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Évaluation de la valeur marchande des tableaux d'art basée sur la modélisation statistique

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-03147943

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03147943

Preprint submitted on 21 Feb 2021

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Évaluation de la valeur marchande des tableaux d’art

basée sur la modélisation statistique

Unsal Ozdilek

To cite this version:

Unsal Ozdilek. Évaluation de la valeur marchande des tableaux d’art basée sur la modélisation statis-tique. 2021. �hal-03147943�

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Évaluation de la valeur marchande des tableaux d’art basée sur la modélisation statistique

Ünsal Özdilek* Février 2021

Abstract

The ability to analyze and assess the value of artworks has not yet benefited from remarkable progress as that of other economic goods in the market despite strong potentials in practice. While there are high quality publications, academic programs and practices in immovable and movable property analysis in North America and elsewhere in the world, knowledge in the field of artwork value and valuation remained negligible and disparate. We are interested in these states of conceptual and practical issues, with a particular focus on the case of paintings, considering a practical example from the market of the Canadian artist Jean-Paul Riopelle.

* Coordonnées de l’auteur : Ünsal Özdilek, PhD Professeur

Département Stratégie, responsabilité sociale et environnementale École des sciences de la gestion

Université du Québec à Montréal (514) 987-3000, poste 4436 Bureau : R-3700

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1 Évaluation de la valeur marchande des tableaux d’art

basée sur la modélisation statistique

Abstract

The ability to analyze and assess the value of artworks has not yet benefited from remarkable progress as that of other economic goods in the market despite strong potentials in practice. While there are high quality publications, academic programs and practices in immovable and movable property analysis in North America and elsewhere in the world, knowledge in the field of artwork value and valuation remained negligible and disparate. We are interested in these states of conceptual and practical issues, with a particular focus on the case of paintings, considering a practical example from the market of the Canadian artist Jean-Paul Riopelle (1923-2002).

Introduction

Les œuvres d’art sont des objets tangibles de création humaine prenant les formes variées d’élaboration artistique, de décoration, de collection, de luxe ou de symbole précieux. Ils se transigent sur le marché pour leur esthétique, spiritualité, historicité, nouveauté, rareté et authenticité. Sous cette dénomination peuvent être regroupés les antiquités, la joaillerie, les timbres, les livres rares, les pierres, les sculptures, les meubles d’époque et les objets d’art ou de collection comme les tableaux.

La valeur des œuvres d’art dépend spécialement des émotions qu’elles suscitent chez les individus qui les contemplent. Néanmoins, comme elles peuvent se transiger à des prix et permettre des revenus, parfois substantiels, les œuvres possèdent encore une valeur économique qu’il convient de définir et d’évaluer sa valeur au marché au même titre que les autres biens meubles et immeubles.

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Parmi ceux qui tentent d’estimer la valeur des œuvres d’art, notamment les tableaux, on trouve des économistes et spécialistes du domaine de la finance. Ces théoriciens ont élaboré une variété de modèles empiriques en s’appuyant sur les bases de données relatives aux caractéristiques du marché, des aspects financiers, de la composition structurelle des tableaux, de la qualité de localisation et des variables relatives à l’évolution du temps. Très peu d’entre eux entretiennent des contacts avec les professionnels en estimation de la valeur marchande des tableaux d’art. Bien que rares, il faut aussi compter les évaluateurs et analystes intéressés par l’estimation de la valeur des tableaux d’art qui utilisent les principes et les méthodes reconnues du système d’évaluation des biens essentiellement immobiliers.

Désignés comme « experts », ces professionnels émettent des opinions sur la valeur marchande des tableaux d’art à l’extérieur d’un cadre pratique généralement non réglementé, ce qui peut engendrer des confusions dans les définitions et normes pratiques d’évaluation. Par ailleurs, le prix payé pour les œuvres ne se concrétise pas convenablement en fonction des règles du libre marché et de comportements d’agents économiques moins rationnels. Il faut cependant noter qu’il n’est pas non plus fixé au hasard, par des décisions totalement irrationnelles. La fiabilité des estimations prédites est donc primordiale comme elles peuvent avoir des conséquences sur différents acteurs concernés, qu’ils soient des acheteurs, vendeurs, investisseurs, galeries d’art ou musées.

