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WNK4 et PP1 font toutes deux partie d’une voie de signalisation commune

Chapitre 6 : DISCUSSION, CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

6.1.3 WNK4 et PP1 font toutes deux partie d’une voie de signalisation commune

liaisons à PP1 sur WNK4 qui seraient vraisemblablement responsables de l’interaction entre les deux enzymes et permettraient ainsi à PP1 d’agir sur la kinase [95]. Ces sites incluent un motif d’interaction (R/K)(X)(V)X(F/W) qui est aussi présent sur plusieurs autres protéines inhibitrices telles GADD34 (Ppp1r15a) et PTG (Ppp1r3c), deux sous- unités régulatrices de PP1 [135]. Cette séquence n’est pas identique pour toutes les sous- unités régulatrices, mais elle est toujours composée de deux acides aminés hydrophobes qui sont séparés par un acide aminé variable. Même si la valine et la phénylalanine sont les acides aminés les plus importants pour l’interaction avec la sous-unité catalytique, ils peuvent être substitués par l’isoleucine et le tryptophane, respectivement. La séquence consensus est donc Arg/Lys-Arg/Lys-Val/Ile-Xaa-Phe/Trp [136].

Basé sur leurs résultats, Lin et al. ont proposé un modèle selon lequel PP1 permet à WNK4 de maintenir sont effet inhibiteur sur ROMK en déphosphorylant le résidu S1196 et en prévenant ainsi la phosphorylation de ce même résidu par SGK1, ce qui aurait comme effet de diminuer l’activité de WNK4 et donc d’augmenter celle de ROMK. Même s’il est

très intéressant, ce modèle évoque un scénario inhabituel où une protéine avec un motif (R/K)(X)(V)X(F/W) est régulée par PP1 alors que c’est la PP1 qui est normalement régulée par une protéine portant ce motif [130, 135]. Toutefois, cette hypothèse est plausible puisque ce motif est aussi présent sur plusieurs protéines capables de lier PP1, mais qui n’agissent pas à titre de sous-unités régulatrices. D’ailleurs, la liaison d’une protéine sur PP1 via le motif (R/K)(X)(V)X(F/W) n’induit pas de modification de l’activité catalytique de la phosphatase [137].

Au cours de mon doctorat, nous avons étudié le rôle des motifs (R/K)(X)(V)X(F/W) présents à l'intérieur de WNK4 dans la régulation de KCC4. Plus spécifiquement, nous avons observé que ces motifs, dont le rôle supposé était de servir de sites de liaison pour PP1 pour modifier l'activité de la kinase WNK4, permettaient plutôt la régulation de la phosphatase et de KCC4 en aval. Deux observations expliquent pourquoi ce n'est pas en agissant sur WNK4 que PP1 modifierait l'activité de KCC4. D'abord, l’activité de KCC4 en présence de la PP1 endogène et de WNK4(D318A) est inhibée en présence de calyculine A. De fait, si WNK4 jouait son rôle en aval de PP1, la calyculine A aurait dû n’avoir aucun effet, étant donné que la kinase ne possède pas d’activité catalytique et que cette dernière est essentielle pour exercer un effet inhibiteur sur KCC4. Ensuite, l’activité de KCC4 n’a pas été inhibée non plus, ne serait-ce que partiellement, en présence de Wnk4(KXVTF1/KXVTF2), un mutant incapable de lier PP1, mais possédant toujours une activité kinase. Il semblerait donc que l’interaction entre PP1 et WNK4 soit nécessaire pour observer une inhibition de KCC4 par WNK4.

Par ailleurs, une étude de Delpire et al., parue en 2010, montre l’implication de PP1 dans la régulation de NKCC1. Dans cette étude, les auteurs proposent que PP1 inhibe NKCC1 de trois façons. Premièrement, PP1 déphosphorylerait NKCC1 en interagissant directement avec le transporteur via le motif (R/K)(X)(V)X(F/W) présent sur ce dernier. Le second passerait par la déphosphorylation et par l’inactivation de SPAK, un activateur de NKCC1, et le dernier est dit non-définit, car il ne nécessite pas l’activité catalytique de PP1 ni sa liaison avec NKCC1. Il s’agit donc ici d’une étude qui montre l’implication directe de PP1 dans la régulation d’un membre de la famille des CCC. Par contre, pour effectuer leurs études, les auteurs on utilisé le système d’expression des ovocytes de Xenopus laevis dans

lequel ils ont surexprimé non seulement NKCC1, mais aussi la sous-unité catalytique PP1α [138]. Cette approche paraît discutable à première vue puisque ce sont les sous-unités régulatrices qui sont responsables de la spécificité de PP1. Ainsi, l’effet de PP1α sur NKCC1 pourrait être non-spécifique.

