayé et excité, le:. petit Lev suit minutieusement les préparatifs': ~:m coud les bijoux et l'argent dans les doublures des mante~ux, même du

pourrai t provoquer mon nom à consonance étrang~re. L'ouvrage risquait d'être pris pour une traduction. Pour mon avenir même, on me pria d'user d,'un pseudonyme.

-La chose vou~ contrariait?

~

aucoup. Il est toujours pénible de se sépareF de son nom.

e retournai le mien dans tous les sens. J'en fis sauter les l es: j'en ajoutai, j'en retranchai. Bref, j'obtins une liste de noms considérable. L'un d'eux me plut: Henri Troyat

C • • . ) Le volume parut sous cette signature. Et j'ai~gardé le nom • • • 11

• Enquête menée par Jacques Hameline, Les Nouvelleà

(17)

\

9

'1

sien; avec quelle fierté allait-il les mains dans les poches,

conscient de sa responsabilité. Lev, qui vient. d'avoir cinq

ans, sera marqué pour la vie par les combats de rues" les fusil-lades, l'angoisse • • • IIJe n'ai que des souvenirs d'enfant

1

assez vagues, fragmentaires et que je n'arrive pas à situer

dans le temps. Mes seuls souvenirs précis se rappot'tént à des

l

moments tragiques de notre fuite de Russie.1I La jeunesse de

Lev va être ainsi .formée par cette lon9u~ 'et pénible

émigra-tion,- à travers la Russie déchirée, qui conduit s~ famille,

entassée dans des wagons à

bes~iaux,2

du Caucase à Tsaritziqe,3

lEntrevue au Sel de la semaine, Radio-Canada, Montréal, 1967.

2l1Au,cours du voyage, le wagon où nous nous trouvions s'enflamma, 'en pleine nuit: des étincelles, provenant des'

èssieux mal graissés, avaient mis le feu à la paille qui pas~

sai t sous la porte. Pas de signal d' al~rme • Certains

voya-geurs hurlaient comme des bêtes, d'a~es s'agenouillaient,

priaient avec ferveur. La chaleur <ievenait suffocante. Ma

mère, affolée se précipita sur mon frère et saisit le petit sifflet qu'il portait en garniture au col de son costume marin. Je la revois, soufflant dans ce sifflet d'enfant, les joues

gonflées, les yeux dilatés par l'épouvante. Un vacar~e d'air

déchiré et de fer battu couvrait cet appel lamentable. Par

mi-r'acle, le train s'arrêta dans une gare secondaire et nous pftmes

sauter sur la voie à travers un ~ideau de fumée. D'autres

épreuves nous attendaient ( • • • )M

Troyat, Sainte Russie, p. 17. C'est nous qui soulignons. 3nevenue Stalingrad. \, Appelée aujourd 'hui Volgograd, de:puis 1961.

(18)

10

,

oü elle embarque pour gagner Yalta en Crimée, puis Constantino-pIe, Venise et enfin Paris: elle y arrive au début de l'année 1920, après deux années de tribulations.

Les Tarassoff s'installèrent d'abord à Passy, rue des Belles-Feuilles. Comme Lev parle français, il est envoyé au lycée Janson-de-Sailly: "Grace aux leçons de ma 'gouvernante

,.

suisse, en arrivant à paris, je parlais le français aussi bien

l

que le russe. Il Mais ses études sont bientot trop lourdes

pour le budget familial. Les Tarassoff vont s'installer en Allemagne occupée, où la vie est "pour rien". Puis ils revien-, nent à Paris et louent un appartement à Neuilly-sur-Seine. Lev

2

entre au lycée past~ur: élève inégal. dont la lecture favorite .e!:?t Le Grand Larousse, et qui excelle en français et en

litté-rature. dans les autres matières, ses résultats ne dépassent [,. guère la moyenne. Quand il rentre chez lui, il retrouve l'univers·

~

slave: on y parle russe, on évoque Ekatérinodar, Moscou, les plaines du Kouban, les Tcherkess:

Bailly.

Lorsque je quit.tais. la classe pour rentrer à la maison, je quittais la France pour plonger en pleine Russie, parce qu'à la maison tout

ITrOya~~e

RUssie, p. 18.

(19)

)

I l

était russe: les conversations, les espoirs, la nostalgie • • • Et j'avais~cette sensation étrange de vivre la moitié de la journée à

Paris, et l'autre moitié à Moscou; j'avançais d'une, démarche un peu boiteuse: un pied sur la réalité française et l'autre sur les nuages rus-ses. • • et pu!', peu à peu, une espèce d'équi-libre s'est établi entre ces deux pays, l'un intérieur, irréel, et l'autre, qui m'entourait et bourdonnait autour de moi. Et peu

r

peu, j'ai compris que je devenais Français.

Très jeune, Lev éprouve l'aspiration vers l'art: "Je rêvais d'une carrière d'écrivain ou de peintre, mais surtou~

d 'é cr~va~n. . r • • cela m'a pris très jeune, vers dix ou douze

ans. Je rédigeais un journal à la main et le prêtais à mes

2

camarades moyennant un sou." Puis il découvrit la poésie et décida de rédiger tous ses devoirs en vers. "J'estimais que

3

c'était déchoir que de s'exprimer autrement." Avec queiques camarades, il fonde, à quatorze ans, un petit journal de

poé-sie. rédigé en vers et intitulé Fouillis. 4 Pendant son ado-lescence, Lev l i t beaucoup, surtout ,les auteurs français du

lEntrevue ~u Sel de la semaine, Radio-Canada. Montréal.

1967.

4Anonyme, "Le Mort saisit le vif, par Henri Troyat", BUlletin de la GUilde du livre, Lausanne, no 362, 1960, p. 385 •

(20)

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'

/

• 12[

dix-neuvième siècle: liMes préférénces à cette époque, allaient

à F a l ub ert, à Balzac, à Stendha~", f 1 . ma~s auss~ . aux é " cr~va~ns

russes profonds, inquiets, mystiques, qui sondent les coeurs et

\ .1

les cerveaux.