Comment peuvent alors se pratiquer une bonne lecture de ce marché spécial et une évaluation fiable de la valeur ? En réponse à cette question, la tâche n’est évidemment pas facile puisque les experts eux-mêmes éprouvent des difficultés à saisir les subtilités du marché, en présence de peu de données et, surtout, hautement influencé par les caractéristiques propres de chacune des œuvres.

Cet article s’attarde sur les fondements d’évaluation des œuvres d’art, en considérant comme exemple le marché des tableaux. Il contribue en clarifiant l’applicabilité des trois méthodes classiques et propose une solution alternative par la modélisation statistique, reposant sur les concepts, observables (usage de données) et processus idoines.

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3 1. Caractéristiques du marché des tableaux d’art

La littérature spécialisée soutient que les objets d’art sont hétérogènes et de nature complexe. Pour certains, ils sont perçus comme des choses immatérielles agissant sur ceux qui prennent plaisir à les contempler. Pour d’autres, ils sont considérés comme des moyens d’investissement générant des revenus. Les gens fortunés peuvent apprécier les œuvres d’art comme elles ajoutent même de l’importance à leur statut social.

Contrairement aux autres types de biens sur le marché, les biens artistiques sont uniques et peu standardisés. En conséquence, leur marché se trouve peu réglementé, manquant d’efficacité, avec des coûts de participation et des connaissances appropriées. De plus, il ne contient qu’un nombre limité d’acheteurs et de vendeurs. Tous ces inconvénients contribuent à rendre le processus d’évaluation plus laborieux.

D’autre part, le marché est caractérisé habituellement par une hiérarchie de deux sous-marchés importants. D’abord, le marché primaire où seulement les œuvres de quelques artistes sont reconnues. De cette catégorie, certains artistes doivent trouver eux-mêmes leurs clients. Ensuite, le marché secondaire, défini parfois comme le « marché du

dealer », réunit un grand nombre d’artistes éprouvant des difficultés à rejoindre le marché

primaire à cause de la présence active d’œuvres d’artistes décédés, de la rareté des acheteurs prospectifs et du risque encouru par les galeries réputées en exposant des œuvres d’artistes moins connus. Les professionnels sont appelés à faire de l’évaluation des biens dans ces deux marchés, surtout celui du premier dans lequel les risques d’investissement sont significatifs. Les rares standards qui guident ces marchés sont souvent définis par les quelques grands joueurs tels que Christie’s et Sotheby’s, deux galeries de célébrité mondiale.

Le marché des œuvres d’art ne fournit pas toujours l’information appropriée pour l’estimation objective de leur valeur. Certaines données peuvent cependant se retrouver dans des sources disparates, notamment les firmes d’expertises, les maisons d’enchères, les artistes eux-mêmes (ou leurs proches), la littérature ainsi que la documentation

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accessible au public. Toutefois, ces données se limitent la plupart du temps à décrire quelques caractéristiques de l’œuvre mise en vente comme le titre, les dimensions et le sujet traité. Or, ces informations ne constituent qu’une mince portion de l’information utile au processus d’évaluation de la valeur dans le même segment de marché.

Outre ces caractéristiques, le potentiel d’influence sur les mécanismes de formation des prix est considérable, exercé par les artistes, les experts en évaluation, les galeries, le personnel de la maison d’enchères ou d’autres intermédiaires. Par exemple, les estimations proposées pour les œuvres sont facilement accessibles à différents intervalles (entre le prix de vente probable le plus bas et le plus élevé). Ces estimations influencent significativement les prix observés (en anglais, Hammered Prices) que ce soit dans l’encan ou sur le marché secondaire. Les estimations fournies par les experts et les maisons d’enchères commencent généralement par le prix plancher de réserve du vendeur (souvent par l’artiste). Aussi, les prix observés peuvent inclure une partie des revenus sous forme de commissions facturées aux acheteurs ou aux vendeurs. La prime de l’acheteur varie généralement entre 10 et 18 %; celle du vendeur se situant autour 10 %.

Dans une vente aux enchères, le prix de l’objet d’art augmente progressivement dès la première mise avec l’arbitrage direct, martelé à la fin de chaque mise. Il convient de noter, par ailleurs, que les œuvres ne se vendent pas toutes sur le marché des encanteurs, certaines trouvent leur prix à travers d’autres moyens comme par le biais de négociations personnelles.