Tel que mentionné, l’activation de KCC4 par l’augmentation du volume cellulaire semble impliquer d’autres kinases en plus de WNK4. Même si le but de nos études n’était pas de les identifier toutes, quelques candidates peuvent tout de même être considérées. Entre autres, ces candidates pourraient inclure d'autres membres de la famille des WNK qui possèdent tous la capacité de réguler le cotransport K+-Cl- est sont tous capables d'interagir entres-eux [60, 73, 83, 139]. Une autre candidate potentielle inclurait la PKC-ζ, une kinase atypique [140, 141] insensible à la staurosporine, mais sensible au PMA, puisque que l’activation de KCC4 par le gonflement cellulaire n’est pas affectée par la staurosporine (voir figure 4-5) mais est inhibée par le PMA [59]. D’autres études seront nécessaires pour déterminer à quelle étape de la cascade de régulation pourraient intervenir ces enzymes. Aussi, une étude antérieure de notre laboratoire a montré que l’effet de l’augmentation du volume cellulaire sur KCC4 n’est pas causé par une interaction directe d’une phosphatase sensible à la calyculine A avec le transporteur [59].

De cette même étude antérieure découlent par ailleurs d’autres résultats intéressants concernant la phosphorégulation de KCC4. En premier lieu, les données obtenues ont permis de constater que le système d’expression hétérologue des ovocytes de Xenopus

laevis est un bon modèle pour étudier la phosphorégulation des cotransporteurs cation-Cl-, et ce, grâce à l’utilisation de NKCC1 à titre de contrôle. Effectivement, les modifications du niveau de phosphorylation de NKCC1 suite à des variations de volume cellulaire concordaient avec celles obtenues avec d’autres systèmes d’expressions. Les données ont aussi permis de constater que le niveau de phosphorylation augmentait suite à une diminution du Cl-i, qu’il demeurait inchangé en présence de calyculine A et de PMA, et qui ne diminuait pas suite à une augmentation du volume cellulaire [59].

En ce qui concerne nos résultats, nous avons montré que le niveau de phosphorylation de KCC4 demeurait inchangé en présence de calyculine A, de WNK4, de WNK4 ou de WNK4 . Ceci suggère donc que ni WNK4 ou PP1

n’agissent sur KCC4 en modifiant son niveau de phosphorylation d’ensemble. Une autre hypothèse qui pouvait expliquer comment WNK4 régule KCC4 était que la kinase modifie la capacité de KCC4 à former des homo-oliogomères. Par contre les résultats présentés dans la figure 5-3 montrent que cette hypothèse ne tient pas la route.

6.1.4 Identification de deux résidus importants dans la régulation de KCC4

L'une des trouvailles significatives de cette étude a été l’identification de deux résidus (T926 et T980) sur KCC4 qui participent à l’effet inhibiteur de WNK4 et de la calyculine A sur le transporteur suite à son activation par le gonflement cellulaire. De plus, la mutation de ces résidus en acides aminés non-phosphorylables provoque des modifications majeures dans l’activité du transporteur et dans sa régulation par le volume cellulaire.

Les résidus en question avaient déjà été identifiés par Lifton et al comme étant des sites phosphorégulateurs chez les KCC. Ce groupe a utilisé une méthode qui permet d’obtenir des lysats protéiques enrichis de phosphopeptides, ce qui a conduit à l’identification de deux sites dans KCC3 qui sont déphosphorylés en condition hypotonique. Il s’agit des résidus T991 et T1048 qui sont homologues aux résidus T926 et T980 chez KCC4. Par la suite, des études de mutagénèses ont montré que le résidu T991 était la cible principale des phosphatases inhibées par la calyculine A et que les résidus T991 et T1048 étaient les seuls sites phosphorégulateurs présents dans la protéine. Effectivement, le double mutant en condition isotonique ne présentait pas une activité supérieure à celle observée en condition hypotonique, et des anticorps phosphospécifiques ont permis de montrer que les résidus T926 et T980 pouvaient être déphosphorylés par un mélange de PP1/PP2A [60].

Il est important de rajouter qu’une étude récente de Melo et al. a montré que la S96 présente dans le domaine N-terminal de KCC3 était déphosphorylée en condition hypotonique. Selon cette étude, l’approche utilisée par Lifton et al. ne semble pas avoir permis d’identifier tous les sites régulateurs et leurs conclusions étaient inexactes. En même temps, la mutation du résidu S96 dans l’étude de Melo et al. n’a eu aucun impact sur la fonction du transporteur, laissant supposer que ce résidu ne joue pas un rôle régulateur in

vivo [142]. Par ailleurs, les résidus T926 et T980 ou leurs homologues sont situés dans la partie C-terminale du transporteur, dont l’intégrité est primordiale pour le bon fonctionnement de KCC4 et des autres membres de la famille. Entre autres, il semble que ce domaine soit impliqué dans l’oligomérisation des KCC et leur régulation par les changements de volume cellulaire [35]. La partie distale du C-terminus jouerait un rôle particulièrement important à ce chapitre [143]. Il est possible que plusieurs des effets observés soient causés par des changements allostériques qui n’ont pas de lien avec l’état de phosphorylation des résidus.

