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La Zone Mylonitique de Laparan dans les gneiss du massif de l’Aston :

Datation des Zones Mylonitiques de la Zone Axiale des Pyrénées Orientales

2. La faille de Mérens!:

2.3 La Zone Mylonitique de Laparan dans les gneiss du massif de l’Aston :

a) Présentation!:

La deuxième zone mylonitique étudiée lors de ce travail se trouve à une centaine de mètres au nord du barrage de Laparan dans les formations gneissiques de l’Aston (gneiss de Riète). Majoor (1988) a daté par la méthode Rb-Sr sur roche totale ces gneiss à 315 ± 27 Ma. Il interprète cet âge comme traduisant la réhomogénéisation complète de la composition isotopique du strontium lors des déformations et du métamorphisme varisques à partir d’un protolithe granitique daté à 450-470 Ma. Des âges sur minéraux de 282,5 ± 2,3 Ma et 72,7 ± 0,5 Ma en Rb-Sr sur muscovite et biotite et de 142,1 ± 3,5 Ma et 81,1 ± 2 Ma en K-Ar sur biotite et muscovite sont également disponibles (Majoor, 1988). Jagër et Zwart (1968) rapportent des âges Rb-Sr variables mais systématiquement inférieurs à 220 Ma sur des biotites de différents échantillons des gneiss de l’Aston. Majoor (1988) a également étudié une zone de cisaillement proche de la zone échantillonnée lors de cette étude où il a pu mettre en évidence la présence de phengite cristallisant autour et remplaçant les clastes de muscovite de composition similaire à celle des muscovites des gneiss. Les datations Rb-Sr et 40

Ar/39

Ar donnent des âges respectivement de 63-69 Ma et 56 ± 5 Ma sur les fractions les plus fines où la composante héritée des muscovites anté-déformation est faible, voire absente. Ces âges sont interprétés comme traduisant l’existence d’une déformation ductile à 63-69 Ma, 56 ± 5 Ma représentant un âge de refroidissement.

L’échantillon AS7 (fig. V.7a, b, c, d) provient d’une zone de cisaillement, d’environ un mètre d’épaisseur, similaire à celle étudiée par Majoor (1988). La déformation apparaît très hétérogène (comme précédemment pour la zone cisaillante affectant le granite de Soulcem) et des zones millimétriques semblent concentrer une grande partie de la déformation. Elles sont composées essentiellement de micas blancs phengitiques (cf. Annexe III.E) comme l’avait déjà montré Majoor (1988). La foliation mylonitique est orientée E-W (N100) avec un très fort pendage de 80° vers le sud, sa linéation présente un plongement important vers le SW. Les critères cinématiques indiquent un fonctionnement en faille normale dextre vers le SW. Ces critères s’accordent mal avec ceux connus par ailleurs (Saillant, 1982, Mc Caig, 1984, Majoor, 1988) qui suggèrent une cinématique correspondant à un cisaillement inverse dextre vers le SE. Il se pourrait que le pendage de la foliation de la zone de cisaillement ait été quelque peu modifié lors des phases tardives d’exhumation du massif de l’Aston. La cinématique actuelle ne serait qu’apparente. Le basculement d’un décrochevauchement dextre vers le SE à pendage nord conduisant à la forte inclinaison vers le sud de la foliation mylonitique observée actuellement pourrait expliquer ces différences de sens de cisaillement apparent constatées le long de la faille de Mérens. Les échantillons AS6 et AS5 ont été prélevés à moins d’une centaine de mètres du barrage de Laparan. Ils représentent le protolithe gneissique de l’Aston (fig. V.7e) connu sous le nom de gneiss de Riète (Raguin, 1977). L’échantillon AS3 (fig. V.7f) est un gneiss oeillé du massif de l’Hospitalet prélevé à moins d’un kilomètre au sud de la faille de Mérens au niveau du Port de Fontargente à la frontière franco-andorrane.