Avec ces interventions et les influences de différents acteurs, les prix observés ne sont donc pas totalement « libres » et ils peuvent être déterminés indépendamment et parfois significativement des attributs de l’œuvre elle-même. Selon Ashenfelter et Graddy (2003), les estimations obtenues par les méthodes conventionnelles d’évaluation des maisons d’enchères ont des niveaux de corrélation avec les prix observés nettement supérieurs à ceux d’autres types de biens économiques transigés sur le marché.

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Quoi que la libre concurrence entre les acheteurs potentiels existe, leurs jugements fluctuent habituellement entre les intervalles des prix déjà estimés et les prix disponibles auprès des maisons d’enchères. C’est rare qu’ils débordent les limites déterminées par ces intervalles. Comme pour certaines transactions immobilières, les prix des objets d’art demeurent, dans ces cas, hors marché. Or, le principal intérêt de l’analyse et de l’évaluation est justement de prévoir ces prix irréguliers, mais de telles prévisions ne sont pas si faciles à faire.

En conséquence et malgré l’existence d’un marché d’œuvres d’art, il est impossible de considérer les prix comme des références fiables parce que dans la plupart des cas, les variables clés qui les déterminent sont déjà connues et modulées hors des mouvements logiques du marché. Si les approches ou les méthodes qui tentent d’expliquer ou d’estimer la valeur de ces œuvres fournissent des informations utiles, elles le font la plupart du temps sur des variables négligeables.

Il est donc primordial de comprendre les dynamiques de ce marché pour choisir de façon pertinente les variables qui déterminent les prix des œuvres d’art tout comme les méthodes d’estimation de leur valeur marchande (Ginsburgh et al., 2006).

2. Déterminants de la valeur « artistique »

Les variables déterminantes les prix observés sont parfois similaires à celles d’autres types de biens sur le marché. La liste suivante identifie celles considérées la plupart du temps dans la formation des prix des tableaux d’art.

2.1 Divers renseignements sur l’œuvre et l’artiste

Buelens et Ginsburgh (1993), Chanel et al. (1996) et Agnello et Pierce (1996) soutiennent que la littérature relative aux déterminants de la valeur des œuvres d’art inclut en général les informations suivantes :

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- Le fait que l’artiste est décédé ou non; - La période de popularité de l’artiste; - la nationalité de l’artiste;

- l’année de production de l’œuvre; - les dimensions de l’œuvre;

- l’authenticité de l’œuvre (datage, signature, monogramme, certifiée, cataloguée, listée ou publiée);

- la localisation de la vente (par exemple une maison d’enchères);

- le genre (paysage, marine, nature morte, scène de genre, portrait ou composition); - le médium (sculpture, peinture, aquarelle, dessin, estampe ou autre);

- le support (toile, velours, bois, carton, marouflage, papier, verre, mur ou autre); - le format (carré, rectangle, cercle, ovale ou autre);

- la condition (excellente, imparfaite, endommagé, sans mention ou autre); - les primes de l’acheteur, du vendeur ou autre;

- la position du lot dans la vente.

2.2 Segmentation du marché

En raison de son hétérogénéité marquée, les propriétés du marché des œuvres d’art ne peuvent pas être généralisées. Avant d’entreprendre le processus d’évaluation, il convient de procéder d’abord à la segmentation du marché par artiste en raison d’une forte relation entre les caractéristiques du tableau et l’identité de son créateur (Valsan, 2002).

Dans certaines grandes bases de données, des tableaux d’auteurs confondus sont parfois considérés dans une même étude en assumant qu’ils sont discriminés par des variables binaires, également introduites dans le modèle d’évaluation. Bien que cette approche puisse générer des résultats valides, elle risque néanmoins de confondre certaines particularités des marchés différentes par artiste. Autrement dit, lorsque les données existent, il est plutôt préférable de procéder à la segmentation par artiste.

