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Chapitre I : Synthèse bibliographique

C. Xéno-hormones d’origine anthropique

Outre les phyto-oestrogènes et les myco-oestrogènes, les xéno-hormones font référence à des milliers de produits et appartiennent à diverses familles de produits chimiques : les organochlorés, les dioxines; les alkylphénols …. On les retrouve dans les formulations, les solvants, les produits issus du pétrole etc… Ils regroupent des produits de l’industrie chimique (phtalates, bisphénol A, métaux lourds, etc.), des produits phytosanitaires utilisés en agriculture (herbicides, fongicides, insecticides, etc.) et des produits de consommation courante (cosmétiques, conservateurs, produits alimentaires etc…).

1) Xéno-hormones d’origines industrielles

a) Produits chimiques

Les substances synthétiques sont conçues pour une utilisation industrielle en tant que solvants, surfactants ou lubrifiants (ex. nonylphénol ou polychlorobiphényle/PCB), et sont retrouvés dans les plastiques (ex. bisphénol A). D’autres sont utilisées comme pesticides (ex. méthoxychlore, dichlorodiphényltrichloroéthane/DDT, lindane), fongicides (ex. vinclozoline, bénomyl), substances médicamenteuses (ex. flutamide), et produits de consommation courante (ex., cosmétiques, produits d’entretien). Les composés organochlorés sont utilisés comme solvants, pesticides dont les insecticides et les fongicides ou encore comme réfrigérants ou molécules intermédiaires de synthèse en chimie et pharmacie. Les plus connus sont les pesticides (DDT, aldrine, chlordécone, dieldrine, chlordane, heptachlore, endrine,

mirex, chlorobiphényle (BPC), toxaphène, lindane, etc.), les polychlorobiphényles (PCB) et les dioxines qui pour certains ne sont plus utilisés à ce jour (Convention de Stockholm) et d’autres sont interdits en France et en Europe. Quelques structures de ces xéno-hormones sont illustrées (figure 11). En raison de leur caractère lipophile, les organochlorés sont réputés persistants et se concentrent dans les tissus adipeux. Certains d’entre eux perturbent ainsi le système endocrinien. Ces composés font partie des composés organiques persistants (POPs) qui possèdent des temps de demi-vies pouvant atteindre plusieurs décades.

Figure 11 : Quelques exemples de xéno-hormonesd’après le site Internet de la National Library of Medicine 2007

Le mode d’action, de ces molécules, comme perturbateur endocrinien est très varié. Par exemple, les effets oestrogéniques des PCB peuvent se produire suite aux interactions directes avec le récepteur aux oestrogènes (ER) (Fielden et al., 1997; Ma et al., 2000). Le DDT, insecticide longtemps utilisé, est un des perturbateurs endocriniens les plus étudiés (Yang et al., 2006). Son métabolite le 4,4'-Dichlorodiphényldichloroéthane (4,4’-DDE) est un composé anti-androgénique reconnu (Kelce et al 1995).

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques regroupent plusieurs composés, le plus connu étant le Benzo(a)pyrène (BaP). Leur principal mécanisme de toxicité est induit via l’activation du récepteur à la dioxine (récepteur AhR) pouvant indirectement produire des effets endocriniens (Ma et al., 2000).

Les détergents du type éthoxylates d’alkylphénol (EAP) et éthoxylates d’octylphénol (EOP) sont utilisés par l’industrie métallurgique pour dégraisser les surfaces métalliques. Les éthoxylates de nonylphénol (ENP) se retrouvent, quant à eux, dans des produits d’entretien domestique. Après leur utilisation, ces composés biodégradés en station d’épuration engendrent la formation de produits bio-réfractaires comme le nonylphénol (NP) qui est persistant et toxique. Il a été démontré que le nonylphénol et ses dérivés sont des composés induisant une activité oestrogénique en se fixant notamment sur le récepteur ERα (Guenther et al., 2002; Preuss et al., 2006; Bechi et al., 2006; Gabriel et al., 2008). Le NP et ses dérivés sont connus pour s’accumuler dans les espèces aquatiques et entraîner la féminisation des poissons bien qu’il soit 10 000 fois moins oestrogénique de l’oestradiol (Jobling et Sumpter 1995).

