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Les poignards à retouches parallèles couvrantes sur préformes polies en silex de Forcalquier dans la zone nord-occidentale de la Méditerranée

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Academic year: 2021

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Résumé

En Méditerranée nord-occidentale, les lames de poignard en silex à retouches parallèles couvrantes « en écharpes » sur préformes polies représentent les produits d’un artisanat spécialisé. La caractérisation des matériaux siliceux qui ont été utilisés pour les fabriquer permet de distinguer plusieurs centres de production bien connus par ailleurs pour d’autres productions lithiques ample-ment diffusées. Il apparaît donc que ces poignards lithiques sont les produits les plus sophistiqués qui circulaient et donc ceux qui étaient à même de concurrencer les premiers poignards en cuivre. Parmi ces productions lithiques, celles en silex brun ambré ou rubané de la région de Forcalquier sont les plus nombreuses et les plus variées. Le but de cet article est d’en présenter la diversité morphologique et la distribution géographique des types. Ce classement est ensuite confronté aux données contextuelles et suggère des interactions avec les paramètres chronologiques et surtout des influences nettes du registre des diverses productions métalliques contemporaines. Ces poignards lithiques, d’abord à languette tripartite, ont évolué très rapidement vers des formes à languette bipartite courte, s’inspirant des emmanchements rigides des lames en cuivre importées ou locales.

Abstract

In the north-west Mediterranean, the flint dagger blades with parallel, ‘ripple-flake’ retouch covering their entire surface, made from polished roughouts, represent the products of technically-accomplished, specialist flint-workers. The characterization of the siliceous materials that were used to make these dagger blades allows us to identify several centres of manufacture; these centres are already well known for their other lithic products which are widely distributed. It appears that these daggers are the most sophistica-ted objects to circulate at that time, and that they were able to compete with the earliest dagger blades of copper. The most abundant and varied of the daggers are those made from the amber-brown or banded flint of the Forcalquier region. The aim of this article is to describe the morphological diversity and the distribution of the various types of flint dagger. The typological classification is combined with contextual and chronological information to suggest that there were distinct influences from copper dagger design. The early flint dagger blades with their tripartite tang evolved quickly into those with a short bipartite tang, under the influence of the rigid hafts associated with imported or locally-made copper dagger blades.

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Jean vaquer1, araceLi MartÍn CÓlliga2, Joaquim Juan-Cabanilles3, marc bordreuil4et phiLippe galant5*

1. UMR 5608 Traces, CNRS/EHESS/Université de Toulouse, Maison de la Recherche, 5 allée A. Machado F-31058 Toulouse cedex 9. jean-sebastien.vaquer@orange.fr

2. Responsable Pla d’Espais de Protecció Arqueològica Servei d’Arqueologia i Paleontologia, Direcció General del Patrimoni Cultu-ral c/ Portaferrissa, 1-3, E-08002 Barcelona. amartinc@gencat.cat

3. Servei d’Investigació Prehistòrica, Museu de Prehistòria de València. Carrer de la Corona, 36, E-46000 València. joaquim.juan@dival.es

4. Conservateur de musée honoraire, boulevard du Midi F-30100 Alès. mc.bordreuil@wanadoo.fr 5. Ingénieur d’études, DRAC du Languedoc-Roussillon, 5 rue de la Salle l’Évêque F-34000 Montpellier. philippe.galant@culture.gouv.fr

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C’est au Néolithique final/Chalcolithique que les poignards en silex font leur apparition en Médi-terranée nord-occidentale. Généralement, ils appa-raissent comme des substituts des poignards en cuivre encore très rares et peu diffusés au IVe

mil-lénaire avant notre ère. Ils ont pu donner lieu au développement d’ateliers établis à proximité des affleurements de silex dont la quantité et la qua-lité étaient suffisantes pour le développement d’un artisanat spécialisé. S’il reste difficile d’assigner une provenance précise aux premiers poignards de cuivre qui n’étaient pas obligatoirement produits sur les sites miniers, la production de ceux en silex s’inscrit dans des chaînes opératoires concernant d’autres produits (lames, faucilles, etc.) qui néces-sitent un approvisionnement massif et régulier en matière première, ce qui implique une situation à proximité des gîtes. Les échelles de perception des structures de production sont donc différen-tes pour les exemplaires métalliques qui n’autori-sent qu’une vision au mieux régionale et pour les exemplaires en silex dont les aires sont souvent très localisées et circonscrites à des formations géologiques délimitables. En effet, le silex grâce à ses caractéristiques pétrographiques et micropa-léontologiques peut être généralement identifié et attribué à des zones sources localisables. De plus, pour le silex, certains caractères techniques recon-naissables, qui permettent parfois les restitutions de chaînes opératoires plus ou moins complètes, font figure de sortes de marques d’ateliers qui permettent d’aller plus loin dans l’identification des diverses catégories de produits au sein d’une même zone de production.

En fonction de la disponibilité de la matière première, diverses options techniques sont pos-sibles pour la fabrication de poignards. Dans certaines régions, comme le massif du Gar-gano en Italie, ou en Provence, les traditions de productions de grandes lames par pression au levier ont conduit à une quasi-hégémonie de cette option technique pour l’obtention des préformes (Guilbeau 2010). Dans les Préalpes

de Vénétie, ce sont les productions bifaciales sur gros éclats qui ont été privilégiées (Mottes

2006). Dans d’autres régions, comme sur les bas-sins oligocènes de Salinelles et de Collorgues dans le Gard (briois 1990) ou dans le bassin de

Mont-les-Étrelles en Haute-Saône (HoneGGer

2001), le choix s’est porté sur des silex en fines plaquettes. Ailleurs et tout particulièrement au Grand-Pressigny (Indre-et-Loire) ou dans ses ateliers satellites d’Aquitaine et du Vercors, c’est le débitage de grandes lames en percussion indirecte qui a constitué le caractère marquant des productions (PeleGrin 2002).

Le façonnage des poignards révèle d’autres spé-cificités qui sont en général adaptées au type de support utilisé. Ce façonnage est plus ou moins sophistiqué pour les lames qui n’ont pu dans cer-tains cas recevoir que de simples retouches de régularisation de la pointe ou de dégagement de la languette, ou bien recevoir des retouches cou-vrantes sur une des faces, parfois couplées à un polissage plus ou moins poussé. Ce polissage intervenant entre des séquences de retouches dif-férentes est assez fréquent sur les supports de pla-quettes où il apparaît souvent comme un moyen de supprimer des plages centrales de cortex plus ou moins épais et rugueux. Dans ce domaine du façonnage, le nec plus ultra est constitué par les retouches parallèles couvrantes, « transverses », en « écharpes », ou plus rarement « en chevrons », réalisées après polissage intégral et qui apparais-sent comme des sophistications suprêmes, nul-lement nécessaires à l’efficience de l’arme, mais réalisées plutôt pour des raisons d’esthétique et de marque de distinction.

1. L

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Les retouches « plates parallèles et couvrantes », qu’elles soient transverses, « en écharpes » ou en chevrons dites aussi « en pelures », sont carac-téristiques d’un mode de retouche par pression selon les nomenclatures analytiques de plusieurs auteurs, notamment F. Bordes (1947) et A. Leroi-Gourhan (1964). Cette qualification a des équi-valences avec le terme anglais « ripple flake » = « retouche en vague » utilisé notamment pour les couteaux gerzéens de l’Égypte prédynastique sur lesquels c’est la régularité et le parallélisme des retouches qui priment, étant entendu qu’elles peuvent tout aussi bien être transverses qu’ « en écharpes ». En fait, ces caractères typiques décou-lent d’une chaîne opératoire très sophistiquée qui implique le polissage intégral de la face destinée à recevoir les retouches de façon à exercer les pres-sions sur une surface convexe régulière ; de plus, la régularité et le parallélisme des enlèvements sont obtenus par une technique particulière de retou-che par pression qui a été analysée et restituée par Kelterborn (1984). Cette technique implique que les retouches soient faites en continu dans un seul et même sens (comme les aiguilles d’une montre ou en sens inverse et toujours avec la même orienta-tion de la pièce), car l’effet « en vague » est obtenu par le fait que chaque nouvelle retouche recoupe la

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moitié de la précédente. Pour ce faire, la pression au compresseur à pointe de cuivre est exercée sur l’arête guide inférieure de l’enlèvement déjà effec-tué. Pour la réussite de l’emploi de cette technique, le contrôle de la force de pression et de l’inclinai-son de la pièce doit être optimal, de même que la régularité des préparations de points de pression des micro-indentations qui parachèvent le travail sur les tranchants.