Après l'année de philosophie, il entre à la Faculté de

7

droit âe Paris. Pour gagner sa vie, il travaille le soir comme représentant en papier carbone. Son intérêt pour le fonction-nement des mécanismès cérébraux et pour les maladies du psy-chisme, le pousse à suivre des cours de psychologie en même

temps que ses cours de, droit; il visite souvent l'asile

Sainte-Anne.2 Tout

~n

poursuivant les études de la licence en droit, qu'il obtient à vingt-trois ans, Lev continue d'écrire sans vraiment croire à la réussite, relisant de grands auteurs, démontant leurs phrases pour en étudier la structure.3

lEntrevue au Sel de la semaine, Radio-Canada, Montréal,

1967.

2Noêlle Greffe, "Le premier manuscrit d 'Henri Troyat", Les Nouvelles littéraires, le 25 février 1960, p. 1.

~ 3 "Je ne croyais pas réussir, mais je travaillais d lune façon assez curieuse; je travaillais mon style de la façon suivante: je lisais à haute voix,'une page de Flaubert, puis

je refermais le livre et j'essayais de reproduire, par le sou-venir, cette page de Flaubert. Quand j lavais écrit à peu ,près

la même chose, je comparais les deux textes, et j'es,sayais de voir pourquoi Flaubert n'avait pas écrit ce que j'avais écrit". Entrevue au Sel de la semaine, Radio-Canada, Montréal, 1967.

(21)

t,

- - - ; ; . . :

13

A la demande de Nikita Baliev, le fondateur du théatre de La Chauve-Souris, 1 il adapte anonymement, plusieurs saynà~es

o

et le livret de La Contre-Basse, opéra-bouffe d'après un conte de Tchékhov, qui est présenté au théatre-de la Madeleine; Il travaille aussi à son premier roman, Faux-~our, qu'il,signe

. 2

Henr i Troyat, et qu'il achève avant de par tir pour accompl ir . /

son service militaire à Metz, après sa naturalisation. C'est à Metz qu'il éprouve "la première grande émotion,,3 de sa vie: les éditeurs Plon acceptent son premier rom~. Il est encore sous les drapeaux, lorsque ce roman, paru en février, lui vaut le Prix du Roman Populiste, en 1935.

Rendu .à -la vie civile, il devient fondtionnaire à la Préfecture'de la Seine, au service des budgets, et consacre tous ses loisirs à écrire. Le premier manuscrit de Troyat, écrit en 1933 est remis à André Maurois qui le communique à l'éditeur

Plon~ l'histoire d'~ homm~ qui d~viendra fou, parait en 1937,

sous le titre de La Clef de vonte. En 1938, non seulement il

1

Anonyme, "Le Mort saisit le vif, par Henri Troyat", p. 385.

2voir la note 4, p. 7 de notre travail.

' . 3Greffe, "L'a p;remier manuscrit d 'Henri Troyat". p.

f.

c

(22)

-•

14

. . , . 1 . .1

reço~t le Pr1X Goncourt pour son roman L Ara~gne, ma~s ~ se

voit décerner le Prix de Max BarthQu de l'Académie Française

2

pour l'ensemble de son oeuvre. Ses premiers romans sont

·favo-r~lement accueillis par la critique, .qui se plait à

reconnai-tre chez Troyat "une maitrise rare chez un aussi jeune roman-cier",3 et le situe dans la lignée des François Mauriac et JUlien Green, à cause des figures sombres qui hantent ses cinq

1

premières oeuvres. En 1939, à l'approche de la deuxième guerre mondiale, il est mobilisé comme sous-lieutenant et attaché à

l'Intendance, ce'qui ne l'empêche pas de continuer sa produc-

.

tion littéraire avec le recueil de nouvelles intitulé La Fosse commune, av~c des illus~rations de l'auteur. Pendant 1 'occupa-tion, les Allemands iQterdisent la publication de son roman JUdith Madrier.

Henri Troyat ne connait de la Russie, que ce que lui en disent ses parents et les écrivains russes., C'est à cette

, ...,

IOn r~trouve dans ce roman l'univers noir et obsession-nel de la longue nouvelle La Clef de voQte.

".

2 I1 s'agissait alors des qUatre romans: Faux-j~ur, ~ Vivier, qui sera porté à la scène en Belgique, L'Araigne, <'

Grandeur nature, tragédie dont Jean Benoit-Lévy tira le film

Feu de paille, et du recueil de deux nouvelles, La Clef de voQte. c

(23)

15

,

époque~ après a~oir désespérément interrogé sa mémoire et

1 '

celle des siens, que débute son étude, patiente et

émerveil-lée, des maîtres de la litté~ature russe, et qu'il tente

d'ap-procher le mystère de ce peup!e et de retrouver l'ame et la

vie de la vraie Russie, sa terre natale. "La sainte Russie

pour moi qui l'ai si peu connue, c'est,--plus encore que mes

souvenirs, --ce coin de ma bibliothèque où sont rangées les

oeuvres de Po~chkiner de Lermontov, de Gogol, de Dostofevsky,

2

de Tourguéniev, de Tolsto!, de Tchékhov • • • I l Avec l '

achar-nement désolé de celui qui cherche à retrouver le fil d'un

,

rêve interrompu, i l va d'abord faire des recherches sur Dostofevsky, puis sur Pouchkine, Lermontov, Tolstol, Gogol. Que de remarquables biographies vont surgir de ces travaux!