V. Datation Zones Mylonitiques

-160-b) Résultats et interprétations!: i) Echantillon AS7!:

Une zone ultramylonitique (échantillon AS7) a pu être isolée comme précédemment dans le cas de Soulcem. Elle se compose de zones à micas blancs phengitiques (cf. Annexe IIIE) alternant avec des zones à quartz totalement recristallisé sous forme de rubans. Trente huit fusions ponctuelles ont été réalisées dans les zones micacées. Les âges 40

Ar/39

Ar se répartissent entre 47,8 ± 2,7 Ma et 120,5 ± 0,7 Ma avec un pic à 58,1 ± 1,6 Ma (fig. V.8). Certains âges relativement anciens peuvent être expliqués par la présence, en faible quantité, de clastes de muscovite (fig. V.7d) ayant préservé en partie leur signature hercynienne. Ces analyses montrent les rapports 38Ar/39Ar les plus élevés et confirment la différence de chimisme entre les micas néoformés à 58,1 ± 1,6 Ma et les micas d’origine hercynienne. La recristallisation sous forme de phengite aurait donc tendance à expulser le chlore du réseau des muscovites primaires. Des micas détritiques (fig. V.8d) ont été séparés et donnent un âge par fusion totale de 127,8 ± 1,1 Ma similaire à celui des micas SOU1 également hérité et similaire aux âges maximums obtenus sur la section de roche.

ii) Echantillon AS6!:

Des analyses ont été réalisées sur des micas primaires l’échantillon AS6 non affecté par le cisaillement mylonitique (fig. V.7e). La muscovite donne un âge plateau de 242,4 ± 2,2

Ma pour plus de 90% de l’39

Ar (fig. V.9). Cet âge, trop jeune par rapport à l’âge supposé hercynien de fermeture initiale du mica (environ 315 Ma selon Majoor (1988)) témoigne donc d’une perte partielle d’argon radiogénique pendant les phases alpines comme à Soulcem. On peut supposer que les analyses par fusion ponctuelle, qui n’ont pu être réalisées au cours de ce travail, d’une muscovite de cette échantillon nous renseigneraient sur la validité de cet âge plateau, qui pourrait, comme dans le cas de Soulcem (SOU2), ne constituer qu’une moyenne d’une zonation coeur-bordure.

Une biotite primaire du même échantillon donne un âge intégré de 70 ± 0,7 Ma pour 72% de l’39

Ar (fig. V.10a). Les âges par fusion ponctuelle répartie entre 60,3 ± 3,9 Ma et 76,2 ± 1,9 Ma de manière aléatoire à l’intérieur d’un autre grain (fig. V.10b) confirment l’âge obtenu par dégazage progressif. Aucune corrélation entre les âges et les rapports 37

Ar/39

Ar et

38

Ar/39

Ar n’a été décelée. L’âge plateau ne semble être que la moyenne d’une gamme d’âges (environ 15 Ma dans ce cas). Le système K-Ar de ces biotites exemptes de déformation et de recristallisation post-hercyniennes a semble-t-il été ouvert par un événement thermique entre la fin du Crétacé et le début du Cénozoïque.

iii) Echantillon AS3!:

Une muscovite et une biotite extraites de l’échantillon AS3 (gneiss non déformé du massif de l’Hospitalet) ont également été analysées. La muscovite fournit un spectre croissant depuis 253,2 ± 69,6 Ma jusqu’à 291,1 ± 3,2 Ma (fig. V.11). Le premier palier montre des rapports 37

Ar/39

Ar et 38

Ar/39

Ar élevés dûs certainement au dégazage d’inclusions lors de la montée en température. Le reste du spectre, qui n’est perturbé ni par le Cl ni par le Ca, évolue

donc jusqu’à 291,1 ± 3,2 Ma, c’est-à-dire un âge proche de celui des déformations hercyniennes à l’origine de la formation des gneiss et de la fermeture initiale de la muscovite pour l’argon.

Une biotite du même échantillon a donné un spectre fortement discordant où, après une première partie du spectre relativement «!plate!» aux alentours de 235,2 ± 2,8 Ma, les âges diminuent jusqu’à 186,1 ± 6,7 Ma avant de remonter à 217,9 ± 2,4 Ma en fin de dégazage (fig. V.12). Cette discordance des âges, souvent rencontrée dans les socles anciens partiellement repris (Maluski, 1978, Monié et Maluski, 1983), tout au long du dégazage ne semble pas liée à l’évolution des rapports 37