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2.3 Influence des intermédiaires

Comme il a été mentionné plus haut, différents acteurs intéressés par l’œuvre peuvent agir sur son prix de négociation. Les études faisant l’analyse des déterminants de prix confondent souvent l’influence des intermédiaires. L’hypothèse supportant cette omission repose sur le fait qu’il n’est pas nécessaire de distinguer les attributs provenant du domaine d’autres autres types de propriétés comme celles immobilières puisque, d’après Palmquist (1984) et Bartik (1986), les attributs affectant les prix et les différents acteurs sont déjà bien corrélés.

Cette situation, bien qu’elle soit valide en immobilier, n’est toutefois pas le cas pour les œuvres d’art. Agissant seul ou en association, chaque acteur a des connaissances, des capacités financières et pouvoirs d’influence forts distincts. Pour les différencier, il est nécessaire de procéder par segmentation ou de faire des ajustements appropriés à l’intérieur des modèles d’évaluation.

2.4 Facteurs de temps et de localisation

Ces deux facteurs figurent aussi parmi les déterminants importants des niveaux de prix observés qu’il convient de considérer. L’évaluation fournit une estimation de la valeur marchande de l’objet d’art à une date précise, qui change par la suite. Par conséquent, pour établir son opinion sur la valeur d’un sujet d’art à une date précise, le professionnel examine l’état récent des ventes sur le même marché à l’intérieur d’une même année habituellement. Ceci garde cohérentes les influences des attributs ainsi que les conditions du marché dans un court horizon temporel, qui changent lorsque la période temporelle est étendue au-delà d’une année, par exemple.

Le même phénomène est valide pour le facteur de localisation. Si les ventes des tableaux d’un même artiste se produisent dans des localisations où les acteurs, les maisons d’enchères, les contextes socio-économique et politique sont différents, la méthode par segmentation ou rajustements s’impose encore. Autrement dit, si le même tableau est

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vendu à Paris ou à New York, toutes choses étant égales par ailleurs, les prix de vente sont rarement proches.

3. Méthodes d’évaluation des œuvres d’art

Une fois les informations sur les déterminants traitées et la segmentation du marché considérée, l’analyste s’attarde aux approches à la fois classiques et modernes d’évaluation avant de choisir celle qui convient la plus dans l’estimation de la valeur marchande de l’œuvre-sujet.

Les trois approches classiques d’évaluation de la valeur sont celles par l’usage de coût, prix et revenu. Reposant sur les fondements conceptuels et pratiques de l’une d’entre celles-ci, l’approche moderne consiste à l’usage de la modélisation par des bases de données, d’outils informatiques et de paramètres communs, souvent utiles à l’évaluation de masse en raison de ses faibles coûts, de rapidité, de plus d’objectivités et de transparence des paramètres avec des tests statistiques.

3.1 Approche par le coût

Cette approche convient à l’estimation de la valeur d’un bien économique par la sommation des coûts impliqués par ses agents de production. L’application de cette méthode est recherchée lorsque le bien en question est rare et dont les informations sur les prix de transaction ainsi que les revenus stables manquent d’occurrence et de rigueur. Dans le cas d’une œuvre d’art comme un tableau, pour un artiste débutant notamment, cette méthode est utile pour le calcul de coût de base du tableau en considérant, notamment, le coût des matériaux et des heures de travail investies pour sa création. Pour des œuvres plus réputées, l’approximation de la valeur par le coût est moins pertinente, car une grande portion de la valeur repose sur un agent de production différent de ceux traditionnels, soit la popularité de l’artiste que nous pouvons considérer comme une « rente d’art ». Dans sa méthodologie conceptuelle et pratique actuelle, la méthode de coût est incapable d’intégrer cette portion intangible de la valeur.

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Le coût offre, en l’occurrence, la possibilité d’estimer la dépréciation encourue par les tableaux d’art même si la théorie et la pratique n’ont pas encore intégré cet aspect important dans la structure de la méthode. Il existe, en effet, une littérature abondante sur la conservation des tableaux d’art dans les musées, sur leur dégradation et l’usure physique sans qu’aucune attention particulière ne soit portée à la perte de la valeur économique causée par la dépréciation. La conservation des œuvres est importante, car les matériaux et les médiums employés ne durent pas indéfiniment.

