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HAL Id: dumas-01837112

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Submitted on 12 Jul 2018

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Mickaël Pors

To cite this version:

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Mikaël Pors

sous la direction de Yves-Ghislain Dessy «S’il s’agissait de transport, nous serions transportés. S’il s’agissait

simplement de transport, il y aurait un point A, un point de départ, une origine, et un point B, une arrivée, un objectif. Entre les deux, le silence, un rien, un clin d’oeil... Le temps serait comme suspendu.»

Mobile! dresse le portrait de la nouvelle

mobilité au travers d’une analyse des paradigmes contemporains et de l’évolution des modes de circuler.

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Tous droits réservés, Août 2012.

Mémoire dirigé par Yves-Ghislain DESSY, Professeur à l’ENSA de Nantes.

Illustration de couverture:

Aéroport de Tempelhof, à Berlin, reconverti en jardin public.

(10/09/2011 - Sean Gallup/Getty Images Europe) Typographie:

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Sommaire

Avant-Propos Introduction (p.9)

L’avènement des transports: Une évolution des modes. (p.17)

- La forme des villes (p.19)

- La révolution industrielle (p.22) - Des idées plein la tête (p.27) - La voiture reine

(et ses conséquences territoriales) (p.28) - La conquête de l’air, La conquête de l’ailleurs (p.34) Un changement de paradigme: Du transport à la mobilité. (p.37) - L’information (p.44) - Le corps (p.51) - L’autre (p.55) - Le lieu (p.61) - Le temps (p.70) - L’environnement (p.74)

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Mise en évidence du métissage des modes au travers d’exemples connus. (p.79)

- La marche à pied (p.84) - Le vélo (p.87) - La voiture (p.91) - Le bus (p.94) - Le taxi (p.97) - Le tourisme aérien (p.99) - Le train (p.103) Conclusion :

Vers une mobilité durable? (p.115) Bibliographie Remerciements

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J’ai rencontré la thématique de la mobilité lors ma se-conde année à l’École d’Architecture, j’étais alors à Montpellier. Depuis, je m’amuse à projeter la ville de demain, sans pétrole, dans laquelle la cette mobilité sera cruciale.

Si elle génère une nouvelle forme d’urbanisme et des architectures innovantes, la nouvelle mobilité, dont il est question dans cet essai, permet également de nou-velles pratiques des modes de déplacement. Les temps du transport sont devenus des temps de vie à part en-tière.

Au début de ma réflexion, j’avais pour projet d’écrire sur le futur du train, sur une nouvelle conception qu’il sera nécessaire, j’en reste persuadé, de mettre en œuvre. Mais une étude préalable de l’évolution des modes, et de l’avènement d’une nouvelle mobilité s’est avérée indispensable pour mieux cerner le sujet, comprendre les nouveaux paradigmes et introduire la problématique future liée au train. Mobile ! est donc le résultat de ce travail préliminaire.

Pour un ouvrage sur la question de la mobilité, il sem-blait tout naturel de lui donner la forme d’un livre de poche. Le lire dans le tramway, ou dans le bus, lui fera prendre tout son sens.

Avant-propos

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Introduction

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INTRODUCTION

il s’agissait de transport, nous serions transportés. S’il s’agissait simplement de transport, il y aurait un point A, un point de départ, une origine, et un point B, une arrivée, un objectif. Entre les deux, le silence, un rien, un clin d’oeil... Le temps serait comme sus-pendu.

Mais lorsqu’on parle de transport, par-delà le point de départ et la destination, qui restent évidemment des facteurs d’importance, l’essence même de celui-ci c’est le voyage. Ce n’est pas l’endroit où l’on va, c’est exactement comment on s’y rend. Ce temps du trajet nous fait vivre, parfois subir mille et une petites choses. Insignifiantes ou non, ces petits riens font de notre trajet un instant perceptible et mémorable. Et A et B ne sont pas forcément éloignés l’un de l’autre. Il s’agit évidemment des trajets exceptionnels qui nous conduisent en vacances, au ski ou à la mer, mais surtout A et B désignent les lieux du quotidien, le bureau, la maison, le parc, la rue, l’arrêt de bus... Tout le monde a besoin de circuler, en permanence. On va voir un ami, on part à l’école, au travail ou faire ses courses.

D’autant plus qu’aujourd’hui l’éloignement géogra-phique de deux lieux n’est plus synonyme d’inaccessi-bilité. À force d’innovations techniques, les différents modes de déplacement ont modifié la géographie, en y intégrant le temps. La notion de «lointain» n’a plus

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forcément de raison d’être. Paris n’est plus à 7000km de New-York mais à 6 heures d’avion. Notre société ne compte plus la distance en kilomètres mais en mi-nutes.

Il est cependant vrai que l’histoire des transports peut se résumer à la recherche d’aller toujours plus vite, à la manière du toujours plus haut que l’on a cherché à atteindre avec la construction acier, et l’invention de l’ascenseur.

Au 18ème siècle, il fallait dix jours pour aller de Paris à

Avignon en malle-poste, aujourd’hui il suffit de trois heures en TGV. Il y a soixante-dix ans, il fallait quinze jours en avion pour faire Londres - Sydney ; au-jourd’hui, il suffit de seize heures de vol. L’historien, Christophe Studeny, résume bien cette nouvelle si-tuation : « La vitesse est devenue notre seconde nature.

Nous ne concevons plus la vie sans elle, le temps sans montre, l’espace sans véhicule». Et rien ne semblait devoir

arrê-ter cette progression vers le «toujours plus de vitesse». En 1867, Ildefons Cerdà, dans Teoria general de la ur-banizacion, écrit que « chaque mode de locomotion génère une forme d’urbanisme » ; et là est justement la

limite de cette envie d’aller toujours plus loin. Après les nombreuses expériences liées aux avancées techno-logiques en matière de déplacement, la ville semblait éventrée, et l’être humain a été peu à peu chassé de celle-ci.

À la fin du 20ème siècle, un changement de mentalités

s’opère. Les citoyens en ont assez de cet idéal de la

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INTRODUCTION

tesse, et montrent leur volonté d’une remise à l’échelle au travers d’une nouvelle réflexion sur la ville et sur le mouvement. Ceci est lié aux modes de vie contempo-rains :

- La vie quotidienne des ménages a changé. La multiplication des sphères d’activités de leurs membres, la libérali-sation de ceux-ci ainsi que l’éclatement spatial des espaces de vie dans lesquels ils évoluent obligent à une mobilité ac-crue. C’est de cette mobilité dont dé-pendra désormais la qualité de vie.

- Le monde du travail, avec la multi-plication des contrats à durée déter-minée, a imposé une nouvelle flexibilité. Celle-ci passe également par la mobilité des individus, et une certaine réactivité. La montée du chômage en est une des raisons : le travailleur se satisfait d’un emploi loin de chez lui. On a alors de moins en moins tendance à se poser, et on devient de plus en plus mobile.