!:

Après avoir écrit dans la préface de La Fosse commune:

"Les longs livres sont pour les paresseux", c ,'est par la

bio-graphie de Dostolevsky que Troyat ch~ge de manière d'écrire:

\ n

il a peut-être évolué depuis 1938, mais surtout, forcé de

l"Je suis arrivé à me construire une espèce de RussIe,

faite de cartes postales, de lectures, de choses entendues cent

'fois ( • • 0.) I l . Entrevue au Sel de la semaine, Radio-Canada,

Montréal, 1967. C'est nous qui soulignons •

(24)

i, '

16

travailler avec une masse impressionnante de documents,l i l fait éclater le cadre qe ses trois cents pages habituel-les, et passe à la peinture de moeurs dans de véritables

fresques historiques: Tant gue la terre durera, 2 Les

Se--mailles et les moissons, La Lumière des justes, ~

Eygletière. A propos de ces vastes architectures,

Pierre-Henri Simon signale: "Je ne crois pas qlf' on puisse faire

mieux dans ce genre (. • .) Il.3

...

-lllJ'écrivais une biographie, c'était celle de

Dostolevsky. Et automatiquement comme il s'agissait de la

biographie d'un tel homme, dlune telle oeuvre, j ' a i été

obligé de briser le cadre des trois dents pages. Il

, Entrevue au sel de la semaine, Radio-Canada, Montréal, 1967.

.

,

,

2Dans ce" roman, qui na1t de la rencontre lIentre un enfant chargé de souvenirs merveilleux et un homme faisant

profession d' écrire Il , Henri Troyat a eu recours lIau capital

de, ses expériences russes ll .

Pl4'

ce roman,. i l rejoint

désor-mais le grand ranan tradi tionnei, osant écr ire à la mesure de son souffle, une oeuvre llqui a le. cours' lent et large d'un fleuve en pays de plaine et dont le temps ,est le personnage

principal.'11 "

Troyat, Sainte Russie,' pp. 11-19-22-23.

3Simon, Diagnostic des Lettres Françaises Contempo-raines, p. 261 •

\

" ,

(25)

... ,

"

.' 17

-t-. ,~

La prolificitél de

l'~euvre

de Troyat,2 où se côtoient des

1J'.

. ..,:..

'

romans, des recueils de nouvelles, des pièces de théâtre, des

ies, n1en affecte nullement la valeur: en 1952, le

Grand Prix du Prince de Monaco est décerné à Henri Troyat,

pour l'ensemble de son oeuvre; par son élection à l'Académie

Il

Française, le 21 mai 1959, au fauteuil de Claude Farrère,

,) avec comme parrains, François Mauriac et André Maurois, Henri

Troyat est le deuxième3 naturalisé à être admis sous la

'Coupole. Avec Henri Troyat, une génération nouvelle est

lHenri Troyat travaille "chaque jour de dix heures

à treize heures, puis de quinze heures" à vingt heures,

debout", conune Victor Hugo et Gogol. "Parce que [dit-il]

je trouve cela plus conunode".

Entrevue au Sel de la semaine, Radio-Canada, Montréal, 1967.

,,'

2Troyat a été décoré

~fficier

de la légion d 'hon- "'\

neur et conunandeur des Arts et des Lettres. Il a épousé, le

23 septembre 1948, Madame Marguerite Saintagne. I l a eu un

fils d'un premier mariage, Jean-Daniel. Michèle, enfant du premier mariage de sa femme, complète la famille Troyat, qui

vit tantôt à Paris, tantôt dans la vieille ferme à

Bromeilles (Loiret),: tantôt sur leur yacht "LEj Rizeye" • . 3Le premier fut le poète parnassien, José-Maria de

Heredia, né à Cuba.

P. Mazars, "Nouveauté sous la Coupole avec Henri Troyat " ,

Le F~garo Littéraire, le 30 mai 1959.

(26)

..

\

~'.

)

::

.,\: ... " . , 0 18 • c

entrée à l'Académie Française: celle des hommes de moins de cinquante ~ que François Mauriac "salue avec amitié et

con-•

fian~e, ert la personne de l'un des plus doués et du plus fécond

de nos Jeune~ . romanCl.ers -. . .. 1 .

J

,>

, ,

IFrançois Mauriac, Le Nouveau Bloc-notes 1958-6G,

(paris: F arion, 1961), p. 204 •

(27)

'.

"" , , ,. ' .

.

.

r

L

Deuxiàme partie

ETUDE DE L'AMOUR DANS LES EYGLETIERE

,

Çf

"

(28)

..

",

INTRODUCTION

"Les hanmes, et les fenunes, tolèrent fort bien que l'on parle d'amour et même, ils ne s'en lassent jamais ( • • • )111

Avec Les Eygleti~re, Henri Troyat rompt avec la manière de ses autres séries romanesques Tant gue la Les Semailles et les moissons, mais surtout de ~a

dernière: La Lumi~re des justes.2 Il ne peut toutefoi~~s'empê-cher d'y glisser un personnage russe, qui détonne d'ailleurs

(J dans le ranan.

Trois tomes--Les Eygletière, La Faim des lionceaux, La Ma1andre--camposent le cycle des Eygleti~re. Ces titres sont

, . .loenis de ~ougemont, L'Amour et l'Occident (Paris: Plon, 1939), p. 6.

2L 'auteur avoue lui-même: "Chaque fois que j'en ai fini avec un groupe de personnages, j'essaye, en attaquant

l'his-toir~ suivante, d'écrire un ranan qui ne ressemble en rien au

préc~ent • .. .

Gilbert Ganne, Messieurs les best-sellers (Paris: Librairie

Acad,~ique Perrin, 1~66), p. 112 •

(29)

21

très significatifs du style d'Henri

~royat,l

et du contenu. Il s'agit de l'histoire de la famille bourgeoise des Eygletière. Elle est composée de Philippe, le père; de sa deuxième femme Carole, qui a remplacé Lucie, la mère des "trois enfants de

Philippe: Jean-Marc, l'aîné, Françoise et Daniel, le benjamin. Lorsque Lucie et Philippe se sont séparés, Madeleine Eygletière, soeur de Philippe, est venue vivre avec "ses neveux et sa nièce jusqu'à l'arrivée de Carole; car Philippe "l 'avait priée de / s'occuper de l'éducation de ses fils, de sa fille {. • .)".2

Pour reprendre une expression de Jean-Marc, Philippe et Carole ressemblent à "deux fauves paisibles ".3 Chacun des trois en -fants, jeunes lionceaux, manifeste, devant la vie, un tel appé-, ti t insoupçonné, dominé par l'amour, que le cr i tique

Jean-4

François Josselin n'hésite pas à voir en eux des

IHenri Troyat est en effet un styliste consciencieux coBUlle en témoignent ces propos: "-Ces problèmes de style ont donc beaucoup d'importance pour vous?