Ar/39

Ar et 38

Ar/39

Ar. Un âge total de 221,7 ± 2,2 Ma a pu être calculé. Comme pour les biotites issues des autres massifs gneissiques de ZA (Aston, Canigou), le système K-Ar des biotites du massif de l’Hospitalet a été ouvert postérieurement à sa fermeture à l’hercynien. Néanmoins, l’âge obtenu sur la biotite de ce massif constitue l’âge 40Ar/39Ar le plus vieux connu sur les biotites du socle gneissique, ce qui laisse à penser que l’événement thermique à l’origine de ces ouvertures du système K-Ar a été moins intense au niveau du massif de l’Hospitalet. Jagër et Zwart (1968), en mettant en évidence de plus faibles taux de réhomogénéisation du système Rb-Sr dans les biotites du massif de l’Hospitalet que dans celles du massif de l’Aston, étaient arrivés aux mêmes conclusions.

iv) Apport de la thermochronologie 40

Ar/39

Ar sur feldspath potassique dans les massifs de l’Aston et de l’Hospitalet de part et d’autre de la faille de Mérens!:

Les feldspaths potassiques de deux échantillons situés de part et d’autre de la faille de Mérens ont été analysés pour essayer de contraindre le refroidissement de chacun des massifs de l’Aston et de l’Hospitalet.

Les feldspaths potassiques de l’échantillon AS5 prélevé au niveau du barrage de Laparan (massif de l’Aston!: toit de la faille de Mérens) et équivalent à l’échantillon AS6, donnent un spectre de forme concave, habituel pour ce type de minéral (McDougall et Harrison, 1999), mais très irrégulier (fig. V.13a). Les premiers paliers, représentant moins de 5% de l’argon total, sont marqués par des âges en excès diminuant très rapidement jusqu’à un minimum à 42,3 ± 0,9 Ma. Les âges remontent ensuite jusqu’à 164 ± 0,9 Ma en fin de dégazage. Les trois derniers paliers correspondent à des températures d’extraction de 1400° C (supérieur à la fusion incongruente de feldspath potassique) où la contribution du blanc analytique a été certainement sous-estimée. Nous ne retiendrons donc comme significative thermochronologiquement que la partie entre 5 et 30% de l’argon dégazé qui donne des âges de 42 à 50 Ma correspondant à la fermeture rapide du système à environ 150° C. Cette faible représentativité du spectre d’âge ainsi que des paramètres de diffusion très inhabituels pour ce genre de minéraux (E = 73,2 kcal/mole et log D0/r2

= 6 cm2

/s (fig. V.13b)) ne nous ont pas permis de reconstituer l’évolution thermique de cet échantillon.

De l’autre côté de la faille de Mérens (massif de l’Hospitalet!: mur de la faille de Mérens), les feldspaths potassiques de l’échantillon AS3 fournissent un spectre marqué dès les premiers paliers par un pseudo-plateau à 39,3 ± 1 Ma pour 30% de l’argon total (fig.

V.14a). Les âges augmentent ensuite de façon assez irrégulière jusqu’à 103,3 ± 1,3 Ma avant de redescendre à 77,2 ± 0,8 Ma. Les très faibles quantités de chlore et de calcium rendent les variations des rapports 38

Ar/39

Ar et 37

Ar/39

Ar non significatives (comme c’est également le cas pour les feldspaths potassiques de l’échantillon AS5). La procédure particulière de dégazage préconisé par Lovera et al. (1991) ainsi que la mesure précise de la température ont permis d’extraire les caractéristiques moyennes de diffusion de cette population!: E = 29,3 kcal/mole et log D0/r2

= 0,79 cm2

/s (fig. V.14b) qui ont été utilisées pour modéliser l’histoire thermique de l’échantillon AS3. La courbe de refroidissement ainsi déterminée grâce à la théorie des multi-domaines (Lovera et al., 1989) et un programme d’inversion du type de celui de Lovera et al. (1997) montre un refroidissement rapide, toutefois très mal contraint, depuis 120 Ma jusqu’à environ 100 Ma (fig. V.15). Une période de lent refroidissement est ensuite mise en évidence jusqu’à environ 75 Ma. Ensuite le refroidissement s’accélère faiblement avant de subir une très importante accélération à 40-45 Ma. On peut d’ores et déjà constater que l’âge de cette brutale accélération du refroidissement de l’échantillon AS3 peut être corrélé aux âges minimums du spectre d’âges des feldspaths potassiques de l’échantillon AS5.