- Il existe désormais de multiples manières de se déplacer, dans le temps et dans l’espace, et donc d’assurer la co-présence des acteurs. Les innovations techniques ne cessent de modeler de nouvelles manières d’être mobiles. Il en résulte que les individus doivent

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La mobilité telle qu’on la conçoit aujourd’hui fait donc pleinement partie de nos modes de vie actuels. Elle exprime une transition. Elle est également très liée à la technologie et à l’information qui, grâce aux diverses innovations en la matière, sont à la portée de tous au travers de médiums et d’outils pratiqués au quotidien.

La démocratisation d’Internet, et son développement mobile, en est l’une des principales composantes. On est connecté partout tout le temps, ce qui engendre bien des révolutions quant à notre façon de pratiquer l’espace et le temps.

Lors d’une grève des transports urbains, c’est un drame de ne pas pouvoir circuler, de même lorsque notre téléphone mobile n’a plus de batterie : on de-vient coupé du monde. « L’important est d’être connecté, l’insupportable est de ne pas avoir de réseau »

résume Francis Rambert, directeur de l’IFA, dans le texte d’introduction de l’exposition Circuler qui s’est tenue à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, à Paris, en 2012.

On visite d’ailleurs cette exposition non plus à l’aide d’un audio-guide, mais simplement de son smart-phone, par le biais d’une application mobile. Preuve que celui-ci est devenu un élément-clé dans la pra-continuellement s’adapter, et donc être

de plus en plus flexibles. L’acteur fait désormais face à divers choix d’accès, et de compétences pour répondre à ses besoins de mobilité.

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INTRODUCTION

tique de cette nouvelle mobilité. On se distrait en cir-culant, on s’informe en circir-culant, après tout, on vit en mouvement.

Avec cette nouvelle manière de vivre la mobilité, c’est également l’espace dans lequel on la pratique qu’il faut repenser. La ville de demain doit être recomposée autour d’une vie en mouvement. C’est d’ailleurs ce qu’a plaidé chacune des équipes d’architectes, d’ingé-nieurs et de sociologues consultées pour le Grand Pa-ris en 2009 : une mobilité pour tous, et partout. Car la

mobilité est finalement une affaire de grand public, et non pas de spécialiste.

La présente étude propose dans un premier temps une lecture accélérée de l’évolution des modes de déplace-ment. Comment en sommes-nous arrivés à faire le choix d’une ville éparse, une ville dans laquelle il n’était plus possible de flâner tellement les distances et les réseaux semblaient hors d’échelle pour une pra-tique humaine. L’expression « Circulez, y’a rien à voir ! » n’a jamais été si forte de sens.

Mais la mobilité est en train de changer en profon-deur dans ses pratiques, ses moyens et ses acteurs. Nous nous focaliserons donc, dans une seconde par-tie, sur ce changement de paradigmes qui s’est opéré en réponse aux expériences passées en matière d’urba-nité, et de mouvement.

Les solutions du 20ème siècle ne sont plus adaptées, ou sont insuffisantes face au défi du 21ème siècle. Ce changement de mentalité est passé par de nouveaux

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rapports à l’information, au temps, aux lieux, et au corps, qui ont à leur tour engendré des manières inno-vantes de circuler.

Ces grandes mutations nous les analyserons dans un dernier chapitre, en se penchant sur des exemples concrets que nous pratiquons au quotidien, pour en-fin ouvrir une réflexion sur le futur du train.

Cet essai cherche à mettre en évidence les nouvelles préoccupations du citadin moderne, qui s’est trans-formé, sans forcément s’en rendre compte, en néo-nomade. Ce néo-nomade, grâce à ses déplacements, redéfinit une quantité d’espaces et remodèle une ville nouvelle. ____

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L’avènement des transports:

Une évolution des modes

Comment en sommes-nous arrivés là? - La forme des villes

- La révolution industrielle - Des idées plein la tête - La voiture reine

(et ses conséquences territoriales) - La conquête de l’air, La conquête de l’ailleurs.

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l faut avouer que mises à part de rares exceptions, comme la loi interdisant la construction de grands navires en Chine, après la mort de l’empereur Yongle au 15ème siècle, ou plus récemment la fin du Concorde et des vols commerciaux supersoniques en 2003, les modes de circuler ont connu des évolutions importantes tout au long de l’Histoire. Avec le pro-grès, ces évolutions n’ont fait que s’accélérer, surtout depuis le 19ème siècle.

____ La forme des villes.

Au commencement, la ville semblait si dense que cir-culer en son sein n’était possible que par « droits de passage », de maison en maison, et de terrasse en ter-rasse. Cette ville hyperdense, telle une utopie contem-poraine, ne comprenait ni rue, ni passage. Les habita-tions étaient serrées les unes aux autres, et simplement quelques échelles permettaient d’accéder aux toitures voisines. Six mille ans avant Jésus-Christ, on estime à 7000 le nombre d’habitants de cette ville d’Anatolie, nommée Çatalhöyük, connue comme étant la pre-mière cité de l’Histoire. Il n’y avait guère de lieux de rencontre, ni même de bâtiment public mais exclusi-vement des habitations.

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Pour répondre au besoin indéniable d’accéder aux ri-chesses matérielles et immatérielles que concentre la ville, pour assurer sa survie et également pour rencon-trer un autre que soi, la ville se réorganisa. Le bâti s’écarta, comme pour respirer. On distingua alors les lieux d’activité sédentaire des lieux de passage. La rue était née. Pour ainsi dire, l’espacement a ajouté de la vie à la ville. Désormais, on pouvait y rester, circuler, et vivre ensemble.

Puis l’intersection de rues a modelé des places, comme pour provoquer les rencontres, les échanges, et le commerce. Celles-ci deviendront les différents centres de la ville ; lieux où les négociations politiques et économiques auront lieu. Les Grecs l’appelleront l’agora, les Romains, le forum.

Ces espaces vides, comme une pause urbaine, ont permis également de mettre en valeur tel ou tel bâti-ment, en donnant du recul, et donc de créer des points de repère, une hiérarchie dans les secteurs de la ville, des quartiers.

En 312 avant J-C, la voie Appienne est ordonnée. Ce sera la première route pavée de l’histoire. Celle-ci re-prend le tracé d’une ancienne voie, qui relie Rome à Capoue, que le censeur Appius Claudius Caecus a voulu élargir et rendre plus praticable. À l’époque les Romains l’appelaient la « Reine des voies » (Regina

Viarum), ce qui n’est pas sans rappeler le culte que

voueront quelques deux mille ans plus tard, les cita-dins à l’autoroute.

Autant que la route, on pratique alors la ville à cheval, ou en voiture à cheval. Certaines rues, plus utilisées

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que d’autres, s’élargissent pour y laisser se croiser plu-sieurs de ces véhicules, on les pave pour plus de prati-cité. La ville respire. Elle est modelée par ses vides, comme saura très bien le montrer le cartographe Giambattista Nolli, au 16ème siècle, avec sa représen-tation de Rome.

À leurs seuils, des portes sont érigées. Édifices visant à réguler les entrées et sorties de la ville, et donc d’assurer sa sécurité, c’est par là que le voyageur pé-nètre dans la ville, lieu où la route de-vient rue. C’est aussi ici que l’on ac-cueille les grands personnages de l’Histoire. La porte identifie la ville par son architecture particulière.