-Beaucoup, j'aime le travail bien fait, la phrase nette, l'adjectif jus.te ••• " Ganne,

Messieurs les best-sellers, p. 117.

1

2aenri Troyat, Les Eygletière, Tom! l (Paris: Fl~arion,

1965), p. 10.

3Ibid., p. 101.

"

4Jean-François Josselin, "Henri ~rbyat est un bon Dieu discret", L'Expre~s, no 821, 13-19 mars, '1967, p. 42.

(30)

f

f 22 1

"Atrides" modernes. Quant à la malandre, c'est la part,ie

pouF-rie dans le bois de construction. C'est aussi, dans notre société, cette famille Eygletière'dont plusieurs membres se " sentent corrompus par la sexualité.

Comme beaucoup de romans de Troyat, Les Eygletière est l'histoire d'un moment de la vie de l'humanité.2 En étudiant les moeurs particulières à ce milieu, bourgeois et contemporain, C

3

qu'il a choisi de décrire, Henri Troyat se devait d'y inclure la vie amoureuse de ses personnages. A travers l'amour, nous voyons en effet définies leurs préoccupations existentielles. L'amour a ceci de particulier, qu'il est, pour l'homme--occiden-tal surtout--, un problème général, dont les répercussions sur la vie individuelle et sociale sont considérables, tout en

IAtrides, du grec ATREIDAI, descendants d'Atrée, princi-palement Agameunon et Ménélas. L'assassinat, le parricide, l 'adul tère et ~'inceste leur ont donné une tr,ag ique célébrité.

2A propos de l'avant dernier roman d 'Henri Troyat,

g

Pierre, la feuille et les ciseaux, son collègue de l'Académie P.H. Simon écrit: "Troyat s'est donné pour spectacle une certaine

décompos~tion mcaaie qui est le tont-venant de la vérité

d'au-jourd 'hui." c

-Pierre-Henri Simon, "La Pierre, la feuille et les ciaeawç d'Henri' Troyat", Le Monde, no '8458, le 24 mars 1972, p. 13.

3uun véritable créateur doit écrire parce qu'il est poussé par une nécessité intérieure ( • • • ) H . Ganne, Messieurs

(31)

restant, pour chaque être, u~ problème bien particulier. Le,

\

but de notre étude est de retrouver, de décrire et d'analyser les différents types amoureux qu'Henri Troyat a mis en évi-dence dans ce milieu romanesque.

Le justice aux

souci de respecter la primauté du texte et de ~endre

personnages,

~

conduit à dégager des Eygletière,

l'essentiel pour nos propos. Nous nous sammes donc laissé

en-trainer dans ce monde fictif d'Henri Troyat. Nous avons tenté

ensuite, de dégager les éléments qui sous-tendent cet univers spacio-temporel. Nous en sommes finalement arrivé à découvrir à travers les personnages, certaines attitudes, fondamentales peut-être, de l'auteur devant l'une des formes les plus complexes et les plus passionnantes de la condition humaine: l'amour.

\ , c

t

Henri Troyat ne se borne pas à répéter dans Les

Eygletière que l'homme ne change pas; que, malgré la variété des

-moeurs et des décors, les caractères déterminants de l'amour hu-main demeurent les mêmes; qu'il est plus d'une façon d'en

souf-, \

~ frir, plus d'une fa~on de le vivre: i l réunit en un seul roman

,

..

r

les cinq grands types de l'amour occidental, qui ressortent de

, 1

l'analyse de Denis de Rougemont. Les personnages des Eygletière

lnenis de Rougemont, Les Mythes de l ' amour~ (Paris:

Gallimard, 1961) et L'Amour et l'OCcident (paris: pton, 1939). Ces remarquables thèses nous ont d' ailleurs beaucoup influencé.

(32)

1

24

vont vivre de façon très personnelle, et tr~s occidentale donc, des expériences amoureuses. Le rôle et l'importance de la

sub-jectivité dans la manière de vivre une expérience nous semblent évidents'. Chez les personnages de Troyat, la valeur même de chaque expérience est fonction de la subjectivité et de la struc-ture individuelle. Quelle expérience humaine, autre que celle de l'amour, exige une participation de l'être tout entier, sous ses multiples aspects: charnel, spirituel, moral, social, etc.?

Il n'y a d'amour que spécifique: aussi, nous avons agencé notre travail selon le rôle de la nature de chaque personnage et la caractéristique qui prédomine en lui.

Dans le premier chapitre·, nous avons cerné l'amour heu-reux du couple Daniel Eygletière - Danielle Sauvelot •. , Ce type d'amour "n'a _pas d'histoire dans la littérature occidentale."l

Le second chapitre porte sur Philippe Eygletière, le Don Juan de ce roman, tel que défini par Denis de Rougemont: tIC test l'infidélité perpétuelle, mais c'est aussi la perpétuelle

recher-, ~ . # •

che d'une femme unique, jamais

y..." ..

rejointe par l'err~ inlassable

du désir. ,,2 Troyat donne à ce personnage une

inteli~ence

vive,

, Ide Rougemont, L'Amour et l'Occident, p. 42. Souligné par l'auteur même •

(33)

(

25

indispensable à la réus~ite de son Cabinet. Mais, dans la con-ception de l'écrivain, cette faculté' est vaine en amour: '''Ceux

-qui parlent de logique, lorsqu'il s'agit d'amour, prouvent qu'ils ignorent tout de la question .nl

Le troisième chapitre est consacré au seul personnage -qui tranche vraiment dans ce roman: Alexandre Kozlov. Par so;u.

origine russe, il est l'unique étranger: mais il est surtout,

~

celui pour qui, ni l'amour, ni Dieu, ne posent de problème. Il s'est débarrassé, tout russe qu'il est, de la mante religieuse du passé. La femme, qu'il prévient d'ailleurs fort honnêtement, n'est pour lui qu'un instrument de plaisir. Il illustre bien

l'individu peu ou pas touché par le christianisme:

..