Les constituants du plastique comme le bisphénol A et les phtalates peuvent engendrer respectivement des effets oestrogéniques et anti-androgéniques par la liaison au récepteur des oestrogènes et au récepteur des androgènes (vom Saal et al., 2005). Le bisphénol A peut également fixer le récepteur AhR (Bonefeld-Jorgensen et al., 2007, ), et le récepteur des hormones thyroïdiennes (ThR) (Zoeller et al., 2005). Les phatlates interfèrent également avec les voies des androgènes et des oestrogènes. La perturbation des activités androgéniques a été montrée par le développement sexuel anormal des rats exposés aux contaminants et son impact sur la fertilité des hommes (Dalsenter et al., 2006; Latini et al., 2006). De plus, des expériences in vitro ont montré le potentiel anti-androgénique de ces xéno-hormones (Lee et al., 2007).

Certains métaux comme le plomb, le cadmium, l’arsenic, le mercure, le zinc ou le nickel, peuvent induire des perturbations endocriniennes chez l’animal (Iavicoli et al., 2009; Bogdan et al., 2011). A des concentrations non cytotoxiques (comprises entre 2 et 225 µg/l) l’arsenic inhibe l’effet de l’oestradiol dans les cellules MCF7. De même, le mercure encore employé en technique dentaire peut avoir une action de perturbation qui induirait un dérèglement de plusieurs glandes, des ovaires et des testicules provoquant des troubles de l’immunité, des troubles de la reproduction et un accroissement des cancers du sein (Tan et al., 2009; Wirth et al., 2010). A des concentrations de l’ordre du nanogramme par millilitre, le cadmium interfère avec la synthèse des oestrogènes, des androgènes et de la progestérone (Massanyiet al., 2000; Takiguchi et Yoshihara, 2006).

b) Colorants

Les colorants sont impliqués dans un grand éventail de domaines : industrie textile, imprimerie, industrie pharmaceutique, cosmétique et agro-alimentaire. L’industrie des colorants constitue aujourd’hui un secteur important de la chimie : la production mondiale est estimée à plus de 800.000 tonnes par an dont 140.000 tonnes s’échappent dans les effluents au cours des différentes étapes d’application et de confection (Cooper, 1995; Zollinger, 1987). Parmi les nombreuses familles de colorants synthétiques, les colorants azoïques sont les plus largement utilisés (60 à 70 %). Ces colorants possèdent une ou plusieurs liaisons azoïques (R1-N=-R2) en association avec un ou plusieurs groupements aromatiques, ce qui les rend très stables et relativement peu biodégradables. De nombreuses études ont montré, d’autre part, des effets toxiques et/ou carcinogènes des colorants azoïques (Mathur et Bhatnagar 2007; Schneider et al., 2004). Dans le cas des colorants azoïques, l'augmentation de l'incidence du cancer de la vessie, observée chez les travailleurs de l'industrie textile, a été liée à une exposition prolongée à ces colorants. Un rapport d'experts du « Comité Cosmetic Ingredient Review » a confirmé que certains colorants d'anthraquinone, comme le Disperse Blue 7, utilisé dans l'industrie cosmétique comme colorant pour cheveux et dans l’industrie textile, induisent de la génotoxicité chez les bactéries (Final report on the safety assessment of disperse blue 7, 2007). De même il a été montré que des rejets d’industrie de peinture avaient une activité dioxine like (AhR) et cette activité a été corrélée à la présence de colorants spécifiques (Chouet al., 2007). D’un point de vue environnemental, les activités oestrogéniques n’ont pas été décrites pour les colorants textiles. Les impacts sur le système endocrinien, que pourraient avoir ces composés, ont été observés pour le résorcinol, un antiseptique utilisé pour produire des colorants comme le bleu de résorcine, le vert de résorcine, utilisés pour le tannage ou le textile (Lam et al., 2013). En revanche, des études ont décrit des effets oestrogéniques dues à la présence de colorants alimentaires. La tartazine (E102) ou l’érythrosine (E127) affectent la réponse du récepteur aux oestrogènes (ER) en se fixant sur l’élément de reconnaissance oestrogénique (ERE) dans les cellules HTB 133 (cellules hepitéliales de glande mammaire). Ces résultats sont confirmés par le bioessais E-screen (Roychoudhury et Giri 1989; Lundin-Schiller 2008).