Ces difficultés sont telles, que la retouche cou-vrante parallèle sur face polie est une rareté dans les cultures chalcolithiques. Dans l’Ancien Monde, outre l’Égypte prédynastique, elle n’est attestée que dans peu de régions : l’arc du Nord-Ouest méditerranéen, une partie de l’Europe océanique dépendant des réseaux de diffusion de lames en silex du Grand-Pressigny, quelques ateliers ayant produit des poignards sur grandes lames en silex du Bartonien du Bassin parisien et surtout le Néo-lithique final du Danemark et de la Scandinavie. Dans ces régions, les prouesses techniques des tailleurs de silex sont allées jusqu’à la réalisation de poignards à retouches couvrantes parallè-les s’étendant d’un bord à l’autre des préformes polies (nunn 2006). Il ne fait guère de doute que

ces productions sont le fait de spécialistes de très haut niveau travaillant pour des personnages dis-tingués dont ces poignards étaient l’apanage. Ces poignards remarquables étaient sans doute reliés à une fonction sociale particulière et ne se trouvent que rarement, le plus souvent dans des tombes et associés à un nombre très restreint d’individus.

2. L

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En Méditerranée nord-occidentale, l’existence de poignards à retouches parallèles couvrantes réali-sées sur préforme préalablement polie est connue depuis la fin du XIXe siècle ; il en a été signalé

quelques exemplaires : dolmen du Chardonnet, La Canourgue en Lozère (de Malafosse 1869), dolmen

de La Blachère, Lanuéjols en Lozère (de Malafosse

1873), avant que le lien entre les deux techniques ne soit réellement compris. C’est à partir des trou-vailles du site de Duruthy, à Sorde-l’Abbaye dans les Landes, que le polissage de la préforme a été considéré pour la première fois comme une pré-paration « à la retouche ondulée » par Lartet et Chaplain-Duparc (1874). Malgré la multiplication des découvertes dans diverses régions et sur des pièces en silex différents, aussi bien en Ligurie

(issel 1892, Morelli 1901), que dans le sud-ouest

de la France (CartailHaC d’après PotHier 1881) ou

en Languedoc (Héléna et Héléna 1925), voire dans

le nord-est de l’Espagne (VilaseCa anGuera 1940,

1964-65 et 1973), la relation entre ces productions de très haut niveau technique et les principaux centres de taille de pièces lithiques est longtemps restée mal connue.

C’est au centre de production de lames du Grand-Pressigny que la majeure partie des poignards à retouches « en écharpes » a d’abord été rapportée

(déCHelette 1908), leur ample diffusion ayant été

confirmée plus récemment (Mallet 1992). Pour le

centre de la France, G. Richard (1975) a été le pre-mier à souligner que les retouches « en écharpes » n’étaient pas seulement sur des lames en silex du Grand-Pressigny, mais aussi sur des lames en silex régionaux. Pour le midi de la France, c’est J. Courtin (1974) et G. Sauzade (1975) qui ont établi le lien entre les poignards à retouches « en échar-pes » et dos polis en silex brun ambré et les ateliers de production de grandes lames en silex lacustre de la vallée du Largue dans le bassin oligocène d’Apt/Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence). L’hypothèse selon laquelle quelques poignards à retouches parallèles couvrantes puissent être réalisés sur des silex en plaquettes a été émise à propos de deux pièces de la grotte de l’Amaga de la Dona à Baixas, Pyrénées-Orientales (CaMPMajo

1980, baills et al. 1987) et confirmée plus

récem-ment par l’analyse d’un fragrécem-ment de poignard du dolmen du Pech à Saint-Antonin-Noble-Val, en Tarn-et-Garonne (Pajot et al. 1996, fig. 24, n° 8) qui

est réalisé sur une plaquette de silex (briois 1996).

L’utilisation de silex en plaquette pour un poi-gnard à face polie et autre entièrement retouchée par des enlèvements « en écharpes » est d’autre part évidente sur la pièce de la grotte sépulcrale de Cau d’en Serra de Picamoixons, Valls, Tarra-gona en Catalogne (VilaseCa anGuera 1940,

1964-65 et 1973). La réalisation de poignards sur silex barrémo-bédoulien du Vaucluse n’a jamais été très importante. Un seul poignard à retouches couvrantes sur surface préalablement polie a été signalé comme étant réalisé dans ce matériau (HoneGGer et de MontMollin 2010).

Il apparaît donc que les beaux poignards à retou-ches « en écharpes » sur préforme préalablement polie ne sont pas exclusifs d’un seul centre de pro-duction mais qu’ils s’inscrivent dans un contexte hautement compétitif. Toutefois, cette technique très sophistiquée, qui devait conférer une forte plus-value aux pièces, n’est attestée que dans un nombre restreint de centres de productions, notamment celui de Forcalquier qui a eu le plus

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fort rayonnement en Méditerranée nord-occiden-tale. Dans ce contexte, pourtant diversifié, on ne dispose que de quelques études à objectifs essen-tiellement typologique et chronologique, mais peu de propositions ont été faites sur la structuration des réseaux de production et de diffusion et sur les évolutions techniques que ces productions ont pu avoir. Par ailleurs, on ne sait pratiquement rien sur les relations et influences que ces centres de production ont pu avoir entre eux ou par rapport aux autres productions techniques, notamment celles de la métallurgie. L’objectif de cette étude est donc triple : premièrement il s’agit de discriminer les productions de Forcalquier par rapport à celles des autres centres identifiés, ensuite de connaî-tre la variabilité de ces productions de Haute Provence et de tenter de savoir si elle résulte de paramètres chronologiques et culturels traduisant des évolutions ou des influences, enfin d’analyser les ressemblances possibles avec les productions métalliques contemporaines de façon à cerner les interrelations entre ces deux sous-systèmes tech-niques qui ont alimenté les réseaux d’échanges à grande distance.

3. L

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Les poignards en silex lacustre, brun ambré ou rubané, attribués à l’Oligocène du bassin d’Apt-Forcalquier (en fait plus précisément, la vallée du Largue, affluent de la rive droite de la Durance), ne sont qu’une composante des productions de cette région de la Haute Provence qui comportaient aussi de nombreuses grandes lames, obtenues par pression au levier mais également en partie en per-cussion indirecte. Ces grandes lames ont été elles aussi diffusées à très grande échelle en Méditerra-née nord-occidentale, soit comme supports bruts, soit sous des formes plus ou moins transformées (renault 1998, 2004 et 2006).

Ce silex peut présenter plusieurs aspects qui varient selon la localisation de l’extraction des supports laminaires au sein des nodules de silex. Dans le faciès de la zone de Pary à Saint-Michel-L’Observatoire dans les Alpes-de-Haute-Provence, ces derniers ont une forme en galette circulaire et sont volumineux (jusqu’à 50 cm), avec un cor-tex pelliculaire fin et trois principaux microfa-ciès internes. La zone sous corticale, très homo-gène, est totalement silicifiée sur 2 à 4 cm, brune translucide ambrée ou plus sombre, avec sans doute des plans internes de cristallisation qui donnent à l’éclatement des ondes longitudinales

parallèles au grand axe du nodule. Vient ensuite, sur 4 à 6 cm, une zone brune qui est zébrée de rubans concentriques beiges formés d’accumu-lations de débris de très fines tiges de characées orientées (nappage dû à des variations de cou-rant ?). Le cœur du nodule est plus grenu et opa-que, riche en bioclastes et moins bien silicifié. La caractérisation pétrographique de ce silex et des autres variétés du bassin oligocène de Forcalquier a été proposée par S. Renault et C. Bressy (2007). Les poignards en silex de Forcalquier appartien-nent à plusieurs morphotypes définis au départ dans la zone provençale, mais qu’il faut main-tenant insérer dans une classification plus glo-bale puisqu’on est en mesure de les reconnaître, même lorsqu’ils ont été exportés loin du bassin de la Durance. Ces poignards ont été réalisés selon des modes de façonnage plus ou moins sophisti-qués qui peuvent tout aussi bien correspondre à des normes des producteurs qu’à celles des impor-tateurs de lames. Il est évident que les modes les plus simples sont les seuls réalisables par les importateurs de lames brutes, ce que les cartes de répartition de certaines particularités peuvent permettre de préciser. Les modes de façonnage les plus sophistiqués, quant à eux, réclament une faculté certaine à assumer des risques qui ne pou-vaient être le fait d’importateurs non formés ou non entraînés à ces techniques, mais seulement de « maîtres tailleurs » au savoir-faire transmis par apprentissage et parfaitement établi par une pra-tique régulière (PeleGrin 2006, Perles 2009). Cette

spécialisation était certainement obligatoire pour les façonnages par retouches « en écharpes » qui impliquent la connaissance théorique des étapes de la chaîne opératoire et la pratique avec un haut niveau de savoir-faire.