3.2. Approche par le revenu

L’approche par le revenu offre une autre possibilité d’estimation, d’une manière différente, de la valeur des tableaux. Elle requiert que ces tableaux génèrent des revenus stables durant leur cycle de vie économique utile. Ces revenus sont projetés dans le futur tout comme les dépenses d’opération et de maintien à assumer afin que les tableaux engendrent des flux nets de revenus périodiques. L’approximation de la valeur se fait par une technique et un taux d’actualisation des revenus nets.

Cette méthode est donc utile si le bien économique génère des revenus stables dans le futur. Également, son usage est recherché si les informations sur les deux autres méthodes sont moins pertinentes. Il existe une faible portion des tableaux d’art réputés qui génèrent des revenus stables pour les investisseurs. Enfin, ils peuvent même procurer des rendements plus intéressants que d’autres types de biens comme ceux cotés à la bourse. Même si les tableaux génèrent des revenus, la fiabilité d’estimation de la valeur par cette méthode dépend de la qualité des informations normalisées et stabilisées à la fois sur les flux monétaires, mais aussi les frais engagés durant les périodes futures.

3.3 Approche par le prix

Parmi les trois approches classiques, celle par le prix est directe comme elle est une expression tangible des subjectivités d’agents économiques sur les attributs d’utilité déterminant la valeur des biens. L’ampleur du prix négocié par l’offre et la demande est

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sensée de refléter, d’une manière plus ou moins rationnelle, le nombre et la qualité des attributs composant la valeur du bien. Le prix observé d’un bien est donc une référence directe d’un autre bien identique ou semblable pour lequel la valeur est recherchée.

Cette approche est préférée aux deux autres si le marché des ventes est actif et dispose d’un grand nombre de cas pour les mêmes types de biens économiques. L’augmentation du nombre de références consolide l’application de la méthode; l’inverse le fait questionner en déplaçant le choix vers celles par le coût ou le revenu. Une autre faiblesse de cette méthode est relative à l’estimation des contributions individuelles de chacun des attributs d’utilité à la valeur. En fait, le sujet pour lequel une approximation de la valeur est recherchée nécessite l’analyse des différentiels de prix de ses comparables. Or, il arrive que les comparables ne soient pas si comparables et parfois, les différences entre les attributs du sujet et ceux de ses comparables peuvent être significatives, rendant ainsi le processus d’ajustement des prix laborieux et donc risqué.

3.4 Approche par la modélisation statistique

Parmi les trois approches classiques brièvement définies, l’estimation de la valeur marchande d’un tableau d’art par le prix est assurément celle préférée, en assumant que les données de ventes sont fiables et nombreuses. Dans la version classique de la méthode par le prix, l’expert fait le travail en considérant quelques ventes (environ 4-5) comparatives comme preuves directes du tableau sujet. Cependant, comme nous avons soulignés plus haut, les prix observés ne sont pas tout à fait fiables en tous points, notamment du degré de subjectivité des agents économiques, de l’inefficacité du marché et celle des prix à refléter les quantités/qualités des attributs d’utilité des tableaux, Donc les quelques ventes peuvent en être affectées, rendant le processus d’évaluation vulnérable.

Les quelques faiblesses notées peuvent cependant être redressées, du moins suffisamment, par une bonne segmentation, la considération d’un plus grand nombre de ventes et le choix approprié des attributs d’utilités. C’est ce que nous avons tenté dans

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l’exercice qui suit en considérant l’application de la méthode de prix dans sa version moderne par la modélisation statistique. L’application de cette approche statistique est reconnue dans d’autres types de biens, notamment l’immobilier (pour une revue de la littérature détaillée, voir Sirmans et al., 2005). Lancaster (1966) et ensuite Rosen (1974) ont établi les fondements d’application de l’approche statistique dans l’évaluation de la valeur de biens économiques en considérant les prix observés comme phénomène d’intérêt.

Deux approches de modélisation des prix sont priorisées en évaluation (Ginsburgh et al., 2006): ventes répétées et régression linéaire multiple. Les deux fournissent des estimations fiables, mais celle par ventes répétées est plus exigeante (Zanola, 2007; Collins et al., 2009). En fait, il y a très peu de ventes répétées dans le cas des tableaux d’art, ce qui facilite le choix de la méthode par la régression multiple qui suit pour notre exemple d’application pratique.