À partir de la fin du 18ème siècle, des portes de ville sans fonction militaire apparente sont construites pour l’octroi, ancêtre des péages urbains que l’on ren-contre aujourd’hui à Singapour, Londres, ou Stoc-kholm.

D’autres arrivées lointaines se faisaient également par voies fluviales ou maritimes. On créa le port, comme un autre seuil de la ville. Avec son esplanade, et ses quais, le port s’est vite transformé en haut lieu de commerce et d’échange.

Au fil du temps, la ville s’est mutée pour permettre un subtil équilibre entre « les lieux où l’on reste et ceux où l’on passe », notion chère à Jean-Marie Duthilleul,

architecte-ingénieur et co-fondateur de l’agence AREP.

La nuova topografia di Roma Comasco, par

Giambattista Nolli, 1748.

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La révolution industrielle.

L’invention de la machine à vapeur, au XIXe siècle, va révolutionner, entre autres, la façon de se déplacer. Les trains à vapeur se mettent vite à sillonner les mil-liers de kilomètres de chemins de fer que le vieux continent ainsi que l’Amérique du Nord dénom-brent. Avec le train, c’est l’espace que l’on agrandit. C’est un bateau terrestre. En rendant accessible la grande majorité des villes en un temps record et dans des conditions de confort nouvelles, le citoyen se transforme en voyageur.

Il a fallu alors penser les lieux de départ et d’arrivée de ces trains, comme une nouvelle porte sur la ville. Les stations ferroviaires, alors placées en limite de la cité, prennent la forme de portes, d’arches. Grâce à cette nouvelle infrastructure qui tourne la ville vers l’ailleurs, celle-ci s’agrandit, se développe autour des gares qui seront, dès 1880, enserrées dans le tissu urbain. La gare se transforme alors en point de repère, à la façon d’un palais avec cam-panile devant lequel on se rassemble, autour duquel on vit *. Peu à peu, la gare se rapproche, voire imite l’archétype du port. C’est un port terrestre. Derrière ces façades de pierre, on construit d’im-menses structures de verre et d’acier pour y abriter machines et voyageurs. Ces grandes halles créent un véritable lieu de vie, comme embarcadère certes * La Gare de Lyon

(Paris) en est un très bon exemple. Un imposant beffroi surplombe le parvis où quelques milliers de voyageurs du quotidien se croisent et se rencontrent. La tour érigée assume un rôle d’orientation, comme un cap en pleine ville.

Illustration: La Gare de Lyon - Paris, vers 1905.

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mais également en y logeant rapidement d’autres ser-vices.

La gare devient alors un des centres névralgiques de la ville, autour duquel on crée de larges avenues, et où tout un panel d’hôtels, la plupart du temps luxueux, s’installe pour proposer au voyageur de passage un lit et le couvert. On peut y voir une réécriture des an-ciens relais de poste présents sur les routes des dili-gences.

Durant le même siècle, deux autres in-ventions ont révolutionné la forme des villes et la façon d’y circuler. D’une part, la mise en place de transports collectifs réguliers, et d’autre part, la motorisa-tion des véhicules, qui mettra ainsi fin à la traction animale.

C’est à Nantes, en 1823, qu’apparaît pour la première fois l’omnibus. D’autres initiatives semblables font, il est vrai, leur apparition de façon quasi-simultanée aux quatre coins du monde, mais on reconnaît la paternité de celui-ci à Stanislas Baudry qui nomma «

Om-nibus » sa première compagnie nantaise.

La légende veut que ce nom viennent en

réalité de la chapellerie d’un certain M. Omnés dans le centre de Nantes. Celle-ci faisait face au terminus d’une des lignes et avait inscrit sur sa devanture

«Omnés omnibus» (omnibus étant le latin de « pour

tous »). Le nom est resté pour ensuite ne conserver que le suffixe « bus » encore d’usage aujourd’hui.

Voûte au-dessus des quais, St Enoch Station, Glasgow (Royaume-Uni), 1961. © Edwin Smith / RIBA

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L’omnibus s’apparente à une grosse voiture traînée par des chevaux, qui suit un itinéraire strict et qui passe à intervalles réguliers. Face à cette réussite, Sta-nislas Baudry est appelé à Paris dès 1828 pour déve-lopper le même système dans les rues de la capitale. Bientôt, l’omnibus sera posé sur des rails, on le nom-mera alors tramway. Entre 1870 et 1880, les chevaux seront remplacés par des moteurs autonomes avec l’électrobus et le trolleybus. Les tramways se mêlent alors à la circulation des piétons et aux chevaux, dans les rues des grandes villes européennes.

Pourtant de nombreux aménagements en direction du piéton sont faits dans ces années. À Paris, en 1869, on compte 1088 kilomètres de trottoirs, lesquels sont ponctués de 8 428 bancs publics cette même année.

Entre 1890 et 1910, les ani-maux de trait vont disparaître des rues pour laisser place à toutes sortes d’engins méca-niques.

En plus du tramway, le métro fait son apparition dans les plus grandes villes. Puis c’est au tour des automobiles, et des autobus. Au même moment, la bicyclette prend son essor, sui-vi de près par son pendant mo-torisé, la motocyclette. Les rues et les avenues devien-nent un terrain de jeu géant où les flux de personnes et de

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cules s’entrecroisent à leur guise. Alors lorsqu’en 1902, on donne l’auto-risation aux maires de réglementer eux-mêmes la circulation de leur commune, on voit rapidement apparaître les pre-miers panneaux de signalisation indi-quant le plus souvent une vitesse maxi-male autorisée de 10km/h.

Le 6 février 1911, le premier arrêt de bus sera installé dans la capitale au carrefour Richelieu-Drouot. Un an plus tard, c’est au carrefour de la rue et du boule-vard de Montmartre qu’un feu de signalisation que le

« kiosque-signal » sera mis en place. Il faudra attendre

1923, pour que les premiers signaux lumineux à fonctionnement manuel arrivent, et 1936 pour leur version automatique.

Ce n’est qu’en 1927 que le préfet Chiappe fait instal-ler les premiers « passages cloutés » afin de réguinstal-ler les flux piétons. En 1959, on ne compte pas moins de 700 000 clous formant plus de 12 500 passages dans Paris. Dès 1970, les passages cloutés sont peu à peu remplacés par des passages à bandes. En un demi-siècle, le piéton est devenu un mode comme les autres.

Chacun de ces modes, de par leurs aménagements spécifiques, fractionne les espaces de circulation entre les différents moyens de locomotions, et fend la pratique de la ville.

Évidemment, avec de telles révolutions dans les ma-nières de se déplacer, la pratique de l’espace change. On s’habitue à voir la ville en mouvement depuis un

Boulevard Poissonnière, Paris, vers 1905 - 1910.

© Parisienne de photographie / Fonds Roger-Viollet. Vue de Regent Street depuis Oxford Circus, Londres (Royaume-Unis), 1930. © Collection of London Transport Museum.