3.1. les types canoniques

en silex de Forcalquier

La typologie morphologique des poignards en silex de Forcalquier comporte quelques modèles bien connus mais n’est pas établie de façon systé-matique. Cette typologie est fondée sur la forme générale et notamment sur les parties façonnées destinées à l’emmanchement qui ont générale-ment moins de modifications liées à l’usage ou au raffûtage que les parties tranchantes. Les premiè-res propositions que nous avons faites pour une classification de ces poignards sont inspirées de la typologie des lames de poignards métalliques (Vaquer et al. 2006c). Elles concernent surtout la

forme de la languette qui peut être différenciée ou non et plus ou moins développée, formant tout l’intérieur de l’emmanchement (languette

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tripar-tite) ou bien seulement une partie qui était insé-rée au bout du manche (languette bipartite). Si l’on se cantonne aux seules productions à dos poli et retouches parallèles couvrantes, plusieurs types sont reconnaissables et nommés d’après leurs plus remarquables exemplaires.

3.1.1. les lames de poignard à languette tripartite et façonnage à retouches parallèles couvrantes

(type des « gavots » et apparentés)

Nous proposons de nommer type des « Gavots » les poignards sur grandes lames, à languette tri-partite et à retouches couvrantes parallèles direc-tes sur face convexe préalablement polie. Il s’agit en fait d’un type poignard qui s’insère dans la classe morphologique dite de « Coutignargues » dont la languette formait l’axe de tout le manche qui devait être en matière organique et fixé direc-tement sur le silex (Vaquer et al. 2006c). Il se

distin-gue du type Coutignardistin-gues par ce mode de façon-nage très sophistiqué de la lame du poignard. La pièce emblématique de ce groupe est le poignard du dolmen des Gavots à Orgon (Bouches-du-Rhône) publiée par G. Sauzade (1979). Il s’agit d’une pièce dont la lame porte des retouches « en écharpes » inclinées vers la droite et dont le sens de réalisa-tion semble descendant à droite et remontant à

gauche, avec reprise par des retouches marginales de régularisation du tranchant et de la languette. Celle-ci est en partie brute avec des retouches d’amincissement du talon et du bulbe et présente des traces de plages polies vers la garde (fig. 1). Cette lame de poignard a été trouvée dans un dol-men à chambre trapézoïdale allongée et couloir court, typique du groupe des dolmens à chambre bâtie en pierre sèche, avec pieds droits massifs à l’entrée, qui caractérise le groupe de Provence occidentale apparenté aux hypogées de Font-vieille. Ce monument est connu pour avoir livré tout un lot d’objets en cuivre qui appartiennent clairement à la typologie du groupe de Remedello dans sa seconde étape (Courtin et sauzade 1975)

et qui sont des importations provenant d’Italie du Nord, datables entre 2900 et 2400 av. J.-C. Le mobi-lier comporte aussi des grandes lames, des arma-tures de flèches foliacées, lancéolées ou à tendance pistilliforme ou losangiques et comporte des tes-sons de vases à cordons lisses, des perles à ailet-tes et des perles en variscite qui sont des éléments pouvant situer le début de l’utilisation funéraire au Néolithique final 2 ou Chalcolithique ancien à la charnière des IVe et IIIe millénaires. C’est à cette

période que nous rattachons le poignard en silex des Gavots.

En effet, dans ce groupe des poignards à languette tripartite, celui des Gavots n’est pas le seul à pré-senter une face convexe préalablement polie avant retouches, d’autres sont connus dans des contextes du Néolithique final 2 ou du Chalcolithique ancien. C’est le cas notamment d’une pointe de poignard à dos poli du Saint-Ponien récent de la grotte Tour-nié à Pardailhan, Hérault (Vaquer et al. 2006a) ou

de l’exemplaire reconstitué, car fortement brûlé et très fragmenté, du tumulus de Dignas en Lozère attribué à l’étape ancienne du groupe des Treilles (faGes 1983). Dans ces deux cas toutefois, la

techni-que des retouches « en écharpes » n’est pas réelle-ment attestée, il s’agit de retouches parallèles, seu-lement envahissantes. C’est donc probabseu-lement au cours de cette période du Néolithique final 2 ou Chalcolithique ancien, soit entre 3200-2800 avant notre ère, que la technique des retouches « en écharpes » a fait son apparition dans la zone de Forcalquier et ce poignard des Gavots d’Orgon pourrait en être l’un des plus anciens représen-tants en France.

Dans d’autres régions, des fragments de poignards sur lames, dont la face inférieure n’est pas polie, ont pu éventuellement appartenir à ce type. C’est peut-être le cas d’une partie distale de poignard sur lame fortement brûlée avec retouches « en écharpes » réalisées dans le sens descendant qui

fiG. 1. Poignard du type des Gavots à languette tripartite provenant du dolmen du Mas des Gavots, Orgon, Bouches-du-Rhône. (Dessin J. Vaquer

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provient d’une tombe d’Asola Mantovana en Lom-bardie (Guilbeau 2010, pl. 197). Dans les Pyrénées

et dans le nord-est de la péninsule Ibérique, on ne connaît pas d’exemplaire entier de ce type, mais sont connus des fragments de lames allongées à pointe plus ou moins ogivale et à retouches paral-lèles couvrantes. Celui de la sépulture collective de l’abri de Duruthy publié par Lartet et Chaplain-Duparc (1874, fig. 47, n° 2) est relativement allongé bien qu’incomplet, le fragment mesure 14,8 cm de long. Il présente une face supérieure entièrement couverte de retouches transverses, sans que l’on puisse savoir si elles ont été faites après polissage. La base est malheureusement cassée, ce qui empê-che de connaître la forme de la languette. En Catalogne, un fragment semblable de pointe de poignard à retouches « en écharpe » faites dans le sens des aiguilles d’une montre est attesté dans les séries de la Balma de la Sargantana, (Oliola, la Noguera, province de Lleida) (CloP et al. 2008, p.

42, n° 20). Les retouches étant totalement couvran-tes, il est impossible de savoir si la face supérieure avait été polie avant les retouches.

3.1.2. les lames de poignards à languette bipartite bien différenciée (type de roaix et apparentés)

Cette classe comporte des lames de poignard à languette très bien différenciée de la lame par un rétrécissement formant des crans très nets. On peut discerner deux types en fonction de la lon-gueur de la languette.

— le type des aiguilles

Nous proposons de nommer ainsi des poignards à languette bipartite bien dégagée par un rétrécis-sement formant des crans et avec une languette assez allongée, mais pas suffisamment pour occu-per toute la longueur du manche. L’exemplaire emblématique de ce type a été trouvé dans le locus 3 de la grotte des Aiguilles à Montmorin, Hautes-Alpes (Muret 2006). Ils pourraient former

un type de transition entre la classe à languette tripartite et celle à languette bipartite courte. L’exemplaire de la grotte des Aiguilles, n’est pas vraiment à retouches « en écharpes », mais il présente une face convexe polie avant retouches envahissantes et plus ou moins parallèles qui ne se rejoignent pas tout à fait et ne peuvent donc pas être qualifiées de retouches « en vagues ». Il pré-sente toutefois de nombreux points communs avec un poignard valencien qui présente des amorces de retouches « en écharpes » sur sa face convexe apparemment polie.

