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Vue d’ensemble de la thèse

L’objectif de cette thèse est de fournir des éléments de réponses aux deux problématiques que nous avons exposées dans le paragraphe précédent. Nous présentons dans les paragraphes qui suivent une vue d’ensemble de notre thèse.

Le premier chapitre de la thèse présente une analyse des éléments empiriques nécessaires pour comprendre l’organisation des paiements par carte en France et en Europe. Ce chapitre s’articule autour de trois articles, qui permettent d’analyser à partir

d’exemples empiriques français et européens le fonctionnement de l’industrie des paiements par carte. Le premier article, qui s’intitule « La détention et l’usage des instruments de paiement en France » , dresse un panorama des comportements de paiement des Français à partir d’une base de données originale, construite en 2005 à partir d’un échantillon d’individus représentatifs de la population française. Cet article nous permet de constater l’importance de la détention et de l’usage des cartes de paiement en France. Nous proposons des statistiques descriptives qui fournissent de premières indications sur les comportements de paiement des individus. Nous montrons que les choix des individus en matière de détention et d’usage des instruments de paiement dépendent de leurs caractéristiques individuelles (revenu, diplôme, âge….) et des propriétés de la transaction (montant, type de commerce…). Dans le second article, intitulé « L’économie des cartes de paiement en France », nous étudions plus particulièrement l’organisation des paiements par carte en France. Cet article descriptif nous permet de dresser une photographie de l’offre de cartes de paiement en France. Enfin, le troisième article, intitulé « Payment Card Systems in Europe : Convergence or Disappearance ? », nous permet de comparer le cas français à celui des autres pays européens. Nous présentons en détail le projet de construction d’un espace européen unique pour les paiements, le SEPA. Ce projet est à l’origine de nombreux travaux économiques pour tenter de mieux cerner l’industrie des paiements, ainsi que les éléments qui justifient ou qui vont à l’encontre de l’intervention d’un régulateur dans ce secteur.

Le second chapitre de la thèse présente une revue de la littérature sur les interchanges des systèmes de paiement par carte. Dans un article qui s’intitule « Interchange

Fees in Payment Card Systems : a Review of the literature », nous construisons un cadre général qui permet d’exposer et de démontrer les principaux résultats de cette littérature. Nous retenons comme enseignement principal que les interchanges permettent de corriger l’externalité d’usage exercée par les consommateurs sur les commerçants, lorsqu’ils ne choisissent pas d’utiliser leur

carte de paiement, alors que la transaction était socialement efficace33. L’efficacité du mécanisme

de correction induit par les interchanges dépend de la nature de la concurrence entre les banques, de la concurrence entre les commerçants, ainsi que des hypothèses relatives à la formalisation d’une concurrence entre plates-formes.

Le troisième chapitre de la thèse est consacré au rôle joué par les interchanges dans les stratégies d’investissement des acteurs des systèmes de paiement par carte. Ce

chapitre s’organise autour de deux articles qui permettent de répondre à chacune des deux problématiques que nous avons soulevées. Les titres des deux articles sont les suivants :

 « Interchange fees and incentives to invest in quality of a payment card system ».  « Private cards and the by-pass of payment systems by merchants ».

Le premier article s’intéresse aux relations entre les interchanges et les investissements des banques. Nous supposons que les banques émettrices et acquéreurs

peuvent réaliser des investissements qui ont un impact sur la qualité de service fourni par le système de paiement. La qualité du service de paiement (niveau de sécurité, vitesse de règlement de la transaction, informations etc…) est donc considérée dans notre modèle comme un bien public, dont l’amélioration dépend des investissements effectués par chacune des banques. Les consommateurs et les commerçants reçoivent un bénéfice marginal différent lié à la qualité du service, parce que leurs besoins ne sont pas identiques. En effet, les porteurs peuvent être par exemple très sensibles au risque d’usurpation d’identité, tandis que les commerçants seront très intéressés par la fourniture d’une garantie associée au service de paiement.

Nos résultats sont les suivants. Si la qualité du service est exogène, nous montrons que l’interchange optimal choisi par la plate-forme de paiement dépend du niveau de la qualité du service fourni. Nous étudions ensuite une situation dans laquelle les banques décident de leurs contributions aux investissements après le choix de l'interchange par le système de paiement. Le principal résultat de notre modèle est de montrer que les systèmes de paiement par carte peuvent avoir intérêt à diminuer le niveau de l’interchange pour stimuler les investissements des banques acquéreurs. Nous discutons aussi dans ce modèle de l’importance du choix d’une structure tarifaire adéquate pour les interchanges. En effet, si les banques ont la possibilité d’investir pour

33Une transaction est dite socialement efficace quand la somme des bénéfices obtenus par les consommateurs et les

commerçants lorsque la carte est utilisée (plutôt qu’un autre instrument de paiement) est supérieure à la somme des coûts liée à cette même transaction.

améliorer la qualité de service fourni aux utilisateurs, le système de paiement a intérêt à choisir un tarif binôme plutôt qu’un interchange payé à chaque transaction.