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élément lui-même mobile. Les temps du trajet ne nous appartiennent plus, nous ne sommes plus que des spectateurs de cette activité. Pire encore, en em-pruntant les métros souterrains, on renonce à voir la ville lors des déplacements, à se repérer, à s’orienter. Les moments où l’on circule deviennent des mo-ments perdus. Seule l’arrivée compte.

Circuler en ville n’est qu’une simple utilité qu’on cherche à faire durer le moins de temps possible.

Et dans cette époque où la technique chamboule les mœurs, c’est à Paris

que l’on décide, en 1932 de mettre au placard le plus grand réseau de tramways du monde au profit de l’autobus.

C’est à la fois un omnibus sans chevaux et un tram-way sans rail qui donc peut se faufiler partout, et pal-lier l’encombrement de la ville. L’autobus et l’auto-mobile semblent être à elles deux le Graal des modes de transports. Commence alors une nouvelle ère dans la pratique de la ville.

Il est à noter qu’en parallèle de ces innovations, la dé-mocratisation de l’ascenseur dans les immeubles d’habitations à la fin du 19ème siècle préconise une ville en trois dimension. On commence alors à construire en hauteur, sans peur, alors que la ville, elle, continue à s’étaler. (nldr : lire du même auteur

Une Tour Logique, 2010)

« Nous affirmons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle: la beauté de la vitesse» Filippo Tomaso

Marinetti, « Manifeste du futurisme », Le Figaro, 20 février 1909

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Des idées plein la tête.

Entre 1890 et 1930, c’est donc à une nouvelle ville à laquelle on fait face. Nouvelle avant tout dans sa pratique car il existe désormais une multitude de moyens de locomotion pour aller d’un point à un autre. Pourtant la forme des villes n’a pas été repensée autour de cela ; bien que ce ne soient pas les idées qui manquent.

Des années 1910 aux années 40, de nombreux architectes et illustrateurs se sont essayés à imaginer la ville de de-main, et de proposer différents scéna-rios pour y circuler. Ces visionnaires sont unanimes, on vivra la ville des an-nées 2000 de façon mobile. La forme ur-baine aura été redessinée autour, et à partir des systèmes de transport. Ainsi, avec le développement de l’ascenseur, l’urbanisme sera vertical, et les réseaux suivront.

On n’hésitera pas à superposer les fonc-tions, à fractionner les modes. À en croire les dessins de Hugh Ferriss, ou ceux de Harvey W. Corbett, piétons, voitures, métros, tramways, trains, et avions se croiseront sans jamais se gêner mutuellement. Chacun de ces modes pratiquera sa propre infrastructure pour

Illustration: “Vision of an American city in 1950” en réponse aux propos tenus par Corbett. Popular Science Monthly, Août 1925.

“Les rues de la ville du futur, explique Harvey

Corbett, se répartiront sur

quatre niveaux. Le niveau haut pour les piétons, son inférieur pour les véhicules lents, le suivant pour les véhicules rapides et le plus bas pour les trains électriques. De grands gratte-ciels à gradins d’un demi mile de haut accueilleront bureaux, écoles, maisons et aires de jeux sur différents niveaux, tandis que le toit sera occupé par une piste

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se déplacer. Celles-ci seront réparties sur le nouvel axe Z de la ville, l’axe vertical.

L’étude de ces utopies futures montre bien que, dès le début du 20ème siècle, c’est bien le mouvement qui fascine les hommes, ainsi que les quêtes, qui ne font que commencer, de la hauteur et de la vitesse. Il sem-blerait que la qualité de vie des habitants de demain soit finalement moins importante que leur capacité à se déplacer, et à se déplacer vite.

C’est donc naturellement que l’arrivée de l’automo-bile, et que ce désir de vitesse grandissant ont cham-boulé le dessin des villes et des campagnes.

La voiture reine

(et ses conséquences territoriales) La nouvelle machine qu’est la voiture automobile at-tire le citadin car il semble qu’à son bord, on puisse amplifier notre force humaine, en se déplaçant à notre guise bien plus vite qu’à cheval. L’automobile permet en quelque sorte de maîtriser de façon autonome le temps.

C’est également un nouvel outil nécessaire à la liber-té. Désormais, on ne dépend plus de personne pour partir, flâner, s’arrêter, repartir, à n’importe quel ins-tant, là où l’on veut *.

On veut aller plus vite, encore plus vite, mais les in-frastructures pour ce faire sont souvent inadaptées à ce désir de vitesse. Et c’est dire: on ne compte, en 1913, que 3000km de routes goudronnées ou pavées sur les 36000km qui sillonnent le pays. Comme un

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stylo sans page, on a l’outil mais pas le support.

C’est en Allemagne qu’émergera en 1909 le concept tout neuf d’une route à voies séparées, réservées à la circulation de véhicules rapides. En septembre 1923, entre Milan et Varèse, en Italie, la première autoroute au monde est ou-verte à la circulation.

Au sortir de la Première Guerre Mondiale, l’ingé-nieur italien Piero Puricelli imagina « une route nou-velle réservée exclusivement au trafic à moteur ». Le

projet de cette route nouvelle devait relier Milan aux deux grands lacs, le Lac de Côme, et le Lac Majeur, d’où son nom Autostrada dei Laghi, l’Autoroute des Lacs. C’est en septembre 1923, que le premier tron-çon, entre Milan et Gallarate, soit 33km, est inaugu-ré, en présence du Roi d’Italie Victor-Emmanuel III. On considère cette route comme étant la première autoroute au monde, car Puricelli fit construire au niveau de Legnano un croisement de routes à niveaux séparés, qu’il nomma « échangeur ».

Le futur était là, à portée de main. En effet, à cette époque, malgré un désir de vitesse palpable, le nombre total de véhicules à moteur n’excédait pas les 40 000 (dont la moitié se concentraient en Lombar-die). L’autoroute sera complétée l’année suivante, pour atteindre une longueur totale de 77km. Malgré cela, on peut s’apercevoir que c’est en 1909 à Berlin que le concept de route à voies séparées, et réservée à la circulation de véhicules rapides voit le

* Georges Pompidou lors

de l’inauguration de l’autoroute Lille-Mar-seille, le 29 octobre 1970, déclara « l’automobile est un instrument de libération offrant la possibilité pour l’Homme d’échapper au contraintes du transport collectif».

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jour. En 1914, est mise en place à Long Island, aux Etats-Unis, une route de ce type, sur 65km, desser-vant des résidences. Une seconde route à voies sépa-rée vient également remettre en question « la pre-mière autoroute du monde » de Puricelli. En

périphérie de Berlin, un tronçon de 10km avec péage sera inauguré en 1921.

Ces infrastructures nouvelles, prônant la vitesse, marquent le début d’un nou-veau paysage fendu par de larges axes autoroutiers et également une nouvelle pratique du voyage, née de la distancia-tion entre l’individu et le paysage. Dé-sormais, le voyageur n’a plus aucun contact, sinon visuel, avec le territoire. L’homme à pied n’est plus le bienvenu sur ces nouvelles routes. Ce sont de réels tuyaux à ciel ouvert faits exclusivement pour optimiser les flux des véhicules motorisés.