Ce poignard a été trouvé dans la grotte sépulcrale de la Cova del Pany à Castelló de Rugat (Valencia) et il a été considéré comme une pièce

exception-nelle et probablement exotique (Pastor alberola

1972 et juan-Cabanilles 1990). La nature du silex

n’a pas été précisée car il est très patiné (blanc jau-nâtre). Sur l’exemplaire valencien, la face convexe de la lame est très patinée brillante et porte à droi-te au-dessus de la garde des amorces de retouches « en pelures », inclinées vers la droite qui ne se rejoignent que très partiellement vers la pointe et au milieu de la pièce. Elles présentent toutefois un bon parallélisme et une bonne concordance, ce qui montre que le tailleur ne maîtrisait pas complète-ment la technique. Si l’attribution aux productions de Forcalquier pouvait être confirmée, il s’agirait de l’exportation la plus lointaine connue. Le contexte est une sépulture collective dont le mobilier com-porte des lames brutes et des armatures perçantes losangiques et foliacées. Il est attribuable au Néoli-thique final ou à l’ÉnéoliNéoli-thique du Levante ibérique (Chalcolithique). Une datation au Chalcolithique moyen a été proposée pour l’exemplaire semblable de la grotte des Aiguilles issu de la couche 7 qui a livré une perle biconique en cuivre et des penden-tifs à coches.

— le type de roaix

Le type de Roaix est représenté notamment par le fameux exemplaire trouvé par J. Courtin dans la couche 5 de l’hypogée des Crottes à Roaix, Vaucluse (Courtin 1974). Il correspond en fait au

type « Trou de Viviès » proposé par N. Sandars (1950) pour qualifier ces pièces qu’elle attribuait au Bronze ancien. Il s’agit de lames de poignards allongées, de forme sub-ogivale, à face inférieure polie et face supérieure entièrement couverte de retouches parallèles couvrantes « en écharpes » inclinées vers la droite. Ces retouches « en échar-pes » ont ensuite été reprises par de fines indenta-tions sur les bords tranchants. Leur caractéristique principale est une languette courte et bien rétrécie créant de part et d’autre des crans orthogonaux par rapport au tranchant de la lame.

La lame de poignard complète de l’hypogée des Crottes à Roaix (Vaucluse), présente une languette ogivale (Courtin 1974). Elle mesure 148 mm de

long, 30 mm de large et 5 mm d’épaisseur. D’après les photographies disponibles, la série de retou-ches du côté gauche aurait été réalisée après celle de droite. Ce poignard provient d’une sépulture collective qui a livré un riche mobilier typique du Chalcolithique moyen. La datation au radio- carbone pour ce niveau n’a pas une bonne résolu-tion, il est admis que le matériel de l’hypogée des Crottes correspond à un style particulier du « Nord Vaucluse ». La sériation typologique proposée par J. Cauliez positionne l’assemblage du niveau infé-rieur dans la fourchette 2850-2600 (Cauliez 2009).

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lan-guette rétrécie cassée du dolmen de Peicervier à Lorgues (Var) appartient à ce type (sauzade 1975).

Elle mesure 203 mm de long, 40 mm de large et 6 mm d’épaisseur. D’après la photographie publiée en orientant le poignard pointe en haut, les retou-ches du bord gauche semblent avoir été faites après celles du bord droit qui sont recoupées, ce qui indique une progression de réalisation dans le sens des aiguilles d’une montre en commençant par la pointe à droite. Il a été trouvé dans un dol-men à couloir court et chambre quadrangulaire à parois en murs de pierre sèche qui a livré un abon-dant mobilier du Néolithique final/Chalcolithique comportant des lames retouchées, des armatures de flèches foliacées et losangiques et de nombreux éléments de parure dont des perles olivaires, des pendeloques en griffe et à ailettes et des penden-tifs à pointe.

La lame de poignard de l’hypogée de Perpétairi, à Mollans (Drôme) était cassée et incomplète. Elle aurait mesuré environ 160 mm de long et 38 mm

de large. Elle provient d’un niveau funéraire à inhumations, constitué principalement au Chalco-lithique moyen et se poursuivant au Chalcolithi-que récent, puisqu’il inclut des éléments campani-formes de style rhodano-provençal (Courtin 1961).

Une lame de poignard de type Roaix complète provient de la grotte du Fournet à Montmaur–en- Diois (Drôme) dont le mobilier est dispersé, une partie étant visible au musée de Die. Ce poignard dont une photographie a été publiée par J.-L. Piel Desruisseaux (2004) mesure 16 cm de long, et 3 cm de large, il présente une languette courte triangu-laire bien dégagée par rétrécissement et crans. La face convexe préalablement polie et cacholonnée est recoupée par les retouches parallèles qui ont d’abord été faites sur le côté droit puis sur le côté gauche. Le mobilier associé appartient surtout au Chalcolithique moyen vu le nombre de pointes de flèches de type Sigottier (laVal 1914).

La lame de poignard de la grotte sépulcrale de Payre III à Le Pouzin en Ardèche est une des piè-ces les plus remarquables de ce type, mesurant 198 mm de long (nikitine 1963). La face ventrale est

entièrement polie avec des enlèvements seulement sur la languette. La face dorsale est entièrement couverte de retouches « en écharpes » réalisées d’abord à droite en sens descendant, puis à gau-che en sens remontant. Les bords de la lame ont ensuite été repris par de très fines retouches créant des indentations régulières. Le matériel associé comporte des éléments typiques du Chalcolithique ancien et moyen : armatures perçantes losangi-ques, une perle à ailettes, et peut-être quelques élé-ments du Bronze ancien : tessons à cordon impres-sionné ainsi que des rivets et des restes d’une lame métallique.

La lame de poignard du Trou de Viviès, Narbonne (Aude), présente une languette rétrécie qui est cor-ticale, ce qui pourrait indiquer que la pièce a été réalisée sur un support laminaire façonné dans le sens inverse du débitage (Héléna et Héléna 1925).

En effet, les réserves corticales sont assez fréquen-tes en partie distale des grandes lames en silex de Forcalquier qui étaient tirées de nucléus à base corticale. Elle présente des retouches en écharpes inclinées vers la droite et réalisées d’abord sur le côté droit en descendant, puis sur le côté gauche en remontant (fig. 2). Elle provient de l’ossuaire E de cette vaste cavité sépulcrale qui a livré un riche mobilier du Néolithique final/Chalcolithi-que comportant des grandes lames, des armatures de flèches à pédoncule et ailerons dont plusieurs crénelées, de nombreuses perles à ailettes, une hachette pendeloque et de la céramique typique du Vérazien classique (mamelons superposés) et du Bronze ancien, mais sans aucun élément cam-paniforme.

fiG. 2. Lame de poignard à languette bipartite rétrécie de type Roaix de l’ossuaire E de la grotte du Trou de Viviès, Narbon-ne, Aude (dessin J. Vaquer d’après BrioiS 2005) comparée au

poignard en cuivre de type Buccino du dolmen du « Mourral de las Fadas », Pépieux, Aude (d’après amBert 1977).

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Sur le plan chronologique et culturel, dans le midi de la France, ce genre de poignard à soie, a long-temps été considéré comme un marqueur typique du Bronze ancien, notamment par N. K. Sandars qui en avait fait un outil-type de cette période (sandars 1950). Toutefois la plupart des trouvailles

en contexte bien caractérisé révèlent un position-nement au Chalcolithique moyen, nettement anté-rieur à l’apparition du Campaniforme. La décou-verte d’une lame en cuivre de type Remedello dans le dolmen des Gavots à Orgon dans les Bouches-du-Rhône a permis ensuite d’argumenter un autre champ d’hypothèses sur les types de poignards en cuivre qui étaient copiés par les types en silex : le type Roaix en silex de Forcalquier serait une copie des poignards en cuivre italiques importés en Provence au cours du Chalcolithique pré-cam-paniforme (sauzade 1975, Courtin et sauzade 1975).

Pourtant l’opinion selon laquelle ces pièces sophis-tiquées auraient duré jusqu’au début du Bronze ancien est restée couramment admise jusqu’à une

date récente. En réalité tous les contextes mention-nés concernent le Chalcolithique ancien et surtout moyen, soit une fourchette de probabilité de l’or-dre de 2900-2500 av. J.-C. (Cauliez 2009).

3.1.3. les lames de poignards à languette bipartite mal différenciée (type des « Châ-taigniers » et apparentées)

Cette classe typologique qui comporte des lames de poignards à retouches parallèles inclinées vers la droite couvrant toute la face convexe préalable-ment polie, peuvent avoir aussi la face ventrale polie, ce qui ne semble pas toujours le cas dans les classes précédentes. Elle se caractérise avant tout par une languette bipartite courte souvent mal différenciée de la partie tranchante de la lame. La séparation entre la lame et la languette est consti-tuée par un point d’inflexion, un angle, voire un très léger cran, qui accentue le changement d’orien-tation du bord. En fonction de la forme générale de la languette on peut distinguer trois sous-types : — le sous-type des « Châtaigniers »

Il correspond à des lames de forme lancéolée, assez larges à la base, dont la languette est convexe comme dans le morphotype de la grotte des Châ-taigniers de Vingrau dans les Pyrénées-Orientales (Guilaine et abelanet 1969).

