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Datation des Zones Mylonitiques de la Zone Axiale des Pyrénées Orientales

2. La faille de Mérens!:

2.2 La Zone Mylonitique dans le granite pegmatitique de Soulcem!:

a) Présentation!:

La première zone de déformation pénétrative rattachée à la faille de Mérens étudiée lors de ce travail est un niveau ultramylonitique (fig. V.2 a, b, c) prélevé au sein du granite pegmatique de Soulcem (fig. V.2 d,e,f) intrusif dans l’encaissant métasédimentaire occidental du massif de l’Aston. Ce granite peralumineux tardi-hercynien est daté à 292 ± 13 Ma par la méthode Rb-Sr sur roche totale (Majoor, 1988). Des âges Rb-Sr de 294,4 ± 2,8 Ma et 271,9 ± 2 Ma respectivement sur muscovite et feldspath potassique sont également disponibles (Majoor, 1988). Le granite présente une zone de déformation intense mais hétérogène, d’une épaisseur de quelques mètres. Il s’agit d’une des zones de cisaillement transverses à la zone mylonitique principale de Mérens présente plus au sud (Mc Caig, 1984). La foliation mylonitique est orientée E-W (N085) avec un fort pendage d’environ 75° vers le Nord alors que la linéation montre un très fort plongement, quasi subvertical, vers le NE. Les critères cinématiques indiquent un sens de cisaillement en faille inverse vers le sud avec une composante mineure sénestre (fig. V.2).

La déformation apparaît très hétérogène. Ainsi des zones centimétriques à millimétriques ont subi une déformation telle que le quartz et la muscovite ont recristallisé sous la forme d’agrégats à grain très fin, ayant une dimension de l’ordre du µm. La faiblesse de leur taille empêche une détermination précise de leur composition à la microsonde électronique. Toutes les analyses réalisées dans les zones surmicacées apparaissent être un mélange entre des paillettes de micas blancs (présence de potassium et d’aluminium) et du quartz. La composition de ces micas blancs, plus ou moins phengitique, reste non élucidée. Quelques clastes d’albite subsistent dans ces zones ultradéformées.

b) Résultats et interprétations!: i) Echantillon SOU1!:

Une de ces zones de déformation intense (SOU 1) a pu être prélevée et préparée sous la forme de plaques de quelques millimètres carré et d’environ un millimètre d’épaisseur. Quarante et une fusions ponctuelles dans des zones ultradéformées à micas blancs (± phengitique) plus quartz ont été réalisées et les résultats sont donnés sous forme d’un histogramme de répartition des âges 40

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Ar en fonction de leur fréquence (fig. V.3). Chaque analyse moyenne l’âge d’une certaine quantité de micas blancs et de quartz qui normalement ne contribue pas à l’argon extrait si ce n’est par une faible contamination atmosphérique. Les âges se répartissent entre 42,6 ± 2,9 Ma et 68,5 ± 0,9 Ma avec un pic bien marqué à 57,6 ± 1,4

Ma (± 2 sigma) constituant une moyenne des âges pondérée par l’erreur sur l’âge de chaque

point d’analyse. Aucune corrélation entre les âges et les rapports 37

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Ar et 38

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V. Datation Zones Mylonitiques

-154-être décelée. On constate que les âges jeunes (< à 50-52 Ma) semblent systématiquement liés à une plus forte concentration d’argon atmosphérique que pour les autres analyses (cf. tableau Annexe III.B). On peut penser que l’argon peu lié au réseau cristallin n’ayant pas un rapport

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Ar initial de 295,5 mais un rapport plus bas, ce qui conduit à surestimer la correction d’40

Ar atmosphérique et donc à rajeunir les âges. Ces âges jeunes pourraient également refléter la contribution de clastes d’albite dans le volume total d’argon libéré. L’albite ayant une température de fermeture pour l’argon plus basse que celle des micas, le dégazage simultané de ces deux phases ne peut donner une estimation minimale de l’âge de fermeture du mica. Les âges vieux (> à 60-62 Ma), quant à eux, pourraient résulter de la présence d’une composante mineure d’argon hérité des muscovites hercyniennes (fig. V.2c). Un claste de mica blanc, de composition similaire à celles des muscovites du granite de Soulcem non déformé (SOU 2), a pu être isolé. Il donne un âge par fusion totale (équivalent à un âge K-Ar) de 138,4 ± 1,3 Ma, intermédiaire entre alpin et hercynien. L’étalement des âges sur l’échantillon SOU1 serait donc la conséquence d’une contamination des analyses soit par des clastes de muscovite magmatique incomplétement réhomogénéisée lors de la déformation (âges trop vieux) soit par des clastes d’albite dont la rétentivité en argon est plus basse que celle des micas blancs néoformés (âges trop jeunes).

ii) Echantillon SOU2!:

Cet échantillon du granite non déformé provient du même site que l’échantillon SOU1 et des muscovites primaires ont été analysées. Le dégazage progressif d’un grain fournit un spectre discordant où un âge intégré de 204,5 ± 1,8 Ma pour 99% d’39