2) Produits de consommation courante et d’hygiène corporelle, les parabènes Parmi les produits de soin corporel et d’hygiène (PPSP pour produits pharmaceutiques et de soins personnels), on retrouve des produits pharmaceutiques, des antibiotiques et des produits de soins personnels (comme les parfums synthétiques à base de musc) mais aussi

certains conservateurs comme les parabènes. Les médicaments excrétés par les humains et les stéroïdes déjectés par les animaux d’élevage représentent d’autres sources de perturbateurs endocriniens retrouvés dans l’eau. Des études récentes ont montré que le paracétamol et les anti inflammatoires perturbent le système endocrinien (Vanderford et al., 2003 et 2006, Westerhoff et al., 2005; Albert et al., 2013). Certains analgésiques ont des effets anti-androgéniques chez le fœtus du rat et chez l’homme (Mazaud-Guittot et al., 2013; Kristensen et al., 2011).

Les parabènes sont des esters de l’acide parahydroxybenzoïque ou encore des parahydroxybenzoate d'alkyles dont le groupement alkyle, peut être un radical méthyl, éthyl, propyl, butyl, isobutyl ou benzyl. En général, les parabènes sont des composées stables qui résistent à l’hydrolyse en solution acide (Soni et al., 2005; Eriksson et al., 2009). La concentration en parabène admise dans les cosmétiques peut atteindre 1 % (Tavares et al., 2009). Cependant la Directive Européenne 76/768/EC autorise une concentration maximale dans les produits cosmétiques de 0,4 % pour un seul ester et 0,8 % (en masse) pour un mélange d’esters.

En raison de leurs propriétés antibactérienne et antifongique, les parabènes sont employés comme conservateurs, en particulier dans les produits cosmétiques et certaines spécialités pharmaceutiques (Jonkers et al., 2009; Elder, 1984). Une enquête, récente, réalisée en Espagne sur 215 produits cosmétiques a montré que les parabènes sont utilisés dans 99 % des crèmes et des lotions, et 77 % des démaquillants (Tavares et al., 2009). Ils peuvent également être présents dans les dentifrices (Benijts et al., 2004). Dès 1998, des études in vitro, s’intéressant aux mécanismes d’action de ces composés, ont mis en évidence la capacité des parabènes à se lier au récepteur oestrogénique. Cette activité oestrogénique serait fonction de la longueur des chaînes alkyles (méthyl, éthyl, propyl, butyl) (Routledge et al., 1998; Bazin et al., 2010). Des essais réalisés sur des cellules MCF‐7 (lignée de cellules tumorales mammaires), ont démontré l’effet oestrogénique additif entre les parabènes et le 17β‐ oestradiol (Van Meeuwen et al., 2008). Une activité anti-androgénique a également été observée in vitro avec les méthyl, propyl et butyl parabènes. En effet, à partir d’une concentration de 10 μM, ils sont capables d’inhiber l’activité transcriptionnelle induite par la testostérone respectivement de 40 %, 33 %, et 19 % (Chen et al., 2007). Enfin, les parabènes pourraient exercer une activité «indirecte» de perturbation sur le système endocrinien par

l’inhibition des sulfotransférases, enzymes nécessaires à la régulation de l’action des oestrogènes in vivo.

V. Evaluation des altérations des écosystèmes en lien avec la

présence des perturbateurs endocriniens

Les évidences sont nombreuses en matière d’écotoxicologie et d’impact sur la faune principalement aquatique. En effet, de nombreuses études ont montré un lien entre la présence de polluants, induisant des effets du système endocrinien (notamment des effets sur la régulation des hormones stéroïdiennes), et des anomalies survenues sur la reproduction et le développement de certaines populations comme observé chez les alligators, les gastéropodes ou certains poissons (Toppari et al., 1996).