Cet exemplaire, malheureusement volé au dépôt de fouilles de Perpignan, a toutefois été publié avec de bonnes photographies qui révèlent une progression de la réalisation des retouches « en pelures » dans le sens des aiguilles d’une mon-tre du haut de la pointe vers le bas à droite et en remontant à gauche (fig. 3). Il présente aussi de très fines indentations des bords tranchants qui s’inter-rompent sur la languette en partie corticale. Ces particularités se retrouvent sur d’autres spécimens de cette classe : notamment sur une lame lancéolée intacte de la grotte 4 des Chèvres de La Cadière-et-Cambo, Gard (Coularou et al. 2011), et sur une

lame de la Cova de l’Avi à Vallirana (Baix Llobre-gat, Barcelone) en Catalogne (blasCo et al 2009, fig.

122). L’exemplaire de la grotte des Châtaigniers de Vingrau a souvent été considéré comme bien daté du Bronze ancien. Les éléments de cette période sont effectivement bien représentés dans cette grotte sépulcrale, mais la série comporte aussi des éléments plus anciens, notamment une alêne à section carrée en cuivre, une lame retouchée très effilée en silex de Forcalquier et une palette rectan-gulaire polie en schiste, qui sont nettement chal-colithiques.

L’exemplaire de la Grotte sépulcrale de la Chèvre 4 à la Cadière-et-Cambo, Gard (fouilles J.-L. Roudil, P. Vincent et H. Duday) est intact et a été réalisé par retouches « en écharpes » dans le sens descendant

fiG. 3. Lame de poignard à languette bipartite convexe du type des « Châtaigniers » de la grotte des Châtaigniers à Vingrau, Pyrénées-Orientales (d’après une photographie de J. Abelanet), comparée à la lame de poignard de type Guar-distallo à cinq trous de rivets de la sépulture A de Fontaine-le-Puits, Savoie (d’après Bocquet 1997).

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à droite et remontant à gauche, comme on peut le voir sur la photographie publiée (Coularou et al.

2011). Il a été trouvé dans une sépulture collective qui a livré un abondant mobilier comportant de nombreux éléments chalcolithiques de la culture de Fontbouïsse (perles en cuivre en tôle enroulée, outils bifaciaux sur plaquettes de Salinelles, bou-tons de Durfort, vase hémisphérique à bord évasé) et quelques éléments de l’étape récente du groupe des Treilles (pointe de flèche en sapin crénelée en chaille).

Un possible exemplaire de poignard de ce type est figuré dans une ancienne publication de l’abbé Cérès (1886) concernant le dolmen de la Gachette à Bertholène dans l’Aveyron. Il a une forme lancéo-lée et présente une face plane et l’autre couverte de retouches « en écharpes ». D’après J. Lourdou, il est conservé au musée des Antiquités Nationa-les de Saint-Germain-en-Laye sous le n° 30845 et serait en chaille blanche, ce qui semble étonnant

pour une pièce de cette qualité (lourdou 1994).

Dans l’Aude, près de Narbonne, un exemplaire à base légèrement cassée a été trouvé dans la grotte sépulcrale de Bringairet à Armissan (briois 2005,

fig. 185, 2). Il présente, comme d’autres exemplai-res, une plage résiduelle polie au niveau de la languette. Les retouches « en écharpes » ont été réalisées dans le sens des aiguilles d’une montre en commençant par la pointe à droite. Il provient d’une grotte sépulcrale dont l’utilisation a été très longue, du Néolithique récent jusqu’au plein âge du Bronze (Guilaine 1977).

Les deux bases de poignards à dos polis et à retou-ches « en écharpes » sur la face supérieure, com-plétées par des indentations très fines des parties tranchantes qui ont été trouvées dans la grotte sépulcrale de l’Amaga de la Dona, Baixas dans les Pyrénées-Orientales (CaMPMajo 1980 ; baills et al.

1987, fig. 3, n° 20 et 22), ont été considérées comme étant réalisées sur de fines plaquettes de silex, ce qui est effectivement le cas pour un certain nom-bre de pointes de flèches trouvées dans la même cavité. En réalité, un examen à la loupe binocu- laire, que nous avons pu réaliser sur ces deux piè-ces, a révélé, malgré un fort cacholong, des traces nettes de rubans à nappage de fines tiges de chara-cées typiques du faciès de Forcalquier. Par ailleurs, l’attribution de ces pièces au complexe campa-niforme, déduite de la présence de deux tessons décorés, paraît discutable puisque des éléments chalcolithiques plus anciens sont présents dans le mobilier : fine lame ou « stylet » à base encochée en silex de Forcalquier, pointes de flèches foliacées, perles à ailettes, boutons de Durfort, etc.

La lame de la Cova de l’Avi (Vallirana, Baix Llo-bregat, Barcelone) en Catalogne (BlasCo et al. 2009,

fig. 122) est de forme lancéolée avec une languette courte irrégulière, car en majeure partie corticale. Elle a la face inférieure polie et la face supérieure entièrement couverte de retouches « en écharpes » très légèrement inclinées vers la droite et réalisées d’abord à droite en descendant puis à gauche en remontant. Elle provient d’une grotte sépulcrale dont le reste du mobilier est peu caractéristique. — le sous-type de « la Font del Molinot » Il correspond à des lames à languette bipartite courte de forme sub-triangulaire, ogivale ou scu-tiforme. La languette peut être séparée de la lame soit par un point anguleux, soit par une inflexion, soit par des légers crans rétrécissant légèrement la largeur de la garde. Nous avons choisi comme morphotype l’exemplaire de la grotte de la Font del Molinot à Pontons dans le Penedès qui été signalée anciennement (VilaseCa anGuera 1973, MasaCHs

1977). Il provient probablement de la sépulture collective qui caractérise les niveaux du

Néoli-fiG. 4. Lame de poignard à languette triangulaire du type Font del Molinot de la grotte de la Font del Molinot à Pon-tons, Barcelona, Catalogne, Espagne (dessin de J. Vaquer), comparée à une lame de poignard en cuivre de type Font-bouïsse de la grotte du Roc du Midi à Blandas, Gard (d’après J.-L. roudiL et P. Vincent 1974).

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thique final de cette grotte (fig. 4). C’est une lame polie sur les deux faces avec retouches couvrantes « en écharpes » de la face supérieure. Nous avons pu examiner cette pièce qui est en silex brun de Forcalquier. Elle présente une languette sub-trian-gulaire et nous avons remarqué que les retouches « en écharpes » ont été réalisées dans le sens des aiguilles d’une montre en commençant par la pointe à droite.

En Provence, l’exemplaire entier trouvé dans le dol-men de Gaoutabry à La Londe-Les Maures dans le Var a été classé dans le groupe des poignards à soie (type Roaix) mais la languette n’est que très légèrement rétrécie, ce qui nous incite à le classer dans le groupe de Font del Molinot (sauzade 1989).

C’est un petit poignard de 11 cm de long, réalisé sur un fragment de lame dont la face d’éclatement est polie et dont la face convexe présente des retou-ches « en écharpes » légèrement inclinées à droite. La languette a été façonnée par retouches obliques bifaciales.

Un autre exemplaire en silex brun rubané provient de la grotte du Fournet à Montmaur-en-Diois (Drôme). Il mesure 17 cm de long sur 3,8 cm de large et présentait des retouches « en écharpes » inclinées vers la droite dont le sens de réalisa-tion ne peut pas être déterminé à partir du dessin publié (laVal 1914).