Ar dégazé peut être déterminé sans aucune occurrence d’un quelconque âge hercynien (fig. V.4). On peut donc constater que même dans le faciès exempt de toute déformation, l’âge hercynien de mise en place du granite à 292 ± 13 Ma (Majoor, 1988) ne semble pas préservé en raison d’une perte partielle d’argon radiogénique. Pour essayer de mieux comprendre le phénomène à l’origine de cette perte, une série de douze fusions ponctuelles a été réalisée sur une muscovite du même échantillon (fig. V.5). Les âges se répartissent entre 158 ± 1,8 Ma et 273,4 ± 1,7 Ma avec une zonation coeur-bordure bien marquée où les âges les plus vieux sont préservé au centre du cristal. Huit fusions ponctuelles réalisées sur un autre monograin de muscovite donnent des âges apparents compris entre 246,6 ± 0,9 Ma et 167 ± 2,3 Ma montrant le même type de zonation. L’âge intégré de 204,5 ± 1,8 Ma, déterminé à partir du spectre d’âges, ne constitue donc qu’une moyenne de ces âges apparents variant de plus de 100 Ma. Le dégazage progressif ne fait que moyenner ces variations extrêmes et tend à gommer les hétérogénéités isotopiques (Monié, 1998), en particulier dans les phases hydroxylées où la rupture des liaisons OH

provoque un dégazage brutal de l’argon. Les analyses chimiques (cf. Annexe III.E) de ces muscovites montrent que cette variation coeur-bordure des âges apparents ne peut être corrélée à aucune variation de composition chimique depuis le centre des grains jusqu’à leur périphérie. Par ailleurs, la variation des âges apparents ne montre aucune corrélation systématique avec la variation des rapports 37

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Ar, images des rapports Ca/K et Cl/K. Il paraît donc difficile d’attribuer les pertes d’argon enregistrées par la muscovite de l’échantillon SOU2 à des phénomènes de recristallisation statique dans le

V. Datation Zones Mylonitiques

-156-granite non déformé qui auraient dû induire de telle variations chimiques. Les pertes d’argon radiogénique observées dans ces muscovites semblent donc résulter d’un phénomène de diffusion volumique lors d’un événement purement thermique postérieur à 158 ± 1,8 Ma, âge le plus jeune obtenu à la bordure de la muscovite.

Des biotites vertes (très pauvres en fer et magnésium (cf. Annexe IIIE)) apparaissent dans cet échantillon (fig. V.2e). Il s’agit clairement de minéraux secondaires ayant recristallisé de façon statique. Deux de ces biotites ont pu être analysées (fig. V.6). Le dégazage progressif de la première donne un spectre croissant depuis des valeurs de 52,8 ± 3,4 Ma jusqu’à 63,5 ± 4,7 Ma obtenu à la fin du dégazage. La forte proportion d’argon atmosphérique par rapport à l’argon radiogénique a permis de déterminer un âge isochrone de 62,5 ± 0,7 Ma (40Ar/36Ar = 278,6 ± 6,4 et MSWD = 1,1). Un autre monograin a donné un spectre relativement discordant où un âge intégré de 78,3 ± 1,1 Ma a pu être calculé pour près de 95% d’39Ar dégazé. Les âges varient de 65,1 ± 2,4 Ma à 88,1 ± 3,1 Ma sur ce pseudo-plateau. Pour les deux monograins, aucune corrélation entre les âges et l’évolution des rapports 37

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Ar n’a été observée. La cristallisation statique de ces minéraux est associée à l’événement thermique, responsable de la réouverture partielle des muscovites, évoqué plus haut. Celui-ci semble donc avoir un âge compris entre 158 ± 1,8 Ma (âge le plus jeune obtenu à la périphérie des muscovites) et 78,3 ± 1,1 Ma (âge minimum pour la cristallisation statique des biotites vertes). Le premier grain de biotite serait alors à considérer comme un système partiellement ouvert où la diminution des âges vers les paliers de basse température serait dûe soit à l’influence de l’événement de déformation affectant le faciès SOU1 prélevé à une dizaine de mètres et daté à 57,6 ± 1,4 Ma, soit au fait que l’événement thermique à l’origine de ces biotites perdure durant plusieurs millions d’années, conduisant à la fermeture progressive du minéral.

c) Conclusion!:

L’histoire thermotectonique du granite pegmatitique de Soulcem au cours du cycle pyrénéen s.l. semble marquée par deux événements distincts!: le premier, purement thermique, est responsable des pertes d’argon radiogénique dans les muscovites hercyniennes et de la cristallisation des biotites vertes de l’échantillon SOU2 entre 158 ± 1,8 Ma et 78,3 ± 1,1 Ma. On peut noter qu’un âge de 93 ± 2 Ma a été obtenu sur des biotites similaires issues d’une veine de quartz mylonitisée de la faille de Mérens (Mc Caig et Miller, 1986). De plus, un âge de 80–90 Ma est rapporté pour les biotites d’une pegmatite de la partie sud du massif de l’Aston (Garwin et Miller, comm. pers., dans Mc Caig et Miller, 1986). Le second événement est associé à des recristallisations mylonitiques de basse température datées à 57,6 ± 1,4 Ma et localisées dans des zones étroites. Du fait de la faible température à laquelle s’opère la déformation (< Tc des micas blancs phengitiques), nous interprétons cet âge comme un âge de cristallisation syn-cinématique et non de rfroidissement post-cinématique. Nous rattachons cet événement à l’activité d’un chevauchement ductile à vergence sud lors de la compression pyrénéenne.

V. Datation Zones Mylonitiques