4. Exemple pratique d’évaluation

L’application d’un modèle statistique permet essentiellement de calculer les montants des rajustements, nécessaires à l’estimation de la valeur marchande d’un objet d’art. Cette méthode requiert la formation d’une base de données codifiée avec le détail des attributs du sujet évalué. Une bonne connaissance de ce marché, de ses dynamiques et des relations spécifiques entre les paramètres de rajustement constitue un avantage que les autres méthodes n’offrent pas.

Dans l’exemple suivant, une base de données est constituée à partir du marché des tableaux du peintre canadien Jean-Paul Riopelle (1923-2002). L’échantillon contient plus de 197 tableaux à l’huile, transigés par deux maisons d’enchères, entre janvier 2006 et décembre 2009. Toutes les caractéristiques de ces tableaux sont obtenues à travers les sites Internet, en particulier Artinfo. Aujourd’hui, plusieurs autres sources permettent de collecter des données utiles, les plus connues étant Mayer, Stride & Son, Frank Marshall,

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Les données collectées et codifiées dans cet exemple concernent des ventes uniques (les reventes sont exclues). La variable dépendante du modèle utilisé est formée des prix de vente observés, avec des montants qui varient entre 11 000 $ et 1,89 million de dollars américains (avec moyenne des prix de 158 000 $). Considérant le facteur de temps, les prix des tableaux ont été rajustés par l’intégration d’une variable explicative MoisVent. Cette dernière exprime, pour chaque tableau, le nombre de jours écoulés depuis la date de transaction.

Comme montre le tableau suivant, la base contient plusieurs catégories d’attributs de rajustement relatifs, notamment, à l’année et à la localisation des ventes, à l’identité des maisons d’enchères, aux dimensions physiques et paramètres d’authentification tels que la présence d’une signature, d’un titre, d’un catalogue, d’une littérature, d’une monographie ainsi qu’à l’âge chronologique des tableaux. La dernière colonne contient les informations relatives au tableau sujet, nécessaires pour procéder à l’exercice d’évaluation plus loin en tant que démonstration pratique.

Certains paramètres de ce tableau sont répétés sous une autre forme, nécessitant ici une clarification. Il existe enfin une relation entre les prix concernant l’âge et la superficie des tableaux qui n’est pas de type linéaire. Le fait que l’âge ou la superficie soit mis au carré montre que cette relation suit une fonction de type quadratique. En effet, chaque unité additionnelle de superficie n’est pas reflétée dans les prix par une contribution linéaire, mais plutôt se reflète en une contribution décroissante selon les tests préliminaires hors modèle.

Concernant la localisation, les prix des tableaux sont observés dans les enchères populaires auprès de Christie’s à Paris et à New York. Pour cet exercice, on suppose que les prix observés dans ces deux villes servent de références. Il faut souligner que si un tableau est évalué à la ville de Montréal, par exemple, il faudra y prévoir un rajustement de localisation pour celle-ci. Cette localisation requiert d’ailleurs la considération d’un grand nombre d’occurrences en ventes afin de mieux isoler l’effet de la localisation, chose qui n’arrive pas souvent avec surtout pour les tableaux moins populaires.

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En considérant l’hétérogénéité du marché de Riopelle, une segmentation de prix par catégorie de marché se conçoit dans cet exercice, avec une certaine difficulté cependant. En fait, comme le prix du sujet n’est pas connu, une telle segmentation n’est pas automatique. Pour y parvenir, il était nécessaire de regrouper les tableaux par style dans plusieurs segments, ce qui est particulièrement pertinent avec le marché de Riopelle, car les connaisseurs arrivent à bien discerner les attributs des tableaux par les détails et la main-d’œuvre investie. Quatre segments ont été retenus pour ce marché, le segment 1 correspondant, par exemple, aux tableaux plus simples comparativement au segment 4 qui regroupe les tableaux importants.