Dans nos études, la mutation T926A cause une hyperactivation de KCC4 qui devient que légèrement sensible à WNK4 et insensible au gonflement cellulaire et à la calyculine A. Ici, le mutant T926A adopte le même comportement que son homologue chez KCC3 (le mutant T991A) quant à sa sensibilité à la calyculine A, mais un comportement différent quant à sa sensibilité au volume cellulaire, l’activité du mutant T991A étant augmentée en condition hypotonique. La mutation T980A, de son côté, provoque seulement une légère activation de KCC4 qui devient insensible à WNK4 et légèrement sensible à la calyculine A et au changement de volume cellulaire. Ici, le comportement du mutant T980A ne reproduit pas celui observé chez son homologue KCC3. Effectivement, le mutant T1048A est fortement inhibé par la calyculine A et est sensible à l’augmentation du volume cellulaire. Le double mutant KCC4 (T926A/T980A) possède majoritairement les caractéristiques du mutant T926A, tandis que le double mutant KCC3 se comporte comme une protéine ayant des propriétés uniques par rapport aux mutants T991A ou T1048A, c’est-à-dire, comme étant insensible au volume cellulaire et à la calyculine A et comme ayant une activité en condition isotonique qui est de beaucoup supérieure à celle des simples mutants [60].

Les différences observées entre nos résultats et ceux obtenus par Lifton et al. peuvent s’expliquer de plusieurs façons. Premièrement, Lifton et al. ont utilisé les cellules HEK-293 comme système d’expression tandis que nous avons utilisé les ovocytes de

Xenopus laevis. De fait, il n’est pas rare qu’une protéine se comporte un peu différemment

selon le système d’expression exploité. Par exemple, Lifton et al. ont observé que le double mutant KCC3 ne répondait pas à une augmentation du volume cellulaire dans les HEK-293 [60], tandis que Melo et al. ont observé l’inverse dans les ovocytes [142]. Deuxièmement,

KCC3 et KCC4 demeurent des protéines différentes malgré le niveau élevé d’homologie partagée, faisant que ces transporteurs peuvent avoir des mécanismes de régulation spécifiques et des comportements différents suite à la mutation de résidus homologues. Par exemple, la régulation du transporteur par les WNK ferait intervenir SPAK pour KCC3 et non pour KCC4 [90, 109]. De plus, KCC4 possède des propriétés uniques qui le distingue de tous les autres KCC telles qu’une activité augmentée en condition acide [51] et une sensibilité beaucoup plus faible au furosémide [19].

Bien que le mécanisme par lequel PP1 et WNK4 permettent l’activation de KCC4 durant l’augmentation du volume cellulaire n’est pas été résolue par notre approche expérimentale, certains de nos résultats ainsi que des études antérieures, nous laisse croire qu’il y aurait un autre intermédiaire signalétique d’impliqué en aval de PP1 et que cet intermédiaire pourrait phosphoryler les résidus T926 et T980 dans le but d’inactiver le transporteur. Néanmoins, deux évidences découlant de nos travaux suggèrent que ce n’est pas par un changement de phosphorylation du transporteur que WNK4 ou PP1 exercent leur effet. Premièrement, le niveau de phosphorylation de KCC4 demeure inchangé en présence de calyculine A et deuxièmement, il est aussi similaire lorsqu’il est exprimé avec WNK4.

Le fait que KCC4(T926A) ait une activité de transport hors gamme, c'est-à-dire qu’il est ~10 fois plus actif que KCC4(wt) en condition hypotonique, est remarquable en soi. En effet, si le résidu T926 correspond à un site qui est phosphorylé en condition isotonique et déphosphorylé en condition hypotonique, cela impliquerait que seulement une fraction du KCC4(wt) ciblé par l’enzyme régulatrice serait déphosphorylée sur ce site en condition hypotonique, sinon son activité s’approcherait de celle du mutant. Or, comme un site phosphoaccepteur se lie normalement à une seule molécule de PO4, il faudrait concevoir un système où plusieurs des KCC4 présents à la membrane échapperaient à l’action de l’enzyme déphosphorylante parce que le site T926 est inaccessible. Bien que cette possibilité ne soit pas exclue, elle apparaît contre-intuitive et difficile à prouver.

À la lumière de ces résultats, on doit donc songer à la possibilité que la mutation T926A induise un changement de conformation de la protéine. À cet effet, une étude récente dans notre laboratoire à montré qu’une chimère de KCC4 sur laquelle on a remplacé la

partie distale du C-terminus par celle de KCC2, partie ou se trouve aussi les résidus T926 et T980, a une activité plus élevée que le KCC4(wt) [143].

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