Le second article étudie l’influence des interchanges sur les incitations des commerçants à contourner la plate-forme de paiement pour émettre des cartes privatives.

Si le commerçant émet des cartes privatives, nous montrons que ce dernier pratique une tarification très agressive pour cet instrument de paiement. En effet, le commerçant est actif sur deux marchés : le marché des produits et le marché des transactions de paiement par carte. Ses incitations sur ces deux marchés le conduisent à pratiquer un prix plus faible que celui choisi par l’émetteur. En outre, il préfère encourager les consommateurs qui payent en espèces chez lui à régler par carte privative, car cela lui rapporte un bénéfice supérieur. Par ailleurs, sur le marché des produits, le commerçant attire les consommateurs de son concurrent en proposant des coûts de transaction réduits.

Le principal résultat de notre modèle est le suivant. Nous montrons que l’effet des interchanges sur les incitations des commerçants à investir pour émettre des cartes privatives dépend de la structure de marché. Ainsi, lorsque la banque émettrice et la banque acquéreur sont des monopoles, la plate-forme de paiement peut être amenée à diminuer le niveau de l’interchange pour dissuader les investissements du commerçant. Si les incitations à émettre des cartes privatives deviennent plus faibles quand l’interchange augmente, la plate-forme de paiement ne peut pas augmenter son interchange pour dissuader l’entrée, à cause de la contrainte de positivité des profits de l’acquéreur.

Le quatrième chapitre de la thèse est consacré aux liens entre les interchanges et les mécanismes de substitution entre la carte et les espèces. Ce chapitre comprend un

article, qui s’intitule “Optimal interchange fees for card payments and cash withdrawals”.

L’originalité de notre travail consiste à proposer un modèle qui tient compte du fait que les cartes de paiement servent souvent aux consommateurs à effectuer des retraits d’espèces dans les distributeurs automatiques de billets. Or, dans la littérature, les activités de paiements et de retraits par carte sont toujours modélisées de façon séparée. Dans notre modèle, les réseaux des distributeurs automatiques de billets sont compatibles et la banque du porteur verse un interchange « retrait » à chaque fois que le consommateur effectue une transaction de retrait dans un distributeur de billets de son concurrent. Le segment acquisition est supposé parfaitement concurrentiel. Par ailleurs, nous utilisons un cadre dans lequel les consommateurs choisissent leur

instrument de paiement en fonction du montant de la transaction. Les cartes sont utilisées pour les transactions de montants plus élevés, tandis que les espèces sont utilisées pour les transactions de faible montant.

Dans ce modèle, l’existence de transactions de retraits déplacés adoucit la concurrence sur le marché des dépôts. En effet, les banques arbitrent entre les revenus obtenus en affiliant des consommateurs, et les revenus obtenus lorsque les consommateurs du concurrent effectuent des retraits déplacés.

Deux cas peuvent être distingués en fonction des asymétries des réseaux de distributeurs automatiques de billets. Si les banques sont parfaitement symétriques, la plate-forme de paiement choisit l’interchange de monopole sur les retraits et un interchange égal à zéro pour les paiements par carte. En effet, un interchange plus faible pour les paiements par carte adoucit la concurrence sur le marché des dépôts, car il fait augmenter le volume de transactions de retraits déplacés effectués par les consommateurs. Lorsque les banques sont parfaitement symétriques, leurs objectifs sont identiques. Puisqu’elles obtiennent la moitié du marché des dépôts, elles cherchent à extraire le maximum de surplus des consommateurs sur les transactions de retraits déplacés. La plate-forme choisit donc un interchange « retrait » égal au prix de monopole.

Si les banques sont asymétriques, leurs objectifs ne sont plus parfaitement identiques. En effet, les comportements de paiement de leurs consommateurs sont différents. La banque dont le taux de retraits déplacés est le plus élevé a intérêt à favoriser les paiements par carte au moyen d’un interchange paiement plus élevé, et à ce que l’interchange sur les retraits déplacés soit relativement faible. Par conséquent, la plate-forme de paiement choisit des niveaux d’interchanges qui permettent de réaliser un arbitrage entre :

i. Les élasticités des parts de marché aux interchanges sur le marché des dépôts. ii. Les revenus obtenus par les banques sur les transactions de retraits déplacés.

Dans les deux cas que nous étudions, nous montrons que l’interchange sur les paiements par carte est trop faible du point de vue du bien-être social, tandis que l’interchange sur les retraits est trop élevé. Une plate-forme qui gère à la fois des transactions de paiement par carte et des transactions de retrait est donc amenée à choisir parfois un interchange « paiement » trop faible. Ce résultat montre que la prise en compte des retraits d’espèces influence le niveau des interchanges obtenus sur les paiements. Il est donc important de tenir compte de l’approvisionnement en espèces dans la modélisation des systèmes de paiement par carte.