"Nous voyons qu'en Orient, et dans la Grèce contemporaine de Platon) l'amour

,

h~in

est très généralement conçu comme le plaisir, la simple volupté phys ique ... 2 Par l'absence d 'hor izon temporel, par son mépris du temps passé, et par son amoralisme manifeste, Alexandre Kozlov s'affirme comme un anticonformiste pragmatique.

lHenri Troyat, Etrangers sur la terre, TomelII de la

ê série Tant que la terre durera (Paris: La Table Ronde, 1950) •

2de Rougemont, L'Amour et l'Occident, p. 58 •

(34)

'.

26

Lé quatriàme chapitre étudie la complexité de la nature

sensuelle et religieuse de Françoise Eygletière. L'association

de la sexual~té au péché est bien ancrée dans son esprit: elle

d é l ch ' t " 1

est one marqu e par e r1S 1an1sme. En la personne cérébrale

de Patr:ick, qui vit en être asexué, "elle a rencontré le fiancé 2

idéal." Chez Alexandre, elle trouve l'assouvissement total de

sa sensualité qu'elle avait toujours refoulée. Ces deux

expé-riences s'avàrent bénéfiques à Françoise, car elle lui

p~rmet-tent d'atteindre un équilibre psychique."

Le ciriquième chapitre éclaire les passions de Jean-Marc Eygletière, en monfFant leurs racines profondes dans la légende

tristanienne: "L'amour-passion est apparu en Occident comme l'un

des contre-coups du christianisme (. •

~)

... 3

Ide Rougemont, L'Amour et l'Occident, p. 59.

2Raymond Las Vergnas, "Romans de Conteurs fi, Les Annales

Conférencia, no 176, JU~n 1965, p~ 50.

r

3de Rrugemont, L'Amour et l'Occident, p. 61. Souligné

(35)

, Î

CHAPl:TRE PREMIER

DANIEL OU L'AMOOR HEUREUX

Avec l'aventure amoureuse de Daniel Eygletiàre et Danielle Sauvelot, Henri Troyat insère un roman d'adolescence

,

heureuse dans cette trilogie Les Eygletière. Ils sont tous deux sincères, et ;pleins d,' entrain, surtout Daniel Eygletière qui dit de lui-marne: "Moi, il faut que je vive et que je

f asse v1vre." . , 1 Les deux assertions de cette auto-définition,

"

très pertinente, représentent de fait les deux étapes de sa vie

qui'

s"étalent, l'une avant, l'autre après son mariage heu-reux: "Dany était vraiment l i femme qu 1 il lui fallait. ,,2

Trois événements jouent un rOle capital dans la vie de'Ôâniel en lui apportant la maturité nécessaire à son développement,: harmonieux: son voyage d'étude en COte-d'l:voire qui lui

\

"1

lHenri Troyat, Les Ey9letiêre, Tome III (Paris: Flammarion, , 1967), p. 364.

1

I bid.« pp. 310-311 • 21 / , " __ --"---- _ ~ __ '1....!. >1

(36)

28

permet de s'affir.mer sexuellement, et les deux grossesses de

\

Dany. CI est la première qui est surtout notable à cause de son importance dans le destin amoureux de Daniel. ~ant à la deuxième., elle place Daniel devant des responsabilités maté-rielles et morales qui le poussent à quitter le monde oisif de la philosophie pour celui--actif--du ~avail: il tient à

assumer entièrement ses responsabilité&.

Revoyons cet enchaînement à la lumière du texte.

Avant son mariage, Daniel Eygletière, vit dans ole monde de llaction propre aux adolescents, à la fois sportifs et ré-veurs, idéalistes et ~tes. Il n'a~e pas trop étudier les sciences, car il a en horreur les connaissances qui sont "sans rapport avec la vie réelle" jl il préférerait la philosophie

.

'

mais son père s'y oppose, et Daniel nia pas la maturité néces-saire pour défendre ses idées. Sa juvénilité explique ses

-pensées et ses actions fébriles: i l ne songe qu'à voyager, explorer, danser, écouter de la musique, défier les difficultés de la vie; son monde est peuplé par ses copains, sa famille. Danielle et lui-mGme. Il est nopt~iste par caractè;e et par

1

Troyat,- Les Byqletière, Tome 1, p. 213 •

(37)

-.

. e

29

raisonnement .. ;l Danielle est simple, jolie et gaie. S'ils n'ont que des relations de bonne camaraderie au début, cela est d~ surtout à l'age psychologique de Daniel: c'est un

.)

reveur qui a une peur infantile de demander la permission de

\

voyager à son père; quand il va voir Danielle Sauvelot chez elle, il prétexte une visite à son camarade de classe Laurent,

2

frère de Danielle; d'une "nalveté généreuse", il est complè-tement inconscient des drames qui se nouent autour de lui: ceux de Jean-Marc, de Franço~e, de Philippe et de Carole sur-tout: "Daniel [admirait] leur bonne entente. C'était rare un couple uni, à leur age! Jean-Marc et Françoise, le nez dans leur assiette, ne semblaient pas se rendre compte de la chance qui leur était échue d'avoir de tels parents"! 3

Il est à l'age où il pense qu'il sait et connait tout,

oa

chaque situation est vitale et représente "l'événement le plus

4

important de sa vieil, où la moindre réussite le persuade qu'il vit dans le meilleur des mondes et "qu'il n'y [a] sur terre que

lHenri Troyat, Les Eyqletière. Tome II (Paris: Flammarion, 1966). p. 32.