On crée cependant, le long de ces larges voies infinies des lieux d’un type nouveau, des aires de repos, réé-criture contemporaine des caravansérails. Ces aires de repos sont purement fonctionnelles, simplement utiles. Tout y est fait pour que le voyageur perde le moins de temps possible, pour qu’il ne s’y attarde pas. On y trouve des sanitaires, et des tables de pique-nique, sans plus.

Aujourd’hui, quelques-uns de ces lieux hors de toute catégorie sont rendus plus attractifs dès lors qu’ils proposent d’autres services tels que la restauration,

Vue aérienne d’un échangeur d’autoroutes à cinq branches en périphérie de Seattle (États-Unis). © Charles Rotkin / Corbis

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des stations-service, des machines à café, ou toute autre boutique faisant la promotion de la région tra-versée (et dont bien souvent le voyageur n’a pas conscience).

Ces routes qui prêchent à la fois vitesse et sécurité ont donc connu un très large développement dans les dé-cennies qui suivirent.

Après avoir trouvé son terrain de jeu, la voiture, très souple, a continué sa quête d’innovation et de vitesse, pour devenir dès les années 60, le mode de déplace-ment dominant.

Pour l’accompagner au quotidien, dans ses déplace-ments, et ses arrêts différentes architectures sont créées en dehors et dans la ville. Garages, parking, péages, stations-service, motels… La voiture particu-lière devient reine. Et partout, on facilite sa circula-tion, on aménage l’urbain pour qu’elle puisse péné-trer très vite partout. La population et les décideurs politiques sont aveuglés par l’automobile, et veulent tout rendre possible pour elle. Les raccordements d’autoroutes aux centres historiques des villes don-nent lieu à de larges pénétrantes, et à d’immenses boulevards périphériques qui écrasent et dénaturent les quartiers existants.

En persévérant dans cette politique, la limite entre la ville et le territoire est devenue floue, et ce à cause des véritables ruptures d’échelles qu’on a fait subir dans les aménagements urbains pour assouvir les désirs de l’automobile. La ville s’est peu à peu diluée vers l’exté-rieure, en grignotant les campagnes environnantes, et s’est spécialisée de plus en plus par zones

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phiques et fonctionnelles, modèle urbain que prô-naient les signataires de la Charte d’Athènes, entre lesquelles on circule de plus en plus vite. Selon ce mo-dèle, la population sait où aller pour consommer, se distraire, travailler, ou encore dormir. Ainsi, pour at-teindre l’efficacité optimale de tous les modes de transport proposés dans ce tissu urbain, sans que ceux-ci ne se gênent mutuellement, on décide d’affec-ter un réseau par mode. C’est alors qu’on voit appa-raître, comme le prévoyait en un sens les utopies des années 30, des rues pour piétons, des voies de bus, ou encore des routes exclusives pour voitures.

C’est la ville éclatée.

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Le temps de transport d’une zone à une autre est des-tiné à être, encore une fois, le plus court possible. D’ailleurs l’origine latine du mot « transport » reflète bien ce qu’il représente à cette époque dans la tête des gens. Porter au-delà ; faire parvenir dans un autre endroit. Il s’agit donc de se rendre d’un endroit A,

l’origine, à un endroit B, la destination, sans se sou-cier de la qualité du trajet. La finalité du transport n’est autre que l’arrivée. En portant l’attention exclu-sivement sur cette efficacité du trajet, on a peu à peu perdu la richesse de la ville. On ne cherche plus à l’observer, à l’admirer, mais simplement à optimiser ses activités dans le temps.

Les espaces où l’on reste sont délaissés, au profit de ceux où l’on circule. Il y a comme une dislocation de la pratique de la ville. Celle-ci ne semble plus être spa-tiale, mais temporelle. On ne compte plus les dis-tances en mètres, mais en minutes. « Toujours la ville, mais sans la ville » résumera Francis Beaucire,

cher-cheur au CNRS sur les questions de géographie ur-baine.

Le plus grave, c’est certainement que plus personne, y compris les concepteurs, ne porte plus d’attention à ces lieux de transit. L’efficacité est bien plus impor-tante que la qualité. Les infrastructures créées sont donc terriblement strictes, et ne laissent possible au-cune flexibilité des espaces.

En bon effet boule-de-neige, l’avènement du « tout

routier » cause également le déclin

des transports collectifs, jugés peu attrayants car moins rapides. Les trains, les gares et leurs quartiers sont

Photo aérienne de la banlieue de Levittown, New York (États-Unis), 1949. © Arthur Green / Bettmann /Corbis

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eux aussi délaissés. On les considère sans avenir. Des parkings, le plus souvent clandestins, prennent place sur tous les parvis, toutes les places et autres espaces vides qu’offre la ville, et remplacent les quelques gares routières appelées à disparaître.

Dans cette quête de vitesse, il semble que, hormis l’avion et la voiture, tout autre mode n’a plus sa place sur le podium des modes de transports.

La conquête de l’air, la conquête de l’ailleurs.

Le 9 octobre 1890, Clément Ader fait voler pour la première fois son engin baptisé Éole, qu’il nomme plus communément « avion » depuis 1875. Après son décollage, Éole rase le sol à vingt centimètres au-dessus de la piste, sur une distance d’une cinquantaine de mètres. Mais la trop faible hauteur atteinte ne convainquit pas les entrepreneurs. D’ailleurs ce jour-là, on dit qu’aucun témoin n’était présent, autres que les employés d’Ader. Les expériences suivirent, entre autres avec son Avion III mais le ministère de la Guerre, qui avait crédité Clément Ader pour ces re-cherches, n’aura jamais été conquis par ces tentatives. C’est après de longues recherches menées sur les pla-neurs que les frères Wright, inventeurs américains, réussiront à voler sur une distance maximale de 284 mètres en 59 secondes à bord de leur engin « plus lourd que l’air » baptisé Flyer. Ce vol sera homologué

le 17 décembre 1903 comme étant le premier vol mo-torisé de l’histoire.

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L’Homme pouvait s’emparer dès lors de l’inacces-sible ciel. Et les évolutions de l’avion ne se seront pas faites attendre. Très vite, ils prennent de la hauteur, ils passent les fleuves, les mers, puis les océans, les chaînes de montagne, les déserts.

À partir des années 1930, l’avion devient l’objet qui permet, plus que d’autres, de s’ouvrir au monde, d’accéder au lointain, à l’ailleurs, à l’inconnu. À la manière de ses concurrents, les désormais obsolètes train et bateau, on conçoit de grands embarcadères à la périphérie des grandes villes. Le port se situe à la limite entre la ville et la mer, l’aéroport se situera entre la ville et le ciel. Et la comparaison ne s’arrête pas là. Quais pour l’un, pistes pour l’autre, l’eau s’est transformée en une immense étendue de goudron. On y ajoutera également un peu de gare, par la construction d’immenses halles, pour abriter les voyageurs, qu’on nommera naturellement aérogares. Les avions grossissent pour accueillir

plus de voyageurs, les escales deviennent plus longues, les pistes s’allongent et s’élargissent. Dans les années 60 et 70, on compte chaque année une augmen-tation de la fréquenaugmen-tation des aéroports de 15 à 20%. De nouvelles aires de sta-tionnement sont dessinées, et on com-plète ces immenses zones d’embarca-dères par des hôtels, des services, ou autres voies ferrées.

