• Aucun résultat trouvé

Chapitre I : Synthèse bibliographique

B. Xéno-hormones et récepteur aux oestrogènes

a. Interaction directe avec les récepteurs hormonaux nucléaires : Action génomique des perturbateurs endocriniens

Le mécanisme d’action génomique le plus connu est la liaison du perturbateur endocrinien aux récepteurs nucléaires stéroïdiens (RNs) tel un imposteur (xéno-hormone), modifiant l’expression des gènes comme facteurs de transcription. Après fixation des xéno-hormones, les RNs exercent leurs activités génomiques en tant que facteurs de transcription qui reconnaissent des séquences ADN spécifiques, au niveau de promoteurs de leurs gènes cibles, en activant (effet agoniste) ou en inhibant (effet antagoniste) illégitimement l’expression des gènes.

Parmi ces récepteurs stéroïdiens la majeure partie des PE décrits sont les molécules ayant des effets oestrogéniques et sont capables de mimer l’effet biologique du 17 β œstradiol et de cibler les récepteurs aux oestrogènes (ER) (Wilson et al., 2007; Le et al., 2003).

Les xéno-oestrogènes peuvent aussi illégitimement activer le récepteur nucléaire des oestrogènes. Ils agissent comme l’oestradiol, par une voie classique qui suppose la dimérisation du récepteur alpha (ERα) ou du récepteur béta (ERβ), les deux isoformes du récepteur aux oestrogènes. Ce dimère reconnait les éléments de réponse localisés sur les promoteurs de gènes cibles (figure 5) et induit leur transcription.

Figure 5 : Activation illégitime du récepteur des oestrogènes (d’après Massaad et Barouki, 1999) (RE : récepteur des oestrogènes; ERE : Elément de réponse aux oestrogènes)

Les xéno-hormones peuvent être agonistes, antagonistes ou agoniste/antagoniste. En réalité, leur mécanisme d‘action est mieux compris s’il est comparé à celui d’agents pharmacologiques appelés SERM (Selective Estrogen Receptor Modulator) comme le 4-hydroxythamoxifène ou encore l’éthinyloestradiol présentés tableau 5. D’autres molécules sont des antagonistes pures comme L’ICI 182.780 et l’ICI 164.384 (Wakeling et al., 1991; Zhu et al., 2008), ou présentent les deux modes d’action pour le récepteur aux oestrogènes comme le 4-hydroxythamoxifène.

Tableau 5 : Structures des trois catégories de ligands du récepteur aux oestrogènes humains. Agonistes purs

naturels synthétiques

17β-Estradiol Ethynylestradiol Diethylstilbestrol

Agonistes/Antagonistes mixtes

4-Hydroxytamoxiféne Raloxiféne

Antagonistes purs

La grande majorité des xéno-oestrogènes sont des molécules agonistes et ils ont une meilleure affinité pour le récepteur alpha comme le nonyphénol et ses différents isomères (Arukwe et al., 2002; Gabriel et al., 2008), le cadmium (Nesatyy et al., 2006) et certains colorants alimentaires (Axon et al., 2012) .

Certaines molécules ont une meilleure affinité pour le récepteur béta (ERβ). C’est le cas de phyto-oestrogènes comme la génistéine (chez les mammifères), la biochanine A ou la daidzéine, et la benzophénone. Dans une majorité des cas, les xéno-estrogènes ont une affinité pour les deux récepteurs alpha et béta comme le bisphénol A (Kuiper et al., 1998), les parabènes, les écrans UV (Gomez et al., 2005), le diéthylstilbestrol (DES) (exerçant une fonction agoniste et ayant une affinité importante vis-à-vis des deux isotypes du récepteur aux oestrogènes) ou le glyphosate (Thongprakaisang et al., 2013). Enfin, certaines molécules ont une activité agoniste sur le récepteur alpha (ERα) et antagoniste sur le récepteur béta (ERβ). C’est le cas de pesticides comme le méthoxychlore ou le chlordécone (Le Maire et al., 2010). Ceci illustre le fait que de nombreuses molécules potentiellement retrouvées dans l’environnement peuvent avoir des effets complexes sur le système hormonal.