2Troyat, Les Eygletière. Tome III, p. 338. 3Troyat, Les Eygletière. Tome~I,'p. 281 • 4 Ibid ., p. 328 • .,

(38)

1

des gens heureux".

"""

---'

.

30

Mais surtout, il vit encore cet ~ge où

,

tout est merveilleux, spécialement cette jubilà~,ion "d' appor-ter le bonheur à tant

2 "

d'êtres à la fois", mène s" il est égo!ste. Dynamique, peu romantique, il se préoccupe ~onc

"

davantage de vivre des sensations viriles que d'analyser- \son émotivité ou ses sentiments amoureux pour Danielle, d'autant

\

,

plus que c'est elle qui s'est intéressée à lui la première. \ Il en retire, bien s~r, une fierté certaine, mais il se pas-sionne bien davantage pour sa prochaine expédition lointaine en Cote-d'Ivpire, tout heureux,d'en défier les conditions

dif-"\.

tt)

ficiles ~ec beaucoup d'Qonn~teté.

Ce voyage se révèle un point tournant dans l'évolution psychologique de Daniel, et particulièrement dan~ sa vie amou-, reuse. En effet, il aurait bien aimé coucher avec les filles,

"Danielle par exemple I l 3 puisqu'il commence à sortir avec elle, mais il ,n'était pas psychologiquement pret à passer aux

Cl

actes. car comme il le dit alors lui-même: "Je n'en suis pas

lTroyat, Les §Y9letière, Tome l, p. 278.

2 Ibid., p. 328. 3Ibid., p. 214 • (j • • :;

1

\ \

J

/

, ,

(39)

\ \

---31 1 l

encore~ Puis, plus le temps 1>assait, plus n[Danielle]

était présente dans tout ce qu'il pensait, dans tout ce qu'il étudiait",2 à un point tel qu'''il [en] sentait battre son

3

coeur" pour elle. Il était devenu plus délicat, plus attentif

à son égard: même en son absence, i l aimait prendre telle atti-tude parce que "ce geste, il l'avait remarqué, plaisait beaucoup

à Danielle.n4 Il avait revé souvent à elle dans sa chambre. Malgré cela, même si leur relation avait dépassé le stade de l'amourette, elle n'avait pas encore atteint le palie~ où le coeur l'emportait sur la raison: un jour qu'ils se trouvaient assis, face à face, dans un bistrot, il "la contemplait

et songeait: 'Elle m'aime, je l'aime! 1 mais aucune

tempête ne se levait en lui.IIS Lorsqu'il confirma son départ

"

~inent à Danielle, elle devint triste. Il était fier de voir qu'elle se désolait de son éloignement et regrettait de n' avoir pas couché aveC elle, car "un voyage par mer est deux

ITrOyat, Les Eygletière, Tome I, p. 214.

2Ibid., p. 226. 3Ibid • 4Ibid., p. 332. SIbid., p. \220 • \ \( . f /

(40)

1.. , r

{

/

3-2 (

abandonne sur le rivage une fois plus beau lor~que,l'homme

1

ma.ttre5se ép~orée".

cf

'- Mais s ' i l ne

i'

avai t:,Pas fait, c'est qu' il o ~tai t

inexpér imenté: il tenait absolument à ce que sa première expérience sexuelle avec Danielle f~t une réussite, et i l était convaincu que cela ~pliquat qu'il ne f~t plus vierge, car "d' après ~ ée

'U'

il savait de l ' amour physique-~.et il en

,

savait pas mal!--il fallait que l'un des deux p~rtena~res au moins

~

ellt quelque expé"rience de la chose". 2

)

S'il ~ tellement hate de partir, c'est d'une part l'attrait- de l'aventure, mais aussi le doux espoir d~ perdre

-' i

sa vir<iinité sur le navire ou en Afrique, non par vice--" i

,

~

Danielle pour autant .. 3-- ,,,,,mais" bien plu ot n'oublierait pas

,

pour revenir un hamne "su-ffisanunent m\lri pour être son amant

4

et pour la protéger". Ce n'est pourtant pas l'occaslon qui lui avait manqué avant son voyage: Il ( . • .' . ) Catherine Hoche,

/

r

cette copine de Debuquer qui lui avait fait des avances ~t qui,

.1

lTroyat, Les EV91etière I r Tcçe l , p. 3~ •.

""~ 2 Ibid • 3Ibid . , p. 325 • 4Ibid,.

. .

-"

(41)

••

3-3

elle! se laissait sauter par n'importe qui (mais il.n'avait

(

pas voulu, par fidélité envers Danielle'!) ":1 il avait bien ,pensé aussi aux putains, mais son "atne si nOble,,2 et la

bassesse de ce désir onéreux l'en avaient 'empêché: Il Il n'allait pas flanquer en l'air une partie de ses économies pour pass~r dix minutes avec une personne qui ne lui était

• 1 3

rl.en. "

C'est lors de son voyage qu'il va acquérir cette ini-tiation sexUelle si importante pour son ~anouissement per-so~nel et pour le succès de ses amours avec Danielle.

L'importance qu'il attac~e à cette émancipation, est mise en

.

.,

évidence par l'empressement avec lequel i l en parle ~ son frère Jean-Marc, venu

..

couché avec une bonne

le chercher à Chateaudun: Il ( • • . ) J ' ai

fermne", à Aëidjan. ( • • • ) Une Blanche. La veuve d'un forestier: Je lui ai tapé dans l'oeil. Ah! ça n'a pas tra1né! .. 4

(42)

..

{\

34

Lorsqu'il revoit Danielle, leurs sentbnents réciproques Si avèrent plus forts que jamais. Mais queique chose a changé

dans la vie de Daniel depuis son voyage: i l a connu le plaisir

sexuel et ne peut plus sien passer. Il se sent devenu homme.