Contrairement aux ports, souvent pla-cés au cœur historique des villes

mari-Vue aérienne de Heathrow Airport, Londres (Royaume-Uni), 1955. © The National Archive UK

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times, et aux gares ferroviaires, situées à la limite de l’ancienne ville, les aéroports sont eux installés hors de la ville, engendrant un système circulatoire propre, et un sentiment de non-ville parcourue exclusivement par des gens de passage, en transit. Ce choix géogra-phique est justifié d’une part par la nuisance sonore que provoquent ces engins volants, et d’autres part par l’immense surface libre nécessaire à son établisse-ment.

Pour partir ailleurs, en avion, il faut la voiture. Le « tout routier » est à son apogée.

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Un changement de paradigme:

Du transport à la mobilité

Une mutation des usages qui passe par : - L’information - Le corps - L’autre - Le lieu - Le temps - L’environnement

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a façon de circuler et de vivre la ville aura donc été dictée par les différents modes de déplacement qui se sont développés et améliorés au cours du 20ème siècle. Les usagers n’ont eu d’autres choix que d’ali-gner leur mode de vie aux grands réseaux de trans-port. Aller au travail en métro, partir en voiture pour le week-end, et passer des heures dans les embou-teillages du retour. Mais à l’aube du 21ème siècle, une autre révolution aura marqué leur façon d’échanger avec le monde, et celle-ci n’a plus pas grand chose à voir avec le mot pétrole. Elle ouvrira le monde sur une nouvelle dimension, celle du virtuel.

La naissance d’Internet a engendré un nombre incal-culable d’innovations, tant du point de vue technique et technologique, que relationnel. Et c’est d’ailleurs sa fonction première : le suffixe de tous les sites que nous visitons, « www », signifie « world wide web », une toile planétaire. C’est, sans conteste, cette toile géante qui a permis un échange extraordinairement facile entre les individus du monde entier.

Il y aura eu le télégramme, dont le contenu du premier message était le bien connu «What hath God wrought?», « Qu’est-ce que Dieu a fabriqué là ?»,

écrit par Samuel Morse le 24 mai 1844. Puis le pre-mier coup de téléphone que Bell donna le 10 mai 1876, « Mr. Watson, come here. I need to see you. ». La

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révolution suivante en matière de communication a bien évidemment été le mail.

Inventé par l’ingénieur Ray Tomlinson, durant le mois de décembre 1971, pour le compte de l’ARPAnet de l’armée américaine, ancêtre direct d’Internet, son contenu semble bien moins histo-rique : « QWERTYUIOP » écrit-il,

soit la première ligne de touches sur les claviers américains. Il faut dire que ce premier échange s’était fait dans son la-boratoire et à lui-même.

Enfin, le 21 mars 2006, le premier tweet fut envoyé par Jack Dorsey («just setting up my twttr») ouvrant

ainsi le monde à un nouveau type d’information : le

« en temps réel ».

Au cours des années 90, l’évolution normale du télé-phone s’est largement répandue. Le télétélé-phone mo-bile permet désormais à deux individus, en plus de communiquer, de se rencontrer sans rendez-vous préalable. Les rendez-vous deviennent dynamiques.

« Où es-tu ? » devient la première question posée

avant même « Comment vas-tu ? ». Ce changement

d’habitude peut sembler anodin, mais il est l’une des preuves les plus évidentes de l’émergence d’un nou-veau paradigme : la mobilité.

Cette évolution n’est que peu visible pour la plupart d’entre nous, bien que tous la pratiquent au quoti-dien. Ce changement paradigmatique est important car il est porté par la mutation en profondeur des usages et des valeurs, et il affecte aussi les outils et les

C’est Tim Berners-Lee, qui, en 1989, développa les principes de l’ARPAnet pour créer l’Internet. « Je n’ai fait que

prendre le principe d’hypertexte et le relier au principe du TCP et du DNS et alors – tada ! – ce fut le World Wide Web ! »

explique-t-il simplement.

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moyens d’une manière inattendue. Enfin, il passe par des acteurs, des activités, et des espaces inhabituelle-ment impliqués.

La mobilité englobe désormais la presque totalité de la vie quotidienne. C’est une idée neuve sur les sujets de circulation. Elle est sujette aux innovations, et c’est en cela qu’elle devient difficile à appréhender. Que peut-on dire du futur dans un présent où tout change très vite ? La prospective ne sert pas prédire ce que sera la mobilité dans un futur proche, mais plutôt d’identifier et de comprendre ses concepts porteurs d’avenir, les paradigmes émergeants sur les questions de mouvements. Cela passera par de la recherche, et une étude axée sur les différents rapports que ce chan-gement opère.

La mobilité au sens large s’assume comme une idée nouvelle qui révolutionne l’obsolète notion de trans-port. Lorsqu’on parlait de « Transport », on traitait

des « flux », c’est-à-dire qu’on observait le

mouve-ment sous l’angle quantitatif. L’usager était transpor-té, à la voix passive, contrairement à cette nouvelle notion qui implique que l’individu est mobile, à la voix active. Et c’est exactement ça : dans l’ère de la mobilité, l’individu est désormais actif.

L’homme d’aujourd’hui vit avec ce renouveau conceptuel, à tel point que c’en est devenu un véri-table mode de vie contemporain. On pourrait consi-dérer qu’après avoir été pour une ère un homo sa-piens, un « homme savant », celui-ci est devenu, comme une résultante des innovations de ces deux

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derniers siècles en la matière, un homo mobilis, un «homme mobile», souple, connecté et multimodal, comme l’écrit Georges Amar, directeur de la Pros-pective & de la Conception Innovante à la RATP, dans un livre du même nom.

Autre signe du temps, être étiqueté « personne à mo-bilité réduite » est désormais inacceptable, on pré-fèrera d’ailleurs le terme de « personne à besoins spécifiques », tellement le droit à la mobilité est devenu indé-niable. C’est un nouveau Droit de l’Homme et du Citoyen.Vivre la nou-velle mobilité, c’est finalement mettre l’homme au cœur des attentions. Comme indiqué dans la première partie de cette recherche, les différentes évolu-tions voire révoluévolu-tions du transport ont chacune cherché une efficacité optimale. La priorité était à tout prix de perdre le moins de temps possible pour arriver à destination. Alors on a développé des machines de plus en plus rapides, qui ont permis d’agrandir l’espace, et de créer une nouvelle géographie qui ne dé-pendait plus du lieu d’arrivée, mais du temps pour y parvenir.