Toujours en Provence, la lame de poignard du dol-men de Roque d’Aille à Lorgues dans le Var (roudil

et bérard 1981) est assez semblable, quoique moins

épaisse. Elle a la pointe cassée. Il s’agit d’un poignard de forme losangique allongée avec une languette scu-tiforme. Le dessin publié semble indiquer un mode de retouche ayant débuté par le bord droit jusqu’à la base et s’étant poursuivi par le bord gauche. Ce poignard provient d’un dolmen à couloir court et à chambre quadrangulaire courte, typique du mégali-thisme de la Provence orientale et se trouvait dans le niveau médian considéré comme chalcolithique pré-campaniforme. Il a livré des pendentifs à ailettes et à pointe en calcaire et des perles en cuivre du type olivaire ou tubulaire à renflement médian, ce qui tra-duit une utilisation au Chalcolithique moyen. Dans l’Aveyron, le dolmen de la Blaquière à Millau a livré une partie proximale de poignard à lan-guette sub-triangulaire fortement endommagé par l’action du feu. La face inférieure polie n’est pas retouchée, la face supérieure présente une plage polie centrale et des retouches parallèles enva-hissantes vers la base et se rejoignant en partie médiale. Cette pièce était associée à du mobilier chalcolithique comportant des armatures de flè-ches foliacées et losangiques et une en sapin cré-nelée de l’étape récente du groupe des Treilles. Les éléments de parure peuvent appartenir au

Chal-colithique ancien ou moyen : perles à ailettes, pen-dentif à pointe, perle en tôle de cuivre enroulée, perles tubulaires à renflement médian en calcite (azéMar 1989).

Dans l’Aude, le dolmen de Jappeloup à Trausse-Mi-nervois est connu pour avoir livré plusieurs lames en silex rubané de Forcalquier qui sont pour la plupart brûlées. C’est aussi le cas pour une base de poignard à dos poli et retouches couvrantes « en écharpes » de la face supérieure dont il reste la languette triangulaire (tallaViGne et arnal 1950). fiG. 5. Photographie de la lame de poignard de type Font del Molinot trouvée dans la grotte du Barranc de l’Infern, à Gandia, Valencia, Espagne. (Cliché J. Juan Cabanilles, musée archéologique de Valencia)

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Dans le Pays valencien un poignard de ce type a été signalé dans un petit lot de trouvailles de la Cova del Barranc de l’Infern à Gandia, Valencia (juan

-Cabanilles 1990, fig. 2, lam. I ; fernández lóPez de Pablo et al. 2006, fig. 7). Il présente plusieurs

caractères originaux : il a été taillé sur une lon-gue lame épaisse, sa face inférieure n’est pas polie, sa languette est ogivale comme celle d’une autre lame de poignard valencien, celui de la Cueva de la Ladera del Castillo (juan-Cabanilles 1990, fig. 4,

lam. II). Le silex utilisé pour le poignard de Gan-dia est un silex rubané qui est supposé provenir de Forcalquier d’après J. Juan Cabanilles. Sur des photographies envoyées par notre collègue valen-cien, on distingue apparemment des tiges de cha-racées, mais le silex semble patiné ou de couleur grise et paraît avoir été partiellement brûlé (fig. 5). Il faudrait pouvoir l’examiner à fort grossissement pour valider l’attribution au silex de Forcalquier qui demeure très probable. Le contexte de cette trouvaille est très restreint (lame, éclats en silex et tesson de céramique modelée) impossible à dater précisément.

— le sous-type de taillan

Ce type regroupe quelques exemplaires de lames de poignards dont la languette est trapézoïdale ou sub-trapézoïdale parfois légèrement rétrécie, par des crans obliques comme sur l’exemplaire du tumulus B de Taillan à Ger, Pyrénées-Atlanti-ques (CartailHaC 1881 ; PotHier 1900, fig. 6). Il s’agit

d’une lame courte (11,4 cm) à face inférieure polie dont la languette a été façonnée par des retou-ches obliques inverses dégageant de petits crans (fig. 6). Cet exemplaire été découvert dans une chambre mégalithique sous tumulus de forme rec-tangulaire qui a livré un long ciseau en pierre polie de type Lagor et tout un lot de pots biconiques ou polypodes du Bronze ancien/moyen. L’utilisation de la tombe semble avoir été de longue durée, le début se plaçant sans doute au Néolithique final, si l’on veut bien retenir une datation à cette épo-que pour les ciseaux polis du type de Lagor. À ce sujet rappelons qu’un autre exemplaire de ciseau de type Lagor, celui du tumulus de Balansun dans les Pyrénées-Atlantiques, a été découvert associé à une pièce en croissant taillée bifacialement et polie (ciseau ou faucille monolithe ?) qui évoque une pièce semblable datée de l’Énéolithique dans la sépulture collective du niveau 1 de la grotte de Marizulo, Guipúzcoa (CaVa 1978).

Un autre exemplaire de poignard à languette tra-pézoïdale a été trouvé anciennement à la Caverna del Torello près de Pigna, Imperia en Ligurie (Ita-lie) ; il a été figuré par Morelli (1901) et republié récemment (del luCCHese et riCCi 1998). Il s’agit

d’un poignard sur lame de 15,4 cm de long dont

la languette porte des retouches à la fois directes et inverses tandis que la face supérieure, convexe à plage résiduelle polie, est totalement couverte de retouches « en écharpes » réalisées en sens des-cendant sur le côté droit et remontant sur le côté gauche (Guilbeau 2010, pl. 210).

En Languedoc oriental, la grotte du Salpêtre de Coutach à Sauve (Gard) est connue pour avoir livré anciennement un poignard à dos poli et retouches directes « en écharpes ». Cet exemplaire conservé au Muséum de Nîmes est très court par rapport aux autres, ce qui tient au fait que sa languette à bords convergents est légèrement cassée et que sa partie distale façonnée par retouches « en échar-pes », faites dans les sens des aiguilles d’une mon-tre en commençant par la pointe à droite, a ensuite été raffûtée par des retouches obliques margina-les (fig. 7). Il provient d’une sépulture collective à inhumations et à crémations qui occupait une zone de cette vaste grotte (fouCHer et GiMon 1905, fig. 5

B). Le mobilier associé qui comporte de nombreu-ses pièces à façonnage bifacial sur plaquettes de Salinelles, ainsi que les éléments de parure trou-vés plus récemment par S. Cours : dents percées, pendentif en virgule, perles discoïdes et à ailettes (esCalonde fonton 1970, p. 536-537) et de la céra-fiG. 6. Lame de poignard à languette bipartite trapézoïdale du type Taillan, trouvée dans le mobilier du Tumulus B dit du Taillan à Ger, Pyrénées-Atlantiques (d’après un dessin publié par E. Cartailhac en 1881), comparée à un poignard en cuivre de type Fontbouïsse, à languette trapézoïdale crantée du site de Fontbouïsse à Villevieille, Gard (d’après GaScó

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mique, est typique du groupe de Fontbouïsse avec intrusion de quelques éléments du Bronze ancien (tasse biconique à une seule anse).

Sur la bordure caussenarde, un poignard frag-menté de ce type provient du dolmen du Bois de Marou à Saint-Privat dans l’Hérault (arnal et GAL

1979), qui est un dolmen languedocien classique à couloir long, du Néolithique final 2/Chalcolithi-que ancien, avec chambre et antichambre sépa-rées par deux dalles échancsépa-rées formant une porte elliptique. Le poignard en silex rubané est à face inférieure polie et retouchée seulement à la base pour façonner la languette par des enlèvements obliques écailleux. La face supérieure convexe qui présente des facettes résiduelles de polissage est couverte de retouches « en écharpes » réalisées d’abord sur le côté droit en descendant, puis sur le côté gauche en remontant et suivies d’indentations très fines des bords tranchants. Il s’agit d’un long poignard à languette sub-trapézoïdale ou scutiforme dégagée par des crans obliques bien marqués, ce qui l’apparente aussi au type de Roaix. Il mesure 19 cm de long et 4,2 cm de large. Le mobilier de ce dolmen comporte d’autres éléments du Néolithi-que final/ChalcolithiNéolithi-que : une palette de schiste, des fragments d’armatures foliacées losangiques et à pédoncule et ailerons et des perles en stéatite ainsi que des éléments de l’âge du Bronze.

Un exemplaire intact a été signalé anciennement dans le mobilier de la nécropole dolménique de Puech Rouquier à Saint-Georges-d’Orques, Hérault (PHiliPPot et Cotte 1918, fig. 3, n° 1). Cette pièce

provient de la fouille du dolmen 2 de cette nécro-pole aujourd’hui détruite. Il s’agissait d’une lame ogivale à languette trapézoïdale à côtés concaves. Elle mesurait 11 cm de long et 4 cm de large à la garde. Cette pièce a été détruite lors de l’incendie d’une exposition à Montpellier. La face plane était polie et la face convexe intégralement couverte de retouches « en écharpes » inclinées vers la droite, mais le croquis publié ne permet pas de savoir dans quel sens elles avaient été réalisées.