1

Danielle lui apparatt comme une "pauvre gosse". Avec elle,

il souffre d'abord de la folie des grandeurs: i l se sent

2 tellement supérieur à elle qu'il songe à "ranpre par amour",

c

pour ne pas la faire souffrir en demeurarit avrc elle, car elle

est si jeune e~ si vulnérable. +1 se dit ensuite qu'il perd

son temps avec elle, car "il ne pouvait pas rester camne' ça 3

( . • • ) avec cette obsession qui le tiraillait par en bas" ..

Mais i l l'a~e. Malgré ses fortes tentations, i l lui reste

fi'dèle et la respecte: un jour qu 1 i l l'avait amenée chez lui,

il était venu bien près de la prendre. Il connat~ alors le

corn-bat du désir contre ses valeurs. Son !me noble avait g~gné

cette manche: liMais i l n'avait pas le droit. Elle était trop

jeune, elle é~ait vierge, elle était la soeur de son copain

4

Sauvelot"; mais elle ne devait pas toujours gagner. Peu de

l~royat, Les Eyqletière. Tome II, p. 94. 2 Ibid. , p .. 49. o ) 3 . Ibid. 1 p .. 93. 4 J;b!d,.' p. 90. \ .1, ~r·,..

(43)

35

temps après, Daniel demande à Jean-Marc la clef de sa chambre

pour y aller avec Danielle car, lui dit-il, "elle a compris que ce n'était plus possible de rester comme ça, sur les

hors-d'oeuvre. Et moi, je ne tiens plus le coUp. J'ai envie de

tout casser. C'est pas

~umain!

.. l

Pou~

Daniel, la sexualité

fait maiqtenant partie intégrante de l'amour humain. En dépit

du grave cas de conscience que lui pose le fait de coucher avec la soeur d'un copain. Danielle devient sa maîtresse.

Dès lors, i l redouble de tendres$e et d'amour et ne lui re~use plus ri~n. • • Même pas le sacrifice de vendre sa guitare, tous ses livres et tous ses bibelots quand il s'agit

d'accumuler la samme nécessaire ~r payer l'avortement de

Danielle. Danielle enceinte! Cette réalité met Daniel,

d'ordinaire si insoucieux du lendemain, dans une situation

très embarrassante. Sa première réaction avait été pour la

"

solu~ion facile; mais son dépouillement est inutile car, par;

amour pour lui, elle décide finalement de garder l ' enfant. Ce

revirement de situation entraine une conséquence qui affole

Daniel au début: se marier! Il a soudainement peur de la

réaction de son père; i l est pris de panique parce qu'il n'a

lTroyat~~-ies EY91etière, Tane II, p. 129.

1

'~

(44)

36

pas de travail. Mais de toute façon, ne pas abandonner "Dany"--comme il l'appelle désormais-- est pour lui un point

dl honneur d'autant plus qu'il est très heureux avec elle: "Elle est for-mi-dable! Toujours gentille, douce, comme on veut! On

se comprend sans, rien se dire! QUand je suis avec elle, il n'y a jamais de problème. Tous les coups durs, je les encaisse avec le :;ourire. Tiens, là, j'ai loupé.m,on bac. Je devrais stre emmerdé. , Et bien! parce qu'on s'aime, elle et moi, ça glisse! .... 1 Cet incident permet donc à Daniel de prendre en main ses responsabilités, qu'il avait d'abord écartées, et de décider de son destin amoureux.

En se mariant, Daniel acquiert la liberté de passer de l'étude des sciences à oe11e de la philosophie. _ Son état

d' hamne marié et de futU,r père_,lui donnent l'assurance d'avoir la maturité indispensable à la compréhension de cette

disci-"

pline,qui lui appara!t si précieuse., Comme le dit si bien le critique Jean-François Josee1in: "Le benjamin, Daniel, pré-pare avec une égale application l'art ,de philosopher et celui

2

d' Stre papa." Amour et philosophie, font bon ménage dans la vie

lTroyat, Les Eygletière, Tome II, p. 232.

2Jean-François Josselin, "Henri Troyat est un

bbn

dieu discret", L'Express, no 821,13-19 mars,l967,

p.

42.

(45)

~

37

~

o

cOOlbléeode Daniel: "N'était-il pas merveilleux de pouvoir ainsi analyser et expliquer les moindres gestes d'un être

. é 1

aun ?" "Dany" est dans tous ses projets, dans les décors de

tous ses rêves, dans sa vie entière. Il lui est dévoué: quand elle accouche la première fois de Christine, "pour rien au monde il n'e~t laissé Dany avant que tout f~t terminé pour

2

elle". Rien n1apparatt trop beau à Daniel quand il s'agit de faire plaisir à sa femme. Transporté par son nouveau bon-heur de pèra,' Daniel rêve--une fois de plus--de paiK et de joie

.~

familiale, universelle: "[Je] leur [rendrai] à tous ~e goQt de

• 1 3

v~vre 1; il tente avec beavcoup d'enthousiasme--une fois de

plus--de réconcilie~ les membres de sa famille:

"J. . .)

Il-méditait ce projet avec une exaltation croissantell;4 e11 vain.

Vivre aux crochets de ses beaux-parents, constitue la seule dmbre à son bonheur conjugal. Il a en effet installé son ménage.dans la seule chambre de Da~y. cela les oblige )0 à

faire toujours l'amour en silence, sous les draps. Comme cela

lTroyat, Les E:L9:letière, Tane I~I, p. 43. 2 Ibid • , p. 63.