L’espace urbain « idéal » visait alors la négation de l’espace physique, explique le géographe Jacques Lévy. On cherchait à créer une ville basée sur le modèle du

« La “conquête de l’espace“ signifie alors des machines plus rapides. Le mouvement accéléré signifiait un espace plus grand, et l’accélération des mouvements était le seul moyen d’accroissement de l’espace. Dans cette conquête, l’expan- sion spatiale était le nom du gibier, et l’espace était l’enjeu ; l’espace était une valeur, le temps un outil»

Zygmunt Bauman, in

Liquid Modernity, 2002.

& illustration : carte de l’Europe générée par le logiciel Darcy par rapport aux temps d’accès (Colette Cauvin et Gilles Vuidel)

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point, une ville où la mobilité serait égale à zéro. Le déplacement était devenu un véritable objet de dé-testation. Le mode de pensée sédentariste voulait nous éviter le maximum de frottements, de contacts, et de détours. Aller au plus vite là-bas était la seule consigne. Pourtant c’est bien l’expérience du réseau qui rend possible l’expérience de l’espace, soulève Da-mien Masson, chercheur au CRESSON.

Le temps du trajet ne peut clairement plus être consi-déré comme un temps mort, mais plutôt comme des

« lieux-moments » entre les « lieux-mouvements ». Car

le mouvement n’est pas une conséquence des lieux, et n’est pas pour autant atopique, ni même transitif. Il ne faut pas considérer les déplacements de manière quantitative, mais comme un « phénomène de la mo-bilité », comme un tout.

Dans le raisonnement classique, le transport se fait entre deux fixités. Or désormais, lorsqu’on s’arrête, c’est entre deux mobilités. Émerge alors un renouveau conceptuel qui ne porte plus exclusivement sur la puissance de transit du transport, à savoir la capacité, la vitesse et la distance, mais qui va la compléter en provoquant des contacts, de la sérendipité, et du contenu. On parlera désormais de « reliance » et

non plus de « valeur transit ». Évidemment, le vieux paradigme du vite-loin-beaucoup va perdurer mais ces mouvements deviendront actifs et interactifs. Le temps vécu du mouvement sera utile et intéressant. Nous qui comptions jusque-là en Km/heure, nous compterons dès lors, avec cette mobilité intégrée à la vie urbaine, en X/Km, où X signifie expérience.

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À la manière de la voiture motorisée lors de son in-vention et de sa vulgarisation, on pourrait désigner le citadin contemporain d’automobile, en se fiant à l’étymologie grecque du mot : « mobile soi-même ». Celui-ci est libre de mouvements en ville, ailleurs, partout, et est également de plus en plus libre dans la façon d’effectuer ces mouvements. Alors qu’il était considéré comme spectateur de sa propre mobilité, l’Homme d’aujourd’hui devient concepteur et co-producteur de ses mouvements. Les choix qu’il effec-tue, ses prises de position deviennent finalement aussi importantes que le moyen de locomotion emprunté. On retrouve d’ailleurs la preuve de cela dans les diffé-rents forfaits que les villes, et autres sociétés de trans-ports urbains proposent à leurs usagers. Lors des cam-pagnes de communication de ces sociétés, on entend parler de « cocktail mobilité », ou de choix « à la carte » qui permettent aux Urbains de choisir, pour 1€50, avec leur seul ticket de transport, lequel ou les-quels ils emprunteront entre le métro, le bus, le tram, et même le vélo ou le bateau.

Pourtant, la mobilité ne peut pas être considérée comme quelque chose d’inné, mais bien comme un acquis. On ne naît pas mobile, on le devient, dirait-on pour reprendre le concept de Tertullien. Il y a eu toute une pédagogie autour de cette mobilité, que l’on aura assimilée sans y faire vraiment attention. Cet appren-De nouveaux rapports à l’information.

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tissage, cet empowerment que l’on ne contrôle pas continue d’exister en s’accélérant. À son origine, on y trouve évidemment le développement des avancées technologiques en matière d’équipements, et d’infor-mation.

Le mouvement physique n’a plus semble-t-il le mono-pôle ; il existe désormais une coprésence virtuelle. Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) pénètrent aujourd’hui dans tous les aspects de la vie sociale, et les potentiali-tés du virtuel s’articulent au physique pour créer de nouveaux mouvements, que l’on nommera partages, et surtout de nouvelles conditions de mouvement (partout, tout le temps).

En vue de la grande diversité des flux actuels en ma-tière d’information et de communication ainsi que de leur accessibilité aisée, ces technologies permettent d’intensifier les connexions, et les échanges à dis-tance. De ce fait, elles engendrent de nouvelles formes de circulation, et de pratique de l’espace. On saura par exemple s’approprier l’ambiance de l’ailleurs avant même d’y être, en se promenant dans les rues de

Google Streetview, ou de s’acclimater aux politiques

d’un pays lointain, et à sa réalité sociale.

Les NTIC ont permis de façon quasi extravagante de raccourcir les distances, spatiales, sociales, et tempo-relles, de rétrécir le monde, alors que le règne de la vitesse avait servi à l’agrandir.

L’apparition de nouveaux outils de communication a permis un nouveau type de navigation. Alors qu’hier celle-ci était égocentrée, qu’elle me concernait moi, ce

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que je cherchais à faire, et l’endroit où j’allais, la navi-gation telle qu’on la pratique aujourd’hui semble al-locentrée, c’est-à-dire qu’elle implique et qu’elle inte-ragit avec les autres que moi d’une part, mais également avec d’autres domaines que la simple ques-tion du déplacement spatial. La nouvelle mobilité existe au travers de différentes dimensions cognitives. Il est également amusant de constater que la ville et les NTIC sont très liées. En effet, l’espace physique, et la dimension numérique de celle-ci partagent la même terminologie: on se repère facilement grâce à l’adresse, on circule sur des réseaux qui nous permettent d’en-trer en relation avec d’autres utilisateurs, on croise des portails d’accès, on échange des données…

L’information, elle-même, semble avoir changé de sens, de paradigme. Celle-ci remplit désormais un rôle de logiciel de la mobilité, contrairement à son an-cienne fonction de simple mode d’emploi utile, ou de signalétique spatio-temporelle nécessaire. Nouvelle notion apparue avec le développement de la nouvelle mobilité, ce logiciel, ce software qu’est l’information est finalement aussi important que le véhicule phy-sique, et les infrastructures du transports qui pren-nent d’emblée l’uniforme de l’hardware. On assiste à une révolution informationnelle. C’est au travers de cette nouvelle information que la mobilité contem-poraine est possible. Grâce à elle, l’individu lui-même peut réserver, et valider ses trajets, se localiser, et payer à distance… On pourrait d’ailleurs parler

d’infomobi-lité plus que de nouvelle information tellement

celle-ci façonne nos mouvements.

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On rêverait de voir un cinéaste arpenter les rues de

nos villes et enchaîner, dans la bande-son d’un film, tous les univers musicaux que les marcheurs emportent avec eux dans leurs écouteurs. On aimerait savoir, là tout de suite, quelle ambiance ils transportent, comme on se demande souvent quel est ce livre qu’on aperçoit dans les mains d’un voyageur du métro.