Un exemplaire intact a été trouvé dans le dolmen de Peyrolevado dit aussi de Finelle 3 à Septfonds dans le Tarn-et-Garonne (Caussanel et arnal

1962). Cette pièce a été trouvée tout à fait à la base du remplissage du monument. La face inverse est entièrement polie et ne porte des retouches obli-ques marginales que de part et d’autre de la lan-guette trapézoïdale. La face supérieure est cou-verte de retouches « en écharpes » inclinées vers la droite qui ont été réalisées d’abord sur le côté droit en descendant, puis sur le côté gauche en remontant. Le mobilier associé comporte des élé-ments chalcolithiques, notamment des pointes de flèches à pédoncule et ailerons de style artenacien

fiG. 7. Photographie de la lame de poignard de type Taillan de la grotte sépulcrale fontbuxienne du Salpêtre de Coutach à Sauve, Gard. (Cliché J. Vaquer, avec l’autorisation de Mme Adeline Blanchet, Muséum d’histoire naturelle de Nîmes)

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et une crénelée de style « Treilles récent » ainsi que de nombreux éléments de parure de style chalco-lithique (perles en stéatite et en test, pendentifs à ailettes et en virgule et une perle biconique en cui-vre). Les éléments du Bronze ancien trouvés dans ce monument proviennent de la couche funéraire supérieure.

3.2. Les types modifiés

en silex de Forcalquier

Un certain nombre d’autres exemplaires de poi-gnards en silex de Forcalquier, qui ont dû corres-pondre à des types canoniques, ont subi des trans-formations. Il s’agit probablement de recyclages

de pièces endommagées ou qui ont nécessité un important raffûtage. Ce sont donc des poignards modifiés qui ont été transformés au point d’adop-ter des formes inconnues dans les ateliers produc-teurs de la région de Forcalquier.

Le poignard du dolmen 2 de la Blachère, à Lanué-jols en Lozère (Malafosse de 1873, Maury 1967) a

été réalisé sur une lame épaisse dont seulement quelques ondulations de la face d’éclatement ont été abrasées. La face convexe ne présente des retouches en écharpes que dans la partie centrale de la pièce où elles sont inclinées vers la droite et faites dans le sens des aiguilles d’une montre en commençant à la pointe à droite. Tous les bords de la pièce, y compris la languette, ont ensuite été

fiG. 8. Lame de poignard en silex brûlé de type Ferrussac de grotte sépulcrale 1 des Cascades de Creissels, Aveyron (dessin de J. Vaquer d’après l’original du musée de Millau, avec l’autorisation de F. Leyge), comparée à une lame en cuivre de type Graillerie de la grotte de la Graillerie, Verrières, Aveyron (d’après Soutou 1967).

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repris par des retouches obliques qui ont remodelé la forme de la pièce en lui donnant l’allure d’un type Taillan (languette trapézoïdale), alors que le type d’origine pouvait être du type Font del Moli-not (à languette triangulaire).

L’exemplaire du dolmen des Rascassols à Saint-Hippolyte-du-Fort, dans le Gard, est une lame modifiée. Bien qu’il ait la forme d’une lame lan-céolée du type des Châtaigniers, sa base présente quelques retouches inverses et des retouches semi-abruptes en front convexe qui recoupent nette-ment des enlèvenette-ments en pelures, c’est donc pro-bablement un poignard dont la base (cassée ?) a été retaillée pour recyclage, peut-être un poignard du sous- type Font del Molinot ou Taillan repris en Châtaigniers. Il provient d’un dolmen à long cou-loir et chambre mégalithique dont la construction doit remonter à l’époque du Ferrières, mais qui a été utilisé jusqu’au Bronze ancien.

Un des poignards de la grotte sépulcrale 1 des Cas-cades, à Creissels en Aveyron, bien que fortement endommagé par l’action du feu, est en silex brun foncé de Forcalquier (Costantini 1965, fig. 4, n° 4). Il

présente des retouches en écharpes directes, incli-nées vers la droite dans la partie centrale de la lame (fig. 8). La présence de petites surfaces résiduel-les polies indique que celrésiduel-les-ci ont été faites après polissage et dans le sens des aiguilles d’une montre en commençant par la pointe à droite. La face infé-rieure ne présente des traces de polissage que dans les parties médiale et distale. Les bords tranchants

de la lame ont été repris par des retouches inverses obliques, puis par des retouches directes margina-les créant des indentations très fines. Cette reprise a également concerné la languette qui a reçu des retouches plates couvrantes et des retouches obli-ques créant des micro-coches qui dégagent un ergot de chaque côté de la garde. Il s’agit donc d’un poignard sur lame probablement du sous-type Font del Molinot, qui a été transformé en type Fer-russac. Une telle transformation a aussi été consta-tée sur un poignard pressignien de la même grotte sépulcrale (Costantini 1965, fig. 4, n° 1).

La lame en silex du dolmen du Planas à Blandas dans le Gard a été trouvée insérée dans le mur du couloir de ce dolmen qui appartient au groupe des dolmens à couloir avec cella à murs en pier-res sèches et entrée à pieds-droits (durand-tul -lou 1950, arnal et al. 1989, bordreuil 1998). Il s’agit

d’une petite lame (L. 9,78 cm et l. 2,95 cm) en silex patiné présentant les caractères du silex de Forcal-quier. Elle est de forme lancéolée avec deux pro-fondes encoches dégageant une languette trapé-zoïdale. La face inférieure est entièrement polie et porte des retouches seulement à la base où elles mettent en forme les encoches et la languette. Sur la face supérieure, on distingue des résidus de la surface polie aussi bien sur la lame qu’à la base, puis des retouches « en écharpes » inclinées vers la droite dont le sens de réalisation est de la pointe à droite en descendant puis de la base à gauche en remontant (fig. 9). Une régularisation a ensuite été réalisée par de petites retouches obliques sur

fiG. 9. Lame de poignard de type Cascades trouvée au dolmen du Planas, Blandas, Gard (dessin de J. Vaquer d’après des pho-tographies de P. Galant), comparée à une lame en cuivre de type Veyreau du dolmen de Baldare, Saint-Léons, Aveyron (dessin J. Vaquer).

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les nervures des retouches « en pelures ». La base encochée a manifestement été réalisée dans un second temps puisque les retouches qui la façon-nent recoupent celles « en pelures ». Il s’agit d’un poignard en silex de Forcalquier du sous-type « Châtaigniers » qui a ensuite été transformé en poignard du type « Cascades ». Le matériel asso-cié est peu abondant et atypique : tessons et perles annulaires en os.

La pièce isolée trouvée près du Château de la Prune à Marnaves, Tarn (Pajot 1976, fig. 21, n° 1), citée

comme étant en silex marron clair, est probable-ment en silex de Forcalquier. Elle présente une face plane entièrement polie, l’autre étant couverte de retouches « en écharpes » inclinées vers la droite qui, d’après le dessin publié, ont été faites d’abord à droite en descendant, puis à gauche en remontant. La forme générale de la pièce, malheureusement cassée à la base, évoque par sa largeur le sous-type des Châtaigniers ou apparenté (Font del Molinot ou Taillan). Toutefois, elle présente aussi des retou-ches obliques continues sur les bords de la lame, qui diffèrent des minuscules indentations de la plupart des pièces de ces types. Il s’agit donc pro-bablement d’une pièce retaillée marginalement.

3.3. Poignards en silex de Forcalquier

de types indéterminables (fragments,

exemplaires perdus ou inaccessibles)

Un certain nombre de lames de poignards cassées en silex de Forcalquier ne sont pas classables typo-logiquement pour cette raison, c’est le cas pour celui du tumulus de Colette à Escragnolles, Alpes-Maritimes (leMerCier 2004, fig. 42, 2, n° 2) et même

pour les fragments plus importants de la tombe d’Enco de Botte à Allauch, Bouches-du-Rhône (sauzade 1975, fig. 7, n° 1). Les deux fragments de

la grotte sépulcrale du Plan des Vaches à Géme-nos (Bouches-du-Rhône) ont été considérés comme appartenant à un poignard à soie de type Roaix, mais ils peuvent tout aussi bien appartenir à un autre type, la partie proximale étant absente (sau -zade et Gély 1982). Un autre petit fragment,

sûre-ment en silex brun rubané, a été trouvé sur la sta-tion de Brugas à Saint-Pons-La-Calm dans le Gard, il est sur une lame à face inférieure brute et a été trouvé sur une station à mobilier du style de Font-bouïsse (renseignement M. Bordreuil).