~

3 Ibid • , p. 340. /

4 Ibid.1. p. 37.

(46)

Or

38

est contraire à leur spontanéité! L'aide financière que leur

apporte son père depuis la naissance de Christine lui per.met enfin de participer aux dépenses qu'ils occasionnent à la

famille Sauvelot; mais c'est tout. Aussi, lorsque Laurent

Sauvelot se marie--par obligation morale--et vient s'instal-1er chez ses parents, Daniel se décide à déménager dans le

vaste appartement cossu de son père. cette dépendance continue

de le gêner; son oisiveté l'inquiète sérieusement: il s'en

veut d'avoir vécu avec légèreté, en cotoyant la philosophie, l "sans se soucier d'améliorer l'existence de ses proches" •

...

Déjà, à la mort de Jean-Marc, Daniel avait commencé à réaliser

la vanité de la philosophie: "La philo, c'est bon pour les

gens qui ont le temps de rêver! ,,2 Mais maintenant avec Dany

qui attend un second bébé. • • Il est grand temps d',agir.

~

La principale qualité de Daniel tient dans l'opinion morale

l'

qu'il entend conserver de lui-même. Aussi reconna!t-il,

dans son for intérieur, avec beaucoup de modestie, avec une honnêteté remarquable,qu'''il [avait triché] avec ses devoirs de mari, de chef de famille, [qu]'il trichait avec la vie

quotidienne. Fini, tout cela! A p~rtir de cette minute,

o

l

Troyat, Les Eygletière, Tome III, p. 340 •

(47)

39

il assumait e tièrement ses responsabilités. Déjà, il se sen-tait propre, précis et utile".l Ml! par ses respon,abilités financières, par le profond respect de sa personne et par son rOle de chef de famille, il cherche et trouve un emploi per-manent. Jl s'arrange pour continuer ses études: elles sont indispensables à son éventuelle promotion, elle-même

néces-"

s~re au bien-Gtre des siens.

Et, fier de son bonheur qu'il construit et de sa fa-mille grandissante, Daniel, caume toujours exulte, "méditant

~

sur l'importance de la femme, qui distille pour l'homme tous les sucs de la vie ( • . . }".2

Enfin épanoui, Daniel prend en main son ménage avec une assurance énergique, se laissant volontiers guider et inspirer par sa femme bien-aimée: "Un mélange de tendresse et de fermeté. Pas de salut pour-un couple hors de la direc~ion unique. L'épouse en figure de proue et le mari à la barre".3

lTroyat, Les Eygletière, Tome III, p. 340, C'est nous qui soulignons.

2Ibid •

(48)

·\

CHAPIT~ II

PHILIPPE OU LE DESIR EXACERBE

-"C'est la joie de vivfe. cette chasse continuelle! "

Si Philippe réussit sa vie professionnelle de façon remarquable, on ne peut malheureusement pas en dire autant de sa vie amoureuse. A part les deux passions qui l'ont déqidé à

se marier, toute la vie adulte de Philippe semble refléter l'épicurisme par ses manoeuvres voluptueuses: "( • • • ) Un hanme aimant doit aller 'de femme en femme s'il veut gO\tter

i

pleinement le charme de la féminité. .. 2 Or Philippe se rend finalement compte que cette façon de vivre est due à sa nature sexüelle maladive: il n'éprouve de désir érotique qu'en

lTroyat, Les §rgletière, Tome l, p. 61. C'est nous qui soulignons. 2 ' Ibid., p.

\

\

ft 40 \

0

\

.

,. " ~ I?

(49)

41

l'absence de la femme qu'il convoite. Cette prise de

cons-cience-de sa solitude dramatique dans l'amour entraine son suicide réfléchi.

'1. Le jouisséur

Vivre pour lui, jouir le plus possible, telle est la première règle de sa morale. Après de nombreuses liaisons, il avait rencontré Lucie. Philippe se maria sur un cOdp de tete: il était amoureux. ()lelle leçon de misogamie pour

lui~ Il se fera un devoir de l'inculquer à Jean-Marc:

"Méfi~toi, mon vieux. ( • • • ) Si tu tombes amoureux de l'une d'elles, tu es cuit. Le mariage! La prison parfumée! Ta carrière à l'eau! Sans compter toutes les occasions perdues! -Il faut être idiot ou à dem~ ~puissant pour se consacrer à

une seule femme quand on a

1

1 '

leurs! Il \ , Non seulement il

l'enseigne à son fils 'tné.

ton àge. Et marne plus tard,

d'ail-"

pratique le libertinage, mais il Il avait mis du temps à divorcer de Lucie qu'il détestait "dans son rOle de mère insatiable! .. 2

\

v

, ,

1

Troyat, Les Byg1etière, Tane l, pp. 60-61.

2Ibid ., p. 206 •

'r

, ;:;

(50)

42

Jouisseur avant d'etre père de famille, il lui reprochait de

faire passer l'enfan~~ent avant l'amour. Très sensible à

la beauté physique de ta femme, i l ne désirait plus Lucie «f

depuis sa première gros~esse déjà. Il s'était donc mis à la

.tranper.

,

QUand elle l'avait quitté pour se remarier, il avait

,

épousé la cha~ante et séduisante Carole, beaucoup plus jeune

que lui. Dans ce deuxième mariage, sa bonne volonté cèd~ à

sa nature donjuanesque.l BientOt, mène si Carole est "plus

jolie assurément, d'ut esprit plus délié et d'une 'autre classe'! ,,2 que Lucie,même si elle ne désire pas d'enfant de

o

peur d'etre défo~ée, mène s ' i l la trouve coquette, i l souffre

néanmoins de la voir manquer d'~a9ination voluptueuse. Le

mystère de l'inhabituel les attire donc à nouv~au, son plaisir

et lui, loin de sa femme: "Depuis cinq ans que je suis marié

;

avec Carole, il est normal qu'elle ait perdu pour moi

l'at-, 3

trait de la nouveauté." Cette recherche de l'érotisme dans

le Fhang~ent, trait essentiel de l'amour chez Philippe, est

1

lvoir note 2, page 24 de notre travail.

2Troyat, 'Les Bygletière. Tome I, p. 69 •

3 Ibid ., p. 121.

• 1

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