Les urbains d’aujourd’hui se déplacent avec leur

monde. A toute cette intimité qu’un simple sac trans

-portait - une pièce d’identité, des clés, trois photos

des enfants, une carte de paiement, un journal - s’ajoutent le téléphone mobile dernière génération et quelques autres outils électroniques nomades. On avait pris l’habitude, bon gré mal gré, d’entendre tous ces fragments de vie privée chipés au fil des parlottes téléphoniques de la rue. Désormais, on voit aussi des

images. Parfois, dans un McDo ou un Starbucks, appa

-raît sur l’écran d’un ordinateur portable le visage de quelqu’un. Il parle à cet autre qui est là, traîne depuis une heure sur un cappuccino et profite du wi-fi gratuit pour une longue conversation vidéo. Ils sont loin et proches à la fois, et dans ce décor de la cité moderne, on a attrapé en passant un peu de leur vie. La «ville numérique», comme disent les spécialistes, est celle où réseaux et ondes permettent de parler, d’acheter, de s’informer, d’échanger en se déplaçant. Comme l’écrit Thierry Paquot, dans le dernier numéro

de la revue Urbanisme, «le piéton branché a accès en

temps réel aux informations indispensables à sa propre

Quand on navigue en ville.

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navigation urbaine». Le temps d’attente du bus par

exemple, ou la station Vélib la plus proche, le SMS qui fixe un rendez-vous. D’une certaine façon, Google aide autant le citadin que la RATP. Il suffit de se promener le nez sur l’écran.

Ce n’est pas sans risque. Dans la même revue, Nick Roberts, chercheur californien, signe un article intitulé «iPhone City», où il raconte qu’à Brick-Lane, quartier de Londres, des jeunes «font la tournée des bars les yeux rivés sur leur smartphone, rebondissant de lampadaire en poubelle et s’infligeant des blessures allant de l’ecchymose au traumatisme crânien. La

solution adoptée par la ville : entourer les lampa

-daires de coussins protecteurs», poursuit Nick Ro

-berts. On ignore si le scientifique galèje, ce n’est pas exclu.

Mais il est certain que, outre les virtuels réseaux, le citoyen nomade a aussi besoin d’équipements en dur bien réels. Des bancs par exemple, et d’une manière générale tout ce qui permet de s’asseoir sous un

panneau «wi-fi gratuit». La Ville de Paris a obligeam

-ment équipé ses parcs et jardins, mais le service trouve ses limites en hiver. Les gares, les stations de métro, lieux de la mobilité moderne, devraient offrir ce service de base. La tendance est plutôt au payant. Pourtant, partout où il existe quelques sièges et une connexion, les places sont occupées et les PC portables ouverts sur les genoux. Il existe encore des

technologies qui exigent une pause dans la déambula

-tion. Sibylle Vincendon, Libération, le 26 février 2011.

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Le renouveau de l’information est bien évidemment lié à la démocratisation d’Internet, mais plus encore à Georges Amar explique que l’information a en défi-nitive subi quatre grandes mutations grâce aux NTIC. Celles-ci ont transfiguré la mobilité :

- L’info-logiciel assimile l’information à un réel moyen de transport. Cette interface virtuelle rend possible la plupart des pratiques actuelles de la mobilité, tels le covoiturage, le vélo libre-service, la voiture à la demande ou encore le pédibus.

- L’info-empowerment de l’individu est venu accroître sa « capabilité de mobilité ». Il s’agit plus simple-ment de l’apprentissage de mobilité qu’a eu l’indi-vidu. Celui-ci passe par les voies pédagogiques traditionnelles autant que par les nouveaux moyens d’information en temps réel, qui lui permettent d’effectuer des choix rapides et réactifs. - L’info-sérendipité permet de ne plus perdre son temps, d’optimiser ses trajets en saisissant les opportunités de découvertes et d’activités. C’est utiliser les temps de transport en faveur d’autre chose, et combattre l’idée de temps mort du trajet. - L’info-2.0 est directement inspirée du Web 2.0. Elle se veut participative, sociale et à intelligence collective. Plus simple et coopérative, l’information est désormais gérée par l’utilisateur en personne qui devient dès lors un consommateur-producteur.

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MOBILE !

l’arrivée sur le marché mondial de l’évolution du télé-phone mobile : le Smarttélé-phone, le télétélé-phone intelli-gent, qui n’est qu’après-tout un téléphone mobile auquel on a ajouté de l’Information. Lorsqu’on ajoute de la même manière de l’information à la mobilité, on obtient une mobilité intelligente, une « smart mobi-lity », c’est-à-dire l’exacte définition de ce que semble être la (nouvelle) mobilité.

Il y a une quinzaine d’années a eu lieu un bouleverse-ment massif et très rapide dans la pratique des espaces de circulation : le développement des appareils de communication portables.

La première révolution que cette innovation a engen-dré est indubitablement la gestion en temps réel des manières de se déplacer, ce qui semble être l’élément complémentaire à la multiplicité des modes de trans-port. D’autre part, il est désormais devenu possible de continuer ses activités tout en circulant. Travailler, discuter, écouter de la musique, jouer, surfer sur Inter-net… Le temps où l’on bouge est de nouveau un temps de vie à part entière. Le citoyen redevient alors nomade, comme il y a 500 ans, à deux différences près. Aujourd’hui s’ajoute une multitude de moyens pour circuler autrement qu’à pied, et les distances parcou-rues ne se comptent plus en lieues mais en minutes. L’homme moderne est un néo-nomade qui se rap-proche peu à peu d’un idéal qui semblait pourtant inaccessible, celui d’être ici et ailleurs à la fois, le rêve d’ubiquité.

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UN CHANGEMENT DE PARADIGME

De nouveaux rapports au corps.

Comme le rappelle Jean-Pierre Orfeuil, président du Conseil scientifique et d’orientation de l’Institut pour la ville en mouvement, pour assumer sa qualité de vie, l’homme a besoin d’échanger avec les autres, de se donner à voir, et à la fois de savoir se mettre à l’écart dans l’intime. Il a également besoin d’avoir un but, de donner un sens à sa vie, et plus génériquement de justice, de santé et de nature, autant que de com-modités, et de confort. L’éducation, la protection so-ciale et les mouvements ont donc permis l’épanouis-sement de cette qualité de vie.

Bien avant d’être directionnelle et fonctionnelle, la mobilité est un facteur positif de santé. Depuis 2004, dans le cadre du Programme National Nutrition San-té, le Ministère de la Santé mène une politique de communication pour convaincre les Français à prati-quer la marche rapide pendant au moins une demi-heure tous les jours ; ceci dans un but de prévention d’une myriade de maladies, allant des cancers aux pa-thologies cardio-vasculaires, en passant par l’ostéopo-rose, ou encore l’obésité. Si l’on écoute le slogan

« Bouger c’est la santé », la vie sera longue et saine.

La mobilité sert donc à être en bonne santé, contraire-ment au transport, dans lequel, une fois encore, l’in-dividu étant transporté n’était que passif.

Mais la mobilité sert également au plaisir, et au

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