D’autres poignards à retouches « en pelures » sur préformes polies ne peuvent pas être classés avec certitude dans les productions de Forcalquier, dans la mesure où ils ont été signalés dans des publi-cations anciennes sans aucune description du type de silex concerné et où ils ne peuvent être

retrou-vés aujourd’hui pour un examen pétrographique. Leur attribution au groupe de Forcalquier n’est donc qu’une possibilité reposant seulement sur leur conformité avec les types morphologiques de ce centre de production. Parmi ces pièces on peut citer : un fragment de lame à retouches « en échar-pes » inclinées vers la droite trouvé au dolmen des Plaines, Saint-Jean-du-Pin (Gard), mais il faut reconnaître qu’il pourrait tout aussi bien appartenir au groupe pressignien (rousselde fontanès 2000).

D’autres pièces difficilement accessibles ou non retrouvées n’ont pas pu être examinées : une patinée de la station du Verger à Saint-Maurice-de-Caze-vieille dans le Gard (renseignement M. Bordreuil), un fragment de la grotte du Singla à Greffeil dans l’Aude (Guilaine 1972, fig. 12, n° 6). D’autres

sem-blent définitivement perdues, en particulier celles signalées anciennement à la sépulture des Vachons à Lauris (Vaucluse) ou trois autres signalées dans le mobilier du dolmen détruit de la Blaque à Aix-en-Provence dans les Bouches-du-Rhône. Un fragment de pointe de poignard à retouches « en écharpes » légèrement inclinées vers la droite et recoupées par des retouches marginales obliques trouvé dans le dolmen du Chardonnet à La Canourgue en Lozè-re, peut tout aussi bien appartenir au groupe de Forcalquier qu’au groupe du Grand-Pressigny (de

Malafosse 1869).

4. c

oncLusions

De cette révision des pièces signalées et surtout de celles encore observables, il ressort que les poi-gnards à retouches parallèles couvrantes sur préfor-mes polies en silex brun ambré ou rubané de Forcal-quier sont les plus nombreux et les plus diversifiés dans la zone nord-ouest de la Méditerranée.

Lorsque les supports sont déterminables, il s’agit toujours de grandes lames, mais les caractéristiques techniques de celles-ci ne peuvent pas toujours être perçues, les pièces ayant été très fortement transfor-mées. La seule remarque possible est que le profil longitudinal est généralement plat, ce qui plaide plutôt pour un débitage par pression au levier, tech-nique sûrement attestée sur de nombreuses lames brutes provenant des ateliers de la région de Forcal-quier. Le classement typologique confronté aux don-nées extrinsèques sur les contextes de trouvailles révèle une évolution dans la conception générale de ces poignards entre le Néolithique final 2/Chalcoli-thique ancien (3200-2800) et le Néoli2/Chalcoli-thique final 3/ Chalcolithique moyen (2800-2500) (fig. 10).

(16)

l’aspect de ces lames est clairement reconnaissable dans les poignards les plus anciens à languette tri-partite du type des Gavots ou à languette bipar-tite assez longue du type des Aiguilles qui ont été réalisés dans le sens du débitage. La partie la plus robuste du poignard était alors constituée par la poignée qui devait être recouverte d’éléments en matière organique, tels que ceux retrouvés dans les sites lacustres péri-alpins (straHM 1962, boC -quet 1974). Ces poignards dérivent probablement

de la classe typologique de Coutignargues dont le façonnage était généralement plus simple, mais qui révèle, dès le début du Néolithique final 2, le recours au polissage de la face supérieure et l’usage de retouches parallèles envahissan-tes, comme c’est le cas sur un exemplaire du Saint-Ponien de la série de la grotte Tournié à Pardail-han, Hérault (Vaquer et al. 2006a).

Au Néolithique final 3/Chalcolithique moyen, les poignards à languette bipartite courte rétrécie et bien différenciée du type de Roaix ou mal diffé-renciée, comme celles des sous-types des Châtai-gniers, de Font del Molinot et du Taillan, ont été réalisés sur des supports plus courts et plus larges dont il ne reste pas grand chose de la morphologie initiale, puisqu’ils ont généralement eu les deux faces polies et la plus convexe entièrement couverte de retouches « en écharpes ». L’aspect plano-con-vexe de la section transversale suggère cependant qu’il s’agissait de produits débités et allongés, pro-bablement de tronçons prélevés dans les parties médiales de supports laminaires très larges, parce qu’ils sont tous bien plats dans le sens axial. La présence fréquente de résidus corticaux sur la base des languettes, autant pour le type Roaix que pour le type des Châtaigniers, nous autorise à penser qu’ils ont été façonnés à l’inverse du sens de débitage. Ce choix paraît logique puisque la pointe du poignard était ainsi plus épaisse que la languette et celle-ci était plus facilement amincie par polissage pour pouvoir être insérée dans le logement de manches en partie évidés. Ces der-niers étaient sans doute beaucoup plus rigides, en bois, en os ou en bois de cervidé. Ces poignards en silex ont donc probablement eu des emmanche-ments du même genre que ceux utilisés pour les lames métalliques contemporaines.

Dans ce groupe des poignards en silex de Forcal-quier à retouches couvrantes, il paraît important de souligner que la très grande majorité des pièces (24/27 entiers) sont à languette bipartite courte. Ce choix technique, qui n’est pas le plus logique dans une optique fonctionnelle, car il fragilise forte-ment ces lames lithiques, aurait pu être inspiré par la volonté de copier les formes des lames en

cui-vre qui circulaient à la même époque (reMiCourt

et Vaquer 2011). Dans ce domaine, le nouveau

clas-sement typologique que nous proposons n’infirme pas les analogies morphologiques entre les lames lithiques et métalliques qui ont été constatées depuis longtemps par plusieurs auteurs, mais l’en-richit (fig. 10).

Les lames en silex de type Roaix, qui ont été tout d’abord considérées comme des copies de lames en cuivre de type Ciempozuelos (Courtin 1961), ont

été par la suite rapprochées des exemplaires en cuivre de style Remedello en raison de la décou-verte d’un poignard de ce type dans le dolmen des Gavots d’Orgon (Bouches-du-Rhône). Il y a effec-tivement une analogie conceptuelle au niveau de la languette rétrécie, mais en réalité les poignards en cuivre de type Remedello sont nettement plus larges que les poignards de type Roaix en silex, au point qu’en Italie du Nord les copies lithiques de ces poignards n’ont jamais été réalisées sur des lames, mais systématiquement sur de gros éclats par retouches bifaciales (Mottes 2006). Si l’on veut

chercher des analogies morphologiques entre les poignards en silex de type Roaix et des poignards en cuivre de style italique à languette rétrécie, il vaut mieux se tourner vers la Culture de Gaudo comme l’avait d’ailleurs suggéré G. Sauzade (1975). Cette culture a elle aussi exporté des poignards en cuivre à lame plus étroite vers le midi de la France comme en témoigne l’exemplaire du dolmen du Mourral de las Fados à Pépieux, Aude (aMbert 1977)

qui appartient au type Buccino de la typologie de V. Bianco Peroni (1994).

Les sous-types Châtaigniers, Font del Molinot et Taillan sont des lames courtes et assez lar-ges qui peuvent avoir elles aussi des équiva-lents dans les productions italiques chalcolithi-ques de l’Italie. Le sous-type des Châtaigniers à garde assez large et à languette arrondie très courte peut avoir des équivalents en métal dans le type Massa Marittima et les sous-types Font del Molinot et Taillan dans les variantes du type Guardistallo de la culture de Rinaldone dont l’importation en France est avérée à Fontaine-le-Puits en Savoie (rey et al. 2010). Cependant,

pour les formes simples et plus étroites, des ana-logies morphologiques sont aussi envisageables entre les sous-types Font del Molinot et Taillan en silex et certains exemplaires du type Font-bouïsse en cuivre. Les languettes triangulaires courtes ou trapézoïdales sont en effet fréquentes dans les poignards fontbuxiens allongés les plus classiques, notamment ceux du site éponyme (GasCo 1980), mais on connaît aussi des lames

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