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La zone critique est la couche perméable qui s’étend de la canopée jusqu’aux nappes phréatiques2 (Figure 1). Ce terme, zone critique est apparu depuis un siècle dans un article

allemand écrit par le physico-chimiste D.E. Tsakalotos en 1909 et qui réfère à une zone de mélange binaire de deux fluides. Il fut ensuite utilisé dans des articles qui traitent de la minéralogie dans l’étude des sols et dans la science de l’eau. Ce n’est qu’en 2001 que la National Research Council Comittee des États-Unis définit la zone critique comme un environnement hétérogène à proximité de la surface et dans lequel des interactions complexes intégrant les roches, le sol, l’eau et l’air et les organismes vivants régularisent l’habitat naturel et déterminent la disponibilité des ressources indispensables à la vie sur terre (Anderson et al., 2008 ; Lin, 2009).

Cette interface dynamique entre la terre solide et son enveloppe fluide est gouvernée par un ensemble complexe de forces et de sollicitations d’ordres météorologiques anthropiques, climatiques ou tectoniques. Cette zone participe à la formation des sols, à l’évolution des paysages, au développement de la biomasse visible et invisible, à la formation de la ressource en eau, à l’acquisition de la structure et de la composition chimique des sols, à la régulation des apports atmosphériques acides, à la fertilité des écosystèmes et au contrôle des toxines dans la biosphère. La zone critique peut être décrite comme un véritable réacteur bio-physico-chimique caractérisé par des mécanismes possédant des constantes de temps, allant de la seconde pour ce qui concerne l’activité bactérienne au million d’années pour ce qui concerne la neutralisation du CO2

atmosphérique par l’altération des silicates ou la néoformation de phases minérales secondaires3.

2 http://criticalzone.org/national/research/the-critical-zone-1national/ 3 http://rnbv.ipgp.fr/?page_id=529

9 Figure 1 : Schématisation de la zone critique

Les processus chimiques qui naissent du contact de la surface des roches avec l’eau ou l’air, ainsi que des activités biologiques qui dépendent des nutriments et de l’énergie au niveau de l’interface (zone critique) dirigent le cycle des éléments chimiques à travers la surface de la Terre. En ce sens, la vie sur terre est dépendante d’une très grande partie des éléments de la classification périodique, mais ces derniers voient leur cycle biogéochimique profondément déséquilibré depuis la poussée démographique et les développements industriels et agricoles. D’ailleurs, la compréhension du fonctionnement de ces processus est reconnue par les spécialistes (géochimistes, pédologues, hydrologistes, géomorphologistes) comme une tâche interdisciplinaire et complexe (Anderson 2008).

La zone critique devient de ce fait un point focal des recherches scientifiques dans le monde entier. Cette appellation, bien que simple, réfère à un ensemble complexe de processus chimiques, biologiques et physiques se combinant à la surface de la Terre, pour créer un réacteur qui transforme la croûte terrestre et la biomasse en un sol (Brantley et al., 2005).

La figure 2 montre les processus chimiques, physiques et biologiques qui définissent l’érosion des sols, et qui sont dirigés par les forces climatiques, anthropiques et tectoniques.

À cet égard, l’érosion des sols est d’une importance majeure. Elle fournit les nutriments essentiels pour le maintien des écosystèmes et de la vie, contrôle les phénomènes de ruissellement,

10 joue un rôle intermédiaire dans la libération et le transport des éléments toxiques dans la biosphère, et crée naturellement des canaux pour l’eau de pluie. Outre ces processus, l’érosion participe aussi à la séquestration ou la libération des gaz à effet de serre. Ceux-ci influencent le changement climatique en générant des aérosols et de la poussière qui fournissent les nutriments pour la terre et l’océan. Tous ces processus ont lieu au sein de la zone critique.

Source : Brantley et al., 2005

Figure 2 : Processus chimiques, physiques et biologiques définissant l’érosion des sols Malheureusement, et au vu de la croissance démographique exponentielle des trois derniers siècles, l’homme a contribué et contribue toujours à modifier irréversiblement cette pellicule de surface, aujourd’hui devenue zone critique. En effet, l’activité humaine produit des déchets agricoles industriels ou urbains, dissémine plusieurs métaux issus de l’activité métallurgique, de l’agronomie ou du transport, contribue à la salinisation des sols dans les régions à agriculture intensive, contribue à perturber le cycle de l’azote et le flux de matière, exploite irréversiblement les ressources naturelles (30 à 50% de la surface terrestre et plus de 50% de l’eau potable), met en compétition les terres cultivées avec la couverture forestière… De nombreux autres exemples mentionnés pas les spécialistes montrent combien souffre cette zone critique (Brantley et al., 2005 ; Gaillardet, 2007).

En 2007, avec la mise en place des CZOs par la NSF, une meilleure vision sur ce sujet s’est dessinée. Ces observatoires ont été établis pour améliorer la connaissance et la compréhension des interactions qui ont lieu dans ces environnements complexes. Leurs objectifs sont de répondre à des questions d’ordre hydrologique, géomorphologique et biogéochimique à la fois.

11 L’hydrologie englobe les phénomènes du mouvement et du renouvellement des eaux, source de vie sur la terre. La géomorphologie a pour objet l’étude, la description et l’explication de l’évolution des formes du relief terrestre. La biogéochimie quant à elle, correspond à la géochimie de la biosphère et s’intéresse aux éléments chimiques et leur relation étroite avec la vie, qu’ils soient en traces ou majeurs, et qu’ils soient indispensables ou toxiques.

En se projetant loin des États-Unis, berceau de ces observatoires, le bassin méditerranéen constitue une zone prioritaire phare actuellement en alerte pour une meilleure gestion de ses ressources (l’eau, le sol et la biodiversité), mais aussi pour la préservation de celles-ci pour les générations futures. Partant de cet objectif, et dans le cadre de la création d’un réseau d’observatoires à l’échelle de la Méditerranée cette fois-ci, différents acteurs de la recherche scientifique française et Libanaise ont mis en place un observatoire de la zone critique entre le Liban et la France en partenariat avec le programme MISTRALS.

Cet observatoire, « O-LIFE », premier en son genre dans la Méditerranée englobe différents laboratoires, universités et instituts de recherches en France et au Liban.

Notre thèse de doctorat s’inscrit dans le cadre de ce projet et repose sur deux axes, piliers indispensables de la zone critique. Le premier, celui de la biogéochimie vise à étudier la distribution des éléments (qu’ils soient majeurs ou en traces) et leurs relations avec la biosphère à l’échelle d’un bassin versant, le bassin de la Rivière Ibrahim. La biogéochimie interagit ici avec le second axe, l’hydrologie, et cherche à prévoir le taux de mobilisation et d’immobilisation des éléments, notamment des éléments majeurs, des nutriments et des polluants métalliques avec la circulation de l’eau dans le bassin.

Et à ce niveau se pose une question essentielle : pourquoi s’intéresser à l’étude biogéochimique des ressources en eau parmi les différents domaines qui se trouvent intimement liés dans le cadre de la zone critique ?

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