TABLEAU 1

Définition et codification des variables

Le modèle montre la relation qui existe entre le prix total observé d’un tableau et un ensemble de ses attributs d’utilité, exprimée comme suit :

Pj = ni=1ωixN+ ε

Variable Définition Type et codes Sujet

MoisVent Jours passés en comparaison à la vente la plus récente Métrique

Hauteur Hauteur du tableau en cm Métrique (cm) 65

Largeur Largeur du tableau en cm Métrique (cm) 81

Superfic Hauteur x largeur Métrique 5,265

Suprfcarre Superficie mise au carré Métrique 27,720,225

Age Age du tableau Métrique (années) 32

Agecarre Age mis au carré Métrique 1,024

Canevas Si le tableau est sur support canavas 1 = oui; 0=autres oui

Titre Si le tableau contient un titre 1 = oui; 0=autres non

Catalog Si le tableau est apparu dans une catalogue 1 = oui; 0=autres non

Signe Si le tableau contient signature 1 = oui; 0=autres non

Date Si le tableau contient date de production 1 = oui; 0=autres oui

Authent Si le tableau est authentifié 1 = oui; 0=autres oui

ChristParis Si la vente a eu lieu à Christie's, à Paris 1 = oui; 0=autres oui

ChristNY Si la vente a eu lieu à Christie's, à New-York 1 = oui; 0=autres

Segment1 Marché de haut de gamme 1 = oui; 0=autres oui

Segment2 Marché de bonne gamme 1 = oui; 0=autres

Segment3 Marché de moyenne gamme 1 = oui; 0=autres

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où Pj est le prix observé d’un tableau j, xN indique les caractéristiques explicatives, ωi représente les coefficients d’ajustement à estimer de ces caractéristiques et le terme ε désigne la marge d’erreur du modèle.

En utilisant le modèle de régression linéaire multiple et une base de données portant sur les 197 ventes de tableaux du même artiste et d’un même style, on obtient les résultats regroupés dans le TABLEAU 2 suivant.

Parmi les 18 variables considérées, seulement 9 sont retenues comme étant significatives par ce modèle. Il parvient à expliquer les variations des prix dans une proportion de 59 %, avec une erreur moyenne de 134 836 $. Un tel résultat est acceptable dans ce marché hétérogène avec des prix et attributs assez disparates. Les signes positifs/négatifs sur la nature de l’impact et du montant des ajustements suggérés dans le modèle sont aussi en cohérence avec les attentes pratiques. Par ailleurs, tous les montants estimés des attributs affichés au tableau sont statistiquement très significatifs, largement en dessous du seuil exigé de 5%.

TABLEAU 2

Résultats du modèle de régression

La comparaison des résultats des ajustements dérivés de ce modèle avec ceux d’une approche classique par grille d’ajustements permet de déduire que les résultats du modèle

R2 0.775 Erreur du modèle 134,836

R2 ajusté 0.590 Nb observ; Nb. Var. 197; 9

Variable Coeffic. Err.stand. Statist. T Probabilité t

Constante 119,383 48,330 2.47 0.0140 Authent 55,552 19,431 2.86 0.0050 Age 3,206 1,127 2.85 0.0050 ChristParis 107,359 21,463 5.00 0.0000 ChristNY 223,262 52,275 4.27 0.0000 Superfic 5.11 1.87 2.73 0.0070 Suprfcarre -0.000046 0.0000 -2.47 0.0140 Segment1 442,614 35,443 12.49 0.0000 Segment2 132,722 30,966 4.29 0.0000 Segment3 80,179 25,700 3.12 0.0020 Modèle de régression Variable dépendante: Prix ajusté

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exposé ici sont très performants. Les ajustements estimés ne proviennent pas non plus d’une intuition ou expérience individuelle. De plus, ils sont accompagnés de statistiques très utiles et fiables. Par exemple, l’ajustement positif estimé pour l’âge du tableau est accompagné par la mesure de son erreur d’estimation qui est de 1 127 $ (plus de 35 %). La mesure de cet attribut signifie que chaque année de vieillissement fait gagner 3 206$ au tableau de Riopelle. Ce genre d’information n’est pas fourni dans la grille d’ajustement classique de la méthode des prix.

La lecture du tableau nous fournit d’autres informations appréciables. Par exemple, la constante indique que tous les tableaux de Riopelle dans ce marché commencent avec un prix de base de 119 383$. Si le tableau est authentifié, il commande une prime de 55 552 $. Si la vente du tableau était réalisée à New York, 223 262$, comparativement à Paris dont la prime serait de 107 359$. Quant à la superficie, la contribution exprimée par cm est de 5,11$, avec une erreur d’estimation de 1.87$ sur ce montant. Sans grand étonnement, l’ajustement le plus important est redressé par l’appartenance à l’un des segments de marché opéré dans le modèle.