Mais les mécanismes des perturbateurs endocriniens ne se limitent pas à celui-ci. Ils peuvent également cibler le récepteur de l'hormone de la thyroïde (ThR) (Jagnytsch et al., 2006), des récepteurs glucocorticoïdes (GR) (Neel et al., 2013), des récepteurs de la progestérone (PR) (Scippo et al., 2004), le récepteur de la dioxine et des hydrocarbures aromatiques (AhR) (Jeuken et al., 2003). Ces molécules peuvent aussi cibler le récepteur des androgènes (AR) (récepteur des hormones sexuelles mâles comme la testostérone et son métabolite, la dihydrotestostérone). Ce récepteur est principalement exprimé dans le testicule, il est présent dans la prostate, les glandes surrénales, les reins, le cerveau et l’hypophyse. Le rôle du récepteur AR dans les organes mâles est très similaire à celui des récepteurs ER dans les organes femelles. Les plus puissants agonistes connus sont la testostérone et son métabolite, le DHT (dihydrotestostérone) qui se lient plus fortement aux récepteurs aux androgènes et l’acétate de médroxyprogestérone (MPA) (Okamoto et al., 2012; Bianco-Miotto 2014).

b. Action non génomique des perturbateurs endocriniens

Au-delà de la voie de signalisation classique passant par l’activité nucléaire du récepteur, les perturbateurs endocriniens provoquent des effets moins classiques, par l’intermédiaire de certaines voies de signalisation membranaires (notamment calcium

dépendant) suite à l’activation d’un récepteur membranaire. Plusieurs travaux ont permis d’identifier notamment des récepteurs aux stéroïdes localisés dans la membrane cytoplasmique qui sont identiques aux récepteurs nucléaires car ils sont reconnus par les mêmes anticorps (Powell et al., 2001). Les travaux décrits dans la littérature ont montré que, les stéroïdes ou des xéno-hormones, sont capables d’induire une action non génomique via un second messager après leur fixation sur les récepteurs membranaires ou sur leurs isoformes (Falkenstein et al., 2000). En effet, de nombreuses études ont été réalisées sur l’activité non génomique des xéno-oestrogènes notamment pour expliquer leur rôle dans des disfonctionnements physiologiques, métaboliques et dans des déficits fonctionnels à court terme et à long terme au niveau de la cellule et des tissus (tératogenèse et cancer) (Watson et al., 2007; Watson et al., 2013, Hisamoto et al., 2001 ). Il a été montré, par exemple, que l’œstradiol (E2) peut se lier au récepteur ERα membranaire (identique au récepteur ERα nucléaire) et induire une cascade de protéines kinase qui aboutit à la division cellulaire (Falkenstein et al., 2000; Bulayeva et al 2004; Watson et al., 2005). Il est aussi impliqué dans l’activation de la production d’AMPc et d’IP3 (inositol triphosphate) dans certains tissus (Grove et Korach, 1987; Ignar-Trowbridge et al., 1991; Aronica et al., 1994; McEwen et Alves, 1999). Certains xéno-estrogènes comme le diéthylstilbestrol, le coumestrol, le bisphénol A, ou le nonylphénol, induisent des réponses non génomiques par des voies très diverses qui peuvent, par exemple, conduire à l’activation des voies des MAP kinases (Watson et al., 2007; Watson et al 2010). Un schéma simplifié des voies de signalisation contrôlées par le récepteur des oestrogènes membranaire et cytoplasmique est présenté figure 6.

Ces activités non génomiques sont extrêmement rapides, elles se déroulent dans les minutes qui suivent l’activation du récepteur membranaire et ne sont pas affectées par les inhibiteurs de la transcription ou de la synthèse protéique tels que l’actinomycine D ou le cycloheximide (Jagla, 2007). Cependant ces activités restent ligands dépendantes, étant donné que l’administration d’un ligand antagoniste permet leur inhibition. De telles activités ont été, entre autres, décrites pour le AR (Baron et al., 2004) et le PR (Boonyaratanakornkit et al., 2001 ). Ces effets peuvent d'ailleurs avoir des conséquences sur la régulation de gènes.

Figure 6 : Voies de signalisation des oestrogènes médiées par les récepteurs membranaires et nucléaires. Les voies classiques (I et II) dépendent de l’interaction directe de l’oestrogène avec ER. Les voies non-classiques (III et IV) dépendent l’interaction avec un récepteur non-stéroïdien (III) ou avec un ER (IV) membranaire (Lorenzo et al., 2003)

De la même manière, l’interférence des xéno-hormones dans le métabolisme des hormones peut avoir des effets qui s’additionnent à ceux engendrés par leur activité agoniste ou antagoniste. L’activité de presque toutes les enzymes impliquées dans la stéroïdogenèse peut être modifiée par les xéno-hormones (Whitehead et Rice., 2006). Ce qui altère la concentration des hormones naturelles dans l’organisme et induit un dysfonctionnement du système hormonal.