L’augmentation du taux de refroidissement, dûe vraisemblablement à l’activité de chevauchements pyrénéens en profondeur, est datée à environ 40-45 Ma par le modèle thermique réalisé à partir du spectre d’âges des feldspaths potassiques de l’échantillon AS3 et par les âges minimums obtenus sur les feldspaths potassiques de l’échantillon AS5. Ces deux échantillons ne semblent pas montrer d’histoire thermique cénozoïque contrastée malgré leur position relative de part et d’autre de la faille de Mérens. L’activité des zones mylonitiques de Soulcem et Laparan à 58 Ma ne semble pas avoir d’influence sur le refroidissement différentiel des massifs. Il faut toutefois noter la très mauvaise définition du spectre d’âge de l’échantillon AS5 qui nous empêche de déterminer précisément le début de l’augmentation du refroidissement (il apparaît toutefois difficile, à partir de la forme du spectre d’âge de lui donner un âge aux environs de 58 Ma). L’âge à 40-45 Ma pour le début d’une période de refroidissement rapide ne semble donc pas être lié à l’activation des chevauchements ductiles au sein même des massifs de l’Aston et de l’Hospitalet. Il pourrait correspondre à l’activation des chevauchements qui émergent plus au sud et qui ont été activés dans des domaines relativement superficiels. Les âges traces de fission d’environ 28 Ma sur le massif de l’Hospitalet et de 31 à 35 Ma sur le massif de l’Aston (Morris et al., 1998) traduisent une exhumation de ces massifs à l’Oligocène certainement en relation avec ces chevauchements. La différence d’âge traces de fission entre ces deux massif est la trace d’une exhumation différentielle dûe vraisemblablement à un mouvement chevauchant vers le sud de la faille de Mérens.

c) Conclusion!:

L’histoire thermo-tectonique des gneiss de l’Aston semble assez similaire à celle déterminée sur le granite de Soulcem. Ainsi un événement thermique généralisé semble affecter les gneiss de l’Aston, en conduisant entre le Crétacé moyen et le Crétacé terminal à

une ouverture plus ou moins importante du système K-Ar des micas et des feldspaths potassiques selon leurs rétentivités respectives. Cet événement est certainement à rapprocher de celui également mis en évidence au niveau des gneiss du Canigou (cf. chapitre III). Ensuite un épisode de déformation intense localisée sur des zones étroites (Majoor, 1988!; ce travail) se produit vers 58,1 ± 1,6 Ma en accord avec l’âge K-Ar à 56 ± 5 Ma déterminé par Majoor (1988). Cet âge, qui constitue vraisemblablement un âge de cristallisation étant donné les basses températures qui prévalent pendant la mylonitisation (Dunlap, 1997), suggère que l’âge modèle Rb-Sr de 63-69 Ma (Majoor, 1988) doit être légèrement vieilli par une faible composante héritée. Cet épisode de cisaillement, dont la cinématique en faille inverse dextre implique la remontée du massif de l’Aston par rapport au massif de l’Hospitalet pourrait expliquer les différences de taux de réhomogénéisation isotopique entre les deux massifs. En effet, avant l’activation du cisaillement, les roches du massif de l’Aston actuellement à l’affleurement devaient se trouver à des niveaux structuralement plus bas que celles du massif de l’Hospitalet et ainsi être soumises plus facilement à un réchauffement d’origine profonde comme le démontre les âges 40

Ar/39

Ar sur les biotites des gneiss de ces deux massifs (≈ 220 Ma pour l’Hospitalet et ≈ 70 Ma pour l’Aston) qui confirment une précédente étude Rb-Sr (Jäger et Zwart, 1968). Cette hypothèse n’est cependant pas confirmée par les analyses effectuées sur les feldspaths potassiques qui ne semblent pas indiquer de comportement différentiel pour le refroidissement des massifs de l’Aston et de l’Hospitalet à 58 Ma. Il serait tout de même nécessaire de confirmer les deux spectres d’âges des feldspaths potassiques pour clarifier définitivement le problème de l’influence de la faille de Mérens sur l’histoire de refroidissement de ces massifs et plus particulièrement sur celle de l’Aston qu’elle est censée exhumer. En plus d’une étude thermochronologique 40

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Ar sur feldspath potassique, l’important dénivelé de ces deux massifs pourrait permettre une étude précise de leur surrection différentielle par l’utilisation des méthodes traces de fission et (U-Th)/He sur des profils altitudinaux.