À partir des résultats de ce modèle, à titre d’exemple, nous pouvons évaluer comme suit la valeur marchande du tableau sujet:

Finalement, il faut noter que les résultats des ajustements calculés par ce modèle ne s’appliquent qu’au marché des tableaux d’art de Riopelle dont certains sont datés au plus tard de l’année 2009. Si un autre tableau de ce peintre devait être évalué à une date ultérieure, en 2013 par exemple, il faudrait ajouter des ventes plus récentes de l’artiste.

Valeur = Constante + Authent + Age + ChristParis + Superfic + Suprfcarre + Segment 1

= 119 383 + 55 552 + (32 x 3 206) + 107 359 + (5.11 x 5 265) + (-0.000046 x 27 720 225) + 442 614

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16 Conclusion

Au même titre que d’autres types de biens de valeur économique, les œuvres d’art commandent également une expertise en évaluation, car la valeur de celle-ci peut être substantielle pour différents acteurs du marché et contextes parfois complexes. Même considérée et pratiquée, toute erreur d’estimation aurait des impacts plus ou moins importants tout dépendant de l’agent et de l’ampleur de la valeur. Toutefois, le travail n’est pas aisé comme le marché de l’art ne s’apprête pas facilement à l’exercice d’évaluation dont le degré d’exigence suit l’hétérogénéité de celui-ci, la rationalité des agents économiques participants, la conformité des concepts, de l’objet d’étude, des méthodes employées, de données utilisées, etc.

Il convient donc de bien connaître ce marché, avec ses subtilités relatives à la négociation des prix et des attributs de l’œuvre considérés par le marché. Les professionnels en évaluation apprécient non seulement une expérience pratique, mais exigent aussi une formation appropriée des fondements conceptuels dans le domaine. Ceci est d’autant vraie que le marché de la propriété mobilière, versus à celle immobilière, ne partage pas les mêmes caractéristiques et dynamiques. Les tableaux d’art constituent un laboratoire de plein de défis et de passion dans le processus d’évaluateur de leur valeur.

Un des défis importants que souligne cette recherche concerne presqu’une omission de la pratique d’évaluation éprouvée, notamment celle immobilière en Amérique du Nord, du marché de l’art, en particulier celui des tableaux. Pourtant, les concepts, informations et méthodes existent. Les difficultés dont nous avons essayé d’en faire une analyse ne sont pas infranchissables si les données et méthodes existantes sont bien identifiées et mises en œuvre. Par l’application d’un exercice pratique, nous avons considéré l’approche statistique comme une alternative intéressante, reposant en particulier sur la méthode classique d’évaluation par l’analyse et l’ajustement des prix observés.

Dans cet article, l’accent est mis sur la spécificité et la complexité du marché des tableaux d’art, en soulignant l’importance de bien distinguer les concepts et méthodes

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qu’elles soutiennent. En effet, quel que soit le domaine d’application, comme l’économie, la comptabilité, la finance ou le droit, il faut bien discerner les trois concepts de coût, de prix et de revenu ainsi que les trois méthodes universelles dont ces derniers justifient l’application, avec les limites qu’elles peuvent contenir. Ces concepts exigent des données comparatives relatives à chacun qu’il ne faut pas confondre entre eux, mais surtout pas les considérer en tant que substituts de la valeur. Les données sur le coût, le revenu et le prix sont des expressions de la valeur, utilisées pour approximer la valeur. L’appréciation des tableaux d’art reste dans le domaine d’incertitude de la valeur qu’il faut bien viser sans perdre de vu qu’il s’agit d’une approximation.

En somme, nous pouvons considérer qu’il y ait un besoin pour un travail d’homogénéisation des normes conceptuelles et pratiques dans le domaine de l’évaluation de la valeur des objets d’art. Les professionnels ont déjà parcouru un long chemin dans cette perspective, avec la contribution des académiciens qui peuvent rehausser encore le niveau de la formation académique en bénéficiant d’un plus grand accès à des connaissances multidisciplinaires, des données riches, des nouvelles technologies de l’information et de la modélisation des valeurs, notamment celles immobilières.

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